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Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Les stratégies de communication des ONG environnementales : le cas de Greenpeace et de WWF Lebourgeois Mathilde Mémoire de Séminaire Séminaire Economie du Développement Durable Sous la direction de : Abdelmalki Lahsen Membres du jury : - Mr Lahsen Abdelmalki - Mme Valérie Colomb

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Université lumière Lyon 2Institut d'Études Politiques de Lyon

Les stratégies de communication des ONGenvironnementales : le cas de Greenpeaceet de WWF

Lebourgeois MathildeMémoire de Séminaire

Séminaire Economie du Développement DurableSous la direction de : Abdelmalki Lahsen

Membres du jury : - Mr Lahsen Abdelmalki - Mme Valérie Colomb

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Partie I : Importance et spécificité de la communication dans les ONG . . 9

Chapitre A : Le développement durable : un nouveau défi pour la société civile . . 9Chapitre B : Différents moyens de communication pour les ONG . . 11

1. Importance de la participation et de la pédagogie . . 122. Des stratégies tous azimuts . . 13

Chapitre C : Un « répertoire d'actions de 3e génération » : l'importance des médias . . 141. Le répertoire d'actions . . 142. Les médias et Internet . . 15

Partie II : Deux modèles de communication : Greenpeace et WWF . . 18Chapitre A : Greenpeace : une stratégie de contestation . . 18

1. Présentation de l'ONG . . 182. Les actions médiatiques et les autres méthodes . . 213. Les limites et les critiques de la communication de Greenpeace . . 25

Chapitre B : W WF : une stratégie de dialogue . . 261. Présentation et fonctionnement de l'ONG . . 262. La communication de WWF : Internet, la marque, les évenements, lespartenariats . . 27

Chapitre C : Éléments de comparaison . . 291. Des identités et des préoccupations différentes . . 292. Des moyens différents . . 303. Des exemples concrets . . 33

Partie III : Environnement et communication : les nouveaux enjeux et problèmes . . 39Chapitre A : Portée et limites de la communication des ONG . . 39

1. Rôles et légitimité importants mais remis en cause . . 392. Une insuffisance de résultats concrets . . 40

Chapitre B : Évolution de la communication : vers des techniques empruntées aumarketing d'entreprises . . 42Chapitre C : Vers une mesure des performances de la communication environnementale . . 43

1. Utilité de l'évaluation . . 442. Des méthodes quantitatives . . 453. L'exemple de l'évaluation de Greenpeace . . 45

Conclusion . . 48Bibliographie . . 50

Sur le développement durable . . 50Sur la communication . . 50

Livres . . 50Revues . . 50Mémoire . . 50

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Site Internet . . 51Sur les ONG notamment environnementales . . 51

Livres . . 51Revues . . 51Thèse . . 52Site Internet . . 52

Sur Greenpeace . . 52Livres . . 52Revues . . 53Reportages vidéos . . 53Mémoire . . 53Publications de Greenpeace . . 53Site Internet . . 53

Entretiens . . 54Annexes . . 55

Première annexe : Sites Internet de Greenpeace et WWF . . 55Deuxième annexe : Magazines de Greenpeace et WWF . . 55Troisième annexe : Rapport financier et d'activité de Greenpeace . . 55Quatrième annexe : Documents de Greenpeace sur le thon rouge . . 55Cinquième annexe : Linkscape : présence de Greenpeace et WWF sur Internet . . 55Sixième annexe : Analyse de la présence médiatique de WWF . . 55Mots Clés . . 55Résumé . . 56

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Remerciements

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RemerciementsJe remercie M. Abdelmalki pour sa présence, ses conseils tout au long de mon travail et pour labonne ambiance et l'entraide qu'il a instaurées dans le séminaire Économie du DéveloppementDurable.

Je tiens à remercier Adélaïde Colin et l'équipe de communication de Greenpeace pour leurgentillesse, leur confiance, et leur aide lors de mon stage.

J'adresse mes remerciements à Bruno Rebelle, à Jacques Olivier Barthes, ainsi qu'à CamilleLajus pour les entretiens qu'ils m'ont accordés, et qui m'ont beaucoup servi.

Merci à Valérie Colomb pour ses remarques, et pour sa présence dans le jury.

Et enfin un grand merci à Cécile, et aux autres relecteurs.

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Introduction

L'environnement est de nos jours un sujet omniprésent. Tout le monde : entreprises,hommes politiques, organisations internationales communiquent énormément sur ledéveloppement durable. En effet il y a eu une réelle prise de conscience environnementale,relayée par un écho médiatique puissant. Déforestation, réchauffement climatique, montéedes eaux, fonte des glaciers, pollution... ce sont tous des sujets qui semblent préoccuperl'opinion publique. L'environnement a ainsi tenu une place considérable lors des débatspour l'élection présidentielle de 2007. Il suffit également de voir le nombre de films, de livresqui sortent sur le sujet avec un écho non négligeable. Home ou La Terre vue du ciel deYann Arthus Bertrand, Le Pacte Écologique de Nicolas Hulot, Une vérité qui dérange deAl Gore ont tous plus ou moins récemment nourri cette sensibilisation. Les OrganisationsNon Gouvernementales (ONG) ont eu un rôle à jouer dans cette montée en puissance. Enparallèle la multiplication des catastrophes industrielles et naturelles a également interpelléla société civile, il suffit de penser par exemple au naufrage de l'Amoco-Cadiz en 1978, àl'explosion de Tchernobyl en 1986...

Mais pour communiquer sur le développement durable, il faut d'abord être capablede le définir. A nne Versailles (2005 p1),chercheuse à Etopia (Centre d'animation et derecherches en écologie politique), nous explique que « le développement durable apparaîtcomme un concept flou dans lequel on peut tout mettre, son contraire et n’importe quoi.Et c’est vrai qu’en fonction du regard que chacun porte sur le monde, de son originesociogéographique, de son milieu socioprofessionnel, de ses référents philosophiques, deses intérêts individuels ou corporatistes, chacun y place des dimensions et des prioritésdifférentes ». Il est en effet utilisé à outrance par différents acteurs mais en réalité il reflèteun monde qui n'existe pas encore.

On peut également citer la définition issue du Rapport Brundtland, intitulé Notre avenirà tous, de 1987.

C'est « un développement qui répond aux besoins des générations du présentsans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins »,et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui ilconvient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’étatde nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité del’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

C'est lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 qu'une définition consensuelle vas'institutionnaliser. Les ONG jouent un rôle prépondérant dans la mise sur l'agendamédiatique de cette problématique, notamment par leur présence aux conférencesinternationales, par leur pouvoir de dénonciation, de sensibilisation, de pression.

Les Organisations Non Gouvernementales sont aussi un concept flou. Le terme estapparu en 1945 dans la charte des Nations Unies. Cependant on prend en comptesouvent plusieurs critères : les ONG sont censées être indépendantes, non lucratives,internationales, d'intérêt général... Elles agissent là où les États sont absents ouinterviennent de façon inadaptée. Elles constituent un contre pouvoir, censé incarner la

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Introduction

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société civile internationale, visible surtout depuis 1999 et la Conférence de l'OrganisationMondiale du Commerce à Seattle. Elles sont très diverses selon leur taille, leur statut etpeuvent donc avoir des registres d'actions différents selon leur histoire. Les premières ONGenvironnementales apparaissent à la fin du 19ème siècle, début du 20ème siècle. On lesappelle les conservationnistes, elles sont issues d'une tradition anglo-saxonne de protectionde la nature, et appuient des politiques visant à conserver la nature en la préservant detoutes activités humaines. C'est le cas de World Wildlife Fund (WWF) ou de l'UICN (Unionmondiale pour la nature). Une deuxième vague de mobilisation environnementale a lieudans les années 60, 70, avec les ONG environnementalistes, qui ressemblent aux nouveauxmouvements sociaux avec un mode d'action plus contestataire. On peut citer Greenpeaceou les Amis de la Terre. Avec la mondialisation et la multiplication des ONG, leur visibilitéet leur pouvoir d'influence augmentent. En effet, au début écartées des lieux de pouvoirs,elles deviennent un partenaire essentiel. De plus, elles sont un des agents dans lequel lecitoyen a le plus confiance.

Cette montée en puissance des ONG les oblige à évoluer, s'adapter et seprofessionnaliser. De plus, dans une société mondialisée où les Nouvelles Technologiesde l'Information et de la Communication (NTIC) priment, la communication devient pourelles un enjeu stratégique important. L'image est essentielle. Il est primordial pour ellesde se différencier de la concurrence des autres ONG. Elles sont aussi dans l'obligationde diversifier leurs sources de financement et de chercher un maximum de donateurs. Lacommunication est ainsi un outil indispensable pour promouvoir le développement durableet pour que l'ONG remplisse correctement ses missions. Elle répond à deux objectifsprincipaux : favoriser une prise de conscience et une action en faveur de l'environnement,accroitre la notoriété de l'ONG.

La communication et les Organisations Non Gouvernementales sont deux domainesdans lesquels j'aimerais travailler. Le développement durable est un sujet qui m'intéresse.Dès le début de mes recherches, j'ai donc voulu étudier la communication à propos dudéveloppement durable à partir d'un acteur : les entreprises, les villes ou les ONG. Les ONGenvironnementales en tant que partie prenante de la société civile sont de nos jours prisesen compte comme de véritables acteurs du développement durable. Leur communicationest essentielle, et différente de celle des autres acteurs institutionnels en raison de laspécificité de l'objet environnemental, et de l'acteur particulier l'ONG. De plus, c'est unecommunication plurielle qui varie en fonction des ONG. Elle pose également de nombreusesquestions car malgré une prise de conscience certaine, il n'y a pas de réel engagementconcret. Est-ce parce que la communication est inefficace, inadaptée à la spécificité du sujetenvironnemental, est-ce parce que les ONG manquent de légitimité?

Nous avons donc travaillé sur les stratégies de communication des ONGenvironnementales. Parmi celles-ci on distingue souvent celles de dialogue et celles plusrevendicatrices. Greenpeace parait dès le départ l'ONG la plus médiatique et la plus activedu point de vue de la communication. Beaucoup de livres existent à ce sujet, car c'est aussielle qui est la plus controversée. L'histoire de l'organisation est importante, dès le débutelle commence par un mythe fondateur où les médias ont un rôle fondamental. Il a sembléutile de la comparer avec l'autre type d'ONG environnementales, symbolisé par WWF, lapremière ONG mondiale.

Dès lors plusieurs questions se sont posées : Comment se caractérise la stratégie decommunication d'une ONG environnementale? Quelles différences entres les stratégies desONG et celles des autres acteurs? Est-elle efficace? Il est nécessaire d'observer d'abordl'importance et la spécificité de la communication des ONG avec les différents moyens

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d'actions possibles, leurs évolutions, l'importance notamment des médias. Puis nouspourrons voir sa diversité en l'illustrant par les différences entre deux ONG : Greenpeaceet WWF. Et enfin nous tenterons de retirer les enjeux de la communication notamment laquestion de la légitimité et de l'évaluation de l'efficacité.

Les lectures de spécialistes de l'environnement, de la communication, d'anciensdirecteurs des organisations, de journalistes critiques ont été fondamentales dans ce travail.Il était aussi important d'analyser le site Internet, les documents de communication et d'avoirdes entretiens avec des directeurs de communication des ONG.

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Partie I : Importance et spécificité de la communication dans les ONG

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Partie I : Importance et spécificité de lacommunication dans les ONG

Associer communication et ONG peut sembler contradictoire à première vue, si onrapproche la communication de la publicité, du marketing des entreprises, de l'objectif devendre sur le marché. Il y a dans le monde associatif en général, une suspicion envers lacommunication, qui peut être synonyme de manipulation. Les ONG représentent l'intérêtgénéral, la défense de grandes causes qui sont donc dans l'espace public non marchand.Elles s'adressent aux citoyens et non aux consommateurs. Cependant dans une sociétéoù la communication et la médiatisation sont omniprésentes, les ONG ont dû s'adapter,même si ce n'était pas au départ leur fonction première. Elle est devenue essentielle, enraison aussi de la montée de la concurrence et de la nécessité de trouver des ressourcesfinancières. En effet, elle constitue un moyen pour l'association de remplir ses missionset ses objectifs.

Nous verrons donc comment la montée du développement durable et del'environnement dans la société civile explique le renforcement de la communicationdes ONG. Celle-ci reste cependant spécifique par rapport à la communication d'autresacteurs. La participation et la pédagogie sont particulièrement présentes, par exemple.Nous verrons également que les ONG ont un grand choix de moyens pour leur stratégiede communication, parmi lesquels les médias et Internet ont de plus en plus une partimportante.

Chapitre A : Le développement durable : un nouveaudéfi pour la société civile

Depuis le sommet de la terre de Rio de 1992 et la montée du développement durable,toute la société doit prendre en compte cette nouvelle problématique, autour des troispiliers : une économie viable, une société équitable, un environnement vivable. Laprotection de l'environnement, étant intégrée dans cette question globale de développementdurable, bénéficie d'une mobilisation plus grande. En effet, l'environnement devient unsujet omniprésent à travers les débats politiques, les films, les livres, les positionnementsidéologiques de personnalités célèbres, les sommets internationaux, les formationsuniversitaires...

Tous les acteurs ont une part de responsabilité. On oppose souvent l'État, lesentreprises et la société civile. Celle-ci est un ensemble de groupes ou d'organisations quis'organisent en dehors du cadre étatique et commercial. Elle regroupe les citoyens, lesorganisations syndicales, les ONG, la communauté scientifique... Elle a vu, avec notammentles ONG, son poids se renforcer. Selon Chartier et Ollitrault (2006 p 102) « il y aurait 10 à 40000 associations intéressées plus ou moins directement aux problèmes d'environnement,et environ 3% de Français adhérant à une association d'environnement ». Elles se sont

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présentées comme les acteurs privilégiés du développement durable. Elles ont rempli lesespaces vides laissés par les corps intermédiaires traditionnels. Mais tous se sont saisisde la thématique. Selon Chartier et Ollitrault (2006 p 106) le développement durable estdevenu «à la fois un référentiel de politiques publiques, un justificatif d'action collective, etune entrée possible pour construire une critique sociale mondialisée ». Les entreprises sousla pression, se doivent de conjuguer les performances économiques, environnementaleset sociales. Les politiques doivent agir à toutes les échelles : internationale, nationale,locale. Les collectivités territoriales ont elles aussi des capacités d'agir à prendre en compte,c'est elles qui sont au plus proche des citoyens. On peut citer l'exemple de l'Agenda 21,c'est un guide de mise en œuvre du développement durable établi lors du Sommet de laTerre de Rio en 1992. Chaque collectivité l'adapte pour appliquer des recommandationsdans divers domaines. Mais en réalité la coopération est nécessaire face aux défis queposent l'enjeu environnemental. Changer de mode de production, changer de mode devie, changer de gouvernance mondiale, c'est changer nos habitudes, nos mentalités. Etcela dans tous les domaines, dans toutes les actions quotidiennes, dans le logement, lestransports, l'alimentation... Ces problématiques ont une dimension planétaire. Les progrèsdépendent de la capacité de nos sociétés à mobiliser toutes les parties prenantes qui sontdonc interdépendantes les unes aux autres. L'échange d'expériences, la diffusion de bonnespratiques sont utiles.

Les ONG sont ainsi entrées dans le champ politique en participant à des conférencesinternationales et nationales. Elles sont des interlocuteurs réguliers des organisationsinternationales. Traditionnellement leurs relations avec le pouvoir institutionnel étaient plutôttendues. Elles dénonçaient l'incapacité des gouvernements à agir, mais en réalité ellesont compris que le changement se faisait avec eux, en les incitant à créer de nouvellesrégulations, et en vérifiant leur respect. Jusque là les politiques environnementales ontplutôt échoué, elles étaient complexes donc mal comprises, elles n'étaient pas vraimentappliquées faute de sanctions et de contrôle... Les gouvernements ont eux aussi intérêtà intégrer les ONG dans les négociations pour asseoir la légitimité des décisions prises,et éviter la contestation. Les ONG doivent apporter leur capacité d'expertise, en plus deleur seul pouvoir de lobbying et de pression. Chartier et Ollitrault (2006 p 108) expliquentqu' « elles deviennent des partenaires indispensables quant à la diffusion des programmesqu'elles ont d'abord appelés de leurs vœux ». L'exemple du Grenelle de l'environnementpeut être cité. En 2007, un débat a été organisé avec des groupes de travail sur desthématiques environnementales différentes (la biodiversité, le réchauffement climatique..),composés des différents acteurs du développement durable (l'Etat, les collectivités locales,les ONG, les employeurs, et les salariés). Cela était au départ une très bonne initiativemais au final l'institutionnel a repris la main et les associations ont perdu du terrain aprèsle Grenelle, lors de sa mise en application qui a échouée. Dans les ONG figuraient WWF,Greenpeace, la fondation Nicolas Hulot... Cette dernière s'est retirée du Grenelle en marsquand la Taxe Carbone a été reportée. Tous dénoncent la nouvelle loi, trop amendée, quin'est plus qu'un ensemble de mesurettes, vidé de toute substance.

