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Rapport au ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie L’enseignement de la philosophie des sciences Dominique Lecourt professeur à l’université Denis Diderot - Paris VII

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Rapport au ministre de l’Éducation nationale,

de la Recherche et de la Technologie

L’enseignement de la philosophie

des sciences

Dominique Lecourt

professeur à l’université

Denis Diderot - Paris VII

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Table des matières

I – Lettre de Mission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 3

II – Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 7

III – Hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 11

IV – Méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 17

V – Attendus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 21

VI – Constat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 31

VII – Propositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 37

VIII – Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 43

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Lettre de mission

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Paris, le 15 février 1999

Monsieur le Professeur,

Je vous remercie d’avoir bien voulu accepter de conduire une mission sur l’enseigne-ment de la philosophie des sciences auquel j’attache, comme vous le savez, la plus grandeimportance. Un tel enseignement devrait contribuer à développer l’esprit critique et inventifdes étudiants des disciplines scientifiques dans un monde où la science occupe une place intel-lectuelle et sociale sans pareil. Dans la tradition de la philosophie des Lumières il faut deman-der à une philosophie vivante de contribuer à ce que l’accroissement des connaissances conduiseà une plus grande liberté.

Vous voudrez bien dresser un “ état des lieux ” de cet enseignement dans les cursusscientifiques de DEUG, licence et maîtrise, y compris la médecine. Il serait bon, également,que vous procédiez à une analyse de ce qui se fait, dans ce domaine, dans les divers pay sd’Europe.

Je souhaite également que vous me proposiez des mesures susceptibles d’être prisesimmédiatement, et dans certains cas dès la rentrée prochaine, pour renforcer et développer cequi existe déjà, mais aussi des mesures incitant les universités (et les grande écoles ?) à insérercet enseignement dans leurs cursus à partir de la rentrée 2000.

Enfin, vous voudrez bien mener une réflexion sur les dispositions à prendre pour la for-mation et le recrutement d’enseignants-chercheurs de philosophie aptes à donner ce type d’en-seignement. Votre rapport sur toutes ces questions devrait être remis à la fin du mois de mai1999.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Professeur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Claude Allègre

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Préambule

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Le présent rapport rend compte d’une mission commencée au printemps et qui s’achèveà l’automne. Je tiens à remercier vivement les très nombreux collègues, scientifiques, méde-cins et philosophes, qui, conscients de la portée intellectuelle et des enjeux sociaux de laréforme des études scientifiques envisagée par le ministre, ont répondu à mon appel le plussouvent avec enthousiasme.

J’espère avoir réussi à traduire dans les pages qui suivent le sérieux de leurs réflexionset l’ardeur de leurs attentes.

Mon collègue Jean Gayon, professeur de philosophie à l’Université Denis Diderot - ParisVII, m’a éclairé de ses conseils et de son expérience tout au long de ce travail. Il a bien voulurédiger à mon intention une note importante sur la formation scientifique des philosophes quivont être appelés à enseigner dans les cursus scientifiques. Je ne saurais dire à quel point sonaide m’a été précieuse.

Le Centre d’études du vivant de l’Université Denis Diderot – Paris VII, dirigé successi-vement durant cette période par Dominique Th o u venin et Pierre Fédida, m’a amicalementfourni l’appui logistique indispensable. Les services de l’Université de Paris VII, et notammentson agence comptable, ont su allier à la rigueur de leurs procédures la souplesse que requé-rait la réussite d’une mission rapide et évolutive.

Je dois au concours très efficace de Monsieur Yves Saint-Geours, Directeur de la coopé-ration scientifique, universitaire et de la recherche du Ministère des Affaires étrangères, unepart essentielle de l’aspect comparatif de ce rapport. Qu’il trouve ici le témoignage de mareconnaissance ; elle va également aux postes diplomatiques qui m’ont adressé, à travers lui,notes et documents.

Je tiens enfin à remercier Monsieur Thomas Bourgeois qui a apporté au secrétariat decette mission le bénéfice des compétences techniques unanimement reconnues qu’il a acquisesdepuis dix ans dans le cadre de l’Association Diderot.

Dominique LecourtSeptembre 1999

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Hypothèses

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L A S C I E N C E suscite dans nos sociétés dessentiments dont l’ambivalence n’a cesséde s’accentuer depuis un demi-siècle. Nul

aujourd’hui ne défend plus guère l’idée qu’ellepourrait par elle-même résoudre tous les pro-blèmes qui se posent à l’humanité. On en afini avec la véritable idolâtrie qui avait conduitquelques grands esprits du XIXe siècle finissantà annoncer qu’elle était appelée à se substi-tuer à la religion pour le plus grand bien del’humanité.

Il n’empêche que le projet d’une “ conceptionscientifique du monde ” reste très vivant. L’ i d é een particulier qu’il existe une cohérence del’ensemble de tous les savoirs scientifiques quip e r m e t t rait, à terme, de parvenir à une maî-trise rationnelle des relations humaines gardeun grand pouvoir de conviction. Les progrèsf u l g u rants des sciences biologiques depuis cin-quante ans, le jaillissement puis l’expansiondes biotechnologies, les extraordinaires suc-cès des nouvelles techniques d’information etde communication suscitent l’admiration denos contemporains.

Mais dans le même temps le dénigrement dessciences, qui avait déjà connu un moment fortau début du XXe siècle au temps où OstwaldS p e n g l e r, écrivant Le déclin de l’Occident,dénonçait la folie de “ l’homme faustien ”,connaît un regain spectaculaire : c’est de peurpanique qu’il faut parler face aux progrès mêmesqu’on célèbre par ailleurs comme des prouesses.La menace nucléaire continue de faire l’objetde discours alarmistes. OGM et clonage aidant,le généticien n’est pas loin de prendre figurede malin génie acharné à fausser toutes lesvaleurs vitales et à falsifier tous les repèreséthiques.

La médecine même, naguère régulièrementi nvoquée lorsqu’il s’agissait de défendre lavaleur “ progressiste ” de la science, devientsuspecte. Les industries pharmaceutiques sontréputées la précipiter sur la pente d’une déshu-manisation qui fait l’objet d’une déplora t i o nrituelle. De l’allongement de la vie humaine -le rêve de Francis Bacon et de René Descartes– on en vient à souligner plus volontiers aujour-d’hui les incidences économiques et démo-

g raphiques néfastes que le surcroît de bonheurqu’il apporterait à qui saurait en bénéficier.

Force est de constater cependant que ce vastedébat social autour de la science ne trouveguère d’écho dans l’enseignement scientifique.Les étudiants peuvent ainsi avoir le sentimentd’un profond hiatus entre la science qu’ilsapprennent et la société où ils seront appelésà mettre en œuvre les compétences qu’ils aurontacquises au terme d’études extrêmementlourdes.

En tout cas l’enseignement des sciences telqu’il est aujourd’hui conçu ne leur apporte pasles instruments intellectuels nécessaires à faireface aux questions qui ne manqueront pas deleur être posées.

Tout se passe même comme si, par réaction, lapédagogie des sciences dans l’enseignementsupérieur s’était raidie. Une image purement cal-culatoire et opéra t ive de l’activité scientifiquetend à s’imposer aux ch e rcheurs eux-mêmes. Sesfinalités s’affichent simplement utilitaires. Pa rc eque la science est conçue comme un instrumentde puissance et une réserve de certitudes, sonenseignement vise essentiellement à la maîtriset e chnique et récompense souvent non les espritsles plus inventifs mais les plus dociles.

Plus grave encore : les liens qui unissent lar e ch e rche scientifique et l’invention tech n i q u eaux autres formes de la culture humaine sem-blent avoir été rompus, quand ils ne sont pasrésolument niés. Nombreux sont les étudiantsqui, dans ces conditions, perçoivent l’ensei-gnement scientifique comme “ anti-culturel ”,que ce soit pour s’en réjouir, s’en satisfaire, ouencore qu’ils y trouvent un motif de gravedéception, voire de rejet.

La baisse du nombre des inscriptions dans lesfilières scientifiques des universités constatéedepuis quelques années à l’échelle internatio-nale trouve sans doute ici une part de son expli-cation. Pour rendre compte de ce phénomènespectaculaire, il ne suffit pas en effet d’invo-quer la crainte du chômage ou la modicité dessalaires dans les métiers de la recherche, pasplus que l’attrait grandissant des filières de ges-

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tion. La ruée, dans notre pays, vers les étudesde psychologie ou de STAPS ne témoigne pasde la part des étudiants d’une rationalité detype purement utilitaire dans le choix des orien-tations.C’est bien le contenu et les modalités de l’en-seignement scientifique qu’ils mettent en cause,bien en amont de l’enseignement supérieur.Toutes les enquêtes le confirment depuis vingtans dans notre pays : à mesure que les élèvesgravissent les degrés de leur scolarité leur pas-sion pour les sciences diminue ! Les inscrip-tions universitaires donnent aujourd’hui lamesure de leur désillusion face aux progra m m e set à la pédagogie qui s’est imposée depuis plu-sieurs décennies.

Le projet d’implanter ou de développer unenseignement de philosophie des sciences dansles cursus scientifiques répond ainsi à une véri-table urgence. S’il y est intégré à part entièreet, si l’on veille à ce que son contenu soit enprise directe sur les matières scientifiques ensei-gnées, il permettra de remettre en pleine lumièrela grande oubliée du scientisme comme del’anti-science : la pensée scientifique. Si unvéritable travail commun s’institue à cette finentre philosophes et scientifiques, on peut s’at-tendre à ce que se produise une profonde réno-vation de l’enseignement supérieur. Et l’on redé-c o u v r i ra que cette forme de la penséecommunique avec toutes les autres (tech n i q u e ,artistique, politique, éthique…).

Que les ressorts philosophiques de la penséescientifique soient dégagés et c’est tout unedynamique culturelle qui, du fait de son audacesans pareille, se trouve ra réenclench é e .L’enseignement scientifique retrouve ra dans cesconditions son attrait d’aventure intellectuelleaux yeux des jeunes étudiants.

Une rapide enquête sur la situation institu-tionnelle de l’enseignement de la philosophie

des sciences à l’échelle internationale confirmeles analyses plus théoriques produites lors ducolloque international de 1994 ( 1 ) (Science, phi-losophie et histoire des sciences en Europe).

Dans les pays de tradition anglo-saxonne, laphilosophie des sciences présente une tona-lité logique accentuée. Sauf rares et brillantesexceptions (Boston University et Cambridgeen Angleterre), elle ne fait l’objet de rech e rch e set d’enseignement qu’à l’intérieur de départe-ments de philosophie, et non dans les dépar-tements scientifiques. Toutefois la souplessedes systèmes (avec la pratique des “ mineures ”qui veut que les étudiants, du moins en débutde leur cursus, s’inscrivent dans plusieurs dis-ciplines) favorise l’acquisition d’une compé-tence en philosophie des sciences. Mais, c’estsurtout le mouvement inverse qui est encou-ragé : les philosophes des sciences sont inci-tés à acquérir une réelle compétence scienti-fique ; un grand nombre d’entre eux ontd’ailleurs une formation initiale scientifique etse sont orientés vers la philosophie au niveaudu masters.

Dans l’Europe continentale, on trouve enAllemagne, qui elle aussi pratique le systèmedes “ mineures ”, quelques postes de philoso-phie des sciences implantés dans des dépar-tements ou facultés scientifiques. Et il existeégalement dans ce pays un important réseaud’instituts d’histoire de la médecine qui prenden charge les questions de philosophie de lamédecine et d’éthique médicale (2).

C’est sans doute en Italie que se sont expri-mées récemment des préoccupations qui rejoi-gnent les nôtres, même s’il n’existe guère àl’heure actuelle d’enseignement d’épistémo-logie dans les facultés des sciences et de méde-cine. Le rapport d’un groupe de travail minis-tériel publié en mars 1998 fait va l o i r, argumentshistoriques à l’appui, qu’un enseignement dephilosophie des sciences s’av è r e rait bénéfiquepour l’enseignement scientifique à tous nive a u x .Mais il n’a pas à ma connaissance été, pourl’instant, suivi d’effets.

Peut-être la France se trouve-t-elle en défini-t ive paradoxalement bien placée du fait de

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(1) Sciences, philosophie et histoire des sciences en Europe(Commission européenne, 2e édition, 1999). Colloque organisé par Dominique Lecourt, les 9 et 10décembre 1994, à l’École normale supérieure et dans le Grand amphithéatre de la Sorbonne.(2) Ces remarques trop rapides se fondent notamment surles documents qui m’ont été adressés par monsieur YvesSaint-Geours et dont on trouvera la liste en annexe.

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l’histoire propre de son enseignement philo-sophique pour prendre la tête d’un mouve m e n tde grande portée institutionnelle autant qu’in-tellectuelle. Le premier effet d’un tel mouve-ment serait de restaurer l’idée mêmed’Université moderne qui n’a jamais pu s’im-planter dans notre pays et qui subit une criseprofonde depuis plus de trente ans à l’échelleinternationale.

L’Europe continentale a en effet inventé, à l’ex-trême fin du XVIIIe siècle, un concept moderned ’ U n iversité. Un philosophe parmi les pluspuissants, Emmanuel Kant, en a tracé le pre-mier dessin en 1798. Un savant parmi les plusu n iversels, Alexandre von Humboldt en a réa-lisé concrètement le prototype à Berlin en1810, tirant les leçons de discussions fiévreusesoù s’illustrèrent, parmi d’autres, les gra n d snoms de Fi chte, Schelling et Hegel. CetteU n iversité tournait le dos aussi bien au trèsancien modèle anglais qu’au modèle napo-l é o n i e n .

Dans la pensée de ses inventeurs, deux cara c-téristiques la distinguaient fondamentalement detoute autre. La première tenait à ce que l’Unive r s i t éd e vait être, selon le mot de Hegel, “ ency c l o-pédie en marche ” : lieu, par excellence, du déve-loppement des connaissances, miroir vivant deleur agencement dans le savoir contempora i n .Elle devait inciter les étudiants à participer le plustôt possible à cette marche tout en leur appre-nant à s’orienter dans la pensée.

La seconde caractéristique tenait à ce qu’elledevait comprendre en son sein une instancephilosophique. Cette instance se voyait attri-buer la mission de constituer un lieu de réflexionc o l l e c t ive où la communauté universitaire trou-verait le loisir d’examiner librement les pers-p e c t ives intellectuelles, mais aussi écono-miques, politiques et éthiques des progrès dusavoir.

Grâce à une telle instance philosophique,l ’ U n iversité était censée pouvoir ajuster sonpoint de vue sur elle-même en situant son tra-vail dans l’histoire dont elle était l’héritière.Cette instance devait également lui permettrede procéder au réglage de ses rapports ave c

l’extérieur : avec l’Etat, comme le ra p p e l a i tKant en délicatesse avec Frédéric II, mais aussiavec le monde économique qui commençaità demander que la rech e rche et l’enseigne-ment fussent finalisés en fonction de besoinsqui se révèlaient souvent contradictoires entreeux.

Il se pourrait que le malaise chronique quiaffecte depuis plus de trente ans les institutionsd’enseignement supérieur dans l’Europe entièretienne secrètement à ce qu’ait été depuis long-temps perdu de vue ce concept d’Université,lequel constitue pourtant le soubassement intel-lectuel de l’existence des institutions qui s’enpartagent le titre.

La situation de l’enseignement supérieur enFrance présente des caractères très particuliers.Le système des grandes écoles avec leursréseaux de classes préparatoires a hy p o t h é q u éla fonction sociale des universités, le déve-loppement des grands organismes de rech e rch ea pesé sur leurs missions intellectuelles. Lacréation des nombreuses institutions qui – duCollège de France à l’école des Hautes Etudesen sciences sociales – se sont , au fil des siècles,établies sur leurs marges a sanctionné leurscarences, et a contribué à les aggraver.

Quant à l’instance philosophique, elle n’ya jamais joué le rôle qui aurait dû lui reve-n i r. L’existence d’un enseignement philoso-phique dans les classes terminales des lycéesa eu pour effet de vouer l’essentiel de l’ac-t ivité des départements de philosophie à lap r é p a ration aux concours de recrutement.Le contenu de l’enseignement étant pourl’essentiel tributaire des programmes del’agrégation, la part de l’histoire de la phi-losophie n’a cessé d’y croître. Les relationsétroites qui auraient dû s’instituer, avec lesmathématiciens, physiciens et biologistesn’ont jamais connu l’intensité intellectuellequi aurait pu dynamiser l’Université toute n t i è r e .

Si l’on créait aujourd’hui les conditions pourque s’enclenche une telle dynamique, on vo i ttrès bien que, du fait de la position de l’en-seignement philosophique dans les lycées,

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c’est l’ensemble du système éducatif qui ent i r e rait bénéfice, pour peu qu’on prenne lesmesures appropriées en matière de forma-tion des enseignants. On pourrait même vo i rles philosophes apporter leur indispensablecontribution à l’élucidation des présupposésphilosophiques à l’œuvre dans la pensée desspécialistes en sciences humaines. Au lieude tenir ces disciplines pour de perve r s e sr ivales et de cultiver à leur endroit une men-talité obsidionale, comme c’est trop souve n tle cas dans notre pays, la philosophie joue-rait alors pleinement son rôle critique etc o n s t r u c t i f.

La pensée des citoyens vis-à-vis de la science,devenue l’un des plus puissants organisateursde la société, gagnerait à cette dy n a m i q u equelque allure de liberté.

Si l’on inscrit l’objectif de la présente missiondans ce cadre comparatif et dans cette pers-p e c t ive historique, elle prend toute sa portée :ce n’est pas seulement d’une profonde rénova-tion de l’enseignement scientifique qu’il s’agit,mais aussi de la redéfinition du rôle de l’ensei-gnement philosophique et, à terme, d’une r é a c-t ivation du concept moderne d’Unive r s i t é q u ia u rait sa valeur bien au-delà de nos frontières.

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Méthode

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A P R È S AVO I R, par lettres, par courrier élec-tronique et par voie de presse (AFP, LeMonde, Libération, La Rech e rche, Le

Quotidien du Médecin, Le Nouve lObservateur…), informé l’ensemble des uni-versités, des CHU et des grandes écoles del’objet de la mission qui m’était confiée, j’aiorganisé à un rythme soutenu un nombre impor-tant de réunions sur le terrain avec les collèguesconcernés.

Ces réunions se sont tenues dans les universi-tés, souvent en présence de leurs présidents,toujours avec leur accord, à partir du début dumois de mars 1999. La dernière a eu lieu finjuillet. Les collègues qui ont participé à cesréunions étaient tous, à des titres divers, impli-qués dans des enseignements originaux quis’inscrivent dans l’esprit de la mission.

Ils représentaient diverses disciplines scienti-fiques (mathématiciens, physiciens, ch i m i s t e s ,biologistes…), des disciplines médicales (méde-cins, pharmaciens…), les sciences de l’ingé-nieur, la philosophie et, parfois, les scienceshumaines et sociales. La durée des séances detravail a été très variable ; elles ont rarementduré moins de deux heures.

Malgré la diversité des situations locales, j’aivu partout les scientifiques manifester un fortintérêt pour le projet qui leur était soumis ; et,dans tous les cas, les philosophes compétentsen philosophie des sciences ont activement par-ticipé à nos réflexions. De là, de libres discus-sions d’ores et déjà extrêmement fructueuses.Il est plusieurs fois arrivé que des collègues aientfait connaissance à l’occasion de ma venue, etse soient mis d’accord sur des projets à réali-ser dès l’année universitaire 1999-2000.

Si ces entretiens se sont toujours déroulés trèslibrement, précédés ou prolongés de repasconviviaux, ils se sont néanmoins référés à uncanevas invariable que j’avais préalablementélaboré. J’ai, dans chaque cas, annoncé cec a n e vas au début de la séance aux participantsqui disposaient du texte de ma lettre de mis-sion. Plusieurs universités avaient pris l’initia-t ive d’organiser des réunions prépara t o i r e s(deux à Paris Sud – Orsay) (1) et avaient préparé

leurs réflexions, leurs questions propres, voireleurs demandes, auxquelles j’ai essayé derépondre en fin de séance.

Dans un seul cas (Montpellier), j’ai dû renon-c e r, du fait d’une grève des transports parisiens,le jeudi 3 juin, à me rendre sur place. J’ai télé-copié mon canevas qui a été lu par le collèguephilosophe qui avait pris très efficacement encharge l’organisation de la réunion (2).

Ce canevas se présentait de la façon suivante :

- Un premier groupe de questions s’adressaitaux collègues des disciplines scientifiques etmédicales. Considèrent-ils comme souhaitablesl ’ i n s t a u ration et le développement d’un ensei-gnement de philosophie des sciences en DEUG,licence et maîtrise ? Et dans l’affirmative, pourquelles raisons ? Dans quelle mesure leur semble-t-il que leurs collègues adhéreraient à ce pro-jet, ou le rejetteraient. Quelles seraient leursobjections ? D’où viendrait leur opposition ?Comment y répondre ? Et qu’en est-il des étu-diants ? Ont-ils formulé des vœux en ce sens,exprimé des réserves, manifesté des refus ? Qu’enest-il dans le cas particulier de la médecine ?

- Un deuxième groupe de questions, s’adres-sant aux mêmes, visait à faire un inve n t a i r erapide de l’existant. Quels enseignements dece type sont-ils dispensés ? Quelle a été leurhistoire ? Quel est leur succès ? Quelles leçonstirer de leurs échecs, s’ils en ont connus ?

- Un troisième groupe de questions s’adressaitaux philosophes. Combien d’entre eux ont-ils lescompétences requises pour assumer un tel ensei-gnement ? Et combien sont-ils disposés à s’y enga-ger ? Env i s a g e raient-ils d’être ra t t a chés à une UFRde sciences ou de médecine ? Participent-ils déjà– et depuis combien de temps – à des initiative sde ce type ? Quel bilan en tirent-ils du point devue de leur pratique d’enseignants ? Et du pointde vue de leurs rech e rches ?

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(1) On trouvera en annexe le document qui m’a été adressé après ma venue par Paul Brouzeng au nom du GHDSO.(2) On trouvera en annexe de ce rapport le compte-rendutrès détaillé de la réunion du 3 juin 1999 qui m’a étéadressé par Daniel Parrochia.

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- Venaient ensuite les questions qui portent plusprécisément sur le contenu d’un tel enseigne-ment. Dans l’éventualité où tout un cursus sera i tcouvert, faudrait-il prévoir une spécialisationprogressive ? Une démarche allant des ques-tions les plus générales en DEUG à des casconcrets précis empruntés aux diverses disci-plines et choisis en fonction de chaque cur-sus ? Faut-il, au contraire, à tout niveau, diver-sifier et traiter de cas en rapport exclusif avecle contenu de l’enseignement que reçoive n tpar ailleurs les étudiants ?- Autre question : cet enseignement devra - t - i lêtre optionnel ou obligatoire ? Optionnel enDEUG ? Obligatoire aux niveaux supérieurs ?Ou l’inverse ?

- Et enfin : selon quel calendrier prévoir l’ins-titutionnalisation d’un tel enseignement ?Comment tenir compte de la nécessaire for-mation de philosophes aptes à le délivrer et decelle des scientifiques qui voudront le fairedans des conditions garantissant la qualité decet enseignement ?

J’ai ainsi choisi une méthode très différente del’enquête classique par questionnaire.Nombreux ont été les collègues qui ont tenu

à m’en remercier. Et de fait, il ne s’agissait passeulement de faire un état des lieux et derecueillir des vœux, mais de donner une impul-sion à un mouvement. Il fallait avant tout iden-tifier les obstacles intellectuels et institution-nels qui pourraient s’opposer à sond é c l e n chement, en analyser les causes et déter-miner les moyens à mettre en œuvre pour lessurmonter.

Pour compléter les résultats obtenus par cesréunions de terrain, j’ai procédé à l’auditiond’un certain nombre de personnalités qui se sontsignalées au cours de ces dernières années parl’intérêt qu’elles ont manifesté à titre personnelou institutionnel pour les questions soulevéespar la mission. Le constat qui suiv ra ne se pré-s e n t e ra donc pas comme un simple tableau dela situation de la philosophie des sciences dansl’enseignement supérieur. Il vo u d rait plutôt consti-tuer une esquisse d’analyse de cette situationen présentant successivement les argumentsdont mes collègues se sont fait l’écho en sa fave u r(nos “ attendus ”), puis les cas les plus signifi-catifs des réalisations actuelles. C’est à partir decette analyse, après amples discussions et mûreréflexion, que j’ai formulé les propositionsconcrètes qui concluent ce ra p p o r t .

