l'écriture de la fonction phallique, contre les erreurs

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  • 8/17/2019 L'écriture de la fonction phallique, contre les erreurs

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    L'ÉCRITURE DE LA FONCTION PHALLIQUE, CONTRE LES

    ERREURS

    "Pourquoi ne serait-il pas possible d'écrire une fonction de la jouissance?" Lacan

    pose la question dans la première leçon d'...Ou pire et ne tarde pas à répondre. Il

    écrit la fonctionx et la nomme fonction phallique.

    Pourquoi inventer une fonction phallique ? En quoi et comment reprend-elle la

    fonction du phallus précisée en 1958 dans La signification du phallus ?

    Freud avait repéré, après des dizaines d'années de travail, qu'il y a un primat du

    phallus pour les deux sexes. Il l'avait établi à partir de la prédominance de

    l'image phallique et avait souligné que l'importance du complexe de castration

    tient à sa survenue à la phase de primat du phallus.

    Avec La signification du phallus il s'agissait de donner raison de la position de

    Freud contre les objections qui s'étaient rapidement élevées et n'ont pas cessé.

    L'article faisait valoir la signification et les conséquences d'un tel

    phallocentrisme. L'accent était mis d'abord sur le caractère non naturel, non

    biologique, du complexe de castration et ensuite sur la nécessité de penser la

    fonction du phallus hors du registre de l'imaginaire. De situer le phallus comme

    un signifiant, un signifiant ne jouant son rôle que voilé.

    La signification du phallus a été prononcée en allemand, son titre le plus

    significatif est le titre allemand : Die Bedeutung des Phallus. Bedeutung  se

    traduit par signification, mais aussi, dans le contexte de la logique et en

    référence à Frege, par dénotation (l'article de Frege Sinn et Bedeutung  est

    traduit par Sens et dénotation). Frege avait remarqué que la dénotation n'est

     jamais donnée en pleine lumière. Lacan dit qu'au dernier terme les métonymies

    et métaphores n'ont qu'une Bedeutung  : le phallus. Le langage ne dénote que ce

    signifiant voilé (précisément : originairement refoulé). Parce qu'il est dénoté par

    le langage, le phallus a le pouvoir de signification.

    Dans ...Ou pire la question mise en relation avec le phallus n'est plus celle du

    désir, c'est celle de la jouissance. Mais le combat reste le même. Il est contre le

    recours à l'explication par "la nature" et contre l'empire de l'imaginaire phallique

    et du sens phallique qu'il détermine.

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    Dans la première leçon de ce séminaire Lacan s'attaque à deux "erreurs"

    dénommées l'homoinzune erreur  et l'erreur commune. C'est d'abord contre

    elles, qu'est dirigé son effort pour constituer une logique inédite, en partant de

    l'écriture de la fonction phallique.

    L'homoinzune erreur

    Pour faire valoir que l'assomption du sexe n'est pas un phénomène "naturel",

    l'article de 1958 se contentait de rappeler une vérité freudienne : cette

    assomption passe par le complexe de castration.

    La tendance à l'oubli est forte et la première leçon d'...Ou pire va revenir plus

    longuement sur ce point.

    L'année précédente (D'un discours qui ne serait pas du semblant , 20 janvier1971) à propos des travaux de Stoller sur le transexualisme, Lacan ironisait sur

    l'émerveillement de certains psychanalystes constatant que les garçons et les

    filles diffèrent déjà avant la phase phallique. Il y voyait la satisfaction de

    découvrir à l'origine de la différenciation sexuelle une phase qui ne serait pas

    prise dans le complexe de castration et qui serait donc non conflictuelle.

    Freud n'avait pas manqué de noter (Trois essais sur la théorie sexuelle) que les

    prédispositions masculine et féminine se reconnaissent aisément chez l'enfant.

    Mais il en rendait compte par un refoulement plus marqué chez la petite fille dont

    la sexualité, précisait-il, gardait encore son caractère premier entièrement

    masculin.

    Sur quels critères distingue-t-on chez les petits enfants la masculinité ou la

    féminité? Lacan remarque que c'est sur leur apparente conformité à ce qu'ils

    seront... lorsque le complexe de castration aura exercé ses effets ! Le complexe

    exerçant ses effets chez ceux qui les distinguent, et ayant déterminé la façon

    dont les parents ont traité ces enfants, on ne peut guère soutenir l'existence

    d'une phase du développement qui soit non conflictuelle.

