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L’enjeu de la participation : Construire, Evaluer Ensemble en Action Sociale La participation, ce n’est pas de la génération spontanée, ça se développe et ça s’entretient.

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L’enjeu de la participation :Construire, Evaluer Ensemble en Action Sociale

La participation, ce n’est pas de la génération spontanée, ça se développe et ça s’entretient.

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Objectifs du projet CEVENAS

• encourager la co-construction des dispositifs d’insertion avec les personnes accueillies

• favoriser la gestion de ces dispositifs avec les personnes

• évaluer ces mêmes dispositifs avec le public accueilli

• permettre aux équipes d’évoluer dans leurs pratiques professionnelles.

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Construire et évaluer ensemble en action sociale

Pour mener à bien ce projet ambitieux, quatre temps forts ont été programmés :

• un état des lieux des pratiques dans chaque département aquitain

• une journée de travail régionale pointant une dizaine de recommandations

• quelques expérimentations accompagnées sur des sites volontaires

• la réalisation d’un guide valorisant les acquis du projet.

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Quatre actions ont été accompagnées, impliquant six structures et services : * Projet 1 (Partenariat de deux Habitats Jeunes) : Participation des jeunes à l’écriture du projet associatif

Objectifs : - Favoriser l’expression des jeunes sur les questions qui les préoccupent - Interroger le projet associatif avec les résidents- Revisiter avec les jeunes le projet pédagogique.

* Projet 2 (Partenariat entre 2 Centre d’hébergement) : Ecriture d’un journal de territoire

Objectifs : mobiliser les résidentes sur la réalisation d’un journal, mener des interviews, faire des photos, créer un dynamique collective positive et non stigmatisante.

* Projet 3 (Structure d’insertion par l’activité économique) : Coécrire un livret d’accueil Objectifs : repenser le livret d’accueil avec les salariés permanents et les salariés en insertion pour s’adapter aux besoins repérés.

* Projet 4 (Maison départementale de la solidarité): Repenser l’accueil avec les habitants

Objectifs : revoir l’accueil en fonction des demandes exprimées par un groupe d’habitants. Faire changer le regard des personnes sur la structure et l’équipe sociale (et inversement).

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• Par différentes observations, à travers de multiples études et analyses, nous savons aujourd'hui combien les situations de pauvreté et d'exclusion sont mutilantes tant psychologiquement que socialement pour les personnes qui les vivent et qui y sont assujetties en partie ou en totalité. Leur existence est profondément marquée par des impressions de manque, d'absence, de dévalorisation de soi, de sentiment et de conscience de leur incapacité. C'est pourquoi l'ambition de l'action sociale aujourd'hui se veut promotion de la personne dans toutes les dimensions.

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• Pour éviter le risque d'une telle dérive qui réduit l'humain aux seuls besoins qui lui sont reconnus par les institutions, il est important de revenir au cœur même de l'action humaine qui est création, construction, développement, épanouissement. Participer aux réponses à des besoins réels ( qui ne sont pas nécessairement repérés par l'institution) semble être un acte incontournable pour permettre à la personne en difficulté sociale de reprendre pied dans sa vie et dans les choix qui l'accompagneront.

• Cela exige également une transformation des pratiques développées autour de l'action sociale dominée aujourd'hui par des logiques faites de formalismes divers. Ceux-ci réduisent la rencontre « personne concernée/travailleur social » à un acte contenu dans des limites où la position « d'objet social » devient prédominante. Permettre à une personne accueillie dans les structures d'action sociale de retrouver les capacités indispensables au développement de sa vie sociale, c'est aussi s'interroger sur l'environnement mis en place par les institutions et les structures censées l’accompagner.