Les ONG ont aussi multiplié les contacts avec les entreprises, qui au départ sontleurs adversaires naturels. Au delà de leur action de dénonciation des pratiques abusivesdes entreprises, les ONG ont compris qu'elles pouvaient les aider et les accompagnerdans leur démarche de changement. Cependant les relations restent très différentes selonles ONG. WWF a ainsi une politique très poussée de partenariat avec les entreprises.Tandis que Greenpace y est opposée. Dans tous les cas les contacts avec elles restentprimordiaux. En parallèle, sous la pression sociale, les entreprises ont elles aussi comprisqu'elles devaient agir pour lutter contre leur impact négatif. Elles doivent prendre en

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Partie I : Importance et spécificité de la communication dans les ONG

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compte des préoccupations sociales et environnementales, tandis que jusque là seull'objectif de rentabilité et de profit financier était prioritaire. C'est d'ailleurs inscrit dans la loinotamment des Nouvelles Régulations Économiques, où les entreprises doivent rendre descomptes, doivent être transparentes sur les effets de leurs activités sur l'environnement. LaResponsabilité Sociale des Entreprises est devenue une thématique très à la mode C'estainsi que des postes de responsable environnement ont été créés.

Les problèmes environnementaux sont un défi planétaire qui nécéssite une régulationmondiale. Ils peuvent être complexes à comprendre car constitués d'éléments scientifiques.Les citoyens peuvent se sentir impuissants face à ce défi. Cependant ces derniers doiventcomprendre que cela ne doit pas les empêcher d'agir eux-mêmes à leur propre niveau,même si cela peut leur paraître inefficace. Les ONG ont là un rôle primordial d'information etde sensibilisation pour montrer que des changements dans les petits gestes de tous les jourspeuvent, eux aussi, avoir une répercussion sur le défi planétaire. Les ONG doivent donclutter contre ce sentiment de résignation et le phénomène Not In My BackYard (pas dansmon jardin). Le NIMBY consiste à ne pas tolérer de contraintes dans son environnementproche. Les citoyens sont d'accord sur le principe avec les ONG environnementales, maisils ne veulent pas se voir imposer les efforts à subir. Cela peut être expliqué par la montéede l'individualisme. Le terme est apparu à la fin des années 60 aux Etats Unis pour désignerles oppositions des populations riveraines à l'implantation de nouvelles installations. Laparticipation de la société civile est essentielle car c'est elle qui peut permettre de fairepression sur les décideurs politiques et sur les entreprises. Elle possède un pouvoir desanction par le vote ou par l'action d'acheter. Actuellement l'opinion publique demandede plus en plus une transparence et une diffusion de l'information de la part de tous lesacteurs, ainsi qu'une éthique et un dialogue plus importants. Les Nouvelles Technologiesde l'Information et de la Communication doivent être mobilisées pour faciliter l'accès et laparticipation. Les ONG ont un rôle pour réaffirmer l'importance du défi environnementalface à ceux qui semblent le minimiser. On peut penser par exemple, aux climato-sceptiquesremettant en cause les travaux du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernementaux surl'Evolution du Climat) et la réalité du réchauffement climatique.

Le monde de la recherche a aussi un rôle essentiel, comme nous l'expliquent Arnaudet Berger (2005 p 134) "il produit les connaissances qui permettent de fournir les bonsdiagnostic, de donner les alertes", ainsi que d'élaborer des solutions. Les scientifiques seregroupent dans des réseaux, publient des rapports. Les ONG interviennent avec eux pourles mêmes objectifs. En 1993 par exemple des ONG ont travaillé avec des professionnelsforestiers pour créer le label FSC (Forest Stewardship Council), qui garantit la préservationdes ressources naturelles et les droits des peuples indigènes et des salariés de l'industriedu bois.

Après avoir expliqué la montée de la communication dans les ONG et son importance.Nous pouvons voir comment elles communiquent .

Chapitre B : Différents moyens de communicationpour les ONG

Nous avons pu le voir, beaucoup d'acteurs communiquent sur l'environnement. C'est unsujet particulier. La sauvegarde de l'environnement est vue comme un bien collectif, comme

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un intérêt général. La communication des ONG environnementales est complexe en raisonde son objet, spécifique en raison des particularités d'une ONG. Elle est également plurielle,en effet il n'existe pas un modèle unique de communication, les cibles et les moyens utilisésdiffèrent.

1. Importance de la participation et de la pédagogie

Tout d'abord, nous pouvons identifier les objectifs de la communication. Garrault(2008), nous explique qu'elle vise à valoriser son image, à crédibiliser son efficacité. Ellesert aussi à prouver sa transparence et mobiliser des acteurs de terrain et des partenaires.En synthèse, la communication des ONG environnementales a trois objectifs principaux :accroître la notoriété de l'association, assurer son financement et favoriser une prise deconscience et une action en faveur de l'environnement.

Faire changer les mentalités, ce n’est pas simple. Selon Camille Lamouche,consultante en communication à l’agence Stratis, (citée par Dudouble 2007) « régularité,pédagogie, professionnalisme, crédibilité et cohérence semblent être des axes primordiauxpour mener à bien la diffusion d’un message en faveur du Développement Durable auprèsdu grand public. »

La communication environnementale et celle des ONGimpliquent fortement laparticipation. C'est en effet, surtout une communication de proximité.Le relationnel estfondamental car on tente d'impliquer l'individu, de dialoguer avec le citoyen. Elle vise lechangement de comportement, d'habitudes, c'est un élément d'évaluation de l'efficacitéd'une communication. Dans cet objectif, la communication doit être construite sur lelongterme avec un réel engagement. Ce qui peut entraîner des difficultés à communiquer surun sujet qui peut paraître si lointain.

Il y a aussi une grande part à la pédagogie, la sensibilisation et la responsabilisation.Le rôle de l'école pour éduquer les jeunes à une citoyenneté environnementale estimportant. Ainsi, des options environnementales dans le cursus scolaire peuvent s'ouvrir.La modification des mentalités doit être apprise dès le plus jeune âge. La communicationn'est pas qu'informative ou seulement descendante, elle ne doit pas juste donner deschiffres et s'appuyer ainsi sur des compétences spécifiques. Elle doit être incarnée, donnerdes actions concrètes dans un langage accessible à tous. Les différents acteurs doiventéchanger entre eux. En effet, des discours globaux, abstraits, trop éloignés n'ont aucuneffet. La communication doit permettre une identification et favoriser l'action. Un bonexemple est celui de Nicolas Hulot et de nombreuses ONG qui publient des guidescomme « le petit livre vert de la planète», présentant les gestes à faire en faveur del'environnement. Ou encore l'exemple de l'empreinte écologique, popularisée par WWF, quiaprès quelques questions sur nos pratiques quotidiennes (transport, nourriture...), permetde connaître notre impact personnel sur l'environnement. Le résultat donne accès aunombre de planètes nécessaires si tout le monde consommait comme nous. C'est donc unoutil qui évalue la surface nécessaire à une population pour répondre à sa consommationde ressources et à ses besoins d'absorption de déchets. Ces types d'initiatives permettentde développer une écocitoyenneté. L'éco-citoyen a conscience d'appartenir à une entitéglobale, l'environnement, qui garantit son existence, ce qui implique des droits et des devoirsenvers lui.

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2. Des stratégies tous azimutsLes cibles de la communication sont très diverses : les citoyens, les hommes politiques, lesentreprises... A chaque cible, une méthode de communication peut être préférée. Mais danstous les cas la communication doit faire face à un budget restreint. En effet généralement lesassociations n'ont pas les ressources pour faire de la publicité. Mais elles peuvent utiliserd'autres moyens et sont ainsi obligées d'être créatives, ce qui est leur force.

Les moyens utilisés par la communication sont très divers, les acteurs qui y participentaussi. Une coopération entre différents services est nécessaire. La grande partie dubudget de la communication est attribuée aux « hors médias » : marketing direct, relationspubliques, évènementiel, sponsoring... Mais les relations presses avec les médias sontaussi fondamentales nous le verrons un peu plus tard.

La communication interne prend une part importante dans les stratégies decommunication des ONG. Les salariés ont déjà une motivation importante, ils sont sensiblesà la cause de l'ONG, et n'y travaillent pas par hasard. Ils sont peut être prêts à s'investir plusque dans une entreprise, ce qui est une force pour l'ONG, comme nous l'explique CamilleLajus (responsable presse de WWF)1. Cependant un travail sur l'image, l'adhésion, et lamobilisation interne est quand même nécessaire. Cela permet de convaincre les employés,d'établir un climat favorable. Les ONG développent ainsi un Intranet pour une meilleurecirculation de l'information. Elles multiplient les réunions internes pour une meilleurecoordination. Il faut également fidéliser les adhérents en leur proposant de s'investir et encontinuant de les informer par des magazines ou newsletter. Il faut entretenir la mobilisationet la motivation des bénévoles en leur déléguant certaines responsabilités, et en organisantdes réunions.

La communication externe est évidemment la plus importante. Elle a une fonction denotoriété, d'incitation, de diffusion. Thierry Libaert (2009) nous explique qu'il est nécessairede prendre en compte les différentes identités de l'association, celle physique qu'on peutobserver à travers le résultat de ses actions, son rapport annuel. Ensuite, il y a, l'identitépsychologique, plus visuelle à travers son logo, son slogan; celle relationnelle à travers sontravail de sensibilisation et de collecte de fonds; et enfin celle culturelle liée à son histoire.L'action de communication doit être dans tous les cas cohérente.

Les premiers éléments de la communication d'une ONG sont le slogan (ou baseline)et le logo. Les deux doivent être simples, mémorisables, durables, cohérents, valorisants,déclinables sous différentes formes. Le choix de la typographie est important. Ils permettentde construire l'image, l'identité graphique de l'ONG, et ainsi de se démarquer des autreset de s'inscrire dans l'imaginaire collectif. Souvent on confie ce travail à un graphisteprofessionnel.

L'information doit aussi être correctement transmise, pour cela, elle doit être simple,précise, complète, utile, véridique. Le langage utilisé se veut compréhensible et adapté aupublic. Des tableaux ou un glossaire peuvent faciliter la compréhension. Le contexte et lecanal de transmission doivent être bien choisis pour faciliter la réceptivité du message. Ilest préférable par exemple d'utiliser une communication directe plutôt que de multiplier lesrelais. L'attitude du communicant est aussi importante, il doit être attentif et à l'écoute.

Lesrelations publiques pour les ONG sont importantes. L'objectif est de développer unerelation de confiance avec ses publics. Elles exercent beaucoup le lobbying et le plaidoyer,notamment sur les politiques. En effet elles veulent les influencer, intervenir dans les lieux de

1 Entretien téléphonique avec Camille Lajus responsable presse de WWF réalisé le 12 août 2010

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décision dans le but de modifier les pratiques, de mettre en place des solutions. Ce sont desmoyens de pression. Elles choisissent ainsi soit l'opposition par le boycott, la mobilisationou au contraire la coopération par des stratégies d'alliance. Dans les deux cas, elles veulentse montrer experte et témoin.

Le marketing direct s'est renforcé avec les nouvelles techniques de collecte de fonds.Nous le verrons dans la dernière partie. Les ONG pour susciter le don, peuvent passerpar les médias, ou par un courrier de sollicitation, le mailing. Le street fundraising (collectedans la rue) et le phoning se sont également beaucoup renforcé. Le donateur bénéficied'incitations fiscales. La prospection de nouveaux donateurs est la première étape, il fautensuite les fidéliser. Il est donc nécessaire de faire un suivi, de remercier, de relancer, defavoriser une relation directe.

Chapitre C : Un « répertoire d'actions de 3egénération » : l'importance des médias

Parmi ces nombreux moyens de communication, l'usage des médias est essentiel. En effetles ONG en ont forcément besoin. Cela est une caractéristique des nouveaux mouvementssociaux et du répertoire d'actions de 3ème génération. Cela s'explique aussi par notresociété médiatisée, par la concurrence entre les ONG, et par leur professionnalisation.

1. Le répertoire d'actionsConcrètement comment une ONG peut convaincre de futurs donateurs, comment peutelle faire passer son message? Sylvain Lefevre dans son mémoire (2008) explique bienl'utilisation par les ONG de jeux d’enrôlement rhétorique, et de travail de cadrage. Il citeSnow et Benford qui définissent la notion de cadres comme des éléments qui « attribuentdu sens, interprètent des événements et des conditions pertinentes, de façon à mobiliser desadhérents et des participants potentiels, à obtenir le soutien des auditoires». Pour susciterl’engagement, quatre opérations dites de « cadrage » et d'alignement sont identifiées.

Lilian Mathieu, cité par Sylvain Lefevre (2008 p 257) les a ainsi synthétisées : « Laconnexion de cadres (frame bridging) est le travail réalisé par une organisationà l’égard de personnes partageant déjà son point de vue, mais qui ne laconnaissent pas ; son action consiste donc à fournir un schéma interprétatifunifié et une base organisationnelle à ses futures recrues, mais sans agir surleurs convictions ou perceptions. L’amplification de cadre (frame amplification)consiste à clarifier ou à développer un schéma interprétatif déjà existant chezles individus en insistant sur des valeurs ou des croyances préexistantesmais n’ayant pas débouché sur une volonté d’engagement ; il s’agit égalementde permettre à l’individu que l’on vise à recruter de faire le lien entre sespréoccupations quotidiennes et les objectifs de l’organisation. L’extension decadre (frame extension) intervient lorsque les individus ne partagent pas lesvaleurs ou objectifs de l’organisation ; celle-ci doit alors élargir son discoursen y intégrant des éléments qui a priori n’en font pas partie mais qui sontpertinents pour sa cible de recrutement potentiel. La transformation de cadre

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(frame transformation), enfin, consiste dans une logique de conversion à modifierradicalement les points de vue, croyances ou valeurs des individus de manière àles rendre conformes à ceux de l’organisation. »

Charles Tilly a définit la notion de répertoire d'actions pour expliquer que les mouvementssociaux ont recours à des moyens d'actions prédéfinis, institutionnalisés, « routinisés »pour se faire entendre et faire avancer leurs intérêts. Cependant les registres d'actions desONG restent multiples. Ils diffèrent selon leur histoire, leurs objectifs, leurs cibles, leursactions, mais ils diffèrent aussi au sein d'une même ONG entre différentes campagnes.Sylvie Ollitrault et Denis Chartier, (2006)distinguent six registres d'action principaux :l'action militante de terrain, l'action coup de poing (celle typiquement de Greenpeace pourréveiller l'attention du public et faire pression sur les décideurs), le lobbying direct ou indirect,l'expertise, l'action juridique (le recours au contentieux judiciaire permet de ralentir ou faireannuler une décision administrative) et enfin l'information.

D'une façon différente, Eric Dacheux (2002), distingue les actions de non coopérationpour rejeter une décision (boycott, désobéissance civile, sabotage..), les actions delégitimation publique pour légitimer l'association (pétition, manifestation, marche nationale,recours aux experts et aux procès), les actions directes défensives (occupation, sitin, interposition..), les actions directes offensives pour faire pression et prouver qu'unchangement social est possible, les actions de sensibilisation pour provoquer une prisede conscience nécessaire à toute participation (actions conviviales de bals, ou actionsd'informations de colloques). Cependant pour l'auteur « la notion même de répertoire poseproblème puisqu'elle tend à fixer définitivement une invention sociale quotidienne » (p 135).

Sylvie Ollitrault (1999), explique que le répertoire d'actions des écologistes, a évolué.On est passé d'une « mobilisation de consensus », où l'information est le plus important, à« une mobilisation de l'action » (terme de Klandermans et Oegema), où les campagnessont plus actives et où les médias sont importants. Cela peut être dû à l'émergence desNTIC, à la professionnalisation des ONG, à l'appel plus fréquent aux experts. De mêmepour Eric Neveu (2005), on est passé à une troisièmegénération de répertoire, avec unedimension internationale forte, une montée des logiques d'expertise et aussi une dimensionsymbolique importante avec une mise en scène de l'action. Les ONG s'inscrivent en effetdans une temporalité proche de la télévision c'est à dire, une temporalité immédiate, ce quifacilite la scénarisation de l'action, et l'information spectacle.

2. Les médias et InternetLe mouvement écologiste fait partie des Nouveaux Mouvements Sociaux. Ces dernierssont caractérisés par une rupture avec les actions routinières des syndicats et par unrôle important des médias. Ils privilégient aussi des actions immédiates pour faire évoluerles choses à court terme. Jean Marc Salmon (cité par Jacques Ion, 2005, p 31) parlemême de « médias-association ». En effet les médias sont comme une « caisse derésonance » (Vitral, 2008, p 146) pour relayer le mouvement, les actions et les faire durerplus longtemps. Ils ont aussi une influence sur la façon dont le message est transmis et reçupar les citoyens. En effet pour Mc Combs et Shaw, les médias ont d'abord un pouvoir demise sur l'agenda (agenda setting), ils indiquent les sujets préoccupants, ils hiérarchisentles priorités auxquelles il faut penser. Iyengar et Kinder rajoutent un pouvoir d'amorçage,de saillance (priming), les médias ont une influence sur les critères d'après lesquels l'opinionpublique évalue les problèmes, et enfin un effet de cadrage (framing), qui amène le citoyen

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à attribuer la responsabilité d'une situation à un acteur plutôt qu'à un autre en la présentantsous un angle particulier.

Éric Dacheux (2002 p 129) explique que « le soutien de l'opinion publique est unfacteur qui accroit l'efficacité des actions politiques. Or les médias de masse permettentde s'adresser à l'ensemble des citoyens (...) Dès 1984 Patrick Champagne notait queles résultats politiques d'une manifestation se jouaient dans la rue et les médias ». Onpeut dire qu'il en est de même pour les ONG. Une nouvelle forme de manifestation s'estdonc développée, ce que Champagne appelle des « manifestations de papier». Celles cicherchent à produire du spectaculaire, elles sont explicitement conçues pour les médias etle plus important est la façon dont ces derniers en parlent. Dans ces manifestations, unepart importante est accordée à l'expression des sentiments : la colère, le désarroi... Ce quiexplique que les NMS et notamment le mouvement altermondialiste insistent sur ce slogan :« Don't hate the media be the media ». Comme l'affirme Eric Neveu (2005), les médias nesont pas un simple support mais sont parties prenantes du mouvement social.