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Attendus

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I – Du côté des scientifiques

Le projet d’implanter un enseignement de phi-losophie des sciences dans les cursus scienti-fiques a été bien accueilli par la plupart des scien-tifiques consultés.

Ils n’ont pas caché pour autant les réserves etobjections que ne manqueront pas d’élever cer-tains de leurs collègues. Ils se sont accordés àdire, exemples à l’appui, que ces objectionss e raient sans aucun doute aujourd’hui moinsv ives qu’elles ne l’auraient été il y a quelquesannées. Nombre d’entre eux ont considéré quecette mission venait “ à point nommé ”.

Au premier rang des objections mentionnéesfigure celle de la lourdeur des programmes. Aucours de la réunion que nous avons tenue levendredi 28 mai 1999, à l’Université de Nice-Sophia Antipolis, Je a n - M a rc Lévy-Leblond aparticulièrement insisté sur la nécessité d’af-fronter cette question sans détours.

Nos collègues sont victimes d’une “ concep-tion cumulative ” de l’enseignement qui est unvéritable leurre. Un leurre d’autant plus dan-gereux qu’il règne déjà en maître dans lesclasses terminales et, plus encore, dans lesclasses préparatoires aux grandes écoles.

Mais enseigner les sciences, cela se résume-t-il à transmettre la plus grande quantité deconnaissances établies, au risque de figer théo-ries et concepts ? N’est-ce pas plutôt à l’espritde la rech e rche qu’il convient de faire accéderle plus grand nombre d’élèves ? Et l’essentieln’est-il pas de faire ensuite saisir aux étudiantsce que sont les démarches intellectuelles quipermettent d’acquérir toujours de nouve l l e sconnaissances ? Ne doit-on pas, au premierchef, initier les jeunes esprits à une certainemanière de s’y prendre avec l’inconnu, de s’ou-vrir à l’imprévu, laquelle distingue la penséescientifique des autres formes de pensée ?

Nombre de nos collègues ne mâchent pas leursmots : il est périlleux, disent-ils, pour nos étu-diants que l’on confonde enseignement etg avage. Il s’ensuit, notent-ils, quelques indi-gestions, ainsi que de durables aigreurs. Cette

p ratique de l’enseignement renvoie à une idéede la science dont les présupposés philoso-phiques se révèlent erronés : le progrès d’unescience ne se fait jamais par simple accumu-lation, il procède par rectifications et coordi-nations successives qui permettent de ra t t a ch e run nombre toujours plus grand de phénomènesà un nombre toujours plus restreint de prin-cipes. Ne doit-on pas s’attacher à montrer auxétudiants ce mouvement de la connaissance ?Et s’il s’accélère, comme on se plaît souvent àle souligner, c’est parce que l’esprit scienti-fique sait, selon des procédures bien réglées,se délester de la charge de ses raisonnementspérimés.

Ce que Jean-Marc Lévy-Leblond faisait obser-ver à propos de la physique, Pierre-HenriG o u yon, professeur de génétique à l’Unive r s i t éde Paris Sud – Orsay, le souligne à propos del’enseignement de la biologie ( 1 ). Le leurre cumu-latif y a pris un tour particulier du fait de l’his-toire récente des sciences du vivant. On saitque ces disciplines ont connu au milieu du XXe

siècle une révolution qui leur a permis d’ac-quérir soudain des capacités explicatives etp r é d i c t ives ; elles sont alors définitivement sor-ties de leur préhistoire empirique. Mais il sembleque les vieux démons de la description qui yrégnaient aient trouvé à survivre, par simpletransposition, au niveau moléculaire.

Ainsi s’expliqueraient les emplois du tempsmonstrueux qui accablent des étudiantsc o n t raints à apprendre par cœur une massede formules et de connaissances qui ne leurseront d’aucune utilité. Et cela, alors mêmeque la théorie de l’évolution qui occupe uneplace centrale dans la pensée biologique etqui devrait, selon François Jacob, y être pré-sentée avant tout autre concept, n’est guèree n s e i g n é .

L’objection de la lourdeur des programmes, etdonc de la surcharge des emplois du temps,doit ainsi être prise au sérieux. Elle met encause la conception de l’enseignement scien-tifique qui a prévalu depuis plusieurs décen-nies. Faut-il aller jusqu’à dire, comme Pierre-

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(1) Entretien le jeudi 29 juillet 1999.

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Henri Gouyon, que la moitié des cours deDEUG pourraient être utilement supprimés etremplacés par des lectures ? Tout le mondes’accorde en tout cas à regretter que la concep-tion et la pratique actuelles aient pour effet deréduire à peu de chose la démarche person-nelle de l’étudiant français en sciences. Ce quine manque d’ailleurs pas de surprendre cer-tains des boursiers étrangers qui viennent séjour-ner dans notre pays.

Admettons que les programmes puissent êtreallégés, faudra-t-il pour autant en profiter pourintroduire de la philosophie des sciences dansla formation des étudiants ? L’objection la plusforte dont nombre de nos collègues se sont faitl ’ é cho (pour la déplorer) consiste maintenant àdire qu’un tel enseignement serait inutile. A quois e r v i rait donc la philosophie des sciences ?

Cette nouvelle objection porte, elle aussi, l’éch od’une conception philosophique de la science ;celle qui a le plus lourdement pesé sur l’idéo-logie des scientifiques à la fin du XIXe siècle etpendant la première moitié du XXe siècle. Seloncette conception, la science “ positive ” n’au-rait plus rien à voir avec la philosophie dontelle aurait aujourd’hui heureusement achevéde récuser la tutelle. Le seul intérêt de la phi-losophie des sciences consisterait à tirer lesleçons épistémologiques de cette émancipa-tion au bénéfice des disciplines qui n’auraientpas encore réussi à s’affranchir complètementdes chimères de la métaphysique.

Pour les scientifiques eux-mêmes, cet ensei-gnement appara î t rait ainsi comme un luxe cul-turel. Leur tâche propre ne consiste-t-elle pasà faire progresser le savoir dans leur domainede rech e rche ? On pourrait donc aisément lais-ser le soin de cette réflexion à des philosophesspécialisés, les épistémologues, préposés àl ’ é l a b o ration des modèles de la “logique scien-tifique” par “reconstructions rationnelles” aussiformalisées que possible à partir des démarch e se f f e c t ives des ch e rcheurs. À charge évidem-ment pour ces spécialistes de tenir leurs connais-sances à jour, et de transmettre les critères tirés

de cette logique aux ch e rcheurs en sciencessociales et humaines toujours avides de gara n-ties solides pour authentifier l’incertaine scien-tificité de leurs propres théories.

Cette pratique de la philosophie des sciencesassez répandue depuis les années 1930 sus-cite une légitime méfiance de la part de ceuxqui sont engagés activement dans la produc-tion de connaissances nouvelles. Ces dernierséprouvent, souvent non sans raison, le senti-ment que d’autres se parent de leurs titres poursoutenir des positions idéologiques qui relè-vent d’un ordre de rationalité qui n’est pas leleur. Gilles Châtelet en a fait la démonstrationbrillante et exaspérée à propos de quelquesexploitations récentes de la théorie du chaospar les économistes et les politologues (1) .

Mais cette pratique repose sur un mythe : celuidu prétendu divorce de la science moderne etde la philosophie. Grand récit ressassé par lespenseurs modernes qui vo u d raient que deGalilée à Einstein, ce divo rce ait été, si l’on osedire, consommé dans les sciences physiquesavant que les biologistes ne s’engagent sur lemême chemin.

Nombreux ont été mes interlocuteurs à faireremarquer combien ce mythe s’est révélé nocifpour la rech e rche elle-même, socialementpérilleux pour la communauté scientifique etdésastreux pour la pédagogie.

Si les physiciens avaient, par exemple, prêté plusd’attention aux ressorts philosophiques de lapensée scientifique, certaines voies de rech e rch en ’ a u raient pas été désertées pour être retrou-vées par les ch e rcheurs au prix de grandes dif-ficultés théoriques, avec parfois cinquante ansde retard, comme on a pu le voir en phy s i q u eà propos du phénomène de dépendance sen-sible aux conditions initiales déjà théorisé parPoincaré et Hadamard au tout début duX Xe siècle. Une philosophie des sciences atten-t ive à l’histoire de la pensée scientifique appa-raît ainsi toujours susceptible d’ouvrir l’espritdes ch e rcheurs à l’éventualité d’autres voies der e ch e rche que celles qui, à un moment donné,mobilisent leur communauté. Elle constitue lemeilleur des garde-fous contre les effets néga-

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(1) Gilles Châtelet, “Vivre et penser comme des porcs. De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés” (Exils, 1998).

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tifs des phénomènes de mode propres au mondede la rech e rche. Elle les invite à exercer leuresprit critique contre les vérités qui tendent à set ransformer en dogmes parce que la commu-nauté scientifique, comme toute communautéhumaine, réclame pour fonctionner des va l e u r sd ’ a d h é s i o n .

On cite souvent l’exemple d’Albert Einsteinreconnaissant à la lecture qu’il fit en sa jeu-nesse de La Mécanique de Mach un rôle essen-tiel dans l’élaboration de la théorie de la rela-t ivité restreinte, parce que ce grand liv r ed’histoire et philosophie des sciences mettaiten pleine lumière les présupposés philoso-phiques inhérents au concept newtonien d’es-pace absolu, et parce qu’il levait le lièvre dela mystérieuse “ action immédiate à distance ”admise sans critique par les disciples deNewton. On mentionne aussi l’effervescencephilosophique qui a marqué les débuts de lamécanique quantique comme un bel exempledu rôle émancipateur, pour la pensée scienti-fique elle-même, d’une réflexion bien menéesur ses propres bases philosophiques. Qu’est-ce que le réel dont la physique s’empare ? Quelrapport le langage entretient-il avec ce réel ?L’unité de la physique est-elle un rêve désor-mais irrémédiablement brisé ? La valeur de lascience se révèle-t-elle purement symbolique ?Ces questions philosophiques se bousculentsous les plumes de Planck, Bohr, Heisenbergou Schrödinger. Et ces physiciens, les identi-fiant comme telles, se livrent, comme en témoi-gnent leurs livres, à un immense effort de retouraux textes classiques en matière de philoso-phie de la connaissance pour sortir de la gravecrise qui affecte leur discipline.

Loin de représenter une pure perte de tempsou un luxe culturel superflu, un enseignementde philosophie des sciences, pour peu qu’onle conçoive en prise directe sur les problèmesqu’affrontent les diverses disciplines, et si l’onprend soin d’analyser l’histoire des concep-tualisations, théorisations et formalisations dontils portent la trace, s’avérerait ainsi utile à larecherche elle-même.

Si certains tiennent à souligner le cara c t è r ev raiment exceptionnel des derniers cas évo-

qués, d’autres y voient, comme moi, la mani-festation à ciel ouvert de ce qui constitue lerégime ordinaire de la reprise philosophiquedes concepts scientifiques, laquelle s’avère tou-jours nécessaire pour que le savoir progressed’un pas qui n’est assuré que de toujours seréassurer de son point de départ. Les meilleursdes scientifiques savent bien que pour voir loin,il faut prendre du recul par rapport à ce qui seprésente comme évidence à leur pensée.

On fait enfin remarquer que ce n’est pas seu-lement aux progrès de la rech e rche fonda-mentale que peut contribuer un tel travail dela pensée, mais qu’il peut conduire dans cer-tains cas à des développements tech n o l o g i q u e sde première importance. Ainsi en va-t-il, pournous en tenir à l’actualité, des retombées indus-trielles du redéploiement de la question desfondements en quantique aboutissant parexemple aux réalisations des nano-technolo-gies dont certaines promettent de bouleversernos vies quotidiennes.

Les mésaventures idéologiques de la biologieau cours du XXe siècle attirent l’attention sur unautre avantage qui pourrait être tiré d’un telenseignement. Faute d’une réflexion solide,argumentée, historiquement instruite, sur lesbases philosophiques de leurs rech e rches, lesbiologistes se sont en effet souvent vu enrôléspour leur plus grand malheur dans des débatsdont ils ne maîtrisaient pas les termes, parc equ’ils ne relevaient pas de la biologie. Les enjeuxsociaux de ces débats se sont avérés si grave sque cette faiblesse philosophique des ch e r-cheurs a pu avoir des conséquences tragiques.

La longue folie lyssenkiste qui s’est emparéede l’État en URSS pendant plus de trente ansn’a pas seulement conduit à la mort dequelques-uns des généticiens les plus brillantsde leur génération, elle a aussi ruiné l’agricul-ture d’un pays qui ne s’en est jamais vraimentrelevé. Que la “ science prolétarienne de l’hé-rédité ” ait pu trouver des adeptes zélés dansnotre pays ne s’explique pas uniquement parl’emprise intellectuelle d’un parti ave u g l é m e n taffilié aux vérités officielles décrétées à Moscou.La confusion des débats qui s’y sont déroulésfait rétrospectivement apparaître le manque de

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culture philosophique des meilleurs biologistesfrançais du temps.

Elle montre en tout cas comment les bases etles implications philosophiques de la géné-tique et de la théorie de l’évolution n’avaientpas fait l’objet d’une élucidation suffisante.

Comment ne pas évoquer symétriquement l’in-terminable débat qui oppose aux États-Unis lescréationnistes aux biologistes ? Une premièreo f f e n s ive organisée s’était développée au coursdes années 1920 aboutissant en 1925 auxfameux “ procès du singe ” suite à la mise enaccusation d’un instituteur du Tennessee quiavait enfreint la loi pour enseigner Darwin àses élèves. À la fin des années soixante-dix,nouvelle vague : cette fois-ci les mêmes créa-tionnistes font voter des lois dans une dizained’États qui obligent les enseignants à enseignerle récit de la Genèse comme une théorie scien-tifique concurrente de celle de l’évo l u t i o n .C’est ce qu’ils appellent le “ créationnismescientifique ”. Expression qui témoigne d’unegrave confusion d’esprit. Et d’un solide désirde prêcher en eaux troubles. La dernière deces lois n’a été abrogée par la Cour suprêmequ’en 1987.

Au moment même où je rédige ce rapport, unetroisième offensive a commencé au Kansas.Plus subtilement que leurs prédécesseurs, lescréationnistes ont obtenu du Board of Educationde cet État qu’il fasse de la théorie de l’évo l u-tion un élément non plus central mais acces-soire de l’enseignement en biologie dans lesh i g h - s ch o o l s, rayé donc des sujets donnant lieuà examen. Toute liberté, si l’on peut dire, étantainsi expressément laissée aux enseignants depasser l’évolution sous silence au cas où la théo-rie darwinienne serait susceptible de heurterleurs convictions religieuses ou celles de leursé l è ves. Les parents fondamentalistes savent cequi leur reste à faire ! Et les éditeurs de manuelsentendent parfaitement le message. Des dis-positions du même genre sont en voie d’êtreadoptées dans six autres États.

Quoi qu’il en soit des causes spécifiquementaméricaines de ce drame, on notera que, defaçon répétitive, les meilleurs biologistes se

sont laissé imposer par leurs adversaires unea l t e r n a t ive trompeuse : “ l’évolution est-elle unfait ou une théorie ” ? Elle n’est qu’une théo-rie, affirment les créationnistes. On doit doncla mettre sur le même plan que cette autre théo-rie qu’est le récit biblique. À quoi les biolo-gistes répondent, comme Stephen Jay Gould :non, l’évolution n’est pas seulement une théo-rie, c’est un fait. Mais qu’est-ce qu’un fait, sinonce qui a – ou est – observé ? Et qui a pu consta-ter l’origine de la vie ? objectent alors les créa-tionnistes… Débat irritant et sans issue danslequel les biologistes se laissent prendre à unvéritable piège philosophique.

Il suffit, en effet, de déplacer la question pour yvoir clair : la théorie de l’évolution est certes unethéorie, mais une théorie scientifique qui coor-donne un grand nombre de faits et qui ouvre àla rech e rche des pistes toujours fécondes. LaGenèse est sans doute une “ théorie ”, mais enun sens très différent puisqu’elle ne vise pas àguider la production de connaissances nouve l l e s ;son objectif étant d’obtenir l’adhésion d’une com-munauté de fidèles à des valeurs établies et d’ap-porter à chacun la certitude d’une vie juste parc eque réglée sur des vérités absolues.

La même confusion entoure aujourd’hui lesdébats qui se développent autour de la notiontrès complexe d’eugénisme et des pra t i q u e squ’on lui fait correspondre ; il en va de mêmede ceux que suscite la commercialisation desorganismes génétiquement modifiés. Ce quine va pas sans conséquences sociales et éco-nomiques considérables.

Un enseignement de philosophie des sciencesadéquatement conçu permettrait à tous ceschercheurs de ne plus se laisser ainsi abuser.Convenablement préparés par un tel exercicede la pensée critique, ils identifieraient plusaisément la part de ces débats qui renvoie àdes motifs idéologiques.

Ils pourraient donc en tant que citoyens yprendre position sans commettre l’erreur des’exprimer “au nom de la science”, faisantusage d’arguments d’autorité qui n’ont jamaismanqué de se retourner contre la science elle-même.

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Le cas du racisme a plusieurs fois été évoquéau cours de nos entretiens. Si la science nepeut justifier aucune doctrine raciste ; elle nepeut par elle-même en réfuter aucune. Elle peuten revanche les priver toutes de leur préten-tion à s’autoriser d’elle. Mais cette critique nepeut être menée à bien qu’au prix d’une argu-mentation proprement philosophique, dès lorsqu’on pose la question décisive : pourquoi lesdoctrines du racisme moderne tiennent-ellessi constamment à se couvrir du manteau scien-tifique, et spécialement biologique ? À cettequestion, il est en effet évident qu’aucunescience du vivant ne saurait répondre par sespropres concepts.

Ce qui est vrai de la biologie l’est aussi de lacosmologie dont le nouvel essor accompagneles développements de l’astrophy s i q u e .Comment ne pas être stupéfait de voir ressus-citer, sous des plumes éminentes, des raison-nements qui relèvent de la théologie naturellela plus classique, bien connue des philosophesdepuis le XVIIIe siècle, et apparemment trèsappréciée des médias ? Que les antinomies quiminent inexorablement ce type d’argumenta-tion aient été mises au jour par un philosophepar ailleurs aussi respecté que Kant, ne semblemalheureusement troubler ni les uns ni lesautres.

Il en va de même des interprétations “indéter-ministes” du (mal) dit principe d’incertitude. Sila physique n’a jamais affaire, en scrutant lesstructures intimes de la matière, qu’au “ pou-voir de l’esprit ” lui-même, on trouve ra dans lap hysique dite la plus dure des arguments enf aveur de la télépathie, de la psychokinèse oude la cristallo-thérapie… On a vu ainsi ressur-gir une nouvelle version des spéculations imma-térialistes qui s’étaient emparées de quelques-uns des meilleurs physiciens au XIXe siècle aucours de la “crise de la physique moderne”c o n s é c u t ive à la formulation du second prin-cipe de la thermodynamique et ses interpréta-tions “énergétistes”.

Ces anachronismes resteraient sans consé-quences notables, si de telles spéculationsn’étaient appelées, toutes ensemble, à gara n t i rde l’autorité de la science une vague de super-

stition populaire organisée à l’échelle interna-tionale par des commerçants sans scrupule tou-jours prêts à exploiter la détresse humaine. Plusg rave : nombre d’organisations sectaires les uti-lisent comme paravent pour leurs tech n i q u e sd’asservissement des indiv i d u s .

Plusieurs de nos collègues qui enseignent dansdes écoles d’ingénieurs font valoir un argu-ment d’un tout autre ordre en faveur d’un ensei-gnement de philosophie des sciences : la réus-site des étudiants sur le marché dépendaujourd’hui, soulignent-ils, non seulement deleurs compétences techniques, mais de leurcapacité à situer leur savoir et leur savoir-fairedans le champ des pratiques sociales. Ils deman-dent que soient mis fin à la production d’ “ h é m i-plégiques du savoir ”. Ils déplorent que leursétudiants, n’ayant pas acquis la pratique de lalecture, arrivent dans la vie professionnelle sansdisposer des moyens de réfléchir par eux-mêmessur les tâches qu’ils vont devoir remplir. Ce quise révèle de toute évidence très dommageablelorsqu’il s’agit, par exemple, d’ingénieurs agro-nomes confrontés à des questions éthiques etpolitiques graves.

L’expérience des universités tech n o l o g i q u e s(Compiègne, Troyes, Sevenans) montre bien ladynamique que peut susciter un tel enseigne-ment lorsqu’on l’intègre de plein droit dansl’enseignement technologique. Mais il semblequ’on s’accorde à considérer que la philoso-phie des sciences retient mieux l’attention desé l è ves ingénieurs dès lors qu’on l’arrime à uneréflexion philosophique générale mettant enjeu l’esthétique et l’éthique autant que la poli-tique ou l’économie.

Ce qui vaut pour ces élèves vaut évidemmentencore plus pour les étudiants en médecine.Depuis une vingtaine d’années, les médecinsprennent acte de ce que le pouvoir que leurconfèrent les progrès du savoir bio-médicalleur ouvre des possibilités d’intervention quimettent en question le sens même de leur métier.Et ce pouvoir s’avère si puissant qu’il sembleremettre en question la conception de la per-sonne humaine qui constituait le socle desconstructions juridiques auxquelles ils avaientcoutume de se référer en matière de déonto-

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logie. Confrontés à des questions ouvertes quiexigent une réflexion approfondie sur les fon-dements de tous les systèmes normatifs admispar l’homme moderne, ils expriment leurmalaise par le mot d’éthique.

Il n’est cependant pas souhaitable que touteréflexion philosophique sur les connaissanceset les pratiques médicales se réduise à ces ques-tions. Les rares professeurs de philosophie fra n-çais actuellement spécialistes des sciences bio-logiques et médicales, comme Jean Gayo n ,Claude Debru ou Anne Fagot-Largeault, fontremarquer que la médecine contempora i n esollicite leur réflexion sous trois aspects. Le premier tient à ce qu’on peut appeler la“ fondamentalisation ” de la recherche médi-cale qui renouvelle la question épistémolo-gique du statut de la connaissance médicale.La question du rapport entre la science et l’artmédical a été en effet profondément renouve-lée par la place qu’y prend la recherche fon-damentale, laquelle n’est plus exclusivementni nécessairement l’affaire de médecins.

Deuxième aspect : le rôle joué par la pharma-cologie industrielle et l’instrumentation modi-fie la distribution des rôles sociaux dans l’artmédical lui-même. L’interposition de couch e st e chniques de plus en plus complexes dans l’in-t e r vention médicale déplace la responsabilitédu diagnostic et de la décision théra p e u t i q u edu médecin individuel vers des instances col-l e c t ives. Ce transfert appelle une réflexion quine s’inscrit pas dans le simple registre éthique.

Enfin, il existe un nombre croissant de pro-blèmes individuels et sociaux qui ne relèventpas spécifiquement de la maladie et dont nossociétés semblent ch e rcher la solution au nive a ude l’hôpital ou plus largement dans les moye n sde l’appareil biomédical (cosmétique,dopage…). Le traitement de cette question,comme des deux précédentes, suppose un tra-vail de réflexion qui fasse appel au concoursde plusieurs disciplines des sciences humaineset sociales, aussi bien qu’aux médecins. La phi-losophie s’affirmant comme l’opérateur detransdisciplinarité par excellence.

Un véritable enseignement de philosophie des

sciences éviterait à nos futurs médecins d’en-dosser sans critique, en guise de réponses à leursinterrogations éthiques, des valeurs théologiquesdéguisées, ou d’admettre sans y penser des va l e u r sjuridiques sacralisées, comme le font trop sou-vent aujourd’hui leurs aînés. Il dispenserait lesmeilleurs d’entre eux d’avoir à redécouvrir pareux-mêmes en tâtonnant des raisonnements phi-losophiques classiques, alors que leurs effortsd e v raient porter sur les conditions de leur actua-lisation ou de leur réactiva t i o n .

Pour finir, quelques-uns de mes interlocuteursn’ont pas manqué de souligner que la réalisa-tion de l’objectif de cette mission supposait, àterme, qu’on en étende les exigences du côtéde l’enseignement des sciences dans le seconddegré. Ils ont aussi souligné qu’il apparaît graveque soit cultivée dès le lycée une oppositionradicale entre littéraires et scientifiques. La gloireque se font certains élèves littéraires de “ nerien comprendre aux maths ” leur apparaît aussistupide que celle des scientifiques qui “ ne s’in-téressent pas à la philo ”. N’est-il pas au demeu-rant désastreux aussi que la philosophie puissep a s s e r, depuis quelques décennies, pour unematière littéraire parmi d’autres ?