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Paul RICOEUR, dans sa réflexion sur la question sociale, rappelle que la précarité et la pauvreté engendrent une incapacité sociale et produit la « défiguration de soi ». Pour lui, ces incapacités liées à la précarité ne sont pas des défauts mais plutôt de véritables « défaillances » qui défont l’être humain « en organisant son être selon les modalités de la privation ». Il s’ensuit la nécessité d’aider ces personnes dans la précarité à retrouver le « chemin des capacités » que RICOEUR définit comme le fait « d’entrevoir une réponse à la perte qui ne soit pas de l’ordre de sa simple répétition. »

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RICOEUR recense quatre figures de la capacité humaine qu’il relie au thème de la « précarité comme défiguration de soi » :• Le pouvoir « dire » face à l’absence de voix,• Le pouvoir « faire » face à l’incapacité à faire,• Le pouvoir « raconter » face à l’absence narrative,• « L’imputabilité », ou plutôt le défaut d’imputabilité : la

personne ne sait pas à qui et à quoi imputer son état social. • La mise en valeur de ces quatre figures de la capacité humaine permet de travailler, dans

l’action sociale, sur les moyens à mettre en place pour restituer les possibilités réelles des personnes en situation de difficulté.

• Le pouvoir d’agir, la capabilité, la participation et la co-construction font partie de ces moyens car ils favorisent des mises en situation pouvant aider une personne à retrouver ses capacités, conditions de son accès à l’autonomie.

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Le développement du pouvoir d'agir (empowerment). capacité à réunir des ressources individuelles et collectives au profit d'une action envisagée.. partout où des intervenants et intervenantes tentent d'appuyer les efforts autonomes des individus et des collectivités pour se tailler une place à part égale et à part entière sur l'échiquier social. . le processus d'empowerment permet de s'approprier ou de se réapproprier l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire la capacité de choisir, la capacité de décider en fonction du choix et la capacité d'agir en fonction de sa décision.

l'exercice du droit de parole,l'exercice du droit d'être entendu l'exercice du pouvoir ultime qui peut se manifester aussi bien de manière positive (donner son aval) que de manière négative (refuser son consentement).

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La capabilitéLes capabilités sont au nombre de dix (Sanchez, Amartya SEN)• la vie : pouvoir vivre une vie longue et digne • la santé physique : avoir et conserver une bonne santé • l'intégrité physique : se mouvoir librement et en sécurité • les sens, l'imagination et la pensée : être apte à percevoir, à raisonner en

recevant une éducation de base ; être capable de faire des choix éclairés...• les émotions : être capable d'attachement, de vivre en société • la raison pratique : développer une conception du bien, disposer de la liberté de

conscience...• l'affiliation : être capable d'empathie, de respect...• les autres espèces : la prise en compte de l'environnement • le jeu • le contrôle de l'environnement qui recouvre le fait de participer à des choix

politiques, le droit au travail, éléments qui pourraient être rapprochés de la participation, de l'empowerment et trouvent un écho dans le champ de l'intervention sociale.

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La participationNous identifions quatre étapes législatives récentes ponctuant les avancées de la participation des usagers :1. L’article L. 115-4 du Code de l’Action sociale et des familles de 1998 ;2. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ;3. La loi en faveur du Travail de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat du 21 août 2007 autorisant les départements à déroger à la législation nationale pour mettre en place le RSA ;4. La loi sur le RSA réformant les politiques d'insertion du 1er décembre 2009 (participation à l'élaboration, mise en œuvre et évaluation, travail en équipes pluridisciplinaires).

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Pour Elisabeth Morel, la participation s’inscrit dans une approche globale, dans le temps et dans une démarche de projet à plusieurs visées :• en faveur d'un renouvellement de l'action publique pour une démarche

coopérative avec les usagers • à travers un processus de construction du savoir et d'action à partir de la

parole des usagers et non uniquement fondé sur une expertise technocratique ou externe

• pour créer un univers pédagogique réciproque entre décideurs, acteurs sociaux et usagers.

Il y a, dans cette approche, un principe de politique publique alternatif.

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La Participation selon l’ANESMPour l'ANESM, les notions de participation et d'expression correspondent à quatre niveaux :• un niveau d'expression et de participation : s'exprimer consiste à faire connaître

quelque chose. Il s'agit d'une première forme de reconnaissance et d'affirmation de soi par la prise de parole sans toutefois préjuger de l'impact que cela pourra avoir. Par exemple, la direction d'un établissement peut souhaiter entendre les usagers sur la question de la qualité de l'accueil.