Pour ces raisons, les relations avec les journalistes sont très importantes, il estnécessaire de garder le contact, d'installer la confiance. Une base de données avec lescontacts médiatiques doit être mise à jour régulièrement. Il faut aider les journalistes en leurfournissant toutes les informations nécessaires, ainsi que des communiqués ou dossiersde presse. Garrault (2008) nous explique que l'information a plus de chance d'être relayéesi elle est d'actualité, ou d'intérêt général avec un caractère exceptionnel. Il faut en effetapprendre et maitriser les règles des médias.

Cependant l'utilisation des médias peut aussi avoir des effets négatifs. Dans leur courseà l'audience, ils peuvent privilégier le sensationnalisme, les émotions, les images chocs.Dans leurs conditions de travail, ils peuvent passer outre la phase d'investigation qui estpourtant nécessaire pour vérifier les données transmises par les ONG et les différentsacteurs. Les journalistes se recopient ou reprennent les communiqués de presse telsquels sans les contrebalancer par des experts. Tout cela peut conduire à un risque dedésinformation, de plus les médias ne sont pas forcément indépendants. Les associationssont également dépendantes des médias pour l'organisation et le succès de leurs actions.Elles doivent par exemple faire attention à ce que les journalistes aient le temps de publierl'article ou la vidéo avant le bouclage pour qu'on en parle dans le JT le plus rapidementpossible.

La communication des ONG a évolué aussi avec Internet, qui permet un meilleur accèsà l'information, une transmission plus rapide, et une participation accrue. C'est utile pourdiminuer les frais de communication interne, pour monter rapidement des évènementsinternationaux, pour sensibiliser un public plus jeune. Cela facilite les dons en ligne. Internetest vu comme un outil d'information, d'interactivité, comme un relais. C'est donc un espacede débat, de « conscientisation politique » (Vitral, 2008, p 132). On observe beaucoup ledéveloppement de l'hacktivisme, avec la multiplication de manifestations ou de pétitionspar voie électronique. Il permet ainsi de renforcer les listes de diffusion et les échanges.Dans ce sens, il favorise « le désenclavement des luttes » (Sommier 2003 p 198), etle rapprochement des différentes ONG. Avec l'utilisation des multiples réseaux sociaux(Facebook, Twitter..), cela permet de toucher un maximum de personnes et d'être à leurécoute. Les associations ont ainsi leur propre page, créent des groupes. Des réseauxsociaux spécialement écologiques existent aussi, tel que Planète Attitude, lancé par WWF.

Également cela remet en cause les frontières entre « savoirs profanes » et « savoirssavants ». Chantal Aspe, (2009), explique que Internet a permis d'ouvrir un nouvel « espacepublic » au sens d'Habermas, « Cette facilitation de l’accès aux données a conduit les

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Partie I : Importance et spécificité de la communication dans les ONG

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mouvements environnementaux contestataires à produire avec encore plus d’assuranceles controverses nécessaires aux débats auxquels ils participent aujourd’hui de plus enplus.». Cependant l'entretien d'un site Internet nécessite une mise à jour régulière etdes compétences techniques donc un coût d'investissement important. Dacheux (2002)explique ainsi que la majorité des sites des associations ne font que redonner uneinformation qui est déjà disponible sur d'autres supports, notamment papier. De plus, avecInternet, l'ONG risque de perdre le contact direct, humain. Internet doit être un outil maispas une finalité.

Cependant il n'est pas nécessaire de passer systématiquement par les médias. Ilspeuvent être inefficaces, en effet les citoyens n'ont pas toujours confiance en eux, donc ilsne modifient pas forcément leur comportement, ou ne se mobilisent pas plus. Ils peuventaussi avoir des effets négatifs, car ils ont une logique différente que celle des associationset ne sont pas toujours objectifs. Pour Dacheux (2002 p 119) il faut « relégitimer l'espacepublic non médiatique », y accéder en contournant les médias et cela passe selon luipar une approche qui insiste beaucoup plus sur la participation. La communication resteindispensable mais avec des techniques inventives, comme l'utilisation de communicationssymboliques (le détournement de slogans, la parodie...), de mises en scènes (qui passe parle spectaculaire, la victimisation...), de médias alternatifs associatifs, de communicationsdirectes (spectacles, porte à porte..). Toutes ces techniques sont plus créatives et moinsonéreuses.

Nous avons donc pu voir que la communication des ONG s'est renforcée avecl'importance du développement durable dans la société civile. Elle est devenue essentielle.Les stratégies sont spécifiques et plurielles. De nombreuses méthodes existent, elles ontévolué avec la multiplication des ONG, le poids des médias et des NTIC. Il est utile de voirmaintenant, comment ces techniques sont concrètement appliquées.

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Partie II : Deux modèles decommunication : Greenpeace et WWF

Parmi les nombreuses ONG environnementales on distingue souvent les ONG dedialogue et celles plus revendicatrices, qui ont donc des identités, des préoccupations etdes méthodes différentes. Les anglo-saxons distinguent les environnementalistes et lesconservationnistes. Il est ainsi utile de pouvoir les comparer et observer leur stratégie decommunication concrètement. Malgré leur différence, elles réussissent à travailler aussiensemble, ce qui permet de toucher un maximum de personnes.

Chapitre A : Greenpeace : une stratégie decontestation

Greenpeace est l'ONG la plus médiatique en France. Du point de vue de la communication,c'est elle qui est la plus active. Sylvie Ollitrault et Denis Chartier (2006) la classent dansla deuxième vague de mobilisation environnementale, c'est à dire celle des ONG quidénoncent l'accumulation de richesses et une croissance économique incontrôlée, quiprônent un changement dans les relations sociales et politiques comme préalable à larésolution des problèmes environnementaux. Dans ces associations environnementalesplus revendicatives, on classe aussi Les amis de la Terre, Earth First, et Sea Shepherd.Ces deux dernières sont plus violentes, illégales, et réactives. Greenpeace a unrôle considérable dans de nombreux succès pour une meilleure prise en compte del'environnement. Mais c'est aussi elle la plus controversée, notamment en raison decertaines de ses actions. On trouve ainsi de multiples livres et films critiques. Pour BrunoRebelle,2 elle n'est pas une association extrémiste ou violente comme on peut parfoisl'entendre. Elle est juste radicale, c'est à dire qu'elle prend les problèmes à la racine.

1. Présentation de l'ONG

Le mythe fondateurDès l'acte de naissance de Greenpeace, dès son mythe fondateur, les médias sont présents,et sa stratégie d'opposition est adoptée. Jim Bohlen, Irwing Stowe, Paul Cote, sont tous desécologistes de l'association, Sierra Club. Ils sont également quakers, pacifistes, hippies. En1971, à Vancouver, ces aventuriers se regroupent dans le comité « Don't make a wave »pour protester contre les essais nucléaires américains sur le site d'Amchitka en Alaska. Pourempêcher ces essais, ils embarquent à bord d'un vieux chalutier le Phyllis Cormack, avecle capitaine John Cormack, d'autres militants, et des journalistes comme Paul Watson, Bill

2 Entretien réalisé le 18 juin 2010 avec Bruno Rebelle dirigeant de Greenpeace France de 1997 à 2003, directeur des campagnesà Greenpeace International de 2003 à 2006, et actuel directeur de Synergence, agence de conseil en développement durable

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Darnell, Patrick Moore, Lyle Thurston, Dave Birmingham, Terry Simmons, Richard Fineberg,Robert Hunter, Ben Metcalfe, Bob Cummings et Bob Keziere. Leurs femmes restent àVancouver pour relayer leurs actions auprès des médias très intéressés. Greenpeace estnée. Bruno Rebelle dit que c'est « l'élément structurant du mode opératoire » de l'ONG (citépar Ravignan 2003, p 87). En effet cet événement est souvent rappelé pour prouver leuractions pacifiques, médiatiques.

Les textes de référence de Greenpeace sont le discours du Chef Sealth et surtout letexte de Willoya et Brown " Warriors of the Rainbow : Strange and prophetic dreams of theIndian people". Ce dernier identifie un modèle de vie où l'homme vivrait en harmonie avecla nature. L'idéologie de l'association s'inspire aussi des quakers. Ceux-ci sont considéréscomme des objecteurs de conscience, qui partagent une philosophie où il est important detémoigner même contre son voisin, si son action nuit à l'ensemble de la communauté. Ilsavaient déjà en 1952 envoyé un bateau pour empêcher l'explosion d'une bombe. Ils utilisentbeaucoup le bearing witness. Truchet (2005 p 37) nous explique que cela consiste "à portertémoignage en menant une résistance passive qui nécessite d'aller sur le lieu d'une activitécritiquable et de marquer son opposition par sa simple présence".

Bob Hunter, journaliste et premier président de l'association en 1973 s'inspire pour sastratégie de communication d'une théorie de Marshall Mac Luhan. Pour cette théorie « lemédia c'est le message », ce n'est pas le contenu qui affecte la société, mais le canal detransmission lui-même. Le plus important c'est la forme prise par le média qui influence nossens, le contenu du message peut ne pas avoir la même signification en fonction de la façondont il est transmis. De plus le média permet de transmettre un message d'un émetteur à unrécepteur beaucoup plus rapidement et plus loin. Pour Bob Hunter en utilisant les médias,en relayant des images chocs, on peut rétrécir le monde à un village global et provoquerune prise de conscience, il parle de "mind bombing", de bombe mentale.

Le fonctionnementGreenpeace est une association internationale. Depuis 1979, elle a 28 bureaux nationaux,et est présente dans 50 pays, aujourd'hui elle a 3 millions d'adhérents, dont 125000 en France. D'un point de vue organisationnel, elle comprend plusieurs services :finance-administration ; collecte de fonds et marketing ; communication-médias ; action-campagnes ; gestion des navires ; coordination et politique. Elle agit dans plusieursdomaines, avec un responsable de campagne pour chaque thème (un "campaigner").Elle lutte pour la protection des océans et des forets, contre le réchauffement climatiqueen promouvant des énergies renouvelables et l'abandon des combustibles fossiles, pourle désarmement nucléaire et l'élimination des substances chimiques toxiques et pour laprévention contre les OGM. Ses valeurs sont l'indépendance financière et politique, lanon violence, le contre pouvoir, la présence internationale. Greenpeace est plus prochede la théorie de la décroissance que du développement durable, elle est favorable à unerévolution verte radicale. Le directeur actuel de Greenpeace France est Pascal Husting.

Le logo de Greenpeace a été créé en 1972 par le fils de Jim Bohlen, la couleur verteest symbolique, ainsi que le nom de l'organisation qui regroupe ses deux intérets, la paix etl'environnement. Tous les bureaux nationaux, en principe, doivent utiliser ce modèle avec lamême typographie. Le slogan de Greenpeace change parfois selon les campagnes, maiscelui " Greenpeace, des solutions existent" est fréquent.

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Site de GreenpeaceLe service communication de Greenpeace France est composé de dix membres

répartis en deux pôles, un pour le web, un pour les médias. Il n'y a pas de budgetcommunication à proprement parler. Il est inclus dans celui d'une campagne spécifique. En2009 Greenpeace France avait un budget de 10,6 millions d'euros, 58% des dépenses sontaffectées aux campagnes, 10% aux frais administratifs, 32% à la collecte de fonds (chiffrespubliés par Greenpeace dans son rapport financier annuel de 2009). Dans les dépensesde campagnes, c'est la campagne climat et énergie qui absorbe le plus de ressources. Lacommunication se fait en coordination avec les chargés de campagne, le service action, leservice collecte de fonds. Ils réfléchissent ensemble aux objectifs et actions possibles. Lacommunication se fait dans le cadre d'un programme, d'une campagne. Elle est choisie enfonction des moyens, des compétences, de la visibilité...

Ils n'agissent pas sur n'importe quel sujet. Pierre Kohler (2008) explique bien que, MacTaggart le fondateur de Greenpeace International et son dirigeant de 1979 à 1991, a édictéplusieurs principes. Une campagne ne peut commencer sans un réel objectif clair et défini,elle a lieu seulement s'il y a une chance de succès et si on a l'intention d'aller jusqu'au bout.De plus il faut que l'impact sur l'environnement soit important et mondial.

Les étapes d'une campagneYannick Jadot, ancien directeur des campagnes, explique sur le site Internet de l'ONG lesdifférentes phases d'une campagne. Il y a une première étape d'identification du problème,de documentation, d'expertise, puis une deuxième, de diffusion de l'information, ensuite unetroisième de discussion, de lobbying. Si cela échoue la dernière phase est la confrontation,qui nécéssite une préparation importante, et par la suite un retour de l'information et unevalorisation auprès des donateurs.

Pour la première étape d'investigation ils s'aident d'un réseau important d'informateurs,leur permettant d'être au courant rapidement de documents confidentiels, ainsi que d'unréseau de scientifiques, d'experts, qui leur donnent plus de légitimité. Ces derniers, censésêtre compétents et impartials, peuvent écrire des rapports, intervenir lors de conférences.Le but est donc d'analyser, de vérifier les impacts écologiques.

Pour la deuxième phase de mobilisation, Greenpeace envoie des communiqués depresse aux médias, et des messages simples et chocs au grand public. Les groupes locauxrelaient la campagne à leur échelle.

Ensuite la troisième consiste à faire pression sur les décideurs politiques et industriels,en dénoncant les risques qu'ils engendrent, en les alertant et en proposant des solutions.Cela peut passer par des actions en justice en cas de non respect des réglementations.

Dans toutes ces étapes, on peut observer le poids important de la communicationpour l'ONG. Celle-ci a possédé pendant longtemps un bureau spécialisé Greenpeacecommunication à Londres. Ce bureau est une bibliothèque, une archive des photos et vidéossur l'ONG. Il comprend un studio de montage et d'enregistrement, il peut transmettre desimages par satellites.... Cela permet de fournir clés en mains les informations aux médias,

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de se substituer à eux, et de contrôler toutes les images et paroles. En effet elle maîtrisetoutes les étapes du montage à la diffusion. Les militants eux mêmes sont encadrés quandils parlent aux journalistes pendant une action. La communication interne est elle aussicontrolée puisqu'il existe un réseau de transmission interne Greenlink sur les ordinateursqui permet de relier tous les bureaux par des codes secrets et de recevoir des messagesde Greenpeace International. Toutes ces précautions peuvent peut être s'expliquer par lacrainte d'être infiltrée, et de nuire à la réussite d'une action et par la volonté de donner uneimage positive de l'association.

Greenpeace France est souverain sur ses documents de communication. Souventla même stratégie est reproduite avec un visuel fort, un texte militant, des argumentsscientifiques. Le choix des mots et du visuel est important. Il faut un message percutant,court sur des banderoles. Il faut des images choc pour jouer sur les émotions, et rendreplus concrets les problèmes, ainsi qu'un visuel facile à reproduire et fédérateur. C'est le casdu badge "OGM j'en veux pas", ou celui du thon rouge "touche pas à mon thon". Les deuxont eu beaucoup de succès, il n'y a pas le nom de Greenpeace dessus, les citoyens ont puse l'approprier. Les badges sont très demandés par les bénévoles pour pouvoir distribuerquelque chose aux citoyens.

Site de Greenpeace

2. Les actions médiatiques et les autres méthodesC'est la quatrième étape de la stratégie de campagne. Greenpeace pour contester, organisedes actions directes non violentes et médiatiques. Elle est fortement connue pour cela.Sa grande liberté d'expression, en raison de son indépendance financière et politique, luipermet ce mode d'actions. C'est une forme de désobéissance civile, puisque l'associationpeut aller au delà de la légalité, mais toujours en faveur d'une cause légitime.

Sur son site Internet l'association se justifie : "Le cycle investigation,argumentation, information, concertation,devrait suffire, mais la plupart dutemps il est indispensable de forcer le débat, d'obliger les acteurs à reconnaître

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leurs méfaits et d'imposer la prise en compte de certaines considérationsenvironnementales. Les actions de confrontation font la spécificité deGreenpeace et montre sa détermination à ne pas nous laisser faire. La dimensionmédiatique et spectaculaire de ces actions est utilisée à dessein comme unmoyen."

Ainsi pour Truchet (2005 p 43) Greenpeace développe des "pseudo événements", termede Jean Charron pour désigner "une action symbolique dont la raison d'être est la diffusionpublique d'un message qui passerait difficilement la rampe sans le geste d'éclat quil'accompagne". C'est en quelque sorte comme une publicité pour eux.

Elle a accru sa notoriété dès 1975 avec sa lutte contre la chasse à la baleine à bordde zodiacs....Elle a en effet une force maritime avec trois grands navires (l'Arctic Sunrise,l'Esperanza, et le Rainbow Warrior II), la mer est son milieu de prédilection. Pour EricDacheux, les bateaux de l'association constituent même une sorte de médias alternatifs,ils sont des portes paroles, des "bureaux itinérants d'information et de propagande" (1997,p195), permettant de relayer les campagnes ou les actions.

Cependant cela est très organisé. Ces actions n'interviennent qu'à la fin, après desrencontres, des discussions quand les autres solutions ont été épuisées. Bruno Rebellel'explique : "les actions de confrontation ne représentent que 10 à 15% de notre temps detravail et absorbent 20 à 25% de notre budget" (cité par Antoine de Ravignan, 2003, p89).Nadege Fréour (2004), explique que ce genre d'action rentre dans ce qu'appelle Eric Neveu,le répertoire d'actions de 3éme génération, que l'on a vu dans la première partie. La miseen scène, le symbolique y est plus important que le nombre de manifestants. Selon Vitral(2008, p 152), "Greenpeace est spécialiste dans l'étude des critères de newsworthyness(valeur d'information) à partir desquels les journalistes définissent les événements quiméritent d'être diffusés". Pour Sylvie Ollitrault et Denis Chartier (2002), Greenpeace grâceà sa maitrise des moyens de communcation, de transport, peut agir simultanément à toutmoment et n'importe où pour influer sur les décisions des instances internationales sansêtre limitée par des contingences spatiales ou temporelles.