II - Du côté des philosophes

Ceux de mes collègues philosophes qui ontparticipé aux réunions de terrain ou que j’aiconsultés à titre personnel, comme d’ailleursceux qui se sont adressés à moi spontanémentpar courrier, se sont, eux aussi, réjouis de l’ini-tiative prise par le ministre.

Ils ont constaté, comme moi, que la part attribuéeà la philosophie des sciences dans les UFR de phi-losophie s’est sensiblement réduite au fil des trentedernières années. Elle se résume souvent à unenseignement de logique et de philosophie de lalogique. Si précieux qu’apparaisse un tel ensei-gnement, introduit de haute lutte dans les cursusau cours des années soixante, il ne saurait suffireà initier les philosophes aux réalités de la penséescientifique en marche. Mes collègues se sontinquiétés de l’ignorance arrogante reve n d i q u é epar nombre des leurs à l’endroit des sciences etdes techniques. Comment oublier en effet quec’est par référence aux sciences que s’est agencé

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ce mode de pensée qu’on appelle philosophie enOccident ?

Philosopher cela ne saurait se résumer à énon-cer les règles d’un art de vivre menant à lasagesse. Sauf à ravaler la philosophie au rangde succédané laïque d’une religion quelconque.

Si ce mode de pensée impose au contraire derouvrir sans cesse la question du fondement desnormes acceptées par les êtres humains dansla conduite de leur vie, c’est précisément parc eque la philosophie entend toujours tirer lesleçons de l’inve n t ivité dont font preuve lessciences existantes. De là que toute “ grande ”pensée philosophique apparaisse toujours noncomme apaisante mais dérangeante. Et ce n’estqu’à ce prix qu’elle se montre féconde.

Mes collègues ont regretté, comme moi, quel’enseignement de la philosophie dans les uni-versités tende de plus en plus à se réduire à desétudes d’histoire de la philosophie. Nous yvoyons un repli par rapport à l’audace de la pen-sée qu’exigerait pourtant la radicalité des ques-tions épistémologiques, éthiques et politiquesqu’impose notre temps à la pensée. Certes le travail de réflexion de la philosophiesur elle-même et sur son histoire constitue l’unedes conditions constantes de son existence.Mais les remaniements conceptuels auxquelsles philosophes procèdent ainsi ne s’effectuentque sous la sollicitation d’événements qui affec-tent la philosophie à partir de son “ dehors ”.

L’histoire de la philosophie en Occident témoigneelle-même de la puissance de sollicitation qu’onteue sur ce mode de pensée les événements scien-tifiques majeurs. De Platon à Wittgenstein en pas-sant par Bacon, Descartes, Locke, Leibniz, Bergson,Husserl ou Russell, à chaque grand nom on peutfaire correspondre un bouleversement dans lessciences, de la naissance des mathématiquesgrecques, à celle de la logique mathématique enpassant par la naissance de la physique moderne,l’expansion de la thermodynamique ou celle dela théorie de l’évo l u t i o n .

Il est indéniable que de très grands esprits, phi-losophes de plein droit, ont au cours des deuxderniers siècles bâti leur doctrine, contre les pre-

miers, en récusant cette place accordée auxsciences. On sait que certains d’entre eux n’ontpas hésité à instruire le procès du rôle qu’ellesont conquis dans les sociétés modernes. Les nomsde Kierkegaard, Nietzsche ou Heidegger vien-nent à l’esprit. Mais cette réaction s’expliquedans chaque cas par un rapport critique précisaux arguments de leurs adversaires. Et l’on nes a u rait manquer, à tout le moins, d’être touch épar ce qu’on repousse.

Quoi qu’il en soit du destin de la philosophiesi elle oubliait la détermination spécifique quidécide de son mode d’être par le rapport qu’elleentretient avec les sciences, plusieurs de mescollègues ont vivement souhaité que cette mis-sion soit l’occasion de relancer la rech e rche enphilosophie des sciences et de la doter dansnotre pays des structures appropriées.

La France, font-il remarquer, dispose d’une tra-dition épistémologique particulière (Duhem,Koyré, Bachelard, Canguilhem…) qui leur para î tun atout insuffisamment exploité du fait de ladispersion des ch e rcheurs et longtemps - il fautl’avouer - de la rivalité de quelques chapelles.

L’originalité de cette tradition, aujourd’huireconnue à l’échelle internationale ( 1 ), tient àce qu’elle nourrit ses réflexions sur la scienced’une étude attentive de la conceptualisationscientifique, de ses présupposés, de ses suiteset des conditions sociales de son exercice. Ellecomporte donc une dimension historique essen-tielle. Or, c’est précisément ce type de ques-tions (problématisation, conceptualisation,modélisation, institutionalisation…) qui tara u-dent les scientifiques eux-mêmes.

Très logiquement cette relance de la philoso-phie des sciences devrait être l’occasion der e voir la formation des professeurs de philoso-phie du second degré. Nombreuses sont les dif-ficultés qu’ils rencontrent aujourd’hui dans les

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(1) Les œuvres de Georges Canguilhem sont en cours de traduction aux États-Unis (voir notamment le recueil “A vital Rationalist” : Georges Canguilhem. Edited by F.Delaporte, Zone Books, New-York, 1994). Le colloqueBachelard dans le monde, organisé à Dijon en 1998 par J.Gayon et J.J. Wunenburger (à paraître aux PUF en 1999), a montré l’extraordinaire audience internationale del’œuvre du fondateur de l’”épistémologie historique”.

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lycées qui tiennent en effet, m’a-t-on fait remar-qué, à ce qu’ils n’ont souvent pas la formationsuffisante pour assurer avec la compétence etle dynamisme qu’ils souhaiteraient le tra i t e m e n tdes questions épistémologiques inscrites au pro-g ramme des sections scientifiques. De là, sansdoute, un manque d’autorité dont m’ont régu-lièrement fait part nombre de mes étudiantsp hysiciens ( 1 ), et un recours massif en dernièreminute à des manuels élémentaires, fich e s ,guides et “ corrigés ” de la part de candidatsqui, du coup, parce que leurs copies ne témoi-gnent d’aucune réflexion personnelle, obtien-nent des notes très faibles à l’épreuve du bac-calauréat. Il me semble que trouvent ici leurexplication ces notes dont s’indignent les parentset dont font grand cas certains de nos collèguesqui y trouvent argument pour mettre en ques-tion l’esprit même de l’enseignement philoso-phique. Comment d’ailleurs ne pas considérercomme très dommageable pour l’enseignementde la philosophie, à tous niveaux, de le vo i raujourd’hui esquiver les grandes questions ques o u l è vent les réalités intellectuelles et socialesdes sciences et des techniques ?

Plusieurs professeurs de philosophie en postedans des instituts universitaires de formationdes maîtres ont souligné tout l’intérêt d’un telenseignement pour la formation des ensei-gnants. Il leur apporterait la connaissance indis-pensable des effets sociaux de ceux des pro-grès scientifiques et techniques qui vo n tconcerner leurs futurs élèves ; il leur permet-t rait également d’introduire une hiéra rchie dansla masse des informations auxquels ils se trou-vent exposés en provenance du monde scien-tifique ; il viendrait soutenir la didactique desdisciplines scientifiques par un examen épis-témologique des problèmes, concepts et théo-ries. Il constituerait enfin la meilleure voie ve r sle travail interdisciplinaire appelé par la réformedes lycées (2).

Tous mes interlocuteurs ont tenu à faire obser-

ver pour finir que les forces humaines actuel-lement disponibles sont loin d’être à la hau-teur de l’objectif annoncé par ma lettre de mis-sion. Les tâches d’enseignement dese n s e i g n a n t s - ch e rcheurs en philosophie sontdéjà si lourdes qu’il apparaît difficile qu’ilspuissent en remplir beaucoup de nouvelles.

De toute façon, si regrettable que cela soit, ilserait illusoire de penser que tous les profes-seurs de philosophie, tels qu’ils sont actuelle-ment formés, aient les compétences requisespour intégrer véritablement leur enseignementà l’intérieur d’un cursus scientifique. Et s’il estgrave que les professeurs de philosophie res-tent si frileux devant la demande qui leur estaujourd’hui adressée de toutes parts, rien neserait pire que de proposer (ou pire d’imposer)un enseignement de philosophie des sciencesdont la qualité ne répondrait pas à l’attente deceux à qui il devra bénéficier. A p p r o u vant l’ob-jectif ambitieux de la réforme envisagée, ilsont tous émis le vœu qu’un vaste effort de for-mation et de recrutement soit programmé pourl’atteindre.

Certains ont insisté sur leur vœu que ce soitun véritable et solide enseignement de philo-sophie des sciences qui s’institue ainsi, lequelne saurait se résumer ni à une simple rhéto-rique destinée à la communication, ni à undiscours servant de caution à des intérêts tech-n o c ratiques, ou encore d’instrument de ges-tion de l’“ irrationnel social ”. Bref, le philo-sophe, insistent-ils, ne doit pas faire figured’agitateur d’idées face aux “ travailleurs dela preuve ” (Bachelard). Sa pensée doit auc o n t raire être techniquement engagée dansl ’ é l a b o ration de connaissances nouvelles surnotre monde. Cela demande un travail rigou-reux et spécifique. Pour peu qu’il réponde àcette exigence, un tel enseignement devra i tcontribuer aussi bien à favoriser la tra n s m i s-sion des connaissances qu’à former demeilleurs ch e rch e u r s .

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(1) En dix ans, il m’a été donné d’interroger sur ce point plusieurs centaines d’étudiants (DEUG et maîtrise de physique de Paris VII). L’opinion que je rapporte est celle de l’écrasante majorité d’entre-eux.(2) Je me réfère ici en particulier à la contribution écrite qui m’a été adressée par Jean-Paul Thomas, professeur à l’IUFM de Paris.

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Constat

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S ’il est un constat sur lequel tous mes inter-locuteurs s’accordent, c’est qu’il existe,toute question d’emploi du temps mise à

part, une réelle et large demande de la part desétudiants en sciences, lesquels souhaitentqu’une part de l’enseignement qui leur est dis-pensé soit consacrée à leur présenter la science“sous un autre aspect que purement tech n i q u e ” .Ils aimeraient ne pas arriver au terme de leurcursus scientifique sans qu’on leur ait donnéles moyens de réfléchir sur ce qu’est la science.Cette demande peut, selon les disciplines etles circonstances locales, s’exprimer commeune demande d’épistémologie, d’histoire dessciences ou, en médecine, d’éthique – sansqu’il soit assigné à ces vocables un sens tech-nique précis. L’introduction de modules de phi-losophie des sciences serait donc par eux bienaccueillie pour peu qu’on s’en donne uneconception suffisamment large et souple pourl’adapter aux besoins des différentes filières.

Un vœu fait aussi l’unanimité : un tel ensei-gnement doit être organisé dans des condi-tions qui en garantissent la qualité par de strictesprocédures de validation, de contrôle et d’éva-l u a t i o n. Le contenu des cours doit être connud ’ avance ; la modalité des examens affich é e .Il serait regrettable de voir se répandre unenseignement bricolé par des collègues quis ’ i m p r ov i s e raient philosophes ou historiensdes sciences. La philosophie des sciencesdemande une formation spécifique que doi-vent acquérir, selon des voies clairement bali-sées dans chaque cas, les scientifiques ou lesmédecins aussi bien que les philosophes quiveulent s’y consacrer. La bonne volonté, siestimable qu’elle soit, ne saurait suffire en lamatière. Et les impératifs administratifs (uncomplément de service, par exemple, à l’heureoù baissent les effectifs), pas plus que les motifsde psychologie individuelle (une lassitude defin de carrière), ne sauraient tenir lieu d’ar-gument scientifique.

De la diversité des situations locales se déga-gent quelques traits typiques. De cette typolo-gie, mise en perspective par les hypothèses ini-tiales et éclairée par les attendus qui précédent,je déduirai pour finir un ensemble de propo-sitions concrètes.

Dans les cas les plus nombreux, les enseigne-ments de philosophie des sciences donnés dansles cursus scientifiques par des enseignants-chercheurs de philosophie restent ponctuels,souvent liés à des personnalités ou à une his-toire institutionnelle particulière ( 1 ). Leur nombreet leur foisonnement sont tels que je renonceà en donner le tableau. Les archives de la mis-sion en conserveront la trace. Parfois l’organi-sation d’un tel enseignement s’est heurté à desobstacles intellectuels en provenance de phi-losophes qui, à quelques rares exceptions près,s ’ av é raient peu soucieux de philosophie dessciences, voire doctrinalement hostiles à sondéveloppement. Dans de tels cas, il n’est pasrare d’avoir vu s’éteindre tel ou tel de ces ensei-gnements (Nancy) dès lors que l’Université nedisposait plus de poste correspondant à la tâch e ,malgré les efforts de ceux qui n’ont pas renoncé.Il est frappant de constater que ces derniersdans leur infortune ont toujours reçu l’appuide leurs collègues scientifiques.

Plusieurs universités ont vu se développer ets’organiser depuis de nombreuses années unecoopération entre scientifiques et philosophespar conventions inter- u n iversitaires (Grenoble,Lille…) ou par accords entre diverses UFR d’unemême université, comme c’est le cas de Pa r i s V I Ioù il n’existe pas d’UFR de philosophie, maisdes postes de philosophie rattachés à diversesUFR ainsi qu’un DEA d’histoire et philosophiedes sciences. L’ U n iversité de Strasbourg II, maisaussi le CNRS, ont fait des efforts importantspour développer un enseignement de qualitéen médecine et pour constituer un pôle euro-péen en matière de philosophie des sciences,sous l’impulsion de Claude Debru et PierreKarli.

Le document qui m’a été remis, à la suite demon déplacement, par les trois universités deBordeaux (voir annexe) témoigne de ce quedes projets importants ne demandent qu’à seréaliser, pour peu que l’impulsion soit donnéeet que les moyens humains suivent.

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(1) À Amiens, par exemple, le cours de philosophie dessciences créé pour les DEUG scientifiques par BernardRousset et moi-même à la fin des années soixante-dix asubsisté. Mais le DEA a, depuis plusieurs années, disparu.

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Il arrive que cette coopération soit à doublesens comme à Grenoble où des scientifiquesinterviennent depuis plusieurs années dans leDEUG de philosophie (voir annexe) aussi bienque des philosophes dans les cursus scienti-fiques. Ce sont les cas les plus favo rables à uneextension de cette coopération afin que tousles niveaux (DEUG, licence, maîtrise…) soientcouverts.

Il arrive aussi que, faute de savoir où trouve rles philosophes adéquats, des scientifiques aientpris eux-mêmes en charge un tel enseignement ;s o u vent à l’enseigne de l’histoire des sciences,quelques fois de l’épistémologie. Ces étiquettesrecouvrent des contenus très disparates quirépondent à des situations elles-mêmes très dis-semblables, ainsi qu’à des compétences trèsinégales. Ici tel professeur de médecine se croitqualifié pour faire un cours sur “ les bases phi-losophiques de l’éthique médicale ”, ici et làon voit un chimiste contraint de bâtir par sespropres moyens un cours d’histoire de la ch i-mie, ailleurs encore un biologiste dispense unenseignement de philosophie de la biologie,en se formant lui-même “ sur le tas ”. Une tellesituation n’est pas satisfaisante. Que dira i t - o nd’un philosophe qui s’av i s e rait de délivrer uncours de physique, de biologie ou de méde-cine à ses moments perdus sans avoir la quali-fication dûment requise (et validée) ?

Dans plusieurs cas, c’est au niveau de lar e ch e rche qu’une coopération exemplaire s’estinstituée entre philosophes et scientifiquesautour d’un objet de recherche qui s’impose àleur réflexion commune. On voit fonctionnerune telle collaboration à Grenoble au niveaudu DEA et du groupe de rech e rche P h i l o s o p h i e ,langages et cognition sous l’impulsion de DenisVernant autour des questions soulevées par led é veloppement des sciences cognitives. Ledocument très complet remis par l’Universitéde Montpellier III montre notamment commentla même coopération s’est engagée autour dela rech e rche en intelligence artificielle. La col-l a b o ration croisée de Daniel Pa r r o ch i a( C R ATEIR) avec l’équipe de Jean Sallantin (LIRM)se présente comme un modèle du genre. Larecherche sur les questions touchant à l’envi-ronnement appelle le même type de coopéra-

tion. Le Centre de Recherches Philosophiquessur la Nature de l’Université de Bordeaux IIImet en forme un système de collaboration ave cles enseignants-ch e rcheurs des Unive r s i t é sBordeaux I et Bordeaux II.

Je partage l’opinion de tous ceux qui considè-rent que seule une rech e rche active et bienstructurée en philosophie des sciences et de lamédecine peut assurer à terme l’extension sou-haitée de son enseignement. C’est cette conv i c-tion qui inspire le plan de développement dusecteur philosophie et histoire des sciences éla-boré par Michel Blay à la demande de SylvainAuroux pour l’École normale supérieure deFo n t e n ay/Saint-Cloud. Ce plan qui s’inscrit dansla perspective du déménagement de l’École àLyon comporte une coopération avec l’Institutdes sciences cognitives qui y a été récemmentimplanté (voir document annexe).Quelques DEA assurent depuis plusieurs annéesune formation à la recherche en philosophiedes sciences particulièrement destinée auxscientifiques. C’est le cas de celui de Paris VIIdont la majorité des étudiants sont issus de cur-sus scientifiques ou ont entrepris de se doterd’une double formation ; c’est aussi le cas,mais à un degré moindre, de celui de Paris Iplus orienté vers les philosophes.

L’ U n iversité de Paris VII a vu d’autre part se créeren son sein un Centre d’études du viva n t q u is’est emparé des questions que posent à lasociété les développements actuels des sciencesbiologiques et médicales. Regroupant des phi-losophes, des biologistes, des juristes, des méde-cins et des psychanalystes, ce centre constitueun foyer unique de rech e rches tra n s d i s c i p l i-naires dans un domaine particulièrement sen-sible des rapports entre sciences et sociétés.

Grâce à l’accord qu’il a passé avec l’AssociationDiderot, le Centre d’études du viva n t a montré,par l’organisation de “Forums Diderot” réguliers,et publiés, qu’il est possible de porter ra p i d e m e n tle fruit de ces réflexions et de ces débats vers unlarge public. Probablement parce qu’il bousculela logique administra t ive qui veille au respect dela distinction des disciplines, ce centre souffreaujourd’hui encore de n’avoir comme statut quecelui d’un service commun de l’unive r s i t é .

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Dans la perspective générale qui est celle de lamission, l’École normale supérieure de la rued’Ulm pourrait jouer un rôle essentiel dans led é veloppement de la rech e rche, de l’enseigne-ment et de la formation en philosophie dessciences. L’expérience d’un passé qui n’est aprèstout pas si lointain montre que cette institutionqui regroupe scientifiques et philosophes peutse révéler très propice à une véritable coopéra-tion entre eux sur un tel terrain. Nul n’a oubliél’impact considérable de la tentative qui y futfaite, avec les moyens du bord, en 1967-68, parLouis Althusser sous le titre de Cours de philo-sophie pour scientifiques.

Malheureusement, malgré les bonnes volon-tés, quelques enseignements disséminés, un“ l a b o ratoire” de réflexion et un intéressant pro-jet de Fondation Cavaillès, il ne semble pasque l’école ait su à ce jour faire de la philoso-phie des sciences le motif d’une mobilisationdes élèves et des enseignants. La coopérationqui pourrait s’engager sur cette base avec lesu n iversités parisiennes (en matière d’ensei-gnement, de rech e rche et de formation desenseignants) s’inscrirait bien dans le cadre d’unec o o p é ration interuniversitaire élargie et cor-r e s p o n d rait à l’esprit des propositions quiconcluent le présent rapport.

Pour ce qui est de l’enseignement de la philo-sophie des sciences dans le cadre des étudesde médecine (et assimilées), la situation actuellese révèle peut-être encore plus confuse quedans les autres disciplines scientifiques.

Les difficultés se concentrent autour de l’en-seignement de première année du premiercycle. Elles sont pour une part imputable à lamodification que les autorités ministériellesont fait subir en 1994-1995 au texte de l’ar-rêté du 18 mars 1992.

Cet arrêté prévoyait expressément en premièreannée, dans le cadre d’un module de cultureg é n é rale, la possibilité d’un enseignement dephilosophie et histoire des sciences. En secondeannée, le même arrêté prévoyait également àtitre d’enseignement complémentaire, la pos-sibilité d’un enseignement de “ philosophie dessciences et histoire de la médecine ”. Cet arrêté

a été modifié par les arrêtés du 21 avril 1994et du 2 mai 1995 qui, au module de “ cultureg é n é rale ” de première année, ont substitué unmodule de “ sciences humaines et sociales ”.Si la liste des thèmes à y aborder paraît d’uneambition pour le moins exorbitante (“ outils debase de sociologie, de la psychologie sociale,de la démographie, du droit naturel, européenet international, de l’économie, de la commu-nication et de l’information ”, ainsi que “ lesg randes questions d’éthique dans la société ”),on a supprimé toute référence à la philosophiedes sciences et à l’histoire de la médecine.

Cette suppression témoigne, entre autres modi-fications, de ce que c’est l’esprit même de l’ar-rêté initial qui a été changé. Désormais on viseà apporter aux étudiants une information com-plémentaire sur les réalités institutionnelles etsociales où ils auront à évoluer, alors que l’ar-rêté de 1992 voulait les inciter à prendre unrecul réflexif par rapport à la profession médi-cale pour mieux la situer dans la culture denotre temps.

La nouvelle modification introduite par l’ar-rêté du 30 septembre 1997 ne revient pas àl’intitulé initial ; et laisse le contenu de l’en-seignement au choix des universités.

Dans ce cadre réglementaire tumultueux, desenseignements de philosophie des sciences sesont instaurés dans quelques CHU, mais endéfinitive, peu nombreux.

Les difficultés rencontrées tiennent au nombredes étudiants (plusieurs centaines la plupart dutemps), à l’impossibilité, le plus souvent, d’or-ganiser les TD indispensables, et à la naturedes épreuves écrites.

Si l’on doit signaler quelques réussites remar-quables malgré ces difficultés et ces obstacles( Paris XII-Créteil ou Bichat), c’est lorsque lesenseignants de philosophie des sciences peu-vent s’adosser à une forte structure de rech e rch eet d’enseignement dans l’université elle-même.

Mais il faut souligner le caractère très dispa-rate de cet enseignement tel qu’il est aujour-d’hui mis en œuvre. Il n’a été l’objet d’au-

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cune réflexion approfondie à ce jour et donneplutôt le sentiment général d’un intense “ bri-colage ”.

Nombreux sont nos collègues à déplorerqu’un enseignement de philosophie dessciences se trouve inscrit en première annéedans le cadre d’un module obligatoire q u ifigure en bonne place comme matière d’unc o n c o u r s. Ils font remarquer en reva n che queles quelques enseignements de philosophieet histoire des sciences qui sont dispensésaux autres niveaux du cursus médical sontunanimement appréciés.

Une certaine gène se manifeste enfin devantla multiplication des cours d’“ éthique ” dis-pensés par des enseignants qui, dénués de toutequalification en philosophie, croient visible-

ment suffisant de transmettre aux étudiants lesvaleurs qui structurent leur réflexion person-nelle sur leur métier.

Force est de constater que de nombreux pro-fesseurs de médecine ne sont pas prêts à recon-naître une autre expertise que la leur sur unobjet (la médecine) qu’ils considèrent commerelevant de leur compétence exclusive. De làqu’ils n’acceptent pas facilement la présenced’enseignants non-médecins dans les facultésde médecine. De là aussi, malgré les dénéga-tions, la situation regrettable faite aux rares phi-losophes des sciences et historiens de la méde-cine auxquels ils font appel. Quelles que soientleurs qualités, on les trouve le plus souve n tcantonnés à des postes d’ATER ou de Prag sansguère d’espoirs se voir proposer des postes demaîtres de conférences.

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Propositions

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L es propositions concrètes qui suivent ontpour objectif de créer les conditions d’uneprofonde rénovation de l’enseignement

scientifique et médical par une véritable inté-g ration de l’enseignement de la philosophiedes sciences dans tous les cursus.

Un premier ensemble de mesures vise à ren-f o rc e r, étendre et coordonner les enseigne-ments existants.

Un second ensemble vise à amorcer le pro-cessus de formation des enseignants-ch e rch e u r s ,philosophes, scientifiques et médecins, quiseront appelés à assurer cet enseignement deplus en plus largement.

