l'équitation et le cheval ernest molier

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Page 1: L'équitation et le cheval Ernest Molier

Source gallica.bnf.fr / Château-Musée de Saumur

L'équitation et le cheval

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Molier, Ernest (18..-1933). L'équitation et le cheval. 1911.

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SPORTS BIBLIOTHÈQUEL'ÉQOITATION

etLtCHEVAL

Par MüLlER

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L'ÉQU ITATIONET LE CHEVAL

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SPORTS-BIBLIOTHÈQUE

OUVRAGES DÉJÀ PARUS

LE FOOTBALL, par CH. GONDOUIN et JORDAN.

LA BOXE, par WILLIE LEWIS, JOE JEANNETTE, CHARLEMONT, etc.LE GOLF, par ARNADD MASSY.

LES SPORTS D'HIVER, par L. MAGNUS et R. DE LA FREGEO-LIÈRE.

LES COURSES A PIED ET LES CONCOURS ATHLÉ-TIQUES, par DE FLEURAC, FAILLIOT, SPITZER, ANDRÉ.

L'ESCRIME, par JEAN JOSEPH-RENAUD.

L'AUTOMOBILE, par H. PETIT et MEYAN.

LA CHASSE A TIR, par CUNISSET-CARNOT

PR O CHAINEMENT

LES SPORTS DE DÉFENSE,appliqués aux combats sérieux,par JEAN JOSEPH-RENAUD.

LES COURSESDE CHEVAUX,par SAINT-GEORGES.

LE YACHTING, par CLERCRAMPAL, FOREST, etc.

LE CYCLISME, par MARCEL VIOL-LETTE, PETIT-BRETON,ELLEGAARD.

LA NATATION ET LE RO-WING, par JARVIS, LEINet G. LE ROY.

LA CHASSE A COURRE, par leCAPITAINE DE MAROLLES.

LE TIR,par le ComteD'ALINCOURT,COMMANDANT FERRUS, COM-

MANDANT CHAUCHAT, CRE-QUI DE MONTFORT, etc.

LES EXERCICES PHYSI-QUES, par BONNES, MAS-POLI, PIERRE PAYSSE.

LA LUTTE, par PAUL PONS, AKI-TARO-ONO, BLAZE.

LA CONDUITE EN GUIDES,par le Comte POTOCKI.

HOCKEY, TENNIS, BOW-LING, BALLES ETBOULES, par CRIVELLI.GERMONT, DE FLEURAC.

LA PÊCHE, par CUNISSET-CARNOT.

L'AÉRONAUTIQUE,par le COM-

MANDANT VOYER, le CAPITAINEDO, etc.

L'ALPINISME, par GEORGES CA-SELLA.

ANIMAUX DE SPORTS ETDE COMBAT, par JACQUESBOULENGER.

Il paraît un volume par mois.

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SPORTS-BIBLIOTHÈQUE

L'ÉQUITATIONET LE CHEVAL

PAR

E. MOLIER

PRÉFACE DE PAUL BOURGET

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

OUVRAGE ORNÉ DE 43 PAGES D'ILLUS-TRATIONS PHOTOGRAPHIQUES

HORS TEXTE

PIERRE LAFITTE & Cie

90, AVENUE DES CHAMPS-ÉLYSÉES

PARIS

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Tous droits de traduction et de repro-duction réservés pour tous pays.

Copyright, by PIERRE LAFITTE et Cie, 1911.

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L'ÉQUITATION ET LE CHEVAL

TABLE DES MATIÈRES

Préface de Paul Bourget, de l'Académie française XIIIAVANT-PROPOS XVIIL'ÉQUITATION ET LE CHEVAL DE SELLE 1

Historique 1

Xénophon 2Les Romains 3Cavaliers barbares 4La chevalerie 4Les tournois 5Les écrivains Fiaschi, Grison, etc., etc 6L'école française Pluvinel 8Le grand siècle 9Le XVIIIe siècle. Robichon de la Guérinière 9L'école de Versailles 11L'Empire 12Restauration 12Second Empire. Baucher 13

LE CHEVAL 17Son origine. Son caractère. Ses qualités. Ses défauts ...... 17

Intelligence et mémoire 23L'atavisme 27

Description détaillée du cheval 29La tête 31L'oreille 31Le toupet 32Les yeux 32Le chanfrein........................ 32

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Les naseaux 32La bouche 33Les dents : .. 34La ganache 37La langue 37L'encolure 38Le garrot 39Le rein 40La croupe 41La queue 42Le poitrail 43Le passage des sangles 43Le ventre 44Les côtes 44Le flanc 45Membres antérieurs 45Bras et avant-bras 46Le genou 46Le canon 48Le boulet 48Le paturon 48La couronne 49Le pied 49L'arrière-main 51Le jarret SI

Le beau cheval de selle 53Les robes 60

Vices, tics et mauvaises habitudes 63Le tic à la mangeoire 63Tic de l'ours 64Le piaffeur dans la stalle 64Chevaux qui grattent et tapent 65Chevaux qui se grattent la queue 65Chevaux qui se couchent en vache 65Chevaux laissant pendre la langue 66Chevaux qui se mettent les pieds de derrière l'un sur l'autre

.66

Tirer au renard 66

Tares physiques 67Morve ou farcin 67De la boiterie 68Cécité et cheval borgne .................. 69

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Engorgement des jambes 70Chevaux qui se touchent les boulets en marchant 70Effort de boulet 70Cheval couronné 71Crevasses et prises de longe 71La fourbure 72Le cornage 73La fluxion périodique 73Le vertigo 75L'immobilité 75Les tares du pied 76Les tares des jambes 78

Supercheries employées par les maquignons pour vendre des che-vaux tarés ou vicieux 83

L'âge 83Eparvin sec 85Les pieds 85Les yeux 85Chevaux peureux 85Cheval rueur 86Bouche malade 86

LE DRESSAGE 87

Dressage. Allures. Défense 87Des défenses 92La pointe 95La ruade 98Le reculer 101Le coup de pied en vache 101Le cheval qui s'emporte .. 102Le mors aux dents 102L'« immobilité » 103L'encensement 104Châtiments et récompenses..- ........ 105Le saut 108

EQUITATION 113

Considérations générales 113Equitation élémentaire 123

Le montoir 123La position du cavalier.................. 124La selle......................... 127

Page 18: L'équitation et le cheval Ernest Molier

Le bridon 130La bride 131Le filet 132Le mors 133La gourmette 134Fausse gourmette 135Tenue des rênes des deux mains 135Tenue des rênes d'une main 136Leçon à la longe 137Emploi de la force 141La volte 144Le changement de mains 144Travail des hanches 147Pivots sur l'avant et l'arrière-main 148Pas de côté ou marche sur deux pistes, tête et croupe au mur. 148Le galop 152Le rôle de l'éperon 153Maniement de la cravache 156Usage de la martingale 157Le filet releveur 157Le caveçon 158Généralités sur les allures 159Le pas 159Le trot 160L'amble 160L'aubin 161Le trot à l'anglaise .. 161Le galop 161La tenue du cavalier 164Le saut 164L'apprentissage du saut 169Origine des grands sauts 173Sauts dangereux 174

Equitation supérieure dile haute école 178Le rassembler 181Travail de décontraction 182Pirouette au galop 186Serpentine au trot 190Changement de pied au galop, au temps 193Galop sur place 199Galop en arrière 200Le piaffer......................... 203

Page 19: L'équitation et le cheval Ernest Molier

Le passage 207Le passage sur deux pistes 212Passage en arrière 212La pesade 215Le mésair 216La courbette 216La capriole 219La cabrade 219La cabrade en marchant au temps 223La lançade 223Lançade et capriole combinées 223La ruade 224Coordination des aides 227

Haute école de cirque 229Tensions de jambes. Pas et trot espagnol 234Tensions de jambes 245Pivot sur tension de jambe 249Pirouette avec tension de jambe 249Galop sur trois jambes 250Balancé de l'avant-main et de l'arrière-main 253Reculer sur l'éperon 257Reculer sur l'éperon avec contraction de la mâchoire 258Difficulté de la haute école 258

LA VOLTIGE

«

259Histoire de la voltige 261

Le cheval de voltige 262Harnachement du cheval de voltige 262Dressage du cheval de voltige 263Pour dresser le cheval de voltige à sauter 265Comment on prépare un voltigeur 266La position du voltigeur .. 267Passement de jambes 267Passement des jambes assis en dedans et en dehors 268Les ciseaux 268Remonter de terre sur le cheval arrêté 268Précautions à prendre pour éviter les chutes 271Voltige au galop 271Prendre une foulée 272Saut remonté assis 275Saut remonté à califourchon ................ 275Saut remonté à genoux................... 276

Page 20: L'équitation et le cheval Ernest Molier

Le saut des barrières 277Voltiger sur le dos du cheval 277Le remplacement à cheval 277

L'ÉQUITATION FÉMININE 279La femme à cheval. Son costume 279

La femme à califourchon 280Equitation féminine 287

La selle 288L'étrier 291Tapis de selle 291La bride 292

La leçon 295Le montoir 295La position 296Maniement de la bride 297Maniement de la cravache 298Le pas 299Les aides 301Le reculer 302Le galop 303Le saut 304Le trot à l'anglaise 308Les appuyés, 312Recommandations 316L'éperon 319La descente 319Haute école de l'amazone 320Des chutes 323Avantage de la voltige pour les jeunes filles 327

LES SOINS DU CHEVAL 329Les soins à l'écurie. Alimentation. Hygiène........... 329

LE CHEVAL D'ARMES 335Le cheval de guerre à travers les âges 335

Historique 335Ce qu'il est. Ce qu'il devrait être

..............341

Cavalerie de réserve 345Chevaux de dragons 347Chevaux de légère 348Cavalerie d'Algérie .................... 349

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Le cheval d'artillerie 350Cheval d'infanterie 351Rations 351Ferrure 35'2Harnachement 353Nombre de chevaux des officiers en temps de paix 353Achat du cheval d'armes 354Réforme 357

Recensement et réquisition 358Réquisition 360Que pourront donner les chevaux de réquisition ? ...... 362

Dressage des chevaux d'armes 364Généralités sur le cheval d'officier. 368

L'école de Saumur 371Organisation des cours 372Personnel enseignant 373Remonte 373Instruction équestre 374Examen de fin de cours 375Travail des sous-maîtres 376L'école de guerre 376Ecole de Fontainebleau 376

Sociétés équestres 378La réunion hippique militaire 378L'escadron de Saint-Georges 381Autres sociétés équestres 381Le rassembler 382

Quelques personnalités équestres 383S. A. R. la duchesse de Chartres 383Mm0 la duchesse d'Uzès 383Milo Kousnetzoff. 386M. le baron de Vaux 386M. Desurmont 389M. Crousse, capitaine d'artillerie 389M. Henri Leclerc 390

Ecuyersprofessionnels et écuyers de cirque

......

391Coates et Georges Parr ,............ 391Corradini 393Emile Gautier....................... 394James Fillis,.............. 394

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Franconi 394Pellier 395Lalanne 395Albert Schumann 395

Ecuyèresprofessionnelles et ècuyères de cirque 396Emilie Loisset 396Elisa Petzold 396Thérèse Renz 396Camille Van Walberg

-

397Marguerite Dudley 397Blanche Allarty 397YoladeNyss 398Mme Heusmann 399Anna judic 399Alice Lavigne 399

CONCLUSION- - ......... 401

CARNET DU DOCTEUR 403CARNET DU VÉTÉRINAIRE ................. 417

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PRÉFACE

A M. ERNEST MOLIER

Cher Monsieur,v ous voulez donc que j'ajoute une page justificatriceau spirituel volume de mon confrère et ami,M. Emile Faguet : Le Culte de l'Incompétence ? Quel

est mon titre pour présenter au public un traité d'équi-tation? Aucun, sinon d'avoir aimé le cheval passionné-ment, et malheureusement, riayant jamais eu le loisir defaire de véritables progrès dans cet art. C'en est un et sidélicat, si réfléchi! Ceux qui liront vos deux chapitressur le Caractère du cheval d'abord, puis sur le Dressage, s'enrendront compte : tout est nuance dans l'équitation etj'oserais dire — au risque de paraître un peu paradoxal,mais ce sera peut-être la justification de cette lettre-pré-face, — nuance psychologique.

Vous Vave% montré, avec cette netteté singulière quedonne la parfaite compétence, le domptage du cheval, de cetanimal si vigoureux, médiocrement intelligent, mais douéd'une telle mémoire, n'est pas un problème de force. C'estun problème d'observation, de réflexion et de patience. Acause de cela, il est à désirer que ce sport, intellectuel s'il

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en fût, ne disparaisse pas de l'éducation des jeunesgens,et surtout qu'il ne soit pas remplacé par ces pratiques demécanicien,propres à brutifier l'homme autant que le che-val est propre à l'affiner. Etre à cheval, c'est prendre con-tact avec la vie, avec une énergie sensible et délicate quirépond à nos moindres mouvements, que nous dirigeons,à condition de la comprendre. Nous nous rendons compteque nos moindres mouvements doivent être subordonnéspour être efficaces. N'est-ce pas le principe même de lagrande éducation? Et puis quel moyen de communicationavec la nature !

Voici qu'en vous écrivant, d'innombrables souvenirs selèvent dans mapensée. Les images d"anciennespromenadesàcheval me reviennentpar centaines : en Orient, sur les vastesplages de sable fauve, près de la mer couleur de saphir etparmi les chemins creux bordés de cactus qui environnentBeyrouth, — en Amérique et dans les forêts de magnoliaset de térébinthesde la Géorgie, traversées de larges rivièresrouges, — à Tanger, et sur cette route sauvage qui, de pro-montoire en promontoire, gagne le.cap Spartel et son pharedressé sur les gouffres mouvants de l'Atlantique, -plusprès de nous, en Provence et sous les pins maritimes quifont ressembler les bords de la rade d'Hyères à la Pinetade Ravenne. D'avoir parcouru ainsi ces coins bénis dumonde me les a rendus si présents, si familiers. Cela seulfait du cheval un instrument de locomotion bien supé-rieur à l'automobile. Traverser une contrée à cheval, c'estentrer dans son intimité, c'est en connaître, en étudier toutle détail, tout le relief, les montées et les descentes de seschemins, les qualités de son sol, celles de son atmosphère.C'est prendre garde aux formes des arbres, à celles desrochers. Aller en automobile, c'estpasser, c'est courir d'une

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course éperdue au milieu de visions cinématographiquesaussitôt effacées qu'apparues. Qu'en reste-t-il? Une impres-sion de vitesse qui a sa griserie et surtout sa commodité,mais pas un tableau fixé, pas une vision précise et minu-tieuse autour de laquelle nous puissions revenir et nousattarder longtemps pour en nourrir notre rêve.

Des livres comme le vôtre, cher Monsieur, prouvent quenous ne sommes pas encore devenus un peuple de chauf-feurs et que la tradition, du noble art équestre n'est pasprès de s'éteindre cheï nous. Il faut s'en réjouir pour nosarrière-neveux, et souhaiter que l'envahissement de lamécanique ne les amène pas à préférer les randonnées ver-tigineuses et leurs secousses névropathiques à la sensationsaine, heureuse, humaine d'une bête de race allante etdressée qui vous emporte sous bois, à un joli galop dechasse rapide, mais réglé, mais mesuré, par une bellematinée fraîche de printemps ou d'automne. Comme votrelivre m'en a donné la nostalgie!

J'ai une autre raison plus personnelle pour m'y êtrecomplu. Vous y n:.entt'onnei des noms qui s'associent, pourmoi, à celui d'un homme dont j'ai tant admiré le talentd'écrire, et goûté l'étonnant esprit de conversation : monvieil ami Barbey d'Aurevilly. Barbey — voilà qui va vousravir — raffolait du cirque. Dans les années qui sui-virent la guerre, quand il était encore, malgré la soixan-taine passée et très passée, d'une prodigieuse vitalitéphysique et morale, que de soirées nous passâmes en-semble, au Cirque d'Été, à regarder les écuyers et lesécuyères dont vous rappeler la vogue aujourd hui oubliée !

Barbey me disait : « Ce que ces gens-là font avec leurcorps, nous devons le faire avec notre esprit ». Cette char-mante Emilie Loisset dont vous raconte\ la mort tragique,

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de quel accent illa regrettait ! Il voulait composer des verssur elle et saluer cette jeune ombre. S'il vivait encore,c'est à lui que vous aurie1: dû demander de présenter votreessai. Il l'aurait fait magnifiquement. Je n'ai pu que lefaire simplement. Mais c'est de tout cœur que je voussouhaite d'avoir avec ce volume autant de succès qu'avecvos représentations de la rue Benouville, et que je vousenvoie mes compliments.

PAUL BOURGET,

de l'Académie française.

Paris, 13 novembre 1911.

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AVANT-PROPOS

Il faut être ignorant comme un maître d'écolePour se flatter de dire une seule paroleQue personne ici-bas n'ait pu dire avant vousC'est imiter quelqu'unque de planter des choux.

ALFRED DE MUSSET.

L A collection sportive de Sports-Bibliothèque ayant bienvoulu me demander un travail sur l'équitation et lecheval, je n'ai pu résister au plaisir de traiter un sujet

qui m'a toujours passionné. M'autorisant, pour acceptercette tâche, de ma longue expérience, je prie toutefois lelecteur de considérer cette œuvre comme celle d'un pra-ticien bien plus que comme celle d'un écrivain.

Voué pour ainsi dire à l'équitation depuis mon enfance,j'ai monté mon premier cheval à l'âge de sept ans. Ce fut

un poney qui fit mon apprentissage, puis une jument dontl'excellent caractère me permit de courir à travers boiset champs. Enfin, quand sonna ma vingtième année, monpère me donna 2.000 francs pour m'acheter un cheval.Naïvement j'estimai que je quadruplerais mon plaisir enen achetant quatre pour le même prix. Et j'acquis ainsi à

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une vente aux enchères quatre chevaux de belle apparence,mais qui se montrèrent rétifs à plaisir. Une bataille achar-née s'engagea entre moi et ma nouvelle cavalerie. Je con-nus les fâcheux déplacements d'assiette, et l'art de tombern'eut plus de secret pour moi. Mais je finis par avoir rai-

son de mes quatre élèves et je leur suis reconnaissantaujourd'hui des leçons qu'ils m'ont données. Sans eux,peut-être, aurais-je commencé par m'enfermer au manègequi, si nécessaire pour l'instruction, devient nuisible lors-qu'on s'y adonne exclusivement, l'équitation du dehorsdonnant seule l'énergie et l'aplomb.

Je ne me suis spécialisé dans l'équitation de cirque,qu'après avoir été, toute ma jeunesse, un cavalier du dehors,suivi des chasses et même gagné à dix-huit ans une courseà Deauville (le Prix du Bassin). J'insiste sur ce point, carceux qui me liront ne doivent pas perdre de vue que cetteéquitation toute particulière constitue un art dont on a ledroit d'être épris comme je le suis moi-même, mais qui

ne peut convenir que dans le manège ou dans le cirque.C'est alors qu'en dépit de ma situation indépendante,

je rêvai de devenir un dresseur. Il m'a fallu beaucoup tra-vailler pour y arriver, car, je puis le dire sans forfanterie,je n'ai point eu de maître. Les professionnels à qui jem'adressai à cette époque me refusèrent toujours leursconseils. En revanche, ils ne me ménageaient pas leurscritiques souvent assez peu bienveillantes. Avais-je obtenu

un résultat comme dressage, ils me disaient : « Ce n'est

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pas mal pour un amateur. » Leur présentais-je un chevalcomplètement fini, laconiquement ils proféraient : « Il y ade quoi faire. »

Les critiques de quelques maîtres, cependant, furent,

par leur justesse, de précieux enseignements pour moi:

Victor Franconi, à qui je présentais des changements depied au temps en me servant, paraît-il, du filet en mêmetemps que du mors pour relever la tête de mon cheval quiavait tendance à s'enterrer, me dit

: « Votre cheval n'estpas fini, les changements de pied doivent s'obtenir avec leseffets de mors seuls. » C'était un peu sévère, mais c'étaitjuste.

Faute de leçons, voulant avoir l'avis d'un grand écuyer,à l'époque de mes débuts dans le dressage, je présentai àl'un d'eux un cheval d'École. Après avoir exécuté devantlui appuyers, passage, changements de pied, pas espagnol,courbettes, mon cheval m'opposa quelque résistance pourpasser au trot espagnol. Je le touchai de l'éperon naturel-lement, et le voilà qui détacha une ruade formidable surmon attaque avant de s'embarquer au trot espagnol.Aussitôt mon spectateur tournant les talons : « Votre chevaln'est pas dompté, mon bon ami, me lança-t-il, je reviendraiquand il le sera. » Il avait raison, car un cheval qui ruesur l'éperon n'est pas complètement dans l'obéissance.

Le seul encouragement que j'aie jamais reçu m'a étédonné par une célébrité équestre de premier ordre : M. le

comte de Montigny. Me voyant débourrer une jument, et

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chercher à la mettre dans la main, il me dit après m'avoirlongtemps observé

: « Vous avez vraiment une patte devieille chatte. » Pourquoi vieille chatte et non pas jeunechat ? probablement trouvait-il la patte de la vieille chatteplus souple et plus habile que celle du jeune chat, en toutcas je fus très flatté et fis depuis tous mes efforts pour per-fectionner cette patte de vieille chatte.

Le cheval fut d'ailleurs mon seul et véritable éducateur.Et c'est ainsi qu'il y a une trentaine d'années, pour avoir

mes aises et travailler tranquillement, je fis construire

un manège dans ma propriété de la rue Benouville. J'aipassé là, je puis le dire, le meilleur temps de ma vie.Encouragé par le succès de mes représentations, j'y aidressé un nombre considérable de chevaux. De plus, j'yai formé des élèves, des jeunes gens, des jeunes filles, desfemmes dont les succès, depuis, m'ont fait honneur, etm'ont valu, dans cette spécialité, une notoriété dont jeleur suis reconnaissant.

Maintenant que je me suis présenté, conformément àl'usage, je désirerais avant d'aborder l'objet de ce livre,définir le sport équestre tel que je l'entends, c'est-à-direindiquer quelle est, à mon avis, la place qu'il doit occuperdans les sports en général.

Et d'abord où commence, où s'arrète le sport proprementdit? Si nous consultons les dictionnaires encyclopédiques,le mot « sport » — d'origine française, prétendent les uns,anglaise, affirment les autres — ne se serait appliqué pri-

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mitivement qu'à un certain nombre de jeux et de divertis-

sements. Depuis, la chasse, la pêche, les courses, les amu-sements en plein air ont été englobés dans cette définition.Aujourd'hui elle s'étend à tout ce qui exerce par passe-temps les facultés physiques ou intellectuelles, du bridgeà la photographie, en passant par la boxe et les haltères.

Larousse lui-même se range à cette façon de voir.En ce qui me concerne, j'estime que plus l'homme aura

déployé de vigueur, d'adresse et d'énergie par lui-même,

sans le secours d'aucun appareil (ni l'intervention d'aucunanimal, serais-je tenté d'ajouter) plus le sport qu'il prati-

quera aura de valeur. L'équitation n'aurait ainsi, logi-

quement, qu'une place secondaire dans les sports, et c'est

au coureur à pied qu'il faudrait adjuger la première place.Mais ceci posé, j'estime que l'élégance prime bien

d'autres qualités, et de là peut-être le caractère de no-blesse qui depuis des siècles s'attache à la pratique ducheval. On ne saurait mieux le prouver qu'en rappelantle titre de chevalier donné à ceux qui s'adonnaient à l'équi-tation. C'est ainsi que l'Histoire mélange dans une com-mune estime grands seigneurs et écuyers de cirque, asso-ciant sans distinction d'origine les noms de Pluvinel, LaGuérinière, Baucher, comte d'Aure, Franconi, pour laplus grande gloire de l'équitation française. C'est un sportnoble entre tous, comme il le demeurera toujours, un sportqui fut, surtout chez les Romains, le privilège dela sociétéaristocratique et de la haute bourgeoisie. De ces deux

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classes, du reste, sortirent les premiers chevaliers et c'estdans leur sein que se recruta finalement l'ordre équestre,

corps d'élite distinct de la cavalerie attachée à chaquelégion romaine qui comprenait des recrues étrangères asseznombreuses. Autrefois, à l'époque où le mot gentilhommeavait sa plus haute signification et n'avait pas été rem-placé par celui de gentleman, un vrai gentilhomme n'étaitdésigné de ce nom que s'il était cavalier et escrimeur.Ecoutez ce que dit le baron d'Estreillis de l'équitation :

« Elle procure une des suprêmes jouissances données parDieu à l'homme ; bien peu d'autres laissent moins deregrets après elles et se renouvellent aussi facilement ».Et ajouterai-je : durent aussi longtemps. Un marquis de laBigne monte à cheval jusqu'à quatre-vingt-dix ans. En1834, un M. Vevers, âgé de soixante-douze ans, gagne unsteeple-chase hérissé d'obstacles et qui avait 6.000 mètresde parcours.

Je demande donc une place d'honneur pour l'équitationqui nous a valu la noble conquête célébrée par Buffon.

Si je me suis permis d'écrire un livre et d'émettre desprincipes d'équitation, c'est que j'ai été toute ma vie unfervent praticien de celle-ci. J'ajouterai que j'ai tenu àn'avancer aucune théorie qui ne fût justifiée pratiquementpar le résultat de mes travaux. Pour le prouver du reste,je ne donne pas dans cet ouvrage de dessins plus ou moinsfantaisistes à l'appui de mes théories. Ce sont des photogra-phies de mes meilleurs élèves et de chevaux dressés et

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montés par moi dans leurs allures et attitudes démonstra-tives qui viennentsouligner mon texte. Ces chevaux d'Ecoletravaillent à mes soirées où tout le monde peut les voir.Ces excellentes photographies constituent une documenta-tion indispensable pour le lecteur, chacune ayant sa valeurschématique propre, susceptible au besoin de suppléer auxlacunes de la plume d'un homme de cheval *.

Pour conclure, j'exprimerai l'espoir que le lecteur mesaura gré de ne m'être jamais laissé entraîner dans cetouvrage à une technique aussi fantaisiste que prétentieuse,et de n'avoir pas cherché à lui en imposer en m'élevantdans les sphères nébuleuses des théories transcendantes.

Je m'en suis bien gardé, estimant les formules de cegenre, souvent si creuses et si obscures, qu'il faut chercherentre les lignes ce que l'auteur à voulu dire. J'ai, au con-traire fait tous mes efforts pour demeurer aussi clair etaussi conçis que possible, et être intelligible à tous, m'abs-tenant au surplus de toute critique à l'égard des principesde ceux qui, avant moi et d'une manière souvent si remar-quable, ont traité de l'équitation.

i. Ces photographies ont été exécutées par M. Delton.

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L'ÉQUITATION ET LECHEVAL DE SELLE

HISTORIQUE

c 'EST en fouillant les vieux textes grecs que l'on retrouvel'origine — sinon exacte, du moins légendaire — del'équitation.

Ces textes nous disent que epune tut le créateur du premiercheval. Nous nous en rapportons à la tradition. Il est toutefoispermis de se demander comment il s'y prit. C'est bien simple.Le dieu estima un beau jour, — on ne dit pas exactementpourquoi, — qu'il seyait de faire un cadeau utile aux Athé-niens. Très embarrassé d'abord, ne sachant quoi leur donner, ileut un trait de génie : il frappa tout simplement de son tri-dent la terre qui s'ouvrit immédiatement; il en jaillit unadmirable cheval, frémissant et bondissant. Qu'advint-il decette noble bête ? L'histoire est muette sur ce point.

Nous savons seulement que ce fut Bellérophon qui, le premier,songea à utiliser le cheval comme monture. Ce qui demeureplus certain, c'est que ce furent les Thessaliens, peuple exces-sivement belliqueux, qui débutèrent dans l'art de dompter etdresser des chevaux pour la guerre, et que c'est probablementà eux qu'il faut faire remonter la première apparition du che-val d'armes. Cette apparition, naturellement, jeta un certaintrouble dans l'esprit des peuples, et ce n'est pas pour rien

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que la légende des Centaures et le récit de leurs exploitshomériques sont parvenus jusqu'à nous. C'est vers la mêmeépoque que l'on trouve la trace des Amazones, guerrièresintrépides, demeurées célèbres pour leur habileté à maîtriser età conduire les chevaux.

Penthésilée, leur reine, était, assure-t-on, une nature éner-gique et fière, mais nous ignorons tout de ses talents équestres.

La seule chose dont l'Histoire fasse mention, c'est la défaitedes Amazones et leur anéantissement par Hercule.

XÉNOPHON Abandonnons le domaine fabuleux dela légendepour entrer dans celui beaucoup plus précis de

l'histoiregrecque et romaine. Un point obscur serait à éluciderpour commencer : le fameux cheval de Troie était-il l'imaged'un cheval de selle ou d'un cheval d'attelage? Nous penchonspour la seconde hypothèse, car les Grecs de cette époque-làne montaient point encore les chevaux, ne s'en servant quecomme animaux de trait, c'est-à-dire attelés et harnachés. Cequi ne les empêcha point de devenir plus tard de fameux cava-liers. C'est à un Grec d'ailleurs que nous devons le premierouvrage sur l'équitation qui soit parvenujusqu'à nous. Les can-didats au baccalauréat ès lettres d'autrefois ont tous traduitquelques passages du Traité de l'Equitation, et quiconquea fait ses humanités connaît le nom du fameux homme deguerre qui l'a signé : Xénophon. Un contemporain débutantdans la carrière équestre pourrait encore aujourd'hui tirerquelque fruit de la lecture de ce livre, car il fourmille de con-seils pratiques et d'axiomes de dressage qui n'ont rien perdude leur valeur. Elle est de Xénophon, cette phrase qui a unesaveur toute d'actualité : « L'équitation est presque un plaisir ;

on souhaiteparfois d'avoir des ailes; il n'est rien qui s'en rap-

proche davantage ».

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« Presque un plaisir » nous force néanmoins à songer quec'est un soldat qui parle, et la conclusion est devenue caduque,aujourd'hui que l'homme semble avoir conquis définitivement ledomaine de l'air.

Après Xénophon, c'est Alexandre, dont les exploits valurentl'immortalité à son cheval de guerre Bucéphale.

LES ROMAINS Sans plus nous attarder, passons des Grecsaux Romains chez qui 1 équitation, tout en

restant une branche de l'art militaire, tend déjà à devenir ceque nous appelons aujourd'hui un sport.

La question de savoir comment on montait à cheval dans cetemps-là n'est pas moins intéressante que l'histoire, d'ailleurscontroversée, des faits d'armes des légions romaines. Et d'abordles Romains ne connurent qu'assez tard la selle et l'étrier. Lespremiers chevaliers se contentaient, en guise de selle, d'unedouble couverture de drap, de laine, parfois de cuir ; le harnaisassez primitif était niellé d'or ou de métal précieux, le harna-chement se composait d'un mors brisé, d'une bride et d'unesangle. Les cavaliers n'avaient d'éperon qu'à un seul pied, etleurs chevaux n'étaientpas ferrés. D'après les documents archéo-logiques, il paraît certain en effet que les premiers Latins secontentaient de garnir la sole de leurs chevaux de paille ou decuir, à l'instar des Barbares, et que la ferrure, d'origine celtique,ne leur fut connue qu'après la conquête des Gaules.

En revanche, les Romains, ces polythéistes par excellence,furent les premiers à déifier le cheval. César, on le sait,éleva une statue au sien sur le parvis du temple de Vénus.Verus portait en guise d'amulette une effigie en or de Voluaris,son coursier favori, auquel, d'ailleurs, il fut plus tard élevé untombeau sur le mont Vatican. Caligula, ce fou sadique, avaitfait édifier pour le sien un véritable palais, et projetait de lui

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faire décerner les honneurs divins quand il périt assassiné.L'Histoire, si fertile en anecdotes sur les chevaux d'empe-

reurs, l'est un peu moins en ce qui concerne le vulgum pecus,mais nous savons néanmoins quel rôle important jouait lecheval ordinaire bien dressé et entraîné dans les courses dechars et dans les jeux équestres qui étaient déjà commele premier balbutiement des exercices de nos hippodromesactuels.

CAVALIERSBARBARES

De l'avis des Romains eux-mêmes, les Bar-bares d'Orient étaient des cavaliers plus intré-pides, du moins plus aguerris qu'eux, et mieux

adaptés à leur monture ; les cavaliers barbares ignoraientcependant à peu près complètement l'usage de la selle, voireparfois celui de la bride, ce qui prouverait que la bride et laselle ne sont devenus des aides et des accessoires indispensa-bles qu'avec le temps.

Néanmoins, nous devons admettre que ce furent les Barbares,bien plus que les Grecs et les Romains, qui furent les premiersmaîtres du cheval.

Et qui pourrait dire si notre prédominance ne fut pas due aussià notre supériorité à cheval, supériorité que devait démontrersûrement, quelques siècles plus tard, la bataille de Poitiers(au VIIIe siècle) où la cavalerie franque défit superbement lacavalerie sarrasine.

LA CHE-VALERIE

La trame de l'histoire — de l'histoire chevaline toutau moins — s'obscurcit quelque peu au début denotre ère, et nous risquerions de piétiner sur place

en suivant un ordre chronologique trop rigoureux. Après lavictoire de Poitiers, qui fut surtout une victoire de la cavalerie,le goût du cheval d'armes se propagea très rapidement en

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France, et l'histoire du cheval, dès lors, reste strictement liéeà notre histoire militaire.

Tout le monde veut combattre à cheval, tous ceux du moinsqui ont les moyens d'acquérir une monture.

L'engouement du cheval gagne, sous Charlemagne, puis sousla féodalité, toutes les classes riches de la société, et on sepréoccupe dès lors d'élevage et de croisements. Les racesnouvelles résultant d'un mélange de sang espagnol et arabesont très recherchées et viennent améliorer nos types autoch-tones.

En même temps se développe la passion, véritablement ata-vique celle-là, des jeux équestres et des joutes où la brutaliténaturelle à nos pères se donne largement carrière. Même l'im-mixtion des femmes à ces jeux, n'en adoucit point tout de suitele caractère barbare. Il fallut des siècles pour convertir lesjoutes barbares des cavaliers francs en tournois à peu prèscourtois, et en tirer finalement les nobles cours d'amour du bonroi René, ou les prestigieux carrousels du roi Soleil.

LES TOURNOIS Il serait oiseux de discuter ici l'origine destournois, qu'on peut faire remonter soit à

l'époque byzantine, soit à l'invasion germaine, soit à une épo-que plus lointaine et plus imprécise. Ce qu'il y a de certain,c'est qu'ils fleurirent en France pendant tout le moyen âgeet reçurent une vive impulsion à l'époque des croisades (XIe

et XIIe siècles) où les ordres de chevalerie militaires ou reli-gieux, mixtes le plus souvent, brillèrent, sitôt créés, du plus viféclat. Le fait seul de la création presque simultanée de tousces ordres démontre assez l'importance qu'avait alors lecheval dans les combats et les gestes militaires en général. Lesamateurs et même les professionnels liront avec profit, surcette matière, l'ouvrage admirablement documenté d'un

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contemporain érudit, le capitaine Picard (Origines de l'Ecolede cavalerie). En tout cas, emprunterons-nous à ce dernierla description des airs de manège alors en vogue :

« Le chevalier sans cesse occupé à guerroyer, à rompre deslances, qui passait d'un tournoi à un autre, devait savoirmanœuvrer son cheval en tous sens ; aussi, par l'exercice desvoltes sur les hanches et sur les épaules, se mettait-il enmesure de faire face à l'ennemi de tous les côtés. »

A mesure que le poids des siècles s'accumule sur la chevalerie,celui des armures diminue et finit par subir de telles réductionsque l'armure de don Mioballe en vient à ne plus peser quequelques livres ; encore s'en remet-il la plupart du temps à sonécuyer du soin de la porter. C'est que le chevalier prévoit déjàque, dans les batailles futures, l'avantage sera aux hommeslégers, à l'infanterie protégée par l'artillerie.

Le cheval d'armes, lui, survit à toutes les révolutions de notrehistoire. Le tournoi supprimé, il demeure le destrier fringantdes simples joutes et passes d'armes qui restent en faveurjusqu'à l'époque où elles cèdent la place aux carrousels complè-tement innocents ceux-là, et qui ne sont que de brillantesexhibitions où hommes et chevaux rivalisent d'élégance,d'adresse et de somptuosité.

LES ÉCRIVAINSFIASCHI, GRI-SON, ETC., ETC.

C'est à partir de cette époque aussi quel'équitation française se dégage enfin destraditions purement orales et transmisespour devenir une science basée sur des

théories écrites. Les traités sur l'équitation se multiplient si rapi-dement dès l'aube du XVIe siècle, voire dès la fin du XVe, qu'ondirait vraiment que les grands écuyers de l'époque n'avaientattendu que la diffusion de l'invention de Gutemberg pour setransformer en écrivains.

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Le capitaine Picard, qui possède à fond la bibliographie hip-pique depuis ses origines jusqu'à nos jours, analyse séparémentla plupart de ces ouvrages, que le lecteur consultera avec fruits'il veut remonter aux sources de l'art équestre français, etdont les notions d'ailleurs se trouvaient ébauchées déjà dansles vieilles chroniques du temps.

Le premier auteur connu sur la matière paraît avoir été uncertain Benjamin de Hannibale. Vinrent ensuite un traité latinde Laurentius Rusim et un autre de du Bellay sur la Disciplinemilitaire.

Vers 1530,Fiaschi fonde l'école de Naples qui produira bientôtl'illustre Pluvinel. Fiaschi a de plus écrit un assez gros traitédont je ne veux donner que les sous-titres : I. De la manière debien emboucher les chevaux et de la nature d'iceux. (Cettepremière partie est une dissertation un peu indigeste sur labouche du cheval et sur les divers mors et brides en usage à cetteépoque.) II. Du moyen de bien manier les chevaux, avec lesdessins. III. Du moyen de bien ferrer les chevaux, avec lesdessins des fers qui y sont propres.

Mais le nom de Fiaschi est à retenir surtout, parce qu'il avaitcompris ou pressenti les dispositions mélomanes du cheval, ouplutôt son instinct inné du rythme, et qu'il fut le premier àdresser des chevaux à l'aide de la musique.

Cependant, tandis que l'école de Naples bat son plein avecses rudesses presque moyenâgeuses encore, l'équitation enFrance subit une évolution assez rapide. Elle se concrète en unescience raisonnée et pratique, toute de finesse, de souplesse,

— d'humanité, dirais-je presque.Les cavaliers lourdement armés et les chevaux bardés de fer,

disparaissent pour faire place à des seigneurs élégants, vêtusde soie et de brocart, faisant évoluer des montures fines,alertes, sellées et bridées richement.

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Les traités de l'époque, celui de Grison notamment, sontsurtout des traités de dressage.

L'ÉCOLE FRAN-ÇAISE. PLUVINEL

Nous laissons les Italiens maintenant pourparler des Français. Les deux premiersnoms qui surgissent à cette époque et qui

tous deux se réclament de l'école de Naples par leurs étudesdu moins, sont celui, à jamais célèbre, de Pluvinel, et celuide La Broue, son prédécesseur de quelques années dans lacarrière.

Dans les deux ouvrages qu'il a laissés, La Broue pose lesvéritables bases de l'équitation française dont les principess'éloignent notablement dès lors de ceux de l'école italienne. Iloppose la douceur et la persuasion, si l'on peut dire, aux pro-cédés sévères et durs des écuyers italiens, et trouve, pour ledressage du cheval, des formules neuves. Et il recommande,comme tous les vrais écuyers n'ont cessé de le faire depuis,les exercices du dehors qui seuls peuvent éduquer et aguerrir lecheval de manège.

Pluvinel, le grand Pluvinel, dont tous les hommes de chevalconnaissent l'œuvre à peine vieillie, est le fondateur de la pre-mière académie hippique française. Ex-premier écuyer deHenri III, il fit ensuite, sous le règne de Henri IV, une carrièredes plus brillantes, et mourut chargé d'ans et d'honneurs, commeon disait autrefois. Il fut d'ailleurs le maître d'équitation duDauphin, et c'est pour le futur Louis XIII qu'il écrivit safameuse Instruction en l'exercice de monter à cheval.

Ce traité, paru en 1626, est un des meilleurs manuels théoriquesqui aient été publiés au XVIIe siècle, et l'un des plus avisésaussi, même dans les questions accessoires de l'équitation.

Il est bon nombre de ses conseils que nos jeunes cavaliersactuels pourraient méditer et suivre utilement.

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LE GRANDSIÈCLE Mais nous voici au grand siècle, le siècle desgrandes éloquences et des frivolités, le siècle oùles gestes s'enrubannent comme les houlettes des

personnages du romancier Honoré d'Urfé.Le Roi soleil n'hésite pas à conduire lui-même les quadrilles

de splendides carrousels où il a pour vis-à-vis son frère, leGrand Condé et les ducs d'Enghien et de Guise; mais, nousallons, avant le milieu de son règne, voir la fin de ces somp-tueux carrousels, tandis que l'équitation savante tendra àprendre une place de plus en plus prépondérante.

L'école de Versailles, dont nous reparlerons plus loin, com-mence à briller d'un certain éclat et à répandre autour d'elleun enseignement réputé.

Cependant, au point de vue pédagogique, aucun écrivain decette époque n'égalera Pluvinel, ni le marquis de Newcastle, cepair d'Angleterre qui s'occupa aussi des chevaux de course, niM. de Beaurepère qui publia Le modèle du cavalier français,ni M. de Beaumont et son Écuyer français, ni Du Plessis,tant vanté par Saint-Simon, ni même M. de Vaudreuil, le pro-fesseur de La Guérinière, j'en passe, et non des moindres, dece siècle si fertile en professeurs d'hippiatrique.

LE XVIIIe SIÈCLE.ROBICHON DELA GUÉRINIÈRE

Le XVIIIe siècle pourrait, au point de vueoù nous nous plaçons, se résumer en unseul nom, celui de La Guérinière dontl'ouvrage remarquable, École de cava-

lerie, est assez universellementconnu et apprécié pour que nousnous dispensions d'en faire l'éloge ici. Ce qu'il importe de fixer,au point de vue historique, c'est la perfection atteinte dès lorspar l'école française, comparativement aux écoles étrangères,à celle surtout dont le marquis de Newcastle avait essayé defaire prévaloir les traditions.

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Je riai fait que compulser, profiter des enseignements demes prédécesseurs, tâchant de résumer, de donner leplus declartépossible à tout ce qui a étépubliésur l'équitationpourenfaire unrecueilutile à l'enseignement. Qui tient ce modeste

langage, si différent de celuid'écrivains plus outrecuidantsqu'érudits, qui, pour fairecroire à leur science, dénigrenttous ceux qui ont écrit et pra-tiqué avant eux pour se poseren inventeurs? C'est La Gué-rinière lui-même : ce grandécuyer, doublé d'un écrivain,était un modèle de modestie.Et cependant il est univer-sellement reconnu pour êtrele père de l'équitation mo-derne. Ses principes n'ontpas vieilli et, malgré toutesles modifications et tous lessoi-disant perfectionnements

qu'on a pu y apporter, ils restent la base de l'équitation françaiseet même mondiale. Tous ceux qui ont travaillé et travaillentl'équitation ont puisé dans La Guérinière leurs meilleurs ensei-gnements, et le nom de ce grand maître est aussi impérissableque sa méthode.

Ecuyer en chef du fameux manège des Tuileries, il travaillaconstamment à simplifier les procédés de dressage, apprit aucavalier à chercher ses moyens de tenue « dans l'équilibre etdans la rectitude de la position ». Il fut l'apôtre admirablementinspiré de l'équitation naturelle et raisonnée. Sa grande pré-occupation fut de toujours pénétrer les écuyers de son temps,

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de l'indispensabilité de donner au cheval toute son aisance. Etil leur indiqua les moyens d'y parvenir.

C'est une des plus grandes figures qui aient existé dans l'his-toire de l'équitation.

La scission se fait à cette époque entre l'équitation militaireet l'équitation civile, et nous voyons le maréchal de Saxe,préoccupé d'améliorer la cavalerie, préconiser par des instruc-tions très précises l'orientation nouvelle de l'instruction destroupes à cheval.

L'ÉCOLE DEVERSAILLES

Nous ne pouvons passer sous silence la célèbreécole de Versailles qui brille d'un si vif éclatau XVIIIe siècle. Placée sous la surveillance

du grand écuyer M. le Premier, elle donne l'instructionéquestre non seulement aux pages, mais encore aux plusgrands seigneurs de la cour; elle ne disparaîtra, comme toutesles grandes écoles, qu'avec la Révolution qui réquisitionne lesécuries et décapite les maîtres.

Parmi les écuyers célèbres qui, après La Guérinière, lais-sèrent un nom dans les cadres de l'École de Versailles, onremarque MM. de Nestrer, de Salvert, de Neuilly.

MM. de Lubersac, de Montfaucon, de Rogles, apparte-naient à l'École des Chevau-légers. Parmi les écuyers del'école militaire se trouvaient MM. d'Auvergne et de Bois-deffre.

L'équitation militaire prend, à partir de cette époque, la pluslarge place dans l'histoire du cheval.

« L'équitation rationnelle, logique, fine, élégante, artistiqueavait disparu ; il ne s'agissait plus alors que de former à la hâtedes instructeurs pour nos régiments. »

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LEMPIRE Quant à la période impériale, elle fut moins unepériode d écuyers que de cavaliers. Les sabots de

la cavalerie française foulèrent tous les pays de l'Europe. Lesécuyers proprement dits furent peu nombreux, les centaures yétaient légion : cavaliers et montures accomplissaient les mêmesprouesses. On voyait même de mauvais cavaliers, comme Napo-léon, réaliser des exploits de résistance équestre qui feraienthésiter nos meilleurs écuyers.

RESTAURATION La Restauration rouvrit l'école de Ver-sailles et les deux d Abzac reprirent la

direction du manège du roi. Malgré la présence de ces grandsécuyers et celle du célèbre d'Aure, l'école de Versailles, quidisparut définitivement en 1830, n'eut pas l'influence de sadevancière de l'ancienne monarchie : l'équitation « aux rênesflottantes » et le style anglais en furent les principales causes.

La grande école demeure encore l'académie indiscutée del'équitation française et sa réputation reste comme par le passémondiale.

Continuateur, gardien en quelque sorte des grandes traditions,le comte d'Aure, dernier écuyer en chef du célèbre manège deVersailles, fut et est demeuré une des notoriétés de la scienceéquestre. Son nom est inséparable de celui de Baucher quidevait être en désaccord complet avec lui.

Le comte d'Aure, bien qu'élevé dans la tradition classique,ne s'y montra point systématiquement inféodé, et c'est là undes côtés les plus appréciables de son immense intelligence del'équitation.

Avant même que disparût l'école de Versailles, il vit trèsbien la nécessité d'orienter l'art équestre dans une voie nouvelle,plus immédiatement pratique, et de le débarrasser des inutilitésqui l'encombraient. Lui aussi eut des théories restées célèbres.

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Il émit comme principe fondamental que la base de l'équita-tion usuelle doit être d'obtenir une impulsion très franche audébut du dressage et la corrélation de la position de la tête et del'encolure avecla vitesse de l'allure. Il estimait aussi que l'appuisur la main ferme et léger, devait augmenter en raison directe del'impulsion exigée.

« Je ne puis mieux comparer, écrivait-il, la situation du chevaldirigé par l'homme, qu'à celle de l'aveugle conduit par son chien ;

tant que l'aveugle est conduit et qu'il suit son guide, l'aveuglemarche en confiance, si la tension cesse, l'incertitude arrive. »

Ce n'est pas seulement comme théoricien que le comte d'Aurelaissera le plus durable souvenir. Il fut un praticien hors ligne,s'imposant au monde équestre de son temps par son tact et sapuissance à cheval : à tel point que l'ancien écuyer cavalcadourde Louis XVIII et de Charles X, devint, après 1830, malgréses convictions, écuyer en chef de l'école de Saumur.

SECONDEMPIREBAUCHER

A cette époque apparaît au cirque des Champs-Elysées un écuyer dont l'autorité s'impose subite-ment : Baucher ; sa méthode excite l'admiration debon nombre d'hommes de cheval, mais trouve en

revanche d'aussi nombreux contradicteurs : en somme, ellerévolutionne le monde équestre à tel point que le duc d'Orléansfait envoyer pendant un certain temps Baucher comme profes-seur à Saumur.

C'est à lui qu'on doit cette fameuse détermination de l'équi-libre du premier genre : « main sans jambes, jambes sansmain » qui révolutionna les théories alors en vigueur dans ledressage.

Baucher fut le génie incarné de l'équitation savante. Trèscontesté, très jalousé, ses détracteurs les plus farouches furentles premiers à s'inspirer de ses travaux quand ils n'allèrent

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pas jusqu'à les copier servilement. Ses théories, en anta-gonisme complet avec celles du comte d'Aure, suscitèrententre eux des polémiques et une rivalité qui mirent ledésaccord entre ces deux hommes remarquables.

Ce n'est guère qu'aprèssa mort — comme tou-jours — que l'on fut una-nime à donner à Baucherla place immense qu'ilméritait d'occuper dansl'histoire de l'équitation.

Ses études sur la légfè-reté absolue, c'est-à-diresur toute absence de ré-sistance au moindre effetdes rênes, rendant parcela même très facile laposition du ramener,constituaient une nou-veauté qui lui était abso-lument personnelle.

Est-il besoin de rappe-ler ici sa délicate et subtile théorie sur les « effets d'ensemble ».

Aujourd'hui on pèse sainement et sans parti pris l'œuvre dumaître des maîtres en équitation savante.

Et cette œuvre laissera une empreinte ineffaçable dans l'évo-lution de l'équitation française. Quant au praticien, il fut, paraît-il, d'une habileté sans égale. Que de choses restées dans l'om-bre n'a-t-il point éclairées d'un jour nouveau et inattendu, avecquelle maîtrise n'a-t-il point appuyé d'exemples ses théories lesplus nouvelles ? Le baron d'Etreillis qui l'avait beaucoup vuet qui l'appréciait infiniment, puisqu'il fait dans son livre le

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plus grand éloge de sa science équestre, lui adresse cependantcette critique : « La question d'art, de haute école, l'absorbait aupoint de faire disparaître toute autre considération. Pour lui,un cheval était comme le drap destiné à confectionner un habit,on ne devait pas l'utiliser pour un autre usage. Jamais nousn'avons pu le voir à cheval qu'entre quatre murs ; dans notreopinion, il était hors d'état de suivre pendant une heure unechasse marchant bon train, ou de sauter la première barrièrevenue, sur le cheval le plus doux ».

Mais nous, partisans de l'équitation du dehors, nous ne pouvonsnous empêcher de regretter que ce grand artiste se soit toute savie renfermé dans son cirque : peut-être pourrons-nous faire lereproche contraire au comte d'Aure d'avoir relativementnégligéle manège. Quel malheur que d'Aure et Baucher aient étéaussi intransigeants ; car en se complétant l'un par l'autre, ilsauraient, à notre avis, réalisé la perfection de l'art équestre.

Sans médire de ces grands écuyers, et puisque nous parlonsde 1830, j'estime que la course au clocher, instituée à cetteépoque, a eu aussi pour les cavaliers de grands avantages enleur donnant la solidité sur les obstacles, le courage et l'endu-rance qui sont les qualités primordiales pour l'équitation dudehors. Ces courses au clocher furent du reste l'origine dessteeple-chases.

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LE CHEVAL

SON ORIGINE. SON CARACTÈRE.SES QUALITÉS. SES DÉFAUTS

QUEL est le pays d'origine du premier cheval ?

Personne ne le sait au juste. La Bible n'en signaleaucune trace aux premiers âges du monde.

Les tribus juives même ne devaient point connaître le cheval,car il n'est pas fait mention de lui dans la Genèse, au début deleur histoire.

Il n'est fait mention du cheval que bien plus tard, à l'époquedes Rois : Salomon est indiqué comme possédant 40.000 che-vaux de trait.

Il ne faut pas oublier d'ailleurs que les provinces habitéesalors par les tribus juives — la Galilée et la Samarie surtout —étaient des pays de montagnes, et que le cheval ne se rencontreque dans les pays de plaines. Donc, les exégètes qui nous affir-ment que les pasteurs de la Mésopotamie ne connurent point lecheval ont raison, mais nous soupçonnons qu'il existait quandmême longtemps auparavant, dans tous les pays environnants,en Égypte, en Assyrie, en Syrie surtout d'où proviennentencore aujourd'hui les chevaux les plus parfaits. Dans l'histoirede Joseph en Égypte il est question des chevaux des Égyptiens,et le livre de Josué relate les premiers combats d'Israël contreles rois syriens et leur cavalerie. Or ces combats se situent à

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une époque qui se confond à peu près avec les débuts de l'his-toire d'Assyrie, — le plus ancien des peuples cavaliers connus— non point de son histoire mythique et apocryphe mais de cellesur laquelle on possède les premiers documents authentiques.

On peut donc dire avec certitude que les premiers chevauxconnus furent des chevaux d'Asie, des chevaux syriens etassyriens, et que le cheval apparut sur terre en même temps quel'homme et sous les mêmes latitudes.

Reste un point que personne n'a élucidé. Comment apparu-rent et vécurent les premiers chevaux? Buffon lui-même estmuet sur la question, mais la page où il résume l'histoire deschevaux sauvages devrait suffire à édifier ceux qui inclinent àcroire que le cheval est venu au monde avec une selle sur le dos.Et je le cite d'autant plus volontiers que, hormis le célèbreexorde sur la « noble conquête », personne ne connaît le traitéde Buffon ou du moins ne se souvient de l'avoir lu.

Voici son éloquent plaidoyer en faveur du cheval de tous lestemps et de tous les pays.

« C'est par la perte de la liberté que commence son éduca-tion, et c'est par la contrainte qu'elle s'achève. L'esclavage etla domesticité de ces animaux sont même si universels, sianciens, que nous ne les voyons que rarement dans leur étatnaturel : ils sont toujours couverts de harnais dans leurs travaux;on ne les délivre jamais de leurs liens, même dans les tempsdu repos ; et si on les laisse quelquefois errer en liberté dansles pâturages, ils y portent toujours les marques de la servitude,et souvent les empreintes cruelles du travail et de la douleur ;

la bouche est déformée par les plis que le mors a produits ; lesflancs sont entamés par des plaies, ou sillonnés de cicatricesfaites par l'éperon ; la corne des pieds est traversée par desclous. L'attitude du corps est encore gênée par l'impressionsubsistante des entraves habituelles ; on les en délivrerait en

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vain, ils n'en seraient pas plus libres ; ceux même dont l'escla-

vage est le plus doux, qu'on ne nourrit, qu'on n'entretient quepour le luxe et la magnificence, et dont les chaînes dorées ser-vent moins à leur parure qu'à la vanité de leur maître, sontencore plus déshonorés par l'élégance de leur toupet, par lestresses de leurs crins, par l'or et la soie dont on les couvre, quepar les fers qui sont sous leurs pieds. »

Personne certes ne sera tenté de contester l'exactitude de cesobservations. Elles démontrent, par ailleurs, qu'au double pointde vue humanitaire et utilitaire, le cheval est celui de tous lesanimaux domestiques qui a le plus besoin d'être protégé.

Le cheval est bien le plus superbe animal de la création,quand il est de pure race, arabe, anglais, russe, françaisou allemand. Il importe cependant de le laisser tel que lanature l'a fait. Je n'admets pas que des gens assez fortunéspour posséder un beau cheval, se laissent entraîner par le sno-bisme et ne veuillent pas comprendre que c'est une faute degoût que de lui fair-e subir des transformations dont le résultatimmédiat est de mutiler une bête que la nature avait faite detoute beauté. Crinière, queue, sont particulièrement visées;elles subissent l'outrage du ciseau : pourquoi ? Pour sacrifier àune mode que rien ne justifie.

Ainsi abîmé, on en arrive à identifier un animal completcomme race et comme ensemble, à la dernière des rosses. Jereconnais que pour posséder un joli port de queue et pourpouvoir conserver crins et crinière, un cheval doit être parfaitde race et de modèle, ces ornements naturels ne convenantqu'à la bête d'origine.

Aussi bien, comme les beaux chevaux sont fort rares, il estcertain que les sujets de valeur secondaire gagnent à être trans-formés, préparés à la « mode anglaise », car c'est elle qui pré-vaut en matière équestre.

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Il n'en reste pas moins vrai qu'il est pénible de voir unmalheureux cheval tortiller en vain, pour chasser les mouches,soit l'embryon de queue qu'on a bien voulu lui laisser, soit cette

même queue conservée dans toute sa longueur mais dépourvuede crins, rappelant ces fourreaux-brosses avec lesquels onnettoie les verres de lampe, alors que la nature prévoyantel'avait gratifié d'un panache majestueux qui avait sa raisond'être pratique pour l'animal et ajoutait encore à sa beauté.

Le port de queue chez le cheval doit en quelque sorte être

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fier — c'est-à-dire que l'animal étant en action, la queue biendétachée doit s'incurver dans un mouvement harmonieux au-dessus de la croupe. Si sa tendance à s'infléchir vers le sol esttrop accusée, c'est au détriment de l'élégance générale de la bête.

J'ai été très surpris de voir un trop grand nombre d'acheteursn'attacher qu'une médiocre importance à cette question du portde queue et tolérer que les marchands leur présentent un che-val bourré de gingembre. Ils n'ignorent pas cependant quel'usage du gingembre est un moyen empirique, absolumentartificiel, dont les effets ne sont que momentanés. La superche-rie est en effet de peu de durée, tel cheval présenté par lemarchand avec la queue superbement en panache se retrouvechez l'acquéreur avec le même appendice complètement abattu.Le port noble de la queue donnant, à mon avis, une grandevaleur au cheval, il mériterait d'être pris en considération parl'acheteur.

La qualité primordiale et dominante du cheval est la force.Il est raide et maladroit si on le compare au chat, au chien,à la chèvre et à beaucoup d'autres quadrupèdes, mais ilest doué d'une grande vigueur. Peu d'animaux sont capa-bles de le suivre dans sa course. Ses trois allures — le pas,le trot et le galop —sont plus nettes, plus régulières que cellesdes autres quadrupèdes. Le cheval possède même naturelle-ment une allure très élégante nommée par les écuyers demanège le passage. J'ai dit naturellement. Je le répète, carcontrairement à une opinion généralement admise, j'estime quele passage est une allure naturelle au cheval.

Si vous observez le cheval frais qui vient d'être lâché enliberté, vous remarquerez qu'il fait souvent de lui-même un bontour au passage, mais avec une fierté, un tride, une vigueurqu'il est bien difficile de lui donner par le dressage.

La tête haute, l'encolure rouée, les oreilles piquées, la queue

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relevée, il se cadence gracieusement et harpe tellement lesjambes que dans ses mouvements élastiques, il semble ne plusprendre contact avec le sol.

Les gens qui aiment et connaissent le cheval peuvent alorsapprécier, en le considérant à cette allure, toute l'étendue deson nerf, toute la puissance mécanique de son ressort.

Si j'ai tenu à donner ici une image rapide du passage, c'est

— et j'y reviens volontairement — pour démontrer qu'il cons-titue bien chez le cheval une allure non pas artificielle, mais

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essentiellementnaturelle. Et je tiens même à dire dès à présentque c'est cette raison qui m'incitera, lorsque j'en viendrai à faireune démarcation entre les allures naturelles et les allures arti-ficielles, à classer le passage et le piaffer parmi les premières.

Je ne vais pas évidemment jusqu'à dire que le cheval, dansson dressage, donne le passage qui lui est naturel, aussi faci-lement que le pas, le trot, le galop. Non. Bien au contraire,j'ajouterai même que le meilleur dresseur aura une grande dif-ficulté à obtenir volontairement du cheval un passage aussibeau et aussi correct que celui qu'il a vu donner au même ani-mal, de lui-même, dans la prairie.

C'est cette difficulté qu'ont toujours rencontrée les dresseursqui leur a fait croire, me semble-t-il, que le passage n'est pasune allure naturelle. Je pense tout différemment. Et j'espèrel'avoir démontré, surtout après m'être autorisé de la photogra-phie de cette superbe haquenée qui vient d'être lâchée devantses écuries, instantané des plus probants que j'apporte ici àl'appui de ma thèse (Voir page 205).

N'insistons pas quant à présent, sur les qualités physiques —ou plus exactement mécaniques — du cheval ; parlons un peude son moral et de son i ntelligence. Le moral est bon : l'animalest résistant et courageux.o

INTELLIGENCEET MÉMOIRE

Pour être sincère, le cheval ne brille paspar l'intelligence ; il n'est guère d'animauxayant aussi peu de raisonnement que lui.

Un simple exemple à l'appui de cette opinion : Prenez uncheval peureux ; placez sur son passage, à droite, un objet sus-ceptible de l'effrayer, un tonneau ou un sac de blé par exemple.Par de bons et habiles procédés, vous allez arriver à le mettreen confiance, à lui retirer sa frayeur, pour qu'il passe tranquille-ment, sans aucune crainte, à côté de l'objet qui l'épouvantait.

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Ce résultat obtenu, placez àgauche les mêmes objets

; vousaurez à vaincre les mêmes résis-tances que lorsqu'ils se trou-vaient du côté droit. Tout seraà recommencer.

L'animal n'a donc pas eu assezde raisonnement pour compren-dre que cet objet qui l'effrayaitune seconde fois était le mêmeque celui dont il avait eu peurla première.

Poussons les choses plus loinpour démontrer combien la com-paraison de son intelligence avec

celle des autres animaux lui est désavantageuse. Le chevalle plus doux donne enjouant, sans raison, uncoup de pied mortel àl'homme qui le soigne.Le chien le plus mé-chant mordra-t-il jamaisson maître?

Il faut avouer que lamanière dont le chevalest élevé contribue sin-gulièrement à lui reti-rer le peu d'intelligencequ'il pourrait avoir.

Le malheureux quiétait fait pour être libreet courir dans les grands espaces débute mal dès sa venue en

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ce monde. Après un semblant d'indépendance dans la prairie,il est brusquement attaché assez court et condamné à uneimmobilité presque complète dans une stalle généralement tropétroite et tout juste assez longue. Son peu d'intelligence estencore atrophié par cette captivité qui n'aura plus de fin.

Apprivoisé à coups de fourche à l'écurie, il l'est dehors à

coups de bâton. Attelépresque toujours tropjeune à une voiture troplourde, on lui met dansla bouche, sa partie laplus délicate, une barrede fer qu'on nommemors, munie de deuxpuissants leviers. S'ilveut se porter en avant,on lui arrache la mâ-choire en l'asseyant surles jarrets avec cet ins-trument de supplice; sila douleur l'empêche d'avancer à la volonté de son bourreau,celui-ci n'hésite pas à le frapper à tour de bras avec un fouet.

Monté, ce sont les mêmes procédés dont on use envers lui,avec cette simple différence que le fouet est remplacé par lacravache. Il n'y verrait peut-être que demi-mal si, comme ilarrive souvent, nombre de dresseurs, armant leurs talons d'épe-rons à molettes pointues et profitant de la position à califour-chon, très commode pour se servir des jambes, n'en usaientpour fourrager durement les flancs de leur monture juste àl'endroit où s'arrêtent les côtes, c'est-à-dire au ventre.

Le cheval ainsi élevé, devient fatalement une brute, sa phy-sionomie morne en fait une véritable caricature qui n'a plus

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qu'une ressemblance éloignée avec l'animal libre et fier que lanature avait créé.

Peut-être que s'il vivait plus étroitement avec son maître,cette intelligence précaire se développerait chez le cheval

comme elle se développe chez lechien qui est, pour ainsi dire inti-mement lié à l'existence de sonmaître.

Si la sincérité oblige à recon-naître le peu d'intelligence ducheval, il est juste de lui accordersans réserve une très grande qua-lité : la mémoire. Certainement ilpossède une mémoire tout à faitremarquable. Un cheval dressé enhaute école ou en liberté, pourrapar la suite être attelé, monté encourse ou à la chasse, jamais iln'oubliera son travail de jadismême dans ses moindres détails.Vous pourrez le reprendre au ma-nège au bout de plusieurs mois,

de plusieurs années, après avoir cesse de le monter, et luidemander tout ce que vous lui avez appris autrefois, son travaille plus compliqué même. C'est certainement lui qui surprendravotre mémoire en défaut, hésitant et même se défendant lorsquevous intervertirez, par oubli, l'ordre de son ancien travail.

Lorsqu'il fait de la route, vous pouvez également constatersa grande mémoire. A-t-il parcouru un chemin deux fois?Il pourra vous guider dans tous ses détours ; les méandres ensont gravés dans son esprit, et il ira jusqu'à vous arrêter net,si vous n'y prenez pas garde, aux endroits précis où vous

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l'aurez arrêté la première fois que vous avez fait le même trajet.Cette mémoire, si utile pour le dressage, lui est bien com-

mode pour se défendre. Il sait à merveille l'utiliser à son profit.Vous a-t-il désarçonné à une place? Menez-vous; en repassantà cette même place, il cherchera certainement à recommencer.

Et cette mémoire très précise, toujours en éveil, lui dicte quel-quefois sa ligne de conduite ; tel cavalier l'a forcé à obéir : ilne lui résistera plus ; tel autre a eu peur de lui et lui a cédé :

il lui résistera à outrance.De ceci, il faut déduire qu'on doit beaucoup compter sur la

mémoire du cheval, et que s'il apprend lentement et diffici-lement, en revanche, il n'oublie jamais.

C'est pourquoi le dresseur averti de cette grande mémoireet de ce peu d'intelligence, devra suppléer à l'infériorité de laseconde en procédant par une graduation très lente et très nettedans le dressage et profiter ainsi de ce qui est acquis définiti-vement sans risquer d'embrouiller par de trop multiplesdemandes les facultés restreintes d'intelligence du cheval.Cette manière de procéder aura en outre l'avantage de ne pasl'énerver, car, comme on le sait, il est très emporté et ses prin-cipales révoltes sont occasionnées presque toujours par uneinsuffisance de compréhension.

Gardez-vous donc des faiblesses et des mauvaises leçonsdont les conséquences sont presque irréparables.

L'ATAVISME Le caractère du cheval, comme celui desautres animaux, subit d'une façon très cu-

rieuse les influences de 1 atavisme. Qu'on en juge plutôt.Il y a près d'un quart de siècle, lorsque les premièresbicyclettes ont commencé à circuler dans Paris et dans sapériphérie, ce n'est point de peur, mais d'une véritable terreurque furent pris les chevaux. On les vit se dérober, se jeter sur

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n'importe quel obstacle, inconscients et affolés, plutôt que de selaisser approcher par ces véhicules inconnus d'eux ; il en estmême quelques-uns qui ne purent jamais s'habituer au voisi-nage de ces nouvelles machines. Puis, dès la deuxième ou troi-sième génération, nous avons vu venir à Paris de jeunes che-vaux, qui voyaient passer près d'eux pour la première fois desbicyclettes avec la plus grande indifférence.

Il en a été de même pour l'automobile. Les premiers chevauxen furent terrorisés, leur descendance ne s'en émeut plus.L'exemple est peut-être plus frappant ici, parce que cette petitelocomotive sans voie ferrée a débuté dans la carrière avec unbruit infernal. Il a fallu au cheval une mentalité facilementtransformable pour oublier, en moins de deux générations, sesterreurs premières et voir passer presque dans ses jambes,sans s'en inquiéter, les véhicules trépidants dont les moteurstransmettaient à ses oreilles un vacarme bien fait pour l'effrayer.

Les lois de l'atavisme s'étendent d'une génération à l'autre,à toutes les qualités et à tous les défauts du cheval, aussi bienaux tares morales qu'aux tares physiques. Un animal rétiftransmettra à sa descendance, à un degré plus ou moins déve-loppé, un caractère semblable au sien. Un cheval doux, lympha-tique, engendrera des animaux calmes et apathiques. D'unemanière générale, on peut dire que tous les défauts de caractèrese transmettent de génération en génération, sous une mêmeforme, mais avec une intensité variable.

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DESCRIPTION DÉ-TAILLÉE DU CHEVAL

Nous devons donc rechercher, comme cheval de selle, l'animalrobuste et le plus près du sang possible. Comme le sang n'est

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en somme que le sang oriental, il faudra donc que le cheval deselle ne s'éloigne pas trop de cette origine orientale, tel le pursang anglais qui s'en rapproche le plus.

Je ne saurais mieux faire que de reproduire ici comme type decheval oriental le magnifique étalon syrien dessiné par Adam.

Pour qu'un cheval soit réellement beau, il ne suffit pas que cer-taines parties de son corps soient bien établies, il faut encore quetoutes ses parties forment une harmonie parfaite, harmonie quine doit être contrariée par aucune défectuosité. Voici pour l'en-

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semble ; nous allons, en détail, décrire chaque partie du cheval,en expliquant ce qu'elle doit être pour se rapprocher de la per-fection.

LA TÊTE La tête se compose des oreilles, du front, du tou-pet, des yeux, du chanfrein, des naseaux, de la

bouche, des lèvres et de la ganache.

L'OREILLE L'oreille ne doit être ni trop grande ni trop

sur le front, enfin quand elles se dressent dans des directionsopposées, on dit des chevaux affectés de telles oreilles qu'ilssont « mal coiffés ».

L'intérieur de l'oreille est généralement revêtu d'une couchede poils assez longs qu'il était autrefois d'usage de couper;mais on a reconnu que c'était une erreur, car ce duvet est des-tiné à empêcher les corps étrangers et les mouches d'entrer dansle cornet acoustique qui, par sa position, les reçoit trop faci-lement.