L'organisation concrète de ces missions se fait dans le plus grand secret et encoordination avec plusieurs services. Les militants activistes sont formés physiquement etpsychologiquement pour avoir le comportement approprié face à la police et aux médias,pour savoir comment s'enchainer... En effet Greenpeace a créé en 1995 aux Etats-Unis, la"Ruckus society", la société du chahut, pour préparer les mobilisations avec des ateliers,pour apprendre à escalader, à afficher des banderoles, à former des chaines humaines.Elle donne des conseils juridiques ainsi que les bases du secourisme. Ces militants dedifférentes nationalités sont au courant à la dernière minute de leur mission pour éviter desinfiltrations et pour plus de surprise. Ces actions sont véritablement mises en scènes pourpermettre plus de médiatisation et de pression sur l'adversaire. Le but est de faire éclater lescandale. On a une vision manichéenne, David contre Goliath, le bien contre le mal, avecun adversaire bien précis, comme cible. C'est la technique du "targeting", du ciblage, ouencore de l'étiquettage. Le principe est de définir un acteur comme déviant pour l'inciter àchanger. Ils utilisent le contexte, par exemple avant un G8, avant une réunion déterminantesur le sujet, avant des élections... Les actions sont nombreuses et diverses, on peut citerun exemple récent .

L'exemple du nucléaire

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Greenpeace a toujours été actif contre le nucléaire. En raison de son histoire, de sanaissance, ses premières actions sont liées au nucléaire. Et la France a été une cibleimportante de Greenpeace. On peut juste rappeler le fameux scandale du Rainbow Warrioren 1985 où les services secrets français font couler à Auckland le bateau de Greenpeace,qui manifestait contre les essais nucléaires à Mururoa. Suite à ce scandale une campagneanti Greenpeace a lieu en France et le bureau Français de l'organisation est fermé de 1987à 1989. En 1987, la France versera 8 millions d'indemnités à Greenpeace.

De janvier à avril 2010 Greenpeace bloque des trains chargés de déchets nucléairesfrançais qui partent de l'usine de retraitement de Tricastin en Drôme jusque Le Havre ouCherbourg, puis sont exportés par bateau en Russie. Les militants s'enchainent aux voiesferrées, aux portes des usines, affichent des banderoles "la Russie n'est pas une poubelle",ils manifestent aussi en Russie et en mer, les bateaux de l'association tentent de gêner cetraffic. Des militants dans plusieurs villes ont aussi amené symboliquement leurs déchetsdevant les usines Areva et EDF. Greenpeace demande un moratoire sur les exportationsde matières nucléaires, et sur le site Internet on peut signer une pétition adressée à JeanLouis Borloo, ministre de l'Environnement et de l'Energie. Il y a aussi plusieurs vidéos,une explicative avec des schémas, et une où une militante activiste lyonnaise expliqueles actions de Greenpeace et appelle au soutien de la population. Cela personnalise lemessage. Cette activiste envoie des messages régulièrement pour avertir des nouvellesactions. Fin mai, Areva décide d'arréter prématurément le transport de ces déchets. Un mailde Greenpeace rappelle toutes les actions de l'année. L'ONG se félicite de sa mobilisationpendant toute l'année, relayée par la diffusion en octobre 2009, de l’enquête de LaureNoualhat et Éric Guéret, « Déchets : le cauchemar du nucléaire », cela a permis de relancerla polémique. N’obtenant aucune explication satisfaisante de la part d’Areva, le ministre del’Écologie et de l’Énergie a saisi le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur laSécurité Nucléaire HCTISN qui a ouvert une enquête. Greenpeace considère qu’exporterces déchets en Russie est contraire à loi russe sur la protection de l’environnement datantde 1989 qui interdit les importations de déchets nucléaires. Mais aussi à la directiveeuropéenne de 2006, relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchetsradioactifs et de combustible nucléaire usé.

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Pierre Gleizes site de GreenpeaceCe type de communication a permis d'importants succès à l'organisation, qui suscite

une certaine crainte. Ainsi des industriels préfèrent "prévenir que guérir" et se rapprocherde l'organisation. C'est une communication qui est beaucoup plus réactive et efficace. Ilspeuvent sortir une campagne la veille pour le lendemain en raison de leur fonctionnementà l'anglo saxonne pyramidale où l'éxécutif a un pouvoir fort et n'est pas dépendant d'unConseil d'Administration.

La capacité d'expertiseLes actions médiatiques ne suffisent pas. Greenpeace a beaucoup développé sa capacitéd'expertise, pour proposer des alternatives, pour prouver ce qu'elle dénonce. Pour celaelle a du faire appel à des personnes extérieures à l'organisation, des juristes, maiségalement des centres de recherches indépendants. Pour être crédible et convaincantevis à vis des dirigeants, la seule sensibilisation ne suffit pas, elle doit avoir un messagescientifique. Mais vis à vis du grand public ce discours doit être vulgarisé un minimumpour être compréhensible. Il faut pouvoir être pédagogue et expert simultanément. Chartieret Ollitrault (2006 p 108) insistent bien sur les ONG et leur "rôle de traduction desproblèmes environnementaux en un langage scientifico militant qui les légitime". De mêmeles médias sont attirés par les actions spectaculaires, originales, mais ils réclament aussides arguments construits. Ainsi comme nous explique Gérald Gallet (2002) l'expertiseest devenue un outil de l'activisme environnemental hybride de Greenpeace. Car celle ciapporte une crédibilité qui est nécessaire au préalable à tout activisme. Cette nécessité peutexpliquer en partie la professionnalisation de l'ONG mais fait émerger des conflits internes.

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Car pour beaucoup la force de Greenpeace est dans sa différence avec les autres ONG,dans sa capacité à scandaliser, à réaliser des actions spectaculaires .

Les groupes locauxUne autre forme de communication se réalise grâce aux groupes locaux que l'associationpossède dans toute la France et qui servent de relais des campagnes nationales. Ils n'ontpas de statut juridique ni de ressources financières autonomes et sont fortement encadréspar le siège national. Ils doivent s'aligner sur les campagnes, les méthodes, les supports decommunication fournis par le bureau de Paris. A l'opposé des méthodes managériales dece dernier, les groupes locaux sont censés avoir une image plus artisanale, plus spontanée,pour incarner et mobiliser la société civile, développer un sentiment de proximité, prouverque Greenpeace est bien enracinée localement. En effet c'est un moyen de montrer lalégitimité de l'association, comme quoi elle est soutenue par des citoyens prêts à semobiliser pour elle, à faire signer des pétitions, à distribuer des tracts, à tenir des standsd'informations...

La communication de Greenpeace a aussi évolué, plus professionnelle, plusinstitutionnelle. Elle s'est éloignée des actions spontanées d'hippies pour devenir une"multinationale verte". Cette évolution s'est renforcée avec l'arrivée au pouvoir deGreenpeace International de personnes venant du milieu de l'entreprise. Thilo Bode en 1995et Gerd Leipold en 2001. L'ONG a accepté son rôle non seulement de contestataire maisaussi de lobbying. Thilo Bode affirme ainsi "nous sommes un groupe de pression politique,pas une association de randonneurs. En faisant participer plus de personnes aux décisions,les buts de l’organisation seront rapidement pervertis" (cité par Antoine de Ravignan, 2003,p88). Ainsi elle participe à des conférences internationales, elle a un bureau européenà Bruxelles, un poste d'observateur aux Nations Unies, elle a participé au Grenelle del'Environnement .

3. Les limites et les critiques de la communication de Greenpeace

Avec cette évolution, l'image de l'organisation est brouillée, certains fondateurs ne sereconnaissent plus en elle, et des dissensions internes existent. C'est le cas de BennettMetcalfe, (cité par Kohler, 2008) qui explique avoir "vraiment l'impression d'avoir créé unmonstre, d'être un peu comme le docteur Frankeinstein". Paul Watson un autre fondateur deGreenpeace a aussi quitté Greenpeace car il ne la trouvait pas assez radicale. Il crée ainsiune organisation dissidente, la Sea Shepherd en 1977, celle ci est plus violente concernantla lutte contre la chasse à la baleine, aux phoques, aux requins, aux dauphins.

Par son fonctionnement hiérarchisé, elle peut être vue comme non démocratique.Même si le directeur a beaucoup de pouvoirs, il ne doit pas faire de l'ombre à l'organisationglobale. La communication ne doit pas être personnalisée autour de lui. Adélaïde Colin3

nous explique que Greenpeace International est important, mais il reste un coordinateurqui supervise les campagnes communes, qui s'occupe de la flotte, qui centralise lesinformations et la communication, qui a un certain contrôle sur les bureaux. Mais, lesbureaux nationaux ont de l'autonomie, et ils peuvent s'exprimer à une assemblée généraleannuelle. Certains bureaux ont plus de poids que d'autres, (Greenpeace Allemagne, PaysBas, Royaume Uni, États Unis). Ayant plus d'adhérents, ils participent donc plus aufinancement de Greenpeace International et bénéficient de voix plus importantes. Les

3 Entretien avec Adélaïde Colin, directrice de la communication de Greenpeace réalisé le 18 février 2010

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groupes locaux sont beaucoup moins autonomes, ils ne peuvent pas décider de faireune campagne purement locale mais ils peuvent quand même avoir des initiatives. Cettestructure est aussi justifiée dans un souci d'efficacité et de cohérence.

Ensuite et cette critique nous intéresse plus car elle porte sur la communication,certains lui reprochent de manipuler les images et les faits. Yves Lenoir, ancien membre deGreenpeace explique que « Greenpeace peut créer de toute pièce une affaire à partir d'undossier vide ». Il critique le fait que Greenpeace soit « une machine à faire du fric. A partirdu thème de la survie de la planète, on organise des mises en scène, on filme, on médiatiseà mort. Et la monnaie suit » (cité par Olivier Vermont, 1997, p241). Un cinéaste islandaisMagnus Gudmunsson, opposant zélé, a sorti un premier documentaire en 1989 Survivalin the high North et un second en 1993 The Rainbow man . Dans lesquels il dénoncepar exemple le fait que les scènes de chasse aux phoques filmées par Greenpeace sonttruquées, mises en scènes et réalisées avec l'accord des chasseurs.

Chapitre B : W WF : une stratégie de dialogueWorld Wide Fund for nature est la première ONG environnementale mondiale en termed'adhérents, elle fait partie des ONG conservationnistes, coopératives.

1. Présentation et fonctionnement de l'ONGWWF est créé en 1961 par Sir Julian Huxley et Max Nicholson. Il est présent dans100 pays. WWF France est créé en 1973, il a 160 000 donateurs, un budget de 10,4millions d'euros, et sept relais régionaux en France. C'est une association scientifiquedont le but au départ était la sauvegarde des espèces et des milieux naturels menacés,puis elle s'est élargie à la conservation de la nature. Elle est financée à 60% par sesdonateurs privés, et le reste par ses activités commerciales de promotion, des subventionsgouvernementales, des partenariats avec les entreprises. C'est une ONG beaucoup pluscoopérative avec les entreprises, les puissances publiques, et qui accorde une placeimportante à l'éducation. Elle fait ainsi partie des associations de lobbying, avec uneexpertise reconnue et une présence importante dans les colloques, conférences... SylvieOllitrault et Denis Chartier (2002) la classe dans la première vague environnementaleavec des ONG conservationnistes caractérisées par l'acceptation de l'ordre sociopolitiquedominant et par des objectifs consensuels. Elle intervient dans les domaines suivants :forêts, océans et eau douce, espèces menacées, changement climatique, mode de viedurable, outre mer, pollutions chimiques, ...

De plus WWF a comme objectif de modifier le comportement des entreprises etdes institutionnels mais sans remettre en cause les fondements de l'économie libérale.Elle alerte sur les effets négatifs de la mondialisation mais ne propose pas un modèleéconomique alternatif, à l'opposé par exemple du mouvement altermondialiste. DenisChartier (1997) explique que « pour elle, il doit être possible avec le système économiqueactuel de conserver la nature ou de la réhabiliter pour la remettre dans son état originelmythique quelque soit les sacrifices exigés des populations locales ». Il rajoute égalementque « une majorité des membres du conseil de la fondation est constituée de représentantsdes secteurs de l'industrie, des relations publiques, et de la communication. Les différentsdécideurs de la stratégie annuelle du WWF s'avèrent être en lien étroit avec le monde des

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affaires ». En effet quand on regarde la liste des responsables du WWF on trouve très peude militants écologistes de terrain mais plutôt des anciens PDG de multinationales, deshommes d'affaires, des diplomates, ou encore nombreux sont les scientifiques... Exceptépour la présidente actuelle de WWF France, Isabelle Autissier, ancienne navigatrice. Ledirecteur général est Serge Orru qui vient du monde de l'entreprise. Mais Greenpeace n'agitpas si différemment que cela. Elle recrute elle aussi des personnalités issues du businesscomme le président actuel Robert Lion, ancien énarque et directeur de la Caisse des dépôtset des consignations ou Pascal Husting, actuel directeur qui travaillait dans l'audit et leconseil.

WWF France est plus indépendant du bureau international que Greenpeace et peutdévelopper des campagnes totalement autonomes, (environ 20% des campagnes de WWFFrance sont purement françaises). L'international fournit un cadre. Le travail est collectifavec les chargés de campagne, pour déterminer les objectifs, les tonalités des messages,les mécanismes d'actions. Une première phase se déroule après une investigation, avecune alerte, un visuel fort, un relais sur Internet. Puis, après cette révélation, l'ONG vaproposer des solutions. Elle se veut donc plus coopérative et informative. Son rôle delobbying est important.

Le logo de WWF est le panda et son slogan est « pour une planète vivante ». Le choixdu logo est lié à l'espèce animale menacée. Pour ces 35 ans en 2009, WWF France aconfectionné 1600 pandas en papier mâché (autant que ceux vivant encore sur la Terre),et les a exposés sur le parvis de l'Hôtel de ville à Paris. Ils ont fait aussi un tour de France,puis ont été vendus. Le panda est ainsi l'icône du combat pour la biodiversité.

Source : www.marketing-alternatif.comsite de WWF

2. La communication de WWF : Internet, la marque, les évenements,les partenariats

Le service communication de WWF France comprend 11 salariés. Son but est de développerla notoriété de l'ONG, d'illustrer ses projets et de créer du débat public par l'investigation.Le service communication est chargé de tout ce qui relève de la publicité, du graphisme,

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de l'événementiel, d'Internet, de la presse, des partenariats, de l'audiovisuel, de ladocumentation... Le service a un budget de 600 000 euros par an, dont 18% va à Internet.

L'association est très présente sur Internet à travers son site mais également lesréseaux sociaux, et des sites parallèles. C'est le cas d'un site ludo-pédagogique pour les6/12 ans, clubpanda.fr. Elle a également mis en place en collaboration avec une agencede communication un réseau social 100% vert, une communauté éco-citoyenne, planète-attitude.fr, qui permet plus de convivialité et de partage, avec un agenda des événements,des débats, des vidéos... Internet permet de faire participer les gens, qu'ils soient eux aussides relais de l'information, des acteurs de la contestation. C'est une force de frappe lors depétitions, ou de mobilisation. Cependant il faut d'abord que le thème soit médiatisé.

Il y a aussi une E-Boutique puisque WWF vend des produits éco-conçus. De nombreuxlivres sont proposés, comme Planète vivante pour les 35 ans de l'association vendus à12000 exemplaires, mais aussi Planète cuisine. L'association a créé aussi des mallettes dejeux, Planète Enjeux pour les enfants, ainsi que des packs adoption d'espèces protégéesqui permet de transformer chaque don en geste localisé et quantifiable. Les produits dérivésrelèvent d'un service différent purement marketing.

Mais la marque WWF est maintenant en France suffisamment puissante. JacquesOlivier Barthes 4 nous explique ainsi que l'on est passé d'une communicationinstitutionnelle pour assurer la notoriété de la marque à une communication plus thématiqueorientée sur les réelles problématiques environnementales.

Enfin elle est aussi à l'initiative de plusieurs actions de communication, de campagnequi sont peut être moins spectaculaires que Greenpeace mais qui existent quand même,nous les verrons dans notre partie comparaison avec le cas du thon rouge et du climat.Elle organise aussi des évènements comme le Pandathlon. C'est un défi sportif dont lebut est de récolter des fonds, c'est une marche solidaire en faveur de la biodiversité.L'argent collecté bénéficie aux programmes de conservation de l'association portant surles éco-régions alpines et méditerranéennes. L'enjeu est de favoriser un écotourisme,uneéducation à la conservation de la biodiversité. L'évènement est conçu dans un soucide respect de la nature et de maîtrise de son empreinte écologique. Les participants paréquipe doivent collecter des dons au profit de l'ONG avant le départ, et signer une charteenvironnementale. Le Pandathlon a eu lieu les 22 et 23 mai 2010, lors de la journée mondialede la Biodiversité, au Mont Ventoux. Cette montagne est déclarée réserve naturelle debiosphère par l'UNESCO et fait partie du réseau Natura 2000. Cela a été un succès,regroupant 53 équipes de 4 personnes, avec de nombreuses entreprises participantes,dans une ambiance conviviale. Grâce à cette mobilisation, 90 000 euros ont pu êtrerécoltés. La communication événementielle est particulière. Car WWF a lancé un appelà candidature six mois avant l'événement qui était une nouveauté. Ils sont donc partisde zéro. Mais ils répondaient à une demande de la part des sympathisants qui voulaientagir pour l'environnement autrement qu'en faisant simplement un chèque. De plus c'est unchoix stratégique de communication pour optimiser l'efficacité du message, cela permet demarquer les esprits et de privilégier une relation directe.