• un niveau de consultation : il s'agit davantage de susciter des discussions afin d'obtenir des éléments avant un choix à opérer. Ce choix pouvant, dans le cadre d'une consultation, ne pas avoir de lien avec les éléments recueillis.Par exemple, une collectivité peut consulter ses usagers sur les modalités d'information de telle ou telle prestation.

• un niveau de concertation : dans cette situation, il s'agit d'associer les personnes concernées à la recherche de solutions communes.

• un niveau de co-décision qui implique d'aller jusqu'au partage d'une décision qui engage toutes les parties.

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Points de vigilance repérés par les acteurs dans la mise en place d’actions participatives

Les ateliers ont permis de repérer 9 points clés qui peuvent facilement passer de frein à levier.Repère 1: Les représentations sociales de la participation: attitudes, opinions des professionnels, des dirigeants, des usagers.Repère 2: Les conditions d’émergence.Repère 3: La temporalité.Repère 4: MobiliserRepère 5 : AccompagnerRepère 6 : FormerRepère 7: EvoluerRepère 8 : CommuniquerRepère 9 : Evaluer

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R1: Les représentations sociales et les posturesLors des rencontres départementales, il a été régulièrement question des « freins à la participation » (y compris dans le cadre de l’application de la loi 2002-2). Parmi ces freins, il a souvent été fait état des représentations que les travailleurs sociaux ont des publics dans le cadre de la relation d’aide qu’ils établissent avec les personnes, et inversement. Ainsi, la question de la stigmatisation de ces publics est importante et prégnante. Très régulièrement, les tentatives d’aide et d’intervention se heurtent aux limites ressenties concernant les capacités sociales de ces personnes.La participation des usagers peut être un élément valorisant, mais également parfois stigmatisant, comment s’assurer de la limite à ne pas franchir ? Et si certains ne souhaitent pas participer, choisit-on le respect des personnes en validant ce choix, ou bien décide-t-on d’appliquer la loi coûte que coûte en forçant la participation ? Et en interne, souvent nous entendons parler de participation des usagers alors que les salariés sont eux-mêmes peu consultés dans les évolutions du projet d’établissement. Un juste équilibre doit être trouvé.

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• Stigmatisation/Valorisation• Incantation à la co-construction/Réalité et faiblesse des possibles• Participation des usagers/Mobilisation des professionnels sur le projet• Exigence de la loi/Respect des personnes• Travail social émancipant/Paix sociale Ces points ont été éclairés par Robert LAFORE lors de la journée régionale en parlant de « participation riante » et « participation contrainte », pour les professionnels comme pour les usagers. Selon lui, l’erreur serait de chercher à atténuer un des éléments en tension ; par contre, il est important d’en avoir conscience pour construire de nouvelles normes de travail social et passer de « prise en charge» à « prise en compte ».

La question aujourd’hui est de savoir si nous nous donnons les moyens de modifier en profondeur (noyau central) les représentations qu’ont les travailleurs sociaux, les personnels administratifs, les cadres ou les élus. Sinon, le risque est grand de voir se reproduire, dans une logique du pareil au même, les effets des représentations sociales qui assignent les personnes accompagnées dans des images sociales qui les enferment du point de vue même de leur propre évolution.

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Répère 3: Les conditions d’émergence

Elles renvoient à ce que les usagers comme les professionnels ont relaté en termes : • de confiance : participer implique qu'il leur soit a priori fait confiance pour avoir des choses à dire et à apporter.

Alors que le regard social et administratif devient de moins en moins compassionnel pour aller vers la suspicion, la participation permet la connaissance qui permet l’acculturation et la reconnaissance de l’autre et contribue à lever cette suspicion (Luc JERABEK).

• d'écoute : la participation peut effectivement être déployée et renforcée dans des espaces dédiés comme le CVS par exemple. L'ensemble des acteurs a toutefois insisté sur la notion d'écoute comme inscrite dans le temps durable de reconnaissance de la parole des personnes accueillies. Un trajet en voiture, un échange informel sont autant d'occurrences pour créer cet espace d'écoute, d'assurance et de reconnaissance.