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LE TOUPET Comme l'indique son nom, le toupet est unemèche de crins qui pend sur le front, attachée

entre les deux oreilles. Le toupet naturel est plus ou moinslong, mais il est généralement raccourci ou supprimé poursatisfaire aux exigences variables de la mode.

LES YEUX Comme je l'ai déjà dit, l'œil doit être plutôt àfleur de tête que rentré ; de couleur foncée ; les

deux yeux ne doivent pas être de couleur différente, car lecheval serait dit alors cheval à l'œil vairon. Cette dissemblanceest considérée comme une laideur. L'œil doit être bien ouvertet les paupières bien mobiles. Quand il est trop couvert, c'estgénéralement un signe de sournoiserie ou de méchanceté. Ondit qu'un cheval a « des yeux de cochon » lorsqu'ils sont troppetits.

LE CHANFREIN Le chanfrein est la partie qui descend dufront au nez. Il doit être le plus droit pos-

sible, car lorsqu'il est busqué il donne à la tête du chevall'aspect d'une tête de mouton. Beaucoup d'irlandais, quelquesnormands, ont le chanfrein busqué. Quant au front, il doit êtrelarge et plat.

LES NASEAUX Les naseaux doivent être bien ouverts, car,étant destinés à l'entrée de l'air dans les pou-

mons, plus ils seront ouverts et dilatables, plus les poumonsabsorberont facilement l'air. Cette large ouverture des naseauxest tellement importante que certains peuples d'Orient ouvrentavec des ciseaux les naseaux de leurs poulains lorsqu'ils vien-nent au monde, sachant parfaitement que pour obtenir unemarche rapide du cheval, il faut qu'il puisse aspirer l'air àpleins poumons,

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Les naseaux doivent aspirer et repousser l'air extérieur sansaucun bruit, bruit qui serait signe d'une tare de la gorge oudes poumons.

LA BOUCHE Je commence la description de la bouche parles lèvres. Ces lèvres, qui sont d'une grande

mobilité, servent au cheval non seulement à prendre sa nour-riture, mais encore à trier dans le grain, dans l'herbe et dansle fourrage, les parties qui conviennent le mieux à son alimen-tation. Le cheval a donc dans la bouche une adresse et untact égaux à ceux que nous avons dans les mains et que je pour-rais comparer aussi à l'adresse de la trompe de l'éléphant.

Chez le jeune cheval, ces lèvres sont peu charnues, mais plusle cheval prend d'âge, plus les lèvres deviennent épaisses. Ellesdoivent pourtant toujours rester assez fermes pour être biencollées sur les dents et se joindre afin que la bouche resteconstamment fermée. Un grand défaut pour un cheval estd'avoir la lèvre inférieure pendante; cela dépare complètementsa physionomie. La lèvre supérieure ne doit pas non plus êtretrop longue, car elle viendrait coiffer la lèvre inférieure, ce quiserait aussi très disgracieux.

Les lèvres du cheval, comme je l'ai déjà dit, sont tellementmobiles que c'est avec elles qu'il commence à s'emparer desbranches du mors pour prendre ce mors dans les dents lorsqu'ilveut s'emballer. On remédie généralement aux inconvénientsque peut avoir ce défaut, dans la conduite du cheval, en mettantau mors une fausse gourmette.

Combien de chevaux aussi ouvrent la porte de leur box etles robinets d'eau avec leurs lèvres.

Lorsqu'on ouvre la bouche du cheval, on trouve les dents, lalangue, le palais et les barres.

Comme chez presque tous les animaux de son espèce, la

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bouche du cheval ne comprend que des molaires et des inci-sives. Il n'y a guère qu'une canine, à laquelle on donne lenom de crochet, qui vient de chaque côté des mâchoires du chevallorsqu'il prend de l'âge.

LES DENTS Les dents, chez le cheval, ont une grande impor-tance en dehors du rôle qu elles jouent comme

masticatrices, rôle déjà capital, car le cheval, se nourrissantd'herbes sèches et de grains et n'ayant pas, comme les rumi-

nants, la faculté de mastiquer plusieurs fois sa nourriture, doit

du premier coup broyer ses aliments. C'est vous dire la néces-sité de la grande puissance de sa mâchoire qui rend les mor-sures du cheval si redoutables. Dans sa jeunesse, le cheval

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a les dents courtes, très enfoncées dans les gencives et lamâchoire presque convexe.

En avançant en âge, les dents perdent de leur convexité, etdans la vieillesse l'angle qu'elles forment devient de plus enplus aigu.

C'est par l'inspection des dents qu'on arrive le plus sûrementà déterminer l'âge d'un cheval. Nous allons donc donner unesérie de schémas montrant la configuration de la bouche ducheval depuis l'âge de trois ans jusqu'à dix-huit ans, car après

cet âge, le cheval entrant dans la vieillesse est en plein déclinet son âge n'a plus d'intérêt. Comme il n'y a pas de règle sansexception, il y a beaucoup de mâchoires irrégulières qui nepermettent pas de reconnaître l'âge d'un cheval et qui pourraientmême tromper si on se fiait aux apparences. Entre ces irré-gularités, l'une des principales est la longueur prématurée desdents chez le jeune cheval ; elle se présente dans plusieurs cas.Il peut d'abord arriver que la mâchoire inférieure n'étant pas au-dessous de la mâchoire supérieure, et les incisives d'en bas et d'enhaut ne frottant pas l'une sur l'autre, l'usure n'atteigne pas undegré normal et que les dents deviennent ainsi trop longues.Les chevaux qui ne mangent pas d'avoine ont généralement aussiles dents plus longues, ces dents n'ayant rien à broyer. Puisquenous parlons de la longueur démesurée des dents, je signalerail'allongement de certaines molaires, allongement qui produitdes aspérités gênant à ce point la mastication, qu'on est obligé

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de les faire limer pour quele cheval puisse bien broyersa nourriture et que le grainn'arrive pas dans l'estomacsans être moulu, ce qui occa-sionnerait de mauvaisesdigestions, et affaiblirait lecheval puisqu'il ne pourraitpas dans ce cas s'assimilerles principes nutritifs dugrain et du fourrage. Uneirrégularité qui n'a pas lesmêmes inconvénients maisqui facilite les erreurs outromperies en ce qui con-cerne 1 âge d'un cheval,c'est l'effacement préma-turé de la fève1 dans lesincisives, effacement qui,lorsqu'il se produit, peutfaire croire que le chevalest beaucoup plus âgé qu'il

ne l'est réellement. Lorsqueles chevaux ont des inci-sives ainsi rasées avantl'âge, on les nomme bégus.Les connaisseurs en che-vaux, lorsqu'ils se trouventenprésenced'unsujetbégu,

n'ont plus comme ressource, pour déterminer son âge, que

i. La fève est la partie ovale de couleur marron légèrement creuse qui se trouve au,milieu de la dent du jeune cheval.

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d'examiner la ganache, les salières, les saillies des os de latête et l'aspect général du cheval, ce qui est beaucoup plusdifficile et bien moins certain.

Dans certains cas, les chevaux, quoique vieillissant, ont aussiles dents de devant très usées et trop courtes. Ce sont lestiqueurs '.

LA GANACHE En termes techniquesvétérinaires « la ganacheest une région basse ayant pour siège la por-

tion rectiligne du maxillaire inférieur » ; en somme, c'est ellequi forme toute la mâchoire inférieure, depuis le cou jusqu'à labarbe qui la sépare de la lèvre inférieure.

Comme je l'ai dit plus haut, la ganache se compose de deuxos réunis ensemble, lesquels os, selon qu'ils sont plus ou moinsminces, aident à déterminer l'âge du cheval. Il passe aussi à lapartie intérieure de la ganache une veine sur laquelle on a l'ha-bitude de « tâter le pouls » chez le cheval.

Puisque j'ai été amené à parler de la barbe, je tiens encore àlui marquer sa place dans la mâchoire inférieure, place qui estreprésentée par un creux, une sorte de petite gouttière, précédantla lèvre inférieure. C'est à cet endroit de la ganache que vient por-ter la gourmette, qui est le point d'appui des leviers du mors. Cepoint d'appui est assez solide, car deux os, en descendant et fai-sant suite à la ganache, offrent un point sérieux de résistance.

C est en pinçant la peau entre la gourmette et ces os, qu'onobtient une sensibilité qui vient s'ajouter à celle de l'effet dumors sur les barres.

LA LANGUE Il est important que la langue d'un cheval soitd'un volume normal et assez ferme pour être

bien maintenue à l'intérieur de la bouche, adhérente à la cavité

1. Voir aux Défauts et tares du cheval.

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de la mâchoire inférieure, car si elle était trop longue elle pen-drait, ce qui est d'un aspect désagréable. Une langue pendanteest un défaut capital pour un cheval, parce qu'il est irrémédiable.

Tous les moyens essayés jusqu'à ce jour pour l'empêcher n'ontjamais donné aucun bon résultat. Le cheval qui a l'habitude depasser sa langue par dessus le mors est d'une conduite difficile,car l'action du mors, n'étant plus mitigée par le support de la

langue, perd de son efficacité. Labouche du cheval devient dure etpleine de contractions. On réussitquelquefois à empêcher ce défautpar l'emploi du mors à palette.

Comme il est toujours dange-reux d'explorer la bouche d'uncheval, en tenant cette bouche avecles mains, il est d'usage d'empoi-gner la langue avec la main enl'entrant par la partie dépourvuede dents, c'est-à-dire en la passantsur les barres, et de la porter un peu

sur le côté de la bouche, de façon à ce qu'elle se trouve pincéeentre les molaires inférieures et les molaires supérieures,position dans laquelle le cheval ne peut plus mordre sans semordre lui-même la langue, ce qu'il se gardera bien de faire.

L'ENCOLURE Puisque nous avons commencé l'examen ducheval par la tête, continuons par l'encolure.

L'encolure est la partie allongée qui relie la tête au corps.Elle a comme point plus élevé la nuque, et comme base le

garrot. Sa partie supérieure est garnie de crins, qu'on appellela crinière, et sa partie inférieure, plus charnue, vient s'attacher

au poitrail.

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L'encolure doit être puissante à sa base, et aller en s'amin-cissant jusqu'à la nuque. Comme je ne m'occupe que de l'en-colure du cheval de selle, je la préfère haute, suffisammentlongue et un peu arrondie, c'est-à-dire rouée à la partie supé-rieure, car si elle l'était à la base, le cheval aurait trop de ten-dance à s'encapuchonner. Il faut éviter les chevaux qui ontl'encolure trop courte et surtout ceux qui l'ont renversée, c'est-à-dire creusée en son milieu. Cette conformation est rebelle à lamise en main et d'un effet disgracieux. On appelle « coude cerf »la forme de cette encolure.

Comme vous le verrez dans le dressage du cheval, l'assou-plissement de l'encolure étant d'une très grande importance, ilfaudra choisir avec soin un sujet à encolure longue et flexible,sans être trop grêle, trop « cou de cygne », afin que cet assou-plissement ne dégénère pas en dislocation.

Certains chevaux, et des meilleurs, ont quelquefois sur lapartie latérale du cou, une marque plus ou moins profonde,ressemblant à une cicatrice. Cette marque est naturelle, elles'appelle le « coup de lance », et les vieux auteurs la considèrentpresque toujours comme le signe d'une grande qualité chezl'animal.

LE GARROT Le garrot est une saillie osseuse qui sert d'inter-médiaire entre le cou et le dos du cheval, il se

trouve donc logé entre les deux épaules. Le garrot doit êtrebien sorti, c'est-à-dire avoir une bonne élévation au-dessus dudos, se prolonger le plus possible en arrière, surtout chez lecheval de selle, mais il ne faut pas cependant que cette éléva-tion soit exagérée, car le garrot devenant moins charnu àmesure que le cheval prend de l'âge, finirait par être en lame decouteau, et le manque de chair sur l'os qui en est le fond, occa-sionnerait une sécheresse trop grande de cette partie, séche-

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resse qui rend le derme cassant et trop facilement enclin auxblessures occasionnées par la selle. Comme nous le verronsplustard, les chevaux ayant le garrot très sorti devront être équipésavec des selles à garrot découpé. Le défaut contraire chez cer-tains chevaux et surtout chez les juments, c'est d'avoir le garrotpeu apparent, pour ainsi dire enfoui dans les chairs. C'est l'in-verse du garrot en lame de couteau, c'est le garrot empâté ; leschevaux qui possèdent ce garrot manquent du reste générale-ment d'espèce et sont difficiles à seller, car la selle n'étant pasretenue en avant a tendance à glisser sur les épaules. Je ledéconseille donc absolument dans le choix d'un cheval de selle.Du reste, le cheval à garrot élevé s'approchant le plus, sous cerapport, de la perfection, est le cheval haut de devant ; celuiqui a le garrot peu saillant est presque toujours le cheval basdu devant. Cette défectuosité saute aux yeux des moins expé-rimentés. C'est le garrot du cheval adulte, de six ou sept ans,que je viens de décrire, car le poulain a rarement un garrotbien sorti.

En somme, il n'est pas de cheval bien fait sans garrotsaillant.

LE REIN Le rein est la partie qui joint le dos à la croupe. Ilest, avec les jambes, une des parties les plus impor-

tantes du cheval, surtout du cheval de selle. Il doit donc êtrele plus solide et le plus résistant possible. Pour cela il fautqu'il soit court et large. Le dos et le rein d'un cheval doiventjuste avoir la longueur suffisante pour y poser la selle. Il doitêtre droit et bien attaché sur les hanches et sur la croupe. Il ya des dos arqués qui sont très solides, mais qui sont disgracieuxet donnent une grande raideur au cheval. Il y a des dos creuxet ce sont les plus mauvais, car cette forme concave entraîne lafaiblesse.

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Quelques chevaux ont cette conformationde dos de naissance,beaucoup la prennent en vieillissant, on dit alors qu'ils sontensellés, et par ce fait ils sont incapables de porter du poids.Il faut donc les écarter, surtout comme chevaux de selle. Unequalité très importante du rein est la souplesse, pour cette rai-son que les muscles du dos comme tous les autres ne doiventpas avoir de raideur. Cette souplesse est tellement importanteque tous les connaisseurs en chevaux pincent le dos du chevalafin de voir si le rein cède et si le cheval se plie sous la pressiondes doigts, ce qui témoigne du degré de souplesse de l'animal. Ilne faut pas confondre la souplesse avec la faiblesse de certainsreins mous, mal attachés et étroits qui, tout en ayant une bonneapparence, sont faibles. Le cavalier les reconnaîtra facilementlorsqu'il se mettra en selle.

Les chevaux affectés d'un mauvais rein se plient presque endeux et se jettent un peu de droite à gauche, en recevant lepoids du cavalier. Quelques chevaux cependant ne font cesdeux mouvements plus ou moins inquiétants que par excès desensibilité

;c'est à l'habileté du cavalier à discerner le cheval

faible de rein du cheval seulement nerveux et impressionnable.Par dérogation à ce que je viens de dire, je préfère le rein un

peu fléchi au-dessous de la ligne droite, au rein trop droit. Cetteforme légèrement affaissée donnera au cheval une grande sou-plesse, très appréciable pour le cavalier. Il est bien certain quecette forme légèrement concave du rein ne devra jamais êtreexagérée, car nous retomberions dans la faiblesse ou dans l'en-sellement.

LA CROUPE La croupe et la queue sont les régions qui vien-nent après le rein, et tont partie de cet ensem-

ble qui s'appelle l'arrière-main ; la croupeé tant destinée, nonseulement à porter du poids, mais à supporter les efforts du

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rein, il faut la rechercher puissante, c'est-à-dire large, avce lapointedes hanches bien sortie. Ilne la faut pas trop longue, maiscependant assez pour que le cheval ait de l'élégance. Il estimportant aussi qu'elle soit assez droite et que celle-ci ne tombepas brusquement de la pointe des hanches à la pointe des fesses,ce qui donnerait au cheval l'aspect très commun. Il aurait cequ'on appelle la croupe fuyante ou « ravalée ». La croupe devradonc être puissante, large, et plutôt longue que courte.

LA QUEUE La queue est la prolongation de la colonne ver-tebraie qui vient dépasser la croupe a la partie

supérieure. Pour qu'un cheval ait la queue bien attachée, ilfaut qu'elle soit sur la même ligne que la partie supérieure dela croupe et qu'elle soit fixée assez haut pour que le cheval, dèsqu'il se met en mouvement, porte la queue légèrement au-des-sus de la ligne des reins.

La queue à l'état naturel est toujours longue et très four-nie de crins, mais à toutes les époques la mode en modifie lalongueur et la forme. Les Romains déjà la coupaient très courteainsi que la crinière, puis sous Louis XIII et Louis XIV on lalaissait dans toute sa longueur, mais on la nouait chez le che-val de selle et chez le cheval de parade.

Maintenant, suivant la mode, on la laisse tour à tour longue,en brosse, en éventail, en sifflet, et quelquefois tellement rac-courcie qu'il n'en reste pour ainsi dire plus.

Il est même chez le cheval un grand défaut qui est d'ailleurs unemaladie, c'est de ne pas avoir de poils sur la queue. Ces chevauxs'appellent « queue de rat » ; chose curieuse, les chevaux affec-tés d'une pareille queue sont presque toujours excellents.« Queue de rat n'a jamais laissé son cavalier dans l'embarras. »

Enfin quelle que soit la queue, on l'a toujours voulue très haute,c'est pour cela qu'autrefois on ajoutait aux croupières des che-

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vaux des culerons releveurs, sorte de supports qui remontaientla queue. Quant à la question des procédés artificiels pour fairetenir la queue, elle relève d'un chapitre spécial sur le maquil-lage et les transformations que l'on fait subir aux chevaux.

LE POITRAIL Le poitrail, qui forme la base de l'avant-maindu cheval doit être puissant et large d'une façon

générale, car étant formé des pectoraux et des muscles quirattachent les épaules et les jambes au tronc, s'il était étroit,ces muscles n'auraient pas assez de développement, et par con-

-séquent ne seraient pas robustes. Lorsqu'un cheval a le poitrailétroit, on dit qu'il est étroit du devant, et c'est un grand défautpour les raisons que je viens de donner et encore pourl'esthétique générale de l'animal. Cette largeur du poitrail, quiest très appréciable, ne doit pas être non plus exagérée et doitrester en rapport avec l'ensemble de l'animal pour cette raisonque si l'étroitesse du poitrail entraîne celle de l'avant-main, ilest bien certain qu'un poitrail trop large, trop empâté chez uncheval léger, mince, est également un défaut.

En somme, les proportions doivent rester harmonieuses entrele poitrail, le corps et l'ensemble de l'animal.

LE PASSAGEDES SANGLES

Le passage des sangles correspond à ce qu'onappelle chez l'homme la ceinture, c'est-à-direque cest la partie la plus rétrécie du corps qui,

passant derrière le garrot, se continue de chaque côté des côtes,de leur partie la plus amincie à celle de leur attache, en venanttourner en dessous du cheval, à la partie aplatie qu'on nomme lesternum. On dit qu'un cheval a un bon passage de sangles, lors-que ce passage est bien marqué sous le ventre du cheval parla présence d'une région plus incurvée qui se dessine unpeu en arrière du sternum.

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LE VENTRE Un beau cheval doit avoir un ventre proportionnéà sa taille, ni trop resserré, ni trop développé.

Lorsqu'il est trop resserré, on dit qu'il est levretté, qu'il man-que de boyaux, qu'il a de l'air sous le ventre.

Les chevaux ainsi construits se nourrissent généralement malet c'est bien regrettable, car ce sont presque toujours des che-vaux énergiques, pleins de qualités. Ceux qui, au contraire, ontun gros ventre sont ceux qui se nourrissent trop. Ceux-là, il fautles museler à l'écurie, pour qu'ils ne se laissent pas aller àsatisfaire leur grand appétit qui les porte à se bourrer de paille.La dimension exagérée du ventre chez un cheval le rend épaiset disgracieux. On dit qu'il a le ventre de vache. Les chevaux àgros ventre sont généralement apathiques, lourds et paresseux.

Il faut cependant, pour ne pas tomber dans l'exagération,admettre que le jeune cheval qui se nourrit d'herbes et n'estpas encore engrainé ni entraîné, ait le ventre assez proé-minent.

LES COTES Les côtes doivent être fortes et résistantes, nitrop larges, ni trop étroites, de façon a ce que

le cheval de selle, tout en étant assez bien garni de chaque côté

ne soit pas non plus rendu trop volumineux par un écartementexagéré des côtes. Cette bonne proportion avec l'ensemble ducheval est surtout importante chez l'animal de selle, car demême que le cavalier doit trouver un dos et un rein bien con-formés pour s'asseoir, il doit pouvoir aussi loger ses jambes et nepas être gêné par un excès de largeur ou d'étroitesse.

On dit d'un cheval qu'il a les côtes plates, quand ces côtes,insuffisamment arquées, se dessinent presque droites, et, dimi-nuant le volume de la cage thoracique, compriment les organesrespiratoires et digestifs. Ces chevaux manquent généralementde qualité.

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LE FLANC Le flanc est la partie charnue qui se trouveentre les côtes et les hanches. Sa forme dépend

immédiatement de celle du ventre. Nous ne nous étendrons passur cette forme et sur ses dimensions car nous en avons déjàfait la description à propos du ventre en général. Le grand intérêtqu'offre le flanc du cheval c'est la grande facilité avec laquelleil relate les mouvements des organes de la respiration. C'estpar l'examen du flanc, par la lenteur ou la fréquence de sesmouvements qu'on distingue le cheval poussif de celui qui nel'est pas. Par son agitation et l'irrégularité de ses battementson reconnaît aussi son degré d'essoufflement, après un travailplus ou moins exagéré.

MEMBRESANTÉRIEURS

La conformation de l'épaule est très importante,car de sa longueur et de son degré d'obliquitédépend la vitesse ou l'élévation des mouve-

ments du cheval, mouvements qui d'habitude produisent deseffets contraires. Je dis d'habitude, parce que certains chevaux,particulièrement ceux doués de beaucoup de sang, peuvent avoirde la vitesse tout en levant les jambes. Il faut avant tout quel'épaule soit longue, parce que de son développement dépend ledéveloppementmusculaire correspondant et que de l'amplitudedu mouvement de l'épaule dépend celle du membre tout entier,à condititon toutefois que le reste de ce membre soit bienproportionné. Il faut encore que l'épaule soit oblique, l'obli-quité, en effet, permet au membre de se soulever dans unegrande mesure et d'accomplir tout son jeu avant son retour surle sol.

Voyez le cheval oriental, le véritable pur sang, comme ilpasse élégamment la jambe à une bonne hauteur à chaque enjam-bée. La perfection pour moi c'est que le cheval porte bien laiambe en avant, au pas et au trot, en la soulevant à une certaine

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distance du sol, et vienne reposer son pied légèrement, biend'aplomb, ni trop sur la pince, ni trop sur le talon. Je proscrisdonc le cheval qui rase le tapis, de même que celui quimarche du genou. L'un risque d'accrocher le sol et de tomber,l'autre perd du temps en l'air au lieu d'avancer. L'épaule, quelque soit le cheval, doit être bien musclée, car c'est elle qui,en faisant mouvoir les jambes, provoque et règle comme unressort le mouvement d'ensemble.

BRAS ETAVANT-BRAS

Le bras et l'avant-bras forment la partie supé-rieure de la jambe au-dessous de l'épaule. Jen'ai rien de bien particulier à dire sur le bras

et sur l'avant-bras; plus ils seront musclés, plus ils serontsolides. Leur longueur doit être en proportion du reste de lajambe, c'est-à-dire en former un peu plus de la moitié. Cepen-dant, dans la recherche de la vitesse, il faut tenir compte de lalongueur de l'avant-bras, mais ne jamais tomber dans l'exagé-ration car alors le cheval raserait le tapis et ce défaut compro-mettrait la sécurité du cavalier.

Avant de terminer ces observations sur le bias, je signa-lerai une excroissance de corne qui se trouve vers sa partieinférieure et qu'on appelle lachataigne. Elle a peu d'importancesi ce n'est qu'elle prend souvent trop de développement et qu'onest obligé de la tailler comme toutes les excroissances decorne. De quelle utilité est la « chataigne » et que vient-ellefaire là ? Personne n'a jamais pu l'expliquer.

LE GENOU Le genou qui, entre parenthèse, ne corresponden aucune façon au genou de l'homme, est l'arti-

culation qui sert au bas de la jambe à se mouvoir en dessousde l'avant-bras. Il doit être sec, un peu descendu et formantbosse de chaque côté de la jambe. S'il est trop gros et enveloppé

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d'une texture molle, on dit qu'il estempâté. Ce genou ne vaut rien,il est sujet aux maladies et déformations. De la qualité du genou

vice de naissance qui nuit beaucoup au bon aspect et à la soli-dité du cheval dans sa marche. On dit du chevalbrassicourt qu'il est arqué. Il peut l'être aussi parusure, c'est ce qui arrive assez fréquemment chezles chevaux surmenés. Le défaut contraire pour uncheval, c'est d'avoir le genou qui creuse en arrière.Si le bas des jambes s'en va à droite et à gauche endessous des aplombs, on dit le chevalpaizard. Dansd'autres cas, toujours à cause de la mauvaise con-formation des genoux, le bas des jambes se trouvetourné en dedans au lieu d'être en dehors, on ditalors qu'il est cagneux. C'est laid et disgracieux.Il faut donc éviter les chevaux ayant les pieds tropen dehors ou trop en dedans, mais comme la per-fection est rare et que dans le choix d'un cheval ilfaut souvent faire quelques concessionsrelativementà la beauté idéale, je préfèrerai le cheval panard

au cheval cagneux, car j'ai reconnu par expérience qu'il étaitplus adroit.

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LE CANON Le canon est immédiatementau-dessous du genou,d'où il va rejoindre le boulet. Il doit être large,

court, descendant verticalement et sa qualité dépend de sasécheresse et de sa netteté. Il doit être également bien détaché.Le tendon qui forme sa partie postérieure doit être aussi biensorti et très net. Cette netteté doit être contrôlée non seulementpar le regard mais aussi par le toucher. C'est en descendantle pouce et l'index le long de la partie inférieure de la jambedr cheval composée du talon et du tendon qu'on peut constaterla netteté de l'une et de l'autre. Tout ce qui viendrait rompreces deux lignes ne pourrait être qu'une tare.

LE BOULET Le boulet est l'articulation formant aussi sailliequi joint le canon au paturon. Ayant un rôle

très important dans le mécanisme de la jambe, il doit être fort,large, épais sans être empâté, car s'il l'était,il ne serait plus net.

Une particularité du boulet qui n'a peut-être pas beaucoupd'importance,c'est d'être muni à la partie postérieured'une touffede crins au milieu de laquelle se trouve une excroissance de

corne appelée l'ergot. On entend par fanon, l'ensemble cons-titué par la touffe de crins et l'ergot. Chez les chevaux de race,il est peu volumineux, mais il est gros et épais chez les che-vaux communs.

LE PATURON Le paturon qui prend naissance au-dessousdu boulet sur lequel il s'attache vient se con-

fondre avec la partie supérieure de la couronne. Il joue absolu-ment le même rôle que le poignet humain qui lie la main aubras. Chez le cheval c'est lui qui fait mouvoir le pied au-dessousdu canon. Ce rôle est très important dans les mouvementsde flexion et d'extension de la jambe. C'est en partie de lui quedépendent la sûreté et l'élasticitéde la marche d'un cheval. Il doit

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donc être large, robuste, bien en proportion avec l'ensemble dubas de la jambe, être assez long pour être flexible, avoir unebonne direction, c'est-à-dire être légèrement incliné vers le sol,sec et sans tare. Par la figure ci-après vous verrez qu'il ne doitêtre ni trop long (ce qui retire de la solidité à la jambe), nitrop court (ce qui lui donne de la raideur). S'il est trop long lecheval est longjointé, s'il est trop court, le cheval est court jointé.

Le paturon est une des parties les plus fragiles, celle qui sefoule et se casse le plus facilement. C'est pour la maintenir enbon état qu'un maréchal expert doit toujours, en parant sonpied, le maintenird'aplomb, afin qu'une mauvaiseposition cons-tante du pied ne vienne pas fatiguer et user prématurément lepaturon.

LA COURONNE La couronne, comme l'indique son nom, estla partie qui, entourant le pied dans tout son

ensemble, le réunit à la partie inférieure du paturon ; ellemasque les phalanges qui, à leur partie inférieure, sont enfer-mées dans la masse du pied et attachées solidement à laportion cartilagineuse qui la lie à la corne. Ces phalangesviennent se réunir pour s'attacher au paturon et constituentl'ensemble de la couronne. La couronne, sur laquelle je m'éten-drai davantage lorsque je parlerai des tares ducheval, doit être large sans être trop saillante etsèche, nette dans tout son ensemble.

LE PIED Le pied, extrémité inférieure de lajambe, est formé par la boîte cornée,

nommée sabot et qui repose sur le sol. C'estcette boîte cornée insensible qui sert à protégerles parties peut-être les plus délicates du cheval,à l'intérieur du pied. La qualité du pied est tellement importante

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que sans en faire une description anatomique qui ne serait pointà sa place ici, nous allons par des figures, montrer quels sontles bons et les mauvais pieds. Car la première qualité d'un

cheval pour bien marcher est d'avoirde bons pieds. C'est tellement vrai quede tous temps et dans tous les pays ona désigné comme cheval n'ayant pas depieds, celui qui en avait de mauvais. LesAnglais disent à ce sujet : « pas de pieds,pas de cheval. » Nous allons donc main-tenant désigner le pied du cheval parson véritable nom, celui de sabot, sabotqui, à proprement parler, est l'ongle ducheval. Il se divise en plusieurs partiesqui sont : la paroi ou la muraille; lapince ; la mamelle ; le quartier : le

talon; l'arc-boutant ou la barre; la sole; la fourchette.La figure ci-jointe montre quelle doit être la forme d'un pied

bien fait. La corne qui composele pied doit être résistante etcompacte sans être trop dure, ce

qui nuirait à son élasticité et la rendrait cassante. Le volumedu pied est assez difficile à définir puisqu'il doit varier avec lataille et le volume du cheval lui-même. Cependant il ne doitêtre ni trop grand ni trop petit ni surtout trop haut ni trop plat.Pour se rendre compte de ce qu'il doit être nous citerons les

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principales défectuosités du pied qui sont : excès de volume ;trop petits pieds (dont l'aspect est perfide et séduit générale-ment les gens peu avertis)

; pieds étroits ; pieds inégaux;pieds plats; talons trop hauts ; talons trop bas; piedspanards ; pieds cagneux ; pieds p inçards.

L'ARRIÈRE-MAIN L'arrière-main se compose de la croupe,dont nous avons déjà décrit la partie supé-

rieure, des cuisses et des membres postérieurs. La cuisse doitêtre large, puissante, bien descendue et lorsqu'elle est ainsi, ondit que le cheval est bien culotté. Si, au contraire, elle est plateet maigre, on dit que le cheval n'a pas de cuisse.

LE JARRET Le jarret, qui se trouve au-dessous de la cuisseest la partie ou se concentrent les efiOrts muscu-

laires, source de l'impulsion du cheval. Qu'il marche, qu'iltrotte, qu'il galope, qu'il saute, qu'il pointe, c'est dans lesmuscles des jarrets que la détente prend son origine. Il fautdonc, pour qu'il joue le maximum de son rôle, qu'il soit extrê-mement puissant, sain, large, bien ouvert et bien dirigé. Quantà ses lignes extérieures il est bien difficile, impossible même deles préciser sans entrer dans des considérationsessentiellementtechniques, et du domaine de l'anatomie pure. Pour déterminerles qualités physiologiques et esthétiques du jarret — qualitésqui se conjuguent pour former le jarret parfait — les spécia-listes étudient le jarret, comme jointure articulaire et fontentrer en jeu le degré d'ouverture de l'angle tibio-tarsien, sonorientation, etc., etc.

C'est ainsi qu'ils en arrivent à établir que l'angle du jarretsubit plus ou moins l'influence de ces trois directions métatar-siennes : i° Le canon reste vertical ; 2° Il est oblique enavant et en bas ; 3° Il est oblique en arrière et en bas.

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Leurs investigationsportent également sur la direction du jar-ret envisagée à deux points de vue différents : par rapport auplan médian du corps et par rapport à l'axe du membre.

Ces bases d'appréciation sont permises aux seules personnesqui connaissent admirablement l'a-natomie du cheval.

L'homme de cheval examinera lejarret sous le rapport de la pureté etde la beauté des lignes et des qua-lités de puissance et de santé dontce jarret offrira toutes les apparences.Ces qualités, nous les avons énumé-rées plus haut.

Le jarret défectueux est beaucoupplus difficile à définir.

Il est utile pour mettre en gardecontre les mauvaises conformations du jarret, d'indiquer lesdeux plus défectueuses. La première se présente lorsque lesdeux jarrets sont serrés l'un contre l'autre, on dit qu'ils sontclos ou crochus, la seconde, lorsqu'au contraire ils sont tropéloignés, trop ouverts.

Quant à la partie inférieure de la jambe qui se compose ducanon, du tendon, du boulet, du paturon, de la couronne et dupied, quoique de formes différentes de celles des membres anté-rieurs, elle est presque semblable au point de vue anatomiqueà la partie des membres antérieurs dont nous avons déjà parlé.

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LE BEAU CHE-VAL DE SELLE

s 'IL est une définition difficile à donner, c'est bien celle du« beau cheval » de selle.

De quelle espèce doit-il être ? Doit-il être doublé, doit-il êtreléger ? Doit-il être petit, doit-il être grand ?

Qui pose la question, est-ce un veneur, un cavalier de ma-nège ou un habitué du Bois ?

Au veneur, il faudra le cheval auquel les Anglais ont donnéle nom de « hunter » ; au cavalier de manège, un cheval possé-dant le plus de sang possible ; à l'habitué du Bois conviendra le« hack », pour nous servir encore d'une désignation anglaise.

Suivant mes préférences, je placerai en première ligne lecheval de selle qui répond aux caractéristiques suivantes : latête plutôt petite, les oreilles courtes et bien attachées, lesyeux saillants, le front large, les naseaux ouverts, la ganachedécharnée, formant un ensemble fin et expressif. La tête doitêtre attachée légèrement sur une encolure haute, assez longuesans l'être trop. Une poitrine bien développée, des attaches etdes articulations puissantes, des muscles bien détachés, de bonsaplombs, un dos large, et juste assez long pour la place de laselle, un rein solide sans être trop droit, un garrot élevé, unecroupe suffisamment longue terminée par un bon port dequeue, le coffre robuste sans être trop épais, quatre bonnesjambes et des tendons larges, quatre bons pieds, bien entendu.

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Et surtout des hanches, du garrot et de la lame. Le tout formantun ensemble harmonieux, élégant, puissant et bien étoffé sanscependant qu'on puisse le prendrepour un cheval d'attelage, maispourtant un peu plus « doublé » qu'un pur sang. Tel doit êtreselon moi le type du « hack ».

Cette description serait incomplète si j'omettais une desqualités primordiales, à mon avis, du cheval de selle, c'estd'avoir un passage de sangle parfait, je dirai plus : pas de bonpassage de sangle, pas de cheval de selle.

Le cheval de manège devra avoir toutes les qualités du demi-sang que je viens de décrire, mais plus de légèreté encore etencore plus de sang si c'est possible. Le pur sang anglais, lesyrien, l'arabe, le traken, le cheval hongrois résument, il mesemble, les meilleures qualités pour faire un cheval de manège.

J'ai voulu, comme je vous l'ai dit, suivant mes préférences,vous parler de ce type de cheval et du cheval de manège, maisje dois vous avouer que ces deux chevaux ne sont plus guère àla mode, le roi du jour c'est le « hunter ».

Autrefois le cheval de chasse, du temps du second empirepar exemple où, entre parenthèse, on était très connaisseur, neservait qu'à la chasse. Le cheval de promenade, le cheval surlequel on allait en promeneur au Bois de Boulogne était unc(

hack ». Mais aujourd'hui, c'est sur le hunter qu'on va au Boiscomme à la chasse. C'est plus simple, c'est vrai, plus commode,mais à mon avis, c'est moins élégant.

Certaines races de chevaux sont plus spécialement désignéespour le service de selle ; les chevaux d'Orient, par exemple, sontles véritables pur sang bien plus que les produits fabriqués enAngleterre et résultant du croisement des races nationales avecles étalons arabes, ou ayant une dose plus ou moins grande desang oriental. Ce sang oriental donne l'ardeur, la fougue et larésistance à tous les chevaux à qui on en a transmis.

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Chevaux

appartenant

àM.

Molier

et

dressés

par

lui

en

haute

école

pour

les

démonstrations

techniques

de

cet

ouvrage.

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Jadis, en Angleterre comme en France, dans les écuriesroyales et impériales, les chevaux destinés à la parade, quinaturellement étaient des demi-sang arabes, portaient le nomde « palefroi » ou « haquenée », les chevaux de service étaientdes « roussins » et les chevaux d'armes « des destriers. »

En approchant de notre époque, les Anglais ayant fabriquéavec le sang arabe le pur sang, ce dernier sert non seulementpour les courses, mais aussi comme cheval de promenade et dechasse. C'est avec le pur sang qu'on fit en France et en Angle-terre des croisementsavec des juments du pays, qui produisirentcertains chevaux très près du sang, et des anglo-normands trèsen faveur comme chevaux de selle.

Ces chevaux étaient fort appréciés sous le second empire, caron exigeait alors du cheval de selle, beaucoupd'élégance.

Le cheval de Tarbes, moins à la mode, était aussi très estimé.C'est une espèce d'ailleurs complètement modifiée de nos jourspar ses croisements avec le pur sang. Mais tous les chevauxdont je viens de parler étaient plus ou moins légers et incapablesde porter du poids. Les Anglais créèrent donc, toujours à lamême époque, une race de chevaux plus étoffés mais égalementélégants dans leurs lignes et ayant assez de sang malgré leurvolume pour être d'excellents chevaux de selle. Ces sortes dechevaux s'appelaient des « cobs ». Ils étaient très utiles pourles poids de 80 à 90 kilos. Les Anglais ont complètement modifiéla nature du cheval de selle : pour eux, il n'y en a plus que dedeux sortes : le « hack » et le « hunter ».

Ni le « hack » ni le « hunter » n'appartiennent à une espèceparticulière, mais c'est selon leurs aptitudes naturelles et leurdressage qu'on les nomme soit « hack » soit « hunter ». Par« hack » mot qui doit venir du mot français « haquenée »,je suppose, car la signification de cheval de louage que donnele dictionnaire anglais est insuffisante, on entend le cheval

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de promenade. C'est toujours un demi-sang bien fait et élégantqui, pour mériter le nom de « hack », doit être bien « mis » etbien dressé.

Le « hunter », le cheval de chasse, n'appartient pas non plusà une race déterminée. On exige de lui moins de mise en mainque pour le hack, mais on est bien plus difficile pour ses apti-tudes naturelles et on lui demande un dressage complet commesauteur. Il faut qu'un bon « hunter » soit très adroit, n'aitpeur de rien, et soit assez bon sauteur pour franchir les plusgros obstacles à la chasse. Il n'est pas nécessaire qu'il soit unsauteur de concours franchissant sans les toucher, tous lesobstacles, mais il doit avoir assez d'adresse naturelle et de sûretépour pouvoir passer dans les chemins et dans les bois, sur lesterrains les plus difficiles, dans les ravins et sur les monticules.On veut enfin qu'il sache juger l'obstacle, qu'il estime commentil doit l'aborder et le franchir, qu'il ne dépense jamais sa forceinutilement à sauter un talus qu'il peut grimper et descendre, etqu'il « brousse » à travers taillis et ajoncs franchement et avecun tact parfait. Aussi donnait-on souvent autrefois à un boncheval de chasse le nom de « passe-partout ».

Ces qualités en Angleterre sont essentielles pour un chevalde chasse, qui ne mérite le nom de « hunter » que s'il les pos-sède.

Le cheval en apparence le plus ordinaire, mais ayant lesqualités que je viens de dire, se paye 4 ou 5 .000 francs quandil est d'une taille et d'une force moyennes. Mais lorsqu'ildépasse Im,62 ou Iffi,63, qu'il est assez charpenté, assez robuste,pour porter 80 kilos, on le paye couramment 12 et 15.000 francs.Cela paraît cher à première vue, mais pour ceux qui connaissentles terrains de chasse en Angleterre, les grandes prairies et lesgrandes plaines découvertes dans lesquelles les chiens anglaismènent le cerf à une vitesse vertigineuse,pour ceux qui savent

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combien il est difficile de trouver un cheval assez robuste etassez plein de sang pour ne pas se laisser distancer en suivantune de ces chasses avec un fort poids, ce prix est parfaitementadmissible.

Il existe encore en Angleterre, un petit cheval qui, lui aussi n'ade valeur que par son dressage : le cheval de polo. A Paris,on ne s'en sert guère qu'au Club du Bois de Boulogne. Ces petitschevaux doivent avoir aussi une souplesse, une adresse et undressage tout particuliers.

Tel petit demi-sang n'ayant pas plus de 1111,40 à Im,SO quicouramment ne dépasserait pas de i.oooà 1.200 francs, se payede 3 à 5.000 francs quand il est véritablement cheval de polo.Il n'est pas nécessaire que ces chevaux appartiennent à unerace, à la condition cependant qu'ils aient assez de sang poursatisfaire à un travail exigeant des efforts aussi multiples, aussidivers et aussi spontanés que ceux qu'on leur demande.

Jeconcluerai en disant que les chevaux de chasse, que l'ontrouve en Angleterre, ne sont pas toujours d'origine anglaise.

. Beaucoup sont importés de Bretagne et des excellents élevagesd,e Normandie. Mais il sont nourris, éduqués et entraînés enAngleterre de telle façon qu'ils sont méconnaissables à l'âge decinq ans et qu'ils ont pris une endurance que nous sommesincapables de leur donner en France. La richesse de la prairieanglaise y contribue pour beaucoup, dit-on.

Pour terminer la question des races de chevaux, je me per-mettrai de dire que je ne comprends pas le croisement à outrancedes races entre elles. Il me semble que ce croisement a plutôtpour résultat d'amoindrir la qualité du cheval que de la déve-lopper. Le cheval percheron a-t-il besoin d'être croisé avec uncheval boulonnais pour être meilleur, et le cheval de Tarbes,si élégant, gagne-t-il à être croisé avec un cheval du Nord?J'estime, au contraire, que chaque région produit une race qui

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a ses qualités propres, lesquelles n'ont rien à gagner au croise-ment, si ce n'est que la vigueur de certaines espèces, peut par-fois profiter d'un léger mélange de sang oriental. Je dirai mêmeplus, à mon avis il est plutôt nuisible qu'utile de vouloir corri-ger l'essence d une race ou la dépayser, car on risque ainside faire disparaître certaines races d'élite, commela racede Cor-lay, pour ne citer que celle-là, dont les spécimens purs devien-nent de plus en plus rares. Il n'est pas moins néfaste de fairenaître une race dans un autre pays que le sien : témoin lecheval percheron transplanté en Amérique, et qui n'y a con-servé ni ses formes, ni sa qualité. Sans compter qu'il est permisde déplorer la disparition de l'espèce adéquate il son terroir ; lepetit cheval qui naît dans les vastes steppes landaises, opposéau gros limousin que produisent les pâturages gras de cettecontrée. De même au point de vue esthétique, il est regrettablede voir disparaître peu à peu les espèces typiques.

Je ne voudrais pas terminer ces réflexions sur la race cheva-line, surtout après avoir fait remarquer l'influence très grandedu sol sur la race animale, sans dire combien cette influencepeut exceptionnellement modifier un être sans le transformercependant complètement. Il est certain, par exemple, qu'un che-val grêle prend de la taille et du volume dans certains pâturagesgras de Normandie, et c'est souvent dans ceux des Charentesqu'on transporte le poulain né à Tarbes pour lui donner duvolume et de la taille. Je constate simplement ce fait, mais neprétends pas soutenir que certaines races naturelles n'aient pasbesoin d'être transformées et modifiées par un croisement ouun changement de pays.

LES ROBES Nous citerons les principales couleurs du cheval :

le bai; lorsqu'il est foncé, le cheval s'appelle baibrun ; lorsqu'il est plus clair, il s'appelle bai çerise. Les che-

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vaux de cette couleur ont généralement la queue, la crinière etle bas des jambes, à partir des genoux et des jarrets, noirs. Lacouleur baie est celle qui plaît le plus en général. L'alezan, lors-qu'il est foncé, est dit alezan brûlé; lorsqu'il est clair, alezandoré. Chez l'alezan, comme chez le bai, les extrémités desjambes, la queue et la crinière sont d'une couleur plus foncée;lorsque, cependant, elles sont tout à fait claires, presque blan-ches, on dit alors que le cheval est à crins lavés. Le chevalcomplètement noir est très rare, car les plus foncés ont presquetous des poils bais, ce qui fait dire à certains qu'il n'y a pasde chevaux noirs.

La couleur complètement blanche est bien rare aussi, ellen'existe guère qu'en Orient où alors certains chevaux blancs ontles naseaux roses, ainsi que certaines parties dépourvues depoils; les parties dépourvues de poils portent le nom de ladres.

Le cheval isabelle, couleur café au lait, dont il porte aussi lenom, a généralement la crinière et la queue foncées et, sur ledos, une raie presque noire.

Le cheval gris, dont la robe est faite d'un mélange de poilsnoirs et de poils blancs, lorsqu'il a des marbrures noires sur lesfesses et sur les flancs, est dit gris pommelé. En prenant del'âge, les chevaux gris pommelé, même les plus foncés, devien-nent presque blancs. Je dis presque, parce qu'ils conservent lesnaseaux noirs et ne les ont pas roses, ce qui est la caractéris-tique du cheval véritablement blanc.

Le cheval rouan est un cheval dont le poil est mêlé de blancet de bai.

Le cap-de-more a le poil gris mélangé avec le poil noir et sur-tout des reflets bronzés qui le distinguent du cheval gris; il atoujours les crins et les extrémités noirs. Le cheval pie est uncheval blanc couvert de taches, plus ou moins nombreuses etplus ou moins larges, baies ou alezanes. Les sabots de ces che-

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vaux, comme ceux des chevaux blancs, sont généralementblancs.

Lorsqu'un cheval a une étoile sur le front, on dit qu'il a liceen tête. Quand il a du blanc sur le chanfrein, descendant sur lenaseau, on dit qu'il boit dans son blanc. Quand un cheval decouleur foncée a les extrémités blanches, on nomme ces partiesblanches, balzanes.

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VICES, TICS ET MAU-VAISES HABITUDES

B IEN que la majeure partie de cet ouvrage doive être consa-crée à l'équitation proprement dite, je croirais être incom-

plet si, dans ce chapitre relatif au cheval de selle, je ne complé-tais les observations déjà consignées ici, en parlant, ne fut-ceque brièvement, des tics et des mauvaises habitudes du cheval,que tout cavalier doit connaître.

Le tic est une contraction nerveuse de l'encolure et de lamâchoire, involontaire chez le cheval, qui se manifeste deplusieurs manières.

LE TIC A LAMANGEOIRE

Un cheval tique à la mangeoire, quand il lamord continuellement (elle ou tout autre corpsassez étroit pour qu'il puisse le prendre entre

ses dents) en contractant l'encolure, ou en s'appuyant le mentoncontre la mangeoire.

Ce tic est facile à reconnaître pour l'acheteur par l'usureanormale des incisives. Il est généralement incurable. Cepen-dant on peut l'interrompre momentanément par différentsmoyens dont le plus efficace est l'usage d'un collier très serréà la partie la plus étroite du cou, l'entravant de la gorge auxoreilles. Ce moyen très employé a le grand inconvénient de

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gêner la respiration du cheval, de lui user la crinière, et biensouvent de le blesser.

Les chevaux tiqueurs ne tiquent pas tous à la mangeoire, il

en est qui tiquent au vent. Ce mouvement nerveux consiste àlever brusquement le bout du nez. C'est encore avec un collierqu'on peut en amoindrir les mauvais effets. Si le cheval dit« tiqueur » n'avait que le défaut de mordre la mangeoireet de jeter le nez en l'air de temps en temps, il n'y aurait pasgrand inconvénient. Mais il arrive toujours malheureusementqu'en se laissant aller à ces deux genres de tics il avale à lalongue une grande quantité d'air. Cet air, en venant gonflerl'estomac et les intestins, ballonne le cheval et produit sou-vent des coliques qui quelquefois entraînent la mort.

Le cheval, en tiquant, fait un bruit guttural qui est unemanière de hoquet, véritable caractéristique du tic.

TIC DE L'OURS Il est encore un tic qu'on appelle le « tic del'ours ». Par ce tic, le cheval à l'écurie balance

continuellement, comme un ours, sa tête-de droite à gauche,

mouvement suivi par tout l'avant-main, et, sautant souvent d'unpied sur l'autre à chacune de ces oscillations, il exécute sanscesse dans sa stalle ce qu'on nomme en haute école le balan-cier de l'avant-main. Il n'est guère de remède à ce tic si ce n'estde mettre la bête en box et encore on n'est pas certain qu'ellen'ira pas dans un des angles du box se livrer au tic. Ce genrede tic a l'inconvénient de fatiguer inutilement -le cheval àl'écurie.

LE PIAFFEURDANS LA STALLE

Ce défaut consiste chez le cheval à piaffercontinuellementdans la stalle, ou à trotterautour de son box ; résultat : fatigue pour

le cheval. Pas de remède.

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CHEVAUX QUIGRATTENTET TAPENT

Il s'agit des chevaux qui grattent sur le solde leur stalle jusqu'à se déferrer et provoquerune usure et une dislocation de la corne dusabot. Il en est d'autres qui frappent des pieds

de derrièreet ne donnent pas un instant de repos la nuit à ceux quidorment dans leur voisinage. Ces deux défauts qui n'ont guèrede remède peuvent être arrêtés au moyen d'entraves. Pour moncompte je n'en suis pas partisan, les entraves pouvant entraînerla chute du cheval dans sa stalle ce qui me paraît avoir plusd'inconvénientsque le vice lui-même.

CHEVAUX QUISE GRATTENTLA QUEUE

Ce défaut, qui est très répandu, a ce grandinconvénient que le cheval en se grattant serape complètement les crins, ce qui le rendlaid d'aspect. On y remédie en frictionnant la

queue avec du vinaigre chaud ou en l'enveloppant complète-ment dans un fourreau fait exprès.

Et cependant la plupart des hommes de cheval les plus com-pétents prétèndent que c'est un signe de qualité chez un chevalde se gratter la queue. Aussi ils estiment beaucoup — et mal-gré leur laideur — ces chevaux qu'ils désignent sous le nom de

« queue de rat ».Je puis dire par expérience personnelle queje n'ai jamais vu une « queue de rat » être un mauvais cheval.

CHEVAUX QUISE COUCHENTEN VACHE

Se couchent en vache, les chevaux qui replientleurs membres antérieurs sous la poitrine ;

dans cette position, le talon vient s'appuyercontre le coude, et comme ce talon est tou-

jours garni par le fer, il provoque par cet appui constant et sonfrottement continuel une inflammation qui occasionne une gros-seur molle souvent assez volumineuse qu'on appelle l'éponge.Comme c'est au coude que se produit cette éponge, elle dépare

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et gêne le cheval. On remédie à cet inconvénient en mettant aupied qui produit le mal une enveloppe rembourrée.

CHEVAUX LAIS-SANT PENDRELA LANGUE

Ilen est de deux sortes : ceux quil a sortentet la rentrent continuellement et ceux quila laissent pendre. Ces défauts, qui ontl'inconvénient de donner aux chevaux un

aspect ridicule, ne peuvent guère être corrigés.Quelquefois pourtant, en mettant un jouet après le mors on

oblige le cheval, en l'occupant avec ce jouet, à maintenir salangue dans la bouche. Mais ce moyen est loin de réussir tou-jours. On peut donc dire que la mauvaise habitude de la languependante est à peu près irrémédiable.

CHEVAUX QUISE METTENTLES PIEDS DEDERRIÈRE L'UNSUR L'AUTRE

Ce défaut entraîne souvent une détériora-tion de la corne par le frottement du ferqui porte dessus. Il n'y a qu'une manièrede l'empêcher, c'est d'entourer les piedsde derrière du cheval de fortes guêtres

en cuir nommées cloches.

TIRER AURENARD

Certains chevaux, lorsqu'ils se sentent attachéstrop court, tirent sur leur attache avec une telleforce, qu'ils finissent presque toujours par arracher

soit cette attache, soit leur bride. C'est un défaut, ou plutôt unemanie difficile à corriger ; je recommande donc de ne jamaisattacher par le filet, ni par le mors les chevaux qui en sontatteints car, en s'arrachant ce mors et ce filet de la bouche, ilspourraient se blesser grièvement. Même bridés, il sera prudentde mettre à ces chevaux un licol par-dessus la bride et de lesattacher un peu long sur ce licol.

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TARES PHYSIQUES

MORVE OU FARCIN C'est l'affection la plus grave dont puisseêtre atteint un cheval. Non seulement

elle est incurable mais elle se propage avec une telle rapiditéque des règlements de police obligent les propriétairesde chevauxmorveux à les faire abattre immédiatement.

On distinguait autrefois la morve du farcin. Cette distinc-tion n'est plus à faire : morve et farcin sont une seule etmême maladie virulente, se traduisant, dans le premier cas, pardes lésions sur la muqueuse respiratoire, le poumon et les lym-phatiques ; dans le deuxième cas par des lésions cutanées etlymphatiques. (L'étendue des lésions et symptômes cutanés estgénéralement en raison inverse de l'étendue des lésions et symp-tômes siégeant dans les voies respiratoires.) Les deux formespeuvent se présenter sur le même sujet. Elles revêtent l'une etl'autre tantôt la jorme aiguë, tantôt la forme chronique.

L'affection morvo-farcineuse, transmissible à l'homme, estdéterminée par un bacille (le bacille de LÕffler). Elle est émi-nemment contagieuse et inoculable. Ses voies et moyens depropagation habituels sont le jetage par contact direct et indi-rect, les effets de pansage de harnachement et d'écurie, notam-ment l'éponge, le mobilier et les parois des écuries, les abreu-voirs, les litières et fumiers, enfin l'atmosphère, surtout enlieu confiné, par les poussières qu'elle tient en suspension. Lessymptômes essentiels de cette terrible affection sont :

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1° Pour la morve, la tuméfaction des ganglions (glande durebosselée, irrégulière, douloureuse ou non) ; des nodules et ulcères(chancres) sur la muqueuse nasale et particulièrement sousl'aile interne du nez; un jetage épais, verdâtre, gluant, adhéranten croûtes poisseuses aux ailes du nez et souvent unilatéral.

2° Pour le farcin, des tumeurs, boutons et cordes lympha-tiques et aussi des ulcères cutanés donnant écoulement à du pusfilant, huileux, surnommé huile de farcin 1.

Cette maladie est incurable. Il n'y a— la loi l'exige d'ailleurs

— qu'à abattre le cheval qui en est atteint et ceux qui étaient encontact avec le malade, pour qu'ils ne contaminentpas les autres.

Les vétérinaires sont d'ailleurs obligés de déclarer immédia-tement les cas de morve portés à leur connaissance.

DE LA BOITERIE La boiterie est l'irrégularité dans la mar-che du cheval. Quand cette irrégularité

existe on dit que le cheval est boiteux. Si, au contraire, le che-val est régulier dans son allure et ne boite pas, on dit qu'il estdroit. Souvent la boiterie n'est pas très accentuée, on dit alorsque le cheval n'est pas bien droit. S'il boite fort on dit qu'ilboite tout bas.

Voir une boiterie lorsqu'elle est assez accentuée est chosefacile, mais, comme dit M. Bouley, le professeur vétérinairebien connu, en faire le diagnostic est un triple problème qui serésume à savoir reconnaître : 1° le membre boiteux, 2° le siègede la boiterie, 3° la nature de celle-ci.

Ce qui intéresse particulièrement l'homme de cheval, c'est lapremière phase du problème. Les deux autres relèvent directe-ment de l'art vétérinaire et nécessitent des connaissances tech-niques spéciales.

1. Traité d'hippologie, par]. Jacoulet et C. CHOMEL (S. MILON fils, à Saumur).

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Cependant, d'une manière générale on peut la diviser en deuxcatégories : les boiteries du pied, et celles de la jambe.

Les causes de la boiterie, nous les définissons plus loin auchapitre intéressant les tics et tares du cheval.

Il est une boiterie, nommée boiterie intermittente, dont ilest toujours très difficile et quelquefois impossible de déterminerla cause.

L'animal qui boite de cette manière ne boite pas continuelle-ment, tantôt il est droit, tantôt il ne l'est pas. Ayant possédébeaucoup de chevaux, j'ai eu la main assez malheureuse pouravoir dans mes écuries quelques cas de boiterie intermittente,et je dois avouer qu'aucun vétérinaire n'a pu m'en déterminer lacause ni me guérir ces sortes de boiteries.

Bien plus, la malveillance de certains hommes d'écurie semanifeste quelquefois par une habileté très grande à rendredes chevaux boiteux, sans laisser de trace apparente sur lemembre qu'ils ont blessé.

Exemple : ayant expédié en voyage, il y a trois ou quatreans, un cheval de haute école d'une certaine valeur, il me revintboiteux et j'appris que cette boiterie provenait d'une petite opé-ration faite au cheval, par jalousie, pour l'abîmer. Tenant beau-coup à ce cheval qui avait un dressage très complet, je le fisvoir et soigner par tous les vétérinaires les plus capables que jepus trouver. Ils ne me le guérirent pas, n'ayant pas su déterminerla cause de la boiterie faute de traces. Le cheval vit encore, faitun petit service, mais boite toujours.

CÉCITÉ ET CHE'VALBORGNE

Lorsque ces deux infirmités sont apparentesc'est-à-dire lorsque l'œil est couvert parun brouillard épais, une taie, un nuage, ou

lorsqu'il est complètement fermé, il est facile de se rendrecompte du mauvais état de la vue. Mais il arrive souvent que des

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chevaux soient borgnes ou aveugles tout en paraissant posséderun œil normal et sain. Pour reconnaître dans ces conditions sile cheval y voit, il faudra s'assurer, en lui passant brusque-ment la main devant chaque œil, si ce geste provoque unclignement de la paupière. Dans le doute, il sera prudent devoir un vétérinaire car la bonne vue d'un cheval est souventdifficile à constater. Combien de chevaux sont peureux parcequ'ils sont myopes ou bien presbytes !

ENGORGEMENTDES JAMBES

L'engorgement des jambes est produit soitpar le trop long séjour à l'écurie, soit parl'action irritante de la boue, soit encore par

le changement de nourriture. Il n'offre en général aucunegravité et disparaît par la compression de flanelles ou debandes de toiles mouillées.

CHEVAUX QUISE TOUCHENTLES BOULETSEN MARCHANT

Certains chevaux, par un mouvement irrégu-lier, se touchent le boulet avec la partieinterne du fer du pied opposé. Ils s'occasion-nent ainsi des plaies souvent profondes quipeuvent entraîner la formation d'abcès et

de tumeurs. La seule manière de parer à cet inconvénientest de mettre des guêtres bien faites au cheval affecté de cedéfaut.

EFFORT DE BOULET L'effort de boulet est un accident quicorrespond à la foulure du poignet ou de

la cheville chez l'homme. Il occasionne un empâtement duboulet et est toujours fort grave, car il entraîne une faiblesse dela partie inférieure du membre qui fatigue beaucoup chez lecheval. Un cheval qui a eu un effort de boulet ne jouit plus detous ses moyens.

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CHEVAL COURONNÉ Tout le monde sait qu'un cheval cou-ronné est plus ou moins déprécié. Il

ne faut pas exagérer cependant. Il y a'couronné et couronné.C'est généralement dans la chute sur les genoux que le chevalse couronne. Si cette chute est légère sur un terrain doux, lecheval n'a au genou qu'une légère blessure qui n'a pas grandeimportance. Il y a aussi le cheval qui en se couchant lourdementà l'écurie se couronne. Dans ce cas ce n'est pas bien grave nonplus. En somme, à part l'absence de poil au genou qui rompt laligne de la jambe et est vilaine à l'œil, il n'y a réellement de che-vaux tarés par le couronnement que ceux qui, en tombant, se sontfait une blessure assez profonde pour intéresser l'articulationdu genou.

CREVASSES ETPRISES DE LONGE

Le paturon du cheval est sujet à deuxaccidents qui, sans être d'une gravitécapitale, le mettent souvent hors de ser-

vice pour longtemps. D'abord la prise de longe. La prise delonge, comme le mot l'indique,"se produit lorsque le cheval vients'accrocher la jambe dans la longe qui l'attache à la mangeoire.Ainsi pris, il ne peut se dégager et fait de tels efforts que lefrottement de la partie intérieure du paturon contre la cordefinit par produire une coupure souvent assez profonde. Cettecoupure est longue à guérir parce qu'elle se trouve au niveaud'une articulation, elle nécessite les mêmes soins antiseptiqueset autres que les plaies ordinaires et ne peut se remettre queparle repos, qui doit être observé jusqu'à parfaite cicatrisation.La prise de longe ne laisse généralement pas de trace, à moinscependant qu'elle n'ait été très forte, alors le cheval conserve aupaturon un bourrelet plus ou moins dur provenant de la cica-trisation, bourrelet qui peut gêner l'articulation et lui retirer desa souplesse, qui le dépare plus ou moins, mais le fait rarement

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boiter. C'est presque toujours aux membres de derrière que seproduit la prise de longe.

Le second accident du paturon qui est une véritable maladie,c'est la crevasse. Lorsqu'elle est occasionnée par la marche ducheval dans un terrain de nature irritante et corrosive, parl'humidité ou par la sécheresse du paturon, elle n'a pas grandegravité. Elle nécessite un traitement adoucissant, un nettoyageminutieux et antiseptique, après lesquels les applications depommade d'oxyde de zinc amènent rapidement la guérison. Cer-taines crevasses occasionnées par l'état général du cheval, sonéchauffement, sont plus tenaces et plus graves. Elles ne cèdentqu'à un traitement interne ou à l'application du séton ; elles nepeuvent disparaître que par l'intervention du vétérinaire.

Le cheval est encore sujet à une affection de la peau desmembres qu'on nomme la fièvre de boue. Elle consiste en uneenflure de la jambe dans toute sa longueur, enflure qui gagnesouvent le ventre, où elle produit de l'œdème. Cette fièvre deboue est produite par des matières corrosives contenues danscertaines boues ; c'est par les temps de pluie, dans les terrainsmarécageux et souvent à la chasse que les chevaux contractentla fièvre de boue. Cette maladie, qui a l'inconvénient de rendrele cheval indisponible pour un certain temps, n'est cependantpas très grave, elle se guérit par le repos, l'antisepsie et deslotions adoucissantes.

LA FOURBURE La fourbure est une sorte de fièvre, de conges-tion dont 1 ensemble du pied, particulièrement

à sa partie supérieure, est atteint. Elle entraîne une altération dela corne, une déformation du sabot qui commence à la partiesupérieure, et finit par l'envahir complètement. Cette fourbureengendre presque toujours la fourmillière, c'est-à-dire une cavitérésultant du décollement de la muraille qui devient sèche et

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friable. Il en résulte fréquemmentune boiterie presque toujoursincurable. La fourbure provient du surmenage du cheval et seproduit généralement dans les pieds antérieurs.

Un cheval qui frappe le BQl en marchant sur un terrain durdevient facilement fourbu.

Certaines tares se transmettent presque toujours, frappantainsi quelquefois toute la descendance d'un même sujet. Ilest bien peu d'animaux issus de cette souche tarée quiéchappent au défaut originel. Les deux tares qui se trans-mettent le plus fréquemment sont le cornage et la fluxionpériodique.

LE CORNAGE On entend par cornage un bruit guttural quefait le cheval en marchant et qui augmente à

mesure qu'on accélère son allure. Le caractère significatif ducornage est le sifflement.

Si le bruit était le seul inconvénient de cette tare, il n'y auraitque demi-mal, mais le cornard suffoque en marchant et il étouffelittéralement si vous voulez presser l'allure. Cette maladieest incurable. La médecinevétérinairen'en a point encore trouvéle remède.

Cependant, en pratiquant une ouverture dans la trachéepour donner accès à l 'air, on remédie dans une certaine mesureaux effets désastreux du cornage. C'est un moyen d'utiliser labête quand même ; mais sans la guérir radicalement et sansempêcher que les moyens physiques dont elle dispose soientsensiblement amoindris.

LA FLUXIONPÉRIODIQUE

La fluxion périodique est une maladie sournoiseen ce sens qu'elle commence insensiblement,mais va malheureusement toujours en augmej^

tant. Elle frappe les yeux du cheval. Elle affecte tout d'abord

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l'iris, mais bientôt le cristallin prend une couleur jaunâtre defeuille morte qui le trouble et finit par s'opposer au passage desrayons visuels.

On reconnaît la fluxion périodique, à ses débuts, aux yeuxlarmoyants du cheval dont les paupières subissent une légèreenflure et se ferment à demi.

Cet accident est d'abord intermittent. Il revient tous lesdeux ou trois mois, puis tous les mois, et son apparitiondevient de plus en plus fréquente jusqu'à cécité complète del'animal.

La maladie est difficile à diagnostiquer, comme presquetoutes les maladies du cheval, du reste, en y comprenant lesmaladies de cœur et la pousse.

Pour vous prouver combien est difficile d'établir le diagnos-tic de la fluxion périodique, qu'il me soit permis de signaler lefait suivant. Je possédais un cheval dont l'œil offrait tous lessymptômes de la fluxion périodique. Je le présentai à plusieursvétérinaires qui le déclarèrent fluxionnaire. Doutant encore deleur appréciation, je conduisis moi-même l'animal au célèbreprofesseur Trasbot, à Alfort. Il examina avec soin les yeux ducheval, puis me dit : « Ce cheval a la partie supérieure del'œil très abîmée et il ne voit plus que de la partie inférieure. Ila toutes les apparences de la fluxion périodique, mais il n'estpas atteint de cette maladie. J'incline à croire, je suis certainmême, qu'il a reçu des coups qui ont déterminé sur la partiesupérieure de l'œil de petites congestions. D'où atrophie par-tielle de cet organe ».

Et, comme je lui demandai quelle pouvait être, à son avis,la nature de ces coups, il me répondit : « L'animal a été incon-testablement frappé avec une cravache ou avec une badine trèsflexible. »

Après une enquête minutieuse, j'appris de l'ancien proprié-

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taire du cheval que la bête avait manifesté des tendances àpointer et que pour le corriger de ce défaut, il le frappait sur latête avec une cravache. C'est le bout de cette cravache qui,chaque fois venant cingler l'œil, avait déterminé la congestiondéfinie par le professeur Trasbot.

J'ai gardé longtemps cet animal, condamné aux premièresconsultations comme fluxionnaire, qui ne l'était en aucune façonet qui n'est jamais devenu aveugle. Tant il est vrai que lafluxion périodique est d'un diagnostic délicat.

LE VERTIGO Le « vertigo » est une sorte de congestion dontle cheval est pris sous différentes influences

telles qu'excitation nerveuse occasionnée par le travail, par latrop grande chaleur, et plus spécialement par l'action du soleilsur la tête de l'animal.

Cette affection est, de toutes, la plus dangereuse : elle faitperdre la raison au cheval le plus doux et l'affole à un telpoint que lorsqu'il est pris d'une crise de vertigo dans la rue, àla promenade, il fonce sur n'importe quel obstacle, arbre,maison, voiture, et finit presque toujours par s'abattre sur lesol sans que son cavalier ait pu le maîtriser ; elle rend lecheval impropre à tout service.

L'IMMOBILITÉ« L'immobilité » est une tare qui a été clas-sée parmi les vices rédhibitoires. Elle se

manifeste par un arrêt brusque du cheval dans sa marche,arrêt qui le fige dans une espèce de raideur cataleptique donton ne peut plus le faire sortir. Rien à faire, tant que la crise, àdurée variable, n'est pas passée.

L'immobilité, envisagée sous cette forme, est, je crois, incu-rable. Aussi n'entreprenez jamais de dresser un cheval affectéde cette immobilité maladive.

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LES TARESDU PIED

S'il est des vices de conformation auxquels onpeut, à la rigueur, n'attacher qu'une importancesecondaire, il n'en est pas de même des tares qui

affectent le pied du cheval.Tout ce qui altère sa nature rend l'animal boiteux et par con-

séquent impropre à tout service.Il importe donc d'en faire ici une nomenclature aussi com-

plète que possible.Le « crapaud » affecte les pieds de derrière. On entend par

crapaud une décomposition de la fourchette qui gagne toutl'intérieur du pied et le ronge pour ainsi dire complètement.Si je lui donne la première place, c'est que je crois le crapaudbien difficile à guérir. Le cheval qui en est atteint, en arriveaprès une boiterie préliminaire très accusée à ne plus pouvoirse servir de ses pieds de derrière. Cette maladie est heureu-sement assez rare.

La « forme » est une grosseur qui se produit sur la couronne,aussi bien aux pieds de devant qu'aux pieds de derrière et quel'on attribue à un effort anormal des phalanges du pied. Ellese manifeste, à l'origine, d'une façon très discrète, mais elle netarde pas à se développer rapidement ; elle grossit vite et finitbientôt par rendre le cheval boiteux.

Cette tare est grave, car elle n'est guère curable, et on enpallie difficilement les inconvénients, même avec les pointes defeu qui sont, je crois, le seul remède pouvant, je ne dirai pasguérir, mais atténuer la forme.