Profitant de l'année 2010, déclarée année de la biodiversité, WWF réalise durant l'été2010 une exposition en plein air à Paris, intitulé Naturel Brut. C'est un parcours dansplusieurs lieux de la ville, présentant des œuvres d'art de plusieurs artistes sur le thèmede la biodiversité.

4 Entretien avec Jacques Olivier Barthes, directeur de la communication de WWF, réalisé le 19 mars 2010

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Dans l'organisation de ces évènements importants, dans la production de ces livres etproduits dérivés, l'association sait s'entourer d'autres ONG, ou de partenaires multiples, desinstitutions, des entreprises. WWF est parrain d'autres actions, ou de films. C'est le cas parexemple du film 600 Kilos d'or pur d'Eric Besnard, qui correspond tout à fait à la campagnede WWF contre l'or illégal. En échange de visibilité sur l'affiche du film, WWF lui fait dela promotion tout en faisant écho à sa propre campagne. Ce type de sponsoring est unerentrée d'argent intéressante.

Ainsi même si WWF est moins connu que Greenpeace pour réaliser des actionsspectaculaires médiatiques, l'ONG réalise quand même des évènements de grandeampleur mais qui sont beaucoup plus dans l'information, la sensibilisation que dans larevendication. Greenpeace n'a pas de partenariats suffisants pour organiser un défi sportiftel que le Pandathlon à part quand elle se rallie à d'autres ONG. Nous verrons plus loin lecas de la Fondation Ultimatum Climatique avec l'organisation d'un concert commun. Parcontre Greenpeace a la réactivité suffisante pour réaliser des grandes mobilisations ou desflashmobs (une mobilisation éclair, un rassemblement d’un groupe de personnes dans unlieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, souvent par Internet, avant dese disperser rapidement.)

Chapitre C : Éléments de comparaisonWWF et Greenpeace sont différentes, par leurs identités, leur choix de campagne, leursméthodes de communication. Nous avons déjà pu voir à travers la présentation et lefonctionnement des ONG qu'elles différaient. Mais il peut être utile de voir ces spécificitéssur un exemple concret : comment elles communiquent sur le thon rouge. De plus il est aussiimportant de voir qu'elles réussissent à collaborer sur des projets communs en partageantles mêmes objectifs, cela a été le cas lors du Sommet de Copenhague.

1. Des identités et des préoccupations différentes

Tout cela peut être lié à leur propre histoire. WWF est créé par des naturalistes dansun but d'abord de conservation de la nature. Cela se voit par le choix de leur logo, lepanda, espèce menacée qu'ils ont défendu dès le début, et leur slogan « Pour une planètevivante », qui traduit correctement leur souci de biodiversité. WWF agit à l'origine pourla sauvegarde de la biodiversité, des espèces, mais aujourd'hui elle intervient dans denombreux domaines. Cependant, par exemple, elle ne lutte pas contre le nucléaire, malgréson opposition, mais elle n'a pas de campagne précise sur le thème de l'énergie. Elle n'aainsi contrairement à Greenpeace pas tellement communiqué sur la marée noire survenueaprès l'explosion de la plate forme pétrolière de BP dans le Golfe du Mexique en avril 2010.WWF n'a pas non plus de campagne contre les OGM même si elle y est opposée. Elles'investit plus sur le thème plus large des modes de vie durables. Elle a fait par exempleune campagne sur le bio à la cantine.

Greenpeace, dès son mythe fondateur, initie un mode d'action de confrontation, etce mode est conservé par les dirigeants successifs. Greenpeace est créée pour uneaction précise, empêcher les essais nucléaires puis sauvegarder les baleines. Ce sont sescampagnes historiques. Puis par la suite, l'ONG élargit ses actions à de nombreux thèmes

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environnementaux : le climat, la déforestation. Par contre elle n'agit pas en faveur de labiodiversité. Le thon rouge est ainsi le symbole de la surpêche et permet de revendiquer lacréation de réserves maritimes. L'Orang-Outang est lui le symbole de la déforestation. Sonlogo allie justement ses deux préoccupations le vert pour la défense de l'environnement, etla paix puisque ces fondateurs étaient pacifistes et opposés au nucléaire. Son slogan « dessolutions existent » explique son opposition et sa recherche d'alternatives.

C'est une sorte de « culture d'entreprise » qui est ancrée dans chaque ONG, avecleurs idéaux, leurs messages, leurs objectifs, leurs cibles, leurs actions... Même si lesmoyens utilisés, les répertoires d'actions vus précédemment peuvent se rapprocher, leur« philosophie » diffère. Greenpeace privilégie les actions pour dénoncer. WWF utilise lescampagnes publicitaires pour sensibiliser et informer, et les partenariats avec les pouvoirspublics pour chercher des solutions. Greenpeace a une communication beaucoup plusciblée sur la campagne. Celle de WWF est une communication plus institutionnelle, demarque, et également de lobbying ou d'expert. Même si cela évolue c'est encore fortementmarqué. Mais de façon générale les ONG ont multiplié les campagnes publicitaires nonseulement dans l'objectif de collecter des dons mais dans celui de se faire connaître,de développer leur marque institutionnelle. Au niveau d'évènements comme le SalonPrimevère de Lyon de Janvier 2010, on voit tout de suite les différences de communication.Sur le stand de Greenpeace on trouve beaucoup de tracts, de pétitions ainsi qu'unepersonne chargée de recruter des adhérents, sur celui de WWF il y a beaucoup de produitsdérivés, de livres.... Greenpeace France investit très peu dans la création de produitsdérivés, seulement pour des occasions particulières, (comme des T-shirts pour le Sommetde Copenhague). Greenpeace Hollande par contre possède un magasin à Amsterdam.

Jacques Olivier Barthes du WWF, nous explique la différence des modes d'action,selon lui WWF va d'abord interpeller, rechercher des solutions et le dialogue, et l'actionest vraiment la dernière phase. Greenpeace est plus dans la dénonciation, l'indignationet l'action plus radicale. En résumé WWF est dans la coopération, Greenpeace, dans laconfrontation. Et cela se voit aussi dans leurs relations avec les entreprises.

2. Des moyens différents

Les relations avec les entreprisesWWF est connu pour ses partenariats avec les entreprises, ceux ci permettent un partagede compétences, de réseau. L'entreprise peut bénéficier d'une meilleure image, en externemais aussi en interne, cela lui permet de mobiliser ses salariés. En effet les entreprisessont de plus en plus nombreuses à pratiquer le parrainage, le mécénat, le sponsoring.Cela est lié à une demande sociale. On souhaite que les entreprises s'engagent dans lechamp politique, social, environnemental, et se préoccupent des causes d'utilité sociale.Les entreprises se rapprocheraient ainsi du comportement des ONG. Elles ne peuventplus se contenter d'énoncer de grands principes en faveur de l'environnement, les citoyensattendent des résultats concrets, elles doivent donc utiliser des indicateurs de performanceprécis pour prouver leurs actions. De plus les entreprises, pour pratiquer leur politique dedéveloppement durable, ont besoin de compétences qu'elles n'ont pas forcément. Ellesnécessitent donc de l'aide et des conseils des ONG.

L'ONG peut aussi bénéficier de ces partenariats, par un meilleur financement etune plus grande influence. Cela lui permet aussi de mieux surveiller l'entreprise face auGreenwashing, littéralement le blanchiment vert. En effet de nombreuses entreprises font

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des partenariats et de la publicité en se disant verte mais en réalité, cela est simplementpour améliorer leur image et non pour changer de pratiques.

WWF a un souci de transparence et d'exigence : il publie un rapport sur ses partenariats,réalise des études, participe à des plateformes, définit des objectifs. Il organise même dessessions de formation « au management de la relation entreprises/ONG », proposées auxresponsables d'ONG ou d'entreprise. Et ses partenaires relaient ses campagnes. WWFbénéficie des supports de communication des entreprises pour émettre ses messages,ainsi que de leur réseau, cela permet donc d'accroitre la diffusion de son message. DanielRichard, ancien président de WWF France, qui est aussi PDG des Galeries Lafayette, nousexplique que « Greenpeace est le bras armé de l'environnement, nous en sommes le brasjuridique. Mais nous nous partageons le travail » (cité par Pierre Auger, 2004, p 132). Maisest ce que cela ne brouille pas l'image de l'ONG, peut elle continuer à être critique tout enétant partenaire?

Pour que le partenariat réussisse, il faut quelques conditions. Il doit être stable etréel pour permettre de motiver les employés de l'entreprise, de médiatiser une nouvelleimage. Les deux partenaires doivent s'impliquer et avoir confiance en l'autre, mais restentindépendants. L'ONG garde sa capacité de dénoncer. Cela peut être vu comme une façonde labelliser les entreprises mais aussi de pouvoir les influencer. Mais c'est surtout un moyenqui répond au besoin de l'ONG de diversifier et d'augmenter ses ressources.

Greenpeace, à l'opposé, est contre ces partenariats, car elle veut sauvegarder à toutprix son indépendance et sa liberté de parole. Elle craint la promiscuité avec ses « ennemis »et la confusion de genres. Mais en même temps, à force d'être radicalement opposée,elle peut être exclue et marginalisée de toutes les négociations et coopérations entre lesdifférents acteurs. Aussi a t elle évolué et accepté certaines « coalitions temporaires »,selon l'expression de Thilo Bode. Ce fut le cas par exemple avec une entreprise allemandepour créer en 1992 un réfrigérateur écologique, le Greenfreeze, ou en 1995 pour créer unevoiture écologique, la Gringo. Elle a également signé à Johannesburg en 2001 une allianceavec le World Business Council for Sustainable Development, qui regroupe des entreprisess'engageant en faveur du développement durable.

Les sites InternetLes méthodes utilisées sont également différentes, nous pouvons l'observer à traversl'usage d'Internet et du magazine.

Le site de Greenpeace est découpé selon les campagnes, chacune a une rubriqueavec les problèmes environnementaux, les alternatives proposées par Greenpeace, et lesactions que l'association mène concrètement. Il y a aussi le blog avec toutes les actualitésrécentes sous la forme de petits articles qui favorisent l'interaction puisque les citoyenspeuvent ajouter des commentaires, relayer l'article sur un réseau social tel que Facebooket Twitter. Ce qui peut entre autres, permettre d'évaluer l'efficacité d'une campagne ou aumoins percevoir l'intérêt des citoyens pour une campagne au nombre de commentaireslaissés. De nombreuses vidéos sont proposées ainsi que des pétitions et des rapports.Greenpeace a aussi facilité les pages sur les inscriptions à la newsletter mensuelle, quiapparaît tout de suite, ou à l'incitation au don. Elle a une réelle réflexion sur l'utilisation de sonsite Internet, et sur sa fréquence. Les utilisateurs du site Internet sont plutôt jeunes. Il fautessayer de les fidéliser car pour la grande majorité, ils ne vont sur le site qu'une fois, ou detemps en temps. Mais Greenpeace peut compter sur un réseau de 200 000 cyberactivistes,qui sont utilisés notamment pour relayer les pétitions ou les mobilisations... Le site a aussi

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quelques pages beaucoup plus institutionnelles sur l'histoire de l'association, ses objectifs,ses valeurs, ses campagnes....

Le site Internet de WWF est comme sa communication beaucoup plus institutionnel. Lapremière page du site semble moins claire. Une première banderole présente les différentssites ou blogs de l'association : le club panda pour les enfants, le réseau Planète Attitude,les gîtes panda, l'empreinte écologique, le site des bénévoles... ainsi que les diversescampagnes de l'ONG : le changement climatique, les pollutions chimiques, les modes devie durables, l'Outre mer, les espèces menacées, les forêts, les eaux douces, les océans,l'agriculture, l'éducation à l'environnement. Plusieurs encadrés proposent l'actualité del'association, des vidéos, une présentation des campagnes et des missions, un agenda... Unmenu invite à s'informer sur WWF, à échanger, en s'abonnant à la newsletter, en contactantl'association, et à agir en devenant bénévole, en signant des pétitions, en achetant desproduits... Il y a d'autres rubriques sur les partenariats, sur les informations financières, surles ressources humaines, sur les dons, sur la boutique. L'association privilégie la publicationsur son site Internet de ses communiqués de presse et de ses rapports. Il y a donc beaucoupmoins d'échange sur son site Internet mais beaucoup plus sur son réseau social Planèteattitude. Mais pour chaque thème elle invite les cybernautes « à aller plus loin » en proposantune bibliographie pour mieux s'informer. La structure de l'article est semblable à celle deGreenpeace avec le constat du problème, les solutions proposées, et les actions menées.Les donateurs ont aussi un accès personnalisé.

Les magazines (cf annexes)Nous pouvons également comparer les magazines trimestriels des deux ONG (en annexe),qui sont un outil très important dans la stratégie de communication. Ils sont envoyés auxadhérents, en plus de la newsletter mensuelle envoyée par Internet à tous ceux qui s'yinscrivent. WWF a une lettre d'information trimestrielle pour les donateurs « sur les tracesdu panda », ainsi qu'un magazine « panda magazine ».

Tout d'abord le format n'est pas le même, le magazine Greenpeace est au format A4,la lettre de WWF au format A5. Ils sont tous les deux imprimés sur du papier recyclé.Sur la première page, un édito est présent, mais signé par Pascal Husting le directeurde Greenpeace France, et par Frédérique Chegaray directrice de la rédaction de la lettrede WWF. Un ours avec toutes les personnes qui ont travaillé sur le magazine est préciséchez Greenpeace. Il y a possibilité de s'inscrire pour recevoir les 4 numéros annuels dumagazine, au prix de 4 euros pour WWF et de 5 ou 10 euros selon si on est adhérent oupas à Greenpeace. Un sommaire est présent seulement chez WWF.

Voyons maintenant le contenu à proprement dit. Greenpeace travaille sur un dossieravec une interview, par exemple sur le nucléaire, puis un plus petit dossier sur une actualitéplus récente par exemple le thon rouge. Ensuite sur une page elle propose des objetsde consommation écologique. C'est cette partie qui plait le plus aux lecteurs. On observeaussi une rubrique « en action » où une personne interne qui travaille chez Greenpeaceest interviewée. Cela peut montrer la volonté de transparence et de personnaliser l'ONG,pour que les adhérents comprennent et se sentent proches de l'association. Une rubrique« Flash back » permet de revenir sur plusieurs petites actualités, actions importantes. Enfindans une tribune, une personne extérieure à Greenpeace est interviewée. Tout au long dumagazine plusieurs encarts proposent l'adhésion, les dons, les legs...

Dans la lettre de WWF, une rubrique « pleins feux » présente une interview d'unepersonne interne à l'ONG sur un thème bien précis comme la biodiversité. Puis dans une

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rubrique « faisons le point », un autre dossier est abordé sur l'or. Ensuite WWF récapituleses diverses actions et actualités. Comme Greenpeace, une page « Planète attitude » estconsacrée à la consommation écologique. Une rubrique « Étonnante nature » évoque lanature. Enfin les adhérents ont la possibilité d'adresser des messages d'encouragement,des témoignages. La dernière page récapitule les missions de l'ONG, et insiste surl'importance du don, et propose ainsi des legs, donations et assurances vies.

Les magazines ne sont donc pas si différents, ils ont une structure semblable et sontun outil essentiel.

3. Des exemples concretsCommençons par analyser la campagne pour le thon rouge, très présente dans les deuxONG en 2010.

Le thon rougeLa campagne de Greenpeace a une cible bien identifiée, Bruno Le Maire, Ministre del'agriculture et de la pêche. L'organisation demande le classement du poisson en annexe1 de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et deflore sauvages menacées d'extinction), et son interdiction de commerce. Sur son siteInternet, Greenpeace propose une vidéo d'information et demande un moratoire sur lapêche industrielle. Elle diffuse une autre vidéo où le ministre était interviewé à la télévision etGreenpeace contre argumente ses propos. Ensuite comme souvent dans ces campagnes,une pétition est mise en ligne, sous la forme d'une lettre adressée au ministre.

Des actions se sont déroulées en France, mi février. Les groupes locaux ont mené uneaction de sensibilisation envers le grand public et les restaurants. Dans chaque ville, lesmilitants allaient dans les restaurants suspectés de proposer du thon rouge. Les documentsde communication qu'ils disposaient, étaient envoyés par Greenpeace France : des tracts,des badges avec un visuel et un slogan "touche pas à mon thon", des autocollants àdistribuer aux restaurants qui acceptent de retirer le thon rouge, et une pancarte pour unhomme sandwich. Ils avaient aussi envoyé des communiqués de presse pour prévenir lesmédias locaux. Pour l'organisation, des conférences téléphoniques ont lieu entre le bureaunational et les groupes locaux, ceux ci doivent renvoyer un bilan et des photos à Parissur leurs actions. Un guide sur les différentes espèces vendues en supermarché et surles espèces les plus menacées était aussi distribué. D'autres actions se sont dérouléesen Haute Normandie où le ministre se présentait aux élections régionales, de nombreusesaffiches insistaient avec comme slogan : "le thon rouge ne peut attendre", "Le Maire m'atuer".