Un troisième ensemble vise à faire porter dèsmaintenant le bénéfice de cet effort au-delàdes murs de l’Université : vers l’enseignementdu second degré ; vers le monde de l’entre-prise ; vers celui de la culture et de la com-munication.

I - Les cursus scientifiques

● La première mesure à prendre serait d’invi-ter les universités à introduire dans leursmaquettes un enseignement de philosophieg é n é rale des sciences au niveau de la deuxièmeannée de DEUG. Un consensus assez large s’est dégagé parmimes interlocuteurs pour dire qu’en DEUG, c’estun enseignement o u vert à tous les étudiants ensciences qu’il faut instaurer. De là qu’il devraits’agir de cours présentant les “ grandes ques-tions ” de la philosophie des sciences (1).

Mais si générales qu’elles soient, on prendrasoin de les traiter en s’appuyant sur l’analysede cas concrets à propos desquels on fera appa-raître la diversité des interprétations ava n c é e spar les grandes écoles ou tendances qui se par-tagent, et parfois se disputent, le champ del’épistémologie contemporaine (positiv i s m e ,Po p p e r, Kuhn, Fe ye rabend, Bach e l a r d … ) .

La majorité de mes interlocuteurs a fait valoirque la deuxième année serait la mieux choi-sie pour un tel enseignement ; mais on peut,en définitive, considérer le choix entre pre-

mière et deuxième année comme une ques-tion secondaire qui relève de l’organisationinterne des UFR en fonction des situationslocales.

En revanche, la question du caractère obliga-toire ou optionnel d’un tel enseignement estune question importante.De nombreux collègues se montrent d’avis queseul un contact précoce avec les questions dephilosophie des sciences peut donner aux étu-diants la conscience (sinon le goût) d’une telleréflexion. Étant donné que ce contact a été,selon eux, le plus souvent manqué (mal ajustéou esquivé) dans les classes terminales scien-tifiques, ils estiment que la majorité des étu-diants ne la ch e rch e ra pas spontanément ; ilsplaident donc pour un enseignement obliga-t o i r e .

À supposer qu’elle soit souhaitable, cette mesurene paraît pas aujourd’hui possible à mettre enœuvre, étant donné l’état actuel des effectifs.Ajoutons que du point de vue pédagogique, ilne faut pas sous-estimer la dimension du désirqui doit pousser l’étudiant vers ce type deréflexion. Et si l’on veut qu’un tel enseignementporte réellement ses fruits, il faut éviter les coursen amphi. Il doit être clair, en effet, qu’il ne s’agitpas seulement ici d’une matière supplémentaireà apprendre, mais bien plutôt d’une initiation àun mode de penser qui doit marquer une rup-ture avec la pédagogie par ailleurs pratiquée. Ilc o nvient donc que cet enseignement se pré-sente comme un module optionnel composéde deux unités de 25 heures, permettant d’or-ganiser un cours et un T D. Il faut que cette optionait le rang d’un enseignement pleinementreconnu et sanctionné au même titre que lesoptions scientifiques, et qu’elle soit dotée d’uncoefficient significatif si l’on veut éviter qu’ellesoit considérée comme un simple supplémentc u l t u r e l .

● En second cycle (licence et maîtrise), il conv i e n-d ra, dans la mesure du possible, d’organiser un

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(1) Ces questions seraient du type suivant : qu’est-ce qu’unfait scientifique (fait et interprétation, fait et hypothèse) ? Lasaisie scientifique du réel ; les formes du raisonnementscientifique (déduction, induction, abduction, analogie) ; lanotion de modèle….

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enseignement plus spécialisé, qui tiendra comptede l’appartenance disciplinaire des étudiants(philosophie des mathématiques, de la phy s i q u e ,de la biologie…). D’expérience, je crois néces-saire, pour inciter les étudiants à s’inscrire et lesrassurer sur l’objet de cet enseignement, d’a f f i-cher chaque année un thème précis, sans secontenter de l’intitulé général du cours ( 1 ).

On proposera aux étudiants en licence unmodule optionnel de deux fois 25 heures (courset TD) ; il en ira de même pour les étudiantsen maîtrise.

● Mais pour donner de la force à ce dispositifoptionnel souple, il devrait être décidé qu’o b l i-gation soit faite à tout étudiant qui vo u d ra obte-nir une maîtrise de sciences d’avoir obtenu aumoins un module optionnel de philosophiedes sciences au cours de son cursus (au choixen deuxième année de DEUG, ou en licenceou en maîtrise).On peut espérer, si l’enseignement est de qua-lité, que nombre d’étudiants choisissent ch a q u eannée ce type de modules et se constituentainsi sur trois ans une culture en philosophieet histoire des sciences leur permettant d’ac-céder aisément aux DEA de cette discipline.

● Suivant une suggestion qui m’a été faite dansplusieurs universités, je propose que soit miseà profit la réforme en cours des écoles docto-rales pour décider dès maintenant que toutesles écoles doctorales scientifiques comportentun enseignement de philosophie des sciences.

● Sans vouloir le moins du monde attenter à laliberté pédagogique de chaque enseignant-ch e rch e u r, qui doit pouvoir construire son coursen fonction de ceux de ses intérêts qu’il peutle plus utilement mettre au service de ses étu-diants, je propose que, dans tous les cas (1er,2e et 3e cycles), ce nouvel enseignement soitl’occasion d’introduire dans notre pays la pra-tique allemande et américaine du “syllabus”qui veut que les étudiants disposent à l’avancedu programme des lectures à partir desquelless e ra bâti le cours ainsi que du plan très détaillé

de ce cours. Sachant ainsi à quoi s’attendredans une matière dont ils ignorent les exigences,ils pourront s’y préparer. Si cette pra t i q u erequiert plus d’effort de la part des étudiantscomme des enseignants, elle a aussi plus d’at-trait intellectuel et accroît la part de réflexionpersonnelle de chacun. Il est vrai qu’elle privel’enseignant des surprises de l’errance aux-quelles les étudiants des disciplines littérairesse révèlent souvent sensibles, mais que n’ap-précient guère les étudiants en sciences.

● À cette innovation pédagogique qui pour-rait sans dommage être étendue à d’autresdisciplines, j’ajouterai que la validation desmodules doit s’effectuer par un examen nor-mal de type standard consistant en une épreuveécrite de caractère rédactionnel. Mais cetteé p r e u ve ne saurait se présenter sous la formed’une dissertation – forme à laquelle les étu-diants en sciences s’estiment, à juste titre, malpréparés. À l’expérience, la meilleure formulep a raît être celle du commentaire explicatifd’un texte de philosophie des sciences, por-tant sur l’une des questions abordées dans lecadre du thème que l’on s’est proposé. Po u rne pas conférer à cet exercice un cara c t è r etrop scolaire, les étudiants devraient pouvo i rse munir pour l’épreuve (d’une durée mini-mum de trois heures) de tous les documentsdont ils souhaitent disposer.

● Pour ce qui est des études de médecine, ilc o nv i e n d rait de revenir sinon à la lettre dumoins à l’esprit de l’arrêté de 1992 en alignantce cursus sur le régime général : un moduleoptionnel en deuxième année ; obligation àtout étudiant d’avoir suivi dans son cursus unmodule de deux fois 25 heures de philosophieet histoire de la médecine.

II – Recrutement et formation des enseignants-chercheurs

● Dans l’immédiat, pour répondre à une telleobligation et aux besoins d’universités qui sontsusceptibles de jouer dans le mouvement ainsicréé un rôle pilote – comme celle de Paris VII -, il y aurait lieu de créer un certain nombre depostes de maîtres de conférences, lesquels sera i e n t

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(1) On tra i t e ra, par exemple, en physique de : la notion detemps (physique et philosophie) ; la notion de matière (phy-sique et philosophie) ; la question de l’unité de la phy s i q u e …

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spécialement recrutés pour cet enseignement.On accorderait priorité aux candidats qualifiéspar la 72e section du Conseil national des uni-versités. L’ensemble de ces postes seraient dis-tribués entre les universités pour la rentrée 2000sur la base d’un appel à projets lancé dès la ren-trée 1999 dans la suite de la présente mission.

Les candidats potentiels ont souvent à l’heureactuelle le statut d’ATER ou d’AMN. Pour assu-rer la pérennité de l’opération, il conviendraitde créer un nouveau flux d’ATER et AMN àdouble compétence.

● Pour l’avenir, il conviendrait, au-delà de cespremiers recrutements, de mettre en place undouble processus de formation, initiale et conti-nue, des enseignants-chercheurs :

- d’une part, une formation philosophiquedes scientifiques pour que ceux d’entre euxqui le souhaitent puissent eux-mêmes prendreen mains cet enseignement avec une quali-fication dûment va l i d é e .

- d’autre part, une formation des philosophesqui voudront acquérir la compétence scienti-fique suffisante pour assumer ces tâches d’en-seignement auprès des scientifiques.

A - Des scientifiques

À terme, lorsque l’enseignement de philoso-phie des sciences aura été installé dans l’en-semble des cursus scientifiques, du DEUG auxécoles doctorales, il sera beaucoup plus aiséqu’aujourd’hui à un scientifique de prolongerson effort par l’écriture et la soutenance d’unethèse de philosophie des sciences.

● Dans l’immédiat, il conv i e n d rait donc de pré-voir un nombre significatif d’années sabbatiqueset un volume important de d é charges de ser-v i c e afin que les collègues qui se sont engagésdans un tel enseignement puissent rédiger, mêmet a r d ivement, une thèse de philosophie dessciences dans les conditions requises ou, le casé chéant, soutenir sur trava u x .

● Cet effort de formation sera soutenu et faci-lité par l’Institut National de Philosophie des

sciences dont je propose, plus loin, la création(cf. p. 71).

B – Des philosophes

L’un des obstacles majeurs à l’orientation desenseignants-chercheurs en philosophie vers laphilosophie des sciences tient à ce que leurformation ne comporte presque aucun contactavec les disciplines scientifiques.

● Pour inciter les UFR de philosophie à mettreun terme à cette situation, je propose de reve-nir à l’esprit de la disposition qui voulait, jus-qu’au début des années soixante, qu’on ne pûtse présenter aux épreuves de l’agrégation dephilosophie sans avoir passé un “ certificat desciences ”.

Concrètement, il pourrait être décidé selon l’es-sentiel des suggestions faites par Jean Gayon(voir note en annexe) :

1 – Que tout étudiant qui se présenterait àl’agrégation de philosophie devrait, au coursdu second cycle, avoir obtenu deux modules,un module théorique et un module pratique,dans une discipline librement choisie parmiune liste limitative qui pourrait être la suiva n t e :- mathématiques,- sciences physiques,- sciences de la vie,- sciences de la Terre.

Chacun de ces modules aurait un vo l u m ehoraire de deux fois 25 heures.

Dans tous les cas, l’étudiant devrait avoir va l i d éses connaissances, et non simplement reçu desenseignements.

2 - Ce dispositif devrait être couplé avec u naménagement des épreuves de l’agrégation dephilosophie. La seconde leçon orale (axée surdes sujets de “philosophie spéciale”) s’y prê-terait bien. L’étudiant traiterait un sujet philo-sophique correspondant à la discipline danslaquelle il aurait obtenu ses modules scienti-fiques du second cycle. Cette épreuve l’invi-terait à une analyse conceptuelle, historique-ment située, d’un problème actuel. On pourra i t ,

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en toute cohérence, intégrer dans le jury, etpour cette seule épreuve, un scientifique duchamp en question.

Comme les programmes d’enseignement de laplupart des UFR de philosophie dépendentétroitement du programme de l’agrégation etcomme leur destin se trouve, pour une partessentielle, lié à leur taux de réussite à ceconcours, cette décision inciterait toutes lesUFR à proposer aux étudiants des modulesscientifiques, comme certaines d’entre elles enont déjà institué quelques-uns (voir le docu-ment de Grenoble en annexe).

Il y aurait d’ailleurs sans doute lieu d’introduireun tel enseignement et une épreuve du mêmetype pour les candidats au CAPES afin de per-mettre à tous les professeurs de philosophie dusecond degré d’asseoir leur autorité intellec-tuelle dans les sections scientifiques et tech-niques sur une maîtrise des matières qui sontenseignées à leurs élèves par ailleurs.

● Pour assurer à l’échelle nationale la coordi-nation de ce mouvement qui devra combinerun développement de la recherche en philo-sophie des sciences, l’implantation de nou-veaux enseignements ainsi que la formationinitiale et continue de nombreux enseignants,je propose la création d’un Institut national dephilosophie des sciences.

La création d’un tel institut a été souhaitéepar plusieurs de mes interlocuteurs. Outre sest â ches de coordination, il stimulerait lar e ch e rche en philosophie des sciences, il seve r rait confier pour tâche de valider et d’éva-luer les enseignements existants comme ceuxqui se créeront dans les années à ve n i r. Ilc o n t r i b u e rait à la formation philosophiquedes scientifiques et piloterait les philosophesqui voudront acquérir une formation scienti-fique approfondie. Il accueillerait les profes-seurs de philosophie du second degré qui sou-haitent approfondir leur formation scientifique.Il impulserait une très nécessaire rech e rch een philosophie des sciences humaines etsociales. Il susciterait la création du matérielpédagogique de qualité nécessaire à l’en-semble des nouveaux enseignements.

III – Au delà des murs

L’ensemble cohérent des mesures qui viennentd’être proposées seraient à elles seules sus-ceptibles de provoquer la rénovation escomp-tée. Toutefois, elles pourraient être utilementcomplétées par quelques dispositions visant àen accompagner, étendre et amplifier les effets.

A - Vers les lycées, collèges et écoles

● Il paraît prématuré d’introduire une épreuvede philosophie des sciences au programme desconcours de recrutement dans les disciplinesscientifiques, comme plusieurs collègues scien-tifiques en ont exprimé le souhait.

En revanche, il importerait d’inciter dès main-tenant les enseignants scientifiques et philo-sophes à coopérer dans le cadre ou dans leprolongement des cours de philosophie dessciences dans les lycées.

Rien n’apparaît plus souhaitable que de mon-trer aux élèves une réflexion commune de leursenseignants sur les démarches, les perspective set les enjeux des sciences qu’on leur enseigne.Les effets d’une telle incitation sur la culturedes jeunes Français se révèleraient à long termetrès profonds. Ils se manifesteraient en particu-lier par leur façon d’exercer leur citoye n n e t éface aux grandes questions qui mettent en jeules réalités scientifiques et tech n i q u e s : l’espritde la rech e rche viendrait vivifier l’esprit civ i q u e .

● La deuxième disposition allant dans le mêmesens consisterait à introduire systématiquementun enseignement de philosophie des sciencesdans les IUFM afin notamment d’y étayer ladidactique des disciplines scientifiques d’uneréflexion épistémologique et historique.

B – Vers les entreprises, le monde des déci-deurs et celui de la communication

Depuis une vingtaine d’années, la demandede philosophie des sciences en prove n a n c edes acteurs sociaux s’est faite de plus en plusnette et massive. Le monde de l’entreprisecomme celui de la communication se révè-

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lent demandeurs non seulement d’informa-tion scientifique et technique, mais d’uneréflexion de fond sur les présupposés intel-lectuels, les enjeux sociaux et les perspective shumaines du progrès scientifique. L’ e x p é r i e n c emontre que les structures universitaires sontmal adaptées pour répondre par elles-mêmesà une telle demande. Mais l’expérience montreaussi que si une entité se trouve en positiond’interface, elle permet un échange rapide, dehaute qualité et de large diffusion.

● L’Association Diderot, avec de faiblesm oyens, a joué pleinement ce rôle depuis

quinze ans, obtenant une reconnaissance inter-nationale (cf. le colloque de 1994) qui meconduit à proposer son renforcement et éve n-tuellement sa transformation en Fo n d a t i o n( Fondation Diderot) sous l’égide de laFondation de Fra n c e, pour marquer d’un sym-bole, la nouvelle ère qui s’ouvrirait ainsi dansnotre pays pour ce qui est des relations dessciences et de la société.

Cette fondation trava i l l e rait évidemment enliaison avec l’Institut national comme elle l’afait depuis plusieurs années avec l’Universitéde Paris VII et avec d’autres institutions.

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* * *

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Table des matières

I - Agenda de la Mission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 49

II - Personnes contactées à titre personnel . . . . . . . . . . page 57

III - Lettres et documents reçus . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 63

IV - Postes diplomatiques consultés . . . . . . . . . . . . . . . page 67

V – Note sur les universités allemandes . . . . . . . . . . . . page 71

VI - Liste des participants à la réflexion Science, philosophie et histoire des sciences en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 77

VII - Contribution de Jean Gayon . . . . . . . . . . . . . . . . . page 81

IX – Documents élaborés par quelques universités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 85

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Agenda

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Mercredi 3 mars 1999 , à 14 h, entretien avecle professeur M. Delamar, Président del’Université de Paris VII.

Ve n d redi 5 mars 1999, à 16 h, entretien avec leprofesseur J. Gayon (Université de Paris VII - phi-l o s o p h i e ) .

Mercredi 10 mars 1999 , à 10 h, réunion avecles membres du directoire du Centre d’étudesdu vivant de l’Université de Paris VII.

Jeudi 11 mars 1999, à 10 h, entretien avec leprofesseur G. Châtelet (Université de Paris VIII– mathématiques et philosophie des sciences).

Vendredi 12 mars 1999, à 15 h, réunion avecle conseil scientifique du Collège internatio-nal de Philosophie.

M a rdi 23 mars 1999, participation au stagenational de formation des professeurs de phi-losophie à Saint-Jorioz (74).

Mardi 30 mars 1999 , à 13 h, entretien, à sademande, avec le Sénateur Y. Gaillard.

Jeudi 1er avril 1999 , 17 h 30, réunion avec leprofesseur M. Delamar et les membres du CEVUde l’Université de Paris VII.

Jeudi 8 avril 1999 , à 10 h, entretien avec le pro-fesseur C. Marchello-Nizia, administratrice del’institut universitaire de France. Annonce de lamission à l’ensemble des membres de l’IUF pare - m a i l .

Mardi 13 avril 1999 , à 15 h, entretien avec M.G. Kutukdjian, Directeur de la division del’éthique des sciences et des technologies del’UNESCO.

Mardi 20 avril 1999 , 13 h, entretien avec C.Lécaille (Université de Paris VII – ch i m i e ,membre du SNESup).

Mardi 20 avril 1999 , à 15 h, entretien avec leprofesseur B. Jurdant (Université de Paris VII -communication).

M a rdi 20 avril 1999, à 17 h, entretien ave cMme. D. Leglu, rédactrice en chef adjoint (sec-teur sciences) de L i b é ra t i o n. Annonce de lamission dans Libération du 27 avril 1999 (voirannexe).

Vendredi 23 avril 1999 , à 11 h, entretien avecMme. F. Demichel, Directrice de l’EnseignementSupérieur.

M e rc r edi 28 avril 1999, à 13 h, réunion àl ’ U n iversité de Picardie-Jules Verne, en pré-sence du Recteur A. Morvan, avec le profes-seur Risbourg, Président de l’Université, et leprofesseur F. Delaporte (philosophie dessciences).

Vendredi 30 avril 1999 , à 10 h, entretien avecJ. de Jacquelot du Quotidien du Médecin.Annonce de la mission en page une duQuotidien du 5 mai 1999 (voir annexe).

Mercredi 5 mai 1999 , réunion à l’Universitéde Reims, en présence du professeur J. Meyer,Président de l’Université et du professeur J.Seidengart. Consultés : M. R. Daval (Directeuradjoint du dépt. de philosophie), M. L. Allix,Melle. V. Le Ru (MCF en philosophie à l’IUFMde Reims).

Jeudi 6 mai 1999, réunion à l’Université d’Orsay -Paris XI. Participants à la réunion : le professeurP. Brouzeng (Directeur du Groupe d’histoire etde diffusion des sciences d’Orsay, directeur duCentre interdisciplinaire d’études de l’évo l u-tion des idées, des sciences et des tech n i q u e s ,Président de la commission 72 du CNU), Mme.N. Bardou (responsable de la gestion et de l’ad-m i n i s t ration du GHDSO et du CIEEIST), le pro-fesseur G. Bram (Centre scientifique d’Orsay,chimie), C. Cabot (enseignant-ch e rcheur enp hysique 1e r cycle), Mme. A. M. Callen, (res-ponsable du service de formation des ensei-gnants), Mme. H. Gispert (MCF en histoire dessciences et des techniques à l’IUFM de Ve r s a i l l e s ,membre du GHDSO, membre du conseil scien-tifique des programmes du CIEEIST), le profes-seur H. Le Guyader (Centre scientifique d’Orsay,Président du conseil Scientifique des

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P r o g rammes du CIEEIST, biologie), le profes-seur R. Omnes (Centre scientifique d’Orsay,membre du conseil scientifique des progra m m e sdu CIEEIST, physique théorique).

Vendredi 7 mai 1999, à 14 h, entretien avecle professeur J. Gayon (Université Denis Diderot-Paris VII – philosophie) au sujet de la forma-tion scientifique des philosophes des sciences.

Lundi 10 mai 1999, à 10 h, réunion àl’Université de Paris X - Nanterre, avec Mmele professeur B. Bensaude (dépt. de philoso-phie), A. Benmakhlouf (MCF dépt. de philo-sophie).

M e rc redi 12 mai 1999, à 16 h, réunion àl ’ U n iversité de Lille, avec M. N. El Haggar (MCF,Vice-Président Lille I), le professeur R. Bkouch e( U n iversité de Lille I – mathématiques, histoiredes mathématiques), le professeur R.Locqueneux (Université de Lille I – physique,histoire de la physique), B. Maitte (MCF àl’Université de Lille I – physique, histoire de laphysique), le professeur B. Pourprix (IUFM deLille – physique, histoire de la physique), leprofesseur J. Celeyrette (Université de Lille III– mathématiques, histoire des sciences), B. Jo l y(MCF à l’Université de Lille III – philosophie,histoire des sciences), le professeur P. Mach e r e y( U n iversité de Lille III - philosophie), le pro-fesseur M. Parmentier (Directeur de l’UFR dephilosophie de l’Université de Lille III – phi-losophie, histoire des sciences).Ont été également consultés et ont remis despropositions dont il a été tenu compte dans ladiscussion : professeur M. Po rchet (Lille I - bio-logie), professeur F. De Gandt (Lille III - hist.des sciences), professeur J M. Salanskis (LilleIII - philosophie), L. Vinciguerra (MCF, philos.Lille III).

Lundi 17 mai 1999, à 12 h, réunion àl’Université de Nancy II - Centre d’études etde recherche Henri Poincaré, avec le profes-seur G. Heinzmann (directeur du IRIST), le pro-fesseur L. Chatellier (Université de Nancy II,membre de l’IUF – histoire), le professeur P.Nabonnand (Université de Nancy I, membre

de l’IUF – mathématiques), le professeur Barlet(Université de Nancy II - mathématiques), leprofesseur Berche (Université de Nancy I - phy-sique), le professeur Westphal (Université deN a n cy I - médecine), le professeur Greffe (INPL -mathématiques), Mme. L. Soler (MCF à l’IUFMde Lorraine - philosophie, physique), le pro-fesseur Ancori (ULP de Strasbourg - économie).

Mardi 18 mai 1999, réunion à l’Université deBourgogne avec le professeur J. J. Wu n e n b u r g e r( U n iversité de Bourgogne – philosophie,Directeur du Centre Gaston Bachelard), le pro-fesseur R. Quilliot (Université de Bourgogne -philosophie), J. Vidal-Rosset (MCF - Universitéde Bourgogne - philosophie), le professeur P.Guenancia (Université de Bourgogne - philo-sophie), P. Ancet (AMN, Université deBourgogne - philosophie), J. Goffette (ex-AT E R ,U n iversité de Bourgogne - philosophie), le pro-fesseur G. Bertrand (Université de Bourgogne- chimie, Vice-président du Conseil scienti-fique), Mme le professeur Autissier (Universitéde Bourgogne - pharmacie, Chargée de laCulture scientifique et technique), F. Cezilly(UMR – CNRS, Biogéosciences), le professeurJ. Chaline (Université de Bourgogne - paléon-tologie, ancien Vice-président à la recherche),J. P. Grenouillet (Directeur de ENSBANA), leprofesseur J. P. Dufour (Université de Bourgogne- Directeur UFR Sciences et techniques), le pro-fesseur M. Campy (Université de Bourgogne -Directeur UFR sciences de la Terre), le profes-seur Y. Jasset (Université de Bourgogne -Directeur UFR sciences de la vie).