La « seime » n'affecte généralement que les pieds de devant.C'est une fente qui se produit d'ordinaire à la partie supérieuredes sabots et s'étend de la couronne jusqu'au bas du pied. Elles'élargit d'habitude dans de telles proportions que le pied,divisé ainsi en deux parties, s'ouvre pendant la marche et sedéchire. Le sang arrive ainsi à jaillir par cette fente. Elle rend

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toujours le cheval boiteux. Les maréchaux et les vétérinairesguérissent quelquefois la seime par différents moyens : laligature et les incisions transversales dans la corne, en ayantsoin d'isoler du sol, en la raccourcissant, la partie déjà déta-chée du pied par la fente résultant de la seime, sont, parmi,les procédés les plus avantageusement employés.

La seime, si elle n'est pas incurable, est une tare qu'il fautredouter, car les chevaux qui ont des pieds à seime sont trèsfacilement boiteux, cette maladie ayant toujours tendance àrécidiver.

La « bleime » est un dépôt sanguin qui intéresse générale-ment la sole et ressemble assez à la contusion que nous nousfaisons, lorsque nous nous donnons un coup de marteau 'surl'ongle en enfonçant un clou. Elle entraîne généralement laboiterie du cheval. Le maréchal peut la guérir dans bien descas, en dégageant la partie de la corne affectée, et en l'empê-chant de toucher au fer.

En somme, c'est une contusion de la corne. En bien des cas,cette tare n'est pas très grave; cependant il faut éviter, autantque possible, le pied à bleime. Elle s'attaque plus spéciale-ment aux pieds plats et à ceux des chevaux qui lèvent beaucouples jambes en marchant, et frappent avec vigueur un sol trop dur.

La « foiii-iiiillière » est l'absence de vitalité dans une partiedu pied, de telle sorte que la région qui est affectée est pourainsi dire morte. La « fourmillière », telle que je viens de la défi-nir, n'intéresse que partiellementle pied et occasionne rarementla boiterie, si on a soin de la soigner au début, en activant lavégétation de la corne à la couronne, comme on le fait géné-ralement aussi pour la seime lorsqu'on veut renouveler lacorne qui est en mauvais état.

L' « encastelure » est un resserrement progressif du talon ;

elle augmente, si on ne l'enraye, dans de telles proportions,

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qu'elle entraîne une étroitesse extrême du pied. Le cheval enarrive à ne plus pouvoir se porter sur le talon et devient boiteux.L'encastelure vient lentement et peut être enrayée assez facile-ment par un bon maréchal, habile à provoquer l'élargissementdu talon, par les fers à lunettes, les fers extenseurs, les fers àplanche.

Dans ce cas comme dans les précédents, on accélère par l'ap-plicationd'une pommade vésicante la pousse de la corne au talon.

Les chevaux de race orientale sont particulièrement sujets àl'encastelure.

LES TARESDES JAMBES

Passons maintenant aux tares des membres, etcommençons par la plus grave : l'éparvin.L'éParvin. — L'éparvin est, dans l'anatomie du

cheval, une saillie osseuse qui se trouve à la partie interne dela base du jarret et descend parfois un peu au-dessous decelui-ci. Mais les hommes de cheval désignent communémentpar éparvin une maladie qui intéresse cette partie de la jambe.En somme, le mal a pris le nom de la région où il se déclare.On dit d'un cheval qu'il a des éparvins ou qu'il n'en a pas.

Il est facile de reconnaître une bête atteinte de cette affectionà la façon nerveuse et saccadée dont elle relève et « trousse »

ses jambes de derrière en marchant (éparvin sec).C'est en faisant reculer un cheval qu'on s'aperçoit encore

bien mieux de ce défaut qui, lorsque le cheval recule, s'accen-tue de la façon la plus nette. Le cheval affecté d'éparvins estdisgracieux, grotesque même, et n'est pas non plus destiné àfaire un service sérieux, ayant par le fait même de cette tare,les jarrets en mauvais état. Ce n'est pas moi qui vous dirai d'oùvient l'éparvin, car nombre de vétérinaires très érudits n'ontpu nettement, d'une manière définitive, en déterminer l'origineet la cause.

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Presque tous cependant l'attribuent au travail, aux efforts,produisant une inflammation des jointures de la base du jarret.L'éparvin ne met pas le cheval hors de service; je me voiscependant obligé de signaler cette tare en première ligne,car elle est, à mon avis, à peu près incurable.

Le jardon. — Le jardon est un développement anormalde la partie osseuse, intérieure et extérieure du jarret, un peuau-dessousde l'articulation. Lorsque cette grosseur de l'os n'estpas exagérée, elle peut ne pas nuire à la qualité des jarrets.Si elle vient à augmenter, elle gêne l'articulation en l'ankylo-sant, et met le cheval hors de service. Le feu en pointes estindiqué à l'origine de la jarde ou jardon.

Les vessigons. — Les vessigons sont une distension destissus formant l'intérieur du jarret. Ils font rarement boiterle cheval et par conséquent ne sont pas considérés commeabsolument dangereux. Pour ma part, je préfère les chevauxqui n'ont ni varices, ni vessigons.

Les molettes. — Les molettes, elles aussi, sont produites parune dilatation trop prononcée des tissus enveloppant le bouletet la partie inférieure de la jambe. Elles font rarement boiterle cheval, à moins d'être « chevillées », c'est-à-dire lorsqueles boulets portent cette dilatation sur les deux faces.

Molettes simples et molettes chevillées peuvent être traitéesavantageusement par les pointes de feu. En tous cas, ellesmettent rarement un cheval hors de service.

Quelques vieux connaisseurs aimentassez acheter des chevauxavec des molettes, parce que cette légère tare leur prouve quel'animal a déjà fait un bon service, et que les parties essen-tielles de son individu, telles que poumons, jambes et piedsont tenu bon.

Le suros. — Le suros est une exostose qui se produit surles faces latérales du canon sous l'influence d'un coup, d'un

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choc du sabot dans le trot ou le galop, ou même se manifestesans cause déterminée. Le suros lorsqu'il reste circonscritsur le milieu du canon est sans importance. Mais s'il vient às'étendre et à gagner la partie intérieure de la région, c'est-à-dire le tendon, il le gêne, l'enflamme, provoque une douleurtrès vive qui entraîne avec elle la boiterie. Les pommadesfondantes et les pointes de feu sont encore le meilleur remèdepour atténuer, sinon faire disparaître le suros. Bien soigné,pris à temps, il est donc guérissable.

La meilleure manière d'éviter que le suros se produise chezun cheval en dressage, c'est de ne jamais le faire travailler sansguêtres ni flanelles aux jambes de devant. Car le suros estgénéralement produit par le choc du sabot contre le canon, oumême le choc simple du boulet dans la marche, chez le jeunecheval qui est presque toujours maladroit.

C'est surtout dans le dressage d'équitation supérieure que jerecommande de protéger les canons du cheval par des bandages,à cause du développement des allures et des effets transversauxqui sont demandés au cheval pour ce genre de travail.

La nerf-férure. — La nerf-férure est un effort extrême destendons qui affecte la partie inférieure des membres anté-rieurs et même quelquefois des membres postérieurs. Ceteffort, qui se produit généralement chez les chevaux de courseet chez les chevaux de chasse, est le résultat du surmenage qu'onleur a imposé. Il rend presque toujours le cheval boiteux et lemet momentanément hors de service. Il est « claqué », commedisent les hommes de course, quand le tendon est complète-ment parti, c'est-à-dire distendu et enflé. Lorsqu'au contraireil n'y a que commencement de nerf-férure, c'est-à-dire dedilatation, on dit que les tendons ont chauffé. Je viens de

vous dire tout à l'heure que le cheval « nerf-féré », claqué, n'étaitque momentanément hors de service, car cette nerf-férure est

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généralement guérie par les applications vésicantes et surtoutpar le feu en pointes.

Elle laisse pourtant des traces, c'est-à-dire un empâtement,un épaississement du tendon; et presque toujours aussi, lescicatrices du feu en pointes ou en raies qui a été appliqué surla partie malade.

Bien peu de connaisseurs refusent d'acheter des chevaux quiont été plus ou moins « nerf-férés » sur les champs de course età la chasse, parce qu'ils savent bien que ces chevaux, une foisguéris par les moyens que nous avons indiqués restent suscep-tibles encore de leur faire un très bon service, s'ils sont assezsages pour ne pas les surmener.

Voici décrites les principales tares qui peuvent affecter lespieds et les jambes d'un cheval. Je vous ai exposé brièvementquelles en étaient les conséquences, et par quels remèdes on lestraitait. Je voudrais terminer ces notes par quelques motssur une opération chirurgicale, genre « panacée universelle »qui guérit, ou plutôt est censée faire disparaître toutes les boi-teries du pied en général : j'ai nommé la névrotomie. Lanévrotonlie est une opération qui consiste à trancher un nerfau-dessus du boulet ou même au-dessous de l'avant-bras, afinque, ce nerf tranché, la partie inférieure du membre se trouveinsensibilisée. Le cheval, ne ressentantplus de douleurs, ne boiteplus. La boiterie est-elle guérie ? Ne reboitera-t-il jamais? Voicila question posée, je laisse à l'art vétérinaire le soin d'y répondre.

Cependant je dois dire que lorsqu'on a eu, comme moi, deschevaux opérés par M. Cadiot, le savant professeur d'Alfort, ona de grandes chances de les avoir droits pour le restant de leursjours. Un cheval de haute école opéré par lui il y a trois ans etvendu par moi à l'hippodrome de New-York, fait encore, et plu-sieurs fois par semaine, un travail très compliqué, ce dont jesuis très reconnaissantà l'opérateur. Je n'ai d'ailleurs pu vendre

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ce cheval, indéniablement taré, que parce qu'il avait été opérépar M. Cadiot.

Cependant pour ne pas encourager le lecteur à acheter uncheval ayant subi l'opération de la névrotomie, je dois dire quequelques propriétaires de chevaux ayant été ainsi opérés n'ontpas eu la même chance que moi.

Je n'en veux pour preuve que la petite anecdote suivante :

Un cheval de course ayant été remis droit par la névrotomie,fit, en recommençant à courir une chute effroyable dans laquellele jockey faillit être tué. Quelle fut la surprise de tout le monde,en cherchant à relever le cheval, de s'apercevoir que le piedayant subi l'opération de la névrotomie s'était complètementdétaché de la jambe dans le galop et avait été lancé plusieursmètres en avant du cheval.

Dans ce- cas l'opération n'avait été curative qu'en apparence,et avait tellement atrophié l'attache du sabot qu'il s'était trouvéarraché de la jambe.

Si j'ai dit du bien tout à l'heure de la névrotomie, cette petiteanecdote n'est certes pas à son avantage.

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SUPERCHERIES EMPLOYÉES PARLES MAQUIGNONS POUR VENDREDES CHEVAUX TARÉS OU VICIEUX

LA race des maquignons tend à se perdre, car aujourd'hui lecheval de bas prix n'existe plus. La boucherie hippopha-

gique en est la cause. Il y a seulement quinze ans, un cheval queses tares, ses vices ou son âge rendaient impropre au servicen'avait pas de valeur commerciale, c'est-à-dire qu'il pouvaitvaloir de 50 à 100 francs au maximum. Depuis que l'habitude dese nourrir de viande de cheval s'est répandue dans la classeouvrière, le cheval qui n'avait qu'une valeur d'équarrissage trèsminime, arrive maintenant à valoir 200 francs au minimum et 300et 400 francs quand l'animal est sain. Cette situation a fait dispa-raître les petits maquignonsqui achetaient les chevaux à très basprix, et les truquaient, les déguisaient pour arriver à les vendrecomme chevaux de bonne qualité. Nous allons passer en revuequelques-uns des subterfuges dont se servaient ces maquignons.

L'AGE Tout d'abord, parlons de l'âge.voici un cheval qui a tait un long service dans une

maison bourgeoise et qui a atteint l'âge de vingt, vingt-cinq anset même davantage. S'il a été bien soigné et s'il n'a fait qu'unservice peu pénible, il possède encore une apparence fort con-venable et souvent ce n'est guère qu'à ses dents, à ses salièreset à quelques parties de sa tête où le poil est devenu blanc, quel'on peut juger de son âge.

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Il y a d'habiles spécialistes qui se chargent de rajeunir lesdents d'un cheval et de donner à celui-ci l'âge que l'on veut, àpartir de six ans, bien entendu. Ce travail consiste d'abord àscier, avec une scie à métaux, la dent qui est devenue longue.La dent une fois sciée et mise à la longueur qu'elle doit avoir àl'âge que l'on cherche à donner à l'animal, avec un burin degraveur, on dessine une fève, toujours selon l'âge que l'onveut donner. Avec du nitrate d'argent, l'on noircit ensuite lapartie creuse, puis avec un burin, on enlève le tartre qui setrouve entre les dents et sur le devant des dents; on obtientainsi, du moins en ce qui concerne la dentition, un cheval desix, sept, huit ou neuf ans et on a vu des connaisseurs et desvétérinaires se tromper eux-mêmes lorsque le travail est bienexécuté.

Pour les salières qui, avec l'âge, arrivent souvent à être trèsprofondes, le truc est des plus simples. On perce avec uneépingle, la peau au milieu des salières ; cela fait, on souffle parle trou ainsi pratiqué avec une paille fine ; la peau se gonfle etse soulève, faisant disparaître le creux des salières. Il suffitalors de boucher et de dissimuler le trou, soit avec de la colle,soit au moyen d'une adroite application de poils, et le tour estjoué. Les salières conservent cette apparence de jeunesse quel-ques jours seulement, assez longtemps toutefois pour permettreau maquignonde réaliser une fructueuse affaire.

Pour teindre les poils blancs, on emploie des teinturesdiverses : pour les noirs, du nitrate d'argent; pour les alezansou bais, du henné ou de l'ocre.

D'après cela, il est facile de se rendre compte que l'on peutrajeunir un cheval, attendu que certains vieux chevaux sont trèssains de membres. Un cheval de très bas prix peut atteindresouvent dix fois sa valeur réelle.

Nous allons maintenant parler des tares :

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ÉPARVIN SEC Prenons un exemple, celui de l'éparvin sec,qui est très visible pour 1 acheteur, puisqu il

fait, en termes de maquignon, harper le cheval, c'est-à-direéleverà chaque pas ou à chaque foulée, le jarret à une hauteur insolite.

Faut-il, pour vendre un cheval, dissimuler cette tare ? Dansce cas, le vétérinaire devient le collaborateur du maquignon etfait une section au bistouri d'une partie des muscles élévateursdu jarret, et pendant quelques jours, tant que ces muscles nesont pas ressoudés, le cheval ne harpe plus ; il peut donc êtrevendu facilement.

LES PIEDS Mais c'est par le truquage des pieds que le maqui-gnon trompe le plus souvent son acheteur.

Une seime est bouchée avec de la gutta-percha ; les fourmil-lières se cachent de la même façon, et souvent on a vu des che-vaux dont la corne était mauvaise et sèche au point que les fersne pouvaientplus tenir, avoir des pieds, pour la vente, complè-tement refaits avec dela gutta-percha.

LES YEUX Un cheval borgne dont l'œil est complètementperdu, n est pas pour cela invendable ; il se

trouve des spécialistes tout prêts à lui fabriquer des yeux engutta-percha. L'œil en gutta-percha présente à peu près laforme d'une demi-sphère creuse ayant exactement la dimensionde l'autre œil. On introduit le faux œil dans la paupière et enne laissant pas l'acheteur regarder de trop près, il arrive trèssouvent qu'il ne s'aperçoit pas du subterfuge.

CHEVAUXPEUREUX

Nous citerons également d'autres systèmes pourvendre des chevaux difficiles ou peureux. Parexemple on arrive à vendre un cheval qui a peur

du bruit, tare assez fréquente, en lui garnissant les oreilles de

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coton de la nuance de son poil. S'il s'agit d'un cheval peureuxou sous l'œil, on lui serre les œillères de façon à l'empêcherde voir par terre et on lui met un enrennement qui lui tient latête à une hauteur telle qu'il lui est impossible de voirie sol ; decette façon on évite les écarts.

CHEVALRUEUR

Un enrennement très serré en même temps qu'unecroupière très forte obligeant le cheval à tenir saqueue en l'air peuvent servir à la présentation d'un

cheval rueur, car le cheval ne pouvant ni baisser la tête, nibaisser la queue est presque dans l'impossibilité de prendreson élan pour donner une ruade.

Un cheval froid d'épaules, avec une légère friction d'essencede térébenthine sur les épaules, démarrera sûrement sa voiture.

BOUCHEMALADE

Pour les chevaux emballeurs dont les barres sontcassées et enflammées et qui, par conséquent, ont labouche très dure et ne sentent plus l'appui du mors,

les meilleurs systèmes pour les présenter à un client sont : sic'est un mors allemand, de mettre la courbure du mors à l'en-vers, de façon que le mors n'appuie pas sur les barres mais aumilieu de la mâchoire, cette partie n'étant pas abîmée. Pendantquelque temps, le cheval se mènera sans trop tirer à la main.Un autre système consiste à mettre un mors avec un énormepassage de langue d'une longueur d'environ 10 centimètres;en même temps qu'une muserolle très serrée empêchant lecheval d'ouvrir la bouche. Dans ce cas, sitôt que l'on tiresur les rênes, le passage de langue appuie sur le palais ducheval, partie sensible, et exerce une pression telle que le che-val ne cherche plus du tout à tirer à la main.

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LE DRESSAGE

DRESSAGE. ALLURES. DÉFENSE

1 L est bien entendu — et je tiens à insister sur ce point audébut de ce traité de dressage du cheval de selle — que nous

nous trouvons en présence d'un sujet « neuf », d'un cheval quin'a jamais été monté ; prenons, par exemple, un poulain detrois ans à trois ans et demi.

Nous commencerons par lui mettre un bridon à branches, àembouchure assez forte, tout en prenant de très grandes pré-cautions pour assujettir ce bridon, surtout si le cheval n'ajamais eu de licol.

Les oreilles et le dessus de la tête étant, avec la bouche, lesparties les plus susceptibles du cheval, il importe, dès lespremières fois, de procéder avec douceur pour le brider.

Le bridon étant bien ajusté, ni trop long, ni trop court, c'est-à-dire adhérent comme il convient pour ne pas froisser la com-missure des lèvres, on tiendra l'animal, rènes en mains, aprèsavoir préalablement bien fixé la sous-gorge et fait passer lesdites rènes par-dessus la tête.

Cette opération sera répétée plusieurs fois et jusqu'à ce quele cheval témoigne par sa tranquillité qu'il supporte bien lecontact du bridon.

Nous avons surmonté la première difficulté, nous noussommes rendus maîtres de la tête du cheval, et c'est là le point

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qui doit nous préoccuper avant toute chose dans la questiondu dressage, quel que soit l'animal auquel nous avons à faire.

Ces préliminaires acquis, nous pouvons nous permettre d'abor-der la seconde phase de l'éducation du cheval : l'habituer d'abordau contact de la selle et enfin à la supporter complètement.

C'est donc avec les mèmes précautions qu'on lui placera laselle sur le dos, non sans avoir préalablement protégé le reindu cheval par l'interposition d'une couverture de laine pliée endeux ou d'un tapis de feutre très doux. Rein et garrot éviterontainsi d'être froissés par le contact d'une selle trop dure.

Ainsi équipé, le cheval sera promené en main jusqu'à ce qu'ilait l'habitude de la selle, du ballottement des étriers et de lapression des sangles qui, au début, ne devront jamais être trèsserrées.

Lorsque le cheval sera familiarisé avec la selle, le momentsera venu de le monter ou de le faire monter par un cavalier depoids très léger.

Un jeune homme de quatorze à quinze ans déjà vigoureux etayant l'habitude des chevaux, me semble désigné pour cettepremière tentative. L'homme qui tiendra le cheval en main, enplace, le fera à l'aide d'une longe fixée à un des anneaux dufilet. C'est alors, profitant d'un instant où le cheval est tran-quille, que le cavalier chaussera l'étrier pour se mettre en sellele plus doucementpossible. Et je place ici cette recommanda-tion de toute première importance : l'auxiliaire qui tiendra lecheval en main devra le porter de deux ou trois pas en avant pouréviter que le rein de la bète ne soit par trop désagréablementsurpris par un poids qu'elle n'est pas habituée à supporter. Ilest notoire, en effet, et de toute évidence, que le cheval enmarche a dans le rein et dans le dos, en général, une forcedouble et même triple de celle dont il dispose lorsqu'il demeureen place.

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Quant au cavalier, il prendra dans chaque main une rêne dubridon qu'il laissera complètement lâche.

Son rôle, en effet, est encore essentiellement passif, il est làpour se laisser porter simplement en poids mort et ne doitintervenir en aucune façon.

Lorsque le cheval tolérera bridon, selle et cavalier, on devrale faire marcher au pas, à la longe, jusqu'à ce qu'il ne témoigneplus d'aucune gêne dans sa marche.

Le cheval ainsi préparé à supporter le cavalier, il s'agit main-tenant pour celui-ci de le diriger par ses propres moyens.

Le cheval sera donc « mis en cercle », tenu par une longe de5 à 6 mètres. A l'aide d'une chambrière, dont il usera avecdiscrétion, l'auxiliaire qui tient la longe portera le cheval enavant, tandis que le cavalier s'appliquera de son côté et enmême temps à provoquer cette marche en avant en a étonnant lecheval des talons et en le dirigeant par les effets directs du filet.

Les deux dresseurs se mettent ainsi d'accord pour arrêter etfaire repartir le cheval, le faire rester en place en le caressant,en somme pour le maintenir dans une grande obéissance touten le mettant en confiance.

Lorsque toute résistance aura disparu, le cavalier prendraune cravache — ou de préférence un petit stick (la cravacheétant trop cinglante) — et accentuera l'action des jambes parquelques petits tapotements. A ce propos, je recommande detoujours faire sentir le stick derrière la selle, c'est-à-dire surles cuisses et sur les flancs, jamais sur l'avant main ; j'expli-querai pourquoi quand je traiterai de l'équitation supérieure.

Le cheval se portant bien en avant sous l'effet du stick et desjambes, le moment est venu de faire disparaître la longe etl'auxiliaire qui la tient. Le cavalier doit désormais continuer ledressage par ses propres et seuls moyens.

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C'est alors que commence véritablement le dressage du che-val monté.

Permettez-moi de vous faire remarquer que je ne vous ai pasencore parlé du mors. C'est volontairement que je l'ai jusqu'àprésent passé sous silence, mais il est temps d'en dire un mot.Le mors, instrument brutal, est d'un usage très difficile. Jen'admets pas qu'on le mette dans la bouche d'un jeune chevalavant que cette bouche ait été longuement préparée au contactdu fer et aux mouvements de la main de l'homme par un usageprolongé du bridon. Avant de se servir d'un mors, aussi douxqu'il soit, il convient de débourrercomplètement l'animal au filet.

Le cavalier, bridon en main, sera déjà bien à l'aise sur soncheval, sur son poulain même si vous voulez, car le poulainle plus fou ne résistera certainement pas au travail que je viensd'indiquer.

Le cavalier devra taire répéter au cheval, sans longe, tousles mouvements qu'on lui a fait exécuter avec le secours dela longe. Mouvements simples, bien entendu : marche en avant,cercle à droite et à gauche, changements de mains pour changerde direction, arrêter, rester sur place, repartir.

Notez qu'à cette leçon je me garde bien d'agir sur les hancheset de ranger la croupe du cheval avec les jambes et avec la cra-vache, n'ayant, quant à présent, qu'une seule préoccupation :

porter mon cheval en avant, à droite et à gauche, le faire teniren place quand je veux le monter ou quand je suissurson dos.

Je n'ai point encore envisagé la question du « reculer », mou-vement que je considère comme un des plus difficiles à obtenirlorsqu'il est maladroitement demandé.

Tenez pour certain que si on combat heureusement toutes lesdéfenses par le mouvement en avant, on peut toutes les pro-voquer par le mouvement en arrière.

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Cette phase du dressage, le « reculer », nous ne l'envisage-rons que quand le cheval sera dans l'obéissance complète.Jusque-là, n'ayez qu'une seule préoccupation : l'impulsion enavant par l'intervention directe des jambes et de la cravache.

Après une patiente et laborieuse instruction, dont la duréevarie avec le caractère du sujet, je me décide enfin à adjoindrele mors au filet. C'est parfait, mais quel mors faudra-t-il luimettre ? Très dur ou très doux ? Les écuyers des XVIe etXVIIe siècles non seulement n'employaient pas de filet, mais seservaientde mors à branches très longues, par conséquentexces-sivement durs. Ne songeons pas à les imiter ; nous en serions, jecrois, incapables, des professeurs de l'habileté de Baucherayant renoncé à l'emploi de ces mors très puissants pour se ser-vir de mors à branches courtes — dispositif qui, d'ailleurs,porte aujourd'hui le nom de ce maître. Enfin, et pour arriver àobtenir le maximum de la douceur dans l'action du mors, onadopte à l'heure actuelle le « mors à pompe » qui, tout enétant moins juste dans ses effets, par son jeu constant du canon,agit avec une extrême délicatesse sur les barres du cheval.

Voici donc le cheval bridé ; il va falloir maintenant le sou-mettre aux influences combinées du mors et du filet. C'est àcette double influence qu'il va désormais obéir, tout en réser-vant naturellementle rôle des jambes qui demeure tel que nousl'avons défini.

Il est beaucoup plus délicat de faire intervenir le mors que lefilet, puisque, au lieu de diriger par la commissure des lèvres,nous devons maintenant agir directement sur les « barres »,partie la plus sensible de la bouche... et aussi la plus puissante,puisque le cheval, en prenant par les barres un point d'appuisur le mors, peut emballer le cavalier le plus robuste. Cetteterrible mâchoire, ce point de force, contre lesquels il n'yaurait pas de résistance, rendraient le cheval indomptable si

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l'on ne procédait préalablement au travail de la décontraction.C'est cette décontraction, obtenue à son degré le plus parfait,

qui permet au cavalier d'être d'abord maître de sa monture et,dans le travail de haute école, de mettre en valeur toute lafinesse, toute la légèreté, toute la science de sa main.

La décontraction est donc un assouplissement.Je ne fixe pas — car ce me semble impossible — le nombre

de leçons nécessaires pour obtenir cet assouplissement de lamâchoire. Ce nombre est éminemment variable avec l'aptitudeet le caractère du cheval.

Ces leçons successives ont donc placé le cheval dans l'obéis-sance complète du cavalier.

Par un travail rationnel et régulier, en recommençant jusqu'àdocilité absolue la gamme des exercices de décontraction,il appartient au tact, à l'habileté, à l'intelligence du cavalier,de parfaire ce dressage du cheval de selle jusqu'à ce qu'il répondecomme il convient à ses exigences. C'est là, à mon avis, quedoit s'arrêter le dressage d'un cheval de promenade, du chevalde selle proprement dit, qui doit, tout en marchant lentement,être toujours prêt à recevoir une forte impulsion en avant et àpartir aux grandes allures.

DES DÉFENSES Si le cheval se laissait faire sans résister, lerôle du dresseur serait assez simple. Ce

n'est pas toujours le cas, car il faut compter avec les« défenses » de cet animal, souvent volontaire et coléreux.

On appelle « défense » l'effort que fait le cheval pour se sous-traire à la volonté de l'homme.

Il est intéressant, indispensable même d'en parler, car étantdonnée la puissance de l'animal, cet effort est toujours consi-dérable et difficile à vaincre.

La défense, si elle est presque toujours une manifestation du

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cheval contre la volonté de son cavalier, trouve quelquefois sonorigine en dehors même du caractère combatif de l'animal.

Un cheval peut parfaitement refuser de passer sur une route,dans une rue, par entêtement, ou parce qu'il prend ombrage dequelque chose qui l'effraye. Il peut encore, par gaîté spontanée,ou pour tout autre cause, exécuter des sauts et des bonds qui sontdes défenses susceptibles de mettre le cavalier en mauvaise pos-ture. On détruira l'effet de ces caprices en portant résolumentle cheval en avant par tous les moyens dont on peut disposer,car, bonds et sauts en avant ne sont rien, seuls les sauts et lesdéfenses sur place sont à redouter pour le cavalier.

Etudions de plus près les « défenses » qui naissent de l'hu-meur combative du cheval.

LA POINTE C'est la cabrade — la « pointe » — qui tientla première place, parce que malgré tout ce

qu'ont pu raconter certains écuyers, même très solides, lapointe les embarrasse toujours, quand elle ne les démoralise pascomplètement.

Les plus braves ont toujours la crainte que le cheval en serenversant sur eux, leur brise la colonne vértébrale. Cettechute en arrière est le plus souvent occasionnée par le mauvaisterrain que le cheval choisit toujours d'instinct pour se défendre.

Combien j'en ai vus — et Dieu sait si j'en ai connu decourageux et de solides — faire des concessions et chercher àcalmer, à amadouer le cheval qui pointait, dans la crainte qu'ilne se renversât sur eux, ce qui, du reste, arrive trop fréquemment.

La vraie manière de combattre cette défense, c'est d'attaquersur la pointe, non pas avant qu'elle se produise, ni après, ce quin'a pas grand mérite, et ne serait pas efficace, mais au momentprécis où le cheval s'enlève, afin que, surpris juste au momentoù il s'assied sur ses jarrets pour se dresser, il reçoive l'attaque des

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éperons et de la cravache assez spontanément pour être forcé dese porter en avant en transformant sa pointe en lançade.

Nombre d'écuyers se vantent ou se figurent souvent de bonnefoi accomplir cette prouesse d'avoir attaqué sur la pointe.

A mon avis, beaucoup d'entre eux sont le jouet d'une illusionet ont fait sans s'en rendre compte une concession involontaire.

M'étant attaché particulièrement au dressage des chevauxpointeurs, j'ai, pour ma part, possédé un pointeur incorrigibleque je ne pouvais déshabituer de ce dangereux défaut. J'ai faitvenir au manège pas mal de cavaliers des plus casse-cou pouressayer de lui faire perdre cette habitude. Pas un seul n'aosé attaquer sur la pointe ; bien au contraire, pris de peur, ilsdurent se cramponner à l'encolure, jusqu'au moment où décou-ragés, ils abandonnèrent la partie.

Il existe une manière d'éviter la cabrade, c'est de ne paspousser le cheval à bout. Beaucoup de cavaliers qui n'aimentpas les discussions trop violentes, les débats trop sévères recou-rent à ce moyen, qui demande, je le reconnais, du tact et del'adresse.

Je sais bien qu'il y a des dresseurs qui n'hésitent pas àentrer dans la voie des concessions. Personnellement je préfère,quitte à la provoquer, avoir à vaincre la défense pendant lapériode du débourrage du cheval, sans l'éviter par une série deconcessions plus ou moins adroites, au début du dressage, qued'avoir à le faire lorsque le cheval, plus éduqué est devenuplus habile et a le sentiment que vous n'êtes pas complètementson maître, car plus le dressage du cheval devient compliqué,plus l'animal cherche dans sa tête les moyens de se soustraireà votre domination. Avec sa grande mémoire, il n'aura pasoublié les concessions que vous lui avez faites pour la cabradeet il s'en servira pour détruire tout le dressage que vous avez« échafaudé » sur lui avec beaucoup de peine et souvent au

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prix de beaucoup de temps. Soyez certain que, malgré son peud'intelligence, il sera assez fin pour se rappeler que précédem-ment vous avez eu peur de lui lorsqu'il a marqué des velléitésde pointes. Il n'en laissera rien paraître pour le moment, maisvos exigences devenant plus grandes, il se souviendra de votrefaiblesse, prêt à en profiter pour un suprême effort.

Et puis, il m'est plus pénible aussi de le corriger vertementlorsque le cheval est dressé et devenu mon ami, que quand jesuis en train de l'ébaucher.

En ce qui me concerne, je reste plus que jamais ancré dansmes convictions : ennemi des concessions, comme je l'aidéjà dit et comme je le dirai sans cesse, je ne puis pas plusadmettre celles qu'on fait pour la pointe que pour les autresdéfenses. Bien mieux, j'estime que plus la défense est redou-table, plus la correction destinée à l'empêcher de se renouvelerdoit être sévère et immédiate. Je ne parlerai que pour mémoiredu moyen empirique qui consiste à casser une bouteille entreles deux oreilles du pointeur, vieux remède préconisé parquelques écuyers. Je reste aussi plus que sceptique sur leseffets produits par l'explosion d'un pétard sous la queue ducheval. C'est à votre stick et à vos éperons que je vous con-seille simplement d'avoir recours.

Je conseillerai même le secours d'auxiliaires, par exception,devant une défense aussi redoutable que la « cabrade ». Croyez-m'en donc : lorsque par vos propres moyens vous aurez le des-sous sur votre cheval, lorsqu'il aura appris à se dresser, bienarmé d'une cravache, faites-vous suivre de deux hommes,munis eux-mêmes de chambrières. Puis, avec un mouvementd'ensemble parfait, commandez à ces deux hommes de frapperen arrière, jusqu'à ce que le cheval se soit porté en avant, etrecommencez ce manège, qui ne prendra fin que quand l'ani-mal aura bien compris qu'il n'y a pas de résistance possible.

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Alors vous pourrez lui donner la carotte et le sucre commerécompense.

Quant à combattre la pointe par la martingale et le mors àcabrer, c'est, à mon sens, aller au-devant d'une désillusion.

LA RUADE Comme défense de seconde ligne, je placerai laruade. Elle est peu déplaçante pour le cavalier

solide que doit être le dresseur, et j'estime qu'on en corrigeratoujours le cheval en le portant en avant par les moyens ordi-naires : jambes et cravache. Ceci en général. Cependant, laruade chez la jument est excessivement tenace. Il faudra, avecelle, agir plus énergiquementencore. Cette défense, peut aussiêtre involontaire, et attribuable à une question de tempéra-ment; dans ce cas, elle n'est guère facile à corriger.

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C'est pour la même raison que la jument restera immobilesur l'attaque de l'éperon et même sur celle de la cravache.

Quel moyen employer contre un animal qui, sous l'actionde certaines circonstances, n'est pas dans son état normal? Pourma part, je n'en vois aucun.

LE RECULER Encore une défense qui n'appelle qu'un cor-rectif et pas d'autre : porter le cheval en

avant par tous les moyens possibles.Pas plus que pour les autres défenses, il ne faut faire

de concessions. Donc il convient d'insister par ses propresmoyens et de se faire aider si on se sent impuissant soi-même à obtenir un résultat, sans jamais bien entendu des-cendre de son cheval pour le corriger de par terre, ce qui estune des plus grandes fautes qu'on puisse commettre dans ledressage.

LE COUPDE PIEDEN VACHE

Le coup de Pied en vache dans le talon de labotte du cavalier, la défense qui consiste à leserrer contre un mur pour lui écraser les jambes,le fait de lui mordre les pieds, appellent une cor-

rection sévère, jusqu'à ce qu'on ait fait disparaître ces « mau-vaises manières » de l'animal.

Voici pour les principales défenses sur place qui sont, ensomme, les plus embarrassantes; j'ajouterai aussi que presquetoujours elles sont provoquées par des dresseurs inexpérimentésqui brutalisent le cheval, abusent de l'éperon et l'emploientsurtout mal à propos.

Je ne vous parlerai pas de celles qui se passent en avant,elles sont presque toujours produites par la gaieté et n'ontaucune importance pour un bon cavalier.

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LE CHEVALQUI S'EMPORTE

Cependant, je n'entends pas par « enavant » le cheval qui s'emporte, qui s'em-balle, suivant l'expression vulgaire. Ce dé-

faut, en effet, est excessivement dangereux, car le chevalemporté se jettera sur n'importe quoi et se tuera sans hésiteravec son cavalier.

Il y a plusieurs sortes d'emballement : celui qui se produitchez un cheval congestionné, pris du « vertigo » par exempleou du vertige, sous une influence maladive quelconque. Pourcelui-là il n'y a aucun remède : il faut réformer l'animal, quiest impropre à tout dressage.

Quant à celui qui affecte le caractère précis d'une défense,il doit être facilement maîtrisé par des' effets combinés demors et de filet. Car je n'admets pas qu'un dresseur s'exposeà se faire emmener par un cheval, faute de l'avoir mis complè-tement dans l'obéissance sur la main, par les temps d'arrêt, les

« reculers » et les assouplissements de la mâchoire, enfin tousles moyens qui constituent la théorie classique du dressage.

L'emballement produit par la peur est assez difficile à maîtri-ser chez un animal puissant. C'est pour cette raison que plusun cheval est vigoureux et dur dans la bouche, plus il faut êtreméticuleux dans son travail de décontraction de la mâchoireet dans sa mise en main. Car pour arrêter un cheval emporté,il faut pouvoir l'empêcher de s'encapuchonner, ou de mettre lenez au vent, positions préférées du cheval emballé par méchan-ceté.

LE MORSAUX DENTS

Le cheval s'emporte aussi en prenant ce qu'onappelle le mors aux dents. C'est le cheval qui,prenant avec les lèvres une branche du mors,

la saisit dans ses dents et de cette façon détruit l'effet du morssur les barres. Il rend le cavalier impuissant à l'arrêter.

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On obvie à cet inconvénient au moyen de la fausse gour-mette décrite d'autre part.

Avant de terminer les appréciations sur les défenses, je tiensà déclarer que tout ce que j'ai préconisé, comme moyens cor-rectifs, n'est applicable qu'à des animaux bien portants et bienconditionnés.Tenez pour certain que si une défense, quelle qu'ellesoit, est occasionnée par la souffrance ou la faiblesse, il n'y arien à faire qu'à laisser l'animal, il est impropreà tout dressage.

L' «IMMOBILITÉ

» Nous en avons parlé comme tare, commeinfirmité. Quand elle est le résultat de

la mauvaise humeur d'un cheval « butté », par une exigencesouvent exagérée du cavalier, elle est inquiétante.

Lorsque le cheval est, sous cette influence, immobilisé, braquésur le sol, il faut bien vous figurer qu'il est prêt à tout. C'est autact de l'écuyer de déterminer s'il doit quand même attaquerpour porter en avant, ou attendre quelques secondes la détentequi se produit presque toujours chez un cheval poussé à bout.

Il est certainque ce « braquage » absolu ne se produit chez l'ani-mal qu'au paroxysme de la colère, alors qu'il est dans un étattel d'exaspération, qu'il n'a plus conscience de ce qu'il fait.

Si vous l'attaquez brusquement, vous risquez fort que, s'arc-boutant sur le sol, il ne profite de cet acculement pour fournirune formidable détente. Alors, ou il pointera avec une telleénergie qu'il risquera de se renverser sur vous, ou il se précipi-tera tête baissée sur n'importe quel obstacle, avec une violencetelle que le choc pourra entraîner sa mort et celle de son cavalier.

Le plus heureux qu'il puisse arriver, pour échapper à cettesituation critique, c'est que secouant rageusement la tête, ilbondisse spontanément en une lançade brutale pour se porteren avant. Le cavalier ainsi emmené, s'il a de l'espace devantlui, peut se défendre. Il peut reprendre sa bête et la ramener à

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une allure raisonnable. Mais, croyez-moi, évitez toujours, dansle dressage, de pousser le cheval à cette extrémité, le « braquage »,comme l'appellent les écuyers. Et, si malgré vous, cette défensesurvient, employez les moyens doux pour sortir de cette fâcheuseposition. C'est peut-être la seule circonstance dans laquelle je

vous conseillerai de faireune concession au che-val, car vous verrez parla suite que je suis in-transigeant sous le rap-port des faiblesses et queje n'en admets aucune.

Si je fais une exceptionpour l'immobilité volon-taire dans le dressage,c'est qu'à mon avis, lecheval qui y a été pousséest dans une telle colère,qu'il n'a plus consciencede ce qu'il fait, il n'esten somme qu'un de ces

coupables inconscients qui obtiennent tant d'indulgence aujour-d'hui. Ces digressions m'ont peut-être écarté un peu de monsujet. Elles étaient nécessaires, inévitables même, puisqu'ilimportait de faire une démarcation bien nette entre « l'immobi-lité maladive » et « l'immobilité volontaire » en définissant lecaractère naturel de l'une, et en spécifiant le danger des consé-quences de l'autre.

L'ENCENSEMENT L'encensement est un battement de la têtede bas en haut, saccadé et nerveux, que

le cheval exécute en bourrant sur la main. Cette mauvaise

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habitude n'est pas, à proprement parler, une défense, maisc'est pour un cheval un défaut qui peut avoir des consé-

quences assez graves; l'encensement, en effet, dérange lamise en main, et s'il se produit avec violence, le cavalier estexposé à recevoir des coups de tête dans la poitrine et dans lafigure.

Pour le combattre utilement et le corriger, il faut, sur lamarche, ayant bien son cheval dans la main et dans les jambes,le pousser en avant, au moment précis où l'encensement vase produire. En répétant souvent cette manœuvre, on arriveavec du tact et de l'à-propos, à dégoûter le cheval qui, fatiguéde la lutte, se décide à retomber dans la main.

CHATIMENTS ETRÉCOMPENSES

J'ai, au cours de ce qui précède, fait allu-sion aux moyens énergiques ou doux aux-quels il convient de soumettre le cheval

dans son dressage.Combien de fois ne m'a-t-on pas posé cette question : « Com-

ment vous y prenez-vous pour dresser vos chevaux? Par la vio-lence ou par la douceur ? »

C'est bien simple Voar une association judicieusement doséedes deux procédés. L'expérience, la pratique, apprennent audresseur, et suivant le caractère de chaque cheval, à quel momentil doit employer la manière forte, et à quel autre il doit faireentrer en jeu la douceur.

Il faut corriger et caresser, mais avec beaucoup d'à-propos.Le commun des mortels tend généralement à voir, avant

tout, dans le dressage, une question de patience. Qu'est lapatience en l'espèce? Bien peu de chose, en somme, si on lamet en regard de la science, du tact, de la finesse, qui font,elles, toute la virtuosité du dresseur.

Règle générale, en matière de dressage, il ne faut jamais

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maltraiter un cheval, il faut s'en faire aimer tout en s'en faisantcraindre.

Avant de le dresser, il importe de le dompter, c'est-à-direfaire disparaître toutes ses résistances.

Un autre point de vue a quelque peu divisé l'opinion desdresseurs. Faut-il fatiguer un cheval très vigoureux, le rationnerexagérément sur la nourriture, le priver de sommeil, pour fairetomber son ardeur naturelle et le rendre plus docile sous l'effetd'une dépression physique assez accentuée?

Je répudie, pour ma part, ces moyens inhumains, qui répu-gnent à ceux qui aiment les animaux, et qui risquent en outrede compromettre la santé d'un cheval.

J'estime que si on se trouve en présence d'un cheval tropfrais, il convient simplement de le faire travailler à la longeau petit trot, pour abattre un peu son ardeur. Quant à amoin-drir sa vigueur, je me garderai bien de le faire, car j'ai besoinqu'il la conserve pour prendre la leçon que j'ai à lui donner.Bien au contraire, plus je demande de travail, plus je le fais

pousser en nourriture.Quant aux corrections, il faut, s'il y a lieu d'en donner, qu'elles

soient promptes,rapides, énergiques, infligées au moment voulu,et rien qu'à ce moment-là, sans colère, pour que le cheval com-prenne bien que le châtîment est la conséquence immédiate dela faute qu'il vient de commettre.

C'est une erreur profonde de prolonger cette correction ; agirainsi, c'est lui enlever tous les effets qu'elle peut avoir: elleconduit le cheval à ne plus comprendre pour quelle raisonexacte on le frappe. C'est donç aller à l'encontre du résultatque l'on veut obtenir.

En aucune façon, quelque sévère que soit la correction à infli-

ger, elle ne doit abîmer un cheval.Elle doit intervenir sans brutalité inutile, surprendre l'ani-

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mal, sans faire naître en lui une impatience qui risque fort detourner à la colère, et de provoquer des défenses contre les-quelles il faudra entrer en lutte. Et c'est là la conséquence dan-gereuse des corrections infligées sans tact ni mesure.

Est-ce à dire qu'il est possible de dresser complètement uncheval sans le corriger? Non. Le tout est de le faire avec assezd'à-propos, de justesse d'appréciation, pour éviter les défenses.Car, à ceux qui se vantent d'avoir été assez habiles pour n'enavoir jamais provoqué, ou pour n'avoir jamais eu à corriger uncheval, je répondrai que leur mémoire leur fait singulièrementdéfaut, ou qu'ils se sont contentés de peu en fait de dressage.

J'ai préconisé la récompense, et je la considère commeindispensable pour faire comprendre au cheval qu'il a bienfait. De quelle nature sera cette récompense? La carotte géné-ralement, grande friandise du cheval, qui a l'avantage de luirafraîchir la bouche, la caresse avec la main et l'approbationdu cavalier, exprimée par les intonations familières au chevalen cette circonstance.

Mais la récompense à laquelle le cheval sera le plus sensible,c'est le repos le plus complet, sans rien lui demander pendantun certain temps, pour calmer ses nerfs. Il est même salutaire,après une grande lutte d'où l'on est sorti vainqueur, de terminerla leçon et de rentrer le cheval à l'écurie. C'est le plus grandplaisir qu'on puisse lui procurer.

A quel âge doit-on commencer le dressage du cheval? Jesuis partisan de ne commencer ce travail que sur un chevalqui a atteint ses trois ans et demi, et encore avec de grandsménagements jusqu'à la cinquième année.

Evidemment, on peut faire du dressage à pied, chez un che-val très jeune. Ce qu'il faut éviter, c'est de le charger trop pré-maturément, afin de ne pas provoquer l'usure des membres, etparticulièrement l'affaissement du rein, l'ensellement. Sous

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réserve de ces précautions, il est permis, à la longe et en main,de demander beaucoup au cheval, comme entraînement etcomme assouplissement, à partir de trois ans.

LE SAUT On peut dresser un cheval à sauter de deux manières:monté ou en liberté. Comme beaucoup d autres, je

suis partisan d'apprendre à un cheval à sauter en liberté, à lalonge ; pour cette raison bien simple que n'étant pas gêné parle poids de l'homme, le cheval sautera avec beaucoup plus defacilité. On mettra donc le cheval à la longe dans un cerclede 12 à 14 mètres de diamètre ; on fixera la longe soit au filet,soit au caveçon et restant au milieu du manège, on prendraune chambrière et on poussera le cheval sur l'obstacle qu'onaura placé sur la piste. Très habitué au manège rond et audressage des chevaux en liberté, je me permettrai de vous faireune petite recommandation (qui vous gênera certainement si

vous n'êtes pas gaucher) mais qui a bien son importance. C'est,pour commencer, de faire sauter le cheval à main droite. Poury arriver, mettez le cheval à main droite, tenant votre longedans la main droite et votre chambrière dans la main gau-che, de façon que, galopant en cercle sur la main droite, ils'habitue à sauter d'abord sur le pied droit, ce qui est d'unegrande commodité pour le cavalier du dehors et surtout pourl'amazone.

J'ai omis de dire, qu'avant de faire sauter le cheval à maindroite sur la piste ronde, il faut qu'il soit bien habitué à galo-per à cette main et très obéissant au mouvement de la cham-brière.

Ne me servant plus de caveçon depuis nombre d'annéespour dresser mes chevaux, je vous conseillerai de fixer la longesimplement sur le filet, les secousses que vous pouvez impri-mer par la longe à la bouche du cheval n'ont pas grand incon-

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vénient puisque le filet agit sur la commissure des lèvres.J'ai reconnu que le caveçon était brutal lorsqu'il n'adhérait

pas au chanfrein du cheval et anodin lorsqu'il était serré.Il est d'usage de faire franchir des barres aux chevaux qui

débutent dans leur apprentissage de sauteur. Pour ma part, jen'en suis pas partisan, attendu que, mises même très bas,elles peuvent produire de graves accidents, tels que chutes etfractures. Le cheval, très maladroit dans ses débuts, prend sou-vent des faux-temps et risque de s'accrocher et de s'enchevêtrerdans la barre qui est roulante, bien plus brutale qu'on ne lecroit dans sa rigidité et, comme je viens de le dire, peut aisé-ment déterminer une fracture du canon ou un effort de boulet.

J'estime préférable de commencer par un saut en largeur. Jeconseille donc de prendre une petite claie en osier, bien pleine,de façon à ce que le cheval ne puisse pas passer ses jambes autravers s'il venait à marcher dessus. Puis je la place sur la pisteen travers, très inclinée et posée sur deux petits tréteaux — dansl'axe du milieu — ces tréteaux devront être très légers, inca-pables de blesser le cheval.

Ensuite, au moyen de la chambrière et d'un aide s'il le faut— car, comme pour le reste du dressage, j'aime mieux prendreun ou plusieurs aides, que d'épuiser mon cheval en luttes et enbatailles, — je lui fais donc franchir cette claie; dès que j'airéussi, je le calme, fais retirer la claie et le fais continuer sontrajet sur la piste au galop, au trot et ensuite au pas. Il fauttenir à ce qu'il reste sur la piste, car il aura toujours tendance àrevenir au milieu pour éviter de sauter. Lorsque le cheval exé-cutera facilement, sans hésitation, le petit saut allongé quej'aurai obtenu au moyen de la claie inclinée, je ferai redresserla claie presque jusqu'à la perpendiculaire, qui sera de i mètre,en ayant soin toujours de la laisser inclinéedu côté opposé où lecheval prend son saut. Puis lorsque le cheval sautera facilement,

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sans se déranger dans son galop à main droite, cet obstacle enhauteur, je ferai prendre la claie par déux hommes qui laporteront comme une table toujours perpendiculaire à la piste,à la hauteur d'environ 50 centimètres, et alors j'apprendrai denouveau au cheval à franchir cette table, pour lui faire connaîtrel'obstacle en largeur. Ainsi préparé, le cheval sera familiariséavec les deux mouvements du saut en hauteur et en largeur.Pour le perfectionner, suivant toujours une gradation très lente,j'arriverai à lui faire franchirune haie de im,20 à im,30, toujourslégèrement inclinée.

Mais c'est là que s'arrêtera mon dressage dans le manègerond, c'est-à-dire que je ne lui demanderai pas d'effectuer dessauts plus élevés sur la ligne courbe, me réservant, maintenantqu'il saute franchement, de le faire sauter monté, sur la lignedroite, où il pourra prendre toute son impulsion pour aborderles grands obstacles.

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ÉQUITATION

CONSIDÉRATIONSGÉNÉRALES

QUICONQUE est jeune, courageux, bien proportionné, est

-capable de monter à cheval. L'équitation ne nécessite pas

de moyens physiques absolument exceptionnels. Cependant,s'il est relativement facile de savoir se maintenir en selle, il fautde longues études pour mériter le nom d'écuyer. J'entends parécuyer, l'homme qui sait dresser un cheval de façon à le rendremontable pour tous les cavaliers et apte à tous les servicesqu'on doit exiger d'un cheval de selle.

*

Le sport de l'équitation est à la portée de tous ceux qui veulentprendre la peine de le pratiquer. Cependant une somme de tra-vail considérable est indispensable à quiconque veut devenir unbon écuyer.

Grands, petits, vifs et même apathiques sont capables dedevenir des cavaliers. Je sais bien que les jambes d'une certainelongueur, sans excès, sont plus avantageuses que les jambescourtes, mais combien de célébrités équestres avaient de petitesjambes et n'en furent pas moins des maîtres.

La conformation plus ou moins développée d'un individupas plus que son tempérament ne peuvent être un obstacle pourl'équitation.

Le Français est par excellence homme de cheval puisqu'il vit

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dans un des meilleurs pays de production de la race chevaline.Le poids d'un homme cependant, quand il est très fort, quand

il passe 80 kilos par exemple, rend très difficile le choix d'uncheval ayant la force de le bien porter, les grands et forts che-vaux étant plus rares et plus chers que les moyens et les petits.

Je n'ai jamais pu me rendre compte pourquoi, dans l'armée,on mettait les hommes grands dans la cavalerie et les petitsdans l'infanterie. Le contraire eut semblé plus logique, le recru-tement des chevaux moyens étant plus aisé que le recrutementdes grands et leur qualité supérieure.

Il en est du sport équestre comme des autres sports :c'est le

courage qui prime toutes les qualités ; celui qui n'a pas peurd'un cheval et que les chutes, inévitableschez un débutant, n'ont

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pu démoraliser, finit par devenir un véritable centaure et a enlui toute l'étoffe pour faire un bon cavalier et même un excel-lent écuyer.

Il n'est pas sans intérêt d'examiner rapidement le style de

certains cavaliers étrangersjustement réputés. Cet examen per-mettra de se faire une première idée de la différence qui existeentre leur « manière » de monter et la nôtre.

Les peuples, même les moins civilisés, ont produit des cava-liers de premier ordre. Je mettrai en première ligne les indiensPeaux-Rouges. Lorsque Buffalo vint donner des représenta-tions à Paris, il y a environ vingt-cinq ans, j'ai été tellementfrappé par l'attitude et la solidité de ses cavaliers indiens, que

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l'idée que je me fais de la. position de l'homme à cheval, date dumoment où je les vis.

Grands, forts, le buste court, les jambes longues, ces cavaliersque j'ai observés d'autant plus facilement qu'ils montaient,

jambes nues, avaient des chevaux sans selles, petits, bas dudevant, sans garrot, les épaules étroites, et bridés avec de simplesfilets. La conformation physique de ces animaux grêles et malbâtis était un obstacle évident à la solidité du cavalier, obstacledont semblaient se jouer ces hommes qui restaientcollés à leurmonture dans les galops les plus fougueux, les arrêts les plusbrusques, les évolutions les plus déplaçantes.

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J'en ai conclu que pour conserver un si parfait équilibre, latenue de ces cavaliers était la plus rationnelle. D'après ces obser-vations, voici donc la position que je préconise : buste droit, reinssouples, tête bien libre sur les épaules, bras indépendants ducorps, cavalier bien entré à cheval du bassin, assiette adhérente,

cuisses descendues le long des flancs, genoux fixes, bas de lajambe parfaitement libre, tombant naturellement.

Ceci ne veut pas dire qu'en dehors de cette position, on nepuisse monter à cheval, non certes. Et ce serait être d'une in-transigeance exagérée que de le soutenir. Il y a tant de variétésintéressantes dans la manière de monter! Le jockey et l'écuyerde manège ne peuvent avoir la même position, car, comme ditle baron d'Etreillis, « ce sontdeux musiciens jouant dans un ton

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différent ». Voyez, par exemple, l'Arabe; sa position est toutedifférente de celle que nous venons de décrire. Enclavé dansune selle à troussequin, les jambes raccourcies et les genouxremontés presque au niveau de l'estomac, les pieds enfoncésdans de larges étriers, les talons armés d'éperonsgigantesques luiservant à la fois à actionner le cheval et à s'accrocher à ses flancs,il donne l'impression d'être absolument accroupi, pour se redres-ser subitement, aux grandes allures, sur ses étriers. Cette posi-tion à cheval diffère en tous points de la nôtre. La manière demonter de ces cavaliers comporte en outre des procédés qui leursont bien personnels.Non contents d'agir violemment avec leurséperons sur les flancs du cheval, ils usent d'un mors très dur, àbranches très longues dans lesquelles un anneau de fer remplacesouvent la gourmette. Comment le cheval arabe, animal délicat,sensible et fin, peut-il s'accommoder de ces façons brutales ?

J'ai pu me rendre compte qu'il ne s'en accommode guère, caren voyant exécuter des fantasias à ces cavaliers, j'ai constaté quepar leurs arrêts brusques au galop, et leurs pirouettes sur place,trop répétées, ils ruinaient complètementl'arrière-main de leurschevaux. Néanmoins, cette race brave et courageuse est réputéedepuis la plus haute antiquité pour sa merveilleuse cavalerie ;

Isaïe nous assure que les Arabes étaient les meilleurs cavaliersdu monde.

Le cavalier cosaque jouit d'une grande réputation. Sa positionà cheval rappelle un peu celle de l'Arabe, mais il a les jambesplus descendues le long du cheval et obtient de ce fait uneadhérence plus complète. Sa solidité et sa souplesse en sellesont légendaires. Il fournit, au grand galop, des déplacementsdu buste qui prennent les proportions d'un véritable tour deforce. Bien qu'exigeant beaucoup de son cheval, il a cependantmoins de brutalité que l'Arabe.

Le Mexicain se réclame d'une école plus moderne. Son équi-

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tation tend à être plus classique, plus rationnelle, voire plussavante. La position des jambes très étendues sur les flancslui assure une plus complète puissance d'action et aussi uneadhérence J'ai trouve dans la selle à troussequin un auxiliaireprécieux.

La solidité à cheval est d'autant plus nécessaire au Mexicain

que son équitation consiste à prendre des chevaux sauvages aulasso, à les dompter et à garder des troupeaux dans les pam-pas américaines. En les considérant si parfaits, j'ai penséqu'eux aussi avaient profité des traditions de l'école française etj'ai eu la curiosité de remonter à l'origine de ces fameux cow-boys du Canada qui me semblent avoir, lors de l'émigrationfrançaise, vers 1642, profité des enseignements des émigrés \Il est plus que probable qu'ils importèrent, en même temps quele costume de l'époque de Louis XIII, les principes de notreéquitation.

Rien, à mon avis, n'est comparable à l'équitation française,avec son impeccable tenue en selle, et il n'est pas de peupleen Europe qui ne s'en soit inspiré, qui n'ait adopté les vieillestraditions qui firent la gloire du fameux manège de Versailles.

Que n'a-t-on pas dit et écrit sur les écuyers de la grandeépoque? Les noms de cavaliers célèbres qui illustrèrent l'équi-tation sont parvenus jusqu'à nous. Les cavaliers du SecondEmpire s'étaient si bien inspirés des principes de cette méthodeque le baron d'Etreillis, qui s'y connaissait, disait deM. Mackensie-Grieves, cet incomparable cavalier, « qu'il était

I. En 1639, quelques Français et Françaises partent pour le Canada afin d'y fonderune mission catholique. On compte dans l'expédition plusieurs religieuses, des Jésuites.Ils étaient accompagnés de quelques civils parmi lesquels un gentilhomme picard, lechevalier Noel Brulart de Sillery.

Trois ans après, en 1642, d'autres prêtres et religieuses partent également pour leCanada accompagnés de 40 soldats commandés par le capitaine Paul de Chomedey,seigneur de Maisonneuve, et fondent la ville de Montréal.

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l'homme de cheval le plus remarquable de notre époque ».Car M. Mackensie-Grieves fut bien le prototype de la correctionà cheval ; nul, plus que lui, ne possédait cette tenue éléganteet académique, rationnelle, qui est une des qualités primor-diales du cavalier. Est-ce à dire qu'il n'existe qu'une seule etunique position en selle pour faire un bon cavalier? C'est im-

possible à soutenir, si l'on en juge par les résultats surprenantsqu'obtiennent certains cavaliers, dont la position à cheval est lanégation à peu près absolue de la tenue classique.

Voici que surgit également la monte dite américaine qui,jusqu'ici, s'était contentée de faire son apparition sur les seulschamps de courses et dans les concours. Elle aussi prétends'imposer par les avantages qu'elle présente, et que je nediscuterai pas ici, car elle constitue une équitation spéciale quisort du cadre de cet ouvrage. A propos de l'origine de cetteéquitation américaine, je donne pour ce qu elle vaut l'anecdote

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suivante : En Amérique, pour ne pas charger dans les coursesles poulains de deux ans, on les faisait monter par des petitsnègres, et comme ces enfants n'étaient pas cavaliers ils se cram-ponnaient au garrot du cheval et prenaient cette position assez

bizarre qui constitue la monte américaine. Comme les poulainsparaissaient avoir plus de vitesse montés dela sorte, les jockeysadoptèrent la position des gamins noirs pour monter en course.

En somme, il n'est pas possible de dire qu'on soit absolumentd'accord sur les qualités et les défauts de certaines tenues à che-val, qui s'écartent sensiblement de celle que nous préconisonsen France. Il convient donc de ne pas se montrer trop intransi-geant à l'égard de ceux qui obtiennent des résultats avec desméthodes différentes.

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Mais si l'intransigeance doit se manifester en équitation, c'estbien à l'égard de ceux qui, incomplètement éduqués, veulentfaire figure de cavaliers et parader devant la galerie.

Lorsque je les vois s'acheminer vers le Bois, ne se doutantpas des dangers qu'ils courent et surtout de ceux qu'ils fontcourir aux autres, je me demande s'ils vont en revenir vivants.Il leur faut une véritable dose d'inconscience, pour oser serisquer sur le dos d'un cheval dans de pareilles conditions !

Le baron d'Etreillis écrit à leur sujet : « Se tenir vaille quevaille en selle, aller pas toujours où l'on veut et à peu prèscomme l'on peut, n'est pas monter à cheval. Cela ressemble àl'Equitation comme le badigeonnage à la peinture, le tapage àla musique, le calembour à l'esprit ».

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ÉQUITATIONÉLÉMENTAIRE

LE MONTOIR La première chose à faire pour le débutant estde se mettre en selle. Il abordera le cheval

doucement, afin de ne pas l'effrayer.Du reste il y a deux façons principales de procéder pour le

montoir :

1° La façon « classique » : le cavalier ayant ses rênes ajustéesdans la main droite placée sur le pommeau, est FACE EN AVANT.De sa main gauche, il place le pied gauche dans l'étriergauche et saisit ensuite une poignée de crins, le plus haut pos-sible, l'extrémité des crins sortant du côté du petit doigt ; lecavalier s'enlevant ensuite par un appel du pied droit, passe lajambe droite par-dessus la croupe et se met légèrement enselle.

Inconvénients : 1° le cavalier court risque de recevoir uncoup de pied en vache ; 2° entre le moment où le pied gaucheest mis dans l'étrier et le moment où le cavalier saisit la cri-nière, il court risque d'être traîné, si le cheval se porte enavant ; 30 si le cheval déplace ses hanches vers la droite, le cava-lier se trouve éloigné de son cheval.

2° Façon moins réglementaire, mais plus usitée.Le cavalier faisant FACE EN ARRIÈRE place sa main-gauche

tenant les rênes sur le pommeau (ou sur le bas de l'encolure) ;

de la main droite il présente l'étrier au pied gauche, puis s'en-

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lève par une battue du pied droit tandis que la main droitesaisit le troussequin, où il la maintient jusqu'au moment où lajambe droite passe par-dessus la croupe. Le cavalier se metensuite légèrement en selle.

Avantages: 10si le cheval se porte en avant, ce mouvementaidele cavalier à se mettre en selle ; 2° le cavalier ne court aucunrisque de coups de pied ou de déplacement de l'arrière main.

Un bon moyen consiste à raccourcir la droite rêne de filet. Lebout du nez du cheval est attiré à droite, l'épaule gauche setrouve soulagée et si le cheval était tenté de jeter un membreen avant ce serait ladite épaule gauche ; or elle se trouve main-tenue par la présence du cavalier lorsqu'il monte face en arrière.

En résumé, deux méthodes de montoir : face en avant, faceen arrière.

LA POSITIONDU CAVALIER

Une fois le cavalier à califourchon, il mettrason buste droit le plus naturellement pos-sible, les deux épaules perpendiculaires au

cheval. Puis il s'assoira le plus entré possible dans le fondde la selle afin d'avoir dès le début une bonne assiette qu'ildevra conserver sans contraction aux trois allures, car cetteassiette est indispensable. Le buste étant bien fixé sur uneassiette solide, les cuisses adhèrent au cheval, les jambes pendantnaturellement sur les flancs, les membres peuvent se mou-voir indépendamment du corps, et c'est cette indépendance,cette liberté de mains et de jambes qui donnent la légèreté et lebon maniement des aides. Sans assiette, il ne peut y avoir nisolidité, ni légèreté de main, ni mobilité des jambes. Ce n'estpas du premier coup que l'élève obtiendra une bonne assietteet le maniement facile de ses mains et de ses jambes ; lors-qu'il aura obtenu l'un et l'autre, mais seulement alors, il pourrarendre la main, lorsqu'il aura attaqué sur une défense, sans

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déranger son assiette et porter son cheval en avant sans legêner dans la bouche par des à-coups involontaires. Alors seu-lement il pourra se considérer comme un cavalier bien assis etbien placé.

Je tiens à mettre en garde les débutants contre la fâcheusetendance qu'ont beaucoup d'entre eux, de pencher la tête enarrièrè et de regarder en l'air sous prétexte de se tenir droit.Cette attitude est ridicule et incommode car, si les épaulesdoivent être un peu inclinées en arrière, la tête, elle, doitrester perpendiculaire au sol bien libre dans ses mouvementsde façon que le regard puisse, comme quand l'homme circuleà pied, rayonner librement et se porter naturellement à droite,à gauche ou devant soi.

LA SELLE Sans rechercher l'origine de la selle, négligeantson historique qui a déjà été fait maintes fois, je

tiens pourtant, avant de décrire la selle employée de nos jours,à mentionner quelques-unes de celles qui étaient en usageautrefois.

Selle à Piquer. — Cette selle dont le siège était en peau dedaim était munie devant et derrière de deux forts bourreletségalement en peau de daim. Ces bourrelets étaient disposés defaçon à épouser par leurs formes les cuisses et les reins ducavalier qui s'y trouvait complètement emboîté et enclavé.

On recherchait beaucoup autrefois la commodité et le con-fortable d'une selle puisqu'elle était destinée à des cavaliers seservant uniquement du cheval pour combattre et faire de laroute. C'est encore cette selle munie d'un troussequin et d'unpommeau assez élevé qui est en usage pour l'équitation mili-taire dans presque tous les pays, c'est notre selle d'ordonnance,et avec certaines variantes c'est la selle des Arabes, des Cosa-ques, des Mexicains, etc...

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Selle anglaise. -- En Europe, en dehors de l'armée, on a denos jours complètement délaissé l'usage de ces selles, et c'estla selle dite selle anglaise qui l'a remplacée. Cette selle, aulieu d'atteindre le poids énorme de quinze et même vingt kilos,n'en pèse plus que cinq ou six. On en fait même pour les poidslégers et pour les courses qui n'atteignent qu'un kilogramme,un demi-kilogramme, et même 250 grammes.

La selle anglaise se compose principalement de l'arçon quiforme le squelette de la selle. Sa première qualité doit être lasolidité, car c'est lui qui donne sa forme à la selle et qui sup-porte toutes les parties essentielles. La couverture de cet arçonqui forme le siège sur lequel se pose le cavalier est générale-ment faite de peau de truie ; cette peau est souple et en mêmetemps très résistante. Le pommeau et le troussequin, trèspeu accentués, forment l'un le devant, l'autre le derrière de laselle.

Les quartiers sont deux panneaux également en peau detruie qui pendent de chaque côté du siège ; ils adhèrent aucheval et servent à garantir les jambes du cavalier. Leur dimen-sion varie suivant les époques et diffère selon la longueur desjambes du cavalier. Pour la monte américaine, ils sont telle-ment en avant qu'ils recouvrent quelquefois une partie desépaules du cheval. De chaque côté de la selle il y a sous lesquartiers deux ou trois petites courroies en cuir percées detrous. Ces courroies qui s'appellent contre-sanglons sont desti-nées à fixer les sangles.

La selle anglaise ne supporte pas la médiocrité; elle doit êtresouple, solide et bien ajustée sur le dos du cheval sans blesserni même gêner. Il faut aussi que le cavalier s'y trouve bienassis et très à son aise. Une des principales qualités d'uneselle anglaise étant d'avoir des panneaux très minces pour quele cavalier soit le plus près possible du cheval, elles n'ont plus

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qu'un seul panneau, une simple plaque de cuir peu épaisse

préserve le cheval du contact des boucles des sangles et desboucleteaux qui pourraient lui pincer les flancs.

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L'étrier. — Les étriers sont des anneaux d'acier dont labase aplatie sert de point d'appui aux pieds du cavalier. Ilssont de forme oblongue et suspendus de chaque côté de laselle à sa partie supérieure, au moyen des étrivières.

Les étrivières. — Les étrivières sont des courroies en cuirsolide et souple ajustées à la selle par deux crochets dissimuléssous les cuisses du cavalier par une patte en cuir. Les crochetsqui tiennent la selle doivent être à système à déclanchementpour que le cavalier en tombant ne puisse rester accrocher aucheval par le pied.

LE BRIDON Voici le cavalier en selle. Pour commencer, ondevra mettre entre les mains du débutant unsimple bridon, afin qu'il puisse mener son

cheval par des effets directs, c'est-à-dire en tirant à droite s'ilveut aller à droite, et en tirant àgauche s'il veut aller à gauche. Chaquerêne de ce bridon devra être prise àpleine main par le cavalier, qui lestiendra en mettant ses mains à unedistance de 20 ou 30 centimètres ducorps ; distance nécessaire pour rendrela main afin de porter le cheval enavant, et la ramener pour arrêter oufaire reculer le cheval. Plusieurs leçons

seront nécessaires à l'élève pour apprendre à bien diriger soncheval avec le bridon aux trois allures : le pas, le trot etle galop. En procédant de la sorte, on évitera toutes lessecousses et tous les froissements qu'un cavalier commençantpeut, par sa raideur et sa maladresse, donner à la bouche d'uncheval.

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LA BRIDE La bride, qui agit sur la tète, le véritablegouvernail du cheval, a la plus grande impor-

tance. Elle se compose d'une têtière en cuir plat, munie demontants servant à supporter, les uns, le filet, les autres, le

mors.Le mors et le filet mis dans la bouche du cheval constituent

Il y a deux manières de diriger un cheval avec la bride :

soit par les effets directs, soit par les effets indirects. L' « effetdirect » consiste à tirer sur le filet comme sur le bridon àdroite et à gauche, selon qu'on veut aller à droite ou à gauche.Les « effets indirects » les « oppositions » consistent au contraireà appuyer contre le côté gauche de l'encolure lorsqu'onveut allerà droite en portant ses mains à droite, et inversement, à appuyersur le côté droit en portant ses mains à gauche quand on veutaller à gauche.