    Aussi l'important n'est-il pas qu'on les distingue car cela ne témoigne pas d'une

    identification sexuée.

    L'important est qu'eux se distinguent comme hommes ou femmes. Ce qui ne

    pourra se faire que par rapport à l'autre sexe dont les individus vont symboliser

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    la jouissance qui échappe.

    "Pour les hommes, disait Lacan dans D'un discours..., la fille c'est le phallus et

    c'est ça qui les châtre; pour les femmes, le garçon c'est la même chose et c'est

    ça qui les châtre aussi".

    Pourquoi parler d'une "homoinzune erreur" ?

    L'erreur est de situer la "nature" comme l'ordonnatrice première du

    développement sexuel. D'une part nous n'avons d'accès à la nature que par des

    discours. D'autre part la clinique montre que la sexuation dépend du complexe

    de castration.

    Cette erreur est l'au-moins-une qui assure l'ancrage des autres dans le "naturel".

    L'idée que la nature est à l'oeuvre soutient celle d'une complémentarité des

    sexes et d'un rapport sexuel. Cela nie l'altérité introduite par la parole, d'où,

    semble-t-il, l'écriture "homo".

    L' homoinzune erreur est probablement l'erreur la mieux partagée, à égalité

    peut-on penser entre hommes et femmes.

    Dans le champ analytique la théorisation de Jones qui veut restaurer, comme

    plaisante Lacan, "l'égalité des droits naturels", en est une manifestation patente.

    Au point qu'elle ferait penser qu'il serait aisé d'y échapper. Mais ne pas partager

    cette erreur c'est accepter que l'organisme du "parlêtre" est radicalement

    dénaturé par le signifiant et les conséquences qui en découlent.

    D'un point de vue scientifique, le naturel se définit aujourd'hui comme le

    biologique. L'analyste, qui ne peut se référer à la nature peut-il se référer à un

    "réel biologique"? Lacan répond que non: "c'est le fruit de la science qui

    s'appelle biologie, le réel est autre chose, c'est ce qui commande toute la

    fonction de la signifiance" (...Ou pire, 15 décembre 1971). Ce n'est pasméconnaître l'importance de la génétique et de l'anatomie dans la détermination

    du sexe que de rappeler cette position nécessaire à la pratique analytique.

    L'erreur commune

    C'est celle qui "ne voit pas que le signifiant c'est la jouissance et que le phallus

    n'en est que le signifié".

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    "Le signifiant c'est la jouissance". L'assertion embarrasse par l'équivalence entre

    signifiant (symbolique) et jouissance (réel).

    S'agit-il du signifiant en général? Il s'agit plutôt, pensons-nous, du signifiant

    voilé, celui qui ne peut être nommé sans cesser d'exercer sa fonction. Mais qui

    peut être écrit:.

    Dans le séminaire précédent, D'un discours... (20 janvier 1971), Lacan disait

    d'abord : "le phallus est la jouissance sexuelle en tant qu'elle est solidaire d'un

    semblant".

    Et peu après : "le réel de la jouissance sexuelle en tant qu'elle est détachée

    comme telle c'est le phallus". est le réel de la jouissance sexuelle, ce qu'elle a

    d'impossible.

    "Le phallus n'en est que le signifié". Cette assertion peut déconcerter car elle

    semble en contradiction avec la définition, qu'on peut dire canonique, du phallus

    comme signifiant sans signifié. Elle est éclairée par ce qui a été dit le mois

    précédent: "Ce qui s'édifie du terme de phallus est ce qui désigne un certain

    signifié, un signifié d'un certain signifiant parfaitement évanouissant" (Le savoir 

    du psychanalyste, 4 novembre 1971).

    Lacan avance ici que ce que nous appelons couramment "phallus" est un

    signifié. Un signifié édifié comme défense contre le fait que est évanouissant,

    sans signifié.

    Il ne parle pas comme dans D'un discours... de semblant phallique (c'est-à-dire

    de signifiant) solidaire de. Il lui importe, pensons-nous, de faire valoir que ce

    que nous nommons "phallus" n'est pas un signifiant (comme l'était sans doute le

    phallus dévoilé à des fins d'initiation dans les Mystères antiques).