Mardi 18 mai 1999, à 20 h, réunion avec leprofesseur S. Auroux, Directeur de l’École nor-male supérieure de Fontenay - Saint Cloud etle Professeur M. Blay, Directeur-adjoint (phi-losophe et historien des sciences).

Jeudi 20 mai 1999, à 18 h 30, réunion avecM. V. Courtillot, Directeur de la recherche.

Vendredi 21 mai 1999, réunion à l’Universitéd’Aix-Marseille, avec le professeur C. Louit,Président de l’Université d’Aix-Marseille III, leprofesseur G. Dufour, Président de l’Unive r s i t é

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d’Aix-Marseille I, le professeur D. Raould,Président de l’Université d’Aix Marseille II etles professeurs J. Mathiot (Université deMarseille I – philosophie) et A. Michel (Directeurdu Centre d’épistémologie et d’ergologie com-parative, Université de Marseille I).

Mardi 25 mai 1999, réunion à la présidencede l’Université de Strasbourg, Institut Le Bel,avec le Président J.Y. Mérindol, Mme le pro-fesseur A. Cheminat (Vice-présidente chargéedes programmes), le professeur C. Debru(Université de Paris VII, CNRS - philosophie),le professeur P. Karli (Académie des Sciences),le professeur W. Shea (IRFEST), le professeurB. Ancori (IRFEST) et le professeur J. L. Pe t i t(Université Marc Bloch-Strasbourg II – philo-sophie).

Ve n d redi 28 mai 1999, réunion à l’Unive r s i t éde Nice-Sophia Antipolis avec le professeur J.M. Lévy-Leblond (Dépt. de physique et de phi-losophie), F. Pa t ras (CNRS – UNSA - mathé-matiques), le professeur D. Janicaud (dépt. dephilosophie), Mme le professeur C. Ta b o u -Hugen (dépt. de philosophie), le professeur J.L. Gautero (Dépt. de philosophie - philoso-phie des sciences), Mme. M. Sch e i d e cher (his-torienne de la chimie - 72e section du CNU),le professeur P. A. Miguel (dépt. de philoso-phie), G. Rivellaud (PRAG de philosophie –IUFM de Nice, chargé de cours au Dépt. dep h i l o s o p h i e ) .

Lundi 31 mai 1999, réunion à l’Université deBordeaux III, domaine universitaire de Ta l e n c e ,avec Mme le professeur F. Delmer (Universitéde Bordeaux I), le professeur M. Merc i e r( U n iversité de Bordeaux I), le professeur L.Humbert (Université de Bordeaux III), le pro-fesseur J. M. Desvois (Université de BordeauxIII), Mme le professeur C. Larrère (Universitéde Bordeaux III), le professeur C. Ramond(Université de Bordeaux III - philosophie), E.Renault (MCF, Université de Bordeaux III - phi-losophie), B. Traimond (MCF, Université deBordeaux II, philosophie), Mme N. Bonneton( M C F, Université de Bordeaux I), A. Glykos(MCF, Université de Bordeaux I), B. Claverie

( M C F, Université de Bordeaux II), C. Lava u d(Université de Bordeaux III), le professeur J. J.Szczeciniarz (Université de Bordeaux III - phi-losophie).

Jeudi 3 juin 1999, réunion à l’Université deMontpellier en présence de Mme le professeurWeil, Présidente de l’Université Paul Va l é r y,avec le professeur Bru (Université Paul Valérie- Dept. de philosophie), Mme le professeur M.Guedj (IUFM de Montpellier), Mme. D. Jo u b e r t(INSERM U 376), Mme le professeur A. Petit( U n iversité Paul Valérie - Dept. de philosophie),Mme le professeur V. Vissac-Charles (écolenationale supérieure agronomique), le profes-seur M. Denizot (Université des sciences ett e chniques du Languedoc), le professeurDusseau (IUFM de Montpellier), le professeurD. Faure (Université de Montpellier II), le pro-fesseur Y. Giapis (école des mines d’Alès), leprofesseur V. Jasniewicz (Université des scienceset techniques du Languedoc - laboratoire d’as-t r o p hysique), le professeur J. Mauchamp (facultéde pharmacie - ESA 6032 – C.N.R.S), le pro-fesseur M. Maurin (Université des sciences ettechniques du Languedoc - Physico-chimie dela matière condensée), le professeur A. Micali( U n iversité des sciences et techniques duLanguedoc - mathématiques), le professeur G.Mennessier (Université des sciences et tech-niques du Languedoc - physique), le profes-seur D. Pa r r o chia (Université Paul Valéry), leprofesseur J. Sallentin (CNRS – LIRM), le pro-fesseur Von Balmoos (Université de Toulouse- astrophysique).

Vendredi 4 juin 1999, réunion à l’Académiedes Sciences avec le professeur P. Germain.

Lundi 7 juin 1999, réunion à la Fo n d a t i o nGulbenkian (Lisbonne), sous la présidence duProfesseur J. Caraça, Directeur de la divisionsciences et techniques.

M a rdi 8 juin 1999, réunion à l’Université deGrenoble avec le professeur F. Petit, présidentde l’Université de Grenoble II - Pierre MendèsFrance, le professeur R. Favier (Université deGrenoble II - Pierre Mendès France, Vi c e - p r é s i-

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dent chargé de la formation initiale), le profes-seur C. Moser (Université de Grenoble II - PierreM e n d è s - France, Vice-président du Conseil desétudes de la vie universitaire), Mme le profes-seur J. Chene (Université de Grenoble II - PierreM e n d è s - France, Directrice de l’UFR scienceshumaines), le professeur D. Vernant (Unive r s i t éde Grenoble II - Pierre Mendès-France, direc-teur du dépt. de philosophie), le professeur J.Lambert (Université de Grenoble II - PierreM e n d è s - France – philosophie).

Mercredi 9 juin 1999 , entretien avec Mme laPrésidente D. Oliv i e r, Groupe des gra n d e sEcoles de Paris, Directrice de l’ENSCP.

Lundi 14 juin 1999, réunion à l’Université deParis VIII avec Mme M. J. Dura n d - R i chard (MCF72e, Université de Paris VIII - philosophie), N.Meusnier (MCF 25e, Université de Paris VIII -mathématiques), F. Mellet (Université de ParisVIII, Directeur de l’UFR, 71e), S. Larriv i è r e(Université de Paris VIII - chargé de cours enmathématiques), Mme. M. Benedittin(Université de Paris VIII - chargée de cours enmathématiques), le professeur A. Savoye(Université de Paris VIII - sciences de l’éduca-tion), le professeur J. Poulain (Université deParis VIII - philosophie), le professeur D. Guedj(Université de Paris VIII - mathématiques), E.Tsisubidaros (MCF, 17e, Université de Paris V I I I- philosophie), A. Drivas (Université de ParisVIII - chargé de cours en mathématiques), leprofesseur M. Enguehard (Université de ParisVIII - 25e).

Samedi 19 juin 1999, entretien au ministèrede l’éducation nationale avec Mr. J. Rey,Conseiller du ministre de l’éducation natio-nale, de la Rech e rche et de la Te ch n o l o g i e ,pour les affaires médicales.

Lundi 21 juin 1999, à 9 h 30, entretien avec D.Bourg (Université Te chnologique de Tr oyes -philosophie).

Lundi 21 juin 1999, à 15 h, réunion àl ’ U n iversité de Paris XII, avec Mme la PrésidenteH. Lamicq, le professeur M. P. Mengal

(Université de Paris XII, philosophie), Mme leprofesseur C. Tiercelin (Présidente du Jury del’agrégation de philosophie), le professeur DeBuzon (philosophie), M. M. Desaegher (MCFde biochimie, responsable du DEUG Sciencesde la vie), Mme Rameix (PRAG de philoso-phie).

Mardi 29 juin1999, à 13 h, entretien avec Mr.J. Parrot, Président du Conseil national del’Ordre des Pharmaciens.

Samedi 3 juillet 1999, à 11 h, entretien avecM. B. Massin (Institut Max Planck d’histoiredes sciences de Berlin).

Mercredi 7 juillet 1999 , à 11 h, entretien avecMme le professeur C. Imbert (école normalesupérieure de la rue d’Ulm – philosophie).

Ve n d redi 9 juillet 1999, à 15 h, réunion àl ’ U n iversité de Lyon I, avec le professeur J.Védrinne (Directeur du service commun,Formation sciences humaines et sociales), leprofesseur J. Goffette (LIRDHIST, scienceshumaines et sociales), le professeur C. Bange(LIRDHIST), le professeur D. Forest (Unive r s i t éde Lyon III, philosophie), le professeur J.C.Beaune (Centre d’étude des systèmes, philoso-phie), le professeur J. Gréa (Directeur duLIRDHIST de Lyon I et IUFM de Lyo n ) .

Samedi 10 juillet 1999, entretien avec le pro-fesseur F. Guéry (Université de Lyon III – phi-losophie).

Mardi 13 juillet 1999 , à 9 h 30, entretien avecMme le professeur A. Fagot Largeault, direc-teur de l’Institut d’histoire des sciences de Pa r i s .

Ve n d redi 16 juillet 1999, à 14 h, réunion àl’Université de Rouen en présence du profes-seur J. P. Cléro (philosophie) et J. M. Nicolle(chargé de cours, philosophie).

Mardi 20 juillet 1999 , à 15h, entretien avecMme le professeur C. Girre (Hôpital FernandWidal, responsable des enseignementsd’éthique, C.H.U Lariboisière-Paris VII).

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Ve n d redi 23 juillet 1999, à 10 h, entretien ave cMme F. Moinet, journaliste de la revue de laFondation pour la recherche médicale.

Ve n d redi 23 juillet 1999, à 13 h, entretien ave cle professeur J. C. Milner, président du CollègeInternational de philosophie.

Mardi 27 juillet 1999 , à 11 h, entretien avecle professeur J. M. Besnier (Université techno-logique de Compiègne - philosophie).

Mardi 27 juillet 1999 , à 15 h, entretien avec

le professeur M. Morange (Université de ParisVI et école normale supérieure – biologie).

Jeudi 29 juillet 1999, à 9 h 30, entretien avecle professeur P. H. Gouyon (Université de Pa r i sSud – génétique).

Lundi 2 août 1999, à 10 h, entretien avec P. H.Castel (CNRS, philosophie des sciences humaines).

Vendredi 6 août 1999 , à 13 h, entretien avecA. Prochiantz (Directeur de recherche, CNRS,école normale supérieure, neurobiologie).

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Personnes contactées à titre personnel

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Professeur Henri Atlan156 Bd. Montparnasse75014 Paris

Professeur Jean AudouzePrésident de l’AFASCité des Sciences et de l’Industrie75930 Paris cedex 19

Professeur Sylvain AurouxDirecteur de l’Ecole Normale Supérieurede Fontenay-Saint CloudAvenue de la Grille d’HonneurLe Parc 92211 Saint Cloud

Mme le professeur Françoise BalibarUniversité Denis Diderot - Paris VII 2, place Jussieu75251 Paris cedex 05

Professeur Jean-Claude BeauneUniversité de Lyon I - Claude Bernard 43 Bd. du 11 novembre 191869622 Villeurbanne cedex

Mme. le professeur Bernadette BensaudeUniversité de Paris X200 Avenue de la République92001 Nanterre cedex

Professeur Jean-Michel Besnier5 Passage Saint Ambroise75011 Paris

Professeur Michel BlayDirecteur-Adjoint Ecole Normale Supérieurede Fontenay-Saint CloudAvenue de la Grille d’HonneurLe Parc 92211 Saint Cloud

Professeur Dominique Bourg52, rue Nicolas Remond10800 Saint Julien les Villas

Professeur Paul BrouzengUniversité Paris-Sud - XI91405 Orsay cedex

Professeur Jean Celeyrette Université de Lille - Sciences et Technologies59655 Villeneuve d’Ascq cedexProfesseur Gilles ChâteletUniversité de Paris VIIIVincennes Saint Denis2, rue de la Liberté93526 Saint Denis Cedex 02

Professeur Jean-Pierre CléroUniversité de Rouen Rue Thomas Becket BP 13876134 Mont Saint Aignan cedex

Professeur Claude DebruDirecteur de recherche au C.N.R.SUniversité Denis Diderot - Paris VII 2, place Jussieu75251 Paris cedex 05

Professeur François DelaporteUniversité de Picardie Chemin du Thil, Campus80025 Amiens cedex

Professeur Jean Dhombres2 Chemin de la Houssière44072 Nantes Cedex 03

Mme Marie José Durand-RichardUniversité de Paris VIIIVincennes Saint Denis2, rue de la Liberté93526 Saint Denis Cedex 02

M. Nabil El Haggar Université de LilleUniversité des Sciences et TechnologiesVice-Président chargé de la cultureCité scientifique59655 Villeneuve d’Ascq cedex

Mme le professeur Anne Fagot-Largeault Directeur Institut d’Histoire et Philosophie des Sciences et des Techniques Université de Paris I115-117 rue du Fbg St Antoine 75004 Paris

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Professeur Pierre FédidaDirecteur du Centre d’Etudes du VivantUniversité Denis Diderot - Paris VII 2, place Jussieu75251 Paris cedex 05Professeur Jean GayonUniversité Denis Diderot - Paris VII 2, place Jussieu75251 Paris cedex 05

Professeur Pierre-Henri GouyonC.N.R.S. URA 1492 - Bât. 362Université Paris-Sud XI 91405 Orsay cedex

Professeur Paul GermainAcadémie des Sciences23 Quai Conti75006 Paris

Professeur Gerhard HeinzmannDirecteur des archives PoincaréBd. Albert Ier BP 339754015 Nancy cedex

Mme le professeur Claude ImbertEcole Normale Supérieure45, rue d’Ulm75005 Paris

Professeur Jean JanitzaDirecteur de l’IUFM de Paris10, rue Molitor - 75016 Paris

Mme Dominique Joubert Inserm Université Paul Valéry - Montpellier IIIRoute de Mende BP 504334032 Montpellier cedex 1

Professeur Baudouin JurdantUniversité Denis Diderot - Paris VII 2, place Jussieu75251 Paris cedex 05

Professeur Pierre KarliUniversité Louis Pasteur6, rue de la Toussaint 67081 Strasbourg cedex

Professeur John KrigeDirecteur du Centre de recherche en histoire des sciences et des techniquesCité des sciences et de l’industrie75930 Paris cedex 19Mme le professeur Catherine Larrère Université de Bordeaux III33405 Talence cedex

Professeur Jean-Marc Lévy-LeblondUniversité de Nice28, avenue Valrose06108 Nice cedex 2

Mme. Christiane Marchello-NiziaAdministratrice de l’Institut Universitaire de FranceMaison des Universités103, boulevard Saint Michel75005 Paris(tous les professeurs de l’IUF ont été contactés)

Professeur Jean MathiotUniversité d’Aix Marseille I3 place Victor Hugo13331 Marseille cedex 03

Professeur Jean-François Mattéi,Université de Nice28, avenue Valrose06108 Nice cedex 2

Professeur Alain MichelUniversité d’Aix Marseille I3 place Victor Hugo13331 Marseille cedex 03

Professeur Jean-Claude MilnerPrésident du Collège international de philosophie1, rue Descartes75005 Paris

Professeur Michel MorangeÉcole normale supérieure45, rue d’Ulm75005 Paris

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Mme le professeur Anne Marie MoulinDirecteur-adjoint de l’ORSTOM24, rue Beccaria75012 Paris

Mme. la Présidente Danièle Olivier Groupe des grandes écoles de ParisDirectrice de l’ENSCP 11 rue Pierre et Marie Curie75231 Paris cedex 05Professeur Daniel ParrochiaUniversité Paul Valéry - Montpellier IIIRoute de Mende BP 504334032 Montpellier cedex 1

Mr. Dominique PestreDirecteur du Centre Alexandre Koyré27, rue Damesne75013 Paris

Professeur Bertrand Saint-Sernin8 Passage Duguesclin75015 Paris

Professeur Jean SeidengartUniversité de Reims Champagne - Ardenne Villa Douce, 9 Bd. de la Paix51097 Reims cedex

Professeur Jean-Jacques SzczeciniarzUniversité de Bordeaux III Domaine Universitaire33405 Talence cedex

Professeur Jean-Paul Thomas IUFM de Paris10, rue Molitor75016 Paris

Mme le professeur Dominique ThouveninDirecteur du Centre d’Etudes du VivantUniversité de Paris VII2, place Jussieu75251 Paris cedex 05

Professeur André ToselDirecteur du département de philosophieUniversité de Nice28, avenue Valrose06108 Nice cedex 2

Professeur Jacques VédrinneUniversité de Lyon I - Claude Bernard 43 Bd. du 11 novembre 191869622 Villeurbanne cedex

Professeur Denis VernantUniversité de Grenoble II Domaine Universitaire BP 47151, rue des Universités38400 St. Martin d’Hères

Professeur Jean-Jacques Wunenburger Centre Gaston Bachelard2 boulevard Gabriel21000 Dijon

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Lettres et documents

reçus

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8 avril : Henri Atlan : [email protected]

8 avril : Françoise Chambon :[email protected]

8 avril : Benoit Doucot : d o u c o t @ l p t h e . j u s s i e u . f r

9 avril : Dominique Mery :[email protected]

9 avril : Jean Bellissard :[email protected]

9 avril : Jean Bel : [email protected]://w3-phystheo.ups-tlse.fr/

9 avril : Danielle Corbin : [email protected] t t p : / / w w w. u n iv - l i l l e 3 . f r / w w w / s i l e x / s i l e x . h t m l

9 avril : Jean Celeyrette :[email protected]

9 avril : Anne Fagot-Largeault : [email protected]

12 avril : Denise Voegel : [email protected]

12 avril : Jean-Yves Mérindol : [email protected]

12 avril : Annie Cheminat :[email protected]

12 avril : William Shea : [email protected]

12 avril : Bernard Ancori : [email protected]

14 avril : Bernard Barraqué : [email protected]://www.enst.fr/gei/gei.html

14 avril : Nicolas Bouleau : [email protected]://cermics.enpc.fr/home/Bouleau/nb.html

20 avril : Jean Celeyrette : [email protected]

23 avril : Michel Morange :[email protected]

23 avril : Michel Blay : [email protected]

28 avril : Gilles Godefroy : [email protected]

29 avril : Sabine De Jacquelot : [email protected]

29 avril : Joseph Vidal-Rosset : [email protected]

29 avril : Etienne Farvaque : [email protected]

3 mai : Dominique Bernard :[email protected]://www.univ-rennes1.fr

3 mai : Jean-Pierre Escofier : [email protected]

3 mai : Louis Mahe : [email protected]

3 mai : Marie-Françoise Coste-Roy : [email protected]

3 mai : Annie Morin : [email protected]

3 mai : Jean-Paul Tache : [email protected]

3 mai : Dominique Bernard :[email protected]

3 mai : Michel Briand : [email protected]

4 mai : Marie-Jo Durand :[email protected]/maths/somat.htm

4 mai : Michel Francheteau : [email protected]

5 mai : Eric Dusseux :[email protected]

5 mai : Alain Bernard :

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[email protected]

6 mai : Etienne Farvaque : [email protected]

7 mai : Jean Rey : [email protected]

8 mai : Pascal Duris : p a s c a l . d u r i s @ wa n a d o o . f r

3 juin : Dominique Boury : d b o u r y @ n o r d n e t . f r

11 juin : Claude Imbert : [email protected]

13 mai : Paul Brouzeng :[email protected]

13 mai : Jean Seigengart : [email protected]

14 juin : Jacques Vedrinne : [email protected]

15 mai : Jean Dhombres :[email protected]

16 juin : Jean Yvoire :[email protected]

17 mai : Jean-Marc Levy-Leblond :[email protected]

17 mai : Jean Gayon :[email protected]

17 mai : Jean Jacques Wunenburger : [email protected]

18 mai : Francois Schmitt :[email protected]

19 mai : Philippe Boulanger : [email protected]

21 juin : Jean-Paul Seytre : [email protected]

22 juin : Dominique Bernard :[email protected]

23 juin : Blandine Raoul-Réa, documentaliste en lycée

29 juin : Anne Fagot-Largeault : [email protected]

20 mai : Stephen Baghdiguian :[email protected]

31 mai : Josy Espes : [email protected]

2 juin : Francois Schmitt :[email protected]

16 juin : Jean Yvoire :[email protected]

17 juin : Paul Mengal : [email protected]

21 juin : Jean-Francois Bianco :[email protected]

22 juin : Marc Dechavanne: [email protected]

1 juillet : Jean-Jacques Szczeciniarz : [email protected]

7 juillet : Pierre-Henri Castel : [email protected] t t p : / / o u r wo r l d . c o m p u s e r ve . c o m / h o m e p a g e s /castelphipsy

12 juillet : Dominique Bourg :[email protected]://w3-tech.univ-troyes.fr/TSH.nsf

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Postes diplomatiques consultéspar Yves Saint-Geours

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Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Allemagne,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Australie,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Belgique,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France au Canada,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France aux États-Unis,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Grande-Bretagne,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Italie,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade au Japon,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France aux Pays-Bas,

Service de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche de l’Ambassade de France en Suisse.

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Note sur les universités allemandes

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Document sur l’enseignement de la philosophiedes sciences dans les universités allemandesauquel il est fait référence particulière dans leprésent r a p p o r t

Au moment où l’on réfléchit en France à lapossibilité de développer un enseignement dela philosophie des sciences dans les cursusscientifiques, un aperçu sur la façon dont cettequestion est abordée au sein des unive r s i t é sallemandes permet une approche compara t iveféconde. Il existe en effet dans quelques uni-versités allemandes des facultés scientifiquesavec des chaires de philosophie (ou d’histoire)des sciences.

Mais l’existence en Allemagne d’un enseigne-ment de philosophie des sciences s’adressantà des étudiants scientifiques doit être inscritedans son contexte. La différence des contextesest, en effet, très sensible : même si l’évolutionen partie impulsée par l’ouverture internatio-nale des institutions universitaires tend plus oumoins à atténuer cette différence, la questionde l’enseignement de la philosophie dessciences ne se pose pas en Allemagne dans lestermes où elle se pose en France.

Il y a à cela trois raisons au moins qu’il fautpréalablement évoquer et que l’on peut trèsschématiquement présenter ainsi.

1 - L’Université allemande est fondamentale-ment organisée sur le principe du libre déve-loppement de l’esprit. Elle n’obéit pas au modèlescolaire qui d’une certaine façon préside ànotre conception, à notre culture unive r s i t a i r e sfrançaises.

L’autonomie qui caractérise le monde univer-sitaire allemand vaut à presque tous les niva u x ,que ce soit au niveau de l’organisation desétudes (qui responsabilise l’étudiant) ou à celuide la recherche. Les différences d’une univer-sité à l’autre et, au sein de chacune d’elle, d’unefaculté à l’autre témoignent de cette concep-tion sensiblement différente de celle qui a coursen France. La structure fédérale de l’Allemagneest un facteur supplémentaire qui ajoute à lag rande diversité caractéristique du monde uni-versitaire dans ce pays.

Ce principe permet de comprendre bien desaspects du monde universitaire allemand. Il n’ya pas de cursus d’études définis selon desmaquettes fédérales. Les P r u f u n g s o r d n u n g e nqui établissent les matières d’examen (M a g i s t e rou D i p l o m) sont réglementés par les L ä n d e r. Àl’exception des étudiants de médecine, les étu-diants s’inscrivent à l’université dans deux outrois matières de leur choix, l’une a le statut dematière principale, les autres celui de matièressecondaires. Dans le cas des G e i s t w i s s e n s ch a f t e ncette pluridisciplinarité est conservée jusqu’àla fin des études (M a g i s t e r). Ce n’est pas néces-sairement le cas avec les N a t u r w i s s e n s ch a f t e n ;la préparation du Diplom suppose le plus sou-vent que les étudiants choisissent, après leurVo r d i p l o m, une seule matière ; ils peuvent tou-tefois étudier des disciplines mineures au seinde leur faculté pour la préparation de leurD i p l o m. Les examens d’État (S t a a t s e x a m e n) quiassurent le recrutement des enseignants sontles seuls examens qui soient strictement défi-nis dans leur contenus par chacun des L ä n d e r.Mais même ces examens se trouvent découplésdes enseignements que suivent les étudiants etqui pour une très large part sont librement ch o i-sis par eux. Dans les G e i s t w i s s e n s ch a f t e n, cesenseignements épousent en grande partie laforme de séminaires, ceux-ci requièrent un tra-vail personnel important, différent de celui qu’exi-g e raient des exercices spécifiquement forgés parl’institution.