Il arrive fréquemment qu'en agissant simultanément avec lesrênes du mors et les rênes du filet, ces rênes glissent, s'allon-

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gent et se raccourcissent dans la main. Il est donc nécessaired'acquérirdans cette main une certaine adresse et pas mal de dex-térité pour arriver à rectifier ces irrégularités, ces allongementset ces raccourcissements. C'est ce qu'on appelle : raJuster lesrênes. Il sera donc très utile que le commençant rajuste sesrênes tout en maintenant ses mains à la même distance du corps,c'est-à-dire un peu au-dessus du garrot, les élevant et les descen-dant selon la nécessité.

LE FILET Le bridon est un petit mors sans branches forméde deux parties qui, s'emboîtant l'une dans l'autre

par le milieu, permettent de le plier. C'est cette partie quise met dans la bouche du cheval. A chaque extrémité exté-rieure de la bouche sont deux anneaux mobiles qui servent àdeux fins : 1° à le maintenir au montant du bridon ; 2" à accro-cher les rênes.

Le bridon est destiné à agir sur la commissure des lèvres. Ilest simple, ou à branches, à anneaux ou traversé par une petitebarrette de fer (à branches). Ces barrettes ont l'avantage d'em-pêcher les anneaux d'entrer dans la bouche lorsque le cavaliertire un peu fort à droite ou à gauche. Lorsque le bridon estmonté avec le mors sur une même bride et qu'il constitue cequ'on appelle la bride, il porte le nom de filet, et pour ne pas

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encombrer la bouche du cheval, il est généralement plus mince

que le bridon et n'a pas de branches.

LE MORS Le mors se compose de trois parties principales;deux branches rondes en acier qui sont réunies par

une branche également en acier qui celle-là, est destinée à êtreposée sur les « barres » du cheval ; on l'appelle le « canon ».

Dans le milieu de ce canon, il est d'usage de ménager une courbequ'on appelle la liberté de langue. A l'extrémité supérieure desdeux branches, sont deux anneaux qui servent à fixer le morsaux montants de la bride. Aux parties inférieures de ces deuxbranches, sont deux anneaux mobiles auxquels sont attachéesles rênes dites « rênes du mors ». Les anneaux supérieurs dumors sont garnis de deux crochets qui servent à maintenir lagourmette.

Quelles dimensions doit avoir le mors ? Quelle longueur doi-vent avoir ses branches ? La partie qu'on appelle le canon quiporte dans la bouche du cheval ne doit pas la comprimer mais aucontraire déborder très légèrement de chaque côté. La longueurdes branches jusqu'à Baucher a varié à l'infini. Longues, droites,

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recourbées, en zigzag, telles étaient à cette grande école de Ver-sailles celles avec lequelles nos ancêtres obtenaient de si beauxdressages. Ils prétendaient que plus elles étaient longues, plusle mors était puissant, que par conséquent tel cheval qui offraitde la résistance dans la bouche devait avoir un mors à lon-gues branches, tel autre qui avait la bouche sensible devait avoirles branches du mors courtes.

Baucher, lui, a préconisé les branches courtes et le morsdoux prétendant que ce n'était pas avec la longueur plus oumoins grande des branches qu'on devait venir à bout des résis-tances plus ou moins fortes qu 'on rencontrait dans la bouchedu cheval et que ce résultat devait être obtenu seulement parla main de l'homme qui devait être assez habile pour gra-duer lui-même ses effets avec un même instrument. Il a prati-qué cette méthode et semble avoir eu raison de le faire, puis-que nous l'avons tous imité et que nous nous servons d'un morsque nous appelons mors Baucher. Il a bien subi quelques mo-difications telles que celle qui consiste à mettre le canon mo-bile, c'est-à-dire à transformer le mors fixe en mors à pompe,à faire le canon plus ou moins gros, le passage de langue plusou moins haut, mais toutes ces variantes n'ont guère d'impor-tance. Baucher a donc eu raison, mais il faut dire que La Gué-rinière n'avait pas tout à fait tort, pas plus que pour l'usagedu caveçon, car il n'avait pas, comme Baucher, le filet, cepalliatif et cet auxiliaire de l'action du mors.

LA GOURMETTE La gourmette est une chaînette en acier,destinée à fixer la partie supérieure du

mors sur le bas de la « ganache » et sur la « barbe » du cheval,afin que lorsqu'on agit avec les rênes sur les branches dumors, le mors faisant levier appuie avec une grande force surles barres.

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FAUSSE GOURMETTE La fausse gourmette est une courroieA.en cuir qui a pour but a empecner le

cheval de prendre les branches du mors avec ses lèvres ou avecses dents. Passant par un anneau fixé au milieu de la gourmette,elle vient s'attacher aux deux branches du mors.

TENUE DES RÊNESDES DEUX MAINS

Je conseillerai de les tenir ainsi : lesrênes du filet seront prises à pleinesmains, une rêne dans chaque main ;

quant aux rênes du mors, elles serontglissées, à raison d'une dans chaquemain — entre les troisième et qua-trième doigts. Ce système permetd'agir avec toute la force de la mainsur le filet et avec plus de légèreté surle mors, sous l'influence du troisièmedoigt. Il doit en être ainsi pour gra-duer à volonté l'action des rênes surla bouche du cheval. J'ai adopté depuis vingt-cinq ans cetteposition des rênes; je m'en suis toujours très bien trouvé.

Bien entré dans sa selle, les rênes ajustées dans les mains, —ni trop longues, ni trop courtes, — les bras demi-tendus, lesmains fermées, les poignets flexibles, les avant-bras mobilesindépendants du corps, les mains à quelques centimètres au-dessus du garrot, le cavalier portera son cheval en avant, aupas, en l'actionnant par deux coups de talon, en le soutenantet en le dirigeant avec les rênes du filet.

Puis, toujours au pas, l'élève s'habituera à conduire son che-val sur les rênes du mors, sans brusquerie, sans à-coups, aveclégèreté pour bien s'habituer au maniement alternatif ou simul-tané des quatre rênes, ce qui peut lui être permis dès ses débutspuisqu'il apprend l'a b c de son métier sur un cheval très fini

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comme dressage et dont la bouche est complètement décon-tractée 1.

Les quatre rênes doivent être tenues fermes dans les doigts,le filet ordinairement plus tenduque le mors, et l'élève devra êtreassez adroit pour agir alternative-ment sur le mors et sur le filet, caril devra bien rarement faire simul-tanément appel aux deux. Je n'aipas parlé plus haut de la positiondes mains, parce qu'elle est liée àcelle des rênes.

Voici donc comment je la com-prends : les poignets arrondis,légèrement en avant, le plus prèspossible du garrot du cheval et àune certaine distance du corps du

cavalier. Ayant les bras aussi souples qu'il aura les mainsfermes et les poignets mobiles, il pourra rendre et reprendre lamain, sans jamais rencontrer sa poitrine ni déranger sa position.

TENUE DESRÊNESD'UNE MAIN

Pour tenir ses rênes dans unemain, il est bien difficiled'enseigner une manière ;

chaque pays ayant la sienneet chaque professeur aussi. Cependant, unedes plus usuelles est celle qui consiste à tenirles rênes du mors dans la main gauche, larêne droite passant entre le quatrième et lecinquième doigt, la rêne gauche entre le

Tenue des rênes d'unemain.

i. La décontraction est traitée à sa place dans l'équitation supérieure.

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troisième et le quatrième, les deux rênes du filet prenant posi-tion entre le pouce et l'index.

Dans cette tenue de rênes d'une main, il est très importantde pouvoir, à sa volonté, isoler la rêne droite du filet, en laprenant soit entre le pouce et l'index, soit entre le troisième etle quatrième doigt de la main droite pour avoir plus de force.

LEÇON ALA LONGE

Le cheval du débutant dans les premières leçonsne devra pas être en liberté absolue. Il devratourner en cercle, dans le manège, tenu par

l'instructeur à l'aide d'une longe, et celui-ci se gardera biende provoquer par l'effet de la chambrière la marche du cheval,car il importe que le cavalier prenne l'habitude, dès ses débuts,de diriger son cheval lui-même, de le porter en avant avecses aides, de l'arrêter par l'action du bridon, de le fairerepartir, comme je l'ai indiqué, de s'habituer enfin à assurerson assiette et son adhérence par la pression des cuisses et des

genoux.Pour marcher au pas, allure lente, l'effort ne sera pas bien

grand : légère pression des mollets, deux petits coups de talonsuivant la sensibilité du cheval. L'élève devra en outre « rendrela main », c'est-à-dire l'avancer légèrement chaque fois qu'ilaura sollicité de son cheval un mouvement en avant.

Bien familiarisé avec le pas, bien en équilibre à cette allure,il passera au trot, par l'action de deux petits coups de talon,auxquels obéira le cheval (puisqu'il s'agit en l'espèce d'unanimal dressé, du classique cheval de manège pour débutant).Il accentuera sa demande en rendant légèrement la main,comme il a été dit plus haut, en faisant bien attention toutefois

que ce mouvement des mains en avant n'entraîne pas le corps,qui, lui, doit rester bien droit, sans raideur, à la place qui lui

a été assignée à la toute première leçon.

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Il importe d'expliquer à l'élève pourquoi on lui fait rendre lamain. Il le comprendra facilement. Rendre la main, c'est donnerde la liberté à la bouche du cheval quand on l'actionne, pourque le cheval, lorsqu'il cherche à obéir, ne trouve aucunobstacle à cette marche en avant. Toutefois, il est nécessaire,dans ce mouvement qui consiste à rendre la main pour partirà une allure plus vive, de ne pas aller jusqu'à laisser la bouche ducheval dans le vide, ne pas l'abandonner complètement,de façonà toujours le bien sentir en main pour le diriger à volonté. Sij'insiste sur ce point, c'est parce que beaucoup de gens s'ima-ginent que rendre la main, avoir la main légère, c'est mettreson cheval dans le vide. Erreur complète. Le cheval ainsi livréà lui-même, est un cheval abandonné, une machine sans direc-tion. Ayez donc soin de conserver toujours dans la mainun poids, aussi léger soit-il, surtout sur le bridon et sur lemors si le cheval est assez bien mis pour en supporter lecontact.

Pour revenir du trot au pas, le cavalier agira avec le mors, légè-rement, et le cheval, sous cette action, reprendra l'allure du pas.En passant du trot au pas, le débutant devra bien s'asseoir,porter le corps légèrement en arrière et serrer les genouxpour ne pas être jeté en avant. Bien entendu, il rendra la mainquand son cheval lui aura obéi.

Lorsque le débutant aura fait de sérieux temps de trot à lafrançaise, qu'il aura « pilé du poivre », comme il est dit vulgai-rement, lorsque, déplacé d'abord par les premières secousses, ilsaura bien éviter la chute en ramenant son cheval au pas,qu'il sera en quelque sorte rompu à la transition de ces deuxallures et maître de son cheval, il passera au galop. Dans ledébut au trot, au galop, à toute allure vive, le professeur devrabien se garder de déterminer les départs avec la chambrière,il risquerait de surprendre son élève et le cheval qu'il monte ;

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c'est, au contraire, le cavalier qui devra faire partir son chevalà toutes les allures, par ses propres moyens : jambes et cravache.De même, c'est lui qui devra l'arrêter.

En procédant ainsi, le commençant se sentant maître ducheval, se mettra de suite en confiance et fera de rapidesprogrès, car la confiance est tout, en équitation.

Je conseille donc de ne pas donner d'à-coups sur la boucheavec la longe, et de ne se servir que fort peu de la chambrière.et surtout, pas de caveçon. Je sais que cette manière de pro-céder, si utile pour donner de l'initiative au commençant, n'estguère usitée, mais l'expérience m'en ayant prouvé l'efficacité,je la préconise absolument.

Pour partir au galop, l'élève emploiera les mêmes moyensque pour passer du pas au trot.

Il se familiarisera avec cette troisième allure en revenant autrot et au pas par les procédés précédemment indiqués, aveccette seule différence qu'il lui faudra employer un peu plus deforce que dans le premier cas, degré de force d'ailleurs variableet inhérent au dressage et à la sensibilité du cheval.

Enfin, et pour compléter cette éducation première, je con-seillerai de faire sauter au commençant une petite barrière dansune foulée de galop sur un cheval assez calme pour s'arrêterimmédiatement après le saut, ce qui lui permettra de seremettre en selle facilement tout en mettant sa solidité àl'épreuve. Comme nous voilà loin des terribles leçons danslesquelles le commençant devait tomber une douzaine defois au risque de §e rompre les os : mauvaises leçons à monidée, dont la brutalité n'a pour effet que de retarder lesprogrès.

J'ai l'habitude, lorsque mon élève en arrive à ce point, etavant de le faire trotter à l'anglaise, de lui retirer ses étriers etde lui faire recommencer ses premières leçons sans leur secours

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et même peu après de le faire voltiger au pas et au galop dansla piste ronde. Ce procédé me vaudra peut-être des contradic-teurs, car je n'ai jamais vu un professeur d'équitation le mettreen pratique; néanmoins, je conseille de l'essayer à ceux qui nesont pas de parti pris.

Voici donc l'élève en possession d'une certaine solidité. Ilsait assez se servir de ses mains et de ses jambes pour porterson cheval au pas, au trot, au galop, à sa volonté, mêmel'arrêter.

C'est seulement maintenant que je vais le faire monter sansselle avec un bridon, sur un cheval nu. Si c'est la seule manièred'en faire un cavalier solide, comme je le pense, il est certainpourtant qu'il éprouvera d'abord un embarras, une gêne à setrouver à califourchon à même le cheval. Tout lui sera difficile:cheval avec garrot trop haut qui le heurtera, cheval sans garrotsur lequel il glissera, cheval gros et rond sur lequel il tournera,cheval anguleux et mince dont l'échiné est comme un couteauqui le fera souffrir. Aussi, commencerai-je doucement et gra-duellement comme je l'ai fait à ses débuts, et il montera sansselle jusqu'à ce que, familiarisé par une pratique suffisammentlongue avec les chevaux de formes différentes et d'allures plusou moins dures, il se trouve à son aise aussi bien sur le chevalnu que s'il était installé sur la selle la plus confortable.C'est au trot qu'il aura le plus de mal à se tenir enéquilibre et à faire adhérer ses jambes aux flancs du cheval. Sil'on tient compte que l'équilibre est pour beaucoup dans cettemanière de monter sans selle, l'instructeur s'attachera à ce quel'élève ne porte pas son corps en avant, à ce qu'il ait le bustedroit, les épaules même légèrement en arrière, tout en gardant latête droite comme je l'ai fait observer. Puis, employant toutesa force, il enveloppera et serrera de son mieux le cheval dansses jambes, en ayant soin de descendre les talons et de porter

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le bas des jambes légèrement en avant, car si pendant le trotil serrait trop avec les talons les flancs d'un cheval sensible, ill'actionnerait tellement qu'il risquerait de ne plus pouvoirl'arrêter. J'insiste sur ce que le cavalier qui fait son début sansselle emploie, dans les jambes surtout, toute la force dont ilpeut disposer, et je me garderai bien de lui recommander de selaisser aller comme un sac de farine sous prétexte de se donnerde la souplesse et de l'aisance, estimant que cette souplesse etcette aisance ne peuvent venir que lorsqu'il aura appris à faireusage de sa force.

EMPLOI DELA FORCE

On pourra me répondre à cela que si l'élèveemploie toute sa force il aura des contractions.Je n'en disconviens pas. Mais, je prétends que

justement la décontraction n'arrive que lorsqu'on est assezhabile pour savoir employer et doser sa force. Si le cavalier neserre pas les jambes au début, au trot, il tombera fatalement.Croyez-vous qu'un escrimeur n'a pas de contraction la pre-mière fois qu'il prend un contre-de-quarte ou un contre-de-sixte? N'empêche que s'il les prenait mollement avec soninexpérience de débutant, il n'apprendrait jamais à les exécutercomme il faut. Si j'insiste sur ce point, c'est que je trouveque le dosage, le réglage de la force est la chose la plusdifficile et la plus longue à acquérir dans les exercices athlé-tiques que je connais et que je pratique. L'absence de con-traction ne peut être que la résultante d'un long et persistanttravail. Elle permet d'atteindre au maximum de la perfection etc'est pour cela qu'il n'est pas possible de l'obtenir en équitationdès ses débuts.

Voici donc notre commençant sachant se tenir au trot, sansselle. Il lui sera très facile de se maintenir au galop sur soncheval dans les mêmes conditions, et, pour achever de le

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détendre complètement, je lui ferai sauter, toujours sans selle,quelques petites haies.

Partant de ce principe absolu, non seulement d'éviter leschutes mais de les rendre le plus anodines possible, je recom-mande à l'élève — lorsque, malgré tous ses efforts pour semaintenir à cheval, il sentira que décidément il va être désar-çonné — je lui recommande de prendre son cheval par lacrinière ou par le cou en passant la jambe droite par-dessusla croupe afin que cette jambe, venant rejoindre la gauche,touche terre comme dans une foulée de voltige. Comme soncorps est maintenu droit par ses mains et ses bras qui tiennentle cou ou la crinière, ce sont ses pieds qui toucheront le sol enpremier, et s'il ne reste pas debout, il aura du moins évité detomber sur la tête ou sur les épaules, sauvant ainsi sa colonnevertébrale, ses bras et ses clavicules.

Toute l'instruction que je viens de décrire est donnée aumanège d'habitude ou dans un endroit clos. C'est dehors, dansla campagne, sur les routes, que le cavalier devra continuer soninstruction. C'est à cette école seulementqu'il prendra son aisancecomplète, et c'est là qu'il connaîtra les gaietés, les volontés, lesfrayeurs et les fantaisies d'un cheval en plein air. Il saura alorscomment il lui faudra employer, pour les vaincre ou pour entirer parti, tous les moyens qui lui ont été enseignés dans lemanège. En somme, c'est dehors qu'il deviendra, je ne diraipas un écuyer, mais un véritable cavalier. Cependant le pro-fesseur devra bien persuader à son élève que son éducationéquestre n'est pas finie parce qu'il trotte, galope et saute sanstomber et qu'il lui faudra sans cesse revenir au manège pourse perfectionner dans un art où l'on ne passe vraiment maîtrequ'à la longue, et qu'en négligeant le travail de manège, iln'arriverait, en dépit de son aisance et de sa solidité, qu à demédiocres résultats.

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| Mais il ne suffit pas qu'un cavalier sache aller droit devantlui, au pas, au trot, au galop, qu'il soit suffisamment solide etsache maintenir son cheval en place, le reculer et l'avancer àsa volonté, pour monter dehors sans courir les risques de nepouvoir se garer des voitures ou de tout obstacle qu'il pourraitrencontrer. J'entends qu'il est absolument nécessaire qu'ilpuisse « ranger les hanches » de son cheval à droite et à gaucheet le tourner également de droite et de gauche dans un trèspetit espace. Je sais bien que non seulement nombre de cava-liers nouveau siècle ne se préoccupent guère de ranger leshanches de leurs chevaux avec leurs jambes, et quand mêmeils connaîtraient ces aides élémentaires de l'équitation, il n'yaurait guère à les mettre en pratique sur des animaux (huntersmoderne style), qui ne sont dressés en aucune façon.

Et cependant, comme je le disais, c'est un véritable dangerde se risquer de la sorte sur des chevaux si peu éduqués, car jevous ferai remarquer que lorsque l'on appuie la jambe sur lesflancs d'un cheval qui ne les a pas « faits », il arrive presquetoujours qu'au lieu de se ranger à la pression de la jambe et aucontact de l'éperon, il fait au contraire une opposition tellementforte à cet effort du cavalier qu'il se jette du côté où on vou-drait l'empêcher de se porter, c'est-à-dire dans l'obstacle. Etcomme, instinctivement, un cavalier nerveux ou pris de peurveut augmenter l'effet de la jambe par le contact de l'éperon, cen'est pas seulement une opposition, mais un coup de pied et mêmeune ruade qu'il provoque presque à coup sûr, amenant ainsil'accident redouté. Et c'est si vrai que la première qualité d'uncheval d'armes est de savoir ranger ses hanches sans résister niruer. Les chevaux de nos gardes municipaux, qui me semblentrésumer la perfection comme chevaux d'armes, sont si bienmis sur les aides qu'après que le cavalier les a fait monter surles trottoirs les plus glissants, ceux-ci rangent leurs hanches au

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contact de la jambe, de façon à permettre au garde de s'appro-cher de la sonnette et de remettre sa dépêche. C'est encore aveccette possession complète des hanches que le municipal peutpousser doucement les foules, soit par des effets latéraux, soiten reculant.

Nous allons donc, avant de quitter le manège, apprendre àl'élève à faire des « cercles », des « voltes », des « traversés »,des « demi-pirouettes » de l'avant-main et de l'arrière-main, etensuite des appuyés tête au mur, croupe au mur, etc.

LA VOLTE Supposons que nous travaillons sur une pisteronde, piste qui a environ de 13 à 14 mètres de

diamètre. L'élève suivant la piste à main droite, je lui faisdécrire un cercle qui, passant au centre du manège, rejoint lapiste à l'endroit.

Vous le voyez, ce mouvement, assez grand pour commencer,sera donc de 3ID,50 de diamètre. Lorsqu'il aura exécuté plu-sieurs cercles assez correctement, autrement dit que dans lemouvement à droite il portera bien le nez de son cheval légè-rement à droite, qu'avec les jambes il lui maintiendra leshanches de façon à ce qu'elles ne débordent pas ni à droite nià gauche — afin que son cheval, marchant dans la ligne courbe,ait le corps plié dans cette courbe — on le fera changer demain. Bien entendu le même mouvement devra être répété àmain gauche.

LE CHANGE-MENT DE MAINS

Pour changer de main, nous commence-rons par le changement le plus simple,c est-à-dire la traversée diagonale du

manège dans toute sa longueur. Dans ce mouvement, ilimporte d'avoir bien soin de ne quitter la piste courbe quepour se mettre dans la ligne droite et de bien redresser son

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cheval afin qu'il avance rigoureusement droit sur cette lignedroite allant ainsi jusqu'à l'extrémité opposée du manège, en netournant à gauche que lorsqu'il l'aura pour ainsi dire touchée.Par ce mouvement, il se trouve donc à main gauche, et devraplacer la tête de son cheval légèrement à gauche, puisque c'estdans cette direction qu'il marche.

Le moment sera alors venu de lui faire exécuter le mouvementsemblable en raccourci, c'est-à-dire lui faire décrire des voltes.

La demi-volte, — Pour décrire une demi-volte, le cavalierexécute un demi-cercle suivi d'une ligne droite qui le ramènesur la piste, à la main opposée à celle où il se trouvait avant lemouvement.

Maintenant que le cavalier est maître de la direction, puis-qu'il sait faire évoluer son cheval sur un petit espace, il estnécessaire de lui faire exécuter les mêmes mouvements autrot; j'entends au trot de manège, au trot cadencé et à lafrançaise bien entendu, ce qui contribuera à lui donner de lasolidité et de l'adresse. Je dis au trot cadencé et rassemblé, carplus les mouvements au trot sont raccourcis, plus le chevaldevra être raccourci dans son trot.

TRAVAIL DESHANCHES

Puis il apprendra à ranger les hanches. Nouscommencerons d'abord, pour l'habituer, à luifaire faire des demi-tours ou des demi-pi-

rouettes sur la piste, c'est-à-dire qu'étant à main droite, il devrafaire un demi-temps d'arrêt, immobiliser et fixer la croupe deson cheval en soutenant l'arrière-main en place, et plus for-tement la hanche gauche, puisqu'il doit tourner à droite. Ensuiteil fera pivoter l'avant-main de façon à ce que l'épaule droitevienne s'appliquer à droite contre la piste. Dès qu'il auraobtenu ce mouvement, il portera un peu son cheval en avant(car le cheval ayant toujours tendance à s'acculer quand on lui

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demande des pirouettes, il faut, comme dans beaucoup d'autrescas du reste, le reporter en avant chaque fois).

PIVOTS SUR L'AVANTZT L'i-)'RRIÈRE-mAJ:N Puis. lorsqu'il est à main gauche,

recommencer le demi-tour ou lademi-pirouette en immobilisant la

croupe de son cheval et plus fortement la hanche droite, defaçon que l'arrière-main collée au sol reste en place, tandis quefaisant pivoter l'avant-main de droite à gauche, l'épaule gauchede son cheval vienne s'appuyer contre le côté gauche de lapiste. Voici ce qu'on appelle « pivoter » sur l'arrière-main. Vousvoyez que, dans ce mouvement, l'avant-main est mobilisée éga-lement des deux côtés.

Après avoir fait quelques tours de piste au pas, toujours pourredonner le mouvement en avant, il fera pivoter son cheval surl'autre main, c'est-à-dire que marchant à main droite, il pren-dra un demi-temps d'arrêt, maintiendra l'avant-main de soncheval contre la piste et poussera la croupe en agissant sur lecôté gauche, de façon à ce que l'arrière-main, pivotantsur l'avant-main, vienne s'appliquer hanche droite contre la piste à maindroite. Puis reportant encore son cheval en avant, il reprendrale demi-temps d'arrêt, l'avant-main étant toujours maintenuecomme précédemment, poussera la hanche droite avec la jambedroite, de façon que l'arrière-main ainsi rangée, la hanchegauche vienne se mettre contre la piste, à main gauche.

Après quoi, comme toujours, il reportera son cheval en avant.

PAS DE COTÉ OU MARCHESUR DEUX PISTES, TÊTEET CROUPE AU MUR

Passons maintenant au pas decôté, c'est-à-dire au mouvementqui consiste à faire dans le ma-nège « tête » et « croupe au mur ».

Pour exécuter la tête au mur à main droite, l'élève devra, tout

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en maintenant sa marche au pas, avec la tête légèrement portéeà droite, dévier la hanche gauche de façon à ce que lesmembres du cheval se croisant, il marche ainsi de côté, l'avant-main sur la piste, l'arrière-main évoluant à une distance de lapiste un peu moins grande que la longueur du cheval.

Le rôle de ses aides se répartit alors ainsi : par la fermeté dela main, l'avant-main sera maintenue à un pas régulier, et parl'emploi de la jambe gauche et même des deux jambes, s'il lefaut, il devra engager et dévier l'arrière-main, afin que malgrésa déviation, elle se trouve en harmonie avec l'avant-main. Jeme résume : dans ce mouvement, la tête, le bout du nez si vousle voulez, doit marcher le premier, les épaulesviennent ensuite,et enfin les hanches.

Il est très important que, dans la marche de côté, le chevalne soit pas trop « traversé », car les membres, en ce mouvement,viendraient à se heurter, et ceci entraînerait de graves incon-vénients. Pour cet air comme pour tout le travail de manège,

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je conseille de garnir les canons du cheval de guêtres ou deflanelles pour éviter les atteintes et les suros qui en sont lesconséquences.

Lorsque le cavalier sera bien maître de cette marche de côté,tête au mur, il redressera son cheval et lui fera faire un tourde manège sur la piste. Il conviendra alors de le faire passer« croupe au mur ». Ce mouvement étant absolument l'inversedu premier, il éloignera de la piste avec les mains, l'avant-mainde son cheval, pour la porter légèrement dans l'intérieur dumanège, puis il poussera, toujours en marchant au pas, lacroupe de son cheval avec la jambe droite, pour que le cheval,ainsi traversé, maintienne dans sa marche sa position oblique.

Il faut avoir soin, pour ne pas trop « traverser » le cheval

— par exemple lorsqu'on lui porte la croupe à gauche — d'avoirla jambe gauche prête à faire opposition pour modérer le mou-vement et empêcher son exagération.

Les mouvements de traverser et de croupe au mur étantcontre nature et, par conséquent, très pénibles pour le cheval, ilfaudra les demander très discrètement. Pour commencer, un oudeux pas de côté, et en avant : c'est seulement lorsque le che-val n'offrira plus de résistance qu'on pourra en demander davan-tage, mais jamais il ne faudra abuser de ces mouvements quifatiguent le cheval.

L'observation s'étend ici aux deux mains.

LE GALOP Un cheval de selle devant galoper facilement auxdeux mains, le cavalier doit savoir déterminer

ces départs au galop. Pour partir au galop à main droite, lecavalier engagera l'arrière-main, actionnera son cheval par lesjambes, tout en maintenant la tête un peu ferme, de préférencesur le mors, la tête légèrement placée du côté où il doit aller,c'est-à-dire à droite, puis il donnera un coup de talon à gauche.

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Son cheval ainsi sollicité partira immédiatement à main droite.Je préconise l'emploi de la jambe gauche, pour partir au galop

sur la jambe droite, parce qu'il est plus usuel, et je n'ignore pascependant que certains écuyers, de grands maîtres même, ensei-gnent d'agir avec la jambe droite pour déterminer le galop àdroite. Cette manière de faire, en tout cas, rentre dans l 'équi-tation savante, et j'en reparlerai à son heure.

Lorsque le cavalier saura faire partir son cheval au galop àdroite, et l'y maintenir, il devra le mettre à main gauche, augalop à gauche, par l'effet contraire, c'est-à-dire tête à gaucheet action de la jambe sur le côté droit.

Il est encore très important, avant de sortir du manège, quele débutant sachant tenir ses rênes dans la main gauche, puisseisoler ses rênes de filet, de façon à en avoir une dans la maindroite et l'autre dans la main gauche, pour devenir complè-tement maître du cheval. Par les effets directs du filet,il détruira la résistance que l'animal opposerait aux effetsindirects.

LE ROLE DEL'ÉPERON

L'éperon sert à pousser le cheval en avant et àajouter à l'action des jambes. Il est d'un emploitrès difficile

, et pour les écuyers inexpéri-mentés, la source de toutes sortes de défenses. Comme le chevalest très irrité par les pointes de la molette les premières foisqu'on les lui fait sentir, je conseille au commençant, aussi bienqu'à celui qui commence le dressage d'un jeune cheval, de seservir d'éperons à molettes rondes sans pointes. Pendant trèslongtemps, il faudra même qu'il ait soin d'avoir en main lacravache toute prête pour frapper le cheval ou le porter enavant s'il venait à s'arrêter et à ruer aux premiers contacts dufer. Cette attaque du cavalier est très importante, car le che-val, qui, dès le début, ne se porte pas en avant sur l'éperon,

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deviendra complètement rétif. L'usage en est encore plus délicatavec les juments.

L'éperon doit-il être un aide ou un châtiment? A mon avis, ilne doit être qu'un instrument de correction et d'excitation momen-tané, pour donner de l'énergie au cheval froid ou trop paresseux.

Mais, dans les aides, son action ne doit pas se faire sentird'une façon continue au risque d'énerver les chevaux qui onttrop de sang, et de blaser sur ses effets ceux qui en manquent.Le coup d'éperon doit arriver vivement, brusquement, pargrands ou par petits coups suivant la nécessité, lorsque le che-val résiste ou refuse d'obéir à la jambe.

Il comprend ainsi que l'intervention de l'éperon est prête àvenir après celle des jambes et devient tellement sensible àces effets de jambes que le cavalier pourra produire ainsi, sanseffort, les mouvements les plus vigoureux. L'éperon ne doitservir que pour châtier et ne doit pas être employé comme aide,car un cheval bien dressé ne doit jamais résister à la plus légèrepression des jambes. Les cavaliers qui se servent continuelle-ment de l'éperon rendent leurs chevaux tristes, hargneux,déplaisants à voir travailler pour ceux qui aiment le cheval gaiet aimable. Somme toute, l'emploi de l'éperon est des plus déli-cats et on n'arrive à s'en servir avec à-propos qu'après unelongue expérience. Il ne doit être qu'une menace perpétuellepour le cheval bien mis et intervenir seulement en cas de résis-tance sur la jambe.

La position de l'éperon est subordonnée à la longueur de lajambe du cavalier et à l'épaisseur des flancs du cheval. Pour ledressage, je la conseillerai plutôt basse, afin que l'action del'éperon arrive toujours après l'action de la jambe. Lorsqu'onmonte des chevaux dressés on peut modifier plus ou moinsla position de l'éperon sur la botte, surtout si l'on tient à seplier aux exigences de la mode. L'écuyer « 1830 » et tous nos

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cavaliers militaires jusqu'à ce jour, avaient l'éperon attaché

sur le talon : l'éperon à boîte. Le cavalier anglais dernier cri al'éperon placé très haut en manière d'ergot au-dessus de la che-ville à la naissance du mollet. Après avoir constaté cettemode, je crois de mon devoir de prévenir le commençantpossédé d'anglomanie, qu'il s'expose avec cette nouvelle ma-nière, surtout s'il a les jambes courtes, à quelques mésaventuresplus ou moins fâcheuses, et il risque en piquant malgré lui leflanc de son cheval de provoquer des défenses qui pourraient le

mettre en fâcheuse posture. Cependant, sur les chevaux quiviennent d'Angleterre, qui, ayant presque tous chassé, sonthabitués à être actionnés plutôt avec l'éperon qu'avec la jambe,il pourra sans inconvénient suivre la mode. Mais pour la copierfidèlement et obvier aux inconvénients des éperons aussi hauts,il lui faudra monter le bas de la jambe et les pieds très en avant ;

de plus, il devra, s'il veut s'inspirer des cavaliers anglais, les imi-ter complètement, c'est-à-dire se servir de l'éperon uniquementpour activer les allures de son cheval, sans jamais lui demanderla moindre mise en main, son cheval devant toujours êtreembouché avec un bridon ou un mors très doux.

Ces éperons à courroie, qui selon la mode se placent très hautsur la jambe, peuvent se descendre aussi bas qu'on veut sur letalon, c'est ce qui m'empêchera de m'étendre sur l'éperon à boîtecomplètement démodé. Sous Louis XIII, les éperons à cour-roie se plaçaient déjà très haut.

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MANIEMENT DELA CRAVACHE

La cravache est encore entre les mainsd'un cavalier une arme assez énergiquepour qu'il vaille la peine d'en indiquer

le maniement. La cravache, qui d'habitude est en baleine, doit-elle être longue ou courte ?

A mon avis, d'une façon générale, et surtout pour la prome-nade, elle doit être courte afin de ne pas encombrer le cavalier;je vais même m'empresser de vous dire, moi qui n'aime pas la

cravache, que la mode en est tout à fait passée pour les sorties auBois, et qu'on se sert, à sa place, d'un petit bâton appelé stick.

Enfin, pour être tout à fait dans le mouvement, on remplace le« stick » par un manche de fouet de chasse ; si l'on veut attein-dre le summum du snobisme, il faut que ce fouet de chasse,soit garni de sa mèche enroulée autour du manche, et mêmequelquefois pendante. C'est peut-être un peu exagéré de se don-ner des airs de veneurs pour aller aux Poteaux. Peu importe,c'est très bien porté pour l'instant.

Cravache, stick doivent être tenus dans la main droite à pleinemain, la pointe en bas. Le cavalier doit les maintenir auprès duflanc de la bête sur lequel ils doivent agir tour à tour comme cor-rection et comme aide. Comme correction, c'est toujours par uncoup sec qu'il faudra les employer, coup qui ne sera jamaisrépété si le cheval ne résiste pas. Comme aide, on s'en sertpar une pression plus ou moins forte et par des touches plus ou

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moins habiles, pour déterminer les mouvements du cheval dansl'équitation savante.

Voici donc pour l'usage « classique » de la cravache et dustick ; l'usage modernedu fouet de chasse est à peu près le même,avec cette seule différence que lui, au lieu de tenir la crosseen l'air, on la laisse pendre négligemment.

USAGE DE LAMARTINGALE

Si vous avez un cheval qui encense très fortou donne des coups de tête au commence-ment du dressage, je vous conseille une mar-

tingale mais fixée sur la muserolle parce qu'ainsiplacée elle n'agitpas sur la bouche du cheval et ne gêne en rien les effets de labride. Certains cavaliers, ne doutant pas de la précision de leurmain et de la correction de leur tenue, prétendent n'avoir jamaisrecours à la martingale. Je ne vous conseille pas de les imiter, si

vous tenez à conserver intacts votre nez et vos dents, car, enadmettant même que vous arriviez, par votre habileté, à éviterles coups de tête d'un cheval normal, à l'aide de la main et desjambes, il n'en sera pas de même si vous avez affaire à un che-val faible des reins et gêné dans son ensemble par une causequelconque. Cependant, la martingale ne doit jamais servir àfixer la tête du cheval. En agissant ainsi, il prendrait sur elle unpoint d'appui qui produirait la contraction de l'encolure. La mar-tingale n'aura donc pour but que de limiter le coup de tête quevous n'auriez pas pu parer, chez le cheval en dressage, avecvotre main ou éviter autrement.

LE FILETRELEVEUR

Le filet releveur diffère des autres filets en cesens qu'au lieu d'être fixé sur des montants, ilpeut glisser le long de ses rênes qui ont leur

point d'attache à la têtière. De cette façon, lorsque le cavalieragit sur les rênes du filet, il force le cheval à lever la tête par

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une traction de bas en haut sur la commissure des lèvres.

ballotte et impatiente déjà le cheval,mais lorsque l'homme tire surla longe, donne des secousses,« sonne du caveçon », comme ondisait autrefois, le cheval reçoitdes secousses douloureusesd'unegrande brutalité qui font desplaies sur le chanfrein, et leschevauxainsi dressés conserventsouvent des bosses et des exos-toses qui les défigurent. S'il estfixé et adhère complètement auchanfrein du cheval, on a beau lesecouer et tirer dessus, il n'a plusaucune action. Commecet instru-ment est destiné à modérer et àarrêter les mouvements du che-val qui vous déborde, je trouve

qu'il est trop brutal étant lâche, et que trop serré il n'est pas assezpuissant. C'est pour cette raison que j'en ai abandonné l'emploi.

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GÉNÉRALITÉSSUR LES ALLURES

Voici maintenant quelques généralités,qui me paraissent indispensables à laclarté de cet ouvrage, sur les trois allures

du cheval.

LE PAS Le pas étant l'allure la plus commode pour le cava-lier et la moins fatigante pour le cheval, il est néces-

saire de s'appliquer à l'obtenir parfait.Allure parfaite veut dire ici que le cheval au pas doit se

« rassembler » afin que le cavalier puisse le posséder com-plètement. Ainsi en main, le cheval est dans l'obéissance par-faite, prêt à partir, sans résistance, au trot et au galop.

Ce pas rassemblé, tel que je viens de le définir, nécessairepour obtenir des départs très francs aux deux autres allures,ne doit pas être maintenu avec excès. Il serait, en effet, abusifde conserver le cheval dans une pareille contrainte quand onlui fait faire de la route. Laissez-lui donc, pendant la marche,sa liberté afin qu'il puisse se remettre de lui-même sur sesaplombs naturels et tenez pour certain qu'il saura fort biens'équilibrer tout seul, mieux que vous ne sauriez le faire vous-même.

L'exactitude de cette opinion est facile à démontrer par unexemple irréfutable. Voyez les chevaux de montagne, chargésde porter des touristes plus ou moins inertes, ils n'ont que leurspropres ressources pour s'équilibrer et ils le font avec tant deprécision qu'ils peuvent s'engager avec une adresse jamais endéfaut dans les sentiers les plus abruptes, les plus tortueux etles plus étroits, et dans les descentes les plus rapides, et ils ycirculent avec une sûreté qui donne toute sécurité à leurs cava-liers improvisés.

Il convient donc que le cheval soit assez souple pour marcherlibrement sur la route et se rassembler vivement pour s'embar-

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quer sans hésitation aux changements d'allures qui lui serontdemandés.

LE TROT Des trois allures, le trot est bien la plus fatigantepour le cavalier.

En ce qui concerne le cheval de selle, il n'est véritablementque deux allures commodes, le pas et le galop; quant au trot,dont on est amené à se servir malgré tout comme intermédiaire,il a cependant trop d'importance pour que nous négligions denous en occuper au même titre que des deux autres.

Le trot, comme le pas, exige le maintien de l'équilibrenaturel du cheval. Toutefois, il est certain qu'au trot il doittoujours être — ne disons pas rassemblé — mais un peu sou-tenu dans la main sur laquelle il doit se porter franche-ment et avec légèreté. Le cheval, ainsi placé donne toutesatisfaction.

Nos ancêtres qui, cependant, nous valaient bien commehommes de cheval, n'employaient jamais le trot. Ils le redou-taient à un tel point qu'ils s'étaient ingéniés à donner à leurschevaux de selle ces allures bâtardes, mais plus douces, qu'ilsappelaient l' « amble », 1' « aubin », le pas relevé, etc.

L'AMBLE L'amble était pratiqué surtout en Angleterre oùcertains chevaux marchaientnaturellement 1 amble.

« L'amble, nous dit le baron d'Escuberg, est un train qui sefait par les deux jambes du même côté, qui, se levant et seposant en même temps, sont suivies par les deux jambes del'autre côté, et ainsi alternativement ; cette allure est fort diffé-rente du pas et du trot qui se font par croisés. Les chevaux quimarchaient l'amble allaient si vite que l'on pouvait à peine lessuivre au galop. »

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L AUBIN L 'aubin, dit La Guérinière, est une allure danslaquelle le cheval, en galopant avec les jambes de

devant, trotte ou va l'amble avec les jambes de derrière. Cetteallure, laide du reste, ruine les chevaux dans l'arrière-main.

LE TROT AL'ANGLAISE

L'Angleterre nous a fourni une façon plusmoderne d'atténuer la dureté du trot. C'est ceque l'on appelle trotter à l'anglaise. Cette monte

consiste à s'enlever sur la selle, en prenant un point d'appui surles genoux et sur les étriers pour adoucir les secousses que pro-voque, chez le cavalier, l'allure au trot.

A mon sens, comme je l'ai dit plus haut, les deux allures lesplus pratiques, les plus élégantes aussi, pour le cheval de sellesont le pas et le galop. J'insisterai sur ce point lorsque j'auraià parler de l'équitation des femmes, pour qui l'allure du trotest plus particulièrement pénible.

LE GALOP Le galop est une succession de bonds régulière-ment liés les uns aux autres, bonds nommés

« foulées » et que le cheval exécute avec une vitesse variable.

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Ces foulées plus ou moins allongées, plus ou moins rapides,permettent au cheval d'atteindre le maximum de sa vitesse.

En équitation on fait ce qu'on veut avec le galop. L'écuyerdemanège, rassemblant son cheval, arrive à déterminer lui-mêmela longueur de ces foulées. Il arrive ainsi à faire galoper l'ani-mal presque sur place, à renverser même les effets du galoppour obtenir le galop en arrière.

Pour le vulgaire, le galop consiste à se porter en avant leplus rapidement possible. L'équitation de course basée sur ceprincipe n'a qu'un seul but : entraîner exclusivement le chevalau maximum de vitesse.

Mais, le véritable galop, est à mon avis le galop de chasse,galop à la fois élastique et soutenu, fourni par l'animal sansqu'il soit contraint de sortir de ses moyens naturels. Ce galopde chasse fatigue peu le cavalier, ménage le cheval et permetde ne pas l'user prématurément.

Le galop est la préparation logique du saut ; c'est dans unefoulée de galop — foulée dont le cheval a mesuré l'étendue —qu'il franchit l'obstacle.

Pour bien galoper, pour galoper à son aise, le cheval doitrester sous l'influence d'une bonne mise en main, mise en mainqui s'appliquera seulement à maintenir l'animal dans l'obéis-sance, sans le gêner.

D'une manière générale, aux trois allures, le cheval doit tou-jours se porter en avan., chercher le contact du mors sur sesbarres avec confiance, sans appréhension.

Là, évidemment, se dévoile un des côtés de l'habileté ducavalier. S'il doit sentir en main son cheval, il doit à la fois,par une antithèse paradoxale, si l'on veut, mais réelle, le sentirà peine et le sentir complètement. C'est à son tact seul quel'écuyer demande la limite à laquelle il convient de s'arrêterentre ces deux extrêmes : le « vague » et la possession exagérée.

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Et ces deux extrêmes sont également nuisibles bien qu'à destitres différents.

Le « vague », c'est l'absence de direction entraînant lemanque de précision dans la marche, le manque de sécurité,

c'est le navire qui a perdu son gouvernail. Une mise en maintrop affermie, trop accusée, n'est pas meilleure. Elle finit parfatiguer, jusqu'à la crispation, jusqu'à l'exaspération, le chevalqui ne demande qu'à développer son galop dans des fouléesnaturelles et libres, et qui ne sait plus pourquoi vous contrôlezsans pitié et jusqu'à l'exagération, une allure que vous avezsollicitée de lui et qui paraît vous convenir, puisque vous necherchez ni à l'arrêter, ni à la modifier.

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LA TENUE DUCAVALIER

Sans faire l'historique du costume du cava-lier, je ne peux m'empêcher de critiquer cer-taines tenues très à la mode aujourd'hui,

j'entends cette espèce de laisser-aller qui consiste à monter encasquette d'automobile et sans gants. Je sais bien que c'estl'usage d'aller au Bois plutôt le matin que l'après-midi et quele vêtement du matin ne peut pas être très habillé ; cependant,il me semble qu'il ne faut pas se départir d'une certaine cor-rection pour pratiquer un sport aussi élégant que l'équita-tion.

Par exemple, je ne puis m'expliquer la mode américaine quiconsiste à monter nu-tête, malgré tous les avantages qu'ellepeut avoir pour le cuir chevelu.

LE SAUT Le saut, j'entends les sauts d'obstacle, car nousaurons a traiter des sauts naturels du cheval qui

sont ses « bonds » naturels et des sauts artificiels qu'on obtientpar le dressage.

Jamais, je crois, à aucune époque plus qu'en la nôtre, on n 'a

fait sauter le cheval à une aussi grande hauteur, ni franchir des

espaces aussi larges, dans les concours et dans les courses. Aussiil est intéressant de parler de ce saut, maintenant qu 'il estporté, on peut le supposer, à son apogée. Laissant de côté, pourle moment, ces tours de force tout à fait extraordinaires, nousallons voir quelles sont les conditions indispensables pour bien

se comporter dans le saut.Elles se résument essentiellement à ceci : être solide en selle

et monter un cheval très franc. Comme pour apprendre à mon-ter, un cavalier qui veut apprendre à sauter, doit travaillerd'abord sur un sauteur, c'est-à-dire sur un cheval franc surl'obstacle. En effet, on peut se maintenir sur tous les sauts d 'unanimal qui passe franchement, mais il est difficile de rester en

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selle sur un cheval qui s'arrête net devant l'obstacle ou qui sedérobe.

Le poids du cavalier, le ballant que donne son buste, étantune gêne et demandant un effort bien plus grand chez le che-val, lorsqu'il saute monté que lorsqu'il saute en liberté, il fau-dra que, par son assiette, par son adhérence parfaite à la selle,le cavalier ne gêne pas le cheval dans son effort.

Lorsque le cheval s'enlèvera pour sauter, le cavalier porterale haut du buste en arrière et serrera vigoureusement les genouxcontre la selle pour éviter de retomber en avant sur l'encolure,lorsque le cheval se recevra sur le sol et de ce fait occupera laposition perpendiculaire, tête en bas, croupe en l'air.

C'est là la position classique et élémentaire de l'homme quidoit franchir un obstacle. Mais, depuis quelques années, descavaliers très habiles en matière de sauts d'obstacles, assez enéquilibre eux-mêmes sur leur monture pour ne pas craindred'être rejetés en avant quand le cheval retombe sur le sol, pren-nent une position unique, intermédiaire, définitive, généralementun peu portée sur l'avant-main et ils la conservent rigoureu-sement pendant le saut, afin, parleur immobilité absolue, de nepas gêner moindrement le cheval.

Cette manière n'a pas tenté tous ceux qui ont fait, des grandssauts, leur spécialité. Il en est quelques-uns, et des plus habiles,tels que le capitaine Crousse, qui n'ont jamais abandonné laposition classique.

Un cavalier qui a l'expérience du saut sait parfaitement,lorsque son cheval retombe sur le sol, s'il est d'aplomb ou prêtà perdre l'équilibre. Par son tact il doit agir en conséquence.

Il est entendu qu'il serait imprudent de chercher à déterminersoi-même, dans les foulées de galop, celle qui doit servir aucheval à prendre sa « battue » pour exécuter le saut, et mêmede l'aider en l'actionnant avec les jambes au moment où on

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suppose qu'il va donner cette « battue ». On risquerait d'atta-quer à faux le cheval, de provoquer chez lui un faux mouve-ment, un contre-temps. Par exemple, le cavalier doit intervenirlorsqu'il faut amener le cheval sur l'obstacle ; il doit savoir,connaissant sa monture, s'il doit ralentir ou allonger le galopdu cheval qu'il veut faire sauter. Pour l'obstacle en largeur,plus cette largeur est grande plus il faut d'impulsion et, par con-séquent, plus il faut de vitesse. Puisque nous parlons de l'obs-tacle en largeur, ajoutons qu'il est utile, comme pour l'obstacleen hauteur, de bien rendre la main au moment où le chevalpasse pour ne pas contrarier son mouvement. Il faut l'amenerun peu moins vite sur l'obstacle en hauteur, l'empêcher de« bourrer » et de s'emballer, intervention qui varie avec le tem-pérament des chevaux. Il est évident qu'un cheval franc courtsur l'obstacle et qu'il faut bien se garder de le pousser. Au con-traire, un cheval indécis, prêt à se dérober, devra être amenéavec plus d'énergie.

Il ressort de ce que je viens de dire que le plus à craindre,dans le saut, c'est la dérobade qui est la source de bien deschutes. Par quelle manière pourra-t-on l'empêcher?

Ce n'est certainement pas en rassemblant les rênes dans unemain, en attaquant le cheval avec la cravache, qu'on y arrivera.

Et cependant cela paraît logique.Le cheval qui, d'avance, est décidé à ne pas sauter profitera

de ce que la main droite occupée à frapper avec la cravache, nepeut venir en aide à la main gauche afin de le remettre dans labonne direction, pour accentuer sa dérobade et entraîner soncavalier en dehors de l'obstacle. Il faudra donc renoncermomentanément à l'usage de la cravache, pour employer sesdeux mains à isoler ses rênes et agir sur la bouche par les effetsdirects à droite ou à gauche pour remettre la tête dans la directionde l'obstacle. Pendant cette opération de redressement, le cava-

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lier devra attaquer vigoureusement avec les jambes et l'éperon.Le saut se décompose en trois parties apparentes, car on

ne peut dire, depuis qu'on a inventé la photographie ins-tantanée, que le cheval ne fait que trois mouvements pouraccomplir un saut : celui où il quitte le sol, celui où il plane etcelui où il se reçoit. Ce ne sont pas trois mouvements maisune quantité infinie de mouvements que l'œil ne peut pas per-cevoir, mais que la photographie nous donne. Bornons-nousdonc à décrire ces trois phases principales.

La première est celle que le cheval exécute en s'asseyant surles jarrets afin de les détendre avec le plus de violence possible.

Dans la seconde, lorsqu'il est au-dessus de l'obstacle, ilallonge l'encolure, ramène ses pieds de derrière sous lui, allongeses membres antérieurs et plane en quelque sorte.

Enfin, dans le troisième mouvement, il est presque perpendi-culaire au sol et se reçoit sur ses jambes de devant qu'il a préa-lablement et instinctivement mises en avant.

Par exception, certains chevaux sautent les quatre pieds enl'air et retombent sur leur quatre pieds ; ils sont très durs pourles cavaliers.et s'abîment facilement les reins.

L'APPRENTIS-SAGE DU SAUT

Pour commencer, le cavalier sautera unebarrière légèrement inclinée dans le sensopposé à la course du cheval pour que le

saut soit bien allongé et pas trop déplaçant.On fera tout pour lui éviter les chutes. Car, je pars de ce

principeque je tiens à éviter au débutant toutes sortes d'accidentssusceptibles de diminuer la confiance qu'il doit avoir en lui pourmonter à cheval. Il ne faudra jamais mettre un débutant sur unjeune cheval et même sur un animal qui ne soit pas absolumentdressé. Il faudra, au contraire, employer un cheval sage, pasdur dans la bouche, rendant aux aides, très franc, de façon à

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ce que l'élève se rende compte de suite des effets qu'il produit.Comment voulez-vous, par exemple, que le débutant s'y

reconnaisse, si je lui ordonne de donner deux coups de talonpour porter son cheval en avant et que celui-ci reste en placeou se dérobe ? Ce sera pire encore, si ces coups de talon pro-voquent spontanément la « bourrade » ou l'emballement.

La nécessité s'impose donc, d'une façon absolue, d'avoir uncheval sage et dressé. Ce n'est que plus tard, lorsqu'il sera déjàsolide, lorsqu'il saura combattre les défenses par les moyensqu'on lui aura indiqués, qu'on mettra le débutant aux prises avecdes chevaux plus difficiles, sans étriers, sans selle, après luiavoir fait suivre la progression que je viens de recommander.

Par ce qui précède, on voit que je me suis exclusivementappliqué à démontrer qu'il fallait donner au débutant toutesles facilités possibles pour se familiariser avec le maniementdu cheval. C'est pourquoi je ne puis admettre ce procédé quiconsiste à placer d'emblée un élève sur un cheval sans selle etsans étriers.

J'ai passé ma vie sur des chevaux, et j'estime qu'il estimpossible à un homme qui n'est jamais monté, de se tenir surun cheval absolument nu sans risquer de tomber et de se casser x

les reins. Certains professeurs commencent leur sujet en lefaisant monter sans selle, en bridon, avec un cheval qui tire età réaction dure, et n'hésitent pas à le faire trotter et galoperd'emblée sur n'importe quel terrain, même sur le pavé. C'estce principe qui conduit à jeter un enfant à l'eau pour luiapprendre à nager, sans préalablement lui avoir appris les mou-vements qu'il est indispensable de faire pour se tenir sur l'eau.

Je ne puis admettre cette manière de procéder, ayant tou-jours été d'avis que, aussi bien pour l'éducation des hommes quepour le dressage des animaux, on doit demeurer esclave d'uneprogression rigoureusement méthodique.

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ORIGINE DESGRANDS SAUTS

Après avoir indiqué la manière d'apprendreà sauter à un cavalier, il est intéressant defaire connaître les grands progrès accomplis

ces derniers temps dans le saut.Il y a quelques années, la hauteur maxima franchie par des

chevaux montés était de 1 m. 60 à 1 m. 70; maintenant on arrive,dans les concours aussi bien en France qu'en Angleterre, enAmérique et en Italie, à leur faire franchir 2 mètres assez cou-ramment et parfois, les hauteurs fantastiques de 2 m. 20 à2 m. 40. Où s'arrêtera-t-on ?

C'est au cirque des Champs-Elysées qu'on a vu vers 1872,pour la première fois, un cheval en liberté sauter 2 m. 15, cecheval, nommé Cerf-Volant obtint un succès éclatant ; il avaitété dressé par M. Carriès, qui n'était jusqu'alors connu quecomme dompteur de chevaux méchants. Ce fut une révélation.Cet homme se montra si habile à faire sauter les chevaux qu'il futsans rival pendant plusieurs années pour ce genre de dressage.

Pourquoi les Franconi, les Baucher, les Renz n'avaient-ils ja-mais fait franchir de telles hauteurs à des chevaux? est-ce parcequ'ils en étaientincapables ?j 'en doute. J'inclineplutôt à croireque,planant dans les hauteurs de l'équitation savante, ils avaient dé-daigné le saut comme exercice trop simple. Ils eurent tort, il mesemble, car le saut est une des qualités les plus importantes dudressage du cheval de selle ; il n'est du reste pas non plus àdédaigner pour le cavalier car, en outre de son côté pratique,il fait valoir ses aptitudes d'adresse, de courage et d'à-propos.

Ayant été à même de voir M. Carriès dresser ses chevaux,je vous dirai quelques mots sur sa manière de procéder ; elleme semble en effet très logique, elle est du reste encore employéeaujourd'hui.

Le cheval étant mis sur la ligne droite, l obstacle était ins-tallé au milieu d'un immense couloir rectiligne. M. Carriès

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conduisait son cheval en courant à ses côtés. Les rebords trèsdurs de cet obstacle forçaient le cheval à trousser l'arrière-main, ou encore c'était des tonneaux vides dont l'écroulementdevait provoquer chez le sauteur une terreur salutaire s'il luiarrivait d'y toucher. Parfois même, M. Carriès étendait surl'obstacle une peau de cheval, parce qu'il prétendait, à tort ouà raison, que le cheval a peur de la peau de ses congénèresmorts. Les résultats de ce dressage furent parfaits. Pour lesobstacles en largeur, la même barrière pleine et en bois durétait placée sur des tréteaux, de façon que le cheval était obligé,pour ne pas toucher cette table rigide au début, ni à la fin de

son saut, d'exécuter un saut parfaitement plané.Jamais Carriès ne faisait passer des barres à ses chevaux, car

il estimait cet obstacle dangereux s'il était fixe, et capable degâter son sauteur s'il était trop facile à renverser. Pour faireexécuter à ses chevaux les sauts formidables qu'on a puadmirer à l'ancien hippodrome de l'Aima, il leur faisaitfranchir des tonneaux empilés les uns sur les autres.

Plus tard, en 1897, la jument La Flèche sauta montée, unobstacle fixe, de 2 mètres. Cette jument, qui n'avait dans lecirque que très peu d'élan, et qui ne pouvait prendre, sur letapis glissant de la piste une battue bien franche, avait ceci deremarquable : bien que sautant tous les soirs, et souvent deuxfois par jour, elle ne touchait jamais.

Enfin, le capitaine d'artillerie Crousse arriva au concours àfranchir 2 m. 25 et même 2 m. 40. C'est un tour de force quine pourra jamais être dépassé, il me semble.

SAUTS DAN-G E R E U X

Les sauts les plus dangereux sont :

1° Ceux exécutés par-dessus des obstaclesfixes, car si le cheval touche ces obstacles des

pieds de devant, il risque le panache complet. C'est pourquoi

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dans les concours hippiques les obstacles (murs, barres, etc.)sont tous truqués pour se renverser à la moindre atteinte ducheval.

20 Poùr l'obstacle en largeur, c'est le fossé profond à arêtesdroites et à pic. Ces obstacles cependant n'ont pas effrayéquelques cavaliers. L'Impératrice d'Autriche qui, il y a unetrentaine d'années, avait habité le château des Petites-Dalles,en Normandie, château entouré d'un saut de loup, muré et à pic,large environ de 3 mètres, le franchissait en revenant de ses pro-

.

menades au lieu de passer par la porte de la grille du parc.Vers 1883, à l'Hippodrome de l'Aima, on exécutait un saut quis'appelait le pont du Diable. Cet obstacle consistait en un pontsur lequel, pour les nécessités de la pantomime, on avait retiré sur3 mètres de large le tablier en ne laissant que les parapets. On yaccédait par une rampe de 6 mètres de long suivi d'un terre-plein de 4 mètres, auquel succédait donc un espace vide formantprécipice à pic de 3 mètres de large sur 3 mètres de profondeur.

Ces sauts, que nous ne citons qu'à titre exceptionnel, sontfort dangereux et sans utilité pratique.

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ÉQUiTATION SUPÉRIEUREDITE HAUTE ÉCOLE

L 'INSTRUCTIONélémentaire de l'élève étant faite, nous allonstâcher de l'initier à l'équitation supérieure, ne nous dépar-

tissant pas du principe que nous venons d'énoncer sur la gra-duation à suivre.

On désigne communément sous les appellations d'équita-tion supérieure, d'équitation savante, de « haute école »,les exercices de complexité variée que l'on fait exécuter à uncheval, dans ses allures naturelles, le pas, le trot, le galop, eny joignant une variété d'allures artificielles telles que pas ettrot espagnol, tension de jambes, galop sur trois jambes,balancé de l'avant et de l'arrière-main, etc.

A mon avis, la véritable haute école, l'équitation supérieuredans toute sa pureté, consiste seulement à enseigner à uncheval tous les mouvements, tous les airs de manège les pluscompliqués dans ses moyens naturels : pas, trot et galop ras-semblés; appuyés, demi-pirouettes et pirouettes au pas, au trotet au galop; serpentine au trot; changements de pied au galop;galop en arrière, piaffer et passage, pesade, courbette, lan-çade, ruade, cabrade, capriole, ainsi que tous les bonds etsauts naturels au cheval, réglés et développés par le dressage.Il reste entendu qu'en les plaçant dans cette nomenclature, jeconsidère comme allures naturelles le piaffer]et le passage.

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Là, cependant, s'arrête, à mon avis, l'équitation normale qui,quoique classique, peut être considérée comme très savante.

LE RASSEMBLER Pour faire exécuter de l'équitation supé-rieure à un cheval, de la haute école, il

faut qu'il soit rassemblé, c'est la condition essentielle. Pas derassembler, pas d'équitation savante, ni supérieure, ni de hauteécole.

Pour obtenir le rassembler d'un cheval, il faut que le cava-lier le possède assez dans la main et dans les jambes pour leramener et le détendre facilement.

Le ramener, qui est la première phase du rassembler, con-siste à obtenir dans la bouche du cheval et dans son encolure,assez d'obéissance pour pouvoir ramener sa tête, en lui faisantplier l'encolure plus ou moins bas ou plus ou moins haut àvolonté. Pour cela, il faudra commencer par décontracter suffi-samment les muscles de la mâchoire inférieure et les muscles ducou surtout à sa partie la plus haute où il se rattache à la tête.

Ce travail demande une grande expérience de la part du dres-seur, car il varie avec chaque cheval et on doit pour l'obtenir,sans trop forcer sa nature, observer sa conformation, la façondont il porte la tête naturellement, non pas au repos à l'écu-rie, mais dans ses trois allures.

Le rassembler consiste à engager l'arrière-main sous le centreavec les jambes, de façon à mettre le cheval dans un équi-libre spécial qui le place à la disposition complète de l'hommeet le rend propre à exécuter sans résistance toutes les alluresles plus difficiles.

Pour obtenir un bon rassembler, il faut avoir un accord par-fait entre les mains et les jambes. Avec trop de main le chevals'accule, et avec trop de jambes il déborde la main du cavalier,se porte en avant malgré sa volonté. La sensation que doit res-

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sentir un cavalier sur un cheval bien rassemblé est celle qu'iléprouve lorsque le cheval prend sa cadence pour s'embarquerou piaffer. Pour obtenir cet équilibre complet, il est nécessaired'être bien maître des mouvements en arrière. Il faudra donc,toujours en maintenant le cheval bien droit avec les jambes, lefaire reculer à plusieurs reprises en ayant soin de le reporterchaque fois en avant immédiatement. Puis, continuant, tachantde perpétuer au pas le rassembler qu'on a obtenu par cesmouvements en avant et en arrière, on le détend en rendantla main, comme on l'a fait dans le ramener pour lui donner unpeu de bien-être et de confiance, de façon que le cheval puisse,avec une grande facilité, se ramener, passer de son équilibrenaturel à l'équilibre artificiel.

TRAVAIL DEDÉCONTRACTION

La décontraction de la mâchoire se fait enexerçant une pression au moyen du mors,sur la bouche du cheval, jusqu'à ce qu'il

ait cédé. C'est de par terre qu'il est d'usage de décontracter lamâchoire du cheval. Je n'y vois pas d'inconvénient, à la con-dition cependant que l'on n'abuse pas de ce travail préliminaireà terre. Car, commeje vous le démontrerai tout à l'heure, la véri-table décontraction de la mâchoire et de l'encolure ne s'obtientréellement sans inconvénients que sur le cheval monté. Celadit, voyons comment il faudra s'y prendre. Il faudra d'abordéviter de laisser le cheval trop baisser la tête sur la peséedu mors, de façon à ce que son pli d'encolure se prenne à unebonne hauteur, hauteur, bien entendu, en rapport avec sastructure. Et ensuite faire en sorte que le cheval, pour éviter dese soumettre à la décontraction qu'on lui demande, ne se mettepas à reculer. Donc, pour parer à ces deux graves inconvé-nients, il faudra prendre dans la main droite les rênes du morsenviron à 10 centimètres de la bouche, et dans la main gauche

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les rênes du filet qu'on aura préalablement fait passer par des-sus la tête du chevalet qu'on empoigneraà 12 ou 15 centimètresdevant le nez de l'animal, de façon que, si le cheval, sur la pres-sion du mors qu'on exerce avec la main droite, tentait de reculerou de trop lever ou trop baisser la tête, on puisse le tirer enavant avec les rênes du filet tenues dans la main gauche, luilever ou lui baisser la tête toujours avec les mêmes rênes de filet.

Lorsqu'on aura obtenu facilement la décontraction de lamâchoire, des deux branches du mors ensemble, il faudra décon-tracter séparément la barre droite et la barre gauche de façonà ce qu'il s'habitue à céder des deux côtés isolément de façonà tourner le nez facilement à droite et à gauche.

Je conseille de faire très peu ou pour ainsi dire pas de décon-traction sur place et de ne les demander que sur la marche enavant. C'est pourquoi, au bout de quelques leçons, lorsqu'on sen-tira peu ou pas de résistance, il faudra monter le cheval et obtenirles décontractions en se servant alors des jambes pour porterle cheval sur la main, mais toujours sur le mouvement en avantaux trois allures.

Presque tous les chevaux ont un défaut qui viendra gêner ledresseur dans ce travail de décontraction. Tous ont une contrac-tion naturelle d'un côté qui leur donne une grande facilité detourner à gauche si leur contraction est à gauche, et les rendtrès difficiles à décontracter à droite, côté opposé à la contractionnaturelle. C'est donc ce côté-là qu'il faudra travailler beaucoupplus que l'autre. Cette contraction existe, selon les chevaux,tantôt d'un côté, tantôt de l'autre.

Arrive-t-on toujours à détruire la contraction naturelle d'uncheval ? Franchement, je crois que c'est bien difficile, car,comme on dit, chassez le naturel il revient au galop, maison arrivera avec de la persévérance et du travail à décontracterassez le mauvais côté pour pouvoir s'en servir.

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Notez bien que je ne prétends pas dire qu'on ne corrige jamaiscomplètement la contraction naturelle d'un cheval ; moi-même,j'y suis arrivé, et je suis certain de ne pas être le seul à avoirobtenu ce résultat.

Lorsqu'on aura obtenu, sur la marche en avant, cette décon-traction de la mâchoire et des muscles supérieurs de l'encolure,il faudra bien se garder de conserver le cheval trop longtempsdans la contrainte qu'on lui impose afin de ne pas le rebuter etrendre la main lorsqu'il aura obéi, pour lui permettre d'allon-ger et de détendre son encolure.

L'opération du ramener est des plus délicates car, mal faite,elle pourrait provoquer les plus graves défenses, étant la pre-mière contrainte qu'on impose à un cheval. Il est importantqu'elle soit bien faite, car elle est la préparation, l'achemine-ment au rassembler, rassembler qui doit mettre le cheval dansun équilibre tel et une obéisssance si parfaite que, dans cettecondition, il ne puisse plus résister à l'homme et soit prêt àexécuter sous sa domination tous les airs de manège les plusdifficiles et les plus compliqués qu'on lui demande.

Pour que le rassembler du cheval soit parfait, il faut quesans s acculer ni déborder sur la main,il conserve ce rassembler en place, surla marche en avant et sur la marche enarrière et que dans ces trois positionsl'arrière-main reste engagée.

PIROUETTEAU GALOP

Lorsqu'on sera parfaite-ment maître dans lesmouvements traversés

de l'avant et de l'arrière-maindu cheval, Pirouette au galop.

par le travail préliminaire des demi-tours et demi-pirouettes sur l'avant-main et l'arrière-main, on

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pourra commencer à exécuter la pirouette au galop. Pourobtenir cette pirouette, le cheval étant appuyé à main droite, il

faudra, pour faire une pirouette à droite par exemple, fixerl'arrière-main, particulièrement la hanche gauche, et soutenirson cheval dans un rassemblé parfait, après l'avoir bien assissur l'arrière-main, faire tourner à droite l'avant-main qui devradécrire un cercle complet autour de l'arrière-main qui lui sert

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de pivot et remettre son cheval en appuyé tête au mur, à ladroite, en maintenant toujours le cheval bien rassemblé, la têtelégèrement à droite, dans la direction où l'on va, comme je l'aiindiqué pour les appuyés.

Dans la pirouette à droite, pour que le cheval puisse êtrebien assis sur l'arrière-main, bien soutenu, il faut que le cava-lier agisse davantage avec la jambe gauche qu'avec la jambedroite. Ceci est d'une grande importance et la pirouette n'existequ'à cette condition. S'il en était autrement, le cheval ne feraitqu'exécuter un simple demi-tour.

Ce mouvement, dont je viens de faire la description à droite,s'exécute également à gauche, par les aides inverses.

La pirouette, comme tous les airs de manège, et plus mêmeque les autres, a tendance à acculer le cheval et à charger tel-lement son arrière-main, que la « pointe » peut en survenircomme défense. Je conseille donc de ne pas être trop exigeantpour commencer, et de se contenter même d'un à peu près s'il lefaut, de façon à ce que si on sentait la moindre velléité decabrade, il faudrait vigoureusement reporter le cheval enavant par l'action des jambes et de l'éperon. Comme pourtous ces airs de manège, il ne faut pas en demander trop à lafois.

SERPENTINEAU TROT

La serpentine consiste à imprimer au chevalune allure en zigzag, ou plus exactement à lefaire avancer suivant une ligne que les géo-

mètres appellent sinusoïde.Autrefois, la serpentine consistait à faire, dans un manège

rectangulaire, une série de « traversers » terminés chacun parun changement de main, produisant une quantité de zigzagsdans toute la longueur du manège.