    Ce n'est pas un signifiant parce qu'il garde toujours le même sens : le "bon" sensphallique. C'est un signifié "global, massif" : l'axe d'un monde conçu comme Un.

    L'erreur commune est de le prendre pour un signifiant, d'en faire le signifiant qui

    nous commande, le signifiant maître. Cette erreur soutient l'idée d'une

     jouissance unique. Le féminin est nié ou reste une énigme qui n'a d'intérêt qu'en

    tant qu'objet du fantasme masculin. Dans De l'amour , que Lacan admirait,

    Stendhal dit que l'erreur commune est d'en agir avec les femmes comme avec

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    les hommes.

    Le psychanalyste prisonnier de cette erreur est comparé à Ulysse qui demande à

    être lié au mât. A Ulysse les sirènes promettaient de faire entendre "tout ce que

    voit passer la terre nourricière", un savoir total. Peut-être l'analyste attaché au

    mât-phallus fonctionne-t-il comme si l'inconscient était un savoir sans faille,

    renfermant déjà la solution à ce qui ne va pas dans le sexuel, une solution qui

    serait simplement recouverte ou entravée. Ce qui lui est seriné à longueur de

    séance a beau témoigner véridiquement de l'absence de rapport sexuel, il ne le

    tient pas pour l'indication d'un réel. Ulysse, disait Blanchot, était un grec de la

    décadence qui jouissait des sirènes sans prendre de risques et sans en accepter

    les conséquences.

    La règle que Lacan énonce : qu'hommes et femmes se débrouillent comme ils

    pourront, ne dit pas que l'analyste s'en lave les mains, elle tend à favoriser leur

    éventuelle invention à partir d'un repérage du réel du non rapport sexuel.

    L'écriture de la fonction phallique

    Dans La signification du phallus Lacan parlait de l'"accès du sujet" au phallus

    signifiant du désir, sans préciser comment se fait cet accès. Quel mode d'accès

    un sujet a-t-il à , signifiant voilé, évanouissant, jouissance réelle, inaccessible

    en son fond ?

    Dans la pratique on se demande souvent quel est le rapport d'un sujet (au sens

    courant du terme) à la jouissance. Rigoureusement parlant un sujet n'est que

    représenté, donc si "accès" il y a à , il ne peut se faire que par les signifiants

    qui représentent ce sujet.

    On voit dans...Ou pire que cet accès se fait par l'inscription de signifiants dans la

    fonction phalliquex . L'écriture de la fonction est celle de Frege : une fonction

    insaturée où viennent à la place vide, comme variables ou arguments, les

    signifiants qui représentent le sujet, ces signifiants étant liés par un quanteur. La

    négation du quanteur universel permet d'écrire le "pas-tout" phallique.

    Les signifiants, les x, vérifient ou non la fonction. La jouissance atteinte par ceux

    qui la vérifient est dite phallique, marquée par la castration.

    Elle est commune aux deux sexes. Mais cette écriture permet de montrer qu'elle

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    n'est pas la seule jouissance. Dès lors que pas-tous les signifiants vérifient la

    fonctionx, la possibilité d'une autre jouissance est ouverte. Autre jouissance

    que l'erreur commune, l'attachement au signifié phallique "global", masque.

    Concluons sur la question posée dans la première leçon d'...Ou pire : comment

    hommes et femmes se distinguent-ils par rapport à l'autre sexe et assument

    ainsi le leur ?

    Dans La signification du phallus Lacan disait que le rapport au phallus des

    hommes et des femmes s'établit différemment, avec cette conséquence que

    dans la parade sexuelle typique l'homme "l'a" et la femme "l'est".

    ...Ou pire précise que cet "être" et cet "avoir", par lesquels on fait signe à l'autre

    sexe, dépendent de l'inscription dans la fonctionx.

    On "a" l'instrument de la jouissance phallique (l'organe devenu un signifiant) si

    on est tout dans la jouissance phallique, donc au prix de la castration.

    On "est" le signifiant au-delà du voile si on est pas-tout dans la jouissance

    phallique, donc au prix d'une division avec l'autre jouissance.

    Valentin Nusinovici

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