Cependant la convention à Doha en mars 2010 a refusé le classement du thon rougeen annexe 1. Face à cet échec, Greenpeace ne savait pas trop comment réagir. Mais du15 mai au 15 juin la saison de pêche du thon se déroulant, Greenpeace a donc relancésa campagne avec "la dernière bataille pour le thon rouge". Pendant le festival de Cannes,ils ont organisé le cimetière du thon rouge, de la même façon qu'un tournage de film, etont aussi récompensé la CITES du prix du pire scénario, pour son échec en mars. Le 5juin une journée nationale de mobilisation s'est déroulée avec une pétition en images. Danschaque ville de nombreuses photos ont été rassemblées avec des citoyens demandant de"libérer les thons rouges". Ils pouvaient écrire ce qu'ils voulaient sur des affiches en formede squelettes de thons. En parallèle, les militants de Greenpeace manifestaient aussi enmer, ils affichaient les banderoles "Thon rouge : liquidation totale avant fermeture". Les

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fameux bateaux de l'association étaient sortis pour bloquer et empêcher les thonniers. Maisces derniers ont réagi avec violence. Greenpeace en a profité pour montrer ces images,et rappeller sa non violence. Une nouvelle lettre à Monsieur Le Maire est proposée surInternet pour demander le moratoire ainsi que la création de réserves maritimes mondiales.L'Union Européenne a dû intervenir et arrêter la saison de pêche plus tôt que prévu carles pêcheurs avaient déjà atteint leurs quotas. L'ICCAT (Commission Internationale pourla Conservation des Thonidés de l'Atlantique), l'organisation qui gère la pêche au thon, seréunit en novembre à Paris. Le but de ces manifestations est de continuer à faire pressionsur tous les acteurs : les thonniers, les restaurateurs, la grande distribution, les politiques,et l'ICCAT.

Ainsi Greenpeace en réalité, lutte pour le thon rouge, non pas pour la défense del'espèce à proprement dit, mais parce que celui-ci est devenu le symbole d’une gestioncatastrophique de la pêche et des ressources naturelles. Il est utilisé comme prétexte pourremplir les objectifs de la campagne océans : dénoncer la sur-pêche et demander desréserves marines.

Site de Greenpeace

WWF à l'instar de Greenpeace a aussi son voilier le WWF Columbus, et en août 2008il assure une mission de marquage des thons en Méditerranée. En décembre 2009 WWFa organisé les obsèques symboliques du thon rouge devant le ministère de l'Agricultureet de la Pêche. Une vidéo de ces obsèques est mise sur le site : c'est un petit groupe de20 personnes, habillées en noir, qui marchent doucement, avec des visages tristes, et unemusique de fond. C'est donc aussi une mise en scène. Ils ont été reçus par la Directricedes pêches et veulent continuer à alerter les hommes politiques. Leur campagne s'intitule« alerte rouge pour le thon rouge ». Par contre ils ne ciblent pas le ministre M. Le Maire.Si ils ont été actifs dans le début de l'année 2010 avant la convention de la CITES, ils ont

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moins réagi à son échec, et contrairement à Greenpeace ont relancé moins activement leurcampagne pendant la saison de pêche du 15 mai au 15 juin. WWF avait le même objectif, unmoratoire sur la pêche, mais avec des méthodes différentes beaucoup plus de lobbyisme.

Site de WWF

©REUTERS / Jacky Naegelen source : www.france-info.com

Le réchauffement climatique : une collaborationEn décembre 2009 les gouvernements du monde entier se sont réunis à Copenhague pours'accorder sur la suite à donner au protocole de Kyoto, et à la lutte contre le réchauffementclimatique. Au préalable de ce sommet Greenpeace a été actif pour tenter d'interpellerles chefs d'Etat sur la nécessité d'agir, "Politicians talk, Leaders act". L'objectif était depouvoir maintenir l'augmentation des températures sous la barre des 2° par des mesurescontraignantes. Beaucoup d'ONG ont été présentes lors des sessions de négociationspréparatoires au sommet, et étaient accréditées comme observateurs indépendants desNations Unies.

Parmi les nombreuses actions en amont de ce sommet, Greenpeace, en juillet 2009à la veille du G8, a gonflé une sculpture en forme d'iceberg sur la Seine pour illustrerla fonte des glaces. En octobre 2009 Greenpeace a collaboré avec l'artiste photographeSpencer Tunick pour une mobilisation artistique et originale. Plus de 700 personnes ontposé nues dans un vignoble de Bourgogne pour témoigner de la vulnérabilité de l'homme etdu patrimoine face aux changements climatiques, ainsi que ses menaces sur les vignes. Sacampagne pour le climat a pour slogan "it is not too late". En Décembre 2009 des militantsde Greenpeace investissent le toit de l'Assemblée Nationale puis s'introduisent dedans entoute légalité pendant un débat sur le climat avec des banderoles "Copenhague : aux actesM. le Président". Cela fait grand bruit, l'organisation est critiquée de terroriste, mais c'estun succès : elle est l'invitée du JT de 13h. Elle se justifie en disant que ces actions sontnécessaires pour être entendue, les moyens traditionnels ne suffisant plus.

WWF a aussi été actif sur le thème du réchauffement climatique. Ainsi en mars 2009il est à l'origine de la Earth Hour, où de nombreuses villes, de nombreux bâtiments, deshabitants, éteignent leur lumière pendant une heure. Pour cette action, il a beaucoup utiliséles réseaux sociaux, Internet, et ses propres vidéos. Il a également fait plusieurs publicités,grâce en partie, à des espaces offerts gracieusement. Cela a eu un écho important, parexemple, la Tour Eiffel s'est éteinte en présence notamment de M.Borloo. C'est un signal fortaux dirigeants avant Copenhague. Et en 2010 la même action a été répétée le 23 mars avec

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grand succès puisqu'elle a été suivie dans 126 pays, dans 250 villes françaises. L'actionest véritablement symbolique mais permet de sensibiliser les citoyens. Des activités sontaussi proposées pendant cette heure sans lumière. Une semaine avant l'évenement WWF,ainsi que la Fondation Nicolas Hulot, GoodPlanet et le Réseau Action Climat, a proposé unesemaine de débats et de rencontres sur le thème du climat, la "climateweek". Le citoyen estau coeur de la mobilisation et cela oblige les dirigeants à prendre en compte leur voix.

Pour le climat, le slogan de leur campagne était « it's time to lead ». En parallèle decette action symbolique, WWF publie sur son site Internet de nombreux rapports quant àl'urgence climatique et propose plusieurs gestes simples à faire pour agir.

© REUTERS / Jacky NaegelenPour Copenhague, Greenpeace et WWF ont créé avec 9 autres ONG (Action contre la

Faim, Care, FIDH, Médecins du Monde, Oxfam, Réseau Action Climat, Secours Catholique,Les Amis de la Terre, la Fondation Nicolas Hulot) la Fondation Ultimatum Climatique, dont leslogan était "On ne négocie pas avec le climat on agit". Il n'y a pas seulement des écologistescar le réchauffement climatique concerne tout le monde, et comme nous l'explique AdelaïdeColin, la directrice de communication, Greenpeace a senti le besoin stratégique de ne pasmettre en avant la marque Greenpeace qui peut parfois rebuter certains. Ensemble ilspouvaient avoir plus d'échos, et toucher plus de monde. Ils ont lancé une pétition, "L'appelUltimatum Climatique" (signée par 576 582 personnes, l'objectif d'un million n'a pas étéatteint), organisé des clips avec des personnes célèbres, des évenements communs commeun concert à Paris en novembre (cf affiche), des flash mobs où de nombreux participantsse sont rassemblés pour faire sonner téléphones, alarmes, pour réveiller les dirigeants surl'urgence. La pétition était un moyen aussi de collecter de nombreuses adresses mailsde sympathisants, qui pourraient devenir de futurs donateurs. Pour cette fondation ils ont

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Partie II : Deux modèles de communication : Greenpeace et WWF

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travaillé avec kMan Consulting, une agence de conseil en stratégie Eco Business, éthiquedes affaires et communication verte.

Malgré une mobilisation importante le sommet s'est soldé par un échec. Par la suite, aéclaté le scandale des climatosceptiques remettant en cause la théorie du réchauffementclimatique. En mai 2010 Greenpeace met en place sur son site un test de dépistage de lamaladie de "climatosceptite".

On peut ainsi voir que Greenpeace malgré sa réputation d'intransigeante, sait collaboreravec d'autres ONG. Elle est également le co-fondateur avec WWF de l'Alliance Pour laPlanète, créée en 2005. Cette dernière regroupe 82 ONG différentes. Sur le site Internetil est bien précisé que ce n'est pas une fusion d'associations, celles ci gardent leurindépendance, leur identité mais l'objectif est d'agir ensemble, de donner plus de poids et derésonance à des actions et des propositions communes. Mais il est vrai qu'elle a une certaineméfiance envers par exemple le mouvement altermondialiste, elle a peur d'un risque dedilution, d'une perte de visibilité. En effet même si elle partage avec les altermondialistesde nombreuses valeurs communes, Greenpeace veut garder sa spécificté. Elle privilégiecomme thématique l'environnement, ainsi que des moyens d'actions plus large que la seuleconfrontation.

Site de GreenpeaceEn réalité, au lieu d'opposer WWF et Greenpeace, il est plus juste de dire que les deux

ONG sont complémentaires, par leurs méthodes, leurs préoccupations différentes. Ellespeuvent être en concurrence, il peut y avoir des tensions entre elles, mais elles réussissenttoutes les deux à remplir leurs missions. De plus malgré leurs différences, les deux ONG

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Les stratégies de communication des ONG environnementales : le cas de Greenpeace et de WWF

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arrivent à collaborer ensemble. Cela a été le cas notamment lors de la Fondation UltimatumClimatique ou pour le Grenelle de l'environnement, mais cela est forcément difficile en raisonde méthodes, d'objectifs qui peuvent varier. Comme nous l'explique Camille Lajus du WWF,on est plus fort à plusieurs, et on a tous besoin les uns des autres. En effet les associationsne visent pas les mêmes cibles et travailler ensemble permet ainsi de toucher le plus depersonnes possible. Il est donc important pour elles de conserver leur spécificité qui faitpartie de leur identité, et qui peut expliquer l'adhésion des donateurs à telle association.

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Partie III : Environnement et communication : les nouveaux enjeux et problèmes

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Partie III : Environnement etcommunication : les nouveaux enjeux etproblèmes

Nous avons pu voir que la communication était essentielle pour les ONG, et qu'elle étaitparticulière en raison de son objet environnemental. Cependant il n y a pas un modèleunique de stratégie. En effet les associations disposent de nombreux moyens. Les médias,la contestation, la coopération... Il est utile d'observer les limites de cette communication,en effet les ONG peuvent faire face à des critiques quant à notamment leur légitimité etleur incapacité à agir concrètement. Se pose ainsi la question de l'efficacité. Les ONG etleur stratégie de communication font face à de nouveaux enjeux. Elles ont évolué et ontemprunté de nombreuses pratiques aux entreprises, est-ce un moyen d'être plus efficacesou justement renient-elles leur spécificité primordiale. De nos jours l'évaluation est ainsiimportante pour juger de la performance mais reste difficile.

Chapitre A : Portée et limites de la communication desONG

Même si les ONG ont un rôle important, elles peuvent aussi être critiquées. Ellesconnaissent plusieurs difficultés.

1. Rôles et légitimité importants mais remis en causeLes ONG représentent la société civile, les citoyens ont confiance en elles. En effet, lapremière étude consacrée à l'image des ONG, réalisée en septembre 2005 par TMO pour

le cabinet de conseil First&42nd, révèle que les ONG constituent pour l'opinion publiquel'acteur le plus crédible de l'espace public mais également une valeur refuge face auxrisques de la mondialisation. Leur notoriété est élevée, 80% des français connaissent desorganisations comme Greenpeace, et leur accordent leur confiance à plus de 50%. 70% desfrançais pensent que «les ONG ont raison de mener des campagnes d'opinion contre lesmultinationales », perçues comme responsables des dégâts sociaux et environnementauxde la mondialisation. (chiffres cités par Laby sur actu-environnement.com).

A travers les ONG, ils peuvent agir, soutenir des causes, se sentir utiles. Sanselles, ils se sentiraient incapables d'agir. Leur proximité avec les citoyens leur permet dedéfendre leurs intérêts. Elles sont légitimes en fonction de leur compétence, de leur capacitéd'expertise et de pression. Celles ci sont nourries par leur expérience, leurs actions, leurhistoire, leurs succès et leurs échecs. Lalégitimité de l'association peut dépendre de sareprésentativité, c'est à dire, du nombre de sympathisants qui lui donnent les moyens deson action, du degré de confiance qu'on lui accorde. Dès le début elles ont joué un rôle

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important dans l'émergence de la notion de développement durable, dans la mise surl'agenda médiatique de cette problématique. Elles ont tenté d'agir sur toutes les partiesprenantes, de défendre l'environnement auprès des politiques, des citoyens... Elles ont doncun poids de pression, de lobbying important. Elles s'entourent d'experts, d'avocats pouravoir une meilleure maitrise des dossiers, et un pouvoir de consultation et de négociationplus important. Pour Isabelle Sommier (2003, p 160), tous ces éléments « crédibilisent lacontestation constructiviste ». Elles sont reconnues par les institutions internationales. Ellesseraient donc légitimes pour communiquer sur le développement durable.

Nous l'avons vu précédemment le rôle des ONG s'est renforcé. Elles ne se contententnon plus seulement d'être de simples agitatrices d'opinion, dénonciatrices. Elles sont deréelles interlocutrices pour les institutionnels et les entreprises. Les ONG sont observées,elles sont en concurrence, et sont exposées à des risques. Il faut faire attention, parexemple à des scandales financiers ou des conflits internes, qui peuvent, en étant exacerbéspar les médias, entacher leur légitimité et leur réputation. De plus les ONG peuvent êtrecritiquées d'opportunisme, de carriérisme, et de faire en quelque sorte elles aussi dubusiness écologique, en gagnant de l'argent sur la cause environnementale. L'utilisationdes dons est ainsi souvent questionnée et la peur de détournement est présente. L'argentsert-il à financer la cause ou les salariés ? Une transparence est donc nécessaire. Onpeut citer l'exemple du tsunami en Asie du Sud Est en décembre 2004 qui avait provoquéune mobilisation et des dons énormes mais nombreuses sont les ONG qui n'ont pas toutdépensé, qui ont conservé les dons ou demandé de les affecter à une autre cause.

Certaines petites ONG ont du mal à se faire entendre et sont inégales face à lagrandeur d'autres ONG. Toutes n'ont pas le même écho, n'ont pas les mêmes idées,face à cette multiplicité, dégager une position commune est difficile. Pour Ollitrault etChartier (2006 p 112), « Les ONG font face à une crise d'identité et de croissance. Les plusanciennes s'étoffent au point de devenir de véritables entreprises transnationales, les plusrécentes se multiplient au point de brouiller l'identité première des ONG. Des contestationsapparaissent ». Les relations peuvent être aussi tendues avec les autres mouvementsde contestation comme les syndicats et les altermondialistes, qui les dénoncent de s'êtreinstitutionnalisées. En effet les ONG environnementales ont de plus en plus traité aussi lescauses économiques et sociales. Elles se trouvent en concurrence avec leurs adversairesnaturels qui se sont de plus en plus intéressés aussi à la problématique environnementalesous la pression sociale.

On remet également en cause en général leur représentativité insuffisante. En effetelles ne sont pas élues démocratiquement. Et les entreprises ou les États contestent leurtrop forte volonté d'intervention, d'ingérence et d'opposition systématique.

Mais la critique principale reste une insuffisance de résultats, expliquée par plusieursfacteurs.

2. Une insuffisance de résultats concretsAujourd’hui avec la multiplication des ONG environnementales, et leur effort dans lacommunication et l'éducation, le niveau de connaissances et de compréhension dudéveloppement durable du grand public a augmenté, cependant il n'y a pas de réel passageà l'acte.Pourquoi, alors que le niveau de compréhension est de plus en plus élevé, n’arrive-t-on pas à aller au-delà? Pourtant l'opinion publique attend que les ONG soient de réelsacteurs de changement, qu'elles réfléchissent aux causes des problèmes en cherchant dessolutions et non seulement qu'elles communiquent sur les conséquences.

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Partie III : Environnement et communication : les nouveaux enjeux et problèmes

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En effet les ONG n'arrivent pas à atteindre un objectif qu'elles s'étaient fixé : laréalisation d'actions concrètes en faveur de l'environnement. Elles arrivent à dénoncer, àsensibiliser. Mais peu de projets tangibles ont été réalisés, cela est surtout dû au manque demoyens. La défense de l'environnement est également une question morale qui dépend dela bonne conscience et volonté des pays et des citoyens, surtout ceux du Nord. Ce sont aussides sujets complexes, les citoyens ne maîtrisent donc pas tout. Doan Lebel et DomitilleDesforges expliquent (2009) que « Le défi des ONG de défense de l’environnement pourles années à venir est manifeste : passer de la sensibilisation à l’action, tout en continuantà influencer les pouvoirs publics. L’obstacle financier est grand mais des solutions, commele regroupement en réseau, les initiatives collectives ou encore la mise en œuvre de projetsfinancés par les États, se développent. ».

Selon Anne Versailles (2005), l'information comme levier de changement descomportements est nécessaire mais insuffisant, il faut communiquer sur les possibilitésd'agir autrement. Décrire le futur de manière catastrophique peut être contre productif, enentrainant la résignation et la démobilisation. Il ne suffit pas de « s'éloigner de » ce futur,mais plutôt d'inciter les citoyens à être co-créateur du monde de demain et de provoquerdu désir pour « aller vers » ce monde meilleur. « Le Développement Durable ne se résumepas à un simple catalogue de procédures environnementales. C’est un projet à construireensemble » précise Anne-Marie Sacquet, directrice générale du Comité 21, (citée parDudouble, 2007). Pour Frédérique Dequiedt, chargée de mission à l'association Entreprisesterritoires et développement, (citée par Dudouble, 2007) « la plupart du temps, lorsquel’on explique le Développement Durable, on s’astreint à commenter ses fondements, sestemps forts, sa théorie. Or, pour une première entrée en la matière, ce message est souventpeu compréhensible. Il faut déconceptualiser et démystifier le développement durable ens’appuyant sur des exemples simples et concrets qui le rendent plus proche des habitantset des acteurs ».