Ce mouvement assez facile au pas et au trot, n'offrait

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guère de difficulté qu'au galop, où il fallait changer soncheval de pied, chaque fois qu'on changeait de direction.Je l'ai vu pratiquer dans les carrousels et surtout dans lescirques où, lorsqu'on y faisait encore de l'équitation, il consti-tuait un des mouvements des manœuvres équestres.

On appelle aussi serpentine, une série d'appuyés, de pas decôté plutôt que le cheval doit exécuter au trot, pour ainsi dire,comme s'il changeait de pied à chaque changement de direction.On peut faire ce mouvement trois, cinq, sept pas de côté àgauche, le même nombre à droite, en alternant. Inutile de direqu'il faut que le cheval soit au trot rassemblé pour bien exécu-ter ce mouvement, très difficile et très délicat à obtenir, surtoutdans le manège circulaire. Il est peu de mouvements où lecavalier ait besoin de plus de tact et d'une possession plus grandede son cheval, dans la main et dans les jambes. C'est là surtoutque le cheval ne devra pas être acculé, afin que ses jambes secroisent assez en avançant, sans jamais se heurter.

CHANGEMENTDE PIED AUGALOP, AU TEMPS

On appelle changer de pied au galop,passer du galop à droite au galop àgauche et réciproquement tout en mainte-nant l'allure.

Ce changement, bien entendu, ne peut être obtenu que lorsquele cheval galope facilement sur le pied gauche et sur le pieddroit. Il est important, avant de demander un changement depied au galop à un cheval, que sa tête soit bien droite, un peusoutenue, surtout sur le mors, que son arrière-main soit suffisam-ment engagée et que son galop soit assez ralenti, assez scandé,pour que le cavalier, bien lié avec sa monture, sente toutes lesfoulées du galop, et en soit maître ; car c'est par un demi-temps d'arrêt dans ce galop rassemblé qu'il devra passer adroi-tement d'un pied sur l'autre. Lorsque le cheval exécutera ce

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mouvement avec plus de facilité, le temps d'arrêt deviendra deplus en plus court et disparaîtra pour ainsi dire.

Dans tous ces changements de pied, le cavalier devra un peumettre les épaules avec celles de son cheval, mais devra nepas pencher le haut du corps en avant et surtout ne regarder nipar terre, ni les jambes de son cheval, ne pas sauter sur la selleet bien conserver son assiette.

Ces changements de pied doivent être faits sur une lignedroite, par un cheval qui, lui-même, reste absolument droit,et engage son arrière-main à chaque changement de pied, sansjeter ses hanches, ni à gauche, ni à droite. Comme résultatc'est parfait, mais, dire qu'il ne faut pas se départir de cettemanière de procéder pour obtenir des changements de pied, meparaît vraiment exagéré, ~t je reste très sceptique envers lesdresseurs qui se vantent de décider le cheval à donner deschangements de pied sur la ligne droite, du premier coup, sansavoir jamais la moindre déviation des hanches, sans avoir nonplus recours au changement de direction pour obtenir deschangements de pied, ce qu'on appelle vulgairement changerde pied par renversement. Ce changement s'obtient, lorsque,changeant de main dans le manège par une demi-volte, onchange de pied en jetant brusquement le cheval dans la direc-tion nouvelle où il reprend forcément son équilibre par unchangement de pied. Je sais bien qu'il résultera de ce renverse-ment un déplacement trop considérable des hanches, mais cequ'on veut obtenir est obtenu, on a le premier changement depied, c'est ce qu'on voulait, il ne reste plus qu'à faire com-prendre au cheval de se redresser immédiatement, dès qu'ilaura donné son changement de pied.

Il est bien entendu que le conseil que je donne, de demanderdes changements de pied par renversement, n'est qu'un expé-dient, une manière de vaincre la résistance de chevaux trop

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maladroits sans les irriter. Il est utile, au moindre acculement,de reporter le cheval en avant après chaque changement depied. Je me garderai bien aussi de lui en demander plusieursde suite, trop heureux d'avoir si bien réussi. Ainsi donc, lorsquej'aurai obtenu, sans trop de difficulté, quelques changements depied des deux côtés sur la piste, je chercherai à les obtenir surla ligne droite.

C'est alors que je ferai tous mes efforts pour que mon chevalreste bien droit, l'arrière-main bien engagée pour faire seschangements de pied. Quand je serai à main droite, et quela hanche droite du cheval n'aura que ma jambe pour lasoutenir, je mettrai plus de force dans cet aide qu'à lahanche opposée qui touche la piste, car le cheval aura tou-jours tendance à rentrer sa hanche dans le manège, et à lasortir de la ligne droite, s'il est sur une piste droite. Sur lapiste ronde, la difficulté est encore plus grande. Donc, surcette piste, ayant bien mon cheval dans la main et dans lesjambes, et en galopant à main droite, je fais un demi-tempsd'arrêt, en attaquant vigoureusement à droite, en soutenantla rêne gauche pour amener le cheval à changer de droite àgauche.

Pour revenir à main droite, c'est la rêne droite du mors etla jambe gauche qui agiront, ayant soin cependant de soutenirla hanche droite, afin que, sous l'action de la jambe gauche, ilne se jette trop brusquement à droite, ce qui le dévierait de larectitude qu'il me faut obtenir.

Au bout d'un nombre suffisant de leçons, qui varientselon les aptitudes du cheval, j'augmenterai la fréquencede ces changements de pied, jusqu'à ce qu'il arrive à changerfacilement aux quatre temps, aux trois temps, aux deux temps,voire à chaque foulée de galop.

C'est donc par des moyens d'opposition de la main et des

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jambes — jambe droite et rêne gauche et inversement — qu'onobtient ces changements de pied.

Mais plus on avance dans le dressage, plus la facilité du che-val est grande, plus il change aisément, par conséquent, plusles moyens d'opposition devront devenir doux, car le cheval desang surtout arrive à une délicatesse de sensation qui le faitobéir au moindre effet.

C'est alors qu'on pourra arriver à l'avoir parfaitement droit etqu'on pourra employer les moyens préconisés par certains dres-seurs et qui, en apparence un peu bizarres, réussissent cepen-dant parfaitement.

Les voici :

Je vous ai dit qu'il fallait des mouvements combinés de mainet de jambe pour déterminer les changements de pied. Eh bien !

vous pourrez amener par votre tact, la sensibilité du cheval àun tel point qu'il changera tour à tour, par des effets de mainsans jambe, et par les effets de jambe sans main. Ce qui revientà dire que votre cheval changera de pied par le moindre appuisur la barre droite ou sur la barre gauche, soit sur la rêne droiteou sur la rêne gauche du mors, et sur la plus légère touche dela jambe, le frôlement du pantalon, si vous voulez, sans lesecours de la main. Mais pourtant, avec la jambe, ce seratoujours par une opposition, quelque faible qu'elle soit, qu'ilchangera.

Certains maîtres allant plus loin encore dans le raffinementdesaides, si je peux m'exprimer ainsi, enseignent d'obtenir les chan-gements de pied par les effets directs, c'est-à-dire : départ sur lajambe droite en agissant sur la rêne droite du mors, et enactionnant avec la jambe droite; départ à main gauche avec lajambe gauche et la rêne gauche du mors. C'est si possible, quej'ai du plaisir à le faire avec mes chevaux, lorsqu'ils sont bienfinis; mais je ne vous conseillerai pas d'employer cette manière

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comme moyen de dressage pour obtenir vos premiers change-ments de pied.

A ce sujet, sans médire des dresseurs dont l'habileté estincontestable, je vous mettrai en garde contre certains de leursenseignements, où il semble que leur grande adresse leur a faitoublier les principes les plus élémentaires de la graduation quidoit être méticuleusement respectée.

Je ne saurai trop recommander de maintenir, dans les chan-gements de pied au galop, les chevaux dans un rassembler com-plet afin que ces changements de pied ne soient jamais faitsmollement, mais toujours bien scandés et très enlevés ; que legalop, en quelque sorte, dans les changements soit bondissantet ronflant.

Je sais que beaucoup de cavaliers estiment qu'il faut mainte-nir les chevaux terre à terre, rasant le tapis pour obtenir le calmequi leur est nécessaire, afin d'avoir de la régularité dans leschangements de pied ; je suis l'ennemi de ce calme, qui donneun cheval morne traînant péniblement ses jambes au galop.

GALOP SUR PLACE Lorsque le rassembler du cheval au galople maintient dans un équilibre parfait,

on peut arriver à ralentir ce galop, à faire galoper le cheval surplace et même en arrière, car le galop est une succession detemps suspendus qui peuvent être aussi bien maintenus sur placeet portés en arrière qu'en avant.

Un écuyer de 1830 serait le premier arrivé à raccourcir assez legalop d'un cheval pour mettre une heure à traverser la cour duCarrousel au galop. Depuis ce tour de force, les écuyers modernesont fait plus fort, ils ont fait galoper leurs chevaux sur placeet en arrière, mouvement encore plus difficile, surtout lorsque,dans cette allure sur place et rétrograde, le cheval continuevraiment à galoper.

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GALOP EN ARRIÈRE Avant d'expliquer comment on s'yprend pour obtenir le galop en arrière.

je tiens, comme je le ferai pour toutes les allures d'équitationsupérieure, à justifier une classification et je vous dirai pourquoije considère le galop, même en arrière, comme une allure natu-relle du cheval.

J'ai remarquémaintes fois que lorsque les charretiers trop brus-ques voulaient, par des moyens violents, faire reculer assez vite uncheval attelé à une voiture chargée, ce cheval, maintenu par lepoids de la voiture et vigoureusement porté en arrière par lamain de l'homme, était amené par l'effort qui lui était imposé,à exécuter une série de petits bonds qui n'étaient autres quedes foulées de galop en arrière.

Lorsque le cheval galopera facilement sur place, vous pour-rez le porter en arrière en profitant de ce que l'avant ou l'arrière-main est en l'air pour le reculer avec le mors, en ayant soind'arrêter le mouvement en arrière sur les jambes, de façon à cequ'il ne fasse nettement qu'une foulée en arrière.

Un premier temps de galop ayant été obtenu, il vous serafacile d'en avoir un second par le même moyen et ainsi de suitejusqu'à ce que votre cheval galope en reculant. Pour ce faire,je ne saurais trop vous recommander dé ne pas être exigeantdans vos demandes les premières fois, ce qui occasionnerait cer-tainement du désordre chez le cheval, et l'empêcherait de com-prendre les mouvements.

Ce galop en arrière est très difficile à obtenir assez juste pourque le cheval, sans contraction ni sauts de pie, recule sur laligne droite sans se traverser, c'est-à-dire, galope aussi bien, etaussi droit en arrière qu'en avant. De même qu'au galop enavant. on peut faire des changements de pied en l'air au galopen arrière.

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LE PIAFFER Le piaffer est un trot cadencé sur place que jeconsidère comme une allure naturelle. Vous

n'êtes pas sans avoir vu un cheval attelé à une voiture s'impa-tienter et piétiner, un vigoureux cheval de chasse s'animer entreles jambes de son cavalier qui l'oblige à rester en place, lorsqu'il

pourquoi La Guérinièreemployait lespiliers pour obtenir le piaffer d'un cheval, piliers qui n'avaientd'autre but que de maintenir sévèrement l'animal, pendant quelui et ses aides l'actionnaient de façon à le déterminer à passerau piaffer. Cette manière de mettre un cheval entre deux pilierspour le faire piaffer me paraît des plus logiques.

Dans mes débuts, je m'en suis servi, et quoi qu'en disent cer-tains, je n'ai jamais trouvé qu'un cheval se fût acculé dans lespiliers. Si depuis longtemps j'en ai négligé l'usage, c'est parceque ces deux piliers encombraient mon manège, mais j'en recon-nais tous les avantages, à la condition que ceux qui s'en serventpréparent auparavant leurs chevaux montés, de façon à lesrendre assez obéissants pour les porter en avant à leur volonté(première condition d'un dressage quel qu'il soit). Il est certain

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que si vous enseignez à un cheval le piaffer et surtout à faire dessauts dans les piliers, sans qu'il se porte bien en avant sur lesaides, ce cheval, non seulement s'acculera, mais à la premièredemande se servira du piaffer et surtout des sauts pour sedéfendre, ce ne sera certainement pas la faute des piliers, caril se conduirait de même, si vous aviez commencévotre dressagemême sans piliers par lui enseigner du piaffer et des sauts. Jene m'étendrai pas davantage sur les piliers qui sont d'un usageancien, me bornant à vous dire comment, employant desmoyens plus modernes, je m'y prends pour obtenir d'un chevalle piaffer.

Lorsque je possède complètement mon cheval, bien rassemblédans la main, je l'actionne fortement avec les jambes et surtoutavec l'éperon. Le cheval ainsi poussé et retenu en même tempsexécute un léger piétinement et j'arrête ma demande dès qu'ils'est produit ; car ce piétinement est la première manifestationdu piaffer1, n'en déplaise à ceux qui se piquent d'obtenir d'em-blée du piaffer parfait, enlevé et cadencé sur la première attaqued'éperon. Moins ambitieux, je procède plus lentement, recom-mençant souvent à provoquer ce piétinement sur place par mesattaques, promenant, flattant, caressant mon cheval lorsque jeles aurai obtenus. Puis, lorsque mon cheval piétinera sur mademande, je me garderai de lui laisser continuer ce piétinementdont il prendrait l'habitude et l'assujettissant bien entre mesmains et entre mes jambes, je m'emparerai de ce mouvementpour le ralentir en le cadençant et en l'élevant. Voilà vraiment,où est le véritable mérite du piaffer : c'est d'être cadencé etsurtout élevé. J'entends que les sabots et la partie inférieure desmembres se troussent et s'élèvent à une bonne hauteur au-des-

i. Il est des chevaux qui donnent de suite un bon piaffer sans piétiner; je ne m'occu-perai pas de ceux-là dont le dressage est à la portée de tout le monde, ce sont desexceptions.

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sus du sol et y marquent un temps d'arrêt. C'est là aussi où estla grande difficulté surtout avec certains chevaux qui n'ont pasde genoux (on dit qu'un cheval n'a pas de genoux, quand il n'apas une élévation naturelle des genoux dans le trot). Il est pos-sible cependant à obtenir même avec ceux qui rasent le tapis, jele démontre par les instantanés de certains de mes chevauxdressés au piaffer et au passage.

Le piaffer est peut-être l'allure dans laquelle le cheval s'équi-libre le mieux. C'est tellement vrai qu'un écuyer délicat possé-dant parfaitement son cheval au piaffer pourra lui faire ballotterle corps à droite, à gauche, en sautant d'une diagonale sur l'au-tre. C'est ce qu'on appelle le « piaffer ballotté ». Tous les che-vaux n'ont pas la même facilité pour faire un bon piaffer, etprenant encore conseil de La Guérinière, je trouve qu'il faudracomme lui, s'aider de la gaule comme il le faisait au manègede Versailles et tapoter la croupe pour provoquer le piaffer, enutilisant la cravache pour amener le cheval à mobiliser sacroupe. Car, sachez-le bien, il faut qu'un cheval ait la croupetrès mobile pour bien piaffer. C'est si vrai que La Guérinièrefaisait toujours ruer un cheval pour s'assurer s'il avait la croupelégère avant de lui demander le piaffer. Malgré mon admira-tion pour ce maître, je ne conseillerai pas d'employer ce moyensurtout avec des juments chatouilleuses.

LE PASSAGE Le passagequi n'est que le piaffer en avançant estune allure cadencee qui est des plus naturelles

au cheval et que je me garderai bien de classer parmi lesallures artificielles, ainsi que je l'ai dit au début de cet ouvrageet démontré par l'instantané qui est venu à l'appui de mes dires.Voyez avec quelle netteté ce Norfolk, dans sa fraîcheur ensortant de son écurie, donne du passage, et combien est bellecette allure.

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Le passage a beau être naturel, ce n'est qu'avec le dressageque le cheval arrive à le donner sur les aides de l'homme.

Il n'y aura pas une grande difficulté à l'obtenir lorsque déjàon aura dans les jambes son cheval au piaffer à la cadence éle-

vée dont je vous ai parlé plus haut. Il suffira de porter le chevalen avant sur le piaffer en ayant soin de maintenir cadence etélévation. Comme pour tout le reste, il ne faudra pas se presser;le cheval étant habitué à marquer la cadence sur place, auraune certaine difficulté à se porter en avant en la soutenant, carvous savez que le cheval a l'habitude de commencer par dire« non », et de se révolter contre tout ce qui le gêne et contre

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tout ce qui est nouveau, son intelligence étant aussi bornée queson mécanisme est parfait.

Faut-il commencer par dresser un cheval au piaffer ou aupassage ? Je serais bien embarrassé de vous le dire, cherchant partous les moyens à obtenir, sans trop le chagriner, les airs demanège que je veux lui enseigner. Je vous répondrai commeVictor Franconi : « Dans ce cas, comme dans bien d'autres, onfait ce qu'on peut ».

Demandez donc quelques mouvements de passage en avantpour commencer, et ne perpétuez le mouvementque si le chevalparfaitement dans la main et dans les jambes, conserve sa légè-reté, une cadence lente et son « tout en l'air », si je puis m'expri-mer ainsi pour mieux souligner ma pensée, car le cheval quin'a pas ce tout en l'air, cette élévation des diagonales, n'aqu'un dressage bâtard donnant une cadence quelconque, unpetit trot espagnol sans développementqui n'a rien de communavec ces allures superbes et majestueuses où le cheval se mon-tre dans toute sa coquetterie et sa fierté : le « passage » etle « piaffer ».

Dans le piaffer et le passage, le cheval doit, dans la cadence,trousser ses quatre jambes de façon à ce que les membres anté-rieurs et les membres postérieurs soient à peu près à la mêmedistance au-dessus du sol. Dans ces mouvements troussés, lesextrémités des membres antérieurs ne doivent jamais se tendreet la jambe bien élevée jusqu'au genou doit tomber naturelle-ment, sans contraction, vers le sol. Le passage devient d'unegrande difficulté d'exécution lorsque le cheval est aussi dresséau trot espagnol, car il a tendance à mélanger le passage et letrot espagnol et à donner une allure bâtarde qui n'est ni dupassage ni du trot espagnol.

Il est bien difficile de dire à quelle hauteur on doit placer latête de son cheval pour bien le passager et le faire piaffer.

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Cette hauteur dépend, comme je l'ai dit plus haut, du degré d'élé-vation de son allure au trot.

D'une façon générale, la tête devra plutôt être basse quehaute ; d'abord, parce que cette position dégage l'arrière-mainqui se mobilisera plus facilement dans cette attitude, ensuiteparce que le cheval renfermé est toujours plus gracieux. Gardez-vous cependant de baisser la tête jusqu'à ce que vous arriviezà l'encapuchonnement complet qui dérangerait immédiatementl'équilibre du cheval, qui l'enterrerait en un mot.

LE PASSAGE SURDEUX PISTES

Je ne dirai que quelques mots du passagesur deux pistes, car il devra s'exécuter abso-lument de la même manière que le trot très

rassemblé sur deux pistes, avec cette seule différence que lacadence du passage remplacera celle du trot, même le pluscadencé. Il n'y aura de passage sur deux pistes que lorsque lecheval, en l'exécutant, conservera toute sa cadence, toute sonélévation.

Demandez peu pour commencer et arrêtez chaque fois quela cadence viendra à se manifester, car si vous insistiez, lecheval, incapable de soutenir cette cadence toute nouvelle pourlui, sortirait de votre possession, et l'effet de votre leçon seraittrès compromis. On balance aussi le passage en faisant quelquesfoulées en appuyant à droite et quelques foulées en appuyant àgauche alternativement, mouvement qui demande aussi ungrand soutien dans les aides et beaucoup de tact.

ARRIÈREPASSAGEEN Après le passage en avant on peut obtenir lepassage en arrière en ramenant le cheval aupiaffer, qui n'est, en somme, qu'un passage

sur place.Bien assuré de mon cheval au piaffer, je le porte en arrière

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sur une cadence de piaffer qui se transforme en passage enarrière et s'accuse très nettement si j'ai assez de tact pourarrêter le cheval et l'empêcher de reculer malgré moi. Unefoulée de passage obtenue en reculant, j'arrête et en demandedeux consécutives. Ces deux foulées en arrière constituent monpassage rétrograde, et je pourrai en faire trois, quatre et cinq

en procédant sagement et méthodiquement. La difficulté cepen-dant, dans ce passage en arrière, est d'y conserver une bonnecadence et l'élévation des diagonales absolument semblable àcelle du piaffer et du passage en avant.

LA PESADE La pesade, comme toutes les cabrades, sauts etbonds, est naturelle au cheval qui a une grande

facilité à s'enlever sur les jambes de derrière et à bondir lors-qu'il est gai. Il en fait souvent naturellement quand, impatientde se porter en avant, il est retenu par son cavalier. Les anciens,les maîtres de Versailles désignaient par pesade, courbette,croupade, ballottade, capriole, toutes ces enlevées, tous cesbonds, dont ils savaient si admirablement tirer parti, qu'ilsarrivaient même à utiliser, à régler, à graduer et à développerpar le dressage d'une façon si remarquable. Ils y excellaienttellement que nous savons difficilement les imiter et qu'enconsultant même les auteurs de l'époque nous ne nous rendonscompte qu'avec peine des subtilités qui existent entre tel et telde ces airs. Il y avait plusieurs sortes de pesades, de mésairs,de courbettes, en admettantqu'on soit bien fixé sur ce qu'étaientces airs.

Il est vraiment regrettable que la photographie instantanéen'ait pas été inventée au temps des courbettes, pesades etmésairs, car les dessins de l'époque, seuls documents auxquelsnous puissions nous rapporter, pourraient bien ne rendre qu'avecune fidélité relative la vérité de ces airs de manège.

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Donnons-en, pour mémoire, la description en quelques mots :

La pesade est un air dans lequel le cheval lève le devant haut,dans une place sans avancer, tenantles pieds de derrière ferme à terre,sans les remuer. Dans cette enlevée,les deux jambes de devant ne doiventen aucune façon se dresser en l'aircomme dans la cabrade, mais à partirdu genou qui s'élève, les sabots etl'avant-brasdoivent retomber du côtédu poitrail.

On obtient la pesade en enlevantl'avant-main de son cheval qu'ondoit posséder parfaitement sur les

jambes, de façon à ce qu'il ne se porte pas en avant et ne risquepas de pointer. Cet air n'était qu'une préparation pour amenerles chevaux, dit La Guérinière, aux sauts que, par la suite,on voulait leur faire exécuter.

LE MÉSAIR Le mésair — quiveut dire moitié air

— est plus relevé que le terre àterre, et moins que la courbette.Il s'obtient par les mêmes moyensavec cette différence qu'on élèveun peu plus l'avant-main en l'air.

LA COURBETTE La courbetten est qu une

amplification du mésair, c'est-à-dire que dans la courbette on doit maintenir l'avant-main enl'air le plus longtemps possible, quatre ou cinq secondes et plus

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si l'on peut, avant-main qui doit rester dans la même position

que dans la pesade et dans le mésair.Toute la qualité de la courbette consiste donc, après avoir

bien assis son cheval sur l'arrière-main, à maintenir l'avant-main le plus longtemps possible en l'air.

D'après La Guérinière, « la courbette est un saut dans lequelle cheval est plus relevé du devant, plus soutenu que dans lemésair, et où les hanches rabattent et accompagnent avec unecadence basse et un tride les jambes de devant dans l'instantqu'elles retombent à terre.

LA CAPRIOLE La « capriole » est le saut le plus élevé et leplus parfait de tous les sauts. Elle consiste à

enlever l'avant-main de son cheval aussi haut que possible et, àlui faire détacher la ruade, « lorsqu'il est dans une égale hau-teur, du devant et du derrière. » Elle s'obtient en demandantsimultanément demi-cabrade et ruade. Le mouvement estnaturel au cheval, car il s'en sert dans sa gaîté comme pour sedéfendre ;

c'est alors un bond qu'on appelle saut-de-mouton. Voilàoù s'arrêtent, il me semble, ces « enlevés » qui étaient en faveurà l'école de Versailles. Je terminerai en en décrivant quelquesautres aussi brillants si ce n'est davantage, qu'on exécute denos jours, et que j'ai beaucoup pratiqués dans mes dressages.

LA CABRADE La cabrade sur place consiste à enlever com-plètement 1 avant-main de son cheval, de façon

à ce qu'il soit le plus droit possible. La difficulté est ici demaintenir le cheval solide sur son arrière-main, de façon à cequ'il ne puisse se renverser. Cette cabrade est difficile à obtenirparce qu'elle demande chez le cheval une vigueur égale àl'obéissance, et chez le cavalier ou l'amazone autant d'intrépi-dité que d'adresse. Il ne faut pas confondre cette véritable

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cabrade avec quelques petits enlevés qui ressemblent plutôt àdes courbettes mal faites. La cabrade qui est, comme je l'ai déjàdit, la plus redoutable de toutes les défenses, est bien aussi leplus dangereux et le plus difficile de tous les exercicesde haute école lorsqu'elle est obtenue complètement droite.Dans cette position, le cheval peut être entraîné en arrière etdéséquilibré soit par une mauvaise position du cavalier ou unelégère traction sur la bouche.

Il faut, pour obtenir cette cabrade, que le cavalier possèdeadmirablement son cheval dans la main et dans les jambes etque l'équilibre de l'animal soit parfait. Je suis heureux, pourprouver ce que j'avance, de pouvoir mettre sous les yeux dulecteur la photographie de Mlle B. Allarty exécutant, on peut ledire, sur son cheval d'Artagnan, le maximum de la cabrade,photographie qui est unique dans son genre, car je ne crois pasque jamais, avant cette écuyère, un cavalier ni une amazonese soient risqués à entraîner un cheval dans la cabrade jusqu'àl'extrême limite du renversement, tour de force dû autant àl'habileté de l'écuyère qu'à la puissance des jarrets et à la sou-plesse des reins du cheval. En observant cette cabrade surpre-nante, on peut se rendre compte de la façon dont le buste del'amazone est équilibré pour ne pas gêner le cheval et de lajustesse de la main dans la tension des rênes du mors. Cesrênes qui viennent pourtant d'agir puissamment sur la bouchepour enlever le cheval à cette hauteur et dont les effets ont dûcesser juste au moment précis où le cheval est arrivé aumaximum de la pointe et y être immobilisé assez longtempspour permettre de prendre la photographie.

Par cette photographie encore, on peut se rendre compte durôle important que joue la queue dans l'équilibre du cheval.Voyez cette encolure droite contractée, presque renversée enarrière, elle entraînerait certainement le cheval si la queue

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troussée à l'excès ne venait contrebalancer par son effort le

manque d'équilibre.

LA CABRADEEN MARCHANTAU TEMPS

La cabrade en marchant, au temps, consisteà faire exécuter une cabrade à son cheval, àchaque pas qu'il fait, sur la ligne courbe.

Cet exercice difficile est très brillant et l'enlevése fera absolument comme il a été dit pour la cabrade sur place.Les jambes de derrière doivent s'engager juste comme dans lapesade, et les enlevés doivent alterner avec une ou deux fouléesde galop soit à droite soit à gauche, selon que le cheval tourneà main droite ou à main gauche.

LA LANÇADE La lançade consiste à faire exécuter au chevalun saut en avant dans lequel le cheval n élevé

pas son arrière-main à une très grande distance au-dessus dusol, enlève un peu plus l'avant-main de façon à planer dansson impulsion en avant. Si le cheval est vigoureux et élastique,il parcourt un certain espace en « vol plané » au-dessus du sol,et c'est d'un effet très gracieux lorsque les lançades sont renou-velées régulièrement plusieurs fois autour de la piste.

Pour exécuter la lançade, il faut déterminer le cheval sur unbond pris sur la foulée d'un galop parfaitement juste, sanstemps d'arrêt très marqué, afin que l'animal puisse avoir assezd'impulsion pour exécuter son saut en avant et que ce saut soitbien détaché du sol.

LANÇADE ETCAPRIOLECOMBINÉES

C'est en possédant parfaitement la lançade etla capriole sur son pur sang d'Artagnan queMlle Allarty est arrivée, combinant les deuxsauts, conservant à son cheval l'impulsion de

la lançade, lorsqu'ilétait en avant bien détaché du sol, à provo-

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quer la ruade de telle façon qu'elle réussit à transformer la lan-çade en capriole en avant. Je crois que pareil saut, sans obstacle,aussi remarquable par son élévation et la longueur de sonplané, n'avait jamais été exécuté. C'est l'avis de tous ceux quiont vu, à ma représentation de juin 1911, cette nouveauté dontla photographie fait foi.

LA RUADE J'espère que mes contradicteurs ne trouverontpasmauvais que je classe la ruade parmi les mouve-

ments naturels du cheval. Elle est si peu artificielle que tousceux qui montent ou conduisent des chevaux en ont subi lesdésagréments. Elle est la source d'accidents fréquents. Laruade, selon La Guérinière, était, je le rappelle, pierre detouche de la souplesse et du ressort du rein. Cette ruade que lecheval exécute avec trop de facilité de lui-même exige un véri-table dressage pour être obtenue à la volonté du dresseur. C'estdans les piliers qu'au manège de Versailles on obtenait la ruade,en maintenant le cheval ferme dans l'avant-main, ou en lui tapo-tant et chatouillant la croupe avec la pointe de la cravache et mêmeavec une gaule munie à son extrémité d'un aiguillon. Je n'auraispas parlé de la ruade qui, en effet, ne peut être citée comme un airde manège bien élégant, si elle n'entrait dans la combinaison deplusieurs sauts de l'école ancienne et de l'école moderne. J'aitenu à la signaler et à dire le procédé employé pour l'obtenir.

Je ne puis terminer ce chapitre sur les bonds et sauts sansvous dire combien j'ai été surpris, lors de la venue de Buffaloà Paris, de voir le public prendre pour des véritables défensesles bonds, ruades et cabrades que faisaient exécuter à des che-

vaux soi-disant sauvages des Indiens plus ou moins authentiques.Le public n'aurait pas été dupe des défenses de ces chevaux

rétifs à heure fixe, s'il avait su qu'elles étaient provoquées tantôt

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par des sous-ventrières trop serrées, tantôt par des sanglesgarnies de pointes et des éperons très acérés.

Ces sauts, qui ont semblé exciter l'admiration du public,n'ont aucune valeur au point de vue du dressage.

COORDINATIONDES AIDES

On entend par les « aides » les moyensque la nature à mis à la disposition ducavalier pour communiquer au cheval sa

volonté. Ces aides sont les jambes, les mains et l'assiette. Jedis les mains et pas les rênes, car ce sont les mains qui tra-vaillent et les rênes ne sont là que comme agents de trans-mission. Les jambes agissent sur les flancs du cheval, la mainsur la bouche par l'intervention des rênes ; l'assiette1 sur ledéplacement de l'équilibre du cavalier.

On conçoit facilement qu'il est importantde mettre d'accordces trois facteurs de l'obéissance du cheval. Chacun joue sui-vant les circonstances, un rôle spécial, mais non point un rôleautonome car il reste absolument lié au rôle des deux autres.

C'est cette subtile coordination des aides qui fait toute lascience de l'écuyer, c'est par elle qu'il donne la mesure de sonintelligence de l'équitation.

L'usage des aides — j'entends ici l'usage savant — est le pré-texte à toutes les virtuosités équestres.

Quelque bien doué que l'on soit, tenez pour certain qu'on nel'acquiert que par un travail long et obstiné. La quintessence del'art consiste à apporter dans l'accord des aides la juste mesurepar laquelle chacun d'eux doit manifester son action. Lascience infinie, celle de l'artiste parfait, veut que chaque effort

1. J'ai employé le mot « assiette pour être bref, mais il est impropre, ce sont deslégères modifications dans la position du buste, suivant les mouvements demandés aucheval, dont je veux parler ; l'assiette, étant la base de la solidité, ne doit jamais subiraucun déplacement.

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individuel de l'un des aides soit pour ainsi dire mesuré aucompte-gouttes. S'il en était autrement ils viendraient se con-trarier mutuellement et contribueraient à détruire l'harmoniedes effets qui doivent former une entité indivise.

En équitation, comme dans tous les sports, il faut être arrivé àune maîtrise parfaite pour savoir, avec une précision absolue,graduer, doser son effort. L'homme qui reste ainsi suffisam-ment en possession de soi-même, pour apprécier le degréd'énergie et de puissance qu'il doit fournir, et au momentprécis où il doit le fournir, touche à la perfection.

Dans cette coordination des aides et pour qu'elle soit complète,trois élémentsentrent enjeu : la justesse d'appréciation qui dictel'opportunité de l'intervention du cavalier, l'estimation de lamesure dans l'effort à produire, la fermeté dans ce que j'appel-lerai la mise en mouvement du cavalier; j'ai presque mêmeenvie d'y ajouter le calme et la sobriété de gestes, l'une étantle corollaire de l'autre. Mais elles sont en somme la conséquencenaturelle de la science acquise par l'écuyer.

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HAUTE ÉCOLEDE CIRQUE

LA haute école, telle qu'on la comprend, mélangée d'alluresartificielles et de tours de force, est une équitation plus spé-

cialementacrobatique1 qui doit englober, sans en exclure aucune,toutes les excentricités qu'on peut faire exécuter à un cheval.Pourquoi les tensions de jambe ne feraient-elles pas aussi bienpartie de la haute école que les balancers de l'avant-main etde l'arrière-main. Certains écuyers des plus notoires objecterontque la mise à genoux, les croisements de jambes, etc., ne doi-vent pas faire partie de la haute école qui ne doit comprendreque les airs où le cheval est en mouvement. Personnellement,je ne les chicanerai pas à ce sujet, car, depuis nombre d'années,je me suis rallié exclusivement à l'équitation en mouvement,négligeant systématiquement des exercices tels que la mise àgenoux, les croisements de pieds qui ont véritablement uncaractère trop accusé de travail forain.

Il n'en demeure pas moins vrai que la haute école, telle quenous la comprenons, ayant puisé ses origines dans l'équitationacrobatique du cirque, il est malaisé de critiquer les écuyersqui glissent dans leur travail les figures dont nous avonsparlé plus haut.

1. Je ne suis pas le premier à qualifier d'excentricités équestres le pas, le trot espa-gnol, les tensions de jambes; elles l'ont été avant moi par un grand écuyer qui n'estpas sujet à caution. Victor Franconi, dans une lettre au baron de Vaux sur son intéres-sant ouvrage : Ecuyers et écuyères.

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Du reste, Xenophon faisait déjà de l'équitation acrobatiquelorsqu'il faisait mettre les chevaux à genoux en les campant,pour les baisser et faciliter le montoir, par exemple.

Cette équitation acrobatique, qui est très brillante, est trèsdélicate à obtenir par ce fait qu'elle est un tour de force.

Le baron d'Etreillis, dans son remarquable ouvrage, Ecuyers,écuyères, traite les acrobaties à chevalde ridicules contorsions 1

qui ne sauraient même constituer une manière de faire quel-conque. Tel n'est pas mon avis, car n'est pas acrobate qui veut,et l'acrobatie a fourni des athlètes qui, par leur force, leuragilité et leur audace, provoquent toujours notre admiration.

L'homme qui, sortant des limites d'un travail normal, faitd'un cheval un parfait acrobate, doit avant tout être unécuyer ou un dresseur d'une infinie expérience. Il lui faut con-naître admirablement le thème sur lequel il brode, possédertoutes les finesses de l'équitation la plus simple comme de la pluscompliquée, jouer avec une sûreté parfaite du mécanisme de

son cheval. Au temps où l'on estimait encore à sa valeurexacte l'art complexe du dresseur, ceux qui connaissaient lesdifficultés de l'équitation appréciaient sans réserve un travailqui témoignait de longues études et d'une indéniable scienceéquestre.

J'ai classé dans l'équitation savante supérieure la plupart desairs qui doivent être pris sur les allures naturelles du cheval.Je passe maintenant aux allures artificielles plus ou moinsacrobatiques que les dresseurs de cirque combinent avec lesairs de l'équitation savante, mélange ingénieux du reste, quiconstitue une brillante haute école : la haute école de cirque.

Une des caractéristiques principalesdes airs artificiels consisteà faire lever soit à l'arrêt, soit en mouvement, les membres

i. Faites avant tout pour étonner, séduire, et arracher les applaudissements.

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antérieurs du cheval de façon que lui ayant donné ainsi l'habi-tude, la facilité de lever les jambes de devant il puisse, commeune danseuse bien disloquée, marcher, sauter et même galoperen jetant ses jambes en l'air. Mais vous comprenez bien avecmoi que ce mouvement n'a rien de naturel au cheval auquel il

ne viendrait pas à l'idée de lever de lui-même une jambe enl'air même pour désigner la personne la plus amoureuse dela société. Soyez certains aussi que le chevaine marchejamaisde lui-même sur trois jambes que lorsqu'il est boiteux et dansce cas, il n'a guère envie de porter sa jambe malade à terre.

Dans ces mouvements exagérés, le cheval est excessivementbrillant. Les airs de manège pour lesquels on emploie commu-nément cette extension, cette élévation des membres antérieurssont le pas et le trot espagnols, le galop sur trois jambes.

Pour obtenir tous ces airs, il faut commencer par donner aucheval la tension des jambes. Pour bien faire comprendre com-ment on obtient cette tension à l'arrêt et dans la marche, il con-vient d'en expliquer l'origine et de montrer dans quelles con-ditions les écuyers s'en servaient autrefois.

Je n'entreprendrai pas de vous dire quels sont les créateursde ces tensions, pas plus que de vous nommer ceux qui ontfait pour la première fois du galop en arrière, du passage enarrière, etc., beaucoup d'écuyers revendiquant cette innovation.

J'ai déjà demandé à d'anciens écuyers de voltige quel était lepremier ayant exécuté le jockey d'Epsom debout ; cinq ou sixm'ont juré que c'étaient eux qui avaient eu cet honneur. Maisje n'étais pas renseigné et je craindrais de ne l'être davantageen questionnant les écuyers de haute école sur les créationsdont je vous parle.

Donc, depuis longtemps déjà, les dresseurs de chevaux enliberté dans les cirques faisaient exécuter à leurs chevaux destensions de jambe, du pas et du trot espagnols. Voici comment

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ils s'y prenaient pour obtenir ces airs, procédés que je tiens àvous faire connaître immédiatement, car ils servent encore sou-vent de préparation à ceux qui ont introduit ces mouvementsartificiels dans la haute école.

TENSIONS DE JAMBESPAS ET TROT ESPAGNOL

Le dresseur en liberté en mainte-nant son cheval avec la main gau-che sur la piste, à pied bien

entendu, lui touche la jambe droite avec la pointe de la cra-vache, soit au défaut de l'épaule, soit au genou ou toute autrepartie de la jambe qui lui semble la plus sensible. Par ces tou-ches répétées, il arrive à provoquer un mouvement d'élévationde la jambe droite, très faible pour commencer et allant tou-jours en prenant de la hauteur jusqu'à ce que le cheval ait biencompris. Bien plus, lorsque le cheval résiste ou s'irrite de latouche de la cravache sur les épaules, on a recours à des cordesfixées à un collier en cuir qui entourent les paturons des piedsde devant du cheval, ces cordes, tenues par un aide qui marcheà reculons devant le cheval, ont pour mission de soutenir en l'airla jambe dont le dresseur veut provoquer l'élévation. Cetteopération renouvelée tour à tour pour les deux jambes réussit,paraît-il, à donner de très bons résultats.

La grande difficulté dans cette demande de tension de jambespar la cravache est d'éviter que le cheval ne frappe le solavec colère et ne reporte sa jambe en arrière, ce qui détruiraitd'avance le dressage que vous voulez obtenir. Pour obvier àcet inconvénient il faut, chaque fois qu'on a obtenu une ten-sion de jambe, porter le cheval en avant afin qu'ayant levé sajambe, le cheval la portant également en avant il la reposedoucement à terre, tout en faisant une enjambée au pas, enjam-bée qui, ainsi faite, entraîne l'arrière-main qui s'engage réguliè-rement comme au pas naturel. Dans cette demande de la tension

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de jambe, il faut maintenir la tête du cheval suffisammenthaute pour que la jambe reste bien en l'air dans son mouvementen avant et demeure pour ainsi dire suspendue, attirée enl'air par la pointe de la cravache comme une tige de fer par unaimant. Lorsque par les moyens que je viens d'indiquer, ledresseur est arrivé à faire lever la jambe droite du cheval surle mouvement en avant, il cherche à obtenir de suite par lesmêmes moyens, le même mouvement sur la jambe gauche.

Puis, lorsque d'un côté comme de l'autre le cheval donnefacilement, sur la cravache et soutenu par les rênes tenuesen main, une enjambée en avant, il demande sur le mouve-ment du pas deux tensions gauche et droite en marchant,il a ainsi obtenu les deux premières enjambées du « pasespagnol ».

Il pourra, aux leçons suivantes, être un peu plus exigeant,augmenter cette succession de tensions de jambe sur chaque pasdu cheval qui constitue le pas espagnol, selon la bonne volontédu cheval et ses moyens, mais comme pour tout le reste du dres-sage aller doucement, revenir aux tensions séparées si le chevals'impatientait et se brouillait. Lorsque le cheval, au bout dequelque temps, fait correctement, nettement, le pas espagnol,qu'il a une bonne élévation et que son arrière-main bien engagéerend la marche facile et régulière, rien ne lui sera plus facile

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que de le mettre au trot espagnol. Pour cela, accentuant l'allurede son cheval, le mettant au petit trot, trottant lui-même àcôté de lui, il profitera de ce trot pour lui toucher les épaules dela même façon qu'il a fait pour obtenir le pas espagnol, toujours

en soutenant la tête par labride au-dessousdu men-ton afin que le cheval ne ledéborde pas. Aux pre-mières leçons, le cheval'trottera en tendant aussibien ses jambes qu'il lestend au pas espagnol.Dans le trot espagnol l'en-gagement de l'arrière-main (du membre posté-rieur du diagonal) est lemême que dans le piafferet le passsage. La diffé-

rence réside donc seule-ment dans l'avant-main,dont les membres anté-

rieurs doiventêtre complètementtendus au maximum de dévelop-uem ent, au lieu que dans le piaffer et le passage, ils doivent êtrecroussés du genou, l'avant-bras retombant inerte avec néanmoinsde l'élévation au-dessus du sol. Ce dressage, d'une extrême diffi-culté, n'est pas à la portée de tout le monde. On voit rarementsur un même cheval un bon trot espagnol et un bon passage.

Les anciens dresseurs en liberté, lorsqu'ils avaient obtenu depar terre le pas et le trot espagnols, mettaient des enrênementsà ce cheval, et le prenant ainsi enrêné, ils le menaient alors àbout de longe, c'est-à-dire à une distance de trois ou quatremètres d'eux et de loin avec une grande cravache ou même avec

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un fouet faisaient exécuter au cheval le pas et le trot espagnols.J'aurais pu négliger de vous parler de cette méthode de dres-

sage, car c'est un peu m'écarter de mon sujet ; mais il m'a paruintéressant de vous montrer ce qu'était autrefois dans les cir-

ques le pas espagnol et comment il a commencé, pour arriverà vous faire comprendre comment et par quel moyen on estarrivé à le faire exécuter au cheval monté.

Des écuyers plus modernes, voulant tirer parti de ce pas etde ce trot espagnols pour en augmenter leur numéro d'équita-tion de cirque — écuyers très habiles du reste, car ils avaient àexécuter un travail difficile — eurent l'idée d'obtenir ce pas etce trot espagnols sur leurs chevaux montés, de le provoquer etde le posséder simplement par des effets de jambe et des effetsde main combinés, en supprimant la cravache.

Ces écuyers qui devaient être de premier ordre, arrivèrentnon seulement à obtenir, montés, du pas et du trot espagnols,mais encore ces deux allures à une hauteur bien plus grande etavec une précision bien plus parfaite, et cela se comprend, carn'ayant appliqué ces allures artificielles qu'à des chevaux trèsmis et préalablement très rassemblés et très équilibrés par eux,dont la bouche n'ayant plus aucune contraction, n'offrait pas derésistance, ils étaient maîtres absolus du mécanisme du chevalet pouvaient, prenant l'élévation de l'avant-main sur l'arrière-main bien engagée au moyen de leurs jambes, arriver à donnerà leur cheval, au pas espagnol, une marche parfaite, et, au trot,un développement et une vigueur extraordinaires. Pour substi-tuer les effets directs de la cravache, c'est-à-dire touche droitesur la jambe droite, pour provoquer l'élévation de cette jambeet inversement, par l'action indirecte des jambes ils s'ingéniaientà dresser le cheval par les mêmes effets opposés qu'au galop,c'est-à-dire pression de la jambe gauche et soutien de la rênedroite pour faire lever la jambe droite ; pression de la jambe

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droite et soutien de la rêne gauche pour obtenir l'élévation dela jambe gauche. C'est, d'après l'histoire de la haute école, Bau-cher qui obtint le premier ces airs sans cravache, par leseffets de jambes et de mains.

Cette substitution ainsi opérée, ils n'agissaient plus avec lacravache, étaient complètement maîtres des mouvements ducheval, commeje vous l'ai dit tout à l'heure, et arrivaient simple-ment par les aides à faire mouvoir alternativement les diago-nales et agissant de plus en plus légèrement avec les jambes etavec la main, à avoir un cheval sensible et obéissant, à rendreleurs aides complètement invisibles. Ils finissaient par provo-quer sans effort les mouvements les plus élevés et les plusbrillants puisqu'ils avaient la possession complète du cheval.

J'ai tenu à vous expliquer les moyens quelque peu primitifsqu'on employait autrefois pour obtenir le pas espagnol, et jepeux vous affirmer que même les plus grands maîtres s'en ser-vent aujourd'hui plus ou moins quoi qu'ils en disent. Jedis plus ou moins, car suivant l'aptitude du cheval, le travailà pied doit être plus ou moins court; ce n'est, en effet, quelorsqu'on monte sur le cheval qu'on peut agir par les moyensméthodiques des aides, et obtenir véritablement de bellesallures artificielles, Trmt en vous vantant l'habileté des grandsécuyers, qui ont su si bien développer sur les chevaux montésces allures avec tensions de jambes, je tiens à vous mettreen garde contre certaines manières de faire que quelques-uns de ces artistes ont eu bien tort d'émettre en principe,confondant dans leur enseignement les effets obtenus avecle procédé à employer pour y arriver. S'ils l'ont fait pourexalter leur tact et leur délicatesse, ils ont eu tort aussi,car ceux qui voudraient dresser avec leurs conseils feraientcertainement fausse route. D'après eux, il suffirait, sanspréparation aucune, de donner un coup de talon ou un bon

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coup d'éperon sur le flanc gauche du cheval pour faire leverla jambe droite, absolument comme lorsque vous pressez surces petites boîtes à surprise il en sort un diable. Si, malgré ceque je vous dis vous voulez essayer de les imiter, faites-le etvous m'en direz des nouvelles.

Le pas et le trot espagnols peuvent être obtenus en reculantcomme le galop et le passage. C'est encore de la même manière,

en renversant le mouvement qu'on obtient cette allure rétro-grade. Toujours graduellement un pas de reculer soutien de lajambe en l'air à droite ; un pas de reculer soutien de la jambe enl'air à gauche, provoquer le mouvement de recul par la main,soutien des deux jambes en maintenant la touche des effetsdiagonaux, c'est-à-dire jambe gauche du cavalier pour jambedroite du cheval et inversement. Le pas espagnol est assezdifficile à obtenir régulièrement en marche arrière et le trotencore plus.

TENSIONSDE JAMBES

A première vue, il aurait paru plus logiquede commencer par vous parler des tensions dejambes lorsque j ai entrepris de vous expliquer

comment on s'y prenait pour décider le cheval à lever sesjambes en l'air. Mais cette tension étant faite sur place, j'aipensé qu'en vous l'indiquant d'abord vous seriez tenté de com-mencer le cheval en la lui demandant. C'eut été un mauvaisconseil à vous donner, car il est imprudent de demander la ten-sion de jambes en place dans la crainte de provoquer l'accule-ment. La difficulté étant de porter le cheval en avant en lui fai-sant tendre la jambe, j'ai pensé qu'il valait mieux commencerparlà, ce qui est du reste ma manière de procéder.

Maintenant que notre cheval est bien régulier au pas, mêmeau trot espagnol et qu'il se reporte franchement en avant, nouspouvons sans crainte demander la tension de jambe sur place.

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On s'y prend généralement ainsi : mettant son cheval au trotcadencé, bien dans la main, on lui fait faire un changement demain, mais en l'arrêtant au milieu du manège au moment précisdu changement de direction, on demande la tension de jambe surun temps d'arrêt par les moyens que le cheval connaît déjà,c'est-à-dire pour lever la jambe gauche, pression de la jambedroite, soutien des deux jambes pour empêcher la croupe defuir, soutien de la rêne gauche avec le filet particulièrement,car c'est en soutenant la tête sur le filet et en la soutenant ferme,qu'engageant l'arrière-main avec les jambes, on obtient pourainsi dire toute l'élévation qu'on veut, c'est-à-dire le maximumde celle que le cheval peut donner.

Il est bien entendu que l'arrière-main doit être soutenue quandon demande la tension sur place, car le moindre mouvement derecul ferait tomber cette jambe. La première fois qu'on demandecet air de manège, il faudra se contenter d'un temps d'arrêt trèscourt et reporter de suite son cheval au trot en changeant demain et en le faisant repartir à main gauche si c'est sa jambegauche que vous avez fait lever. C'est en répétant cette demandede tension de jambe arrêtée sur les changements de main aumilieu du manège qu'on arrive, augmentant graduellement lalongueur du temps d'arrêt, à maintenir aussi longtemps qu'onveut le cheval en tension de jambe des deux côtés, la jambecomplètement immobile, fixe et tendue et l'arrière-mainengagée.

Si, lorsqu'on demande les premières tensions de jambes surles temps d'arrêt, le cheval venait à frapper ou à gratter avecla jambe qu'on veut faire lever, il faudrait le porter immédiate-ment en avant par une attaque de jambe et d'éperon et recom-mencer, toujours en changement de main, jusqu'à ce qu'on aitobtenu qu'il reste en place, immobile, la jambe bien tendue ettranquille.

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PIVOT SUR TEN-SION DE JAMBE

Lorsque la tension de jambe en place estobtenue bien ferme, bien possédée dans lamain et dans les jambes et que naturelle-

ment le cheval qu'on monte est très mobilisé dans les han-ches, on peut faire pivoter l'arrière-main, le cheval maintenantune jambe en l'air et l'autre servant de pivot sur le sol, maison ne peut demander cette tension de jambe en pivotant indiffé-remment des deux côtés sans risquer de fouler le boulet ducheval. Donc lorsque c'est la jambe droite qu'on a fait mettreen l'air, on doit pivoter à gauche sur l'avant-main, c'est-à-direpousser la hanche gauche de façon à ce que la jambe droite seporte à gauche. C'est de la même manière, en sens inverse,qu'on obtiendra le pivot, jambe gauche en l'air. En principe, jedéconseille cet air de manège qui risque de froisser le boulet etl'ensemble de la jambe qui sert de pivot.

PIROUETTEAVEC TENSIONDE JAMBE

Le cheval possédant très bien la pirouette, ilsera facile, quand il se trouve bien engagédans sa pirouette au galop et familiarisé avecla tension de jambe, de lui faire donner cette

tension en même temps que la pirouette. Cet air de manège trèsbrillant s'obtient en forçant les aides inverses du cheval pourle déterminer à lever la jambe. C'est alors le pivot au galop,sur l'arrière-main, au lieu du pivot autour de l'avant-main.Pour l'obtenir de la jambe droite par exemple, il faudra lors-que le cheval est vigoureusement assis et tourne bien sur labonne jambe sa pirouette au galop, faire sentir la jambe etmême l'éperon gauches, en soutenant la rêne droite pour obte-nir la pirouette avec tension de jambe droite. Pour la pirouettesur la jambe gauche, les effets sont inversement les mêmes.

Il faut beaucoup d'impulsion dans cette pirouette au galop,bien engager l'arrière-main et beaucoup de soutien, pour que le

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cheval tendant bien la jambe, puisse la conserver un certaintemps en l'air.

GALOP SURTROIS JAMBES

Le galop sur trois jambes se prend sur legalop très rassemblé en décidant le cheval àlever une jambe en 1 air tout en continuant à

galoper de l'arrière-main. Ce mouvement très difficile à bienfaire s'obtient absolumentpar les mêmes moyens que la pirouetteau galop sur trois jambes avec cette seule différence, qu'au lieude maintenir le cheval en place, il faut le porter en avant.

Pour galoper sur la jambe droite, la jambe en l'air, on devra,le cheval étant engagé au galop à droite, l'attaquer vigoureuse-ment à gauche, tout en soutenant la rêne droite pour que lajambe enlevée reste en l'air lorsque le cheval donne sa ten-sion, puis avec l'arrière-main continuer la galopade.

Comme ce mouvement est très pénible et difficile à com-prendre pour le cheval, il faudra, les premières fois, lui deman-der cette tension de jambe au galop, sur un demi tempsd'arrêt, et ne lui demander qu'une foulée. S'il la donne à peuprès bonne, en soulevant un peu la jambe droite du sol danscette foulée de galop, l'arrêter et le récompenser tout de suite.Répéter souvent après des intervalles de repos jusqu'à ce quele cheval se décide à en donner une, deux, même trois et enfinautant que l'on en voudra.

La grande difficulté dans cet exercice, c'est que le chevalgalope franchement derrière et droit sans traverser l'arrière-main. Pour obtenir cette perfection, il faut maintenir la hancheopposée à celle sur laquelle on demande l'effort, afin que cettehanche ne vienne pas à se dévier; par exemple pour obtenirjambe droite, il faudra non seulement se servir de la jambegauche, mais donner un appui avec la jambe droite afin que lecheval se sentant bien soutenu entre les jambes se porte fran-

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chement en avant sans jeter la hanche ni à droite ni à gauche.Lorsqu'on a obtenu le galop sur trois jambes à droite, il fau-

dra employer pour l'avoir sur trois jambes à gauche les mêmesmoyens par action inverse.

BALANCÉ DELAVANT-MAINET DE L'AR-RIÈRE-MAIN

Le balancerde l'avant-main consiste à immo-biliser avec les jambes l'arrière-main de soncheval, en déplaçant avec la main, non seu-lement la tête, mais les épaules de droite àgauche, pour que les pieds s'écartant, aillent

se poster à droite et à gauche à une certaine distance, distancequi augmente selon que le cheval est plus ou moins avancédans son dressage.

Lorsqu'on a obtenu ce balancement de l'avant-main terre-à-terre, il faut précipiter le mouvement pour qu'il arrive à se pro-duire en cadence. Lorsque l'écartement dans le balancementest suffisant, que la cadence est régulière, que le cheval tientbien son arrière-main en place, on pourra faire le balancer enavançant, mais c'est une opération difficile à laquelle il faudraprocéder doucement et graduellement en poussant le cheval àfaire un pas en avant à chaque temps de balancer. Ainsi fait,le balancer est un air de manège agréable à voir.

Quand on a le balancer sur place et en avant on peut l'avoirégalement en reculant, en maintenant le cheval dans l'arrière-main, de façon à ce qu'il reste droit et recule d'un pas seule-ment sur chaque temps de balancement. Ce mouvement, commetous les mouvements rétrogrades, demande beaucoup de tact etde soutien dans les jambes.

Je vous ai dit qu'en principe, pour déterminer le balance-ment de l'avant-main, il fallait, étant monté sur le cheval, porterles mains à droite et à gauche, soutenir la tête, déplacer lesépaules. Mais je vous conseille, si vous rencontrez trop de résis-

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tance, de descendre de cheval, de vous mettre devant lui, letenant par la figure de la main gauche et de lui indiquer à piedle mouvement de balancer en l'appuyant de la cravache tour àtour à gauche et à droite.

Je vous indique ce moyen pour vaincre les résistances pro-longées d'un cheval, mais je vous engage à monter le plus vitepossible dessus, dès qu'il aura rendu à la cravache, parce quece dressage à la cravache trop prolongé lui ferait perdre l'habi-tude des aides.

Dans le balancer de l'arrière-main,c'est l'avant-main qui doitêtre maintenue en place et l'arrière-main qui doit balancer sousl'action des jambes. Ce mouvementde balancerde l'arrière-mainqui est assez disgracieux en place, gagne à être fait en avant etmême en arrière.

Pour dresser un cheval à balancer de l'arrière-main, il fautmaintenir l'avant-main en place à l'aide de la main, pousser lahanche droite à gauche et la hanche gauche à droite, alternati-vement avec jambe gauche et jambe droite.

Il est fort possible qu'au commencement le cheval le plusobéissant aux aides résiste et même rue. Pour vaincre cesrésistances, un conseil : Prenez une cravache dans chaque mainpour que ces cravaches viennent suppléer, non pas par une cor-rection, mais par une touche plus vigoureuse à l'effet de lajambe et faites agir en même temps la jambe et la cravache dechaque côté pour obtenir vite le balancer qui ne sera vraimentbon que lorsqu'il sera large et cadencé.

Cette largeur et cette cadence s'obtiennent en ayant les reinstrès souples et les jambes portées légèrement en arrière, bienindépendantes du corps, afin d'empêcher le cheval de brouillerle balancement de l'avant-main avec celui de l'arrière-main.

Le balancement de l'arrière-main comme celui de l'avant-main doit se faire en avant, en portant le cheval d'un pas en

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avant à chaque balancement et en arrière en le reculant égale-ment à chaque temps de balancer.

RECULER SURL'ÉPERON Le fait de faire reculer un cheval sur l'éperonprouve à combien de fantaisie on peut se livrerdans le dressage, fantaisie quelquefois bien

bizarre et assez incohérente. Dans tout le courant de cet ouvrage,je me suis efforcé de vous démontrer que l'éperon devait servir àvenir en aide à l'action des jambes, pour porter le cheval en avant.Eh bien, il s'agit d'expliquer maintenant comment on se sertde ce même éperon pour faire reculer le cheval et le porter enarrière.

Bien assis dans le fond de la selle, tenant votre cheval fermedans les jambes, vous appliquez les deux éperons, sans brutalité,contre les flancs et exerçant une pesée avec les rênes du morspour provoquer le reculer, vous insistez jusqu'à ce qu'il cède etrétrograde d'un pas. Puis, recommençant cette action combinéedes mains et des jambes, pour que le cheval recule encore,vousdiminuerez petit à petit la pression que vous exercez avec lemors jusqu'à ce que le cheval finisse par comprendre qu'il doitreculer rien que sur le contact de l'éperon. Dans ce reculer,ayez toujours soin d'empêcher le cheval d'accélérer le mouve-ment plus que vous ne voulez et de se porter en arrière malgrévous, car alors il cesserait d'être dans l'obéissance et ne vousdonnerait plus à votre volonté le reculer sur l'éperon.

Ce reculer s'emploie dans la haute école, lorsqu'après s'êtrevigoureusementporté en avant, d'un temps de galop, on reculeprécipitamment en lâchant les rênes.

C'est généralement à la fin du travail que l'écuyer de hauteécole, après être sorti du cirque, fait sa rentrée au grand galop,s'arrête au milieu du manège, face à la porte d'entrée et reculevivement, abandonnant les rênes en saluant à droite et à gauche.

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RECULER SURL'ÉPERON AVECCONTRACTIONDE LA MACHOIRE

J'ai employé le reculer sur l'éperon en lecombinant avec le rapportage, c'est-à-dire que faisant prendre dans la bouchede mon cheval un objet quelconque, jel'incitais à reculer en portant cet objet

serré entre ses dents.Le rapportage s'obtenant généralement en piquant les flancs

du cheval pour le déterminer à prendre un objet entre ses dents,je me suis servi de l'éperon qui, tout en faisant l'office de l'ai-guillon, me donnait en même temps le reculer.

J'ai eu la fantaisie de combiner le reculer et le rapportage etde l'obtenir avec le même effet d'éperon sur mon cheval de pursang Mistral. La photographie ci-jointe le représente montépar moi, arrachant des mains de l'opérateur son appareil photo-graphique.

DIFFICULTÉ DELA HAUTE ÉCOLE

La principale difficulté du dressaged'un cheval de haute école, c'est de luienseigner une grande quantité d airs plus

ou moins variés sans qu'il s'embrouille en les exécutant et leseffectue tous avec un bon développement.

Ce résultat ne peut être obtenuque par un dresseur consommé.Beaucoup de personnes se figurent que lorsqu'on enseigne

ces allures acrobatiques à un cheval, on risque de l'abîmer,c'est une erreur, surtout lorsqu'on procède avec une bonneméthode et une sage progression. Les chevaux que j'ai dressés etdont j'ai donné les photographies à l'appui de mes démonstra-tions, en sont la preuve, car, en les examinant de près, onpeut se rendre compte qu'ils sont aussi nets et aussi frais ques'ils sortaient de la prairie. Tous les jours, je m'en sers pour allerau Bois, et leurs allures naturelles sont aussi franches que s'ilsn'avaient jamais fait de haute école.

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LA VOLTIGE

HISTOR I QUEDE LA VOLTIGE

c ET exercice est tellement naturel à l'homme, qu'il l'exécutedepuis la plus haute antiquité sans l'avoir jamais appris.

Qui n'a vu, garçons de ferme, palefreniers, charretiers, sauterjournellementsur le dos de leurs chevauxpour les mener à l'abreu-voir et les conduire à la ferme ou à l'écurie. De tout temps, pourexécuter ce saut, l'homme saisissait la crinière avec les mains etainsi aidé s'élançait sur le dos du cheval. La manière, vous le sa-vez aussi bien que moi, n'a pas changé. Eh bien, l'homme quimonte à chevalde cette façon, fait, sans s'en douter, de la voltige,de la voltige sur place, c'est-à-direla plus difficile, car il faut uneffort bien plus grand pour sauter sur un cheval arrêté que surun cheval au galop, comme je vous l'expliquerai par la suite.

La voltige a toujours fait partie de l'équitation militaire.Chez les Romains, les cavaliers militaires s'appliquaient à

sauter à cheval très lestement au galop, avec casques et cui-rasses. Pour obtenir ce résultat, ils s'exerçaient sur des chevauxde bois. Les mêmes Romains, dans le cirque, faisaient descourses debout sur deux chevaux sans selle, ils étaient donc déjàde fameux voltigeurs. Bien avant les Romains, les cavaliersbarbares s'entraînaient à l'exercice de la lance et du javelot ensautant par terre et en s'élançant encore au galop sur leurs che-vaux nus. L'ancienne poste américaine présentait cette particu-

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larité de changer de cheval tous les 10 ou 12 kilomètres etchaque fois qu'un cavalier passait d'un cheval sur l'autre ilretirait sa selle du premier pour la mettre sur le second, sanspour ainsi dire arrêter son cheval, c'est-à-dire en voltige.

Le Cosaque remonte à califourchon sur sa selle très élevéeet s'ymaintient debout assez solidementpour sabrer et se servir de sonfusil. Il se laisseaussi pendre la tête en bas, accrochépar les j ambesà sa selle, et ramasse, en passant au galop, des objets sur le sol.

LE CHEVALDE VOLTIGE

Le cheval de voltige devra être d'une taillemoyenne : de l',57 à ira,6o, légèrement doublé,puissant dans son rein, énergique et doué

d'assez de sang pour galoper vigoureusement et vite au besoin.Pourtant il ne le faudra ni trop impressionnable, ni surtoutchatouilleux. C'est assez vous dire, qu'à part de rares excep-tions, le choix d'une jument devra être écarté, la plus sagepouvant, à un moment donné, sous des influences indépen-dantes de sa volonté, devenir dangereuse. A ce propos, jevous dirai que, pour la voltige, je considère comme dangereuxle cheval qui, dans un moment de surexcitation ou d'impatience,est susceptible de ruer ou d'envoyer des coups de pied. Ensomme, pour voltiger, il faut que le cheval malgré sa vigueurpuisse supporter les chocs et les à-coups qu'il aura à subir de lapart du débutant qui lui roulera sur le dos et ne manquera pasde le gratifier de nombreux coups de talon.

HARNACHEMENTDU CHEVALDE VOLTIGE

Le cheval de voltige doit être embouchéavec un bridon dont les canons seront assezgros pour ne pas froisser la commissuredes lèvres lorsque le cheval sera sur ses

enrênements. Un surfaix de voltige sera ajusté sur le dos ducheval à la naissance du garrot. Le surfaix de voltige est

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un peu plus fort qu'un surfaix ordinaire, possédant en avant,du côté de la tête du cheval, deux poignées assez séparées pourque les deux mains puissent les saisir facilement ; ces poignéesdevront être molles et en buffle afin de mieux se prêter àtoutes les prises du voltigeur. Autrefois on employait des poi-gnées rigides, et aussi deux cornes en fer garnies de cuir.L'usage de ces poignées et de ces cornes a été abandonné depuislongtemps par les bons voltigeurs qui les trouvaient trop dures,gênant et limitant les mouvements des mains, des avant-braset de l'épaule. Elles présentaient aussi le grave inconvénientd'exposer le cavalier à se blesser en retombant dessus. Lesurfaix devra être bien sanglé, surtout pour les débutants qui,en tirant dessus avec trop de force, ne manqueraient pas de lefaire tourner et s'exposeraient ainsi à des chutes dont lemoindre inconvénient serait de décourager leurs premiersefforts. Le cheval ainsi garni de son bridon et de son surfaix,devra avoir la tête fixée au moyen de deux enrênements attachésdevant le surfaix, et s'accrochant par des mousquetons auxanneaux du filet. Si le cheval a tendance à baisser la tête, onlui mettra un filet releveur ; si, au contraire, il la lève, c'est enajustant une martingale sur la muserolle qu'on la lui fera baisser.

J'insiste sur cette fixité de tête pour les commençants ; maiselle ne vaudrait rien pour le cheval du voltigeur habile, quidoit avoir toute la liberté possible pour conserver la souplesseet le brillant de son allure.

DRESSAGEDU CHEVALDE VOLTIGE

C'est sur le cercle qu'on devra dresser le che-val de voltige, à la longe et sur une pisteronde autant que possible. Le diamètre du cerclequ'on devra faire décrire au cheval de voltige

devra être de treize à quatorze mètres.Le dresseur fera mettre son cheval à la piste à main gauche ;

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tenant de la main droite une chambrière, il se servira de celle-cipour faire partir son cheval à main gauche sur la jambe gauche;il est bien entendu que le cheval qu'on emploiera aura dû êtrepréalablement dressé à galoper sur la jambe gauche. Unefois le cheval embarqué au galop, il faudra obtenir qu'il soitrégulier et ne change pas de pied, en ayant soin de l'empêcherde s'échapper de la piste avec le secours de la longe, tandis quepar le geste de la chambrière on lui conservera son allure.

Le cheval maintenu sur la piste est celui qui suit, sans s'enécarter le talus, sans jamais rentrer, c'est-à-dire respectanttoujours l'écartement du centre et décrivant un cercle très régu-lier. Les reprises au galop, pour commencer surtout, devrontêtre très courtes pour ménager les poumons du cheval ainsi quesa jambe antérieure gauche, membre qui, on le conçoit, fatiguele plus dans le cercle à gauche.

Lorsqu'après plusieurs leçons, le cheval galopera facilementobéissant à la chambrière, tenant bien la piste sans le secoursde la longe, il faudra tout d'abord le faire monter par un volti-geur expérimenté. J'insiste sur ce point, car au début, le chevalne s'accommoderait pas des maladresses d'un commençant.Un voltigeur consommé pouvant seul le confirmer dans sondressage, il devra l'habituer à soutenir son galop pendant tousles mouvements de voltige, ce qui n'est pas chose commode, lecheval, au début, cherchant à s'arrêter aux moindres mouvementsque fera le voltigeur, qu'il passe la jambe par-dessus l'enco-lure ou saute à terre pour remonter. Un cheval de voltigen'est dressé que lorsqu'il soutient un galop régulier. Pourobtenir ce résultat, celui qui monte le cheval, de concert aveccelui qui tient la chambrière, doit empêcher de la part de l'ani-mal la plus minime incertitude, et la moindre velléité d'arrêt.Chaque reprise au galop ne devra pas excéder dix à douze toursde piste, auxquels devront succéder au commandementplusieurs

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autres tours au pas, le cheval toujours correctement tenu sur lapiste. Lorsque le cheval sera complètement dressé, il faudralefaire sauter, car sauter en voltigeant est le complément de lavoltige classique.

POUR DRESSERLE CHEVAL DEVOLTIGE A SAUTER

Le dressage du cheval de voltige ausaut est absolument le même que celuidu cheval de selle. Commencer tou-jours par un obstacle posé à terre,

une claie de préférence. Lorsque après une progression régu-lièrement ascendante, vous aurez obtenu un saut d'un mètre,pris sur une foulée de galop, considérez le dressage commesuffisant.

Si je stipule « foulée de galop », c'est pour bien faire com-prendre que, même dans le saut, le cheval de voltige ne doitmarquer aucun temps d'arrêt ; remarque très importante, car levoltigeur, prenant sa battue sur le sol en même temps quesa monture, doit arriver, entraîné par une impulsion bienfranche, à sauter lui-même facilement sur son cheval ; ce qu'il nepourrait faire s'il y avait de la part du cheval la moindre hési-tation. Dès que le cheval sera bien dressé dans son galop etcomplètement franc sur l'obstacle, il faudra lui faire pas-ser deux claies de un mètre posées de chaque côté du manègeen face l'une de l'autre, de façon que le cheval puisse faire unnombre de foulées de galop égales entre chaque obstacle.Pour bien établir la régularité de ces deux sauts, il faudra comp-ter avec soin les foulées du cheval pour qu'il arrive à passerchaque barrière sans ralentissement ni précipitation. Le chevalainsi réglé dans son galop et dans ses sauts pourra sauter 3,4, 6 barrières et même plus, à la condition qu'elles soient assezrapprochées pour qu'il puisse franchir chacune d'elles dansautant de foulées de galop : on appelle cela sauter au temps.