2 - La philosophie occupe dans la culture et lesystème de formation allemands une place dif-férente de celle qu’elle occupe en France.

Même si l’évolution de ces dernières décen-nies a renforcé une influence anglo-saxonne,la philosophie y est traditionnellement liée àla culture sous ses différents aspects, notam-ment littéraire ou artistique : du moins, il y aune idée allemande de la culture qui parcourtaussi bien la littérature que la philosophie etd’autres domaines encore, en leur donnant unmême socle. La philosophie y est, globalementmoins qu’en France, du côté de la tradition cri-tique et de l’universel abstrait.

Ce point éclaire sans doute le fait qu’en A l l e m a g n ela philosophie de la connaissance ait donné lieu

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à un courant longtemps important qui revêt laforme d’une philosophie première ou d’uneWi s s e n s chaftslehre mais aussi qu’il y a placepour une philosophie des sciences et une épis-témologie plus directement ra t t a chées auxsciences – comme en témoigne l’existence dansquelques facultés scientifiques de chaires de phi-losophie (ou d’histoire) des sciences occupés pardes professeurs ayant obtenu un doctorat dansune discipline scientifique.

3 - La philosophie n’occupe pas non plus dansle système de formation allemand cette posi-tion en surplomb par quoi elle serait suscep-tible d’organiser la formation intellectuelle eno f f rant sur chacune des formes de l’expérience,de la connaissance et de l’action un mêmepoint de vue réflexif, une même exigence cri-tique. Alors qu’en France la philosophie estsusceptible d’organiser systématiquement l’en-semble des disciplines étudiées, et que sonenseignement dans les lycées joue, on le sait,un rôle traditionnellement central au cœur dela conception républicaine de la formation ducitoyen, elle n’est pas – ou sinon très margi-nalement – enseignée dans l’enseignementsecondaire allemand : elle est peut-être “tropdifficile, trop complexe, trop abstraite, trop éle-vée même sur l’échelle des sciences pour êtreaccessible aux élèves” et il vaut peut-être “mieuxque les lycées se préparent à l’étudier au lieude la mutiler en la faisant entrer dans le cadredu lycée” (J. Hengelbrock). Une des raisons dela présence de chaires de philosophie dessciences dans les facultés scientifiques se laissepeut-être ainsi mieux saisir.

4 - Un questionnaire adressé à quelques pro-fesseurs de philosophie allemands, notammentceux que m’a indiqués M. le Professeur Abeldirecteur du Frankreich Zentrum de Berlin etprofesseur de philosophie lui-même à laTechnische Universität de Berlin, m’a permisnon pas de faire un état des lieux sur l’ensei-gnement de la philosophie des sciences à desétudiants de sciences (le délai imparti le ren-dait impossible), mais de repérer certains desinstituts de philosophie et quelques facultésscientifiques au sein desquels un enseignementde philosophie des sciences est dispensé à desétudiants de Naturwissenschaften qui choisis-

sent ces séminaires soit dans le cadre de l’étudede leur matière secondaire (avant leurVo r d i p l o m, au niveau de l’équivalent du 1e r

cycle), soit dans le cadre de l’étude d’une dis-cipline mineure interne à leur faculté.

Un enseignement de philosophie des sciencess’est plus particulièrement développé dans cer-taines universités au sein même d’instituts dephilosophie. Je citerai à titre d’exemples :

- à l’Université de Bielefeld au sein du dépar-tement (Abteilung) de philosophie (ProfesseurDr. Martin Carrier) ;

- à la Technische Universität de Berlin, au seinde l’Institut de philosophie, de théorie de lascience et d’histoire des sciences et des tech-niques (Professeur Dr. Hans Poser) où la phi-losophie des sciences est une discipline à optionpour les étudiants de sciences et de mathé-matiques ;

- à l’université de Constance, depuis la créa-tion de l’université en 1966 au sein du groupedisciplinaire (Fa ch g r u p p e) de philosophie(Professeur Dr. Jürgen Mittelstraß) ;

- à l’université de Munich, dans l’Institut dephilosophie, logique et théorie de la science(prof. Dr. C. Ulises Moulines).

Les séminaires ou cours (Vo r l e s u n g e n) qui ysont dispensés portent sur des questions plusou moins “ classiques ” : théorie de la science,philosophie de l’espace et du temps, théoriede la dy n a m i q u e ; explication et pronostic ;problèmes de la théorie analytique de las c i e n c e ; modèles du développement dessciences et histoire des sciences…

Mais il existe également des instituts d’histoirede la médecine, à Heidelberg (Professeur Dr.med. Wolfgang Eckart, Professeur Dr. Bauer),à Lübeck (Professeur Dr. von Engelhardt, Dr.G. Maio) qui, comme ce dernier dispense unenseignement d’ordre épistémologique ouéthique aussi bien qu’historique s’adressantspécialement aux étudiants de médecine (parexemple au sein de ce dernier Institut, un sémi-naire sur l’éthique médicale et l’éthique de la

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responsabilité chez Hans Jonas ou un colloquesur les questions fondamentales de la théoriemédicale).

On relève ra que les professeurs titulaires

des chaires dans ces instituts sont souve n tdocteurs dans les disciplines scientifiques ;ils sont parfois doublement docteurs (droitet médecine ou sciences de la nature et phi-l o s o p h i e ) .

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Heidelberg, le 14 juin 1999Jean B. d’Yvoire

Directeur adjointAttaché de coopération universitaire

Institut français Heidelberg

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Sciences, philosophie et histoire des sciences en Europe

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La présente mission a bénéficié de la réfle x i o ncollective sur Science, philosophie et histoiredes sciences en Europe (1) :

N. M. Aziza, Recteur de l’Université Euro-Ara b eItinérante (Paris),

M. Blay, directeur de recherches en philoso-phie au CNRS, Rédacteur en chef de la Revued’Histoire des Sciences (France),

H. Benkheira, professeur de sociologie àl’Université d’Alger (Algérie),

J. M. Besnier, Chercheur au CNRS, Labora t o i r ecommunication et politique (France),

J. Caraça, professeur de physique nucléaire,directeur du service science de la FondationGulbenkian (Portugal),

G. Châtelet, professeur de mathématiques etde philosophie des sciences à l’Université deParis VIII, directeur de programme au CollègeInternational de Philosophie (France),

R. Daudel, professeur honoraire de ch i m i e ,président de l’Académie européenne dessciences, des lettres et des arts (France),

A. I. Davidson, professeur de philosophie àl ’ U n iversité de Chicago (U.S.A) et à l’Unive r s i t éde Berlin (Allemagne),

E. Emery, professeur honoraire de mathéma-tiques et de philosophie des sciences à l’écolepolytechnique fédérale de Lausanne (Suisse),

A. Filali-Ansary, directeur de la Fondation duRoi Abdou-Aziz Al Saoud pour les études isla-miques et les sciences humaines (Maroc),

M. Gendreau-Massaloux, Recteur del’Académie de Paris, chancelier des Unive r s i t é sde Paris,

F. Grimberg, cardiologue, ancien attaché consul-tant des Hôpitaux de Paris (France),

P. J. Hountondji, professeur de philosophie,Doyen de l’Université de Cotonou (Bénin),

C. Imbert, professeur de philosophie à l’écolenormale supérieure (France),

J. Toshimichi Iiyama, professeur honoraire dephysique à l’Université de Tokyo, professeur àl’Université Kokushikan (Japon),

A. Janik, professeur d’histoire des idées àl’Université d’Innsbrück (Autriche),

R. Johnston, Vi c e - chancelier de l’Unive r s i t éd’Essex, professeur de Géographie (Royaume-Uni),

A. Kahn, directeur de recherches à l’INSERM(Génétique), membre du Comité Consultatifnational d’éthique (France),

E. Klein, physicien au CEA de Saclay (France),

V. Ku z n e t s ov, professeur de philosophie dessciences à l’Université de Kiev (Ukraine),

J. Ladrière, professeur honoraire de philoso-phie des sciences à l’Université de Louva i n(Belgique).

M. R. Lafond, professeur de philosophie àl’Université de Hull (Canada),

M. Larbi-Bouguerra, professeur de chimie orga-nique, directeur de rech e rche associé au CNRSet professeur à la Faculté des Sciences de Tu n i s(Tunisie),

M. Lievers, professeur de philosophie auWadham College d’Oxford (Royaume-Uni) etProfesseur de Médecine à l’Université deUtrecht (Pays-Bas),

R. de Lippe, professeur de philosophie àl’Université de Oldenburg (Allemagne),

G. Lock, professeur de philosophie politiqueà l’Université de Nimègue et au Queen’s Colleged’Oxford (Royaune-Uni),

J. F. Mattéi, professeur de philosophie à

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(1) Sciences, philosophie et histoire des sciences en Europe(Commission européenne, 2e édition, 1999).

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l ’ U n iversité de Nice, membre de l’IUF (France),

T. Mikumo, professeur honoraire de physiquenucléaire à l’Université de Tsukuba, professeurà l’Université Kokushikan (Japon),

M. Morange, ch e rcheur en biologie moléculaire àl’école normale supérieure, professeur de bioch i m i eà l’Université Pierre et Marie Curie, Paris VI (Fra n c e )

I. Niiniluoto, professeur de philosophie dessciences à l’Université de Helsinki (Finlande).

H. Philipse, professeur d’épistémologie à laFaculté Wijsbegeerte de Leiden (Pays-Bas),

C. Queiroz, professeur de génétique àl’Université de Lisbonne (Portugal).

P. Rabinow, professeur d’anthropologie àl’Université de Californie, Berkeley (USA),

K. Rahkonen, professeur de sociologie poli-tique à l’Université de Helsinki (Finlande),

F. Rapp, Professeur de Philosophie à l’Unive r s i t éde Dortmund (Allemagne),

M. Sabila, professeur de philosophie contem-p o raine à la Faculté des Lettres de Rabat (Maroc),

M. Sakaï, professeur honoraire de physique àl’Université de Tokyo, secrétaire général de laMaison franco-japonaise (Japon)

A. Utaker, directeur du département de philo-sophie à l’Université de Bergen (Norvège),

P. Vermeren, Centre de Recherches Politiquesde la Sorbonne, CNRS (France),

C. F. Von Weizsäcker, professeur honoraire dep hysique et de philosophie au Max PlanckInstitut (Allemagne),

H. Wismann, professeur de philosophie àl’EHESS et Directeur du Centre protestant der e ch e rches interdisciplinaires d’Heidelberg(Allemagne).

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Contribution de Jean Gayon

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Paris, le 30 juin 1999Professeur Dominique Lecourt

Ministère de l’Education Nationale,de la Recherche et de la Technologie

Mission Sciences-PhilosophieUniversité Paris VII – Denis Diderot

(Centre d’études du vivant)2 place Jussieu — 75005 Paris

Monsieur le Professeur, cher Dominique,

Dans votre lettre du 10 mai 1999, et dans le cadre de la mission que vous a confié notreministre, vous me demandez de vous suggérer des mesures propres à combler le manque deformation scientifique, évident, des philosophes d’aujourd’hui. Voici le résultat de mes réflexions,appuyées sur des échanges avec divers collègues philosophes et scientifiques.

Vous avez tout à fait raison de mentionner les effets désastreux de l’abandon, au débutdes années 1970, de l’obligation faite aux candidats à l’agrégation de philosophie, d’avo i robtenu un certificat dans une discipline scientifique. Pendant des décennies, cette obligationa eu deux effets majeurs, aisément constatables.

1 - Elle garantissait que la philosophie des sciences fût une composante essentielle des ensei-gnements de classe terminale. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui : nombreuxsont les jeunes professeurs de lycée qui disent leur difficulté à assurer un tel enseignement,quand ils n’y renoncent tout simplement pas.

2 - Le “certificat de sciences” a stimulé de nombreux philosophes français du milieu du siècleà s’investir avec précision dans une réflexion sur les sciences; nombreux sont ceux qui ontd’ailleurs prolongé leur “certificat” par un cursus complet dans une discipline scientifique oumédicale. Ils ont contribué à une école de philosophie des sciences dont la créativité, la diver-sité, la rigueur et la liberté de pensée sont exemplaires. Cette situation n’a plus cours. Très raressont maintenant les philosophes qui ont ne serait-ce qu’une culture scientifique minimale. Levivier est tari : il est devenu bien difficile de recruter un maître de conférences ou un profes-seur qui ait authentiquement une double culture. Un seul secteur, sans doute, échappe à cediagnostic pessimiste, celui des philosophes formés à la logique formelle. Mais la philosophiedes sciences ne peut certainement pas se réduire à cette dimension.

Faut-il revenir au “certificat de sciences” obligatoire pour les agrégatifs, ou à quelque chosed’équivalent? Je pense qu’il faut en retrouver l’esprit plutôt que la lettre, en tenant compte d’une nvironnement intellectuel qui a changé. Les philosophes, souvent critiqués pour leur replipasséiste sur leur propre culture, sont cependant aujourd’hui sollicités par toutes sortes de par-tenaires représentant tel ou tel secteur de savoir spécialisé, non nécessairement “scientifique”(au sens dur et théorique de ce terme); leur aptitude à prendre une distance critique demeureen pratique, utile et apprécié. Outre les sciences exactes, ceci s’observe par exemple dans leschamps de la médecine, du droit, de l’économie, des techniques et sciences de l’ingénieur. Jepense donc qu’il faut inciter les jeunes philosophes à se frotter à ce que j’appellerais volontiersun secteur de positivité. Les philosophes d’aujourd’hui ont besoin de reprendre contact avecdes genres de connaissance qui, par leur contraintes formelles ou empiriques propres, les ra m è-nent plus près de la réalité de leur temps. Il me paraît opportun de prendre en compte cettenécessité de manière ouverte, en tenant compte de la variété des terrains sur lesquels le phi-losophe peut avoir à apporter son concours.

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Les propositions que je formule sont donc les suivantes.

- Tout étudiant qui se présenterait à l’agrégation de philosophie devrait, au cours de son secondcycle, avoir obtenu deux modules (deux fois 50h environ), un module théorique et un modulep ratique, dans une discipline librement choisie parmi une liste limitative, qui pourrait com-prendre les éléments suiva n t s :- mathématiques- physique- sciences de la vie (et/ou) sciences de la Terre- droit- économie- une liste à définir de disciplines relevant d’autres sciences humaines, sous condition que lemodule pratique soit clairement défini (par exemple psychologie clinique, démographie).

Je suis cependant réservé sur le dernier item de cette liste, car la tentation serait forte d’en fairedes enseignements déguisés de philosophie.

Dans tous les cas, bien sûr, l’étudiant devrait avoir validé ses connaissances, et non simple-ment reçu des enseignements.

- Ce dispositif devrait être couplé avec un aménagement des épreuves d’agrégation. La secondeleçon orale (plutôt axée sur des sujets de “ philosophie spéciale ”) s’y prêterait bien. L’étudiant tra i-t e rait un sujet philosophique correspondant à la discipline dans laquelle il aurait obtenu ses modulese x t ra-philosophiques en second cycle (par exemple : philosophie des mathématiques, philosophiedu droit, etc.). Pour conférer à cette épreuve son caractère d’ouverture de la philosophie sur d’autress avoirs, il serait raisonnable d’intégrer dans le jury, et pour cette épreuve seule, un spécialiste nonnécessairement philosophe du champ en question (par exemple un mathématicien, un juriste, etc.).

Ces deux mesures fournissent un cadre général, s’appliquant à tous les étudiants en philoso-phie, quelle que soit leur provenance. Pour que les possibilités et les chances des étudiantssoient égales, il faudra dans de nombreux cas prévoir des conventions interuniversitaires. Unclair signal devra venir du ministère, qui s’adressera simultanément aux départements de phi-losophie, au jury d’agrégation, et aux présidents des universités et établissements d’enseigne-ment supérieur. Leur attitude sera déterminante, car il faudra bien accueillir les étudiants enphilosophie dans des départements d’autres spécialités. Le contenu et le niveau des enseigne-ments proposés aux étudiants dépendra évidemment des possibilités locales. La mise en placesymétrique d’enseignements de philosophie des sciences pour les étudiants en sciences créeracertainement un contexte éminemment favorable aux négociations. Il est donc important, pourleur succès respectif, que les deux projets soient conduits de concert.

Je souligne enfin que ce dispositif devrait permettre aux étudiants originaires d’un cursus scien-tifique, et désireux de se reconvertir à la philosophie, de le faire d’une manière qui facilite leurt ra n s i t i o n .

Je formule les vœux les plus vifs pour le succès de votre importante mission. Croyez, ch e rDominique, en mes pensées les plus amicales.

Jean GayonProfesseur à l’Université Paris VII-Denis Diderot

Membre senior de l’Institut universitaire de France (histoire et philosophie des sciences de la vie)

UMR CNRS-Paris VII “Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institutions scientifiques”

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DossierLes documents qui suivent sont constitués par ceux des dossiers

des universités auxquels il est particulièrement fait référencedans le texte du rapport

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Dominique Lecourt, professeur à Paris VII, s’estvu demander par M. Allègre, un rapport sur lesconditions dans lesquelles des enseignementsde philosophie des sciences dans les cursusscientifiques des universités, en 1e r et 2n d cy c l e .Ce rapport sera rendu en juin. S’il avait unesuite, ses propositions seraient exécutoires à larentrée 2000. À la demande de son président,l ’ U n iversité Paris VII examine la possibilité d’êtreu n iversité-pilote pour ce projet, dès la rentrée1999. Dans l’attente du rapport de DominiqueLecourt, nous nous limitons ici à trois sériesd ’ o b s e r vations, qui devront évidemment êtreréexaminées à la lumière du ra p p o r t .

1) Expérience acquise et recension des ensei-gnements existants2) Propositions à long terme (rentrée 2000 oua u - d e l à )3) Propositions à court terme pour l’année1998-99

1 - Expérience acquise et recension des ensei -gnements existants

Paris VII a depuis longtemps favorisé des ensei-gnements de philosophie et/ou histoire dessciences à destination d’étudiants en sciences.

Dans les 1e r s et second cycles des filières scien-tifiques, la philosophie des sciences est actuel-lement présente dans les filières suivantes :

- UFR de mathématiques :Jean-Luc Verley assure un enseignement d’his-toire des mathématiques (je n’ai malheureu-sement pas réussi à le joindre).

- UFR de physique: Dominique Lecourt assure depuis dix ans:. un cours optionnel de philosophie des sciencesen DEUG (50h). un cours optionnel de philosophie des sciencesen maîtrise (50h)- Christiane Vilain, en délégation au CNRS pour

1998-99, a régulièrement donné jusqu’en 1998un cours d’histoire de la mécanique en DEUG(50h). Elle souhaite continuer et augmenter lenombre d’heures qu’elle donne sur service enhistoire et philosophie des sciences.

Ces enseignements, qui existent depuis dix ans,sont inscrits dans les maquettes, et sanction-nés par des examens. Ils sont suivis par unnombre élevé d’étudiants (environ une cen-taine en maîtrise).

- UFR de chimieM. Lecaille assure un enseignement optionneld’“ histoire des idées scientifiques ” en licence-maîtrise (50h)

- UFR de biologie● 20h de cours de philosophie des sciences(10h) et droit des sciences de la vie et de lasanté ont été mis en place en 1998-1999 enmaîtrise. Enseignants: Professeurs M. Chemillier-Gendreaux, J. Gayon, D. Lecourt, D. Th o u ve n i n .L’enseignement, mis en place à titre expéri-mental était obligatoire, mais non sanctionnépar un examen.● A la rentrée 1999, le DEUG SNV (1è r e a n n é e )p r o p o s e ra aux étudiants en enseignementoptionnel “ Histoire de la biologie et sciencesde la Terre - Bioéthique ”, dans le cadre del’UV de découverte et de culture généra l e(deux fois 30h, répétées). Il sera assuré parChristelle Rigal, attachée de rech e rch eD o c u m e n t a i r e .

- UFR de médecine (Bichat)● 30h de cours d’épistémologie en premièreannée de médecine + 4h de TD (c’est peu, maisParis VII est la seule université à avoir mis enplace des TD, très lourds en raison du nombred’étudiants). Au cours des trois années écou-lées, les cours ont été assurés par Mme Blanch e t -Benqué (MCF), Mme Coop-Phane (PRAG), et(1998-99) J. Gayon. Les TD ont été assurés parPascal Nouvel (ATER) et Paddy Ricard (AMN).

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Université Denis Diderot - Paris VII

Memorandum sur la mise en place d’enseignements de philosophie des sciences dans les cursus scientifiques à Paris VII

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● un module optionnel d’éthique en 2nd cycleest assuré par Mme Blanchet-Benqué et MmeCoop-Phane (30h).

À ces enseignements estinés aux étudiants des1ers et seconds cycles de sciences (et méde-cine), il faut ajouter, à titre de contexte impor-tant à souligner :

- Le DEA d’épistémologie d’histoire et de phi-losophie des sciences (implanté à l’UFR GHSS).Ce DEA est le seul en France qui offre une for-mation systématique en histoire des sciences.Il est associé à deux équipes Paris VII-CNRS.Avec ses options, il dispense 350 heures decours.

- 50h d’introduction à la philosophie dessciences en licence et maîtrise de comunica-tion, assurés par le professeur Baudoin Ju r d a n t .

- Le DEA “communication et informationscientifique et médicale” dispense aussi unecentaine d’heures de cours en philosophie etsociologie de la science, assurés par BaudoinJu r d a n t .

2 - Propositions pour la rentrée 2000

Pour la rentrée 2000, l’on ne peut que formu-ler de grandes orientations, ayant valeur deréactions de l’Université à la mission deDominique Lecourt.

L’ é change du 10 mai, et diverses conve r s a t i o n sque j’ai eues depuis avec des collègues, fontressortir cinq questions :

1) Caractère obligatoire ou optionnel des ensei-gnements.2) Niveau où ils sont organisés.3) Volume horaire.4) Contenu des enseignements.5) Ressources disponibles et souhaitables.

La première question a une incidence sur toutesles autres. Elle suscite des avis partagés, commed’ailleurs à chaque fois qu’elle a été poséedans le passé. Les spécialistes sont en géné-ral d’un enseignement optionnel, d’un pointde vue pédagogique, et aussi du point de vue

de la réalisabilité du projet. Deux options sedégagent :(a) Enseignements optionnels, en 1e r et 2nd cy c l e s .Il faudrait cependant qu’ils soient clairementincorporés dans les maquettes, et validés demanière convaincante. L’UFR de physique, quia une grande expérience en ce domaine, four-nit un bon modèle.

(b) Enseignements obligatoires en 1e r cy c l e ,optionnels en 2n d cycle. Une hypothèse det ravail est d’offrir à l’ensemble des étudiantsdes 1e r cycles scientifiques une liste demodules entre lesquels ils ch o i s i raient. Cesmodules porteraient sur de grands thèmes,assez généraux et ouverts pour attirer desétudiants de divers horizons (par exemple:philosophie générale des sciences, l’inve n-tion scientifique, l’application des mathé-matiques dans les sciences, le rôle des for-malismes dans les sciences, science etsociété, science et religion, science et droit...).En second cycle, les enseignements, option-nels seraient centrés sur des sciences parti-culières (philosophie des mathématiques,philosophie des sciences physiques et ch i-miques, philosophie de la biologie, philo-sophie médicale).

En ce qui concerne le moment du cursus oùseront introduits les enseignements de philo-sophie des sciences, la lettre adressée par M.Allègre à Dominique Lecourt parle des 1er et2n d cycles. La question de l’année n’est pasimportante. Il n’y a aucune nécessité à ce queles UFR introduisent les enseignements stric-tement au même point du cursus. C’est uneaffaire d’organisation interne.

Quant aux volumes horaires, l’expérienceacquise montre qu’un volume total de 40-50hpar cycle est raisonnable. Un tel volume per-met d’avoir un cours et un TD.

La question des contenus dépendra largementdes ressources en enseignants. Comme on l’amentionné plus haut, il serait souhaitable detraiter des sujets d’intérêt général en 1er cycle,et des sujets d’épistémologie régionale (épis-témologie de telle ou telle science) en secondcycle.

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Ressources humaines :- D. Lecourt, J. Gayon, B. Jurdant, C. Vi l a i n ,Lecaille, J.L Verlet, et probablement C. Debru( d é t a ché du CNRS à Paris VII), tous enseignantsà Paris VII, et engagés à des titres divers dansdes enseignements d’histoire et philosophiedes sciences sur le campus, parfois mais pasnécessairement auprès d’étudiants des filièresscientifiques.- Un maître de conférences sera recruté cetteannée en remplacement de J.J. Sczceciniarz àl’UFR STD. Une part de son enseignement pour-rait se déployer en philosophie des sciences.- Mlle C. Rigal, ARD (attachée de rech e rche docu-mentaire), assurera dès l’automne 1999 un servicede 64h.