Pierre Auger (2004 p137) explique ainsi que les ONG sont inefficaces, impuissantes,face à « l'inertie des consommateurs », aux multinationales intouchables, aux difficultés dulobbying...

Il cite S.Cohen « la capacité de laisser faire et le refus de prise de consciencesont profondément implantés dans une société saturée d'information. Dans lecas du changement climatique, poursuit-il, nous sommes intellectuellementcapables d'en admettre l'évidence tout en éprouvant les pires difficultés àaccepter notre responsabilité pour un crime d'une telle importance. Bref, il nesuffit pas d'information, les sondages révèlent un haut niveau de consciencemais pratiquement aucun signe de changement de comportement ».

En effet, à la vue de toutes les manifestations environnementales, de l'échec deCopenhague, de l'échec de la CITES, le chemin et le travail des ONG environnementalesrestent encore long. Mais le travail déjà réalisé a été nécessaire et a permis avec cetteprise de conscience importante, un terreau favorable à une possible future action. YannickJadot, sur le site Internet de Greenpeace,affirme que « la mobilisation qui a permis quel'environnement soit au cœur du débat public doit se poursuivre et se renforcer pour queles solutions soient mises en œuvre ».

Pour cela les ONG pensent à faire évoluer leur stratégie de communication pourl'améliorer. Elles se professionnalisent et elles s'inspirent de plus en plus des pratiquesdes entreprises. Mais des critiques apparaissent. Nombreux sont ceux qui craignent un

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rapprochement trop poussé avec les logiques de l'entreprise, d'efficacité, de rentabilité audétriment de la logique militante, associative.

Chapitre B : Évolution de la communication : vers destechniques empruntées au marketing d'entreprises

Le service de la communication est un des secteurs qui s'est beaucoup professionnalisé. Audépart les ONG font appel à leurs graphistes, et préfèrent l'affiche engagée, militante. Maisde plus en plus, en raison de la multiplication des ONG, de la nécessité d'être médiatisée,les moyens augmentent, la communication institutionnelle devient essentielle. Elles ontalors affaire à des agences publicitaires, qui privilégient des photographies réalistes de typejournalistique, ou même des spots vidéos. En effet de grandes agences de communicationcréent même des filiales spécialisées pour la communication des grandes causes, c'estle cas de TBWA/Corporate/Non Profit. L'objectif pour les ONG est non plus seulement dechercher des dons, mais de développer leur marque pour se faire connaître. Une expositionau Musée des Arts Décoratifs de Paris en février-mai 2010 s'intitule « La Publicité au servicedes grandes causes » et illustre ainsi l'évolution de la communication des ONG et ses liensavec les nouvelles techniques de la communication. Elle pose comme question : peut-onvendre des grandes causes comme on vend de la lessive?

Plusieurs critiques émergent face à cette évolution qui pourrait faire ressembler lacommunication des ONG à une communication d'entreprise, en empruntant des pratiquesde marketing.

En effet tout comme les entreprises, certaines ONG utilisent les messages publicitaires,d'autres réalisent des actions coups de poing, toutes tentent de faire du lobbying, etattachent une importance à leur nom de marque et à leur logo qui sont les premiers élémentsd'identité. Elles peuvent aussi faire appel à des stars pour attirer l'attention des médiaset bénéficier du capital sympathie. De nombreux exemples peuvent être cités comme lesclips de l'Ultimatum Climatique, ou Marion Cotillard partant en République Démocratiquedu Congo avec Greenpeace pour dénoncer la déforestation et le pillage de bois illégal.Elles adoptent d'autres méthodes de marketing, comme les produits partages, c'est à direqu'elles apposent leur logo sur un produit de consommation, celui ci est vendu plus cherqu'à l'habitude mais la différence est reversée à l'ONG. Elles font aussi de la promotion enréalisant des jeux avec des lots à gagner. Enfin elles peuvent utiliser le sponsoring, c'està dire que des partenaires leur donnent de l'argent en échange de la visibilité sur leursdocuments de communication. WWF est devenue experte de ces partenariats comme nousl'avons vu dans la partie précédente, avec les avantages et les risques que cela comprend.

Un exemple concret peut être l'utilisation par Greenpeace du street fundraising. Enraison de son indépendance politique et financière, l'association s'autofinance par lesdons de ses adhérents et n'accepte pas de financement d'entreprises, ou d'institutionspubliques pour éviter d'être récupérée par ces adversaires. Mais de ce fait elle est obligéede fortement communiquer auprès du grand public pour chercher des donateurs. C'est leservice collecte de fonds qui s'en occupe, en partenariat avec le service communication,et qui utilise ainsi des techniques semblables aux entreprises et des objectifs similairesde rentabilité et d'efficacité. Greenpeace a inventé un système de collecte de fonds :Direct Dialogue, appelé aussi en général le "street fundraising", qui rompt avec le système

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traditionnel du publipostage. Greenpeace recrute des salariés, en fonction notamment deleurs compétences en marketing, les forme pour qu'ils aillent dans la rue, dans des salons,recruter de nouveaux adhérents. Ils distribuent des tracts, développent un sentiment deproximité. Ils privilégient le prélèvement automatique, plus stable, cela permet de pouvoirdécider de façon autonome de la répartition et de l'utilisation du don. Cette méthode viseun public assez jeune. Ce système de collecte de fonds est critiqué comme utilisant destechniques managériales, et résumant l'adhésion à un acte de consommation passif. PourEric Dacheux (1997, p 196) "sous les prétextes louables, d'indépendance politique etd'efficacité, Greenpeace veut peser sur le marché, mais en fait, se laisse entrainer par unelogique libérale qu'elle prétendait combattre". WWF pratique aussi le street fundraising, ouencore le mailing, où les donateurs sont sollicités par mail. Une autre méthode pour lacollecte de fonds qui émerge, est le mailing box. L'idée est qu'une personne qui donne undon, reçoit en échange un cadeau envoyé dans une petite boite à l'effigie de l'association,cependant cela coûte cher.

L'utilisation de ces méthodes peut avoir des conséquences négatives et n'est pastoujours efficace. Éric Dacheux (2002) nous explique bien cela, pour lui avec l'introductiondes techniques de communication venues du monde de l'entreprise, c'est toute uneconception libérale de l'organisation qui s'introduit dans le monde associatif. En effetle marketing a une position idéologique plutôt libérale. Cela risque donc de couper lesassociations de leur base militante, de brouiller leur image identitaire, de trop solliciterles individus, d'être très couteux. Cela pose un problème éthique lié à une confusion desgenres. Les ONG pourraient donc être moins critiques envers le système qui les finance.Le message de l'ONG perd du sens, il ne se distingue plus de celui de l'entreprise ou dupolitique, il réduit le citoyen à son rôle de consommateur, le déresponsabilise. Le message,censé être uniforme pour pouvoir plaire au maximum de personnes, remet en cause lecaractère démocratique de l'ONG. Pour toutes ces raisons, pour Dacheux (2002 p 64), il estaberrant de parler de marketing associatif, cela n'est pas compatible. Pour lui « le marketingest un instrument économique qui permet un meilleur ajustement de l'offre à la demande »sur le marché, alors que les associations ne cherchent pas à répondre à une demande maischerchent le changement et la participation sociale.

François Bordas, professeur au CELSA, interviewé sur Rue 89, et cité dans le cataloguede l'exposition du musée des arts décoratifs de Paris, souligne le fait que « la ressemblancec’est la professionnalisation de la communication, et la différence c’est l’éthique. Une ONGdoit se mettre des limites si elle ne veut pas tomber dans le racolage publicitaire ou dansune activité que l’on pourrait qualifier de commerciale».

Mais si les ONG, comprennent ces différences d'objectifs, de méthodes avec lesentreprises, et conservent leur propre mode de fonctionnement, il n'est pas forcémentnégatif qu'elles empruntent certaines pratiques aux entreprises. Elles utilisent et adaptentseulement des pratiques jugées plus performantes pour leur permettre de récupérer plusd'argent, et donc de mieux agir en faveur de leur cause juste. Elles se donnent des moyensd'action plus efficaces sans se pervertir.

Chapitre C : Vers une mesure des performances de lacommunication environnementale

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Comme nous avons pu le voir les ONG sont confrontées à certaines critiques, et leurstratégie de communication font face à certaines limites. Elles tentent d'évoluer et s'inspirentdes entreprises. Mais cela ne réussit pas toujours. Or dans un contexte de concurrence,elles se doivent d'être efficaces. Comme le dit Henri d'Orfeuil , "ce qui va faire qu'uneONG va marcher, c'est un ensemble de facteurs : le sérieux, la transparence, la qualité demanagement, l'intelligence stratégique, être sur des missions qui sont reconnues commeimportantes, surfer sur des sujets qui font écho dans la société, et attirer les médias. Ouvous êtes dans le coup et on parle de vous, ou vous n'y êtes pas et on ne parle pas devous." (cité par Garraude 2008). Dans ces conditions, il est essentiel de pouvoir évaluer sesactions de communication pour pouvoir identifier les bonnes et les mauvaises pratiques.Mais comment faire?

1. Utilité de l'évaluationDans le budget déjà restreint de la communication, il faudrait consacrer une petite part à sonévaluation. Cela paraît indispensable pour en améliorer l'efficacité. Cependant mesurer laperformance est plus compliqué que pour les entreprises car les ONG n'ont pas d'objectifsde vente ou de profits par exemple, et ne peuvent donc pas se baser sur ces chiffres. Ellesont des objectifs surtout sur le long terme, de modifier des systèmes de valeurs, de croyance,ce qui est plus difficile à juger.

Avant toute stratégie de communication et d'évaluation, il est nécessaire de fixer desobjectifs (en terme par exemple de mobilisation, de notoriété), pour ensuite choisir desmoyens d'actions et vérifier que la communication les a correctement remplis. Comme enmarketing ces objectifs doivent être SMART (Significatif, Mesurable, Atteignable, Réaliste,Temporellement défini). En effet il faut abandonner certaines campagnes ou actionsinsatisfaisantes. Il faut aussi déterminer ses cibles. Et il faut ensuite analyser les forceset faiblesses de l'association, les opportunités et les menaces, c'est à dire la situationfinancière, la compétence des membres... Cela permet d'avoir une communication qui soitattractive, pertinente et cohérente. Toutes les parties prenantes doivent être associées dansce travail. De plus en plus la communication des ONG utilise des outils d'évaluation plusrationnels. Elles peuvent emprunter la technique des entreprises du benchmarking, c'est àdire analyser les techniques des concurrents, s'inspirer des meilleures pour améliorer leurspropres pratiques.

Un des objectifs d'une ONG environnementale est de modifier le comportement desindividus, d'inciter à l'action sur le long terme ou au moins, sur le court terme de permettreune prise de conscience. Cela peut donc être évalué en fonction par exemple du nombrede personnes pratiquant le tri sélectif, ou utilisant des ampoules de basse consommation...On peut également prendre en compte la pression et l'influence que l'ONG exerce surles pouvoirs politiques ou sur les autres acteurs, par exemple si elle réussit à favoriser lacréation d'une nouvelle loi réglementaire, si elle réussit à faire changer le comportementd'une entreprise. Enfin on peut mesurer l'efficacité de la communication d'une ONGpar le nombre de sympathisants, de signatures sur une pétition, de participants à unemanifestation, de personnes qui sont fans de la page Facebook de l'association... On peututiliser aussi d'autres critères comme l'évolution de la mission sociale de l'association, l'étatdes relations avec les partenaires, ou les médias, le montant des ressources et des dons.On peut observer la mobilisation interne, l'implication des salariés...

Bruno Rebelle, lors de notre entretien, nous explique que deux types d'indicateursexistent. Celui de résultat, quand on fait passer un message, par exemple dans un média,

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quelle en est sa réception. Mais également un indicateur d'impact, c'est à dire de qualité durésultat, le message a été diffusé, mais est ce qu'il a servi ?

2. Des méthodes quantitativesGénéralement la plupart des méthodes utilisées restent quantitatives, c'est à dire qu'ellesmesurent par exemple le taux d'exposition à un message de communication ou publicitaire(par le Gross Rating Point ou l'Unité de Buzz Médiatique), qui peut se faire en fonctiondu nombre de mots cités, d'articles ou même de centimètres, le taux de clics pour lesmédias interactifs... L'Unité de Buzz Médiatique est ainsi un indice développé par TNSMédia Intelligence, qui permet de mesurer la visibilité d'un sujet, c'est à dire le nombrede pages ou de minutes qui lui sont consacré (l'espace rédactionnel), que l'on pondèrepar le nombre de lecteurs, d'auditeurs, (l'audience du support). Les ONG tentent ausside mesurer la notoriété et l'image de marque par des enquêtes d'opinion, des sondagespublics. Elles évaluent donc indirectement la performance des actions communication àpartir d'indicateurs non économiques. Or, pour beaucoup, la communication peut êtreconsidérée comme un investissement et devrait donc pouvoir être évaluée de manièrequantitative. C'est ce que font les entreprises en utilisant l'économétrie pour mesurer l'impactde la communication sur les ventes.

Ainsi le groupe Linkfluence, entreprise spécialiste dans l'analyse et la cartographie duweb social, a créé un portail Linkscape qui permet d'analyser un panel de plus de 11 000sites internet ou réseaux sociaux (blogs, médias, forums, ...). C'est un outil de veille quipermet de suivre la diffusion et l'impact d'informations, le taux de pénétration sur le webd'une marque, par exemple en cherchant le mot Greenpeace, cela permet de voir à quelvolume on parle de l'association sur le web et comment on en parle. Ainsi sur une périodede 3 mois, du 15 mai au 15 août 2010, grâce à cet outil, on peut savoir que Greenpeace aété citée dans 1059 billets sur 297 sites internet différents (dont surtout le site Internet deGreenpeace évidemment mais également des médias traditionnels comme le site du Pointou du Monde), avec un pic autour du 5 juin, jour de mobilisation nationale pour le thon rouge.Quant à WWF, l'association a été citée sur la même période dans 435 billets sur 183 sitesdont en majorité le site de WWF et des sites ou blogs environnementaux (cdurable.info parexemple). On peut en déduire que Greenpeace est plus présent sur Internet que WWF.

Dans le même registre, WWF utilise les retombées médiatiques dans la presse et surInternet pour voir combien d'articles ont été publiés sur son sujet. Elle a fait appel à EchoResearch, un bureau anglais d'analyse des retombées médiatiques pour étudier la périodede janvier à avril 2009. Ainsi WWF a été cité dans 2073 articles dont 71,4% avait un avisfavorable sur l'association. Elle est souvent vue comme sympathique, experte, et commeun bon partenaire. (chiffres présentés à la convention des partenaires 2009 et parus surle site Internet).

3. L'exemple de l'évaluation de GreenpeaceAprès chaque action de Greenpeace, on demande aux groupes locaux d'envoyer à Parisdes photos et des bilans. On valorise cette action sur Internet et dans le magazine pour fairesuite à l'événement et donner les résultats. Adélaïde Colin nous explique qu'elle peut utilisercomme indicateurs le nombre de passages médias, ou de contacts sur Internet, le nombrede signatures à une pétition. Cependant elle peut utiliser des indicateurs plus qualitatifs quequantitatifs car elle n'a pas vraiment d'objectifs chiffrés. Par exemple en décembre 2009

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le fait d'entrer dans l'Assemblée Nationale a été vu comme un succès, car cela a permisà l'association d'être invitée au JT de 13h de France 2, de justifier son action, de pouvoirparler de Copenhague, et ainsi d'être mieux écoutée.

L'évaluation des actions est faite une fois par an au cours de l'Assemblée Généralepour permettre d'analyser les réussites et les échecs et d'adapter les nouvelles campagnes.Phillippe Lequenne (1997) explique bien cela. Les résultats des campagnes de l'annéeprécédente sont évalués surtout en termes d'audience médiatique et de soutien de l'opinionpublique. « Chaque campagne est examinée à l'aide d'une grille où figurent les critèressuivants : les objectifs à long terme de la campagne et de la stratégie retenue, le travailréalisé auprès de la presse et la couverture médiatique obtenue, la qualité des relations avecles services internes de Greenpeace, la qualité de coordination et le respect des budgetsalloués » (p151). Cependant ce système d'évaluation ne permet pas de mesurer le résultatconcret du travail que fait l'association pour l'environnement.

Beaucoup critiquent Greenpeace comme étant forte pour médiatiser des actions,dénoncer des problèmes mais beaucoup moins dans la recherche de solutions. Il y a lerisque qu'ils fassent parler plus d'eux mêmes, que du problème environnemental, de leurcause. Ils ont plus de difficultés à négocier et à parler. Bruno Rebelle l'avoue lui même,« Les femmes et les hommes de Greenpeace sont, de fait, moins à l'aise dans les débatsgénéralistes que dans une action de confrontation.» (cité par Pierre Kohler 2008 p 248).De plus, ils ont comme habitude d'appliquer le principe de précaution, c'est à dire quel'identification de tout risque pour l'environnement même un risque potentiel doit imposer laprudence et l'arrêt de l'activité générant ce risque. Mais cela peut être vu comme trop radical,une opposition systématique ne permet pas le dialogue nécessaire pour avancer. MichèleRivasi, directrice de Greenpeace France de 2003 à 2004 explique que « la médiatisation etla confrontation ne suffisent pas, il faut aller vers le débat, être une force de proposition, ycompris avec les entreprises » (citée par Pierre Kohler, 2008, p 112). Ben Lefetey, membredes Amis de la Terre, explique que « les dirigeants de Greenpeace ont du mal à nouer despartenariats avec d'autres organisations écologistes surtout si cela doit nuire à leur visibilitédans les médias » (cité par Ravignan, 2003, p93).