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Le minimum de hauteurpour un saut de voltige doit être de om,60et le maximum de Im,20, en ayant soin toutefois d'incliner un peules claies dans le sens du galop du cheval afin que le saut soitlégèrement allongé. Selon l'inclinaison de la barrière on obtien-dra un saut plus ou moins en hauteur, plus ou moins en largeur.

Après chaque reprise, repos de trois à cinq minutes. Ainsientraîné et réglé, le cheval sera prêt à fournir une longuecarrière.

COMMENT ONPRÉPARE UNVOLTIGEUR

Quoique que je ne veuille enseigner ici quela voltige sur le cheval au galop, je vaisêtre obligé, pour bien me faire comprendre,d'indiquer les principaux mouvementsqu'aura

à exécuter le débutant sur un cheval au repos.Notons tout d'abord que ces exercices, sans être absolument

exercices de force, sont pris avec peu d'élan et par conséquentassez durs. Pour mon compte, je ne me sers de ce moyen quepour les premières démonstrations, car j'ai l'habitude de faireexercer préalablement mes élèves sur des appareils de gymnas-tique, trapèzes, anneaux, surtout barres parallèles, en résumé deles assouplir complètement et de leur donner la force néces-saire avant de les faire voltiger à cheval.

J'insiste tout spécialement sur l'assouplissement de l'élève,car la qualité principale pour un voltigeur est la souplesse.Celui qui ne pourra cambrer son buste en arrière à cause de saraideur et qui n'aura pas les jambes bien indépendantes, seraobligé de baisser la tête pour les passer par dessus la croupedu cheval, ce qui, non seulement est disgracieux, mais offre

encore le grave inconvénient de mettre en contact le visageavec le surfaix ou l'encolure du cheval. Contact d'autant plusdésagréable pour le cavalier, qu'il est de mode pour les che-vaux aujourd'hui d'avoir la crinière taillée en brosse.

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LA POSITIONDU VOLTIGEUR

Le buste du voltigeur devra avoir la mêmeposition que celle déjà décrite pour le cava-lier, c'est-à-dire le buste droit, les reins

cambrés, la poitrine sortie et la tête bien mobile sur les épaules,sans être rejetée en arrière.

Les jambes, par exemple, au lieu d'adhérer aux flancs ducheval, devront être portées en avant, les pointes de pied bienallongées et légèrement en dehors, le cavalier ne prenant con-tact avec le cheval que par l'assiette et l'intérieur des cuisses,car le voltigeur ne doit serrer ni le dos, ni le flanc du cheval etne compter que sur son équilibre pour sa solidité. Les deuxmains tiendront les poignées, les ongles en dessous.

PASSEMENTDE JAMBES

Le cavalier ainsi placé sans raideur devra pas-ser la jambe droite par dessus l'encolure ducheval dans un mouvement de droite à gauche,

en l'élevant et la tendant le plus possible, de façon à venir setrouver assis en dedans du cercle, c'est-à-dire à gauche.

Pour bien exécuter ce mouvement et donner de l'aisance etde l'élévation à son passement de jambe, il devra porter le hautdu corps bien en arrière et pivoter sur la base de son assiette.Pour pouvoir passer la jambe, il devra lâcher et reprendre sesdeux poignées l'une après l'autre; jamais les deux ensemble,surtout à ses débuts, un faux mouvement pouvant toujours com-promettre son équilibre.

Il travaillera ce mouvement jusqu'à ce qu'il ait assez de forcesans le secours des poignées et assez d'adresse pour passer lesjambes par dessus l'encolure et par dessus le dos du cheval,sans le toucher. Lorsqu'il aura bien compris ce mouvement surle cheval arrêté, il devra le faire sur le cheval au galop, et celalui sera beaucoup plus facile parce que l'impulsion du chevallui donnera de l'élan.

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Le professeur devra porter toute sa sollicitude sur ce mouve-ment qui est la base de la voltige. Celui-là bien acquis, lesautres viendront très facilement.

PASSEMENT DESJAMBES ASSISEN DEDANS ETEN DEHORS

Pour exécuter ce mouvement, le cavalierassis en dedans, les jambes bien allongées,s'exercera en s'appuyant sur les poignées,à passer ses deux jambes par dessus ledos du cheval. Pour cela, il devra prendre

de l'élan en forçant sur les bras, les reins cambrés et souples.

LES CISEAUX Les ciseaux consistent, lorsque le cavalier estassis a gauche, a se tourner sens devant der-

rière, sans lâcher les poignées, et à passer les jambes dans cetteposition par dessus la croupe du cheval, de façon à ce que lapartie supérieure se trouve tournée du côté de la queue. Ce mou-vement quoique assez disgracieux ne doit pas être négligé, caril donne de l'aplomb au voltigeur en le forçant à regarder der-rière lui pendant le galop.

REMONTER DETERRE SUR LECHEVAL ARRÊTÉ

Ce mouvement étant difficile sur le chevalarrêté, je ne l'indiquerai au débutant quepour sa théorie. Le soutenant donc par lebras, je l'aide à sauter assis des deux côtés

sur son cheval, et à remonter ainsi à califourchon. S'il le fait faci-lement, comme beaucoup d'hommes lestes et vigoureux, je lelaisserai s'exercer tout seul. Si, au contraire, il ne peut arriver(comme la plupart des femmes) à sauter sur le cheval arrêté,je n'insisterai pas, sachant fort bien qu'au galop il y parviendraaisément. S'il est toutefois facile de faire des à-peu-près en voltige,rien n'est plus difficile que de bien voltiger. Il faudra donc dès ledébut tenir à la correction des mouvements chez le commençant.

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PRÉCAUTIONSA PRENDREPOUR ÉVITERLES CHUTES

Avant de commencer ma démonstration surla voltige au galop, il est bon, je crois, quej'indique les moyens d'éviter à l'élève, je nedirai pas toutes les chutes, mais du moins lesplus mauvaises. Etant donné que votre cheval

est dressé dans la piste ronde et y galope régulièrement, sanslonge, le meilleur appareil pour préserver des chutes est celuiqu'on emploie dans les cirques et qu'on appelle la mécanique.

Cet appareil consiste en une corde qui, tenue d'un côté, dansla main gauche du professeur, va passer dans une poulie desuspension fixée dans la charpente du cirque, et s'attacher, parl'autre extrémité, à la ceinture de l'élève; ainsi, le professeurépiant les moindres pertes d'équilibre du débutant, peut leretenir instantanément, empêcher sa chute et même le remettreà cheval en dépit des positions les plus déviées, mais cela seu-lement s'il sait se servir adroitement de cet ingénieux appareil.Or, comme tout le monde n'a pas à sa disposition un manègerond et un cheval fini dans son dressage ; que dans ces condi-tions il faudra se contenter d'un cheval tenu par la longe surn'importe quel terrain, on se servira dans ce cas d'un simplepetit câble, attaché à la ceinture de l'élève d'un bout, et allantdirectement à la main du professeur de l'autre.

VOLTIGEAU GALOP

Etant donné que le cheval galopera sur la gauchede la piste, ce qui, en termes consacrés, s'appelleà « main gauche », il faudra que l'élève se place

à sa gauche, tenant la poignée droite dans la main droite et lapoignée gauche dans. la main gauche, puis il tournera tout soncorps à gauche, de façon à ce que ses épaules fassent suite auxépaules du cheval, en ayant soin de bien adhérer du côté droitet du dessous du bras droit au flanc et au dos du cheval,près du surfaix; puis, allongeant ses deux jambes en avant,

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il mettra les pieds sur la demi-pointe et légèrement en dehors.

La battue sur le sol.

Lorsqu'il sera ainsi placé,le professeur embarquerale cheval au galop, et,comme c'est sur la jambegauche que le cheval galo-pera, c'est aussi sur la jambegauche que l'élève devragaloper le plus légèrementpossible, en soutenant unepartie de son corps aumoyen du bras droit placésur le dos du cheval. Il

fera ainsi quelques reprises très courtes pour commencer.

PRENDREUNE FOULÉE

Lorsque leprofesseurverra son

élève galoper facilement avecson cheval, il le fera prendresur le sol une battue pourremonter sur son cheval. Pourprendre ce temps, le volti-geur cherchera à gagner unpeu d'avance sur le cheval defaçon à prendre sa battue toutà fait en avant des membresantérieurs de l'animal. Plusil prendra cette battue enavant, plus il remontera faci-lement, car l'effort nécessaire

L'enlevé sur les poignets résultantd'une battue bien prise.

pour produire sa battue sera multiplié par l'impulsion et par

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la vitesse du cheval. Les jambes, qui seront demi-tendues dans

ce mouvement, ne devront jamais demeurer trop raides, afin delaisser aux jarrets leur souplesse et leur élasticité. Je ne sauraistrop recommandercette battue en avant qui, seule, peut produirede bons sauts remontés. J'insisterai aussi tout spécialement surla position du corps tourné en dedans, position qui commandecelle des pieds sur le sol, lesquels doivent être légèrement tournésà gauche, pour que les articulations des chevilles ne soient pasluxées dans la battue. Je sais bien que beaucoup de gens quivoltigent, remontent tant bien que mal avec les pieds, les jambeset le corps tournés en dedans, c'est-à-dire presque face au cheval,mais je sais aussi qu'il leur arrive de se donner force entorseset nombreuses foulures. C'est pour cela qu'il importe de mettrel'élève en garde contre cette mauvaise habitude.

SAUT R E -MONTÉ ASSISPour habituer le débutant à tourner son corps àl'intérieur du cercle, je conseillerai de lui faireexécuterpour commencer un saut remonté assis.

Ayant pris sur le sol une forte battue de la manière que j'aiindiquée plus haut, il tirera sur les poignées par les bras defaçon à venir s'asseoir sur le cheval près du surfaix. Avantd'aller plus loin, il est bon de faire remarquer que tout l'élandoit être pris par les jambes sur l'impulsion du cheval sanspresque forcer sur les bras. Le voltigeur qui aura la mauvaisehabitude de se hisser sur le cheval par la force des bras, nepourra jamais avoir d'élévation dans ses sauts remontés et,par conséquent, voltigera très mal.

SAUT REMONTÉA CALIFOURCHON

Pour remonter à califourchon, la battuedevra être absolument la même que pourle saut remonté assis, et ce n'est qu'en

arrivant à la hauteur du dos du cheval que le voltigeur devra se

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retourner pour passer la jambe droite par-dessus la croupe pourse retrouver sur le cheval.

Dans ce mouvement, il devra bien creuser les reins et lever latête, car s'il la baissait, il aurait le désavantage de ne plus voirdevant lui et d'être disgracieux.

Dans ce saut remonté à califourchon, lorsque le voltigeursait vraiment prendre une battue, cette battue lui donnera unetelle impulsion que ses jambes seront projetées très haut, bienensemble, au-dessus du dos du cheval ; il arrivera ainsi à setenir un instant en équilibre sur ses poignets, la tête relevée,bien entendu, les reins bien creusés. Dans cette position élé-gante et académique il n'aura qu'à se laisser retomber à cali-fourchon pour se retrouver sur le dos du cheval.

SAUT REMONTÉA GENOUX

Lorsque le voltigeur a acquis de l'aisancedans le saut remonté tel que je viens de ledécrire, il pourra exécuter en voltige toutes

les montées et même toutes les fantaisies que pourra lui suggé-rer son imagination.

Pour ne pas sortir de notre voltige élémentaire, je ne men-tionnerai ici que quelques sauts classiques et d'abord le sautremonté à genoux. Pour exécuter ce saut, l'élève aura soin debien plier les genoux en les tirant à lui et en forçant sur lespoignets. Lever la tête dans cette position et se remettre assisou à califourchon. Pour remonter en dehors, il passera sesdeux jambes ensemble de gauche à droite par-dessus la croupedu cheval et s'y maintiendra assis, les deux épaules tournéesen dedans. Il pourra remonter en ciseaux, c'est-à-dire assisd'abord et ensuite à califourchon sens devant derrière, commee l'ai décrit plus haut dans la voltige sur place. Il pourraaussi remonter debout au galop, mais le travail debout sort ducadre de la voltige élémentaire.

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BARRIÈRESLESAUTDESLE Tous ces sauts remontés peuvent être exécutéspendant que le cheval saute lui-même.

Pour bien les réussir, le voltigeur devraprendre sa battue en même temps que le cheval et il remonteraplus facilement sur cette battue du saut qui ne manquera pasde lui donner encore plus d'impulsion.

VOLTIGERSUR LE DOSDU CHEVAL

On voltige au galop sur le dos du cheval, abso-lument de la même manière que s'il était enplace ; je vous reporterai donc aux explicationsque j ai données précédemment sur la voltige

en place. Il est cependant un temps qui ne se fait guère facile-ment qu'au galop, c'est le passement du corps tout entier àdroite et à gauche du cheval par-dessus son dos. Assis à gauche,le voltigeur forçant sur ses bras et prenant de l'impulsion surles galopades du cheval, passera alternativement à droite et àgauche par-dessus la croupe, venant tour à tour s'asseoir àdroite et à gauche. Pour prendre beaucoup d'élévation sur cemouvement, il devra sortir la poitrine, lever la tête, cambrer lesreins, forcer les poignets et profiter le plus possible de l'impul-sion que lui donne le cheval.

Tous ces exercices de voltige que je viens de décrire à maingauche peuvent se faire aux deux mains. Les bons écuyers lespratiquent indifféremment à gauche et à droite.

LE REMPLACE-MENT A CHEVAL

Avant de terminer ce travail sur la vol-tige, je vous dirai deux mots du remplace-ment a cheval. Cet exercice est tait par

deux voltigeurs (car il faut nécessairement avoir un partenairepour pouvoir être remplacé). Celui qui est à terre, courant aprèsle cheval, prend un point d'appui sur le bras de son camaradeet par une bonne battue saute à califourchon derrière lui.

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Pendant ce temps, le numéro i qui était à cheval passe lajambe droite par-dessus l'encolure, descend vivement à terre,court encore plus vivement après le cheval, remonte derrière lenuméro 2 qui, lui, s'empresse de descendre de la même manièreet ainsi de suite ; cette fantaisie est amusante pour ceux quil'exécutent comme pour ceux qui la regardent, elle a aussil'avantage de donner de l'aplomb aux commençants et de leshabituer à courir dans la piste.

Aussi bien, en matière de fantaisie, le champ de la voltigeest-il des plus vastes. Tout le monde sait que les écuyers decirque exécutent dans cet ordre d'exercices des tours de forceextraordinaires ; sautant du sol, debout sur un cheval au galopou sautant sur le dos nu de leur cheval et restant debout sur sacroupe pendant qu'il passe des obstacles.

La voltige ainsi faite constitue ce que j'appellerai la hautevoltige. Je ne m'en occuperai pas ici, me réservant de la traiterdans mon prochain livre sur le cirque.

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L'ÉQUITATION FÉMININE

LA FEMME A CHE-VAL SON COSTUME

I L semble que, dans l'antiquité, les femmes montaient seule-ment à califourchon, et que l'on nommait amazones ces

guerrières intrépides d'Asie et d'Afrique dont la légende nousa transmis les exploits. Elles montaient en homme. Mais puis-qu'elles furent exterminées par Hercule et que nous n'avonsrien de précis sur leurs personnes, nous ne nous étendrons passur leur sujet.

Cette manière de monter en homme paraît du reste ne s'êtrejamais perdue, puisque nous voyons les dames de la Courencore chevaucher à califourchon au manège de Versailles,sous Louis XV. Jeanne d'Arc, pour combattre, montait sondestrier à califourchon.

C'est au moyen âge, au XVIe siècle, que les femmes ontcommencé à monter en s'asseyant sur le cheval au moyende selles sans fourche, sorte de petits fauteuils auxquels onajoutait un support pour maintenir les pieds, de façon que lesfemmes ainsi complètement de côté tournaient le dos au côtédroit de leur cheval et étaient assises à gauche, créant ainsi cetusage. Elles montaient également assises en croupe, s'accro-chant à la selle, derrière le cavalier.

Plus tard, on ajoute une ou deux proéminences à ces petits

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fauteuils, et la femme, mieux soutenue par ce dispositif, peut,en tournant légèrement le haut du buste à droite, faire face àla tête du cheval et regarder devant elle. C'est l'origine dela fourche, et Brandique nous dit que Catherine de Médicis futla première à utiliser la fourche, caractéristique de la selle dedame moderne.

Mais au manège de Versailles, sous Louis XV, tout en mon-tant en homme1, elles se perfectionnèrent également en ama-zone et adoptèrent même la posture définitive qui n'a guèrevarié depuis.

Le costume de cette époque également devait rester et résis-ter aux modes plus modernes, car il est encore le costume portédans toutes les chasses à courre.

LA FEMME ACALIFOURCHON

M'occupant depuis longtemps d'équitationde cirque et particulièrement d'équitationféminine, j'ai eu la fantaisie, pour complé-

ter l'instruction de mes élèves écuyères, de les mettre à cali-fourchon, cela il y a environ trenteans. Mes élèves ont eu immédiate-ment quantité d'imitatrices, maistoutes se cantonnèrent pendant long-temps dans le cirque et les manèges.Elles n'auraient du reste pas pu sortirà cheval en homme sans provoquerun grand scandale et il est certainque les passants, choqués par cettemanière de monter trop masculine,leur auraient fait très mauvais ac-cueil. Aussi, à cette époque, lorsque

i. Déjà, en 1645, on avait pu voir monter à califourchon la comtesse de Saint-Bal-mont, célèbre par s S duels et ses randonnées à cheval.

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est

de

mode

aujourd'hui

de

remplacer

le

hack

par

le

hunter

à

tous

crins

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je voulais achever l'instruction d'une élève en la faisant mon-ter en homme, (déjà convaincu qu'on n'est pas cavalier si onn'est pas monté dehors), j'étais obligé de me cacher pour lafaire sortir, et c'était la nuit que nous chevauchions dans lebois, au clair de lune.

Tout en reconnaissant les avantages que présente pour lafemme la position à califourchon, si elle veut s'adonner audressage, je ne vois pas la nécessité qu'il y a pour elle, si ellefait de l'équitation en amateur, à affecter ces allures mascu-lines que je ne puis admettre, étant un fervent admirateur dela grâce féminine.

Cependant, vers 1885, époque qui suit de peu celle où jemis des femmes en selle d'homme, la femme du célèbre peintre

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de portraits, Jaquet, se risqua à monter à califourchon au Bois,vêtue d'une double jupe qui avait un peu l'air d une amazonefendue et divisée en deux. Elle fut l'objet d'une grande curio-sité, mais fut supportée ; aussi elle continua plusieurs années àmonter de la sorte sans se décourager. Sans s'en douter, elleavait inventé la jupe culotte, peu goûtée à cette époque, carelle n'eut pas d'imitatrices. La jupe culotte, du reste, n'ajamais reçu du public un accueil très favorable. Au début dela bicyclette, il fallut véritablementque les femmes eussent ducourage pour l'oser porter : dans la rue, la foule les huait, etelle alla même jusqu'à leur jeter des pierres. Vers 1905, cepen-dant, on vit au Bois des jeunes filles des meilleures famillesaméricaines monter à califourchon avec des jupes-culottes ; lepublic, généralement si intransigeant en matière de modes, netémoigna d'aucun étonnement en voyant ces jeunes filles se ren-dant à pied à la porte du Bois, et l'accueil qu'il leur fit ne fut nul-lement défavorable : c'était une mode transatlantique.

Le costume d'amazone a subi bien des transformations. Sansremonter aux amazones de l'antiquité, ni même à celles de 1830,

vous verrez par les photographies que nous reproduisons com-ment les femmes s'habillaient, pour monter à cheval, en 1855.Jupes longues et chapeaux à haute forme entourés d'un voilevert ou bleu. Cependant, elles portaient, le matin, le petitchapeau.

Dans la suite, la longueur de la jupe a toujours été en rac-courcissant. Depuis quelques années, on monte en amazone dechasse, jupe très courte, petit chapeau, un fouet de chasse à lamain. Le comble du snobisme est de monter un cheval com-mun et trapu, aux boulets abondamment garnis de poils.

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ÉQUITATIONFÉMININE

N ous envisàgerons l'équitation des femmes à deux points devue :

1° L'amazone, celle qui monte à cheval par pur goût sportifet fait de l'équitation extérieure, c'est-à-dire se promène auBois, suit une chasse à courre ;

2° L'écuyère qui se spécialise dans le travail en haute école.Toutes les femmes sont aptes à monter à cheval. Cependant,

il est préférable qu'elles soient jeunes, minces et vigoureuses.J'entends par jeune, une fillette de douze à quinze ans, âge

auquel l'homme et la femme apprennent plus facilement, lecorps se prêtant le mieux à l'assouplissement.

Ainsi que je l'ai dit plus haut, il est certain que, si une femmereste mince, il n'est pas d'âge où elle ne puisse apprendre àmonter à cheval. Si j'insiste sur ce que la femme destinée àmonter à cheval soit mince, c'est non seulement parce quecette sveltesse lui donne une silhouette plus élégante, mais aussiparce qu'en amazone sur une selle de dame, le poids a tendanceà se reporter du côté gauche, ce qui rend l'équilibre assez diffi-cile. Si elle a du poids, dans cette position anormale, elle faittourner la selle et peut garotter le cheval à droite. Par son appuitrop fort sur les reins, elle risque également de le rognonner.

Je sais bien que certaines femmes ayant monté à cheval depuisleur enfance et n'ayant épaissi qu'en prenant de l'âge, savent

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tellement s'équilibrer qu'avec elles les inconvénients que jeviens de signaler n'existent pas ; mais ce sont des exceptionsdont on ne peut faire une règle.

La femme étant un peu plus élevée sur la selle que l'homme, s'entrouve rehaussée, grandie. Il ne faudra donc pas pour l'esthé-tique lui faire monter un cheval trop grand, ce serait disgracieux.J'estime qu'une femmede taille au-dessous de la moyenne pourramonter un cheval de im, 55, une femme de taille moyenne un che-val de im,57 à ¡m,60, une grande femme un cheval de i',6o à i65.

A la femme mince conviendra un cheval étroit, à la femmeétoffée un cheval plus doublé de façon surtout à ce que l'assiettede l'amazone ne déborde jamais le dos du cheval. Cela dit pourles proportions du cheval, il faudra la faire monter sur unanimal ayant une certaine dose de sang, tout en possédant unbon caractère et des allures très franches.

Pe même que pour les hommes, le cheval de promenade de lafemme est le « hack » et le cheval de chasse « le hunter ».

Mais la qualité primordiale pour le cheval de femme, à quel-que espèce qu'il appartienne, c'est de joindre à son boncaractère un dressage complet et une bonne mise en main.Il devra se mener exclusivement sur le mors, ce qui indiqueune bouche parfaite. L'obéissance des hanches est indispen-sable, car la femme n'ayant que la cravache du côté droit pourremplacer la jambe, doit pouvoir obtenir de ce côté, sans effort,tous les effets aussi bien qu'avec la jambe.

LA SELLE Il existe deux sortes de selles : la selle d'amazoneet la selle d'écuyère pour le travail de haute école.

La première nous intéresse seule quant à présent.Elle se compose d'un plateau légèrement incurvé, afin que

l'assiette puisse s'y loger, et de deux quartiers qui épousentles flancs du cheval. Le quartier droit qui est apparent se fait

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très petit aujourd'hui et arrondi à sa partie inférieure. Le pan-

neau gauche est beaucoup plus large, puisque c'est contre luique l'amazone doit appuyer sa jambe gauche et la faire mou-

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voir. Il ne devra pas, cependant, être assez long pour empêcherle contact du bas de la jambe et du talon de l'amazone avecle cheval, et dans sa solution de continuité, il devra être assezbien fait pour ne blesser l'animal dans aucun de ses mouve-ments. Le devant de la selle de dame est complètementdécoupé

afin de ne pas toucher le garrot du cheval.Les deux côtés intérieurs de l'assiette quiportent sur les reins du cheval et sur sondos, nommés « mamelles » devront êtrerembourrés et garnis selon la conforma-tion du dos ; mais une longue rigole allantentièrement d'un bout à l'autre de la selle,doit être ménagée dans le rembourragepour que la selle ne puisse toucher à laligne du dos, c'est-à-dire appuyer surl'épine dorsale. Le rembourrage de laselle qui, autrefois, était recouvert enétoffe de laine, l'est maintenant avec unléger cuir jaune très souple ou une étoffeparticulière excessivement douce.

Le siège de la selle doit être recouvert en peau de truie, àcause de la très grande solidité de cette peau.

Cette selle n'a plus maintenant que deux fourches trèscourtes, très larges et assez rapprochées, dans lesquelles l'ama-zone engage ses jambes. La fourche la plus haute est destinéeà maintenir la jambe droite bien au milieu de la selle par lapartie intérieure de la cuisse et la fourche inférieure doitsoutenir le dessus de la cuisse gauche et la maintenir enplace. C'est en s'aidantde ces deux cornes que la femme trouveune partie de sa solidité, je dis une partie parce que c'est sur-tout sur son assiette qu'elle devra compter.

Comme les conséquences d'une selle qui tourne peuvent être

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très graves, on met généralement trois sangles à une selle defemme : deux à côté l'une de l'autre et une de sûreté par dessusles deux autres. Pour fixer l'arrière de la selle, on maintient lecôté droit en place au moyen d'une petite courroie de cuirreliée aux sangles.

L'ÉTRI ER L'étrier est absolument semblable à celui del'homme, et comme il est beaucoup plus difficile

à la femme dans une chute de dégager son pied de l'étrier, on atoujours cherché un moyen pour que cet étrier puisse se déta-cher lorsque l'amazone vient à tomber. Quantité de systèmes,plus ou moins bons, ont été préconisés et mis en pratique pourobtenir ce résultat. Je ne parlerai que d'un seul, et pour mieuxfaire comprendre son fonctionnement, je renvoie au schémaexplicatif qui montre : 1° l'attache mobile de la courroie del'étrier, nommée étrivière ; 20 sa résistance sous l'effort lorsquela femme exerce une pression en avant pour trotter à l'anglaise ;

3° l'échappement de la courroie d'étrier, lorsque celle-ci prendune position anormale provoquée par la chute.

TAPIS DE SELLE Comme il faut toujours prendre de grandesprécautions pour qu'un cheval ne soit pas

blessé par la selle, surtout par la selle de femme, avec laquelle ily a plus de frottement qu'avec la selle d'homme, on a l'habituded'interposer un tapis entre la selle et le dos du cheval. Pour leslongues étapes, telles que la chasse à courre, c'est avec unepeau de chevreuil que l'on fait ce tapis qui n'est pas assezélégant pour la promenade au Bois mais est plus souple quen'importe quel rembourrage, car s'il y a frottement, c'est le poilde chevreuil qui s'use et non celui du cheval. A Paris, on se sertgénéralement d'un tapis de cuir. Il est certain que pour qu'uncheval soit bien sellé, il faut que tout en étant assez large, ni

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l'un ni l'autre de ces tapis ne dépasse la selle de plus d'uncentimètre.

LA BRIDE La bride de femme se compose — elle aussi —d'un mors et d'un filet. Elle n'a rien de particulier

aujourd'hui, mais autrefois le cheval de dame comportait unebride très mince, ce qui dégageait la tête et était d'un aspectélégant. Aujourd'hui, la mode plus pratique a fait adopter ungenre unique de bride, aussi bien pour la promenade que pour lachasse, aussi bien pour le cheval d'homme que pour le cheval defemme. C'est une bride à montants et à rênes très largesmunie d'un licol. En somme, la bride de chasse.

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LA LEÇON

LE MONTOIR La première leçon à donner est celle du montoir.La femme ne pouvant pas monter en mettant

le pied dans l'étrier parce que cet étrier est beaucoup trop haut,et que les fourches de la selle lui feraient obstacle, il lui faudral'aide de l'homme. Se mettant donc à côté du cheval, l'épauledroite touchant presque à la selle, la main droite placée sur lafourche supérieure, la main gauche s'appuyant sur l'épaule del'homme qui l'aide, elle placera son pied gauche entre les deuxmains croisées de l'homme ; puis, raidissant la jambe gauche,elle s'élèvera à la hauteur de la selle, grâce à l'élan qu'elle apris sur la jambe droite, au contact du sol, et à l'appui pristant sur les mains de son aide que sur la fourche droite avec lamain droite.

L'homme, de son côté saisira le moment où l'amazone vientde prendre son élan pour l'enleverdes deux mains en faisant unpas en avant. Pour bien réussir, il devra être assez près ducheval et même faire un petit pas en avant au moment où ilenlève la femme. Ce pas en avant, facilitera beaucoup ce mou-vement dans lequel il faut de l'harmonie entre l'amazone etcelui qui l'aide à monter.

L'amazone, ainsi enlevée par la jambe gauche, aura la faci-lité, une fois assise sur la selle, de passer vivement sa jambedroite dans la fourche, ce qui est très important.

Je ne saurais trop recommander, lorsqu'on met une femme à

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cheval, qu'un homme d'écurie maintienne avec les deux mainsles rênes du filet. Pour éviter une chute que j'ai vu se produirequelquefois au montoir, il faudra mettre le cheval à main gau-che, contre un mur, contre un arbre ou contre un obstaclequelconque afin qu'il ne puisse se dérober à droite au momentoù l'amazone, enlevée du sol, va pour s'asseoir sur la selle. Jerecommande aussi à l'amazone qui aura été trop enlevée au-dessus de la selle, de ne pas se laisser retomber brusquementsur le cheval ce qui pourrait l'effrayer et la déplacer. Pour évi-ter ce mouvement brusque, elle n'aura qu'à soutenir un peu samain droite sur la fourche droite.

Il y avait autrefois, et il y a encore aujourd'hui à l'entrée duBois, de grands escabeaux qui permettent à la femme de semettre en selle sans aide. Je n'en conseille pas l'usage, toujourspour cette raison que le cheval mal soutenu à droite pourrait,en s'écartant de l'escabeau, occasionner une chute.

L'amazone étant ainsi mise en selle, examinons et définis-sons la position qu'elle doit avoir.

LA POSITION Elle devra se tourner face à la tête du cheval,et, dans ce mouvement, lever la jambe droite

et la placer sur la fourche droite de la selle ; puis plaçant sa jambegauche sous la fourche gauche, elle chaussera l'étrier à la partiela plus large du pied, en infléchissant bien le talon.

Une chose assez difficile est de déterminer la longueur del'étrier S'il est"trop court, il jette la femme en dehors, c'est-à-dire à droite ; s'il est trop long, l'amazone manque de soutien àgauche.

Pour se rendre compte dela longueurde l'étrier, je place géné-ralement l'élève, bien assise, au milieude sa selle, le haut du busteet les épaules rigoureusementperpendiculaires au dos du cheval.Puis je lui demande de rapprocher sa cuisse gauche de la fourche

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gauche et de laisser tomber naturellement le bas dela jambe

— l'épaule droite étant bien effacée. La femme ainsiplacée n'aura plus qu'à lever légèrement la pointe du pied etc'est alors que lui plaçant l'étrier adhérentà la plante du pied onpourra lui donner sa vraie longueur en ajustant l'étrivière. Lajambe droite devra bien s'accrocher dans la fourche droite. L'ama-zone ainsi installée sur sa selle cambrera les reins pour setenir bien droite afin que le haut de son corps ne soit ni enavant ni en arrière ; elle devra s'exercer, pour commencer,pendantqu'on lui tient son cheval (qui, du reste, ne devra jamaisêtre abandonné avant qu'elle n'ait les rênes en main), à mouvoirsa tête à droite et à gauche pour retirer toute raideur à son cou etse donner de l'aisance. Je ne parle pas de ses bras et de sesjambes que nous aurons à placer quand elle prendra possessiondes rênes de bride.

La jambe droite de la femme devant rester fixe est destinée àla maintenir sur la selle, la jambe gauche au contraire, surtoutdu genou au talon devra être mobile comme celle de l'homme,afin de pouvoir se déplacer d'avant en arrière du flanc du che-val et servir de point d'appui sur l'étrier pour monter à l'anglaise.Vous voyez donc que le rôle des deux jambes chez la femme àcheval est tout à fait différent au lieu d'être identique commechez l'homme.

MANIEMENTDE LA BRIDE

Mettons à l'élève, maintenant, les rênes de labride en mains ; la femme ne devant qu'acciden-tellement se servir d'un bridon, j'aborde tout

de suite la manière dont elle devra se servir de sa bride.Le maniement de la bride, pour la femme, est absolument le

même que pour l'homme. Elle devra garder les rênes du morsdans la main gauche, l'une entre les troisième et quatrièmedoigts, l'autre au-dessous du cinquième doigt, les extrémités

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passant entre le pouce et l'index, donc à pleine main ; les rênesdu filet, de la main droite et de la main gauche, entre le pouceet l'index. Elle aura bien soin de maintenir assez lâches les rênesdu mors avant le départ et demi-tendues les rênes du filet. Voicidonc définie la position du filet dans les deux mains ; ellepourra, parla suite, prendre les rênes du filet dans la seule maingauche en mettant la rêne du filet droit entre le pouce et l'indexpar-dessus la rêne du filet gauche, car elle aura besoin de samain droite pour le maniement de sa cravache.

Les coudes au corps, le haut des bras tombant naturellementdes épaules, elle placera l'avant-bras légèrement en avant,dégagé du corps afin que cet avant-bras soit mobile et bienindépendant.

La main gauche qui tient les rênes, placée dans l'axe dugarrot doit être ferme ; son poignet, au contraire, légèrementarrondi, restera susceptible de se mouvoir facilement. Ainsi,les mains fermes, les bras bien indépendants, elle pourra rendreet reprendre la main, la porter à droite et à gauche pour alleren avant, arrêter, reculer, repartir et tourner dans toutes lesdirections.

MANIEMENTDE LA CRAVACHE

La femme tenant la cravache ou le stickdans la main droite par la poignée, àpleine main, la pointe en bas, devra,

levant la main un peu au-dessus de la hanche, l'écarter du corpsafin de prendre dans cet écartement la force nécessaire pourappuyer la partie demi-rigide de la cravache sur le flanc ducheval pour lui faire jouer le rôle de la jambe, le porter en avants'il s'y refusait et enfin le corriger s'il ne voulait pas lui obéir.Cette position de cravache qui est nécessaire pour le dressageet l'équitation supérieure n'est pas indispensable en général à lapromenade pour le cheval qui va droit devant lui. Dans ce cas,

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l'amazone devra tenir son stick par la pomme, naturellement,comme elle tient un éventail fermé à la main et s'habituera àacquérir l'adresse nécessaire de la main droite pour se servir dufilet quand elle le met dans deux mains, ou rajuster ses rênesdans la main gauche, ce qu'elle doit apprendre avant tout. Carle rajustement des rênes est indispensable pour obtenir lajustesse des effets du mors et du filet, justesse dont dépend labonne conduite du cheval.

LE PAS L'élève sera préalablement conduite à main droite,autour du manège. L'instructeur tiendra le cheval

à la longe pour plus de sécurité. Pour partir au pas, l'amazoneprendra ses rênes de filet à deux mains légèrement soutenues ;

les rênes de mors très lâches. Elle maintiendra la cravache contrele flanc droit du cheval ; puis actionnera celui-ci simultanémentd'un coup de talon et d'un coup de cravache, le portera en avantau pas, en ayant soin de rendre légèrement la main, c'est-à-direen portant ses deux mains en avant lorsque le cheval se mettraen marche. Elle suivra ainsi la piste à main droite longtemps,afin de se familiariser avec les mouvements du cheval.L'instruc-teur devra lui faire exécuter le plus de temps d'arrêt et le plusde départs possible.

Lorsqu'elle commencera à se sentir à son aise, l'instructeurprendra son cheval par la bride, lui fera faire lui-même un chan-gement de main et mettra son élève à main gauche. C'està cette main que commenceront, pour la débutante, les diffi-cultés, surtout dans un manège rond, car il est plus difficile àune femme de se maintenir en selle à gauche qu'à droite, attenduque le cheval en tournant à gauche imprime à son corps un mou-vement qui la fait tourner malgré elle et provoquerait son rejeten dehors à droite si elle n'apprenait à réagir contre cette dévia-tion de son corps en ramenant son épaule gauche en dedans.

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Ainsi donc, la femme qui tourne à gauche, surtout la com-mençante qui n'a pas encore la notion de l'équilibre, devra-t-elle chaque fois qu'elle tournera son cheval à gauche ou que lecheval y tournera malgré elle, mettre son épaule gauche endedans. C'est, du reste, un des principes de l'équitation enhomme, épaule gauche du cavalier avec épaule gauche ducheval et inversement.

J'insiste sur ce point, car c'est toujours en tournant à gaucheque la femme tombe en dehors, c'est-à-dire à droite et c'estjustement de ce côté-là qu'elle fait les mauvaises chutes.

Ainsi donc, que dès le début, l'instructeur soigne l'éducationde son élève à main gauche ; c'est de là que dépendra toute sasolidité.

Lorsque l'amazone marchera à droite et à gauche avec soncheval tenu à la longe, ses épaules placées comme je viens del'indiquer, elle aura acquis sa position, dans toutes les direc-tions, ce qui est très important. Le moment sera venu de luimontrer à diriger son cheval. Pour cela, l'instructeur, l'aidantavec la longe, lui fera faire des changements de main en tra-versant le manège. C'est après ces changements de main faitsà la longe que le professeur devra abandonner son élève à elle-même au pas et lui faire répéter tous les mouvements qu'ellea exécutés sous le contrôle de la longe.

Avant d'aller plus loin, je recommanderai à celui qui met unefemme à cheval de ne jamais se servir d'une chambrière, si cen'est pour remettre en place le cheval qui ne se soumettraitpas à la volonté de l'amazone Ce système m'est, je crois,particulier et, m'en étant bien trouvé, je ne saurais trop lerecommander.

Si je proscris chambrière et fouet en donnant la leçon, c'estque je tiens à ce que, dès le début, l'élève se rende compte deseffets et des impulsions qu'elle donne elle-même au cheval et ne

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soit jamais surprise par un mouvement plus ou moins brusquequ'elle n'aurait pas provoqué.

L'élève, ainsi enseignée, ne se considérera pas comme un far-deau à la merci de son cheval, mais aura conscience qu'elle luiimpose sa volonté. La confiance qu'elle aura acquise ainsi luiprofitera pour toujours.

Je ne saurais trop recommander surtout à main droite auxécuyers qui n'ont pas l'habitude de la chambrière à cette main,ce qui est très commun, de prendre beaucoup de précautions,car, je le répète, la moindre faute commise avec la chambrièreprovoque du désordre chez le cheval, désordre funeste aux pre-mières leçons. Car pour donner la confiance à son élève le pro-fesseur devra éviter tout accident ou même le moindre accrocqui pourrait survenir au début, accidents et accrocs suscep-tibles d'entraîner le découragement de la débutante.

LES AIDES L'élève ayant acquis quelques connaissances duchangement de direction, il faudra lui faire exécu-

ter des voltes à main droite et à main gauche et lui dire commentelle devra se servir de ses rênes, de sa jambe et de sa cravache.

Etant à main droite, et voulant tourner à droite pour exécu-ter une volte, l'élève portera la main gauche qui tient les rênesà droite, afin de les appuyer sur le côté gauche de l'encolure etcherchera à faire sa volte parfaitement ronde. Pendant qu'elleexécutera ce cercle à droite, elle devra maintenir sa jambe gauchele talon descendu, isolé du flanc du cheval pour la préparer àl'usage de l'éperon et soutenir très légèrement le flanc deson cheval à droite afin que la croupe ne « tombe pas dans lecercle ». Après avoir exécuté sa volte, elle se retrouvera à lapiste à main droite, rajustera ses rênes et cessera l'effet de sacravache qui n'est plus nécessaire, puisque le cheval est soutenupar la piste. Comme précédemment, il faut la faire changer de

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main et exécuter à main gauche les mouvements qu'elle a exé-cutés à main droite avec les effets contraires de main et dejambe : pour tourner à gauche, main portée à gauche, soutienassez fort de hanche droite avec cravache et très faible de jambepour tourner à cette main gauche.

Dans ce mouvement, elle devra avoir assez son cheval enmain et le sentir suffisamment dans les aides pour qu'il nes'arrête pas et ne passe pas au trot, c'est-à-dire ait un pas bienrégulier.

Je viens d'ébaucher, pour la commençante, les effets indirectsde la main et les effets de jambe et je n'ai point parlé des effetsdirects du filet. Je répare cet oubli car l'amazone ne doit pas lesignorer. Ces effets directs du filet, sont absolument nécessairesà celle qui monte à cheval pour vaincre les résistances qu'ellerencontrerait dans les effets indirects. Si donc une amazoneayant porté sa main à droite pour tourner à droite rencontraitdans la bouche du cheval de la mauvaise volonté pour ce chan-gement de direction, elle devrait de suite agir sur la rêne droitede filet et alors le cheval ne pourrait plus résister. Elle agira demême à main gauche.

LE RECULER Le « reculer », pour la femme, offre plus de dif-ficulté que pour 1 homme, non pas qu'elle ait

à se préoccuper des résistances du cheval, puisqu'il est entenduqu'on ne lui fera monter qu'un cheval fait, docile et dressé,mais elle aura à se préoccuper de maintenir la hanche droitequi, n'étant pas soutenue, aurait tendance à fuir à droite, cequi nuirait au bon reculer qui doit être droit et même dirigécomme la marche en avant. Pour reculer, donc, l'amazone seservira du mors, comme du reste elle doit toujours le faire, etdès que le cheval aura pris son mouvement en arrière, ellesoutiendra et dirigera l'arrière-main avec la jambe et la cra-

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vache en mettant plus de force avec la cravache qu'avec lajambe.

Comme pour le dressage du cheval, il faudra lui faire fairetrès peu de reculer à la fois et le reporter, après chaque reculer,en avant avec la jambe et la cravache.

LE GALOP Contrairement à l'usage je ne mets plus la débu-tante au trot après lavoir commencée au pas.

Car je trouve dangereux pour les organes délicats de la femmeles secousses du trot piqué et raccourci du manège.

Ayant mis à cheval plusieurs jeunes filles comme écuyères devoltige, jeunes filles qui n'avaient jamais trotté et qui pourtantétaient devenues, par ce fait qu'elles avaient beaucoup voltigéau galop, d'une grande solidité, j'avais pu plus tard les mettreen haute école et les voir supporter les secousses, non seulementdu trot mais des piaffer, trot espagnol, et sauts les plus durs,sans en être incommodées. J'en ai conclu que ce travail augalop donne une grande solidité sans avoir les inconvénientsdu trot, surtout lorsqu'on le complète par quelques sauts, lesaut étant souverain pour donner de la solidité et enlevertoute raideur aussi bien à l'amazone qu'au cavalier.

Pour passer du pas au galop sans intermédiaire, il faudra uncheval qui ait des départs très faciles. C'est alors qu'il sera néces-saire de donner à l'élève les premières notions du rassembler,c'est-à-dire de lui apprendre, si elle est à main droite, à soutenirson cheval légèrement sur le mors, surtout avec la rêne droite,et l'engager avec la jambe et la cravache soutenant l'arrière-main, afin que le cheval se rassemble. Une fois au rassembler,elle donnera un coup de talon, portera doucement sa main enavant et le cheval prendra le galop.

Très assise dans sa selle, les reins bien souples, le haut ducorps droit, sans raideur, elle fera ainsi un demi-tour de manège

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au galop, à moins qu'elle ne soit déplacée. Au moindre dépla-cement, elle arrêtera elle-même son cheval et si elle n'y arri-vait pas, l'instructeur l'aiderait avec la longe, pour ces premièresleçons au galop.

Jamais un professeur ne devra maintenir son élève à uneallure vive lorsqu'elle sera déplacée. Il aura soin aussique, du galop, le cheval ne s'arrête pas brusquement et qu'il semette doucement au pas, quitte à faire une ou deux fouléesde trot, si c'est nécessaire afin d'éviter le déplacement del'amazone.

Quand l'élève saura galoper à main droite, s'arrêter et repar-tir, il faudra, contrairement à ce que j'indique pour les autresallures, ne pas la faire galoper de suite à main gauche, le galopà main gauche pour une amazone offrant trop de difficulté dansla piste ronde pour qu'on l'enseigne dès les premières leçons.Ce n'est que lorsqu'elle saura trotter à l'anglaise, voire sauterqu'on devra la faire galoper à main gauche.

Lorsque l'élève aura pris un bon aplomb au galop sur la pisteà main droite, le professeur tenant toujours le cheval à lalonge mais ne l'aidant en aucune façon avec la chambrièredevra lui faire faire des cercles autour de lui, à main droite.Pour faire ces cercles à droite, l'élève devra porter sa main àdroite, soutenir fortement la jambe gauche et soutenir égale-ment la main.

LE SAUT Le moment est venu de donner à la débutante lasensation du saut, qui assouplit la taille, donne une

détente et un laisser-aller très grand dans tout le corps et l'habi-tue aux bonds, aux gaîtés que peut avoir un cheval.

La condition essentielle pour faire sauter une débutanteest d'avoir un animal excessivement franc, doux, ne sautantjuste que la hauteur de l'obstacle et à qui ne prenne pas la

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fantaisie de faire de grands bonds pour franchir une petite claie.Le cheval, en sautant un obstacle en largeur, faisant un bondmoins déplaçant pour l'amazone, il faudra commencer par lesaut du fossé. Mais, comme dans le manège on n'a pas de fosséà sa disposition et qu'il serait imprudent de faire sauter dehorsune femme qui n'a pas appris au manège, on pourra remplacerle fossé par la claie placée en travers comme une table. Lesaut que fera le cheval sur cet obstacle ne sera guère qu'unegrande foulée de galop, mouvement en avant pour ainsi diresans temps d'arrêt, qui fera ressentir à l'amazone, sans trop ladéplacer, les premières impressions du saut. Puis, lorsquel'amazone sera bien habituée, se sentira bien solide sur ce sauten largeur, on fera poser la claie à terre et on la tiendra inclinéeà 450 pour donner de l'élévation au saut. A mesure que l'élèvefera des progrès, on redressera cette claie jusqu'à ce que lecheval, pour la franchir, fasse un véritable bond qui devientalors le saut en hauteur. Avant de pousser plus loin l'ins-truction d'une amazone sur le saut, il ne faudra jamais lui fairefranchir plus de 60 ou 80 centimètres en ayant soin même,lorsqu'on arrive à cette hauteur, d'incliner légèrement la claie.Pour les leçons de saut, comme pour toutes les autres, il n'estguère facile d'en déterminer le nombre. Ces leçons dépendentdes moyens et des aptitudes de l'élève. L'important est de nejamais passer d'une leçon à une autre sans que cette leçon soitabsolument sue. C'est pourquoi je me suis bien gardé d'en fixerle nombre.

Pour aborder un obstacle quel qu'il soit, la débutante devralaisser galoper son cheval au galop de manège, c'est-à-dire à ungalop demi-rassemblé et bien en avant. Elle devra prendre sonfilet à deux mains, écarter légèrement les mains pour être bienmaîtresse de la tête du cheval, détendre les rênes du mors,maintenir sa cravache au flanc, de façon à pouvoir reporter

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son cheval en avant au moyen de la cravache s'il avait lamoindre hésitation en abordant l'obstacle, quitte à ne pas s'enservir si le cheval qu'elle monte est véritablement franc etse porte de lui-même sur l'obstacle. Elle ne devra pas chercherà enlever son cheval, mais, au contraire, rendre la main aumoment du saut.

Voici pour la main et la cravache. Tenant ferme les deuxfourches de la selle dans ses jambes, en ayant soin toutefois dene pas remonter son talon ce qui ferait toucher l'éperon malgréelle, elle portera légèrement les épaules en arrière, le haut ducorps mais pas la tête. Rien n'est, en effet, plus disgracieuxqu'une amazone qui porte la tête en arrière et regarde en l'air,comme je l'ai déjà expliqué à l'équitation élémentaire ducavalier.

Bien moins encore que pour le galop, on ne doit faire sauterune amazone à main gauche. C'est difficile pour une com-mençante et dangereux, même pour une femme habituéeà sauter, car on n'est jamais sûr qu'un cheval qui saute netombera pas, et la chute à main gauche est des plus gravespour la femme.

LE TROT AL'ANGLAISE

En suivant la gradation des premières leçonsque je vous ai indiquées et après avoir subil'épreuve du saut, vous pouvez être certain que

votre élève aura acquis autant de solidité que si elle avait pilédu poivre à la française pendant une douzaine de leçons et seraassez à cheval pour exécuter tous les mouvements qu'il vousreste à lui apprendre.

Nous allons donc retourner un peu en arrière, prendre letrot, mais le trot à l'anglaise. Trotter à l'anglaise consiste,pour l'amazone comme pour le cavalier, à s'enlever sur la sellepour éviter les réactions du trot. Expliquons donc comment

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elle devra s'y prendre pour éviter ces secousses et arriver leplus vite possible à ce résultat, car l'étude du trot à l'anglaiseest quelquefois pénible et peut retarder l'éducation de votreélève, en lui faisant perdre de l'assiette.

Cette fois, il vous faudra choisir non pas un cheval au trotraccourci plus ou moins raide et usé, mais une bête à alluresfraîches, et au trot enlevé, car c'est de ces deux qualitésque dépendra la réussite de ce que vous allez entreprendre.C'est encore à main droite dans le manège rond, le chevaltenu à la longe, toujours sans chambrière bien entendu, surtoutmaintenant que l'élève sait déjà suffisamment se servir de sesaides, qu'il faudra la faire trotter à une allure un peu allongée.L'élève devra se pencher en avant chaque fois que la secoussedu cheval déplacera son assiette au-dessus de la selle, et lefaire en s'appuyant moitié sur la jambe droite, moitié surl'étrier, par la plante du pied, le talon toujours descendu, bienentendu. Je vous recommande, lorsque l'élève aura essayé unefois ou deux ce mouvement sans parvenir à s'enlever, ce quiarrivera certainement pour commencer, de ne pas continuer àlui laisser faire de vains efforts pendant plusieurs tours demanège sans obtenir de résultat.

Il faudra, dès son premier essai, après deux ou trois battuesde trot où elle devra se pencher en avant d'une façon exagéréepour se faire enlever, lui faire reprendre son assiette au trotà la française en ayant soin, bien entendu, de remettre lecheval au pas, sans l'arrêter, après deux ou trois temps de trot,toujours pour ne pas lui donner de secousse. Il faudra lui fairerecommencer souvent cet essai de trot à l'anglaise.

Certaines femmes ont beaucoup de peine à prendre le mou-vement du cheval au trot à l'anglaise ; comme il faut avanttout ne pas les décourager et leur donner toutes les facilitéspossibles, il est un moyen qui réussit assez bien d'ordinaire

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pour les aider à s'enlever et à retomber juste sur la cadence dutrot. Il consiste à prendre la crinière avec la main droite, de façonà ce que l'élève puisse se soutenir le corps en l'air en s'aidantde la main chaque fois qu'elle est enlevée par le mouvementdu cheval. De toutes façons, en une ou très peu de leçons, onarrive à mettre une amazone au trot à l'anglaise, et lorsqu'ellesait y aller dans le manège elle aura bien plus de facilité à lepratiquer dehors, car le trot des chevaux est bien moins rac-courci à l'extérieur.

Une des grandes difficultés pour l'élève, dans le trot à l'an-glaise, est de conserver l'usage de ses aides et la bonne conduitede son cheval avec la main pendant qu'elle trotte de cettemanière. Ce n'est qu'avec une pratique un peu longue qu'ellearrivera à l'indépendance complète des mains et des jambes,indépendance qui lui permettra de rajuster ses rênes, d'adhéreraux flancs de son cheval et de maintenir sa cravache en place.

LES APPUYÉS Étant donné que l'amazone a besoin, ainsique le cavalier, plus que lui peut-être, d'être

maîtresse des hanches de son cheval, pour le ranger de côtétransversalement à droite et à gauche, afin d'éviter les obs-tacles ou pour s'approcher d'un trottoir, il convient d'indiquerdès maintenant comment une femme doit procéder pour faireappuyer son cheval à droite et à gauche.

Il faut donc lui montrer à pivoter sur l'avant-main et surl'arrière-main et à marcher au pas, au trot, voire au galop têteet croupe au mur. Considérant les allures traversées au trot etau galop comme faisant partie de l'équitation supérieure, nousne parlerons ici que des appuyés au pas.

L'appuyé au pas, pour la femme, s'obtiendra absolument parles mêmes procédés que pour l'homme, c'est-à-dire que, mar-chant à main droite, elle déviera la croupe de son cheval d'en-

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viron un mètre de la piste sans quitter le pas, en poussant leflanc gauche avec sa jambe, talon descendu, puis, redressantson cheval, elle l'appuyera à gauche, avec la cravache au flanc,

en le pressant fortement et en frappant si la bête offrait unerésistance. Mais ce que je lui recommande, surtout pour unefemme chez qui la cravache est tour à tour un aide et un ins-trument de correction, c'est de maintenir sa cravache auflanc du cheval lorsqu'elle a été obligée de le frapper pourle décider à céder et à ranger sa hanche, car la correc-tion se transforme ainsi en aide et le cheval comprendrabien plus facilement ce qu'on lui demande que quand onlui tapote constamment sur le flanc d'une façon vague. Ce

tapotement est disgracieux, incompréhensible pour le chevalet tellement irritant qu'il peut provoquer toutes sortes dedésordres. Si j'insiste sur cette pression soutenue après l'attaquede la cravache, c'est que je ne l'ai que bien rarement vue pra-tiquer.

Je lui recommande aussi, dans cet appuyé de croupe au murqui offre pas mal de difficultés pour l'amazone qui a tout le poidsde son corps à gauche, de tourner son épaule gauche en avant(épaule gauche avec épaule gauche du cheval) et de porter lapartie basse de sa jambe gauche en avant, en descendant le talon,de façon à ce que, dans la croupe au mur, la pression qu'elleviendrait à exercer sur le flanc gauche avec sa jambe ne fassepas obstacle à la pression que la cravache exerce sur le flancdroit.

Dans le mouvement de tête au mur à droite, au contraire,l'amazone ayant une grande facilité et se trouvant mêmeentraînée et déviée à cette main-là, la cravache devra êtreprête à retenir la hanche droite pour que jamais elle ne viennedéborder l'épaule et que le cheval en appuyant se trouve tou-jours dans de bonnes conditions pour bien croiser ses jambes

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sans les heurter, c'est-à-dire le nez en avant, puis l'épaule etla hanche en dernier.

En somme, dans ce mouvement d'appuyés tête au mur,croupe au mur comme dans tous les mouvements traversés,l'amazone ayant beaucoup moins de force dans la cravacheque dans la jambe devra mettre beaucoup d'autorité dansses effets de cravache et une grande réserve dans ceux de lajambe.

Je me suis beaucoup étendu sur la tête et la croupe au murexécutés par une amazone pour ne pas avoir à revenir sur lerôle que jouent la jambe et la cravache, car il ne varie jamaiset lorsque l'élève en sera bien pénétrée on n'aura qu'à lui faireexécuter : appuyés aux deux mains, pivot sur l'avant-main etsur l'arrière-main, voltes et pirouettes au galop.

RECOMMANDATIONS Il est un défaut, malheureusementtrop commun aux cavaliers et aux

amazones, surtout à ceux qui font de la haute école, c'est deregarder par terre dans la direction où va leur cheval, pourchercher à voir les pieds de devant. Cette manière de fixer leregard à terre est absolument disgracieuse : on dirait un écuyertravaillant en cherchant s'il n'a rien perdu sur le sol. Le profes-seur devra donc tenir, dans les mouvements traversés commedans tous les autres, à ce que la tête de son élève soit en posi-tion naturelle, et que le regard soit porté en avant, sans toute-fois être forcé de passer entre les deux oreilles du cheval,comme on l'exigeait autrefois.

Autre remarque. Il arrive souvent que des professeurs nevoyant pas les jambes de leurs élèves, cachées par la jupe, leurlaissent prendre de très mauvaises habitudes.

Je conseille donc aux amazones qui veulent être bien placéesde tenir retroussé le bas de leur jupe par un moyen quelconque,

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afin que le professeur puisse corriger les défauts qu'il constate.Si je me permets de faire cette recommandation, c'est

qu'ayant eu occasion de donner des conseils à quelques dames,qui avaient fait leur éducation dans de très grands manèges, jefus surpris de voir qu'elles avaient la pointe du pied droit con-tracté et en l'air, ce qui faisait une troisième fourche à leur selleet était plutôt disgracieux. En outre, elles avaient le taloncomplètementremonté, alors qu'il doit être bien descendu pourque la plante du pied adhère à l'étrier, et que le bas de la jambe,tombant droit, soit indépendant de l'articulation du genou.

L'ÉPERON L'éperon, pour la femme comme pour l'homme,devra être place de telle sorte que les molettes

soient assez basses pour ne jamais intervenir avant l'action desjambes. Ces molettes, à part certaines exceptions dans la hauteécole, devront être douces et pour ainsi dire inoffensives.

Je rejette avec énergie l'emploi d'un éperon, dit à aiguillon,qui n'est autre qu'une pointe très acérée dont l'emploi brutalblesse le cheval et peut occasionner les pires défenses.

LA DESCENTE Je ne veux pas terminer l'équitation élémen-taire sans dire comment une temme doit des-

cendre de cheval puisque j'ai dit comment elle devait y monter.Lorsque l'amazone aura fini sa leçon ou sa promenade et que

son cheval sera arrêté, elle dégagera d'abord son pied gauche del'étrier, puis passera la jambe droite par-dessus la fourche afinde bien la dégager et de se trouver assise sur le cheval, lesjambes pendantes ; alors, se soutenant bien sur sa fourche de lamain droite, elle donnera la main gauche à l'homme qui se tientdebout devant elle, et faisant le plus possible face en avant, selaissera légèrement glisser à terre, si, bien entendu, c'est unefemme jeune et légère. Si elle est forte, l'aide devra la prendre

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par la taille et la soutenir dans sa descente, pour qu'elle netombe pas brusquement. (Voir photo.)

HAUTE ÉCOLEDE L'AMAZONE

Il me serait difficile, sans éviter les redites,de développer longuement ce chapitre, con-sacré au travail de haute école de la femme,

pour cette raison bien simple, que les moyens pour obtenir ledressage et le maniement du cheval dans cette spécialité, sontidentiquement les mêmes pour l'écuyère que pour l'écuyer.

Je me bornerai donc à préciser encore le seul point qui soitintéressant en l'espèce : le rôle de la cravache remplaçant pourl'écuyère la jambe droite.

Quant aux aptitudes particulières de la femme pour arriverà dresser un cheval, je dois avouer que, n'ayant que la cra-vache pour remplacer la jambe droite, cravache qui, pouvantparfaitement jouer le rôle de la jambe pour faire obéir un che-val dressé, devient insuffisante pour vaincre ses premièresrésistances, souvent très opiniâtres, elle se trouve dans uneposition d'infériorité.

Si, au contraire, la femme sait monter en homme, il n'y apas de raison pour qu'elle ne réussisse pas aussi bien que lui.

Pour donner une idée de la façon dont une femme devra agiravec sa cravache et avec ses jambes dans les galops, contre-galops et allures naturelles ou artificielles, cadencées, je pren-drai au hasard une de ces allures, le « passage ». L'ama-zone, se servant des effets de mains et de jambe combinés,absolument comme l'homme, pour obtenir la cadence et l'éléva-tion des diagonales, agira avec sa jambe gauche, comme l'hommeagit avec la sienne, et suppléera à la jambe droite par la pres-sion et le soutien de la cravache, de façon que le cheval, aulieu de se trouver pris entre les deux jjambes, le sera entre lajambe et la cravache.

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La même observation s'applique pour les pas et trot espa-gnols, galop sur trois jambes, etc. Je bornerai ici ces conseils,la place me faisant défaut pour joindre à ce livre un traitécomplet de Haute École féminine.

DES CHUTES Les chutes pour la femme sont beaucoup plusgraves que pour 1 homme, surtout les chutes

en dehors, les chutes à droite. Lorsque la femme se trouveversée, projetée à droite, elle tombe forcément sur la tête ousur l'épaule, ou si elle ne tombe pas, elle reste le pied accrochédans son étrier et à la merci du cheval qui, affolé par son corpsbattant sur les flancs, s'emballe jusqu'à ce qu'il tombe ou sejette dans n'importe quel obstacle.

La chute en dedans est aussi terrible.Lorsque la femme tombe à gauche, si elle s'accroche le pied

dans l'étrier, elle est traînée et capable d'aller s'écraser contretous les obstacles sur lesquels le cheval fou pourra la jeter. Non

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seulement dans cette chute en dedans elle peut se trouver accro-chée par l'étrier, mais encore par sa jupe; le danger reste aussigrand.

Examinons donc quels moyens elle a à sa disposition pouréviter les chutes.

La chute en dehors se produisant toujours quand le cheval,tournant à gauche, fait un tête-à-queue de ce côté-là, il faudraqu'elle ait soin d'éviter et d'empêcher même, si elle le peut,ce tournant brusque à gauche, en retenant le cheval par samain droite écartée, et en portant son épaule gauche enavant, car c'est lorsque l'épaule droite est entraînée en avantet fait dévier le corps dans tout son ensemble, de l'épaule

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à la hanche, que l'amazone tombe fatalement à la renverse.J'insiste beaucoup aussi, même pour les femmes qui ont l'habi-

tude du cheval. et qui, par conséquent, savent placer leurs épaulespour que, lorsqu'elles veulent tourner à gauche, elles ne le fassent"que dans le manège, pour les exercices réglés de l'équitationsavante, mais jamais dehors, à la promenade, aux allures vives,car en admettantque,par leur habileté, elles puissentse mainteniren selle en tournant à gauche, il n'en est pas moins vrai que lecheval se trouvant sur un mauvais terrain, pourra s'abattre, etalors tomber de tout son poids sur les deux jambes de l'amazone.J'ai vu une excellente écuyère, la princesse Ghyka, tomber àl'hippodrome de l'Aima, en exécutant une volte à gauche; elleeut les deux jambes brisées et mourut quelques jours après.

On est arrivé, par une façon de jupe très ingénieuse, décou-pée en dessous de l'assiette, à éviter que l'amazone se trouveretenue dans les fourches. Plus aucun danger pour les amazonesavec ces jupes, de rester accrochées.

Ainsi que je l'ai démontré dans la description de la selle, ilexiste depuis quelque temps une étrivière àdéclanchement,danslequel le poids du corps, dans la chute, entraîne à la fois l'étrieret l'étrivière.

Dans d'autres systèmes, c'est l'étrier lui-même qui s'ouvre,laissant libre le pied de l'amazone à la moindre pression.

AVANTAGE DE LAVOLTIGE POUR LESJEUNES FILLES

Puisqu'il est de mode pour les femmesde se donner des allures masculines,qu'elles sont, de nos jours, mairessesen Angleterre, doctoresses ou avocates

dans notre pays, pratiquent avec ardeur les mêmes sports que leshommes, jusqu'à la lutte, la boxe, le jiu-jitsu, je crois qu'elles nesauraient mieux faire que de les imiter dans l'exercicede la voltige.

La voltige, en somme, n'a rien de plus choquant pour la femme

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que cette équitation à califourchon, si en faveur depuis quelquetemps.

La voltige se faisant au galop, plus de secousse funeste pourles organes de la femme, elle comprend le saut et la course àpied, développe les bras et les épaules, fortifie les poumons; enfindonne une vigueur et un assouplissement général à tout le corps,

sans jamais l'épaissir et lecharger de muscles proémi-nents. Elle n'a pas le côtéardu de la gymnastique, et,tout en donnant un entraîne-ment parfait, elle prépareadmirablement à tous lesgenres d'équitation.

C'est aux bienfaits dela voltige que les plusmaladroites devront leuradresse, et les plus lourdesleur légèreté.

La voltige aurait enfin,souhaitons-le, l'avantage de libérer nos élégantes d'un empri-sonnement néfaste dans un corset tortionnaire et de les dissua-der de talons incommodes sur lesquels certaines, semble-t-il,prennent plaisir à se jucher.

Je suis certain que si les jeunes filles essayaient de voltiger,cet exercice ne tarderait pas à compter parmi leurs sports favorisaussi bien que le patinage, le tennis et le golf.

Les exercices propres au développement et à la culture phy-sique de la femme devant être combinés de façon à ne jamaisaltérer l'élégance de ses formes, je ne pourrai mieux appuyer mondire que de vous renvoyer à l'ouvrage si autorisé de M. ÉmileAndré : YEducation physique et sportive des jeunes filles.

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LES SOINS DU CHEVAL

LES SOINS A L'ÉCURIE.ALIMENTATION. HYGIÈNE

pOUR qu'un cheval soit dans de bonnes conditions de santé,il faut qu'il soit bien logé, bien nourri et ait des soins

minutieux de propreté.Je ne parlerai pas du cheval en stalle; à mon avis, il y est

toujours mal, condamné à l'immobilité la plus complète unepartie de son existence ; il est en outre très gêné et exposé àtoutes sortes d'accidents, prises de longe, tour de rein en seretournant, effort en cherchant à se relever, etc., etc.

Si donc, on a un cheval d'une certaine valeur, il sera toujourspréférable de le mettre en box, box qui devra avoir de 3m,5o à4 mètres sur chaque dimension et environ 2ID,SO de haut. Cesbox devront être tenus avec une grande propreté, et pavés avecrigoles d'écoulement d'eau.

On y mettra une mangeoire d'encoignure à rebords arrondiset jamais de ratelier, parce que le foin mis dans le ratelier au-dessus de la tête du cheval laisse tomber des bribes quisalissent sa crinière et sa tête ; d'autre part, en mangeantcomme à la prairie, il fatigue moins ses jarrets.

Il est très important que ces box soient bien éclairés parune fenêtre et très aérés par une large ouverture, car, tant que

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les chevaux ne seront pas en sueur après le travail et que la tem-pérature sera douce il faudra laisser cette fenêtre ouverte afinque le cheval puisse profiter de l'air nécessaire à sa santé.

La nourriture normale d'un cheval de selle se compose depaille, de foin, de son et d'avoine. On y joint des carottes enhiver et de l'herbe en été. Les rations de fourrage varient sui-vant le travail que fait le cheval et aussi suivant sa taille. Uncheval de im,65 qui travaille doit manger de 12 à 15 litresd'avoine, 6 litres de son, une demi-botte de foin, une botte depaille. Un cheval de 1ID,60 : 10 litres d'avoine, 5 litres de son,1/4 de botte de foin, une botte de paille. S'il a 1m,5S, on lui don-nera : 8 litres d'avoine, 4 litres de son, 1/4 de botte de foin etune botte de paille. Pour les chevaux en box, il faudra donnerde une botte et demie à deux bottes de paille pour tenir comptede la litière.

Quand le cheval ne travaille pas, il est nécessaire de le ration-ner, surtout sur l'avoine (d'un tiers et même de la moitié) carl'avoine est, comme la viande pour l'homme, une nourriture tropsubstantielle ; et surtout le museler la nuit pour l'empêcher dese bourrer de paille.

Afin que les chevaux aient toujours l'intestin libre, on leurdonne, deux fois par semaine, un mélange d'avoine, de son etde graine de lin sur lequel on jette de l'eau bouillante qui cons-titue ce qu'on appelle un mash. Deux ou trois litres de mashdevront remplacer le repas du soir au jour fixé pour ce change-ment de nourriture.

Pour faciliter le pansage d'un cheval, on le faittondre tous leshivers et on lui coupe même la crinière, ce qui oblige à biencouvrir les chevaux pendant la saison froide avec des couver-tures à poitrail. Le cheval, ainsi rasé et sans crinière, est bienplus facile à panser.

Mais où il mérite surtout des soins, c'est lorsqu'il sort ou qu'il

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chasse. Il doit être immédiatement bouchonné, lavé à l'eauchaude, bien séché; on doit lui mettre des bandes de flanelleaux quatre jambes pour empêcher que les extrémités ne s'en-gorgent. Le pied doit être l'objet de soins tout particuliers,après avoir été bien lavé extérieurement et intérieurement, lacorne, surtout à la couronne, devra être graissée deux fois parjour.

Ses naseaux, ses yeux et toutes les parties dépourvues depoils seront lavées à l'eau tiède et séchées immédiatement.

Il est un usage qui a de grands avantages, c'est celui dedoucher les chevaux à l'eau froide. Cette douche, non seule-ment nettoie, mais raffermit les tissus. Elle offre l'inconvénient,si elle est donnée à un cheval ayant chaud, de beaucoup lerefroidir, même s'il était séché tout de suite. Je ne la conseilledonc ainsi que le lavage complet du cheval, qu'aux proprié-taires qui ont à leur disposition un personnel assez nombreuxpour pouvoir, après avoir donné une douche très courte et faitun lavage rapide, mettre plusieurs hommes pour sécher, fric-tionner, masser le cheval jusqu'à ce qu'il n'ait plus un poilmouillé et qu'il se soit opéré chez lui une réaction assez fortepour que la chaleur soit revenue quand il est à l'écurie.

Faute de quoi, les angines, pleurésies, congestions pulmo-naires, seraient, à mon avis, bien à redouter.

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LE CHEVAL D'ARMES

LE CHEVAL DE GUERREA TRAVERS LES AGES

HISTORIQUE Nous serons brefs en nous bornant à montrerquels furent, à chaque grande époque. 1 emploi

et le modèle du cheval d'armes ; un long développement seraiten effet fastidieux.