Il est évident que ce potentiel ne sera pas suf-fisant pour faire face au projet Allègre s’il estconfirmé. Il convient donc, dès maintenant : - d’afficher de nouveaux postes. - de créer un flux d’AMN et ATER, spécialistesen philosophie des sciences, dont le rôle sera i tessentiel pour l’encadrement des étudiants,particulièrement en 1er cycle. La formationdoctorale d’histoire des sciences leur fourni-rait une insertion particulièrement favo ra b l edu point de vue de la recherche.

3 - Propositions pour la rentrée 1999

Pour le cas où Paris VII serait université-pilote,voici quelques propositions qui me paraissentréalisables :

1) Constituer une cellule rassemblant tous lesenseignants déjà engagés dans des enseigne-ments de philosophie des sciences pour scien-tifiques, ou qui le seront à la rentrée proch a i n e .Sans doute les directeurs des UFR devra i e n t -ils y être représentés. Les expériences sera i e n tconfrontées; un bilan serait adressé au CEVUà la fin de l’année 1999-2000.

2) Demander à chaque UFR scientifique des’accocier au projet-pilote dès la rentrée1999, et d’indiquer comment des enseigne-ments de philosophie des sciences pourra i e n tt r o u ver leur place dans les maquettes. Po u rautant que les ressources en enseignantssoient disponibles, on peut imaginer les chéma suivant. Chaque UFR met en place,en 1e r et/ou 2n d cycle, un enseignement option-nel, avec un volume horaire dont la four-chette serait fixée par le CEVU. En fin d’an-née, les expériences sont confrontées dansla cellule décrite en (1). Jean Fournier (res-ponsable de la formation SNV de 1e r cy c l e )propose par exemple de transformer en “labo-ratoire expérimental” l’enseignement option-nel qu’il met en place à la rentrée proch a i n e .C’est un modèle qui pourrait sans doute êtreétendu à d’autres UFR.

En l’état actuel des choses, mes propositionsne peuvent guère aller plus loin. En conclu-sion, j’attire l’attention du CEVU sur les deuxfacteurs décisifs de la réussite du projet :- réceptivité des UFR scientifiques au projet ; - disponibilité en enseignants, en particulier ;

● profil et missions du MCF qui sera bientôtélu à l’UFR STD ;● obtention d’un poste supplémentaire et excep-tionnel de MCF au titre de l’expérience-pilote ;● confirmation de l’arrivée de Claude Debru àParis VII ;● mon propre service, à rédéfinir au terme dema délégation à l’IUF ;● AMN et ATER: une démarche spéciale devra i têtre effectuée de ce point de vue.

Paris, le 19 mai 1999,Jean Gayon

Professeur à l’Université Paris VII-DenisDiderot

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Comme suite à notre conversation avec Sylva i nAuroux je vous fais parvenir quelques élémentsconcernant à très brève échéance le dévelop-pement de l’histoire et de la philosophie dessciences à l’ENS de Fo n t e n ay-Saint-Cloud. Ilest entendu que ce développement est unepriorité pour l’école.

A - État présent

Enseignement :Depuis plusieurs années un cours d’histoire etde philosophie des sciences est assuré parVincent Jullien (MCF). Un séminaire derecherche est également assuré à l’école parVincent Jullien et moi-même. Le séminaire per-met, entre autres, d’attirer à la fois des élèvesde l’école et des étudiants en particulier duDEA d’histoire et de philosophie des sciencesde Paris VII.

Recherche :L’Institut d’histoire de la pensée classique(UPRESA 5037) regroupe actuellement desrecherches interdisciplinaires en philosophie,l i t t é rature et histoire des sciences. Cette équipeest installée à l’école (CERPHI de P.F Moreau)et à St-Etienne (Antony Mc Kenna); l’ensemblesera bien évidemment regroupé en une seuleentité à Lyon.

Projets :Un développement très important doit inter-venir dans les prochaines années avec l’ins-tallation de l’école à Lyon et la création d’uncentre (institut ou équipe) d’histoire et de phi-losophie des sciences. Ce centre couvrira dansson champ d’étude l’ensemble des sciences“dures” et “humaines” et sa vocation sera essen-tiellement nationale et internationale - des liensont d’ailleurs déjà été tissés avec l’Universitéde Genève (Jean Claude Pont) et avec le MaxPlanck de Berlin (Jurgen Renn).

B - Perspectives immédiates

Dès l’an prochain le développement de l’his-toire et de la philosophie des sciences sera sen-sible :- Séminaire de recherche ;- Séminaire et cours autour des Principia d eDescartes (en relation également avec le pro-gramme de l’agrégation) ;- 3 journées d’études consacrées au conceptd’espace ;- une série de 6 conférences sur la philosophiedes sciences cognitives en collaboration avecl’Institut de sciences cognitives de Lyon.

Il est clair que ces actions doivent largements’amplifier dès l’arrivée à Lyon (par exempleest prévu à l’école en 2001 la tenue du grandcongrès de la Société française d’histoire dessciences et des techniques ayant pour objet defaire le bilan, recherche et enseignement, des20 dernières années).

Par la suite nous envisageons un développe-ment ouvert, lié à des recrutements à des invi-tations et à une politique soutenue d’ inscrip-tion en thèse dans le laboratoire. Il s’agitfinalement de créer un vrai centre de rech e rch e ,de dimension européenne, en histoire et phi-losophie des sciences

J’espère que ces éléments pourront vous êtreutiles et dans l’attente d’avoir le plaisir devous revoir et de travailler avec vous pourle développement d’une discipline qui noustient à cœur, je vous prie de croire, ch e rami, à l’assurance de mes sentiments lesplus cordiaux

Fontenay aux Roses, le 3 juin 1999Michel Blay

Directeur – adjoint

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École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud

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M. Parrochia lit d’abord intégralement la lettreque lui a transmise M. le professeur DominiqueLecourt, puis on revient pas à pas sur chacunedes questions qu’elle contient.

1 - Sur la question de l’instauration d’un ensei-gnement de philosophie des sciences en DEUG,licence et maîtrise, tous les scientifiques pré-sents se déclarent très favo rables à une tellei n i t i a t ive, pour différentes raisons : nécessitéd’une interrogation sur les fondements des dis-ciplines pratiquées (M. Mennessier); besoind’un éclairage historique amenant une miseen perspective de certains thèmes - par exemplel’analyse en mathématiques (M. Micali, se réfé-rant aux travaux de M. C. Houzel); exigenced’un recul critique permettant de mieux éva-luer les discours existant actuellement (M. D.Favre à propos des postures cognitives asso-ciées aux neuro-sciences); obligation d’uneproblématisation de la démarche scientifiqueet d’un nécessaire “ contre-poison ” au dog-matisme et à la certitude (M. Mauchamp).

Sur les obstacles, un consensus s’établit éga-lement, au moins sur un constat négatif : il n’estpas sûr – c’est un euphémisme – que la tota-lité des scientifiques, qui ne comprennent pastoujours les préoccupations épistémologiquesde leurs collègues, partagent toujours leurenthousiasme. Une suspicion, trop souve n t ,pèse sur celui qui préfère l’épistémologie àl’exercice habituel de la recherche. Il faut de“ g rands noms”, reconnus par ailleurs dans leurdiscipline (par exemple, D’Espagnat, en phy-sique théorique) pour que la chose soit accep-tée. Il apparaît donc clair que des résistances,ici et là, se manifesteront, tant chez les ensei-gnants d’ailleurs (peu de directeurs de labora-toires, par exemple, sont convaincus qu’ilconvient de faire des efforts de ce côté-là) quechez les étudiants (dont l’attitude peut oscillerentre la peur de la “langue étrangère” que pour-rait être l’épistémologie, et un sentiment assezfort de saturation : d’expérience (M. Giapis),les élèves-ingénieurs, en particulier, semblents o u vent plus intéressés par une philosophie detype esthétique ou politique, plutôt que par la

philosophie des sciences). Certains collègues(M. Mauchamp) défendent donc l’idée de nepas forcément restreindre l’introduction de laphilosophie en Faculté des Sciences à l’épis-témologie ou à l’histoire des sciences.

2 - Sur la question des enseignements d’épis-témologie actuellement dispensés, nombre decollègues prennent la parole pour faire part deleurs expériences :

M. Denizot, professeur honoraire de biologieà l’Université des sciences et techniques duLanguedoc explique que, dès les années 1970,il a introduit un enseignement d’histoire dessciences optionnel inscrit dans le cursus duDEUG, les autres options étant le français etl’informatique. Cet enseignement, qui a eu unsuccès certain, était choisi par environ un tiersdes étudiants biologistes. Cet enseignement ad’ailleurs été repris par ses successeurs et il estaujourd’hui bien implanté.

M. Dusseau, professeur de physique à l’IUFM,é voque quant à lui les enseignements d’épis-témologie dispensés à l’IUFM par des ensei-gnants évoluant aussi en faculté des sciences(M. Pagès) et Mme Guedj, physicienne quimène actuellement une thèse d’épistémolo-gie et d’histoire des sciences avec M. Paty àParis VII, fait part de son enseignement d’épis-témologie de la physique à l’IUFM, lequeldispense une formation de base à une cen-taine d’étudiants environ, avec, là aussi, unsuccès évident.

M. Giapis, professeur de philosophie à l’écoledes mines d’Alès décrit son enseignement danscette Ecole où 40 heures de philosophie, répar-ties en quatre sujets de 10 heures, sont pro-posées à des étudiants de première année issuesdes classes préparatoires scientifiques, notantque des cours ont été fréquentés par la quasi-totalité des étudiants si les sujets sont d’ordrepolitique ou esthétique, mais que l’assistancetombe si le cours porte sur des sujets plus ardus(par exemple, philosophie de la chimie). Lessujets réputés les plus difficiles (philosophie

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Université Paul Valéry - Montpellier III

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des mathématiques, par exemple) sont doncici difficilement envisageables.

M. Jasniewicz (astrophysique) fait part d’uneexpérience menée en troisième cycle à laFaculté de Strasbourg et en collaboration avecM. Hervé Barreau : il insiste sur la nécessité denouer préalablement, entre les enseignants sus-ceptibles de travailler ensemble, un tissu derelations facilitant les échanges et l’harmoni-sation ultérieure des cours.

Mme Vissac-Charles, de l’École nationale supé-rieure d’agronomie de Montpellier (ENSAM),ingénieur et sociologue des sciences (ayant tra-vaillé avec MM. Callon et B. Latour) fait partde la réflexion menée à l’ENSAM depuis deuxans sur l’enseignement des sciences et des tech-niques (20 heures de cours + 40 heures plusp ratiques), où sont étudiées notamment desc o n t r overses scientifiques actuelles dans ledomaine des sciences de la vie. Cet enseigne-ment, qui s’adresse à des élèves-ingénieurs de1ère année (ayant donc deux années de classespréparatoires derrière eux), semble bien reçuet susceptible d’être développé.

M. Jean Sallantin (informatique-intelligenceartificielle) fait état de la présence évidentede l’épistémologie dans les négociationsaccompagnant le choix des sujets de DEA, oùil apparaît clair que chaque étudiant en com-prend parfaitement la nécessité. Par ailleursil rapporte différentes expériences d’ensei-gnement tendant à communiquer aux étu-diants en IA des connaissances de philoso-phie des sciences. Ainsi un cours de 50 heuressur la préhistoire de l’IA qu’il a donné auC NAM, comprenait une réflexion en 4 ch a-pitres sur l’histoire de la pensée et du calculjusqu’à Russell et a finalement fort intéressédes étudiants d’abord, il faut bien le dire, unpeu déroutés. Il note qu’au niveau maîtrise,des sujets de sciences humaines, figurant dansune liste d’exposés, après toute une série deconférences faites par des collègues (n’ap-partenant pas, il est vrai, au domaine dessciences humaines) n’ont pas toujours ren-contré le succès escompté. Le problème estdonc de faire descendre dans le cursus, duDEA jusqu’en première année, cet intérêt et

cette nécessité de l’épistémologie : c’est,semble-t-il, ce qui sera le plus difficile.

Enfin, P. von Balmoos (astrophysicien, To u l o u s e )indique combien l’enseignement de Pa u lFe ye rabend, qu’il a suivi au Po l y t e chnicum deZ ü r i ch, lui a été précieux quant à l’ouve r t u r ede sa propre pensée aux problèmes épisté-mologiques de sa discipline, et souligne tantl’importance de la demande en épistémolo-gie de la part des astrophysiciens de To u l o u s eque le “désert” existant actuellement dans ced o m a i n e .

3 - Sur la question de l’implication des col-lègues philosophes dans cet enseignement, onpeut noter, à Montpellier que le départementde philosophie s’efforce, depuis de nombreusesannées, de maintenir une tradition épistémo-logique vivace : les noms de F. Courtès, J.-P.Séris, F. Tinland, témoignent de cette volontépour le passé immédiat. Aujourd’hui, A n n i ePetit, responsable de l’équipe CESMD “Centred’Etudes des systèmes et modèles du devenir”et Daniel Parrochia, responsable du CRATEIR(Centre de recherche et d’analyse sur la tech-nique, l’épistémologie de l’information et lesréseaux) tentent d’ouvrir la philosophie sur lemonde d’aujourd’hui. À ce titre, DanielPa r r o chia enseignera en 1999-2000 l’épisté-mologie de l’intelligence artificielle dans leDEA d’informatique de Jean Sallantin au LIRM ;réciproquement, Jean Sallantin donnera unenseignement d’épistémologie de l’informa-tique dans le cadre du DEA de philosophie del’Université Paul Valéry.

On peu encore souligner, cependant, que l’épis-témologie ne s’arrête pas aux épistémologues :d’autres collègues accepteraient vo l o n t i e r sd’être impliqués dans des enseignements dece genre. On peut penser notamment aux his-toriens de la philosophie ancienne (époque àlaquelle la philosophie, la science et la réflexionsur les sciences et les techniques étaient encoretrès mêlées) et aux spécialistes de philosophiedu langage (notamment de la philosophie anglo-saxonne). Au département de philosophie, outreAnnie Petit et Daniel Parrochia, Mme Jaulin etMlle Delpla pourraient donc être impliquéesdans de tels enseignements.

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4 - Question des modalités pratiques et des conte-n u s .

Sur la question des modalités pratiques (statutdu futur enseignement d’épistémologie pourles scientifiques) des points de vue différentss’expriment quant au niveau auquel il conv i e n tde l’introduire.

Pour certains collègues (M. Mennessier, phy-sique mathématique), le besoin d’épistémo-logie apparaît souvent chez le scientifiquelorsque, devenu ch e rch e u r, il s’interroge sursa rech e rche et les fondements de sa disci-pline. Sans doute un peu d’histoire des sciencespeut être utile dès le DEUG, mais M.Mennessier rappelle que les étudiants ensciences doivent déjà apprendre les sciences,c’est-à-dire des contenus denses et dive r s i f i é ssupposant des horaires assez lourds. Si uneépistémologie spécialisée est donc absolu-ment nécessaire à partir d’un certain nive a ude connaissances, on peut envisager un ensei-gnement plutôt historique au départ, et seu-lement par la suite, plus réflexif.

Pour d’autre collègues (M. Favre, biologiste),on constate souvent un manque de recul fla-grant des étudiants par rapport au savoir quileur est enseigné, et un certain malaise devantles problèmes qui n’appellent pas (encore) deréponse scientifique claire et ferme. Ce manquede recul comme la question de la “ gestion dela certitude ” ainsi que de la posture cognitiveà adopter face à certaines disciplines (parexemple, les neurosciences) amèneraient àe nvisager d’urgence une épistémologie cen-trée sur le sujet qui apprend, et donc à com-mencer cet enseignement le plus tôt possible.

Mme Joubert (biologiste I.N.S.E.R.M) qui sou-ligne aussi les difficultés à faire comprendre lanécessité de cet enseignement aux ch e rch e u r s ,et rappelle également le très grand nombre deconnaissances scientifiques que l’étudiant doitacquérir pour être opérationnel, suggère cepen-dant que cet enseignement d’épistémologiesoit introduit dès le DEUG, le but étant que lefutur ch e rcheur s’engage d’emblée dans sonactivité scientifique avec le recul nécessaire.Il faut, au surplus, “ faire bouger les choses ”.

Certains collègues soulignent, de même, lanécessité d’avoir une politique vo l o n t a r i s t edonnant même à ces enseignements un carac-tère obligatoire, sanctionnés par un examen(M. Mauchamp).

Pour d’autres, au contraire, une certaine pru-dence s’impose. M. Maurin (phy s i c o - ch i m i edes matériaux, membre du CNE) fait observe rque, quelles que soient les méthodes pédago-giques envisagées, la formation d’un scienti-fique réclame un travail assez considérable etque l’introduction d’un enseignement de phi-losophie des sciences se heurtera nécessaire-ment au poids des matières “ dures ” dans cetteformation. Plutôt qu’un module obligatoire, quin ’ a u ra pas forcément le succès attendu, il recom-m a n d e rait donc plutôt un système d’initiation- par exemple une option obligatoire, mais àchoisir parmi d’autres. Les collègues adhére-raient sûrement plus facilement à une telle solu-tion, y compris en première ou en deuxièmeannée. Il serait intéressant, par ailleurs, que cesenseignements puissent s’inscrire dans un pro-jet personnel de l’étudiant, celui-ci (commec’est déjà le cas dans certaines écoles d’ingé-nieurs) se formant en somme un “profil” pou-vant comporter, par exemple, une option“sciences humaines” forte ou, en l’occurrence,une option “épistémologie”. L’IUFM peut cer-tainement ici servir de relais, mais on se heur-t e ra certainement, dans un tel projet, à un cer-tain conservatisme des enseignements et deleurs divisions traditionnelles (cours magistra l ,t ravaux dirigés, travaux pra t i q u e s ) .

Sur la question des contenus, Mme Guedj insistesur la nécessité de faire précéder toute étudethématique un peu approfondie par un ensei-gnement de base s’interrogeant sur la notionde “science” et sur l’origine de cette notion,afin de poser des jalons pour une compré-hension réelle ultérieure des concepts philo-sophiques de la physique. On préconisera i tdonc ici un enseignement optionnel communau niveau des DEUG sous la forme d’une ini-tiation généraliste à l’épistémologie, et c’estseulement si des enseignements d’épistémo-logie doivent être développés en licence et enmaîtrise qu’on pourrait envisager des conte-nus plus spécifiques selon les disciplines.

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M. D. Favre, sur la base de différentes expé-riences personnelles d’enseignement, évo q u ela possibilité de faire étudier des textes scien-tifiques et aborder des problèmes avec leconcours de plusieurs outils et méthodes dif-férentes. Ainsi, dans le domaine de la biologie,il évoque la possibilité, à travers certaines ques-tions concrètes, de faire retrouver des problèmesaux étudiants, et rappelle également la perti-nence de la méthode bachelardienne quiconsiste à mettre en évidence la présence d’obs-tacles au développement scientifique ainsi quela manière dont ils ont été surmontés au fil del’histoire.

Mme Annie Petit expose son intervention dansdes enseignements d’épistémologie dans lecadre de la formation des professeurs d’édu-cation physique (STAPS) à Clermont-Ferrand.Elle souligne par ailleurs l’importance de repla-cer l’exposé des théories scientifiques dans lecontexte de l’histoire de la connaissance (parexemple le fixisme de Cuvier dans le contextede la construction de la théorie de l’évolution)et indique la pertinence de l’étude des contro-verses scientifiques dans la formation de l’es-prit critique. Elle souligne encore la nécessitéde “mettre en scène” les problèmes et les théo-ries scientifiques, l’étude des contextes (poli-tiques, sociologiques), voire la philosophieg é n é rale pouvant être un biais pédagogiquefructueux pour aborder des questions de phi-losophie des sciences.

Concernant encore les contenus, certains scien-tifiques font observer cependant qu’une tropgrande insistance sur l’histoire ou, pis, sur desproblèmes dévalués, peut aussi engendrer deseffets pervers, et peut-être un rejet : ainsi cer-tains biologistes jugent aujourd’hui la problé-matique du livre de G. Canguilhem Le Normalet le Pathologique relativement dépassée dansses contenus, même s’ils reconnaissent parailleurs que les problèmes, quant à eux, demeu-rent. Il conviendrait donc que, pour intéresserles scientifiques, les philosophes ra f ra î ch i s s e n td’abord leur savoir et leurs références favo r i t e s .

5 - Sur l’institutionnalisation de l’enseignementde la philosophie des sciences dans les cursusscientifiques, l’assemblée n’a pas d’idée de

calendrier bien précise : le plus tôt serait lemieux, mais, dans la suite de ce qui a été ditprécédemment (fin du 4e point) les scientifiquessoulignent que les philosophes devraient êtrepréalablement formés à la connaissance de lascience d’aujourd’hui, certain scientifiquesétant d’ailleurs prêts à apporter leur concoursà une telle formation.

Concernant ce qui est susceptible d’être requispour que les scientifiques, justement, puissentse joindre à un tel mouvement, on souligne lanécessité de mettre en place des structuresi n c i t a t ives, et une véritable institutionnalisa-tion de l’enseignement de l’épistémologie dansles universités scientifiques, afin de biendémontrer son caractère essentiel pour la tra n s-mission du savoir scientifique lui-même. Po u rdire les choses encore plus fra n chement, ilc o nv i e n d rait même de rendre un tel ensei-gnement “gratifiant” pour ceux qui le ch o i-sissent, afin qu’il puisse se développer un ensei-gnement de qualité.

6 - Concernant les questions administratives,des conventions semblent exister, à Montpellier,entre différentes universités (par exemple,l ’ U n iversité Paul Valéry (lettres et scienceshumaines) et l’Université des sciences et tech-niques du Languedoc), ou encore, entre cesdeux Universités et l’IUFM Il ne semble doncpas que, dans cette ville, le fait qu’un ensei-gnant relevant d’une université soit amené àdonner des cours dans une autre pose lemoindre problème administratif. Ces coursp o u r raient même apparemment faire partie desservices statutaires, à charge pour chaque orga-nisme, en fin d’année, de faire le bilan des pres-tations fournies et reçues. Un enseignementoptionnel d’épistémologie dans les cursus scien-tifiques ne devrait donc pas se traduire par uneinflation du nombre de postes à créer. Enr e va n che, s’il devait être obligatoire, le nombredes étudiants en sciences impliquerait néces-sairement des créations plus nombreuses.

Une question subsidiaire a été soulevée, enfin de la réunion, par Mme Guedj : celle dela finalité générale de l’introduction de l’épis-témologie dans les cursus scientifiques : queveut-on faire, en définitive, dans quel esprit,

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et dans quel but ? Cette finalité, tout au longde la réunion, est demeurée un peu implicite.Il a toutefois été rappelé, à différentes reprises,que les scientifiques ressentaient le besoind’épistémologie dans leur enseignement etdans leur rech e rche, besoin d’ailleurs ch i f f r édans des enquêtes effectuées, par exemple,comme l’a rappelé M. Dusseau, par les phy-siciens dans le Bulletin de l’union des phy s i-ciens. Cet enseignement devrait donc contri-buer tout autant à favoriser la transmission dus avoir qu’à former de meilleurs ch e rch e u r s .Comme l’a également souligné M. Maurin encours de réunion - et les visites que nous avo n spu faire sous son contrôle au titre du CNE nele démentent pas - les INSA comme lesU n iversités technologiques ont compris depuislongtemps que former des scientifiques poseun problème de société, économique, social,politique, et même éthique. Les conséquencesen ont été tirées puisque des enseignementsde sciences humaines représentant en moye n n ee nviron 14 % de la formation dès le premiercycle (et parfois beaucoup plus) y sont actuel-lement dispensés. Nous sommes, en ce qui

nous concerne, pleinement d’accord pourl’étendre, mais avec prudence, et à quatreconditions :

- limiter si possible l’impact des modes, phé-nomène sensible en sciences humaines ;- éviter de faire jouer au philosophe le rôled’un simple agitateur d’idées; - enseigner une véritable philosophie dessciences, appuyée – non exclusivement, certes,mais d’abord – sur la tradition française (Duhem,Koyré, Bachelard, Canguilhem...) ; - éviter de faire jouer à la philosophie le rôled’une rhétorique destinée à servir la commu-nication, à cautionner des intérêts technocra-tiques ou à aider à gérer l’irrationnel social (cequi pourrait être une tentation, vu l’attitudedésormais négative d’une grande partie de lasociété à l’égard des sciences et des tech n i q u e s ,après les dérives de la “ technoscience ”).