En même temps rappelons que l'un des rôles d'une ONG est justement de dénoncerpour sensibiliser. Greenpeace tout comme WWF est aussi dans la recherche de solutions.Mais c'est également aux gouvernements d'y travailler.

D'autre part, Greenpeace est très dépendant des médias, dans la mesure où la réussited'une action dépend de l'écho qu'en fait les médias. Si Greenpeace fait l'objet de reportagestélé ou d'interviews au JT c'est un succès. Ainsi le choix des campagnes est stratégiqueet peut dépendre du potentiel médiatique. Philippe Lequenne (1997) ancien directeur deGreenpeace France de 1997 à 2003 reproche aussi le fait que « la seule obligation derésultat de l'organisation est de faire la une des médias de temps en temps. C'est un systèmetrès pervers. L'important est de trouver des mots magiques qui feront tilt dans l'opinionpublique. » Ainsi Éric Guéret qui a réalisé un reportage sur la campagne antinucléaire deGreenpeace en 2004 contre le plutonium militaire des États Unis retraité en France parAreva Cogema, révèle bien cela, « sans les médias, Greenpeace n'a pas lieu d'être. C'estle retentissement médiatique qui donne toute l'ampleur à leurs actions. Pour eux une actionnon filmée est une action ratée. Les médias ont pour cela un pouvoir considérable. S'ils nese déplacent pas ils peuvent tout faire capoter. » (cité par Kohler 2008 p 248).

L'association dépend aussi des donateurs pour survivre. Il ne faut donc pas leur déplairede peur d'une sanction par le chèque. Du coup Greenpeace est peut être plus hésitantà s'engager dans des campagnes qui pourraient être impopulaires surtout dans des pays

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où les donateurs sont nombreux. La campagne antinucléaire contre les essais nucléairesfrançais a été impopulaire auprès du public français mais Greenpeace engagerait moinsfacilement une action qui pourrait déplaire aux Allemands, gros donateurs.

Toutes ces questions préoccupent l'association. Elle a ainsi fait appel au CSA (ConseilSupérieur de l'Audiovisuel) pour réaliser un bilan d'image de l'ONG. Le but est desavoir quelle est l'image de l'association auprès du grand public et des leaders d'opinion(journalistes, élus), par rapport à d'autres acteurs du domaine environnemental, quelle estla légitimité et la position de l'ONG, comment est elle jugée. C'est en quelque sorte uneméthode d'évaluation pour observer ses forces et faiblesses. Le bilan permettra d'en tirerdes leçons et d'adapter si besoin sa communication.

Les ONG sont confrontées à de nouveaux enjeux, des critiques, des limites. Face àcela elles tentent de faire évoluer leur stratégie de communication pour s'adapter. Mais leprincipal est la question de l'efficacité et de l'évaluation. Elles le prennent en compte de plusen plus, mais des améliorations sont encore à faire dans ce domaine.

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Conclusion

Nous avons analysé dans ce mémoire la stratégie de communication des ONGenvironnementales, en comparant celle de Greenpeace et celle de WWF, en montrant leurspécificité et en essayant de les évaluer. Ce sujet m'a beaucoup intéressé et m'a sembléd'actualité. Dans un contexte où une réelle prise de conscience environnementale émergede la part de multiples acteurs. Dans un monde où la communication est omniprésente,où la forme, le poids des images, des mots sont tout aussi importants que le contenu pourrelayer un message. Les ONG doivent investir dans une communication efficace, essentielleà leur survie. De plus, devant la multiplication des ONG, celles ci doivent se démarquer.Lesobjectifs principaux de la stratégie de communication des ONG sont donc d'accroître leurnotoriété, d'assurer leur financement et de promouvoir une prise de conscience et une actionen faveur de l'environnement. Nous avons pu voir que les moyens sont multiples. Parmiceux là, les médias ont une place vraiment fondamentale. Mais les stratégies ont évolué,se sont professionnalisées, en empruntant certaines techniques aux entreprises tout engardant des spécificités comme l'importance de la pédagogie et de la participation. Ellesfont face à plusieurs difficultés, critiques et enjeux importants. En effet leur légitimité et leurefficacité peuvent être remises en cause. Les ONG sont devenues des acteurs majeurs maismalgré un écho médiatique plus important, les résultats concrets sont difficiles à évaluer.La question de mesurer la performance de la stratégie de communication est ainsi devenueessentielle.

Des livres existent sur la communication des ONG mais l'illustrer par la comparaison dedeux ONG environnementales différentes, une contestataire et une coopérative, m'a sembléutile. Et cela m'a permis de me plonger dans un univers qui m'intéresse professionnellement.J'ai pu en effet rencontrer les directeurs de la communication de Greenpeace et de WWF.Cela a été très intéressant pour confronter leurs points de vues, ainsi que celui de BrunoRebelle qui a apporté un regard plus extérieur.

Ayant fait un stage au service communication de Greenpeace France, j'ai pu voircomment ils travaillaient. J'ai assisté à des réunions, ce qui pour moi montre qu'ils ne sontpas forcément dans le secret comme beaucoup le disent. Il faut nuancer ce que l'on peut lirede certains détracteurs de l'association. De plus, Greenpeace a beaucoup évolué et peutcomprendre que l'opposition systématique n'est pas forcément la meilleure solution, que lesfrançais apprécient la transparence...

Nous avons été confrontés à un problème de sources concernant WWF. On peutjustement se poser la question comment cela se fait-il que beaucoup de journalistes,d'auteurs, d'anciens directeurs ont écrit, critiqué Greenpeace et que WWF qui est lapremière ONG mondiale en terme de chiffres d'adhérents, soit l'objet de peu de livres.Elle est également moins connue auprès du grand public français et moins présente surles sites Internet. Pour beaucoup cela est dû au fait que Greenpeace gêne et fasse peur.Pour d'autres cela est dû à une différence de stratégie, WWF privilégiant le lobbying, lespartenariats plutôt que les actions médiatiques.

Évaluer, juger de l'efficacité de la stratégie de communication des ONG n'a pas aussi étéévident. Tout d'abord car les critères de performance ne sont pas forcément satisfaisants.Il est difficile de juger sur le long terme le réel impact des stratégies de communication sur

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les problèmes environnementaux. Cela est moins traité dans des livres, mais plus dansdes conférences car c'est une question plus récente. Ensuite parce qu'il aurait fallu intégrerégalement WWF pour juger objectivement leurs méthodes. Ainsi il est difficile de dire quelleest la meilleure stratégie entre Greenpeace et WWF, mais cela n'était pas l'objet de cemémoire.

Malgré des identités, des préoccupations différentes, les deux ONG partagent certainsobjectifs communs et savent collaborer et agir ensemble. Elles ont chacune des méthodesefficaces et d'autres à améliorer. Une combinaison des deux pourrait être pertinente. Il estprimordial que chacune garde sa spécificité et sa propre force d'action. Greenpeace tientà sauvegarder ses actions non violentes et médiatiques, elles font partie de son identité.A l'opposé on n'attend pas WWF dans ce genre d'actions car elle est vue comme uneONG sympathique, non violente, experte. De plus, elles ne touchent pas forcément lemême public. En gardant leurs deux spécificités, les ONG peuvent sensibiliser davantagede monde. Et n'oublions pas toutes les autres ONG environnementales comme Les Amis dela terre, la Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement, Birdlife Internationale...On peut penser que cette multiplication nuit à leur efficacité, en même temps cela permetde faire un plus grand écho. Et certaines se spécialisent dans des problématiques commele nucléaire pour le Réseau Sortir du Nucléaire, ou le Climat pour le Réseau Action Climat...Leur force est leur capacité de jouer sur plusieurs registres : de la confrontation, aupartenariat, à l'expertise... Même si elles peuvent être critiquées, et que le chemin est encorelong, elles sont essentielles. Elles ne sont efficaces que si les autres parties prenantes dela société se mobilisent aussi.

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Bibliographie

Sur le développement durable

Arnaud E., Berger E. et De Perthuis C. (2005), Le développement durable, Paris,Repères pratiques

Brunel S. (2009), Le développement durable, Paris, Que sais je

Sur la communication

Livres

Dacheux E. (2002), Associations et communication, critique du marketing, Paris, CNRSéditions

Gallopel K. (2008), Marketing et communication des associations, Paris, Dunod

Garrault H. (2008), Communication et marketing de l'association, Lyon, Jurisassociations éditions

Libaert T. et Pierlot JM. (2009), Communication des associations, Paris, Dunod

Tixier M. (2005), Communiquer sur le développement durable, Paris, éditionsd’organisation

Vigneron J. et Francisco L. (1996), La communication environnementale, Paris,Economica

Revues

Aspe C. (2009), « Diffusion des savoirs sur Internet et interactions citoyennes de laconnaissance produit à la connaissance processus », Vertigo, HS n°6, Décembre2009

Dudouble A. (2007), « Communiquer son développement durable », Lettre d'informationde l'Agence Régionale de l'Environnement de Haute Normandie, n°53, novembre2007

Versailles A. (2005), « Communiquer autour du Développement Durable, unegageure? », étopia, n°6, mars 2005

Mémoire

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Bibliographie

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Lotte Y. (2008), Le rôle de la communication dans la transition écologique,Mémoire defin d'études, Efap Lille

Site Internet

Qui est légitime pour communiquer sur le Développement Durable, Plénière d'ouverturede Université d'été 2004 de la communication sur le développement durable,Association Communication et Information pour le Développement Durable,[page consultée le 10 mars 2010], <http://www.acidd.com/UPLOAD/article/pages/51_article.php>

Linkscape, Linkfluence, [page consultée le 17 août 2010]. <http://linkscape.eu/?cmsaction=logout#%22greenpeace%22||||20100601|20100801|>

La Publicité au secours des grandes causes, Musée des arts décoratifs de Paris,[page consultée le 11 mai 2010], <http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/publicite/accueil-93/une-95/francais/publicite/editions-120/catalogues-d-exposition-121/la-publicite-au-secours-des-2403>

Site de Réflexion sur la Communication Environnementale. <http://www.sircome.fr>

Sur les ONG notamment environnementales

Livres

Aubertin C. (2005), Représenter la nature : ONG et biodiversité, Paris, IRD

Bensaleh Perrin L., Fontanel J. et Corvaisier-Drouant B. (2009), Les ONG ou l'hommeau cœur d'une mondialisation solidaire, Paris, L'harmattan

Chartier D. et Ollitrault S. (2006), ONG et Développement Durable : les liaisonsdangereuses in Aubertin C. et Vivien FD., Le développement durable : enjeuxpolitiques, économiques et sociaux, Paris, La documentation Française

Ion J. (2005), Militer aujourd'hui,Paris, Autrement

Neveu E. (2005), Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte

Roca PJ. (2002), Les ONG, partenaires nécessaires, in Ducroux AM, Les nouveauxutopistes du développement durable, Paris, Autrement

Sommier I. (2003), Le renouveau des mouvements contestataires à l'heure de lamondialisation, Manchecourt, Flammarion

Vitral L. (2008), Les ONG dans la régulation de l'économie mondiale, Condé surNoireau, L'Harmattan

Revues

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Les stratégies de communication des ONG environnementales : le cas de Greenpeace et de WWF

52 Lebourgeois Mathilde - 2010

Berny N. (2008), « Le lobbying des ONG internationale d'environnement à Bruxelles »,Revue Française de Science Politique, vol 58 n° 1, pp. 97-121

Chartier D. (1997), « Les ONG d'environnement oublient l'écologie politique », ÉcologiePolitique, n°20, pp. 15-29

Cohen S. (2004), « ONG, altermondialistes et société civile internationale », RevueFrançaise de Science Politique, vol 54 n°3, pp. 379-397

Garaude P. (2008), « L'humanitaire à la recherche de nouvelles stratégies dedéveloppement », Le Point, février 2008

Lebel D. et Desforges D. (2009), « Les ONG de défense de l’environnement »,Regardscroisés sur l’économie N° 6, p. 59-61.

Ollitrault S. (2001), « Les écologistes des experts en action », Revue Française deScience Politique, vol 51 n°1-2, pp.105-130

Ollitrault S. (1999), « De la caméra à la pétition-web : le répertoire médiatique desécologistes », Réseaux, vol 17 n°9, pp. 153-185

Thèse

Lefevre S. (2008), Mobiliser les gens, mobiliser l'argent : les ONG au prisme du modèleentrepreneurial, Thèse de Sciences Politiques, Lille 2

Site Internet

Département Communication, Faits marquants et réussites, convention despartenaires 2009, WWF, [page consultée le 24 février 2010], <www.wwf.fr/.../1/.../ Communication +WWF+JO+Barthes.pdf >

Laby F. (2005), Les ONG jouissent d'une grande notoriété auprès des français,Actu-Environnement, [page consultée le 15 août 2010], <http://www.actu-environnement.com/ae/news/1361.php4>

Sur Greenpeace

Livres

Auger P. et Ferrante JL. (2004), Greenpeace, controverses autour d'une ONG quidérange, Sète,La plage

Gallet G. (2002), L'expertise, outil de l'activisme environnemental chez Greenpeace,in Hamman P., Discours savants, discours militants : mélange des genres, Paris,L'harmattan

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Bibliographie

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Kohler P. (2008), Greenpeace le vrai visage des guerriers verts, Saint-Amand-Montrond,Presses de la cité

Lequenne P. (1997), Dans les coulisses de Greenpeace, L'Harmattan C. (2005),Représenter la nature : ONG et biodiversité, Paris, IRD

Vermont O. (1997), La face cachée de Greenpeace : infiltration au sein del'Internationale écologiste, Paris, Albin Michel

Revues

Dacheux E. (1997), « Greenpeace entre médias, espace public et marché, quellelogique communicationnelle? », Hermès 21, pp. 191-200

Fréour N. (2004), « Le positionnement distancié de Greenpeace », Revue Française deSciences Politiques, vol 54 n°3, pp. 421-442

Hosatte JM., Lewino F. et Roche M. (2007), « Dans les coulisses de l'ordre vert » Lepoint, n°1201,26/01/2007

Ravignan A. (2003), « Greenpeace, entre contestation et négociation », L'EconomiePolitique, n°18, pp. 86-96

Reportages vidéos

Guéret E, (2006), Greenpeace : opération plutonium, [Dvd], 130 mnHosatte JM. (1995), Greenpeace : les commandos de l'écologie, [vidéocassette], Paris,

Capa production, 52 mn

Mémoire

Fréour N. (2001), Le modèle de l'entreprise économique rationalisée appliquée à lasphère associative et les nouvelles formes de militantisme qui l'accompagnent : lecas de Greenpeace, Mémoire de DEA, IEP de Lyon

Truchet D. (2005), Les activités de contestation de Greenpeace : utilisation rationnelledes médias et reconfiguration face aux mouvements altermondialistes, Mémoire demaster sociologie, Lyon 2

Publications de Greenpeace

Greenpeace Magazine, n° 84, Décembre 2009Rapport d'activité 2009, supplément du magazine n°85, mars 2010Rapport financier 2009, supplément du magazine n°86, été 2010

Site Internet

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Les stratégies de communication des ONG environnementales : le cas de Greenpeace et de WWF

54 Lebourgeois Mathilde - 2010

Greenpeace. < http://www.greenpeace.org/france/ >

La face cachée de Greenpeace, Alerte Environnement, [page consultée le 27 janvier2010], <http://alerte-environnement.fr/?page_id=8&page=11>

Entretiens

Adelaide Colin, directrice de la communication de Greenpeace

Jacques Olivier Barthes, directeur de la communication de WWF

Camille Lajus, responsable presse de WWF

Bruno Rebelle, ancien directeur de Greenpeace France, ancien directeur desprogrammes de Greenpeace International, actuel directeur de Synergence, agencede conseil en développement durable

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Annexes

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Annexes

A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques deLyon

Première annexe : Sites Internet de Greenpeace etWWF

Deuxième annexe : Magazines de Greenpeace et WWF

Troisième annexe : Rapport financier et d'activité deGreenpeace

Quatrième annexe : Documents de Greenpeace sur lethon rouge

Cinquième annexe : Linkscape : présence deGreenpeace et WWF sur Internet

Sixième annexe : Analyse de la présence médiatiquede WWF

Mots Clés

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Les stratégies de communication des ONG environnementales : le cas de Greenpeace et de WWF

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Communication – Environnement – ONG – Greenpeace – WWF – Médias – Marketing –Évaluation

RésuméL'environnement est devenu une préoccupation omniprésente dans notre société. LesONG ont eu un rôle prépondérant dans cette montée en puissance. Face aux NTIC, à lamédiatisation et à la multiplication des ONG, leur stratégie de communication est devenueessentielle. Ces stratégies sont plurielles, les répertoires d'actions nombreux. Elles sontaussi spécifiques notamment avec le poids accordé à la participation et à la pédagogie. Ellesont dû s'adapter et se professionnaliser en empruntant des techniques aux entreprises. Ilest intéressant de pouvoir comparer la communication d'une ONG revendicatrice commeGreenpeace et celle d'une ONG plus coopérative comme WWF. Malgré leurs différences,les associations réussissent à travailler ensemble pour toucher le plus de monde possible.Elles doivent répondre à des limites et des critiques notamment une insuffisance de résultatsconcrets. D'où l'émergence de l'évaluation de l'efficacité de la communication qui estdevenue primordiale. Elles devront en tenir compte pour réussir à accroitre leur notoriétéet mobiliser l'opinion publique.