La tradition ne nous a pas conservé le nom du premierhomme qui se servit d'un équidé pour lutter avec ses sembla-bles ; mais, dès la plus haute antiquité, nous connaissonsl'emploidu cheval à la guerre. Les monuments assyriens, grecs, égyp-tiens ont transmis jusqu'à nous le type des chevaux employés.Sans insister sur le siège de Troie, sur les guerres de Sésostrisavec sa cavalerie régulière et ses chars de combat, nos lointainssouvenirs nous rappellent l'engloutissement dans la Mer Rougedes escadrons de Pharaon et de ses chariots. Faut-il rappeler quece fut à leur cavaleriedisciplinée que Philippe et son fils Alexandrele Grand durent leurs succès sur les Grecs et sur les Perses?

Jusqu'à leurs luttes avec Carthage, les Romains n'eurentqu'une faible cavalerie et furent obligés de recourir à leursalliés pour soutenir leurs légions. Annibal dut à ses cavaliersune partie de ses victoires, mais, après treize ans de batailles,Rome acheta ses auxiliaires gaulois et numides, et, grâce àleurs escadrons, Scipion put porter en Afrique la guerre décisive.

Les Francs conquirent la Gaule avec leur infanterie, et ce ne

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fut que sous Charlemagne que la cavalerie égala le nombre descombattants à pied ; mais dorénavant, jusqu'à l'apparition desarmes à feu, la chevalerie va régner en maîtresse, et les preuxbardés de fer, montés sur de lourds destriers, laisseront aprèseux de glorieuses légendes. Rappelons seulement les Croisades,car elles soulignent la lutte des légers cavaliers sarrasins,couverts de cottes de maille, contre les chevaliers à la pesantearmure.

Quel fut le cheval de ces preux, quel sera le cheval d'armesjusqu'à l'apparition des bandes légères, hongrois, pan-dours, etc...? Un cheval de grande taille lourd et charnu sortiprincipalement de l'Andalousie ou des Flandres, pouvantporter un gros poids mais pendant peu de temps. Nous voyons,pour le ménager, le chevalier monter un second cheval jusqu'aumoment du combat, et les écrits du temps nous parlent conti-nuellement dela lassitude des chevaux mettant fin à la bataille.

L'apparition des armes à feu amène, après de sanglantes ten-tatives de résistance, la disparition du choc de cavalerie. Désor-mais, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la cavalerie fera usagede ses armes à feu avant la charge, ne la mènera guère qu'autrot et ne s'attaquera qu'exceptionnellement à l'infanterie.

Gustave-Adolphe doit à sa cavalerie rapide et mobile sesvictoires sur les lourds escadrons des Impériaux.

Les guerres de Louis XIV voient, à leur début, la disparitionpresque totale de la cuirasse et l'apparition des régiments decavalerie légère qui, avec les dragons, constituent une grandepartie de la cavalerie. Des tableaux, spécialement ceux de Vander Meulen, nous font voir quels étaient les chevaux (gros fla-mands viandards) utilisés de préférence à cette époque.

L'augmentation de puissance des armes à feu amène la cava-lerie à ne plus charger que sur trois rangs et à une allure unpeu plus vive ; mais, tandis que l'on voit, en France et dans

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l'Europe occidentale, la cuirasse faire une réapparition,Charles XII porte sa cavalerie en avant sans aucune armedéfensive et la fait charger sans feu préalable, non seulementcontre la cavalerie, mais encore contre l'infanterie.

Il ne faut pas croire par le tableau de Mazeppa lié sur uncoursier fougueux que les chevaux de guerre de l'époque étaientde sang. Les Suédois firent leur brillante randonnée dansl'Europe centrale sur de grands chevaux de type assez lourd,Frisons ou des provinces baltiques. Seuls, les Cosaques inter-vinrent avec leurs petits coursiers à tous crins, aussi laids querésistants, que nous retrouverons d'ailleurs de 1805 à 1814.

Pendant presque tout le règne de Louis XV, la cavalerie secompose de 56 régiments dits de cavalerie, de 2 de hussards etde 14 de dragons à effectifs très variables.

Vers 1740, avec le maréchal de Saxe, nous voyons une aug-mentation de la cavalerie et l'apparition des corps francs.En 1745, à Fontenoy, la charge à fond de la cavalerie françaisesur la colonne anglaise échoue une première fois et ne réussitqu'à un deuxième retour après l'intervention d'une batteriemobile d'artillerie; ce fut la première liaison complète et signi-ficative des deux armes.

Mais c'est avec Frédéric II que la cavalerie prend enfin toutson essor. Avec Zeidlitz, avec Ziethen, il transforme « cescolosses sur éléphants » en une cavalerie sachant monter àcheval, instruite, souple, rapide et manœuvrière. Il lui doitnon seulement la victoire mais ses conquêtes et la conservationde son trône. Aussi, désormais, toutes les cavaleries de l'Europetenteront-elles d'imiter ce qui se fait en Prusse.

Au début de la Révolution, la France possède 28 régimentsde grosse cavalerie (la cuirasse a disparu), 18 de dragons et18 de légère. L'émigration des officiers, la suppression et latransformation des anciens régiments vont désorganiser notre

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cavalerie déjà si inférieure en nombre aux escadrons de la Coa-lition. C'est à cette cause que nous devons attribuer nos pre-miers insuccès et la longueur de nos guerres civiles.

Notre cavalerie fut donc très médiocre au début des guerresde la Révolution : elle n'avait ni chefs expérimentés, ni soldatsinstruits, ni chevaux. Les combats fréquents l'aguerrirent, et,quand elle aura trouvé des chefs formés par dix ans de lutte,elle viendra facilement à bout de la célèbre cavalerie prus-sienne.

En 1804, notre cavalerie comptait 74 régiments, dont 12 decuirassiers qui réapparurent alors brillamment ; par des aug-mentations successives, elle atteignit le chiffre de 94 régi-ments.

Faut-il rappeler ses glorieuses étapes : Madrid, Berlin,Vienne et Moscou virent nos escadrons triomphants. Faut-ilciter les noms éclatants de Murat, de Lassalle, de Caulaincourtet de tant d'autres ? N'oublions ni les belles charges d'Eylau, dela Moskova, de Waterloo même, ni les fantastiques résultatsdus à la cavalerie en 1806.

Impossible à cette glorieuse époque de définir le type dechaque cheval d'armes, quand nous voyons dans une mêmecampagne un cavalier user jusqu'à 4 chevaux; tel cuirassier,parti sur un normand, finissait la guerre sur un petit chevalpolonais, après avoir usé entre temps un allemand réquisitionnéou un cheval cosaque conquis de haute lutte. Les chevaux, fortmal soignés d'ailleurs, galopaient, mais ne duraient pas.

Notre cavalerie disparut dans les neiges de Russie, et l'onpeut attribuer en grande partie la chute de Napoléon à sa cava-lerie trop jeune et trop peu nombreuse.

La Restauration réduisit considérablement le nombre de nosrégiments. La conquête de l'Algérie nous amena à y constituerdes troupes spéciales, chasseurs d'Afrique et spahis.

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C'est en grande partie à la mauvaise direction et à l'emploidéplorable de notre cavalerie que nous devons nos reversde 1870, les innombrables surprises de nos troupes, l'ignorancecomplète des mouvements de l'ennemi avant Wœrth, aprèsRezonville, avant Sedan.

Aujourd'hui, la cavalerie française, digne de ses glorieuxancêtres, comprend 89 régiments : 13 de cuirassiers, 31 de dra-gons, 21 de chasseurs, 14 de hussards, 6 de chasseurs d'Afriqueet 4 de spahis.

CE QU'IL EST— CE QU'IL DE-VRAIT ÊTRE

Voyons maintenant ce qu'est le chevald'armes actuel et ce qu'il devrait être.

Nous allons, dans cette étude, faire fré-quemment et largement appel aux principes

qui sont si vaillamment défendus par la Société d'encouragementà l'élevage du cheval de guerre : nous ne pouvons, en effet, nousrecommander de meilleurs maîtres. Grâce à eux, l'armée com-mence à obtenir ce qu'elle désire et tous rendent hommage desrésultats obtenus à ces sportsmen, hommes de cheval accomplisautant que bons patriotes, qui consacrent si généreusementtous leurs efforts à la défense des intérêts de l'armée ; qu'il noussoit permis de leur exprimer ici toute notre admiration et notrereconnaissance.

Que veut la Société du cheval de guerre ? Que l'éleveur fassele cheval demandé par l'armée et non pas que l'armée acceptele cheval de rebut imposé par l'éleveur. Jusqu'ici, l'éleveurétant électeur, l'officier ne l'étant point, on devine lequel desdeux recevait satisfaction. N'insistons pas en outre sur desdivergences de vues qui ont pu un moment se produire entreles remontes et les haras ; ces conflits paraissent aujourd'huiterminés et tout permet d'espérer que l'entente actuelle donneraà l'armée pleine satisfaction.

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Que veut donc l'armée? « L' armée a besoin de chevaux deselle pour ses officiers, pour sa cavalerie et aussi pour sonartillerie à cheval. Elle en possède d'excellents — encoreque très perfectibles — qu'elle tire des races du Midi etqui remontent sa cavalerie légère à la satisfaction de tousceux qui servent dans cette arme. Elle rien possède paspour les poids lourds, ni même pour les poids moyens, del'avis de tous ceux qui servent dans les cuirassiers et lesdragons. » Elle a, en effet, devant elle « l'ignorance de la plu-part des éleveurs sur toutes les questions qui ont trait aumodèle et aux allures du cheval de selle ». Dans la FranceChevaline du 25 août 1906, sous la signature de M. LouisBaume, un des hommes dont la parole et la plume ont le plusd'influence en Normandie, on peut lire le passage suivant :

« ... Avec toutes ces théories de bascule, on arrivera à fairedisparaître certains élevages, et je crois que, dans quelquesannées, on ne recrutera plus les cuirassiers, leur type, en effet,étant solidaire du cheval de coupé trois quarts. »

Pour nombre d'éleveurs, un cheval de selle n'est qu'un laissépour compte, une épluchure, un déchet, alors qu'il doit êtreau contraire le chef-d'œuvre de l'espèce.

Le cheval d'armes doit marcher très vite, très longtemps etagréablement sous un très gros poids (120 à 150 kil.). Voilà pour-quoi il exige un élevage absolument spécial, avec des élémentsspéciaux, d'où découlent des aptitudes et des allures spé-ciales.

« La race anglo-normande, abondamment truffée de Norfolk,est une race d'un geste incomparable, mais elle ne saurait, avecses étalons et ses poulinières actuelles, prétendre donner desallures de cheval de selle. Uniquement sélectionnée sur l'alluremarchande du trot, c'est-à-dire du trot haut et brillant, il luimanque aussi une des allures indispensables au cheval destiné

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à porter le cavalier à travers champs, — le galop. Les quelquescas isolés, qu'on ne se lasse pas de citer, ne sauraient rien modi-fier à ce jugement. Ce n'est pas parce qu'une race peut fournircinq, dix ou quinze pour cent de sujets exceptionnellement uti-lisables pour la selle — sujets d'ailleurs considérés par l'éle-veur comme les produits manqués de son élevage — qu'elleméritera le nom de race de selle. » C'est cependant encore larace normande qui aujourd'hui fournit tous les cuirassiers etnombre de dragons.

A l'heure actuelle, le galop est presque une allure prohibée,une allure exceptionnelle, de cérémonie, réservée au 14 juillet...mais formellement interdite au service en campagne.

« Cependant, les allures du cheval de guerre sont bien le paset le galop. Ce sont celles des peuples guerriers et cavaliers.L'Indien, le Cosaque, l'Arabe, le Boër n'en connaissent pasd'autres. Il en est de même de nos cavaliers et de nos chevaux,aussitôt que les circonstances leur permettent de s'affranchir dela discipline de route et les rend à leur instinct. Il n'y a qu'àse rappeler ce qui se passe aux manœuvres, les reconnais-sances, les isolés, les estafettes et, après les longues attentesdes escadrons en masse, les subites envolées à travers les ravinset collines, les déploiements, la poursuite. Dans toutes ces cir-constances, l'allure employée n'est-elle pas le galop ? »

« Avec l'armement actuel qui chaque jour étend plus loin sanappe de feu, avec les effectifs énormes de combattants et deconvois qui multiplient la profondeur des colonnes, l'éloigne-ment des ailes et par conséquent les distances à parcourir, par-fois sous des rafales de fer, plus que jamais s'impose la néces-sité du vol rapide ; et voilà pourquoi il faut un cheval qui aitle galop à fleur de peau et non un cheval auquel il faille arra-cher cette allure à coups d'éperons — comme avec un forceps

— du plus profond de ses entrailles. »

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« Aux manœuvres, on marche beaucoup sur les routes et lemoins possible à travers champs, à cause des indemnités àpayer; en campagne, ce sera l'inverse. L'armée, comme unemarée humaine, roulera ses flots au milieu des campagnes. Or,il y a là des coupures innombrables, des sillons transversaux,des fossés de route, des ornières, des contre-hauts, des contre-bas qu'il faudra franchir à toutes les allures. Voilà pourquoi ilfaut des chevaux adroits. »

L'adresse s'acquiert, c'est certain, mais seulement dans unecertaine mesure et d'autant plus promptement qu'on en possèdeles éléments.

Ces éléments sont la bonne ouverture de l'angle scapulo-huméral et la puissance de l'arrière-main.

« Si la longueur et la direction couchée de l'épaule, jointesà la bonne orientation du garrot, aident à l'équilibre par larépartition judicieuse du poids du cavalier, c'est la longueuret la verticalité de l'humérus, plus encore que la direction del'épaule, qui donnent au cheval l'adresse et engendrent la faci-lité des allures en permettant le poser des antérieures. »

Le cheval de selle doit encore avoir la puissance de l'arrière-main, génératrice de l'impulsion, car elle rend le cheval maîtrede sa masse et par conséquent de son équilibre ; elle lui donnele libre emploi de ses jarrets qu'il peut engager plus ou moins ;

il peut alors se reprendre, s'asseoir ou s'allonger, suivant lescirconstances ; en un mot, il est maître de son poids et de savitesse.

N'insistons pas plus longuement sur le modèle type du che-val d'armes : il n'est autre que celui du vrai cheval de selle. Lasociété du cheval de guerre résume en deux qualificatifs le che-val rêvé pour l'armée : elle le veut ogival et confortable.

Mais comment obtenir ce type idéal ?

De l'avis de tous les cavaliers, de ceux du moins qui ne se

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pendent pas à la bouche de leurs chevaux, le cheval de pursang est le roi des chevaux de selle.

« Fils de l'arabe sélectionné pendant trois mille ans sur sesaptitudes à porter l'homme à travers le désert, aux allures lesplus rapides, soit à la poursuite de son ennemi, soit à la chasseà la gazelle, il possède, accumulée en lui, la quintessence detoutes les beautés, c'est-à-dire de toutes les vertus : vitesse,énergie, charpente, endurance, adresse, souplesse, modèle ! Sidonc, comme ses ancêtres, il est choisi avec soin et si lesjuments qu'on lui amène le sont également, c'est bien à lui, ouà ses fils, que reviendra l'honneur de faire l'étalon de selle,sans lequel il ne saurait y avoir de race de selle. »

C'est donc, en principe, l'étalon de pur sang qui, allié à debonnes juments de demi-sang, doit être le père de notre chevalidéal. Nous disons en principe, ceci pour ne pas nous mêler àde longues polémiques encore inépuisées, et aussi parce quenous croyons que de loin en loin il faudra revenir à l'étalon dedemi-sang amélioré pour redonner du gros aux produits.

Après avoir vu ce que demande la cavalerie, voyons ce qu'ellepossède dans chacune de ses subdivisions d'armes.

CAVALERIEDE RÉSERVE

Si les cuirassiers passent pour les successeursdes anciens chevaliers bardés de fer, leur mon-ture diffère totalement du modèle épais des

destriers de combat ou de tournoi. Ce n'est plus la masse deviande, le cheval d'omnibus, le modèle à la Van der Meulen.Pourquoi ce changement? La guerre moderne, avec ses armesà tir rapide et à longue portée, n'exige plus seulement la masse,elle exige encore, nous l'avons déjà dit, la vitesse ; donc, mêmepour le cheval de grosse cavalerie, il faut du sang, du sangdans la masse.

Ce n'est plus de longues marches au trot, suivies d'un court

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temps de galop, précédant la charge finale, que doit pouvoirsupporter le cheval de cuirassiers : il faut qu'il galope et qu'ilgalope longtemps sous un poids lourd ; seul le sang peut lesoutenir.

Le cheval de cuirassiers actuel est, en général, un cheval à laforte ossature, à l'épaule trop droite, avec un développementconsidérable de la masse musculaire, souvent empâté et avecun coffre trop ample pour les membres appelés à le supporter.Le sang lui manque, ou si les croisements lui en ont donné unedose suffisante, il est alors quelquefois décousu et mald'aplomb. « Les bons eux-mêmes sont plutôt chevaux de traitque chevaux de selle. » (Jacoulet.)

Sa taille varie de 1',56 à Im,62.Son prix moyen d'achat oscille d'ordinaire entre i.ioo et

1.300 francs.Les chevaux de troupe de grosse cavalerie se recrutent sur-

tout dans les carrossiers de race normande laissés pour compteet dans les trotteurs ratés de même origine. Actuellement,disons-le franchement, le cheval de cuirassiers ne répond ni auxdesiderata des officiers, ni aux exigences de la guerre moderne.Devant les plaintes unanimes de l'armée, devant les efforts dela Société du cheval de guerre, devant aussi l'avènement del'automobile et la disparition de l'attelage de luxe, une transfor-mation tend à s'accomplir : après avoir fulminé, menacé, etc.,les éleveurs normands paraissent se rendre compte que ledébouché du cheval de coupé va disparaître et que le seulmoyen d'éviter une crise ruineuse de l'élevage est d'accorderenfin à l'armée ce qu'elle demandait depuis si longtemps. Puis-sions-nous bientôt voir des deux côtés de la Manche la pro-duction de l'Irlandais.

Le cheval de l'officier de cuirassiers est soit un cheval du typetroupe avec plus de sang et de distinction, soit un cheval de

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pur sang de IUl,60 à IUl,6S, par suite de prix élevé, s'il est biensuivi : il faut, en effet, dans ce dernier cas, que l'officier n'aitpas l'air de monter une sauterelle devant les chevaux assezmassifs des escadrons. Il serait donc à souhaiter que ce pursang se rapprochât du type de ceux que nous voyons chez Bart-lett, qui ne rappellent en rien nos claquettes, de ces chevauxfortement charpentés et doublés auxquels on n'attribuerait pasà les voir le nom de pur sang s'il ne nous en était donné despreuves indéniables et dont la plus convaincante est encore demonter dessus.

CHEVAUXDE DRAGONS

L'état de choses, les desiderata que nous avonsexposés pour le cheval d'armes en général etcelui de cuirassiers en particulier, sont en

grande partie à répéter pour la cavalerie de ligne.Le cheval de dragons n'est souvent qu'un carrossier de Caen

ou de Saint-Lô, trop léger et trop petit pour remonter (commepis aller) un cuirassier,plus suivi et plus concentré que ce derniermais parfois aussi possédant plus de sang et des membres plusproportionnés au corps. Nous avons cependant vu dans des pré-sentations de très jolis lots de chevaux provenantde régimentsremontés en anglo-normands : mais ce n'étaient que des sujetsde choix, triés sur le volet parmi un effectif de 600 chevaux.

Certains corps sont remontés par les dépôts du Sud-Ouest etdu Centre : ils en reçoivent des chevaux de sang dont ils sonttrès satisfaits.

La taille varie de 1Dl,51 à 1ID,57 ; le prix d'achat oscille entre900 et 1.100 francs pour la troupe, 1.200 et 1.400 francs pourles chevaux de tête.

L'officier de dragons, n'ayant pas besoin d'une monture dehaute taille et ne trouvant pas, comme l'officier de légère, dansle rang de chevaux de sang, est peut-être, parmi les officiers

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de cavalerie, celui qui s'adresse le plus au commerce pour seprocurer des pur sangs.

CHEVAUXDE LÉGÈRE

Si la remonte des dragons études cuirassiers exigeencore de grands progrès, il n'en est pas demême de la cavalerie légère ; nous pouvons le

dire hardiment : nous ne craignons sur ce point la comparaisonavec aucune des puissances européennes.

Le cheval du midi, le demi-sang anglo-arabe fait la base dela majorité de notre cavalerie légère. Il y a quelques années,sur 150 chevaux d'un escadron : 120 étaient de demi-sang anglo-arabe, 30 étaient de pur sang anglais ou arabe.

Nous ne pouvons discuter ici auquel du pur sang anglais ouarabe, ou du demi-sang anglo-arabe il y a lieu de donner lapréférence comme cheval de rang. Le colonel Champion, donton connaît la haute compétence, n'hésite pas à préférer les demi-sangs anglo-arabes, où le sang anglais domine.

Quoi qu'il en soit, nos chevaux du Midi sont des chevaux deselle et de très bons chevaux de selle. Peut-être serait-il exa-géré de dire : nos seuls chevaux de selle. Ils sont brillants, fins,légers, élégants, pleins de cœur et de nerf. Ce serait parmi euxqu'il faudrait en cas de besoin aller chercher la plus grandepartie du supplément de chevaux nécessaire à notre défensenationale. Aussi ne devrait-on pas lésiner les encouragementsà cet élevage insuffisamment rémunéré, surtout vis-à-vis desproducteurs normands.

Certains régiments de légère ne sont pas fournis par le Midi :

ils ne peuvent dans leur ensemble soutenir la comparaison. Ala formation du 13" hussards (on sait qu'à ces moments malgréles ordres ministériels, les colonels se séparent généralementde leurs plus mauvais éléments), le peloton fourni par le 2e chas-seurs et remonté en chevaux de Tarbes était très supérieur à

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tous les autres. Toutefois Guéret et Aurillac envoyent des che-vaux préférables aux médiocres produits de la Normandie.

Leur taille varie de im,48 à im, 54 (plus ils sont petits, meilleursils sont); leur prix oscille pour le rang entre 800 et 1.000 francs(chiffre insuffisant).

CAVALERIED ' ALGÉRIE

Elle est fournie par les trois provinces d'Oran,d'Alger, de Constantine et par la Tunisie.

L'Algérie est, on le sait, le berceau de la racebarbe : inutile de décrire ses fastes depuis la cavalerie d'An-nibal et de Massinissa jusqu'à nos escadrons de Crimée, duMexique et de 1870.

Les chevaux du Tell, du Sahara et des Hauts-Plateaux ont desdifférencestrès sensibles. Partout, cette dernière région est la par-tie la plus cavalière et celle où l'élevage est le plus nombreux.

La population chevaline est en décroissance constante : laprincipale cause en est notre civilisation, qui a supprimé lesguerres, enlevé les terres aux indigènes, et tend à cantonnerles nomades. Ajoutons-y le manque de soins, la disparition desgoums, la dourine, l'impossibilité de l'élevage par les Européensvu la modicité du prix de vente, etc., etc.

La race barbe pure n'existe plus aujourd'hui : l'introductionsuccessive et répétée de syriens, de purs sangs anglais et anglo-arabes, l'ont profondément modifiée.

Nous ne limiterons pas la description du cheval algérien àces trois appréciations aussi laconiques que pessimistes : crouperonde, mauvais pieds, pas de trot. M. Jacoulet a remarquable-ment décrit le cheval de notre France africaine.

Voici, en résumé, son opinion :

Cheval fort pour sa taille, vigoureux, énergique, résistant auxfatigues, misères et privations ; — peu impressionnable, docile,très maniable, robuste et de longue durée ; — tête forte, un peu

Page 384: L'équitation et le cheval Ernest Molier

chargée de ganaches ; œil couvert ; crâne large, front et chan-freins busqués ; oreilles longues

,mais fines ; encolure forte,

souvent courte, bien greffée, mais mal dégagée des épaules ;

ligne de dessus tranchante, reins courbes, souvent convexes ;

croupe oblique, ronde ; hanches saillantes ou effacées; croupe

en cul-de-poule ; queue attachée bas, tombant entre les fesses;cuisses courtes ; poitrine ample, haute et longue, plus ou moinscintrée ; — membres forts ; tendons moins bien détachés quechez l'Arabe ; jarrets souvent clos ; pâturons longs et bas jointésépaules en avant ; crins abondants ; robe ordinairement grise ;

taille moyenne ou petite (Im,40 à ¡ill,60). Son prix maximum estde 760 francs (chevaux de tète).

LE CHEVALD ARTILLERIE

Jadis, quand les remontes ne savaient oùclasser un cheval, elles l'attribuaient, disait-on, à l'artillerie. Cette boutade s explique par

les types divers de chevaux que les multiples services imposentà l'artillerie : depuis les attelages des Rimailho jusqu'à ceuxdu 75, depuis les chevaux de batteries à cheval jusqu'aux che-vaux de sang des officiers, quelle marge!

Ne nous attachons ici qu'au cheval de troupe des batteries de

campagne. Il se rapproche, et devrait se rapprocher du typedragons, avec un peu plus de gros, surtout pour les batteriesmontées. Le temps est passé où l'artillerie pouvait se conten-ter des chevaux de labour trottant quelque peu derrière descapitaines et des adjudants mastodontesques et n'usait qu'excep-tionnellement du galop. Aujourd'hui, nos officiers d'artilleriemontent à cheval, et montent remarquablement ; ils se rendentcompte en outre que la guerre de demain exigera, d'eux aussi,l'emploi fréquent et soutenu du galop. A l'heure actuelle —soyons francs — ni nos petits ardennais, ni nos bretons n'onten général le degré de sang suffisant pour le travail qu'ils

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seraient appelés à fournir. Aussi comprend-on qu'un certainnombre de personnalités (et à leur tête le général Langlois) sesoient préoccupées d'améliorer cet état de choses (Société ducheval de trait léger). On peut toutefois se demander si, danscertaines régions, on a raison de chercher à modifier complète-ment l'élevage au moment où la science moderne (dirigeables,aéroplanes, automobiles) nous paraît en passe de bouleverser lesconditions de la guerre. Est-ce bien le moment de s'y dressercontre la tendance actuelle à ne plus produire que le cheval deselle et le cheval de labour ?

La taille de « l'artilleur » varie entre im,5i et 1m,62. La Nor-mandie, les Ardennes, la Bretagne sont les principaux produc-teurs ; actuellement le cheval d'artillerie doit être capable detraîner à toutes les allures, de 6 à 700 kilos dans tous les terrainset à travers tous les obstacles.

CHEVAL D'IN-FANTERIE

Sans entrer dans des exceptions assez nom-breuses, le cheval barbe remonte en grandepartie les officiers d'infanterie de poids ordi-

naire. Nous renvoyons à la cavalerie d'Algérie pour sa descrip-tion et ses qualités. Signalons le prix insuffisant auquel il estpayé aux indigènes et le stage qu'il fait dans les régiments decavalerie avant d'être remis aux intéressés.

Peut-être pour rajeunir les effectifs en chevaux des dragonset même des cuirassiers, y aurait-il intérêt à être plus large dansl'attribution de vieux chevaux à des officiers d'infanterie degros poids.

RATIONS

tFoin... 3 kg 500

Cuirassiers<

Paille .. 4 kg,

Avoine.. 5 kg 25°

Artillerie ; l0™--

2 kg 500et Dragons ?aille 3 kg 500

~ Avoine.. 5 kg

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nCavalerieî-i\ Foin.... 2 kg 500

légère /Paille ... 3 kg 500.. ,v Avoine... 4 kg 500

Cavalerie ( Foin" "

2 kg 5ooCavaleried Algérie /

~o »

& \ Orge ... 4 kg500

En campagne la ration de foin est identique, mais la pailleest diminuée de près de moitié ; en revanche l'avoine est aug-mentée.

Avant le service de deux ans, les chevaux d'âge se reposaientdu 25 septembre au 15 novembre; les économies d'avoine faitespendant cette période permettaient d'augmenter les rations auxmoments où le travail était le plus dur. Aujourd'hui les recruesarrivant au début d'octobre, les vieux chevaux — pas plus queles officiers et les gradés — n'ont de répit après les manœuvresdevant cette augmentation de travail ; vu la disparition des éco-nomies d'avoine on est parfois obligé de prélever sur la rationdes jeunes chevaux qui en ont cependant bien besoin.

Récemment a été mise à l'essai l'augmentation de la quan-tité d'avoine et la diminution de la ration de paille.

A époque fixe, le vert est donné aux chevaux, sans tenir assezsouvent compte des besoins individuels.

Les règlements autorisent des substitutions (son, farined'orge, etc.) sauf pour les chevaux d'officiers et de gradés;l'emploi par suite des formalités en est assez restreint.

FERRURE La ferrure de l'armée avec son ajusture anglaise,ses éponges arrondies et terminées en biseau est

trop connue pour que nous insistions. D'ailleurs l'habileté desmaréchaux militaires leur permet de fabriquer tous les fers spé-ciaux suivant les besoins du cheval.

Contre les glissades, l'armée fait usage de crampons en acierà vis tronconique largement filetée, et à tête carrée sans épau-lement. Chaque fer porte quatre mortaises d'attente.

Ce système a donné jusqu'ici de bons résultats.

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HARNACHEMENT La selle de troupe se compose d'un siègeet de quartiers en cuir, d'un arçon et d'un

troussequin métalliques, supportés par 2 bandes en bois, rem-bourrées de crin (on a essayé le liège) dans une toile extérieure.Une couverture pliée en quatre, le gros pli en avant, est placéeentre la selle et le dos du cheval.

Ce système donne d'assez bons résultats, au moins égaux àceux des autres cavaleries européennes. En tout cas la selle enusage en France est une de celles blessant le moins, alors que lecavalier est assez près de son cheval.

NOMBRE DECHEVAUX DESOFFICIERS ENTEMPS DE PAIX

Décret du 24 février igio.

Ministre de la Guerre 6Généraux suivant le grade et l'emploi. 3 à 5

Dans les corps de troupe de cavalerie et d'artilleriede campagne :

Colonel de cavalerie 3Colonel et Lieutenant-coloneld'artillerie \Lieutenant-colonel de cavalerie J

Chef d'escadron de cavalerie (

Chef d'escadron d'artillerie de campagne i

Capitaine d'artillerie ]

Capitaine de cavalerie................/

Lieutenant et sous-lieutenant de cavalerie et d'artil-lerie ....................... 1

Le nombre des chevaux alloués aux généraux a été sensible-ment et à juste titre réduit : il y eut en effet une époque où, àParis, aveG les chevaux non utilisés on aurait pu monter deuxescadrons.

Les lieutenants et sous-lieutenantsde cavalerie ont droit à undeuxième cheval, pendant la durée des manœuvres. Pourquoicependant certains chefs empêchent-ils les officiers à un ou deuxgalons d'emmener aux manœuvres leurs deux chevaux? Ce ne

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sont cependant ni les capitaines ni les chefs d'escadrons qui fontles reconnaissances, les patrouilles, les rondes et autres petitssuppléments réservés aux lieutenants. Espérons que le nouveaudécret empêchera les interdictions vexatoires, illogiques etirréglementaires.

Pourquoi d'ailleurs ne pas accorder en tout temps deux che-vaux aux lieutenants. Le deuxième cheval existe, il n'y a donc pasà faire de fraisp our l'acheter. D'autre part, les règlements nousdisent à chaque ligne qu'en temps de paix il faut se rapprocherle plus possible de ce qui se passe à la guerre : or, à la guerre,cet officier a deux chevaux. Pourquoi donc ne pas donner en droitaux lieutenants ce qu'ils possèdent en fait ?

ACHAT DU CHE-VAL D'ARMES

Les chevaux de l'armée proviennent, pour latrès grande majorité, des achats opérés parles commissions de remonte.

Le rôle des remontes, leurs opérations sont trop connues pourque nous insistions sur ce point.

Mentionnons seulement que les achats se font lorsque leschevaux ont au minimum trois ans, que leur prix maximum estfixé, et qu'il varie suivant que le cheval est qualifié « de tête »

ou « troupier ».Ce prix peut encore être augmenté par le moyen des primes

de majoration : une étude plus approfondie nous entraîneraittrop loin.

Achetés généralement à 3 ans faits, les chevaux sont jusquevers la fin de leur 4e année, envoyés dans des annexes deremonte et, de là, dans les régiments où ils passeront deux ansavant d'être en plein service.

Quelques corps (infanterie, artillerie, train, gendarmerie,génie) reçoivent des régiments de cavalerie des chevaux âgésou fatigués ou, encore, proposés pour la réforme.

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Les chevaux des officiers, à part quelques exceptions (géné-raux...) proviennent soit des corps de troupe (titre gratuit), soitdes achats par la commission de remonte des corps, soit de laremonte à titre onéreux quand l'officier ne revend pas sa pro-priété à l'Etat.

Généralementquand un jeune officier arrive dans un régimentet cherche à se remonter, ses nouveaux camarades, peu désireuxde voir en danger un bon cheval de leur peloton ou de leurescadron lui assurent que tous les chevaux sont tarés, rétifs ouinsuffisants. Si le malheureux débutant, par un subterfuge quel-conque, arrive à se procurer les noms des bons chevaux d'unescadron, il tombe alors entre les griffes du capitaine comman-dant et apprend de lui que le cheval en vue est deuxième mon-ture future d'un officier, appartient de fait, sinon de droit, à unsous-officier rengagé, ou encore est retenu pour le lieutenant-colonel. Bref, on lui fait clairement comprendre que toute insis-tance serait déplaisante et déplacée.

Devant tous ces petits empêchements, — il y a heureusementdes exceptions, — on s'explique que beaucoup d'officiers peudésireux d'histoires, renoncent à se remonter dans leur corps etcherchent à acheter des chevaux dans le commerce. D'autrepart, nombre d'officiers assez fortunés, ne trouvant pas dansleur régiment le type rêvé, se rabattent également sur les che-vaux du commerce, qu'ils gardent en toute propriété ou qu'ilsrevendent à l'Etat, sans jamais y gagner d'ailleurs.

Longtemps l'opposition des éleveurs empêcha de donner àl'officier rétrocédant son cheval à l'Etat un prix raisonnable :

un cheval de cuirassier, payé généralement alors de 2.000 à2.400 francs, ne pouvait être revendu que le prix maximum de1.400 francs. Quel pur sang de IID,63, taille nécessaire pourdignement figurer devant la troupe, pouvait-on avoir pour1.400 francs? alors que le moindre bourin, acheté 1.100 francs

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à trois ans, revenait à l'Etat à l'âge de six ans à Je n'osealigner le chiffre, il est fantastique.

Une réaction s'est produite et les prix ont été récemmentaugmentés sans atteindre encore le quantum suffisant : ainsi,désormais,le cheval de cuirassierpeut être payé 1.770 francs, ledragon et l'artillerie 1.500 francs, le léger 1.350 francs.

Les chevaux doivent être âgés de six à huit ans, les purs sangsanglais peuvent n'avoir que quatre ans et les anglo-arabes quecinq ans.

Nous avons dit : « le cheval peut être payé ». En effet innom-brables sont les tribulations entre l'écurie du marchand et l'achatdéfinitif. La circulaire du 24 juin 1910 (décret du 24 février 1910)

a notablement compliqué le précédent état de choses :

Le cheval doit être présenté au colonel, qui peut prononcerl'acceptation provisoire après examen du vétérinaire. Pendanthuit jours le cheval reste au corps à l'essai (joie du marchand etde l'officier acheteur!!) au point de vue du caractère, du dres-sage, de l'endurance, de la résistance et de l'aptitude au servicede l'arme. Si les huit jours d'examen approfondi, constant etrenouvelé par les supérieurs hiérarchiques ont été favorables,le colonel prononce que le cheval peut être présenté monté parl'officier en armes devant la Commission qui, s'il y a lieu, pro-nonce l'achat. Ouf !

Jadis les commissions, — fort sévères, parce que responsa-bles — statuaient directement ; et nous ne croyons pas que cettenouveauté de huit jours d'essai prouve grand'chose et facilitebeaucoup les achats.

Où s'achètent les chevaux de pur sang ? Nous renvoyons auxlivres si intéressants de M. de Comminges. Disons seulement queChantilly, Maisons-Laffitte'et les établissements genre Tattersallen fournissent un bon nombre. Ajoutons-y quelques spécialistes« vendant parfois au prix de la commission », Teisset, Izart, etc.

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RÉFORME Comment disparaissent les chevaux de l'armée ?

Un contingent, arrivant de la remonte, subitprogressivement un certain déchet ; sans parler des morts, —des poulinières renvoyées dans les régions d'élevage, — deschevaux prélevés par certains corps et certains officiers, — ilarrive un moment où les derniers survivants sont trop usés outrop âgés pour pouvoir continuer leur service. Après avoir étéproposés par les capitaines au colonel, les chevaux à réformer,s'ils ont été acceptés après examen par l'autorité supérieure, sontremis aux Domaines, qui en font, après affichage, la ventepublique aux enchères et au comptant.

Que deviennentces vieux serviteurs ?

Certains vont directement à la boucherie. D'autres sont ache-tés par de petits cultivateurs ou des commerçants pour un tra-vail plus lent. Beaucoup, surtout dans les dragons ou lalégère, deviennent tout au fond des provinces, des chevauxde chasse ou de piqueurs : il est certaines régions où le terrainrend plus agréable la chasse, sans aucun ménagement avec deschevaux de 15 louis, — entraînés et souvent habitués au pays,— qu'avec des hunters de 2.500 à 3.000 francs, sortant de chezle marchand, maladroits, inexperts, et que leur prix force àrespecter.

Certains chevaux sont réformés pour leur méchanceté où leurcaractère : plusieurs nerveux et délicats ne peuvent supporterle voisinage ou le rang c;

rendus à l'isolement ils se calment etfont parfois d'excellentschevaux. Nous pourrions en citer maintexemple. -

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RECENSEMENTET RÉQUISITION

A la mobilisation, l'armée active se complète par les réser-vistes : les chevaux « réservistes » proviennent de la réqui-

sition. La cheville ouvrière de la réquisition est constituée parle recensement, dont nous allons tenter d'esquisser le méca-nisme.

Les déclarations annuelles des chevaux, faites dans les mai-ries avant le ier janvier, servent de base aux listes de recense-ment, établies par ordre alphabétique des noms des proprié-taires. Tous les chevaux, âgés de cinq ans, doivent y figurersous des peines sévères (25 à 1.000 francs d'amende); un certi-ficat doit être remis au déclarant.

Alors nous rentrons en pleine paperasserie (double expédi-tion, état général, relevés récapitulatifs, etc., etc...). En deuxmots, le maire envoie au sous-préfet le relevé numérique deschevaux dela commune; après transmissions aux bureaux derecrutement, au général commandant le corps d'armée, le dos-sier part pour le ministère où il arrive au bureau des remontes.

Mais revenons au classement des chevaux : suivant les can-tons, d'après les crédits disponibles et les ordres du généralcommandant le corps d'armée, le classement a lieu tous les ansou tous les deux ans, entre le 15 avril et le 15 juin (date légale).

La Commission de classement se compose généralementd'un officier président, d'un membre civil de la commune dési-

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gné par le Préfet et d'un vétérinaire militaire ou civil. L'offi-cier peut appartenir à la cavalerie, à l'artillerie de campagneou au train, être de l'armée active, de la réserve ou de la terri-toriale. Il est adjoint en outrp. à la Commission, comme secré-taire, un brigadier des troupes à cheval. Enfin deux gendarmesdoivent assister aux opérations. Le maire et le secrétaire delamairie de chaque commune doivent également être présents auxséances de la Commission et lui communiquer les travaux desséances précédentes.

L'itinéraire de la Commission est fixé d'avance, adressé auPréfet trente-cinq jours avant le commencement des opérationset affiché dans chaque commune au moins huit jours à l'avance,avec l'indication du jour, de l'heure et de l'endroit où doiventavoir lieu les opérations.

Les chefs de Commission de classement sont munis des ins-tructions du Commandant du corps d'armée, leur indiquant lesbesoins à assurer et l'esprit dans lequel doivent être dirigées lesopérations : en effet, d'une année à l'autre, la population che-valine disponible de la région d'une part, les besoins de l'arméed'autre part ont pu être modifiés.

Voyons maintenant comment opère la Commission. Au jour,à l heure et au lieu dits, l'officier président, au moyen de la listedes déclarations annuelles, appelle par ordre alphabétique lespropriétaires. Tous les chevaux inscrits (exception faite pourceux absents de la commune après nouvelle déclaration)doiventêtre amenés sous peine de 25 à 1.000 francs d'amende. Ils sontprésentés munis d'un bridon.

Chaque animal est toisé, puis classé ; les chevaux sont répartisen six catégories ;

7" Cuirassiers (Ill1,54et au-dessus):2° Dragons (Iill,50 à iffi,54);y Légère (1-47 à im,5o);

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4° Artillerie selle (im,48 à 1III,60) ;

5° Artillerie, trait léger ((1ll,46 à 11ll,6o) ;

6° Train, trait (Im,46et au-dessus).Le président doit s'assurer de l'état et des qualités du cheval

présenté.Particularités à noter : 1° le propriétaire a le droit d exiger

que son cheval soit présenté au trot par les soins du présidentde la Commission ; 2° l'Etat est responsable des accidents ; 3°leschevaux n'ayant pas le minimum de taille (im,42) et les pouli-nières saillies sont ajournés ; celles suitées ou paraissantpleines, ou consacrées uniquement à la reproduction sontexemptées ; 4° les chevaux réformés sont dispensés de touteautre présentation.

Les décisions sont indiquées, séance tenante, à chaque pro-priétaire.

Chaque cheval admis par la Commission figure avec unnuméro d'ordre sur différents tableaux et listes trop longs àdétailler, dont les uns restent à la mairie (ils serviront au pro-chain passage de la Commission et en cas de réquisition), lesautres vont au bureau de recrutement ; nous ne suivrons pasplus loin la cuisine administrative.

Les chevaux reconnus aptes sont classés suivant les catégoriesétablies au budget pour les achats annuels de la remonte, maisils ne font l'objet d'aucune estimation.

RÉQUISITION Tous les chevaux sont réquisitionnâmes, saufceux du Président de la République, des

ambassadeurs, de certains fonctionnaires et établissements, lesétalons et les poulinières, les chevaux âgés de moins de cinqans, ceux des postes et chemins de fer, etc.

A la mobilisation, dans chaque commune, le maire prévientles propriétaires du jour, du lieu et de l'heure où les animaux

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devront être conduits devant des Commissions de réquisition decomposition variable. Après avoir statué sur les cas de réforme,la Commission, ayant en main le tableau de classement annuel,en présence du maire, prononce la réquisition des chevauxnécessaires à la mobilisation.

Les prix sont fixés d'avance par catégorie d'âge: moins de

dix ans, de dix à douze ans, plus de douze ans. Les prix allouésà la iie catégorie sont fixés par le budget annuel. Les déduc-tions à opérer sont du quart pour la 2e catégorie, des trois cin-quièmes pour la 3e.

Exceptionnellement, un vote unanime de la Commission peutmajorer des sujets exceptionnels du quart du prix budgétaire.

PRIX ALLOUÉS AUX CHEVAUX RÉQUISITIONNÉS

CHEVAUX DE TÊTE CHEVAUX DE TROUPE

moins de 10, il, plus de moins de 10, 11, plus de10 ans. 12 an,,. 12 ans. 10 ans. 12 ans. 12 ans.

SS) 1770 1327.5°- 708 1270 952,50 508

2'(dragons).catégorie i0 ^00 1125 600 logo 817,50 436

3e (légè;e).catéorie I1350 1012 ,50 540 95o 7J 2

>5° 380

(artllerilgs°eîe). j 1'00 1125 600 1050 787,50 420S0 catégorie )(trait léger». j 1000 75o 4006e catégorie

i,

,6 < 1000 750 400(gros trait). ) /0 ^1

La Commission dresse un procès-verbal des opérations avecmention des noms et du prix. Chaque propriétaire reçoit, séance

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tenante : i°un bulletin individuel à son nom portant le numérode classement du cheval et le prix à payer ; 2" un mandat depaiement.

Les chevaux non amenés font l'objet de poursuites. La com-mission statue sur les réclamations et les excuses : la saisieimmédiate peut être ordonnée par elle.

A la paix, les propriétaires des chevaux réquisitionnés pour-ront les réclamer, sauf restitution du prix intégral de paiementet sous réserve de les rechercher eux-mêmes dans les rangs del'armée, en les rapatriant à leurs frais.

QUEPOURRONTDONNER LESCHEVAUX DERÉQUISITION ?

Grave et inquiétant problème.Des essais ont été faits : dans certaines

régions des escadrons et des batteries ontété mobilisés ; malgré tout, les conditionsétaient assez favorables. Les résultats ont

été, croyons-nous, assez médiocres, surtout dans les premiersjours.

Pour le service du train, secondés et activés par les camionsautomobiles, tout porte à croire qu'ils fonctionneront normale-ment. Mais, pour l'artillerie du champ de bataille et la cavale-rie ?...

Que fera la nouvelle reine des batailles avec ces masses dechevaux non entraînés, montés en grande partie par des réser-vistes, habitués ni à cet attelage spécial, ni au bruit du canon,ne sachant que trotter sur les routes et non pas galoper à tra-vers tous les terrains? Devant l'importance de plus en plus pré-pondérante de l'artillerie sur le champ de bataille, devant lanécessité de sa mobilité, les chevaux de réquisition ne serontpeut-êtrepas en nombre suffisant, à la hauteur pendant la pre-mière quinzaine, probablement décisive, dela lutte.

Quant aux chevaux destinés à la cavalerie, nous ne serons

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guère plus optimistes. Le Français n'est plus un peuple cavalier.Combien, sur les hommes passant par les régiments de cavale-rie, remontent à cheval après « la classe »? Combien avons-nous de chevaux de selle en France? Bien peu, de plus, sur leschevaux qui pourraient être montés, combien sont dressés à laselle ou à passer à travers champs à toutes les allures? Seulsles chevaux de chasse répondent aux desiderata de la mobili-sation. Aussi devrait-onles voir plus protégés et plus avantagéspar les impôts.

Cette situation à la mobilisation inquiète les esprits qui seplacent au-dessus des petites questions journalières ; chaquejour elle empire : depuis cinq ans plusieurs milliers de chevauxen plein service (fiacres, omnibus,...) ont disparu devant l'au-tomobile. Deux solutions pourraient être envisagées ; nous lesindiquons sans les développer :

1° Faire faire des périodes de réserve aux chevaux moyennantprimes et avantages ;

2° Appliquer le système autrichien : remettre gratuitementles chevaux de l'armée après leur dressage et quelques annéesde service à des propriétaires avec l'obligation de les tenir tou-jours prêts à être mobilisés.

L'habitude étant de déclarer au pays qu'il ne manque jamaisun bouton de guêtre, il y a des chances pour qu'il ne soitjamais donné suite, ni aux projets ci-dessus, ni à tout autre : ilfaudrait d'ailleurs débourser et la Commission du budget s'y

opposerait.

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DRESSAGE DESCHEVAUX D'ARMES

N ous atteignons la partie la plus délicate de notre tâche, carnous sommes limités d'abord par tout ce qui a été dit dans

le dressage du cheval de selle, et nous devons sagement nousborner exclusivement, sous peine de redites, aux particularitésdu dressage n'ayant trait qu'à l'armée.

Comment ensuite étudier à la fois le dressage du cheval detête, futur compétiteur du championnat du cheval d'armes, etcelui du cheval de troupe, de cuirassiers ou d'artilleurs ? Com-ment vouloir indiquer des méthodes alors qu'elles sont innom-brables et laissées à l'initiative de chacun ? L'annexe n° i surle dressage est promise en effet depuis nombre d'années par lesrèglements et chaque direction ou commission technique atoujours reculé devant la difficulté de l'élaborer'. Soyons mo-destes, imitons leur sagesse et bornons-nous, comme eux, àindiquer les résultats à atteindre dans le dressage du cheval detroupe de cavalerie.

Ce cheval arrive dans les régiments dans le dernier trimestrede sa quatrième année; il ne prendra une part réelle et complèteaux travaux journaliers qu'après les manœuvres de septembrede sa sixième année. Ce sont donc deux ans qui doivent être

i. La Commission ministérielle du nouveau règlementde cavalerie a tenu. le 19 mai 191I,son avant-dernière séance et un Traité spécial de dressage réglementaire, promis depuistrente-cinq ans. va voir le jour incessamment.

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consacrés à son dressage. Ce délai fera sourire bien des gens ; ilest évident qu'en moins de vingt-quatre mois un dressage pro-prement dit pourrait être obtenu ; mais ce temps est nécessaireet indispensable pourque le cheval atteigne son entier développe-ment et parvienne progressivementet sans tare au moment où ilest capable de donner un travail utile et prolongé. A part de raresexceptions pour des chevaux de sang, en principe tout cheval detroupe qui avant sept ans a donné un travail monté autre que letravail de dressage est voué à une usure prématurée : lesrèglements ont donc très sagement agi en interdisant formelle-ment l'emploi des chevaux avant cet âge.

Nous estimons donc que le dressage doit se faire dans lacinquième année, la sixième année n'étant qu'une année deperfectionnement et de développement pour le jeune cheval.De plus, ce dernier doit pouvoir être le plus tôt possible mobi-lisable ; son dressage, après un premier débourrage, devradonc être terminé assez vite, la sixième année étant employéeautant pour le ménagement conservateur du cheval que pourla confirmation de son dressage.

Celui-ci n'a d'ailleurs pas été facilité par le service de deuxans avec lequel on peut faire des cavaliers, mais non, en géné-ral, de bons dresseurs.

« Le but du dressage du cheval de troupe est de l'amener, parune progression méthodique,à exécutertous les exercices prescritspar le règlement à l'école du cavalier et au travail d'ensemble. »

A la fin de la première année de dressage, son éducationdevra être terminèe ; il sera obéissant aux aides à toutes lesallures et habitué à la vie militaire dans tous ses détails.

L'enchaînement des mouvements suivis pour l'instruction ducavalier est observé le plus possible en insistant, suivant lanécessité, sur certains détails d'enseignement dont l'importancen'est pas la même pour le cavalier et pour le cheval.

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Dans chaque escadron, chaque année de dressage est confiéeà un officier ayant sous sa direction des sous-officiers, brigadierset cavaliers de choix ; autant que possible, chacun d'eux aura uncheval attitré, en sera responsable pendant toute la durée dudressage et le présentera lui-même aux inspections.

Le dressage de cinq ans du jeune cheval comprend quatrepériodes pouvant d'ailleurs chevaucher l'une sur l'autre à l'ins-tar de celles de l'instruction du cavalier :

Ire période. Apprivoisement et débourrasse.2° période. Mise en condition, préparant le cheval à sup-

porter le dressageproprement dit.3e période. Travail en bridon.4c période. Tavail en bride.Les deux premières périodes (deux à trois mois) sont identi-

ques à celles du dressage du cheval de selle ; on doit, en plus,veiller à la franchise du cheval de troupe en l'habituant à l'iso-lement par des sorties individuelles et aussi, par contre, lefamiliariser au contact du rang.

Les troisième et quatrième périodes offrent quelques particu-larités : emploi des armes, dressage- au feu, entraînement aupoids ; nous y ajouterons les embarquements et les passages derivière, tous exercices réservés au cheval militaire.

1° Dressage au sabre. Il faut éviter que le cheval s'affole ouse traverse. La méthode ordinaire est de ne faire pendre le sabreque par quatre ou cinq cavaliers. Le dresseur a son sabreattaché à la belière du ceinturon et tout en caressant le chevalmarchant au pas et tenu au début en main, il le laisse pendreprogressivement le long du flanc. Cet exercice doit toujoursêtre fait à main gauche pour éviter les heurts du fourreau contrele garde-botte et, comme tous les exercices nouveaux, doitêtre exécuté à la fin de la reprise.

Certains chevaux jettent les hanches vers la droite ; pour y

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obvier, un système qui souvent réussit consiste à mettre unsabre de chaque côté de la selle.

Enfin le maniement et l'emploi du sabre sont exécutésd'abordde pied ferme, le cheval tenu tandis qu'on lui passe la lamedevant les yeux, tout en le caressant ; très progressivement, cetravail est continué aux différentes allures, d'abord dans le vide,puis contre des mannequins. Le dressage à la lance procède desmêmes principes.

2° Nous ne parlerons pas du dressage aux sonneries : il estinstinctif pour le cheval logé dans les quartiers.

Pour habituer le cheval au feu, on peut donner le signal del'abreuvoir avec un revolver chargé à blanc, ou à l'issue d'unereprise avant le doublé final on place au centre du manègequelques hommes avec desvanettes d'avoine. Les cavaliers étantà leurs rênes, l'instructeur les prévient qu'au coup de feu ilsdoubleront en rassurant leurs chevaux et en mettant de suitepied à terre. Peu à peu, le nombre des coups de feu est aug-menté. Le dressage est bien plus facile que le précédent et pro-gressivement le cavalier arrive à tirer à cheval.

3° Comme le fantassin, le jeune cheval est progressivementhabitué à porter du poids et peu à peu la selle nue reçoit lessacoches, le manteau et les armes.

4° Les jeunes chevaux prennent part aux exercices d'embar-quement. Ils sont d'abord entraînés à entrer facilement dans levieux wagon qui orne toutes les cours de quartiers. A la pre-mière séance on met un vieux cheval en tête de chaque groupede six ou huit et on évite de donner aux chevaux chatouilleuxou nerveux les dernières places, où il faut pénétrer en bouscu-lant les autres. Si l'entrée n'est pas glissante, si les chevaux sesuivent de près et qu'on ait soin de leur baisser la tête sous laporte du wagon, il est bien rare d'avoir des refus. Dans ce cas,il vaut mieux faire retirer de suite le cheval et lui consacrer à

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la fin une séance individuelle, que de risquer de jeter le désor-dre et l'effroi parmi le reste du dressage.

5° Pour lepassage de rivières, lorsque l'infirmerie possède unbain à double rampe d'accès facile, un premier exercice (avec lapermission du vétérinaire) est de faire traverser ledit pédiluveaux jeunes chevaux avec entête un « moniteur » ; en deuxièmeséance, si possible, on augmente la hauteur de l'eau. C'est lemoyen le plus sûr et le moins dangereux : le cheval ainsi habi-tué à rentrer facilement dans l'eau n'a plus d'hésitation et lejour où, ayant progressivement perdu pied, il lui faudra nageril ne se débattra pas pour suivre avec un peu d'encourage-ment le vieux cheval qui le précède, surtout s'il est maintenupar une longue corde à coulissage facile dont le cavalier tientles deux extrémités.

Regrettons, en terminant, que le jeune cheval ne soit pasdressé au trait : nous avions écrit ces lignes quand nous avonsrelu l'opinion du maître qui s'appelle le vicomte de Chézelles :

« Ce serait le meilleur dressage... Vous donnez... le mouve-ment en avant. »

Quels services, en outre, nous a rendu aux manœuvres lapossibilité de pouvoir changer contre les chevaux reposés aufourgon, des montures blessées ou fatiguées. Que de fois on estheureux, pour éviter une corvée au tiers de son peloton, depouvoir atteler sur une carriole, obligeammentprêtée, un de seschevaux qui, ainsi, épargne aux hommes parfois plusieurs kilo-mètres et permet de donner tous les soins nécessaires.

GÉNÉRALITÉSSUR LE CHEVALD'OFFICIER

L'officier, sous réserve d'autorisation, peututiliser son cheval d'armes en dehors du ser-vice. Nombreux sont les emplois : courses,cross-country, rallyes, raids, concours hip-

pique, championnat, chasse, etc.

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Des règlements précis régissent les courses militaires depuisla deuxième série jusqu'au triomphal hors série. Par une heu-reuse innovation, les épreuves à travers pays sur un long par-cours ont été enfin adoptées et nous approuvons de tout cœurla création des cross-country.

Depuis quelques années la mode est aux raids, soit indivi-duels, soit par petits groupes. Ce sont d'excellents stimulants,sans grande portée utile toutefois, aussi s'explique-t-on l'abs-tention dela direction de la cavalerie, en laissant l'initiative etl'organisation à certains grands journaux.

Si les courses, cross-country, rallyes, etc., sont parfaits aupoint de vue emploi du cheval militaire, nous ne serons pasaussi enthousiastes au point de vue concours hippique. Rendons-leur cette justice, c'est qu'ils ont maintenu et développé enFrance le goût du cheval.

Le championnatdu cheval d'armes est une trouvaille de génie,l'officier présente un cheval complet comme dressage, fran-chise, résistance, etc. C'est le nec plus ultra, la quintessencedu fini.

On peut regretter qu'une décision ait récemment autorisé lesofficiers à présenter un cheval autre que le leur : unanimes ontété les critiques contre cette entorse à l'esprit qui a dicté lacréation de cette épreuve : l'officier ne doit présenter que soncheval ; pourquoi, dans le cas contraire, en poussant les chosesà l'extrême, ne pas se former en syndicat pour sortir un chevalmerveilleux !

Nous ne pouvons terminer cette étude sans parler de lachasse à courre. C'est la meilleure école du cavalier : la guerren'est-elle pas la chasse à l'homme. Pour un jeune officier, lachasse à courre du fond de la province vaut bien des séancesde terrains de manœuvres. C'est là vraiment qu'il développeson initiative, qu'il apprend à ménager son cheval pour l'effort

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soudain, à s'orienter, à choisir son terrain, à prendre son vent,à exercer son oreille, à discerner les bruits, à observer les piedset les empreintes, à franchir les obstacles, etc...

Le cheval en tire aussi profit ; il devient franc, adroit, calme,entraîné.

Rappelons que l'officier a l'interdiction formelle d'atteler seschevaux : en dehors du bien que ces derniers pourraient en reti-rer, nous n'avons jamais compris comment un officier qui, entemps de guerre, sous sa responsabilité, conduit à la mort de 30à 400 hommes, est jugé incapable, en temps de paix, d'avoir laconscience nécessaire pour utiliser raisonnablement son chevalde la façon qu'il juge convenable.

Nous ne pouvons terminer ce chapitre sur l'utilisation ducheval d'armes en dehors du service, sans signaler à queldegré de perfection elle a été portée par nos officiers.

Tous ceux qui s'intéressent aux sports ont présents à lamémoire les succès de nos champions militaires, non seule-ment en France, mais à l'étranger

: Rome, Londres etBruxelles ont vu les victoires de nos officiers. Et pour quiconnaît les derrières de la coulisse, pour ceux qui savent leprix qu'ont été payés nos chevaux et celui de nos rivaux, —tous ceux-là sont pleins d'admiration pour les résultats triom-phants que la qualité secondaire des montures fait en entierattribuer à l'habileté consommée des cavaliers.

Aussi s'explique-t-on que, par crainte de la défaite, lesgrandes puissances militaires, sauf l'Italie, se soient toutesabstenues de concourir avec nos officiers : c'est le plus belhommage qui puisse être rendu à notre équitation militaire.

A. DE GUENYVEAU.

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L'ÉCOLE DES A U M U R

1 L est difficile de parler du cheval, sans dire un mot des Ecolesmilitaires françaises, car tout en rendant hommage aux

Ecoles italiennes, allemandes, autrichiennes et russes, où lahardiesse et la science équestres sont très en honneur, il fautreconnaître que Saumur tient la première place dans le mondedu cheval, de l'avis de tous les étrangers eux-mêmes.

Saumur est l'Ecole de la cavalerie depuis 1814'.Depuis 1870, elle est à la fois une école d'application de

cavalerie, une académie d'équitation, une école de dressage,une école vétérinaire, une école de maréchalerie, une écoled'arçonnerie et une école de télégraphie.

L'instruction et le matériel sont éprouvés chez elle. Elle estla maison mère de la cavalerie.

Cette institution si perfectionnée, que toutes les nations dumonde ont copié, où elles envoient chaque année les meilleursde leurs officiers puiser des enseignements, n'est pas une impro-visation moderne.

Les traditions équestres remontent aux origines mêmes del'art, et faire leur histoire, ce serait faire l'histoire de l'équita-tion militaire.

Au XVIIIe siècle, elle était l'école d'équitation des carabiniers.Avant cette époque, elle fut l'académie d'équitation protes-

I. Pour plus amples renseignements se reporter à l'excellent ouvrage du capitainePICARD, Origines des Ecoles de cavalerie.

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tante, fondée par Duplessis-Mornay, le compagnon et l'ami deHenri IV.

En 1814, elle a remplacé la célèbre école de Versailles, sirenommée avant la Révolution.

L'école d'aujourd'hui, tout en conservant les saines tradi-tions de l'École française, professe et expérimenteles méthodesnouvelles en leur donnant les garanties de son autorité et lasanction de son enseignement classique.

Les carrousels et les courses qui couronnent chaque année lescours de l'École démontrent nettement la valeur de sa doctrine.

C'est la preuve la plus éclatante de ce judicieux éclectismequi a su si bien allier la tradition et le progrès.

C'est toujours avec la même correction et la même justesseque l'élève monte en selle à piquer, en selle française, en selleanglaise ou en selle d'ordonnance, un cheval normand, anglaisou arabe; au manège, au travail militaire, dans les piliers ousur l'hippodrome

;qu'il manie le sabre, la lance, coure la bague

ou monte en steeple.Les chevaux eux-mêmes sont pliés à cette flexibilité d'atti-

tudes et tel, qu'on a vu vainqueur au champ de courses, se voitle lendemain à la reprise de manège, aussi souple et aussi rac-courci qu'il était vite et droit dans la course dela veille.

Il n'est même pas besoin de parler de la reprise où les écuyersprofesseurs montrent tout le fini de leur équitation académique.

Saumur est le foyer autour duquel gravitent tous les progrèset tous les perfectionnements de l'équitation.

ORGANISATIONDES COURS

Les cours de l'école de cavalerie com-prennent :

lU Une division de lieutenants de cavalerie ;

20 Une division de lieutenants d'artillerie;3° Une division de sous-lieutenants élèves;

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40 Une division d'aspirants officiers;5° Une division de vétérinaires stagiaires;6° Une division de sous-maîtres.Chaque division se subdivise en brigades (lourde, dragons,

légère).

PERSONNELENSEIGNANT

L'instruction équestre est donnée, dans chaquebrigade, par un capitaine instructeur d'équi-tation ou un lieutenant sous-instructeurd'équi-

tation sous la direction de l'écuyer en chef.

REMONTE Les différentes catégories de chevaux de l'écolesont :

a) Chevaux de manège, anglo-arabes ou de pur sang.b) Chevaux de carrière. — Les Irlandaisont complètement

disparu et les chevaux de carrière comprennent une égale quan-tité de pur sang et de demi-sang ; ce dernier se fatigue assezrapidement, et notamment lorsque les parcours sont un peu longs.

c) Chevaux de dressage. — Chaque élève a en consigne uncheval de dressage, soit de cinq ans, soit de six ans. Il présentece cheval à l'examen de fin d'année. Le travail pour ces deuxcatégories est à peu près identique, puisque chaque brigade enrenferme une égale quantité.

Les lieutenants et sous-lieutenants de cavalerie ont des che-vaux destinés surtout au manège, quelques-uns à la carrière.

Les lieutenantsd'artillerieont des chevaux destinés à la carrière.Quant aux chevaux des aspirants, les uns restent à l'école

comme chevaux d'armes, les autres sont envoyés chaque annéeen novembre à l'école spéciale militaire comme chevauxd'armesou de carrière.

L'année dernière, pour la première fois, chaque aide vétéri-naire stagiaire a eu un cheval de dressage.

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d) Chevaux d'armes. — Les chevaux d'armes des officierssont ceux envoyés par les régiments.

Quant aux aspirants, depuis cette année, ils se remontentavec les chevaux d'armes de leurs devanciers choisis parmi lesmeilleurs, et dont le passage à l'école a été prononcé par leministre. Cette mesure a été prise pour éviter des frais répétés.

INSTRUCTIONÉQUESTRE

Pour les différentes divisions, à l'exceptiondes vétérinaires stagiaires qui ne montentque des chevaux de carrière trois fois par

semaine, l'instruction équestre comprend chaque jour uneséance de travail militaire. A partir de Pâques seulement, il y aune reprise de manège et une de carrière chaque jour.

a) Travail au manège. — Durée de la séance trois quartsd'heure,plus un quart d'h eure de voltige et de sauteuraux piliers.

Pendant les six premiers mois, le travail consiste en assou-plissements à toutes les allures.

L'instructeur s'efforce de faire prendre de l'assiette et des-cendre la cuisse en faisant beaucoup galoper.

En mars, on commence un peu le travail au manège, et l'ongalope beaucoup à faux.

Ce n'est qu'à la fin de mai que les étriers et la bride sontpris ; et c'est alors que s'exécute le travail de manège propre-ment dit, le travail en reprise.

b) Travail à la carrière. — Pendant l'hiver, ce travail sefait au manège, exceptionnellement sur le Chardonnet ou leBreil par de belles journées.

Au début, l'instructeur fait franchir des obstacles assez bas etsurveille surtout la position (le plus possible rester droit avant,pendant et après le saut et suivre des mains les mouvements dela tête et de l'encolure).

Ce n'est que très progressivement qu'il augmente la hauteur,

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mais l'obstacle se compose toujours d'une haie précédée d'unebarre que l'on éloigne de plus en plus.

Au printemps, les grandes séances de carrière (deux heureset demie) ont lieu à Verrie et le travail consiste en parcours oùles cavaliers, soit par 2, soit par 4, franchissent une vingtained'obstacles. Les petites séances (une heure) ont lieu au Breil ousur le Chardonnet.

Les étriers et la bride ne sont pris qu'en juillet.c) Dressage. — Il est mené un peu durement, quantité de

chevaux sont fatigués au bout d'un temps assez court. Les che-vaux de cinq à six ans dans les brigades ont le même dressage.Une séance sur deux se passe à l'extérieur.

d) Hippologie. — L'enseignement de l'hippologie est donnédeux fois par semaine parles écuyers. Il consiste pendant septmois en cours faits à l'amphithéâtre.

Ce n'est qu'à la fin d'avril que l'hippologie se fait d'une façonpratique.

Quelques séances pratiques ont lieu à la maréchalerie.

EXAMEN DEFIN DE COURS

La note d'ensemble est constituée en prenantla moyenne de la note de l'écuyer en chef,de l'écuyer et de l'examinateur.

L'examen de fin d'année comprend une séance de manège,de carrière, la présentation du cheval de dressage, et uneinterrogation d'hippologie, de maréchalerie.

De plus, chaque élève note un cheval.

TRAVAIL DESSOUS-MAITRES

Ce travail est dirigé par un écuyer. Chaquesous-maître a un cheval de carrière prisparmi les chevaux difficiles, un cheval de

manège, de dressage (quatre ans) et un sauteur.

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L ÉCOLE DE GUERRE A l'École de guerre, on retrouve lamême méthode d'enseignement au'à

<-? JLSaumur au point de vue du manège, car le travail à l'extérieurest naturellement très restreint à Paris, où l'on n'a que le Boisde Boulogne et le terrain d'Issy-les-Moulineauxà sa disposition.

Les différentes reprises sont composées d'officiers apparte-nant à la cavalerie, à l'infanterie et à l'artillerie. Elles sontcommandées par un capitaine-écuyer du cadre noir ou apparte-nant à un régiment de cuirassiers de Paris.

Le personnel de l'École comprend un chef d'escadronécuyer en chef, trois capitaines écuyers du cadre noir et uncapitaine de cuirassiers, un adjudant et six sous-maîtres demanège.

ÉCOLE DE FON-TAINEBLEAU

L'enseignement de l'équitation donné àFontainebleau aux sous-lieutenants élèvesde l'artillerie et du génie est dirig-é par

un chef d'escadron instructeur ; 4 capitaines y sont adjoints.Le personnel comprend en outre 2 adjudants, 6 sous-maîtres

de manège, ces sous-officiers réservés exclusivement audébourrage et dressage de jeunes chevaux.

Les chevaux sont soignés par des cavaliers de la 5e compagniede remonte sous les ordres d'un lieutenant pour la partie subsis-tance et administration.

Les écuries et manèges sont situés dans les bâtiments dénom-més « le Carrousel ». Deux sont modernes.

Il existe un couloir d'obstacles ellipsoïdal, un couloir d'obs-tacles en ligne droite, 2 grandes carrières fermées, plusieursparcours d'obstacles situés au polygone (analogues à ceux duBreil, à Saumur).

Les écuries contiennent une moyenne de 300 chevaux (dontun tiers en chevaux de pur sang) qui sont envoyés par les diffé-

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rents dépôts de remonte, et classés en chevaux de carrière, demanège ou chevaux d'armes.

L'instruction est donnée exclusivement par les capitainesinstructeurs d'équitation qui ont en général 2 ou 3 reprises deune heure trente par jour. Les élèves sont, en effet, répartis enbrigades comprenant 15 à 20 élèves.

Un capitaine est chargé de la remonte.

Capitaine; DOYEN-PARIGOT.

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SOCIÉTÉS ÉQUESTRES

L'ÉTRIER La société de l'Étrier est un des clubs les mieuxcomposés de Paris. Fondée en mars 1905 par

M. le comte de Cossé-Brissac, qui en fut le premier président,et M. de Gastines. Ce dernier, il faut le dire, eut l'idée de créercette société, et en fut le véritable fondateur. Nomade pendantplusieurs années, elle fit construire, il y a deux ans, un ma-nège à l'entrée du Bois.

Depuis 1908, l'Étrier a comme président M. le comte Potocki,qui possède une des écuries les plus importantes de Paris. Trèssympathique, homme de cheval consommé, ses nombreuses rela-tions dans le monde équestre lui ont permis d'entraîner à sa suitede nouvelles recrues. M. Caze de Caumont, juge autorisé de tousles concours de France, est le secrétaire actif de cette société.