• du regard sur soi. Celui-ci dépend du regard que l'autre porte sur la personne en difficulté ; la reprise de

confiance d’une personne en difficulté, dans une relation d’aide va d’abord s’ancrer sur la confiance « envers la société, envers un travailleur social, un bénévole… » et souvent du dire des personnes en grande exclusion, c’est la réhabilitation de la confiance envers la société, envers les autres via la confiance envers un accompagnateur qui va leur permettre une longue marche vers eux-mêmes (Charles MEROGOT).

• de réciprocité : la participation semble favorisée lorsque les personnes sont en mesure « de redonner à

l’autre » ; elles se sentent alors utiles et valorisées.

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Repère 3: La temporalité

« La participation, ce n'est pas de la génération spontanée, ça se développe et ça s'entretient ». La question de temps est omniprésence dans les débats et souvent présentée comme un frein quasi insurmontable. Il s’agit non seulement du temps « de passage » des personnes accompagnées souvent relié au temps des dispositifs, mais aussi du temps professionnel des équipes voire du temps des associations et enfin du temps des projets. Il est également important de considérer le temps des personnes. Cette équation peut donc paraître difficile à résoudre.

Quelques recommandantions (ANESM)• inscrire les démarches participatives sur le court terme, voire moyen terme pour

éviter les démobilisations• faire intervenir des anciens membres du groupe pour expliquer leur rôle et faciliter

ainsi la continuité des instances ou des projets• prévoir un nombre suffisant d'acteurs pour faire face aux départs réguliers• assurer la régularité des rencontres pour faciliter l'appropriation du projet• être réactif face aux sollicitations d'un groupe pour éviter que la dynamique ne

retombe.

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Repères 4 à 9 : Méthodologie de projet participatif en six repères

Repère 4 : mobiliser les acteurs d’un projetRepère 5 : accompagner les personnes dans la mise en place d’action participativeRepère 6 : Former des acteursRepère 7 : Evoluer suite aux propositionsRepère 8 : Communiquer sur le projetRepère 9 : Evaluer le projet, évaluer le processus

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La co-construction des actions entraîne du changement

• La co-construction, associée au développement du pouvoir d'agir, à la capabilité et à la participation est conçue comme source de changements puisqu'elle doit, principalement, permettre de lutter contre les effets de défiguration de soi d'une situation de précarité, effets dénoncés par Paul RICOEUR.

• On attend des projets participatifs une plus-value pour l'usager : rompre son isolement, favoriser son insertion sociale, professionnelle, favoriser sa citoyenneté, le respect de ses droits... On en attend également un changement de posture pour le professionnel : d'une position d'expert, il doit développer la capabilité, le pouvoir d'agir et mettre son expertise au service de la personne. Dit autrement, la co-construction rompt la logique d'assistance, pour permettre la mise en œuvre d'une logique de développement et/ou d'étayage des compétences de l'acteur-usager.

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Mesurer le changement : la question des représentations sociales pour les différents acteurs

Les acteurs de l'ensemble des projets ont présenté comme une finalité la modification des représentations sociales « de la population » sur les publics accueillis par les services et structures de l'action sociale. A un moment ou un autre des rencontres, les participants avaient à cœur de faire évoluer la manière dont ils sont perçus par la société en général, la société locale en particulier. Ainsi, comme l'écrit RICOEUR, les projets participatifs, la co-construction permettent de lutter contre la défiguration de soi.

La co-construction permet de lutter contre la stigmatisation. Celle-ci est définie comme une action ou une parole qui transforme une caractéristique, un comportement, une déficience, une incapacité ou un handicap d'une personne en une marque négative ou d'infériorité. Le passage, très souvent transitoire, dans une structure de l'action sociale est vécu et perçu comme une marque négative ou d'infériorité. Les projets participatifs permettent de renvoyer une autre image de soi.

Nous avons recueilli des témoignages dans lesquels les personnes accueillies dans les structures indiquaient comment le projet avait concouru à modifier leur regard sur eux-mêmes. Ils indiquaient, par exemple, comment ils pouvaient « parrainer » les nouveaux entrants en leur donnant des conseils... Même si cet élément doit être nuancé, car le projet seul n'est pas suffisant, ces témoignages montrent qu'il est également nécessaire au chargement.