Montpellier, le jeudi 3 juin 1999Daniel Parrochia

Professeur à l’Université Paul Valéry - Montpellier III

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La philosophie des sciences dans la formationdes enseignants.

1 - État des lieux

PE 1. Etudiants qui préparent le professorat desécoles (ex-instituteurs)

- Aucune référence explicite à la philosophiedes sciences;- Les notions d’observation, de problème, d’ex-périence, d’expérimentation, d’hypothèse, dedéduction apparaissent dans deux modules desciences de la vie et de la Terre et de sciencesp hysiques et technologie. Les enseignants sontdes professeurs de sciences (cf : Livret de for-mation, p. 23, 24, 27);- La notion d’observation est centrale dans uncours de deux heures (p. 408) ;- Un professeur de mathématiques propose uncours sur les mathématiques de l’Antiquité (p.380) ;- Une biologiste propose un cours sur ladémarche expérimentale (p. 407).

PE 2. Professeurs des écoles de deuxième année.Admis au concours d’entrée à l’IUFM, sont desprofesseurs des écoles stagiaires (ex-instituteurs).

- Les notions d’observation, d’expérimentationet de problèmes apparaissent dans un modulede sciences de la vie et de la Terre (p. 20) ;- Le module “Enseigner : pratiques et conceptsen jeu” aborde les relations entre didactiqueet épistémologie (p. 63 : enseignants de phi-losophie) ;- Un module est consacré à l’histoire des mathé-matiques (p. 63 : professeur de mathématiques) ;- Un module aborde l’histoire de l’électricité(p. 236).

PLC2 (étudiants qui préparent le CAPES)

- L’aide méthodologique (p. 132 : préparationdu CAPES de philosophie), les questions de

philosophie des sciences sont abordées ;- Module : les question de philosophie dessciences dans l’enseignement en classes ter-minales (p. 296) ;- Prise en compte de l’histoire des idées dansun module consacré à l’écologie (p. 305).PLC2 (professeurs stagiaires)- Les compléments disciplinaires de mathé-matiques (cf. p. 114) abordent l’histoire desmathématiques ;- Les compléments disciplinaires de philoso-phie abordent les problèmes de philosophiedes sciences. Le programme est établi chaqueannée, compte-tenu des besoins exprimés parles professeurs stagiaires.

Plusieurs équipes de rech e rches de l’IUFM(didactique des sciences expérimentales, didac-tiques de l’environnement) rencontrent régu-lièrement des problèmes de philosophie dessciences. La participation de professeurs dephilosophie à ces rech e rches serait souhaitable.À l’heure actuelle, ils n’interviennent que ponc-tuellement.

Formation continue des professeurs de philo-sophie :

Pour la première fois, une formation ouve r t eaux professeurs de philosophie et aux profes-seurs de sciences de la vie et de la terre por-t e ra l’année prochaine sur les formes actuellesdu travail scientifique. Les séances seront ani-mées, en alternance, par des professeurs de phi-losophie et des scientifiques.

2 - Principes

Quatre raisons justifient l’introduction de la phi-losophie des sciences dans la formation des ensei-gnants :

- La nécessité pour eux de prendre connais-sance des effets sociaux des progrès scienti-fiques, notamment ceux qui concernent leursfuturs élèves ;

Institut universitaire de formation des maîtres de Paris

Note transmise par le professeur Jean-Paul Thomas (IUFM de Paris)

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- Celle de fournir à des élèves sensibles à uneg rande diversité de messages l’outillage concep-tuel requis pour hiérarchiser les sources d’in-formation. Ils sont ainsi directement concer-nés par les problèmes philosophiques poséspar la distinction des savoirs scientifiques etdes opinions ou des idéologies ;

- Celle d’associer étroitement, dans l’ensei-gnement des sciences, la transmission descontenus de savoir et l’acquisition des méthodesde travail. La didactique des disciplines scien-tifiques doit donc s’appuyer, sans en exclured’autres apports, sur la prise en compte desd é m a rches et des principes des différentessciences. L’épistémologie apporte les élémentsde cette prise en compte ;

- Celle d’apporter aux futurs enseignants lesm oyens de pratiquer un travail interdiscipli-naire, tel qu’il est appelé par la réforme deslycées. Ce travail exige, pour ne pas sombrerdans la confusion, une explication des prin-

cipes méthodologiques respectés par les diffé-rentes disciplines. Une initiation à l’épistémo-logie comparée s’inscrit logiquement dans ledessein d’une formation à l’interdisciplinarité.

Conclusion : toujours plus de philosophie dessciences !La philosophie des sciences, nourrie parl’épistémologie et l’histoire des sciences, vitdu dialogue entre scientifiques et philo-sophes. C’est en favorisant un tel dialogue,en multipliant les échanges, au sein desmodules de formation, entre scientifiqueset philosophes, que l’Institut unive r s i t a i r ede formation des maîtres peut envisager dedonner à la philosophie des sciences uneplace plus importante dans la formation dese n s e i g n a n t s .

Paris, le 15 juin 1999Professeur Jean Janitza

Directeur de l’IUFM de Paris

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La visite de M. Dominique Lecourt, profes-seur de philosophie, dans le cadre de la mis-sion Sciences–Philosophie que lui a confiéeM. le ministre de l’Éducation Nationale, dela Rech e rche et de la Te chnologie a été l’oc-casion d’une réunion le Mardi 8 Juin 1999 àlaquelle participèrent pour l’université PierreM e n d è s - France M. François petit, Président,M. René Fav i e r, Vice-Président chargé de laformation initiale, Mme Janine Chene,Directrice de l’UFR Sciences Humaines, M.Denis Vernant, Directeur du département dephilosophie et pour l’université Joseph Fo u r i e rM. Claude Moser, Vice-président du Conseildes études et de la vie unive r s i t a i r e .

Au cours de cette réunion, il est apparu ra p i-dement que des besoins en histoire et phi-losophie des sciences existaient au nive a udu site grenoblois et qu’une tradition de col-l a b o ration entre épistémologues et scienti-fiques pouvait constituer les prémices d’uneaction plus explicite et structurée en cedomaine.

A - Le site grenoblois : contexte favorable

L’ U n iversité des sciences sociales PierreM e n d è s - France (UPMF) fait partie d’unensemble complexe composé des universitésLettres & Langues Stendhal, de l’université dessciences Joseph Fourier (UJF), et de l’InstitutNational Polytechnique de Grenoble (INPG).

Les politiques de ces organismes sont coor-donnée par la Conférence académique des pré-sidents d’université et le Pôle européen assurela lisibilité internationale de cet ensemble.

Ainsi, depuis sa création, l’UPMF a des éch a n g e sconstants et fructueux avec un environnementde formation et de recherche scientifique detrès haute qualité.

B - Une tradition de collaboration

Les philosophes ont participé naguère à la for-mation initiale des étudiants en sciences. Par

exemple, Jacques Lambert a assuré un coursoptionnel d’histoire de la biologie en premièreet deuxième année de DEUG A et B ainsi qu’uncours sur les théorie de l’évolution en Deug B.Denis Vernant assure depuis sa création unséminaire en DEA de sciences cognitive (INPG).

À l’inverse, des enseignants scientifiques inter-viennent dans la formation initiale en philo-sophie :

1 - C’est le cas actuellement en première annéede DEUG avec Mme Alicia Lajmanov i ch (CENG)pour l’initiation à la biologie et M. Je a n - B e r n a r dRobert (UJF) pour l’initiation de la physique ;

2 - Existant depuis plus de dix ans, un courscommun de DEUG et de licence sur l’Histoirecomparée des idées scientifiques ra s s e m b l eactuellement Mme Catherine Nozières (UJF),M i chel Soutif (UJF, ancien président), NoëlFélici (UJF) Claude Beguin (UJF) et Ja c q u e sLambert (UPMF) ;

3 - Au niveau de la recherche, des liens exis-tent aussi entre le Groupe Philosophie, Langages& Cognition et les laboratoires de Psychologieexpérimentales (CNRS), et les laboratoires d’in-formatique traitant des interfaces personne/sys-tème (e.g. Le CLIPS de l’IMAG).

C - La formation initiale

La formation initiale dispensée aux étudiantsde philosophie de Grenoble prévoit : - La maîtrise des outils logiques : calcul despropositions (DEUG 1), des prédicats (DEUG2), des relations et philosophie de la logique(licence) ;- Une initiation aux sciences : biologie et phy-sique (DEUG 1) ;- Un enseignement suivi en épistémologie ethistoire des sciences (DEUG et licence).

D - Les moyens

Le département de philosophie ne dispose quede deux postes d’épistémologie et histoire des

Université Pierre Mendès France - Grenoble

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sciences occupés actuellement par MessieursAlain Boutot et Jacques Lambert. Leurs servicessont totalement pris par les besoins en forma-tion initiale (dont la préparation des concours).Tout développement en la matière dépend doncde la création d’un nouveau poste qui serait àdisposition de l’ensemble des universités du site.

E - Les axes d’intervention

Dans l’impossibilité – vu les délais – de faireune recension précise des besoins, on pour-rait assigner à la création d‘une chaire d’his-toire et de philosophie des sciences au niveaudu site grenoblois pour objectif fondamentalde favoriser la réflexion collective sur les dis-cours et pratiques scientifiques comme de sus-c i t e r, tant dans le domaine de la rech e rche quede la formation, les collaborations croiséesentre philosophies, historiens des sciences etdes techniques et chercheurs.

Concrètement, il pourrait s’agir :

- En formation initiale, de créer des modulesoptionnels d’histoire et épistémologie des

sciences à l’intention d’étudiants en sciences ;

- En formation continue, de renforcer en lamatière les compétences des enseignants dusecondaire en intervenant systématiquementdans les plans de formation, de répondre auxdemandes ponctuelles d’intervention visantd’autres publics ;

- Au plan de la rech e rche, de créer en s’ap-p u yant sur la logistique de la Maison dessciences de l’homme-Alpes, un séminaired’épistémologie et philosophie des sciencesqui pourrait constituer le point de rencontreinitial de tous les collègues intéressés sur lesite. Nul doute qu’un tel séminaire permettraitde catalyser des rech e rches et réflexions quiactuellement souffrent d’une trop grande dis-persion.

Grenoble, le 15 juin 1999Denis Vernant

Directeur du département de PhilosophieDirecteur de philosophie,

langage et cognition

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I - Remarques préliminaires

À la suite de la venue de Dominique LecourtProfesseur à l’Université Paris VII, qui a exposéles objectifs de la mission que lui a confiée leministre de l’Education nationale, à l’Unive r s i t éde Bordeaux, des représentants et enseignantsdes trois Universités Bordeaux I, II, et III, ontfait les bilans et propositions suivants.

Tous, unanimement ont souligné l’importanceet l’intérêt d’une telle mission dont l’objectifest de développer l’enseignement de la philo-sophie en direction des universités scientifiques,intérêt tant pour le département de philoso-phie de Bordeaux III, mais aussi par exemplepour le département de géologie de BordeauxIII ainsi que pour les départements scientifiquesde Bordeaux I et II.

Il faut souligner que cette mission correspondà un moment clé dans l’université puisque aussibien Bordeaux I que Bordeaux II sont en coursde réorganisation de certains enseignementset ont vu la reconnaissance de certaines deleurs unités de rech e rches qui ont explicite-ment besoin d’introduire des enseignementsphilosophiques dans leurs cursus. De plus, ledépartement de philosophie est en train demettre en place un centre de recherches dontl’intitulé est centre de rech e rches philosophiquessur la nature qui demande une collaborationimportante et systématique avec les Unive r s i t é sscientifiques.

II - Situation de la philosophie des sciences àBordeaux

A - Université Bordeaux II. Présentation del’état de l’enseignement de la philosophie pourle département de sciences cognitives.

Il existe une licence de sciences cognitive savec un module d’épistémologie (40 heures),puis une maîtrise de sciences cognitives com-portant également entre autres modules unmodule de philosophie, épistémologie (30heures).

Le DEA comporte lui aussi un enseignementd’épistémologie, philosophie de l’esprit (30heures).

Le DESS (ouverture 2000) comportera unmodule d’épistémologie et philosophie de l’es-prit (20 heures), un projet NFI (nouvelle for-mation d’ingénieurs) prévoit une formation enépistémologie (40 à 50 heures).

Le responsable de cette formation, le profes-seur Bernard Claverie souligne l’opportunitéde développer les sciences cognitives enAquitaine surtout, comme nous le faisionsremarquer, à l’occasion de l’ouverture de ceDEA en octobre, et insiste sur la nécessité d’yassocier les philosophes. Et les associer entermes de module est unique actuellement enFrance dans le secteur (sciences de la cogni-tion, sciences cognitives, neurosciences, psy-chologie, linguistique, IA, IHM informatiqueavancée).

C’est pourquoi il nous paraît très opportun queles philosophes de l’Université de Bordeaux III,puissent bénéficier des chances offertes par lamission Dominique Lecourt pour demander unposte revenant à l’UFR de Philosophie maisorienté et conçu dans le sens des enseignementsen sciences cognitives. Un tel enseignant nef e rait évidemment bénéficier de son travail aussibien les étudiants des Sciences cognitives queceux du département de philosophie.

B - Université Bordeaux I. Dans le domainede la philosophie ont été déjà mis en place.

Enseignement :

Dans les années 70 a été créé sous l’impulsiondu professeur Pacault, un séminaire d’épisté-mologie destiné aux enseignants ch e rch e u r sde l’université et aux enseignants de sciencesdes lycées et collèges. Un enseignement inti-tulé “ fondements des sciences ” a eu lieu enlicence de sciences physiques et à l’école dechimie. Il consiste à faire rédiger des exposés

Universités de Bordeaux I, II et III

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sur des sujets d’histoire des sciences et desconcepts scientifiques.

Un enseignement d’épistémologie, d’histoireet de didactique des sciences en maîtrise debiologie, épistémologie et histoire des sciencesen DEUG, de sciences-techniques-société à lamaîtrise d’informatique et en 1ère et 2e annéesd’ENSERB, des conférences ponctuelles danscertains DEA (mathématiques, mécanique,didactique des math) un enseignement art etsciences en DEUG).

Recherches :Un séminaire arts et sciences avec une publi-cation de la revue cahiers art et sciences.

Un séminaire EPISTEME qui a débouché cetteannée sur la création d’un laboratoire équiped’accueil pluridisciplinaire ayant reçu l’agré-ment du ministère pour les quatre années àvenir. Objectif : accueil des doctorants, sémi-naire et programme de rech e rche interdisci-plinaire sur les problèmes interdisciplinairessur les problèmes épistémologiques voire socio-logiques posés par la communication entre desmilieux scientifiques hétérogènes.

Un projet d’enseignement d’épistémologie etd’histoire des sciences s’est déjà développé quise fixe un objectif ainsi formulé :

- Donner aux étudiants la culture de leur savo i r,leur faire comprendre pourquoi les théoriesqu’on enseigne aux étudiants sont le fruit d’ave n-tures, passions, espoirs, de rech e rches et derésultats validés ou invalidés.- Engager une réflexion sur la science qui doitêtre philosophique pour mettre en évidence lapensée qui la meut.

Le programme de cet enseignement comportedonc un module de philosophie des sciencesreprenant les questions engagées par Platon,Aristote, Descartes, et la présentation de théo-ries philosophiques des sciences (A. Comte).Un autre module porte sur les sciences natu-relles analysant quelques concepts du point devue historique et philosophique (classification,discontinuité et continuité, la question duconcept d’espèce, fixisme et évolutionnisme).

Un autre sur les sciences physiques. Analysede la notion d’interface, de celle de substance,puis les problèmes conceptuels posés par lalumière.

Il s’agit d’un cours optionnel, ouvert à des étu-diants de DEUG 2e année.

Mais il faut ajouter que les enseignants sou-haitent l’étendre à tous les cycles. C’est pour-quoi il nous paraît opportun que l’Universitéde Bordeaux I puisse bénéficier d’un poste deM C piloté lui aussi à partir du département dephilosophie. Il doit être souligné qu’un tel ensei-gnant devrait travailler en étroite collabora t i o navec les enseignants scientifiques de son lieud’enseignement, étant à même d’entendre leursdemandes, mais qu’il doit posséder toutes lesqualités et qualifications d’un philosophe.

C - Université Bordeaux III

Il existe des enseignements de philosophie dessciences dans tous les cycles : DEUG 1 et 2,histoire des sciences et épistémologie, et phi-losophie des sciences, licence maîtrise et DEA.Il est tout à fait possible d’ouvrir ces ensei-gnements aux étudiants des facultés scienti-fiques. Certains enseignants ont manifesté ledésir de pouvoir en suivre certains.

En rech e rche, le Centre de rech e rches philo-sophiques sur la nature, met en forme un sys-tème de collaboration avec les enseignants ch e r-cheurs des Universités Bordeaux I et II. À titred’exemple plusieurs journées de travail sontprévues qui porteront sur la Philosophie de lanature dans ses rapports constitutifs avec la phy-sique (électromagnétisme, électricité, dy n a-mique, théorie du ch a m p ) .

En conclusion :Il faut sur la base de ces enseignements et deces thèmes de rech e rches, tendre vers desdiplômes différenciés intégrant les modules dephilosophie des sciences, dans chacune desdisciplines concernées.

Dans un premier temps, ils interviendront dansle prolongement de ce qui fonctionne déjà,comme élément de diplôme (DEUG, licence,

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maîtrise), puis dans un second temps, ils set r o u veront davantage intégrés aux enseigne-ments scientifiques, comme éléments dy n a-misant des différentes disciplines tant sous laforme de l’étude conceptuelle de la constitu-tion des concepts (leur opérativité, les moda-lités de leur valorisation) que sous celle de leursignification philosophique. Il faudrait à moye nterme faire monter ces enseignements vers untroisième cycle (école doctorale intégrant oubien à titre de dominante un travail de philo-sophie des sciences, ou bien de façon auto-nome). Ce troisième cycle couronnerait lesenseignements dispensés dans les cycles pré-cédents leur donnant ainsi un objectif vers larecherche.

L’aspect essentiel de cette mission semble êtreson importance philosophique et théorique.C’est pour l’enseignement et la réflexion phi-losophiques une occasion - tout en préser-vant bien évidemment son autonomie et saspécificité (liées d’abord au travail concep-tuel) - de retrouver ses grandes traditions, der é veiller ses virtualités métaphysiques, der e v ivre en faisant face aussi aux grandes ques-

tions de notre temps. C’est par là que passenaturellement toute défense de la philoso-phie. Il est plus que jamais temps pour laFrance de faire revivre le dialogue sous toutesses formes entre science et philosophie. Deplus, c’est ce qu’attendent la plupart des ensei-gnants et des ch e rcheurs scientifiques, quis’essaient de plus en plus fréquemment, ave cleurs moyens, à des réflexions philosophiquessur leurs disciplines.

Mais comme toute entreprise théoriquementconstituée elle doit se traduire par un inve s t i s-sement politique et institutionnel. Il serait oppor-tun que les Universités de Bordeaux puissentdonc bénéficier pour lancer l’entreprise, et auvu de ce qui existe déjà, de deux postes de maîtresde conférences (voir II a et II b) et de plusieurspostes d’ATER qui, à partir du département dephilosophie de Bordeaux III, organiseraient desenseignements vers Bordeaux I et II.

Bordeaux, le 15 juin 1999Jean-Jacques Szczeciniarz Professeur de philosophie

à l’Université de Bordeaux III

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Les activités d’enseignement et de rechercheen histoire des sciences et épistémologie dansl’Université Paris-Sud et plus précisément auCentre scientifique d’Orsay sont essentielle-ment structurées autour du “ pôle ” constituépar le GHDSO (Groupe d’histoire et deDiffusion des sciences d’Orsay), composantede l’équipe d’accueil doctorants EA 1610.

Le groupe comprend :

- 5 enseignants-ch e rcheurs de l’Université Pa r i s -Sud (Centre d’Orsay) dont un seul membre dela section 72 du CNU (épistémologie et his-toire des sciences et des techniques) ;

- un enseignant-ch e rcheur de l’IUFM del’Académie de Versailles effectuant par conve n-tion entre les deux établissements une partimportante de son service d’enseignement enépistémologie et histoire des sciences et dest e chniques à l’Université Paris-Sud ;

- une quinzaine de partenaires extérieurs (ensei-gnants-chercheurs associés aux recherches).

Le GHDSO assure également des activ i t é sde service, notamment de diffusion et deréflexion sur le mouvement des connais-sances. Il organise les conférences et col-loques du CIEEIST (Centre interdisciplinaired’études de l’évolution des idées, des scienceset des tech n i q u e ) .

Les enseignements en épistémologie et histoiredes sciences et des techniques ont connu, aucours de la dernière décennie, un fort déve l o p-pement correspondant à une demande et desattentes croissantes des étudiants en ce domaine.Ils concernent actuellement les trois cy c l e s .

La situation en 1998-1999 est la suivante (1) :

1er Cycle :

- MIAS (mathématiques, informatique et appli-

cations aux sciences) 30 heures (option) - his-toire générale des sciences (dominante : his-toire des mathématiques) ;

- SM (sciences de la matière) - 40 heures (option)- histoire générale des sciences (dominante :histoire des sciences physiques) ;

- SVT (sciences de la vie et de la Terre) 40heures (option) - histoire générale des sciences( d o m i n a n t e : histoire de la biologie et de lag é o l o g i e ) .

2e Cycle :

- licence pluridisciplinaire (préprofessio-nalisation IUFM) 60 heures (enseignementintégré) ;

- licence de sciences physiques - 40 heures(option) - histoire et épistémologie (dominante :mécanique, thermodynamique) ;

- licence électronique-électrotechnique-auto-matique - 108 heures (obligatoires) - histoirede l’électricité et de l’électromagnétisme ;

- licence et maîtrise de chimie - 60 heures(option) - histoire de la chimie (mécanismesréactionnels) ;

- magistère de physique - 30 heures (option) -philosophie des sciences ;

- maîtrise de génétique moléculaire (ensei-gnement intégré).

3e Cycle :

- CIES (centre d’initiation à l’enseignementsupérieur) 30 heures ;

- intervention en DEA - 12 heures.

Il y a lieu de signaler les stages organisés à l’in-tention des enseignants du second degré (plansacadémiques de formation).

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Universités Paris Sud - Centre Scientifique d’Orsay

(1) Les horaires indiqués sont annuels et décomptés en équivalent T D.

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- de l’académie de Versailles (2 stages de 5 joursen janvier 1999) : Histoire de l’électricité ;

- de l’académie de Créteil (1 stage en décembre1998) : L’histoire des sciences au collège et aulycée ;

- ainsi que l’animation d’un “atelier culturel”intitulé : Histoire, science, société (30 heures).

Le groupe a également participé à la mise enplace d’enseignements d’épistémologie et d’his-toire des sciences à l’Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines.Enfin, il entretient des relations suivies avec lacommunauté internationale notamment avecles pays du Maghreb. Il organise du 10 au 15mai 1999 un séminaire d’“épistémologie etd’histoire des sciences” à Tunis en collabora-tion avec l’Université de Tunis II à l’intentiondes enseignants-chercheurs tunisiens.

En matière de recherche, les thèmes dévelop-pés par le GHDSO concernent :

1) la diffusion des savoirs scientifiques contem-porains (vulgarisation) ; 2) l’histoire de la diffusion des sciences (pro-jet AFAS) ;

3) la diffusion dans (et par) le monde industrielet les grands organismes de recherche.

Suggestions :

La consolidation et l’élargissement d’activités aujour-d’hui stabilisées et reconnues dans l’Unive r s i t éParis-Sud impliquent dans l’immédiat :

a) le développement d’échanges avec desgroupes travaillant sur des thèmes analoguesdans des contextes différents. Dans ce but, descontacts prometteurs ont été pris avec l’équipeanimée par Bernadette Bensaude à Paris XNanterre. Ils doivent permettre d’étudier et deconcrétiser des collaborations enrich i s s a n t e spour les partenaires.

b) l’attribution d’un poste (maître de confé-rences) 72e section (épistémologie, histoire dessciences et des techniques, profil histoire etépistémologie des sciences physiques) àl ’ U n iversité Paris-Sud XI afin de renforcer leGHDSO.

Orsay, le 1 juillet 1999Paul Brouzeng

Professeur d’histoire des sciences, directeur du GHDSO