En fondant l'Étrier, MM. de Cossé-Brissac et de Gastines onttenu à y faire participer l'élite des femmes du monde, habituéesdu Bois. Quelques-unes d'entre elles ont eu la gracieuseté deme permettre de reproduire leurs portraits dans cet ouvrage, etje leur en suis très reconnaissant.

LA RÉUNIONH I PPIQUEMILITAIRE

(École annexe d'instruction de cavalerie dugouvernement militaire de Paris).

La Réunion hippique militaire a été fondéeen 1893, par des officiers de complément, de

toutes armes, sur l'initiative du commandant H. Saffroy, alorscapitaine du service d'état-major.

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Cette société, dont le programme annuel d'instruction vientd'être élargi, organise, au profit des officiers de toutes armesqui en font partie (environ 700 à l'heure actuelle), des séancesthéoriques et pratiques ayant pour objet principal « l'instructionmilitaire générale » des officiers montés.

L'initiative prise, en 1885, par le commandant Saffroy, a étéle premier jalon planté, en dehors de l'armée permanente, pourla diffusion opportune de l'enseignement de l'équitation en vuedu service militaire.

L'ESCADRON DESAINT-GEORGES

L'escadron de Saint-Georgesest une sociétéd'instruction et d'équitation militaire ayantpour but l'étude théorique et pratique de

tout ce qui est nécessaire aux jeunes gens qui se destinent auxarmes à cheval, en application de la loi du 8 avril 1903.

L'escadronest placé sous la présidenced'honneur de M. le géné-ral Poulleau et compte dans son comité et au nombre de sesinstructeurs, MM. le capitaine Dolloué, lieutenant de la Fayette.Frank-Puaux, Fresson, le médecin-major Duvallet, etc., etc.

S'appuyant sur l'instruction ministérielle du 21 juin 1904, laSociété suit strictement le programme d'examen pour l'obtentiondu brevet spécial d'aptitude militaire.

Elle délivre un diplôme aux élèves cavaliers qui ont assisté àau moins 60 séances d'équitation et 8 séances de tir.

AUTRESSOCIÉTÉSÉQUESTRES

La liste des sociétés équestres organisées sur lemodèle de l'Escadron de Saint-Georges est lon-gue. On m'excusera donc si je ne les cite pastoutes. Un certain nombre d'entre elles se sont

constituées en « fédérations », dont le président est le comman-dant en retraite Alexandre.

En dehors de ces sociétés dont l'organisation est régie par des

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règlements militaires, je dois mentionner encore une sociétémondaine, le Rassembler, fondée par un groupe de cavalierset d'amazones distingués.

LE RASSEMBLER M. Henry Lacroix, secrétaire général dela Société militaire d'escrime pratique,

très au fait de la plupart des sports, est le président du Ras-sembler; M. Dutilleux seconde puissamment M. Lacroix, enqualité de vice-président.

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QUELQUES PERSONNA-LITÉS ÉQUESTRES

S.

A. R.

LADUCHESSEDE CHARTRES

Fille de S. A. R. le prince de Joinville, etmariée à son cousin germain, S. A. R.Robert d'Orléans, lui-même fils du ducd'Orléans, S. A. R. la duchesse de Chartres

fut toujours passionnée pour les exercices de sport, en parti-culier pour la chasse et l'équitation.

Amazone aussi hardie qu'élégante, franchissant n'importequel obstacle avec une maîtrise incomparable, S. A. R. laduchesse de Chartres ne manquait jamais une chasse du célèbreéquipage formé par le prince en 1894 et qui découplait sur lecerf, parfois sur le sanglier, soit en forêt de Chantilly, soit dansles massifs épais d'Arc-en-Barrois.

Elle a donc tous les titres à figurer en tête des portraits deferventes de l'équitation.

M-11 LA DU-CHESSED ' U Z È S

Mme la duchesse d'Uzès, née Rochechouart-Mor-temart, est trop populaire en France pour queson nom ne soit pas suffisant au-dessous deson portrait. Joignant l'aménité de la grande

dame au proverbial esprit des Mortemart, elle est la présidented'honneur indispensable à toute œuvre de bienfaisance, demême qu'admirablement douée pour tous les arts, elle sereposera d'une fête mondaine ou d'une visite charitable,

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en sculptant un beau marbre ou écrivant un ingénieux roman.Quant à ses goûts d'équitation et de vénerie, nul ne les

ignore. Les cent batards vendéens qui chassent en forêt deRambouillet, font de «

l'Équipage de Bonnelles » le premierde France, et la duchesse d'Uzès est aussi habile à faire le boisqu'à sauter les obstacles, à se précipiter en un furieux débuchéou à rassembler son cheval pour prendre élégamment la têtedu défilé de ses hôtes où figurèrent maintes personnalitésroyales et princières.

Mlle KOUSNETZOFF Mlle Kousnetzoff est une des plus char-mantes habituées de l'allée des Poteaux,

qui d'ailleurs n'est pas, pour elle, un lointain déplacement,puisqu'elle habite la somptueuse avenue du Bois. Montantchaque jour à cheval, menant à quatre, chassant à tir et à courre,elle est bien la « sportwoman » dans toute l'acception du mot.Elle a d'ailleurs de qui tenir, car ses parents sont de grandséleveurs russes : ses deux frères sont possesseurs d'écuries decourses ; sa sœur, la princesse Amilakvary est une amazone depremier ordre et son autre sœur, Mme Chérémeteff est lapropriétaire de Nuage, qui gagna le Grand Prix de Paris, àLongchamps, en 19IO! Après cela, on ne sera guère étonné siMlle Kousnetzoffpratique l'équitation avec bonheur et assiduité.

M. LE BARONDE VAUX

M. le baron de Vaux est le premier écrivainhomme de cheval de notre époque, il a consacréde nombreuses années à l'étude du cheval.

Excellent cavalier, fervent de l'école Baucher, il fut à Saumurl'un des élèves les plus distingués du colonel Guérin et dugénéral l'Hotte. Ce stage dans notre grande école lui permit detraiter avec une si haute compétence tous les sujets ayant traità l'équitation. Ses principaux ouvrages sont : les Hommes de

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cheval, les Hommes de sport, Écuvers et Écuyères, l'Équi-tation ancienne et moderne, etc.

M. DESURMONT A cette époque où l'équitation savante estsi délaissée, je croirais manquer à mon

devoir en ne rendant pas hommage à M. Desurmont, commeécuyer et comme dresseur. Je ne saurais mieux faire son élogeque de le donner comme exemple à ceux qui veulent apprendreà disposer de leur force, chose si difficile.

M. Desurmont est un homme vigoureux, d'une puissancemusculaire au-dessus de la moyenne, et que je qualifieraismême d'un peu dure et rude. Voyez-le, cependant, travaillantun cheval, sa main est souple et délicate, ses jambes manientles aides avec tact et aisance. Il sait donc ne donner de sa forceque juste le nécessaire, mesurant et dosant très scientifiquementson effort. C'est ce judicieux emploi de sa force qui fait de luiun des écuyers les plus délicats.

M. Desurmont a dressé plusieurs chevaux de haute école,d'une correction parfaite. J'ai été assez heureux pour en avoirla primeur à mes soirées équestres.

M. CROUSSE,CAPITA IN ED'ARTILLERIE

C'est lui qui, le premier, accomplit cetteprouesse extraordinaire de franchir, en 1906,

une barre de 2ID,35 sans l'effleurer. Je nesaurais mieux le présenter au lecteur que

d'emprunter à la biographie qu'en fait M. le comte Louisd'Havrincourt dans son intéressant ouvrage du Dressage enliberté du cheval d' obstacles, le passage suivant :

« Conspirateur, et son intrépide cavalier, le capitaine d'ar-tillerie Crousse, furent la gloire des championnats, et le titrede rois de la barre qui fut décerné au cavalier et à sa monture,ne fut jamais mieux porté. »

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Le capitaine Crousse remporta-environ400 prix, aux concourshippiques, dans les épreuves militaires et civiles auxquelles ilprit part, il gagna environ 55 militaries et 70 steeple-chasescivils.

J'ai eu maintes fois l'occasion de voir M. le capitaine Croussefranchir de grands obstacles, et j'ai admiré non seulement sontact et son courage, mais aussi la position académique dont il

ne se départit jamais, même dans les efforts les plus prodigieux,représentant ainsi l'équitation française dans toute sa perfection.

M. HENRILECLERC

M. Henri Leclerc est aussi un des plus vaillantschampions du saut en hauteur.

Il fut un des premiers à appliquer aux concoursd'obstacles la monte américaine, bien avant que les jockeysaméricains l'eussent introduite en France.

Cette monte, qui bouleversait les idées établies et soulevatant de critiques au début, est maintenant adoptée par la plu-part des gentlemen montant en obstacles.

Depuis ses débuts à l'ancien Palais de l'Industrie, en 1895,M. Leclerc a gagné plus de 40 championnats de saut, il estdétenteur d'un grand nombre de coupes et a remporté de nom-breux prix, tant à Spa, qu'à Bruxelles, Vichy, Londres, etc...Il est en outre le seul à avoir réussi, en 1901 et en 1903, àremporter la coupe Mornay et le championnat de saut en hau-teur.

Mille Leclerc, de son côté, grande habituée des chasses à courre,est une des plus solides et des plus élégantes amazones du Tourdu Bois.

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ECUYERS PROFESSIONNELSET ÉCUYERS DE CIRQUE

L 'ÉQUITATION moderne a produit quelques hommes qui sontles dignes continuateurs de l'œuvre des Pluvinel, des La

Guérinière et des Baucher.J'en citerai quelques-uns des meilleurs, ne serait-ce que pour

servir d'exemple à ceux qui voudraient revenir à cette équita-tion, si dédaignée de nos jours. Je n'ai pas la prétention defaire leurs biographies, après le baron de Vaux, qui a traité cesujet avec tant d'autorité et de justice.

COATES ETGEORGES PARR

Deux Anglais, MM. Coates et Georges Parr,qui pratiquaientFéquitation française, d'ail-leurs, se taillèrent une certaine célébrité

dans le monde des cavaliers et surtout des amazones du Bois. Ilss'étaient surtout spécialisés dans l'éducation équestre des jeunesfilles et l'accompagnement.

Très corrects à cheval, d'une tenue parfaite, leurs qualitésjustifiaient pleinement leur réputation.

CORRADINI Corradini,qui a trouvé la mort dans une ascensionen ballon, fut bien le plus surprenant et le plus

ingénieux dresseur-écuyer que j'ai vu. Et j'en ai vu quelques-uns ! Il excellait en haute école, et ses acrobaties équestres luivalurent de retentissants succès. Ses quatre chevaux de hauteécole, travaillant ensemble pendant qu'il en montait un, ontfait les beaux soirs du Cirque d'été.

1

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L'Hippodrome a vu son cheval Blondin. traversant l'établisse-ment à hauteur du quatrième étage sur une corde raide, montépar son dresseur. Il est le créateur très imité, de l'équitation àcheval sur une table tournante.

EMILE GAUTIER M. Emile Gautier a eu la bonne fortunede faire son éducation sous la direction

d'un maître remarquable, Victor Franconi. Son énergie égale saforce musculaire et son intrépidité. Son travail en haute écolesur une table, malgré son côté périlleux, était précis et classique.

JAMES FILLIS M. James Fillis, qui a débuté à l'ancienCirque Franconi, a touiours présenté des che-

vaux très brillants. Le gouvernement russe a confié à cet excel-lent artiste les fonctions d'Écuyer en chef de l'École militairede Saint-Pétersbourg.

FRANCONI La lignée des Franconi a fourni à l'équitation decirque des écuyers remarquables, comme Laurent

et son fils Victor. De celui-là, on pouvait dire qu'il possédait à

Victor Franconi.

fond la science équestre. Il excel-lait par dilettantisme personneldans le classique. Bon nombred'écuyers et d'écuyères de sesélèves sont devenus des célébrités.Le fameux quadrille équestre desdeux cirques fut bien la plus sa-vante manœuvre du genre qui aitexisté. Jamais, me semble-t-il, onn'en reverra de pareille. Pour uneraison primordiale et simple :

c'estqu'en admettant qu'un écuyer aussi

habile que Franconi puisse la reconstituer, elle laisserait

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indifférent un public aujourd'hui détaché de l'intérêt de la hauteécole. Les temps ont changé.

PELLIER La dynastie des Pellier, dont Jules Pellier, le der-nier représentant est mort il y a déjà longtemps,

brilla plus spécialement par l'équitation de manège. Il a su créerle manège le plus élégant et le plus à la mode, par sa correctionet par son aménité parfaite.

LALANNE Évoquer le souvenir des Pellier, m'entraîne àrappeler le nom des Lalanne. Leur manège fut très

apprécié de ceux qui voulaient avoir les bons principes de l'équi-tation française.

ALBERTSCHUMANN

M. Albert Schumann est peut-être le dresseur leplus complet et le plus universel, comme travailen liberté, qui ait jamais existé. Mais ce ne

serait pas la place d'en parler ici s'il n'était un écuyer de hauteécole des plus distingués. On lui a reproché d'employer tropd'accessoires dans la présentation de ses numéros. Mais il nefaut pas oublier qu'il est avant tout directeur de cirque et forcéde faire des concessions aux goûts du gros public.

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ECUYÈRES PROFES-SIONNELLES ETECUYÈRES DE CIRQUE

L 'HOMME n'a pas eu le privilège de s'illustrer dans la hauteécole. La femme a fourni, à l'équitation savante, des

artistes dont la réputation et le souvenir sont demeurés trèsvivants. Je citerai les principales.

ÉMILIE LOISSET Emilie Loisset brilla du plus vif, éclat auCirque d'Été. Jolie, fine, élancée, elle avait

un travail des plus brillants qui portait admirablement sur unpublic alors passionné pour l'équitation de cirque. La grâce et lavigueur étaient ses qualités dominantes. Elle fut tuée au coursd'une répétition à la fleur de l'âge. Entrée en bataille avec uncheval difficile, celui-ci, attaqué par un coup de cravache, man-qua des pieds de derrière, et se renversa sur l'amazone qui eutla poitrine défoncée.

ÉLISA PETZOLD Élisa Petzold fut l'étoile de l'ancien hippo-drome de l'avenue de l'Aima. Très élégante.

o >admirablement bien placée, elle présentait plusieurs chevauxd'école remarquables. Elle a laissé une renommée bien méritée.

THÉRÈSE RENZ Très femme de métier, Thérèse Renz,d'origine allemande, était la grande vedette

du cirque Herzog. Elle fut mise à cheval dès sa prime jeunesse

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et débuta dans le travail debout. Elle passa par la suite à lahaute école.

Nulle mieux qu'elle ne sait présenter un cheval au public.D'une grâce infinie, elle est bien une des plus jolies amazonesqui aient existé, et elle esquivait avec une habileté consomméeles petites difficultés avec lesquelles elle ne voulait pas se trou-ver aux prises, ce qui dénote un grand tact dans la présentationau public. Véritable prestidigitatrice équestre, c'est, en somme,une artiste pleine de charme.

CAMILLE VANW A L B E R G

Camille van Walberg est venue à la hauteécole par enthousiasme. Elle y a d'ailleurscomplètement réussi.

Elle a débuté dans mon cirque d'amateurs et je n'en dirai quece que le baron de Vaux en a dit lui-même :

« Le travail de Mme de Walberg est la suprême expression dela manière française actuelle. Finesse, science, distinction ysont réunies. »

MARGUERITED U D L E Y

Marguerite Dudley a fait ses débuts en publicchez moi, rue Benouville, comme mime. Est-ce le contact de la piste qui lui a donné le

goût du cheval? Je l'ignore. Toujours est-il qu'elle devintélève de Franconi, qui en fit une écuyère tout à fait intéressante.

BLANCHEALLARTY

Blanche Allarty est entrée très jeune dans le^métier. A treize ans, elle était mon élève. Pos-sédant un des tempéraments les plus complets

qui puissent exister, robuste, souple, agile, elle s'adonna àl'équitation avec passion. Elle pratiqua tour à tour tous lessports athlétiques et l'équitation sous toutes ses formes. Débu-tant à l'âge de quinze ans au cirque Franconi, on la vit excel-

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1er dans la voltige à la Richard et être la reine des jeux romains,cette brillante voltige que jamais aucune femme n'osa exécuteravant elle. Comme gymnasiarque, elle fit le double trapèze etcréa le trapèze à cheval. Puis, faisant sa spécialité de la hauteécole en amazone et en homme, elle est devenue une dresseusede premier ordre.

Ses multiples performances à cheval ainsi que ses dressageslui ont valu à New-York le surnom de Centauresse.

Le lecteur pourra se rendre compte de son audace et de laprécision de ses travaux équestres, aussi bien en amazone qu'àcalifourchon, par les photographies contenues dans ce livre,photographies que je suis heureux de pouvoir reproduire pourappuyer mes démonstrations.

Voici une appréciation sur Blanche Allarty que j'extraisd'une de ses biographies par M. Saint-Maurice :

« Le côté typique de l'école à laquelle appartient cetteartiste est la présentation d'un cheval toujours en mouvement;il n'est pas, en effet, le vulgaire « rintintin » de cirque automa-tique et rompu dans son travail par une longue routine ; c'estun animal brillant, vigoureux et vibrant. »

YOLA DE NYSS Toute enfant, elle était entrée à l'Opéra, et,à dix-sept ans, lorsque j'eus le plaisir de

l'avoir pour élève, elle eut bien vite acquis la souplesse et lagrâce qui, jointes à son excellente conformation, à ses moyensnaturels et à son intelligence, lui permirent d'exécuter lejockey, le pas de deux et beaucoup d'exercices de cirque avecune rare perfection.

Grâce à sa correction comme écuyère de haute école et commevoltigeuse, j'ai pu obtenir, en reproduisant ses mouvements etses attitudes, des photographies qui, dans ce livre, seront trèsutiles à la clarté de mes démonstrations.

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Mmo HENSMANN Je n'aurais garde d'oublier dans cette rapidenomenclature une amazone remarquable,

femme de cheval très accomplie : Mme Hensmann.Elle est l'éducatrice actuelle de toutes les jeunes femmes de

la société parisienne et de la colonie étrangère. Sa silhouetteconnue fait partie intégrante du Paris qui, chaque matin, animele Bois de Boulogne.

ANNA JUDIC Puisque je parle de quelques-unes de mesélèves, je suis heureux de dire combien j'ai

été flatté d'avoir été choisi, quoiqu'amateur, par la célèbredivette, Mme Anna Judic, comme professeur. N'ayant jamaispratiqué l'équitation, elle a pu, grâce à son intelligence et à

son adresse, monter en haute école en très peu de temps moncheval Blondin, avec lequel elle a remporté, sur la scène desVariétés, dans le Tour du Cadran, des succès dignes de saréputation.

ALICE LAVIGNE Je tiens à citer ici la célèbre comédiennedont la gaîté et le talent ont fait la joie de

toute une génération, pour montrer qu'en matière d'équita-tion, le courage et l'intelligence priment toute autre qualité :

J'ai en effet réussi, au cours de mes soirées dont elle fut lacollaboratrice assidue, à lui faire exécuter des choses fort diffi-ciles et souvent dangereuses, et cela, bien que ses occupationsl'aient toujours empêchée de se perfectionner dans l'art del'équitation.

J'ai été heureux de signaler ici le talent d'artistes telles queMmes Émilie Loisset, Élisa Petzold, Thérèse Renz, etc., et jeregrette que la place me manque pour parler de toutes cellesqui ont illustré comme elles l'équitation. Malheureusement, ces

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écuyères deviennent de plus en plus rares, remplacées parcertaines femmes bien plus préoccupées de se produire qued'apprendre leur métier. Ces écuyères improvisées, dont laprétention n'a d'égale que l'ignorance, sabotent l'équitationavec la plus impudente désinvolture. Certains directeurs decirques actuels, aussi étrangers à l'équitation qu'aux exercicesathlétiques (qui devraient constituer à eux seuls le spectacled'un cirque), les engagent avec empressement, flattés qu'ils sontpar les titres de noblesse dont elles s'affublent ou par le scan-dale dont leur personne a pu être l'objet. Ils sont agréablementtentés par les modestes appointements que demandent cesfemmes qui donneraient volontiers de fortes sommes pour semontrer.

Je sais bien que ces écuyères à côté ont toujours existé. Maiscelles d'autrefois, qui étaient des exceptions, se procuraient debons chevaux d'école et avaient assez le respect du publicpour apprendre à les monter. Celles d'à présent se contententde se faire adapter le plus vite possible sur quelque rebutde cirque que leur procurent des industriels spécialistes de cesobjets d'occasion et de rencontre.

En somme, ces sortes d'exhibitions, qui déshonorent l'équi-tation, n'ont pas peu contribué à la décadence du cirque qui,en pleine agonie, depuis la disparition des Franconi, n'est plusqu'un vulgaire music-hall où l'art équestre est remplacé par descake-walk et des valses plus ou moins chaloupées.

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CONCLUSION

1 L faut être vraiment fanatique du cheval pour avoir entreprisune étude à son sujet, au moment où il se trouve remplacé,dans

la plupart de ses emplois, par la bicyclette et l'automobile. Latraction mécanique telle que nous la voyons à ses débuts a biendes allures un peu brutales et le nouveau chauffeur prend partrop de plaisir à répandre l'effroi sur son passage ; mais quandle snobisme et la griseriede la vitesse auront disparu ; lorsqu'onsera blasé sur cette nouvelle manière de courir les routes, l'au-tomobile triomphant par sa rapidité et sa sûreté sera sans con-tredit, la plus pratique des inventions du siècle. Je trouve exa-géré cependant que son apparition ait amené un tel mépris ducheval, qu'on semble s'être efforcé de lui rendre la vie impos-sible.

L'accommodant animal s'est bien habitué aux détonations del'échappement libre, aux cris aigus des sirènes, des sifflets, desrossignols, etc. Mais il lui devient impossible de se tenir deboutet surtout de gravir avec ses charges de foin et de blé, les mon-tées rendues trop glissantes par le goudronnage. A New-York,le cheval disparaît de plus en plus sous prétexte que l'odeur ducrottin infecte l'atmosphère, que l'été il attire les mouches etenfin parce qu'il tient trop de place dans la ville. C'est être partrop injuste pour ce vieux serviteur que lui chercher depareilles querelles et se figurer qu'il n'est plus bon à rien.Cependant, j'estime qu'on doit être heureux de le voir remplacépar l'auto dans ses services les plus pénibles. Plus de ces mal-

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heureuses haridelles, martyres du fiacre: les unes traînant leur

agonie le long des chaussées, boiteuses, poussives, fourbues,obligées de marcher sous le fouet du cocher hargneux, jusqu'àce qu'elles aillent à bout de force s'effondrer lamentablement ;

les autres, un membre brisé, attendant, abattues sur le sol, desjournées entières, que l'équarrisseur vienne les achever.

Le rôle du cheval va enfin changer et il redeviendra le nobleet élégant animal qu'il doit être : cheval d'armes, cheval dechasse, cheval de promenade, peut-être même cheval d'école etenfin animal de grand luxe pour attelage. La pratique ducheval deviendra le sport élégant par excellence, tandis quel'automobile et la bicyclette demeureront les véritables agentsde trafic et de transport.

Trop heureux si j'ai pu, par la manifestation de mes soiréeséquestres et par ce modeste ouvrage, avoir payé mon tributau relèvement du cheval et de l'équitation.

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CARNET DU DOCTEUR

CHIRURGIED'URGENCE

AVANTAGES ETINCONVÉNIENTSDE L'ÉQUITATION

L'équitation est un sport excellent à con-dition de ne pas en abuser. L'homme quipasserait sa vie active à cheval perdraitl'habitude de marcher et ne pourrait plus

le faire qu avec une attitude anormale.L'équitation est excellente chez la femme, mais ce sport doit

être pratiqué chez elle avec modération. Les femmes doivents'habituer à se tenir comme les cavaliers. La statique des orga-nes génitaux internes, dans cette situation, ne se trouve pascompromise; elle obéit aux mêmes lois de la pesanteur quelorsque la femme marche à pied. Au contraire, dans la situationassise, l'amazone se trouve dans une position asymétrique, cetteasymétrie provoque une contraction anormale des muscles de lacuisse et du bassin. D'où une perturbation assez considérabledans la statique des organes génitaux internes. Presque toutesles jeunes amazones qui se livrent avec excès au sport del'équitation se trouvent souvent atteintes de rétroversion pré-coce.

Les chutes de cheval peuvent occasionner des blessures trèsvariables. Ces blessures sont parfois sans gravité, car la

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force de projection est rarement considérable. Lorsque lecheval s'emballe, le cavalier peut être traîné, le pied retenudans l'étrier; il peut aussi se trouver lancé contre un mur ouun arbre.

Le traumatisme a pour conséquence des lésions très varia-bles; nous les diviserons en trois paragraphes, suivant leur gra-vité :

1e Les contusions simples;2° Les plaies, le plus souvent superficielles;3° Les fractures.

TRAITEM ENTDES CONTUSIONS

Lorsqu'on examine le blessé, on doit luidemander où il éprouve de la douleur. Lescontusions simples se traduisent exté-

rieurement par une douleur locale. La peau peut être éraillée,si elle repose sur un plan osseux. Il se produit tantôt une cer-taine tuméfaction, due à un œdème séro-sanguinolent, tantôtune bosse sanguine.

Lorsque le blessé est projeté sur le sol, il y a parfois glisse-ment de la peau et décollement sous-cutané.

Toute contusion violente aboutit à une ecchymose, c'est-à-dire à une tache violacée due à la suffusion sanguine. Celaprouve qu'il s'est produit dans le tissu cellulaire sous-cutanéune déchirure des vaisseaux. Cette infiltration sanguine, lors-qu'elle a lieu sous la peau fine des paupières, peut donner lieuà une ecchymose ardoisée très étendue, qui entoure le globe del'œil. Quelquefois, à la suite de chocs violents, on observe unépanchement sanguin en nappe ou circonscrit ; il en résulteparfois, à la tête, lieu d'élection de la bosse sanguine, uneerreur curieuse. Comme la partie centrale est dépressible, onpeut croire qu'il s'est produit un enfoncement cranien.

Si l'on est appelé tardivement auprès du blessé on peut recon-

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naître le caillot sous-cutané à la sensation d'une petite massed'empois d'amidon, que l'on écraserait entre deux linges.

Les contusions simples et les ecchymoses sous-cutanées seronttraitées par des compresses d'eau blanche; par le repos et parla compression ouatée.

TRAITEMENT DESPLAIES CONTUSES

Les plaies déterminées par les chutes decheval sont le plus souvent contuses, àmoins qu'il ne s'agisse de projection sur

des corps aigus ou tranchants. L'hémorragie est le plus souventminime, dans les plaies contuses. Elle peut être abondante à latête, où les artères présentent un développement exceptionnel.On commencera par laver toute la région à l'eau chaude ou ausavon, on rasera les poils, s'il y en a, et l'on désinfectera laplaie et son pourtour avec une solution de sublimé à 2 p. 1.000.On peut employer également de l'eau bouillie additionnée de10 p. 100 de teinture d'iode, sinon du pétrole ou de l'essence depétrole. A défaut d'ouate hydrophile stérilisée on emploiera desserviettes fines ou des mouchoirs récemment blanchis et quel'on aura fait bouillir dans de l'eau salée ou carbonatée à10 p. 100.

La suture sera faite par un médecin, avec toutes les précau-tions de rigueur.

Nous venons d'envisager surtout les traumatismes bénins, quin'entraînent aucune complication grave et, qui permettent aucavalier de remonterà chevalaprès les premiers soins.

Si la commotion a été violente, on observe un état spécial,connu sous le nom de « choc traumatique ». Le sujet est étendusur le sol, le visage immobile, les yeux voilés. Le regard estvague, la peau et les muqueuses sont d'une blancheur marmo-réenne, les mains et les lèvres sont un peu bleuâtres. Le front estcouvert de sueurs froides ; tous ces symptômes sont dus à une

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violente commotion nerveuse, sans lésions véritables. Le choctraumatique se distingue de la syncope simple par ce fait, qu'ildébute moins brusquement, qu'il persiste plus longtemps et nes'accompagnepas de perte de connaissance complète. Le « choctraumatique » s'observe surtout dans les contusions violéntesde l'abdomen et dans les traumatismes du crâne. Dans cedernier cas, la perte de connaissance est plus accentuée parcequ'elle se complique de commotion cérébrale.

Le traitement d'urgence est alors d'une très grande impor-tance. Il faut placer le malade la tête basse, de façon à rame-ner, par la déclivité, le sang vers les centres nerveux anémiés.S'il est possible, on le réchauffera en l'entourant de bouillotesou de briques chaudes, enveloppées avec soin de plusieurs épais-seurs de linge. Il faut prendre garde de produire des brûlures :

les brûlures faites pendant la période d'insensibilité sont sou-vent très profondes. On fera des injections sous-cutanées d'étherà la dose de 1 ou 2 centimètres cubes et de benzoate de caféineà la dose de 0,25 p. cent grammes. En cas de syncope, on exci-tera les mouvements respiratoires par la flagellation des joueset de la partie supéro-antérieure du thorax avec l'angle d'uneserviette mouillée. On fera également des tractions rythméesde la langue et des inhalations d'oxygène, pendant qu'un aidepratiquera la respiration artificielle par l'un des procédés sui-vants :

1° Pressions rythmées sur le thorax.2° Extension et abduction des bras;7" Procédé des pressions rythmées sur le thorax :Le chirurgien exerce plusieurs pressions latérales sur le thorax,

en écoutant si l'air est aspiré par la trachée. S'il n'y a aucunbruit inspiratoire, il faut immédiatementdébarrasser le pharynxdes mucosités qu'il contient. Ces pressions latérales rythméessur le thorax se font avec les deux mains, sans violence ; elles

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peuvent suffire pour provoquer le retour des mouvementsrespiratoires.

20 Procédé d'abduction et d'extension des bras :Ce procédé est le plus efficace, il mérite d'être décrit en

détail : le chirurgien, placé du côté de la tête du patient, saisitles deux avant-bras tout près du coude, les rapproche des par-ties latérales du thorax, qu'il comprime un instant et les déve-loppe, en arrière et en dehors, dans l'axe des fibres les pluslongues du grand pectoral, suivant deux plans verticaux passantpar chaque aisselle et se joignant à l'ombilic.

Le silence le plus absolu doit être observé. A chaque mouve-ment d'abduction des bras en arrière, on entend un bruit carac-téristique d'inspiration. Un instant d'arrêt ; un aide appliquel'oreille sur le cœur. Le plus souvent, il perçoit quelques con-tractions, parfois faibles et espacées.

Quelques percussions rapides sur la région cardiaque et l'ap-plication surlarégion précordialedu marteaudeMayor ou de ser-viettes imbibées d'eau très chaude sont d'excellents adjuvants.

Mais la respiration artificielle est le suprême remède. Dèsque le sang se charge d'oxygène, la circulation affaiblie seranime, et bientôt le reflexe vital est définitivement rétabli : lacompression brusque du thorax par les coudes détermine uncertain degré d'expiration. La projection des bras en arrière eten dehors, dans l'axe des fibres moyennes du grand pectoral,produit l'inspiration la plus étendue qu'il soit possible de réali-ser. Un aide, penché entre les jambes du patient, pratique enmême temps les tractions rythmées de la langue, 20 à 25 foispar minute.

On ne cessera la respiration artificielle que lorsque le rythmerespiratoire normal sera nettement rétabli.

Nous proscrivons absolument, et dans quelque cas que cesoit, la pratique exclusive des tractions rythmées de la langue,

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pratique très inférieure, chez l'adulte, aux manœuvres que nousvenons de décrire.

Des blessés qui sont en état de mort apparente peuventencore être ranimés. Le cœur ne battrait-il plus que d'unemanière imperceptible, tant que la circulation pulmonaire estlibre, la respiration artificielle, aidée des manœuvres que nousavons signalées, et qui en sont dans les cas graves le complé-ment indispensable, peut sauver le malade.

Jamais il ne faut désespérer : 10, 15, 20 ou 30 minutesd'efforts continuels et même davantage peuvent être nécessairespour provoquer le retour des manifestations extérieures de lavie.

On ne doit cesser les tentatives de rappel à la vie que lors-que tous les signes de la mort existent depuis 10 à 15 minutes :

dilatation complète des pupilles, aspect dépoli et vitreux de lacornée, cyanose des extrémités ou décoloration complète, encas d'hémorragie, abaissement de la température rectale au-dessous de 36" ; on peut s'assurer de l'arrêt complet de la circu-lation en mettant à nu et en sectionnant l'artère radiale.

TRAITEMENTDES FRACTURES

On reconnaît parfois une fracture à la posi-tion vicieuse du membre, parfois le frag-'ment supérieur du tibia ou de l'humérus a

traversé la peau et s'est implanté dans le sol ; ce sont heureu-sement des cas assez rares.

Si l'on reconnaît une fracture, il faut examiner immédiate-ment la région ; puis on immobilisera provisoirement le membrependant le transport du blessé. Les premiers soins à donnerdans ces cas consistent à éviter toute secousse, à examiner avecdouceur la région traumatisée, puis on prépare le transport dublessé après avoir immobilisé le membre d'une façon provisoirepour éviter des accidents.

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FRACTURES ET LUXA-TIONS DE LA CLAVICULEET DU MEMBRE SUPÉRIEUR

On coupera les vêtements avecdes ciseaux afin de ne pas ag-graver la lésion. Les fractu-res de la clavicule sont les plus

fréquentes; certainsjockeys ont eu plusieurs fractures de chacunedes clavicules. On se contentera de maintenir le bras en écharpependant 3 à 4 semaines. Dans le cas de fracture du membresupérieur ou de la clavicule, il suffit d'appliquer une écharpe ouune gouttière de fil de fer. L'écharpe se fait avec un carré detoile de 1 m. 20 de côté. On plie cette pièce de toile en triangleon dispose la base du triangle au-devant du thorax et on noue leschefs derrière le dos.

Les deux sommets du triangle isocèle sont relevés au devant del'avant-bras fléchi, et on les passe chacun par dessus une desépaules. Le chirurgien fixe ces deux chefs dans le dos en les réu-nissant aux deux chefs horizontaux, soit directement, soit par l'in-termédiaire d'une petite pièce de toile. Si l'on veut rétablir trèsvite, le fonctionnement du bras, il faut faire la suture osseuse.

FRACTUREDE COTES

Si après la chute le blessé se plaint d'un violentpoint de côté et qu'il accuse en respirant une gênerespiratoire très accentuée, il faut songer aux frac-

tures des côtes. Très souvent le malade indique lui-même lepoint lésé. A l'auscultation on constate de la crépitation osseuseen un point précis, où la palpation révèle une douleur vive. Ilfaut immobiliser le thorax avec un bandage de corps ou une largebande de sparadrap Vigier. On placera le bras correspondantdans une écharpe.

LUXATIONDE L'ÉPAULE

La luxation de l'épaule se reconnaît facilementà la douleur et à l'impotence du membre. Lebras est très rapproché du thorax, et il existe

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une dépression au-dessous de l'acromion ; c'est la dépression enépaulette. Pour réduire la luxation, il faut endormir le maladeau chlorure d'éthyle après l'avoir étendu sur le dos. Lorsqu'il

est en résolution, le chi-rurgien

,regardant le

creux de l'aisselle, prendl'avant-bras des deuxmains et applique toutprès de l'humérus, avecl'intermédiaire d'une ser-viette, le pied gauchepour l'épaule gauche etle pied droit pour l'épauledroite, de manière à fairela contre-extension. Unetraction brusque suffit leplus souvent. Un aidepeut faire des tractions

en haut à l'aide d'une serviette passant sous le bras à sa partiesupérieure.

FRACTURE DEL'HUMÉRUS i° Col chirurgical : Dans cette fracture, il n'y

a pas de dépression en épaulette, et l'onreconnaît facilement la crépitation osseuse. On

pourra se contenter d'une écharpe pendant les premiers jours.2° Fractures de la partie moyenne : On reconnaît facile-

ment la déformation et la mobilité anormale : même panse-ment provisoire. Le meilleur pansement est l'appareil plâtréde Doyen (Technique chirurgicale, tome III).

3° Fracture du tiers inférieur : Ces fractures consistent d'ha-bitude en un éclatement de l'extrémité inférieure de l'humérus :

le coude est tuméfié et très douloureux. Les fractures du coude

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exigent un traitement particulier. Ce sont les seules où il soitnécessaire de mobiliser l'articulation tous les jours ; ces mou-vements empêchent les esquilles de se consolider dans une posi-tion vicieuse.

LUXATIONDU COUDE

La luxation du coude se fait le plus souvent enarrière. On la réduit sous l'anesthésie en tirantvivement sur le poignet placé en supination et

en faisant avec le bord cubital de l'autre main un choc violentau niveau du col du cubitus. Echarpe et mobilisation chaquejour.

FRACTURE DEL'OLÉCRANE

La fracture du bec de l'olécrane est facile àreconnaître. On placera le membre dans l'ex-tension pendant 3 à 4 semaines. Il est toute-

fois préférable de faire la suture osseuse.

FRACTURE DELAVANT-BRAS

1° La fracture des deux os de l'avant-bras, àla partie moyenne, est facile à reconnaître.On appliquera l'appareil plâtre de Doyen;

l'avant-bras est placé en demi-supination, la paume de la mainregardant l'épaule opposée, position où les deux os sontparallèles.

3" Fracture de l'extrémité inférieure du radius. La déforma-tion est habituellement en dos de fourchette ; le fragment supé-rieur est enclavé dans l'inférieur et la réduction est assez diffi-cile. On ne peut la faire qu'en appliquant le bord cubital sur legenou ou sur le dossier d'une chaise. Le désenclavement exigeune force musculaire considérable. On placera l'appareil plâtréde Doyen. La fracture ou la luxation des métacarpiens ou desphalanges est exceptionnelle.

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FRACTURE OULUXATION DUMEMBREINFÉRIEUR

Le malade ne peut pas se relever. Il fautdonc :

1° Le relever ;

2° Le transporter à l'aide d'un appa-reil improvisé ;

3e L'étendre sur un lit d'examen.I. — Pour relever le blessé :

Un aide vigoureux soulève le malade par les épaules et parles reins de façon à éviter tout mouvement intempestif, tandisqu'un autre plus expérimenté, s'occupe du membre. Il le saisità pleines mains, une main au-dessus, l'autre au-dessous dufoyer de la fracture, de façon à porter le membre en évitanttout mouvement. A l'ordre du chirurgien les divers aides doi-vent manœuvrer de concert.

Le malade ainsi soulevé est placé sur un brancard improvisé.Si on doit le transporter assez loin, alors on appliquera unappareil d'immobilisation composé de deux attelles simples.

II. — Le transport du blessé peut se faire à l aide d'unbrancard ou de deux planches jointes par deux traverses, parexemple. Nous venons de voir que pour éviter la douleur et undéplacement exagéré, il peut être nécessaire d'appliquer unappareil. Les appareils de fortune se font avec des liens, desmouchoirs, des serviettes; on peut fixer le membre malade aumembre sain qui forme attelles, on peut employer des bouts demanche à balais et des pièces de bois quelconque ; un fourreaude baïonnette, un fusil, peuvent former un soutien provisoire.

Les porteurs ne devront pas marcher au pas, au contraire,chacun doit marcher librement, de manière à ne pas produireun balancement rythmique du blessé. S'il faut monter ou des-cendre un escalier, les jambes devront toujours se trouver plushaut que la tête. Lorsqu'il s'agit d'étendre le blessé sur le litd'examen, on prendra les mêmes précautions que plus haut. Le

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malade sera déshabillé avec douceur. Les vêtements seront cou-pés. On se rendra compte alors s'il y a une fracture compliquéeet particulièrement si le fragment supérieur sorti des chairs estsouillé de terre. En ce cas, il faut prendre soin de le laisser audehors afin de permettre au chirurgien de pratiquer la résec-tion. La terre des champs renferme habituellement des sporesde tétanos, hôte habituel de l'intestin du cheval.

Dans le cas où la fracture est ouverte, la désinfectiondu foyer sera de toute nécessité. On fera le plus souvent larésection de l'extrémité osseuse souillée de terre ; on traitera laplaie par le tamponnement antiseptique, après l'avoir badigeon-née de teinture d'iode ou de sublimé à 2 p. 1.000, ou d'alcoolformolé à 2 p. 100, et on injectera immédiatement, puis huitjours plus tard, 20 c/c de sérum anti-tétanique. On injecteraégalement, aussitôt l'accident et les jours suivants, 10 centimè-tres cubes de Mycolysine injectable à la région externe de lacuisse ou de la fesse. On assure la coaptation avec du spara-drap de Vigier. Très souvent on obtient une cicatrisation rapidepar ce procédé qui est à la portée de tous.

FRACTUREDU CRANE

Si l'on constate un enfoncement de la boîte cra-nienne, on peut appliquer immédiatement dessangsues en arrière des oreilles. Toute fracture du

crâne porte un pronostic grave. Le meilleur traitement chirurgi-cal est la craniectomie immédiate avec extirpation des fragmentset évacuation des fragments. Le blessé est habituellement sansconnaissance ; s'il existe une plaie, il faut la désinfecter avec soin.

FRACTUREDE LA FACE

S'il s'est produit une fracture du maxillaire supé-rieur, il faut assurer l'immobilité des mâchoirespar un pansement en fronde. Dans les cas de

fracture du maxillaire inférieur, il faut réduire et contenir par

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une fronde ; le diagnostic est facile à faire, car le blessééprouve de violentes douleurs et montre lui-même la partielésée.

FRACTUREDE LA CUISSE

La fracture siège habituellement à la partiemoyenne. Il faut placer le malade sur un litassez dur. La jambe placée hors du lit, en

flexion à angle obtus, le talon sur un coussin placé sur unechaise. On fait l'extension dans l'aîne et la contre-extension surl'extrémité supérieure du tibia.

FRACTUREDE LA ROTULE

Cette fracture est rare par chute de cheval ;

il faut faire la suture. On fera le plus tôtpossible la suture osseuse.

Il peut arriver que le cavalier tombe sur les genoux où lebord du quadriceps détermine une fracture de la rotule. Onconstate à la palpation un petit écartement situé à la partiemoyenne de la rotule du segment osseux à un ou deux centimè-tres de distance ; et ce qui frappe avant tout, c'est que le maladeest dans l'impossibilité complète de fléchir la jambe sur la cuisse,Il faut immédiatement réaliser la compression ouato-caoutchou-tée du genou malade. On fait également quelques tours obli-ques pour rapprocher les fragments.

FRACTUREDE LA JAMBE

Il s'agit en général d'une fracture en bec deflûte, la perforation de la peau est assez fré-quente. On fera la réduction sous le chloro-

forme et on placera un appareil plâtré.

ENTORSE TIBIO-TARSIENNE

Le meilleur traitement est l'immersionpro-longée dans l'eau très chaude suivie demassage et de compressions ouatées.

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FRACTURE PARCAUSE DIRECTE

Nous venons d'élucider particulièrement leslésions par cause indirecte. Les fractures lesplus graves sont les fractures par coup de

pied de cheval qui produisent des fracas considérables.Presque toujours la plaie est infectée ; il faut faire le tampon-

nement aseptique. On injectera de la Mycolysine et du sérumanti-tétanique et on interviendra.

TRAITEMENT DESHÉMORRHAGIESEN GÉNÉRAL

1° Hémorragie en nappe. — Compres-sion directe et tamponnement. Qand lesang s'écoule en nappe, il suffit de com-primer la plaie avec de la gaze sèche, des

compresses ou dela ouate stérilisée. Une compresse de quelquesminutes suffit souvent pour arrêterl'hémorragie.

2° Hémorragie grave. — Si l'hémorragie se fait en jet, onélève le membre et on fait compression circulaire énergique. Onfera monter les circulaires jusqu'à 30 ou 40 centimètres au-dessus dela plaie. Un pansement compressif, joint à l'élévation du membresuffira généralement pour les plaies accidentelles des extrémités.

On peut employer aussi l'eau chaude à 55° et l'alcool à 90°.S'il y a un jet de sang artériel ou veineux, il faut employer legarot. Cet appareil peut rendre de grands services au cours desaccidents. Il se compose d'un lien en huit ; on noue d'abordautour du membre entre la plaie et le cœur, les deux chefs d'uneserviette ou bien un faisceau de cordes résistantes. On passeau-dessous du lien un bâtonnet de 10 à 15 centimètres delongueur avec lequel on pratique la torsion du lien constricteur.Ces divers modes de compression suspendent localement la cir-culation. Le garot doit rester appliqué le moins longtemps pos-sible, par crainte de la gangrène du membre. Il faut donc sehâter de faire venir un chirurgien pour lier le vaisseau.

Docteur DOYEN.

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CARNET DU VÉTÉRINAIRE

MALADIES ET ACCIDENTS DU CHEVAL

THÉRAPEUTIQUE D'URGENCE

LE but du présent article n'est pas la description complètedes maladies et accidents très diversifiés dont le cheval peut

être victime, mais simplement l'énumération brève de cellesou de ceux qui nécessitent une intervention immédiate, urgente,sans laquelle la santé de l'animal serait sérieusement compro-mise, ou sans laquelle, du moins, des complications seraient àcraindre.

Un exposé succinct des symptômes caractéristiques permettraau cavalier de reconnaître tout de suite la nature et la gravitéde l'accident qui vient de frapper brusquement sa monture ;

une description sommaire des moyens à mettre en œuvre pouren combattre rapidement les conséquences lui sera des plusutiles pour le guider dans son intervention et facilitera biensouvent la tâche ultérieure du vétérinaire.

Mon intention n'est pas, en effet, d'entraver l'action del'homme de l'art, mais au contraire de la préparer, lorsquecelui-ci ne peut être prévenu immédiatement : dans les casgraves, il faut aller au plus vite, chaque minute perdue envains efforts rapproche de l'échéance fatale, alors que des soins

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judicieusement donnés rendent le pronostic beaucoup plusbénin.

Ce sont donc quelques conseils relatifs à la thérapeutiqued'urgence des maladies et accidents du cheval les plus impor-tants, que je me propose de donner ici.

I. — APPAREIL LOCOMOTEUR

CONTUSIONS.PLAIES CONTUSES.HÉMORRAGIES.

Elles sont consécutives à des coups depied, des chutes surtout,quelquefois aussià des heurts contre le bat-flanc, les mon-tants d'une porte, etc...

Toutes les fois que le traumatisme a été violent, une boiterieapparaît instantanément ou dans les quelques minutes quisuivent la production de l'accident.

Plusieurs cas sont à considérer :

1° Il n'y a pas de solution de continuité de la peau :c'est une

contusion ;

2° La peau et les tissus sous-jacents ont été sectionnés surune plus ou moins grande étendue : c'est une plaie simple ouune plaie contuse;

3° La blessure est accompagnée d'un écoulemeut de sangassez abondant : on a affaire à une hémorragie qu'il s'agit decombattre le plus rapidement possible.

Les contusions simples s'annoncent, en dehors de la boiterie,par un gonflement qui ne tarde pas à envahir le territoireintéressé et qui est dû, soit à une hémorragie sous-cutanée, soità l'inflammation qui fait fatalement suite à tout traumatisme.Il en résulte une douleur qui va en s'accentuant au fur et àmesure que la tuméfaction augmente, et c'est cette douleurqu'il importe de combattre.

L'hydrothérapie est le grand calmant : douches froides en

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pluie sur la région atteinte, lotions d'eau tiède (40°) ou, quandil s'agit de l'extrémité inférieure d'un membre, bain tiède. Onpourra faire, après cela des applications d'eau blanche ouenvelopper la partie malade d'un pansement que l'on main-tiendra constamment humide.

Les plaies sont plus fréquentes : c'est la manifestion habi-tuelle des coups de pied et des chutes, en particulier des chutessur les genoux. Quelle que soit leur nature, il faut immédiate-ment les débarrasser des corps étrangers (terre, sable, mor-ceaux de bois, etc.) qu'elles peuvent renfermer et qui, parfois,sont profondément implantés dans les tissus : les douches enpluie ou en jet d'intensité modérée sont les plus recomman-dables ; si l'on n'a pas d'appareil à douche à sa disposition, onfait des aspersions d'eau bouillie ou simplement d'eau fraîche,avec la main et on enlève, avec un tampon d'ouate imbibé, lescorps étrangers les plus solidement implantés.

Lorsque la blessure est bien nettoyée, on peut juger de saprofondeur et de la nature des tissus lésés : l'écoulement d'unliquide clair, légèrement jaunâtre et filant au niveau d'uneplaie du genou est l'indice de l'ouvertured'une bourse synoviale,tendineuse ou articulaire : en pareil cas, il faut éviter de fairemarcher l'animal ; si l'accident, s'est produit en pleine cam-pagne, faire transporter le blessé en voiture jusqu'à son boxou dans une écurie voisine, en attendant l'arrivée du vétéri-naire.

Il en est de même, lors de section complète des tendonsfléchisseurs des phalanges, qui se manifeste par une boiterietrès accusée avec appui sur la face postérieure du boulet.

D'une façon générale, cette conduite doit être tenue toutesles fois qu'une articulationquelconque est ouverte ou un tendon,sectionné.

L'antisepsie ne doit jamais être négligée, quand on peut la

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mettre en pratique : lorsque la solution de continuité de lapeau a été minutieusement débarrassée de toute souillure, faireun bon lavage avec une solution tiède de grésyl à 2 p. 100, depermanganate de potasse à 1 p. 1000, d'acide phénique à 1 p. 100ou avec de l'eau oxygénée : de la sorte, on a fait son possiblepour éviter l'infection ultérieure de la plaie. Un pansementouaté entretiendra celle-ci dans un état absolu de propreté.

Très souvent, les blessures, même profondes, de la peau oudes muscles ne s'accompagnent que d'un écoulement sanguintrès léger, mais quelquefois, particulièrementen ce qui concerneles plaies par instrument tranchant, une artère ou une veineimportante est sectionnée ; il en résulte une hémorragie plusou moins abondante qu'on doit s'efforcer de tarir le plus rapide-ment possible par une compression intelligente ou par la liga-ture des vaisseaux.

La ligature est certainement le moyen héroïque ; elle s'effectueavec un morceau de fil, ou mieux, de soie; malheureusementelle n'est pas toujours commode à réaliser, en raison de larétractilité des tuniques vasculaires ; on doit, la plupart dutemps, recourir à la compression.

Celle-ci peut se faire de deux façons différentes :

1° En empêchant l'arrivée du sang ;

2° A l'aide d'un pansement très serré, appliqué au niveau dutraumatisme.

Lorsque la blessure siège à l'extrémité d'un membre (paturon,boulet, canon ou même avant-bras) il est toujours possibled'entraver la circulation sanguine au moyen d'un lien forte-ment serré et placé soit au-dessus, soit au-dessous de la plaie,suivant la nature du vaisseau lésé.

La section d'une artère est annoncée par un jet de sang rougevermeil, d'intensité variable, maximum au moment de chaquepulsation ; au contraire, quand une veine a été touchée, il

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se produit un écoulement uniforme de sang rouge noirâtre.Dans le premier cas, il faut appliquer le lien (de préférence,

un garrot de caoutchouc) au-dessus de la plaie, et au-dessousdans le deuxième (le sang veineux venant de la périphérie).D'ailleursdans la grande majorité des circonstances, les hémor-ragies veineuses s'arrêtent d'elles-mêmes par affaissement pro-gressif du vaisseau.

Quand il n'est pas possible d'employer le garottage, soit qu'onn'ait pas à sa disposition un lien suffisamment résistant, soitencore que la région traumatisée ne se prête pas à cetteopération, il faut recourir à la compression au moyen d'unpansement : des lames d'ouate ou même d'étoupe (désinfectéeau préalable avec une solution antiseptique) sont appliquéessur la plaie et serrées vigoureusement, par l'intermédiaire decordes ou de bandes.

BRULURES Peuvent être produites par des solides, desliquides ou des gaz.

Les corps solides déterminent des brûlures peu étendues,mais assez profondes ; les liquides et les gaz exercent leuraction cautérisante sur une surface plus grande du corps,mais en général superficiellement : cela n'empêche pas cesbrûlures d'être graves, car la peau se trouvant détruite sur unelarge étendue, les fonctions cutanées sont fortement troublées,cela explique les cas de mort observés chez les animaux prisdans des incendies (en dehors de toute action de la fumée surles voies respiratoires).

Quoi qu'il en soit, le traitement qui convient le mieux, dès laproduction de la brûlure, consiste en des lotions tièdes avecune solution saturée d'acide picrique, des aspersions froides, etla projection de topiques pulvérulents : amidon, salol,soufre, etc.

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FULGURATION.ACCIDENTS PRODUITSPAR L'ÉLECTRICITÉ

Tantôt les animaux sont tués ins-tantanément par la foudre, tantôtl'accident a laissé des brûlures plusou moins étendues et disséminées à

la surface du corps, tantôt enfin, il ne persiste qu'un peud'hébétude sans autre trouble notable.

Il en est de même pour les décharges causées par les plotsencore électrisés ; si le cheval tombe sur le plot et les deux rails,il peut être foudroyé, tout au moins, est-il sérieusement brûlé ;

s'il a pu se jeter par côté, l'accident est sans grande gravité.Quand le malade est encore étendu sur le sol, le ranimer par

des frictions sèches ou irritantes, par des aspersions froides,des stimulants administrés sous forme de breuvages (café,alcool, etc.). Les brûlures sont traitées comme il est indiquéprécédemment.

FRACTURES La fracture :d'un membre se manifeste par undéfaut absolu d'appui, une mobilité anormale

ou une déviation de l'extrémité inférieure, une crépitation spé-ciale au niveau du trait de fracture, enfin une vive douleur àla palpation. Parfois, la fracture est ouverte et les aboutsosseux font saillie au dehors.

D'une manière générale, il n'y a pas intérêt à traiter, quelleque soit la valeur du cheval : mieux vaut le diriger immédiate-ment sur la boucherie.

EFFORT DE TEN-DON, CLAQUAGENERF. FÉRURE,

C'est la rupture complète ou imcomplètedes tendons fléchisseurs des phalanges oudu ligament suspenseur du boulet : elleest la conséquence du saut ou de réac-

tions violentes ayant amené un tiraillement plus ou moinsconsidérable des fibres tendineuses.

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Le claquage se reconnaît, tout à fait au début, à une forte boite-rie, une douleur et une chaleur particulièrementvives au niveaudes tendons et, un peu plus tard, à un empâtement de la région.

Aussitôt après l'accident, conduire le sujet, avec beaucoupde précaution, dans son box, et le laisser au repos le pluscomplet ; doucher la partie malade ou donner un bain d'eautiède; envelopper ensuite le canon avec un épais pansementouaté qu'on arrose très souvent dans les heures qui suivent.On peut aussi recourir aux lotions astringentes d'eau blanche,d'une solution de sulfate de fer, de sulfate de cuivre, de sulfatede zinc ou d'alun.

FOURBURE La fourbure aiguë, qui nous intéresse uniquementici, est la congestion active du tissu vif du pied.

Elle est la conséquence du surmenage imposé au cheval etelle est favorisée par une alimentation trop riche et trop abon-dante : elle se constate surtout sur les animaux pléthoriques,c'est-à-dire à tempérament sanguin.

Les symptômes en sont assez nets : l'animal fourbu marcheavec beaucoup de difficulté, comme « s'il posait les pieds surdes épingles » ; les talons seuls appuient sur le sol, en raisonde la localisation de la lésion aux parties antérieures du sabot.

Au repos, si ce sont les membres de devant qui sont atteints,ils sont projetés fortement en avant : le malade est campé dudevant; au contraire, quand la lésion porte sur les pieds pos-térieurs, il est sous lui du derrière. Si les quatre pieds sonttouchés, le sujet est campé du devant et sous lui du derrière.

La percussion des sabots fait éprouver au cheval une dou-leur très forte.

Mettre le malade au repos et à la diète ; une saignée de 5 à6 litres est d'une grande utilité. Les bains de pied froids atté-nuent beaucoup les souffrances et décongestionnent les tissus

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vifs du pied. A l'écurie, on enveloppe les sabots d'étoupe qu'onarrose fréquemment.

CLOUS DE RUE.CONTU SION SDE LA SOLE

D'une façon générale, on a coutume d'appe-ler clou de rue tout corps étranger implantédans une région quelconque de la sole oude la fourchette : quand un cheval se met à

boiter brusquement, au travail, il faut toujours penser à lapénétration d'un clou dans le pied ; on lève celui-ci, et onexamine avec soin la surface solaire ; s'il s'agit d'un clou, d'unepierre, etc..., on l'extrait : quand le trou est profond, un peude sang vient sourdre au niveau de l'ouverture du trajet.

Il faut maintenir béante cette ouverture et y faire couler unantiseptique fort : essence de térébenthine, teinture d'iode,grésyl pur, etc... Si l'animal boite beaucoup, le ramener douce-ment à l'écurie et lui donner un bon bain grésylé chaud enattendant l'arrivée du vétérinaire.

Ces bains sont indiqués également dans le cas de contusionsimple de la sole.

ÉCRASEMENTDU SABOT

Il se produit quand le sabot du cheval estbrusquement pris entre deux corps durs :

la

roue d'une voiture et le trottoir par exemple.Ici encore, on aura recours immédiatement aux bains anti-

septiques chauds et aux enveloppements humides.

II. — APPAREIL RESPIRATOIRE

HÉMORRAGIES NASALES.ÉPISTAXIS ET HÉMOPTYSIES

Les épistaxis sont des écou-lements, par les naseaux, desang provenant des cavités

nasales : elles sont ordinairement la conséquencede traumatismes.

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Dès la production de l'hémorragie, il faut mettre le chevalau repos et lui appliquer des compresses froides sur le chan-frein ; si le sang continue à couler, on peut faire des injectionsd'eau froide ou d'eau très chaude dans les cavités nasales ; enfinlorsque l'épistaxis est unilatérale, introduire dans le nez destampons d'ouate, préalablement imbibés d'une solution salée.

Les hémoptysies sont des hémorragies pulmonaires, elles setraduisent par un écoulement bilatéral de sang rouge et spu-meux ; elles sont l'expression d'une lésion grave de l'un ou desdeux poumons et nécessitent l'intervention immédiate du vété-rinaire.

CON GESTIONPULMONAIRE.COUP DE SANG

C'est l'arrivée brusque d une quantité con-sidérable de sang dans les poumons : ellesurvient chez les animaux à tempéramentsanguin, pléthorique, qui viennent de four-

nir un travail intense et prolongé, surtout pendant les tempschauds. Elle peut se déclarer aussi à la suite d'un refroidisse-ment.

Elle est caractérisée, d'emblée, par une gêne de la respira-tion : les naseaux sont très dilatés ; le cheval est inquiet, latête étendue sur l'encolure, le flanc s'agite convulsivement ; lamuqueuse des yeux est rouge foncé ; quelquefois, un peu desang s'écoule par le nez.

La première des indications à remplir est de mettre le maladedans de bonnes conditions hygiéniques : repos absolu dans unendroit frais, ombragé, bien aéré pendant l'été, dans un boxchaud, calfeutré, à l'abri des courants d'air, pendant la saisonfroide. Pratiquer ou faire pratiquer une saignée copieuse (6 à 8

litres suivant la taille). La réfrigération des parois thoraciques(hydrothérapie) est à conseiller pendant les grandes chaleurs ;

si, au contraire, la congestion pulmonaire est la conséquence

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d'un coup de froid, envelopper chaudement le thorax avecd'épaisses couvertures.

ACCES DE POUSSE C'est l'apparition de phénomènes aigus,à allure grave, chez des sujets préala-

blement atteints d'emphysème pulmonaire, le plus souventsous l'influence du surmenage et sous l'action prédisposante dela chaleùr.

Le cheval qui a un accès de pousse est haletant, comme celuiqui vient d'être frappé d'un coup de sang ; le soubresaut de sonflanc est considérablement amplifié : les muqueuses sont rou-ges, il y a un peu de fièvre.

Cet accès de pousse est justiciable des mêmes moyens detraitement que la congestion pulmonaire.

III. — APPAREIL CIRCULATOIRE

HÉMORRAGIESINTERNES

Elles sont très fréquentes chez les chevauxde course et elles surviennent généralementau cours d'un effort violent.

Le cheval s'arrête brusquement, est agité de tremblementsconvulsifs et tombe pour ne plus se relever ; quelquefois l'hémor-ragie est moins abondante d'emblée et la mort n'arrive qu'aubout de plusieurs minutes ; enfin, il est possible qu'elle s'arrêteet que le malade survive, mais c'est, de beaucoup, le cas lemoins fréquent.

Il est nécessaire de connaître l'existence de ces accidentsbrusques, avec mort presque foudroyante, mais, malheureuse-ment, on ne peut rien faire pour les combattre efficacement.

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IV. — APPAREIL DIGESTIF

COLIQUES On désigne sous le terme générique de coliquestoutes les affections de l'abdomen accusées par

de vives souffrances et des sueurs plus ou moins abondantes.Rares chez les chevaux de course qui sont l'objet de soinshygiéniques tout particuliers, elles le sont beaucoup moins chezles sujets qui reçoivent une nourriture irrégulière ou compo-sée d'aliments mauvais ou altérés :

l'alimentation est, en effet,la grande cause des coliques du cheval, mais ce n'est pas laseule : le froid, les maladies de la vessie, des reins, du foie, desvaisseaux même doivent entrer en ligne de compte dans laproduction de ces manifestations.

Au début, le cheval est inquiet, gratte le sol de ses membresantérieurs, boude sur sa ration ; de temps à autre, il se regardele flanc ; puis il cherche à se coucher ; tantôt il le fait avec degrandes précautions, tantôt il se laisse tomber brusquement àterre et se roule dans tous les sens ; il se relève pour se cou-cher de nouveau.

Dans certains cas, on peut voir apparaître un ballonnementde l'abdomen, nettement perçu au niveau du flanc droit surtout :

c'est un signe d'indigestion.Il faut empêcher le cheval de se livrer à des mouvements

trop violents pendant lesquels il peut se contusionner sérieuse-ment ; on veillera surtout à ce qu'il ne se roule pas, afin deprévenir la production des nœuds de l'intestin (volvulus) ; c'estpourquoi, il est préférable de promener au pas les animauxatteints de vives coliques ; dans le cas où ils jouissent d'une tran-quillité relative, il vaut mieux les mettre dans un box bien aéré,sur une bonne litière.

Il ne faut pas négliger les frictions sèches ou animées (fric-

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tions sinapisées) qui ramènent les mouvements de l'intestin; deslavements d'eau tiède légèrement savonneuse facilitent l'évacua-tion des crottins et exercent une action calmante sur l'abdomen.

Compléter par l'administration de breuvages excitants : théde foin, café, alcool, etc...

Si les douleurs ne se calment pas, il faut aller chercher d'ur-gence le vétérinaire.

V. —SYSTÈME NERVEUX

CONGESTION CÉRÉBRALE.COUP DE SOLEIL.COUP DE CHALEUR

La congestion cérébrale estl'accumulation d'une quantitéanormale de sang dans les vais-seauxdu cerveau ; comme toutes

les congestions, c'est la maladie des pléthoriques surtout ; elleest principalement déterminée par les efforts violents auxquelssont soumis les chevaux, par des excitations d'ordre psychique(époque du rut, acte du coït, animaux voyageant en chemin defer et soumis aux heurts ou chocs de toutes sortes) ou encorepar une maladie grave préexistante.

Le début en est brusque : le cheval, calme auparavant, semet à pousser au mur, cherche à se cabrer, tourne dans sonDOX, enfin présente les signes d'une excitation très vive ; puis,a un moment donné, une période d'accalmie, de coma, d'abrutis-sement même survient pendant laquelle le malade est inattentifà ce qui se passe autour de lui, a la tête basse, appuyée sur lamangeoire et est insensible à toute excitation venant du dehors.

Le traitement de début consiste en une saignée de 6 à 8 litreset à la réfrigération du crâne au moyen de linges mouillés etrenouvelés souvent ou d'un sachet de glace. Le repos le pluscomplet doit être prescrit.

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Le coup de soleil est une variété de congestion cérébrale dueà l'action longtemps prolongée des rayons solaires sur la boîtecranienne.

Le coup de chaleur est réchauffement de tout le corps ré-sultant de l'action combinée du soleil et des efforts musculai-res : c'est une véritable intoxication de l'organisme.

Placer le sujet dans un endroit frais et ombragé, le saigneret opérer la réfrigération de la peau par des douches et des as-persions froides.

FRACTURE DE LACOLONNE VERTÉ-BRALE ET DU CRANE

Elles peuvent porter sur un pointquelconque du rachis ou de la boîtecranienne et sont toujours la con-séquence d'une chute ou d'un trau-

matisme violent.Il est souvent difficile de préciser, tout d'abord, l'endroit de

la fracture et ce n'est que par l'autopsie méthodique qu'on par-vient à s'en rendre compte.

La plupart du temps la mort est foudroyante.Parfois, cepen-dant, il y a une survie de quelques minutes, voire même dequelques heures pendant lesquelles l'accidenté est inerte et in-sensible.

Dans tous les cas, la guérison est impossible : le cheval doitêtre dirigé sans retard sur un abattoir.

VI. — APPAREIL URINAIRE

PARALYSIE HÉMO-GLOBINURIQUE.PISSEMENT DE SANG

C'est la maladie des lendemains defête : on la constate principalementles mardis qui suivent Pâques ou laPentecôte,d'une façon générale quand

les animaux sont restés au repos un ou plusieurs jours avec leur

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ration ordinaire de grains. Les temps froids viennent concourirencore à sa production.

C'est immédiatement après sa sortie de l'écurie, ou bien 'audébut du travail, que le cheval est frappé : il se met d'abord àboiter d'un membre postérieur ou antérieur, des tremblementsapparaissent et si l'on n'a pas soin de l'arrêter tout de suite,l'animal tombe, paralysé. S'il urine, il émet un liquide noirâ-tre, marc de café.

Certains muscles (des fesses, des cuisses, etc...) sont d'unedureté exceptionnelle.

Quand un sujet est frappé d'un début de paralysie hémoglo-binurique, il est indispensable de le dételer immédiatementet de le conduire dans l'écurie la plus voisine : chaque pas qu'ilfait aggrave considérablementson état et peut lui être fatal ; ilfaut même se garder de le faire transporter en voiture, leschaos l'obligeant à faire des efforts musculaires plus ou moinsintenses.

Dans l'écurie, on le couvrira bien ; il est interdit de lui fairedes frictions irritantes sur les membres paralysés ou sur lesreins ; le repos seul suffit, dans la grande majorité des cas,pour arriver à un résultat satisfaisant.

Si la paralysie est complète, on étendra le malade sur unelitière très épaisse ; les soins ultérieurs relèvent de l'interven-tion du vétérinaire.

Maurice CHARMOY,

Chef des travaux de Clinique à l'Écolevétérinaire d'Alfort.

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CONSEILS PRATIQUES

ÉQUITATION Avant de monterà cheval il est indispensabled'avoirune bonne selle, réunissant dans son ensemble, la

solidité, le confort, la souplesse, l'harmonie dans les lignes et l'élé-

gance.Une seule maison à Paris se recommande à tous ceux qui font du

cheval.C'est la Maison BECK-MORROW, 41, Rue Boissy-d'Anglas, Paris,

près du Boulevard Malesherbes.

sont supérieurs à ceux des maisons similaires.Bien au contraire on peut s'en rendre compte en consultant son

Catalogue illustré qui est adressé franco sur demande.

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LFS SOUS-VÊTEMENTSEN PAPIER ET LES SPORTS

Contre le froid et l'humidité pourla pratique de tous les sports :

chasse, aviation, alpinisme, yach-ting, automobilisme, le seul protecteur ra-tionnel, c'est le papier. Il est imperméable,indéchirable et d'une légèreté sans égale. Endessous de n'importe quel vêtement, vousrevêtez soit un gilet, soit un caleçon enpapier et, sans augmentation de poids, c'est-à-dire sans être gêné, vousêtes complètementà l'abri du plus grand froid! Sans nuire enaucunefaçon à votre élégance ! Que de rhumesévités ainsi ! Que d'affections contre lesquelleson peut se défendre sans aucune peine ! On trouve ces sous-vêtementsen papier Au VOYAGE AUTOMOBILE, 12, Chaussée-d'Antin, Paris.

PROTECTION DES MUS-CLES ABDOMINAUXCHEZ LES SPORTSMEN

Toute personne se livrant à un sportviolent ne manque pas de se munir desdivers vêtements ou accessoires que cesport nécessite. Combien peu songent

à cette chose essentielle : la protection de l'abdomen. Combien dedéplacements d'organes seraient évités si les hommes et les femmesqui pratiquent couramment: l'équitation, l'automobile, l'escrime, lesexercices physiques portaient les ceintures spéciales du Dr Barrère qui,sans aucune gêne, maintiennent fortement les parois abdominales etpréviennent tout accident dans cette région délicate.

Quant aux personnes qui, atteintes de hernie à un degré quel-conque, croient devoir s'interdire les sports qu'ellesaiment, par crainted'aggraver leur mal ou par suite de la gêne que leur bandage leurcause, qu'elles se souviennentque les bandages entièrement élastiquesdu D'' Barrère ont été adoptés pour l'armée après examen du Comitéd'Hygiène du ministère de la Guerre, ce qui est une garantie indé-niable de leur efficacité dans n'importe quelle position et quel quesoit l'effort.

Les brochures spéciales des ceintures-maillots ou des bandagesseront envoyées à toute personne qui en fera la demande àM. R. Barrère, 3, boulevard du Palais, Paris.

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