Ce dernier point d'analyse concernant les représentations sociales permet de finaliser un raisonnement fort du CEVENAS car ce point était présenté comme le premier des repères dégagés par les acteurs dans les rencontres départementales (voir repère 1).

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Conclusion

Vers des pratiques de co- construction ?

• Le Journal de l’action sociale et du développement social n°72 indique : « Si de façon générale l’excès de réglementation tue la réglementation, c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de demander aux organisations d’intégrer l’usager dans le processus décisionnel et plus fondamentalement de changer le rapport des professionnels à l’usager ». La co-construction collective de la réponse offerte par le service, peut permettre d’agir, avec les familles et les professionnels et ce pour trouver de nouvelles réponses adaptées à leurs besoins et à leurs intérêts.

• La co-construction semble être la forme la plus évoluée de la participation. Elle peut permettre de lutter plus

efficacement contre la discrimination, si la définition de la problématique et la recherche de solutions se font avec les parties prenantes du projet. A plusieurs reprises, les bénéficiaires présents dans le projet ont insisté sur ces notions de confiance, de crédit qui peut leur être (ou non) accordé. Ils n'évoquent pas spontanément la notion « d'inclusion sociale » ou de « citoyenneté » mais c'est bien de cela qu'il s'agit, en actes et non en incantations.

• La co-construction, suppose de nouvelles bases de collaboration, pour les professionnels, de nouvelles pratiques

pour les équipes, pour innover, oser penser autrement leur travail, afin peut-être aussi de palier le sentiment d’impuissance, de lassitude et permettre aux personnes accueillies de prendre véritablement leur place de citoyens. Ce déplacement nécessaire à la reconnaissance des usagers citoyens du service, comme penseurs et acteurs à part entière, n’est pas une étape facile. En effet, elle remet en cause une certaine hiérarchie des savoirs, des pouvoirs et des places de chacun. Il s’agit de dépasser les positions d’aidés et d’aidants.

• Dans un contexte public marqué par la constante remise en question des fondements du travail social (répression /

prévention – éducation populaire / régulation sociale...) et la gestion de la pénurie, n'y a-t-il pas pour les acteurs associatifs et les professionnels des « renversements d'alliances » à opérer ?

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• Ne faut-il pas résolument penser que la transformation sociale en faveur de plus de justice, d'équité, moins de pauvreté, ne passe plus par une alliance objective entre le corps social associatif et les pouvoirs publics, mais par une alliance subjective (au sens de sujet) entre les acteurs du travail social (bénévoles comme professionnels) et les usagers ?

• En action sociale, la participation des usagers peut ressembler, si on n’y prend garde, à des démarches de type

instrumentalisation dans le sens où c’est d’abord la préoccupation de l’intérêt de l’institution qui va s’imposer au détriment de celui des usagers du service ou de la structure. Pour éviter une telle dérive, il est important de se donner les moyens de veiller à ce que la démarche participative rentre bien dans des objectifs sociaux et soit accompagnée d’une méthode de travail permettant l’objectivation des étapes qui constituent toute construction en groupe.

• Si la participation peut relever de la recherche d’une « paix sociale », elle peut également déboucher sur des

revendications qui peuvent être de nature à « déranger l’ordre établi ». C’est là un des enjeux de ces démarches qui impliquent fortement les personnes accueillies dans les associations d’action sociale ou les collectivités. C’est peut-être également à ce niveau que se fabrique la peur des institutions et des professionnels de l’action sociale. En effet, du collectif peut émerger l’imprévu et c’est justement cet imprévu qui peut redonner sens et maîtrise à des personnes qui de manière régulière en sont privées.

«…il importe de ne pas réduire la personne à un « symptôme ou à une catégorie : au-delà de la stigmatisation qu’elle induit, cette attitude conduit également à faire l’impasse sur la compréhension des situations des personnes dans leur complexité…L’action collective peut être, sur un territoire ou avec un groupe de personnes, un moyen de dépasser les clivages par catégories administratives. Elle peut être aussi l’occasion de mieux appréhender et mobiliser les savoirs de chacun. » in « Le travail social confronté aux nouveaux visages de la pauvreté et de l’exclusion » rapport du Conseil Supérieur du Travail Social-2007

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