le vielle et la gavotte, savonneries de la rue rigord

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Sur un produit marseillais connu dans le monde entier...

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Page 1: Le Vielle et la Gavotte, Savonneries de la rue Rigord

LLLAAA VVVIIIEEELLLLLLEEE EEETTT LLLAAA GGGAAAVVVOOOTTTEEE savonneries savonneries de lade la rue rigord rue rigord

Ce morceau est spécialement dédicacé pour un produit connu dans le monde entier, Sur tous les continents on fait appel à lui et partout on se plait à vanter ses qualités Jo corbeau 1977

’édit de Colbert Seignelay, qui accorda le monopole de la fabrication du savon à Marseille, fut

promulgué en 1688 dans un souci d’améliorer la qualité et de réguler une production dont les constituants étaient trop souvent importés. En treize articles sont réglementés la durée annuelle de production, l’origine des matières premières, les techniques de mise en œuvre ou le cadre architectural. Enfin, le dernier et treizième article définissait les attendus d’une autorégulation professionnelle. Dès 1578, une première expérience de rationalisation manufacturière s’était vainement développée avec Georges Prunemoyr. Empruntant quelques tours de mains à des maîtres savonniers génois et vénitiens installés dans un ancien arsenal du quai de Rive Neuve, la fabrique aura une production annuelle de 27 tonnes, dont l’essentiel sera exportée vers Rouen et l’Angleterre. Mais comme l’ont noté nombre d’historiens, Prunemoyr n’est pas un marseillais, ni même un provençal : c’est un augsbourgeois ce qui ne le servira pas. Néanmoins, son prototype de manufacture rompt avec le mode de production artisanal : échelle des bâtiments et hiérarchisation des corps de métiers permettront une augmentation notable de la production.

Les domaines, les savonneries, le jardin Puget

Un siècle après l’édit de Seignelay, la ville possède une cinquantaine de savonneries qui produisent plus de 75 000 tonnes par an d’un savon renommé, elles emploient six cents ouvriers et autant de forçats de l’arsenal des galères, jusqu’en 1748 . La carte de 1833, dite de l’Entrepôt Réel, figurant les docks et comptoirs de la rive méridionale du port ainsi que les huileries et les savonneries montrent les mutations du quartier en premier lieu le déplacement de la construction navale et les activités de sous-traitance . Enfin avec la disparition des fonctions de l’arsenal, ce qu’il reste des bâtiments les plus importants vont générer de nouvelles occupations sous la forme des domaines et des savonneries. Outre quelques grands bâtiments de l’arsenal des galères, subsistent aujourd’hui les témoins de ces évolutions : la savonnerie La Vielle et, attenante sur la rue Rigord, la savonnerie Poutier dite La Gavote. L’examen des constructions indique une rupture de l’influence des arsenaux et le modèle d’habitat du terroir avec des bâtiments à axe unique organisés en travées. Ces organisations correspondent au dépassement du stade de production manufacturier caractérisé par l’association d’artisans sous la régie d’un maître savonnier et où persiste un certain empirisme technique.

L’efficience de cette nouvelle disposition architecturale aura un rôle moteur dans l’industrialisation de la savonnerie avec l’arrivée des soudes artificielles (procédé Leblanc puis Solvay) et le chauffage des chaudrons à la vapeur produite par des chaudières à charbon qui s’éloignent des cuves. Autant d’avancées techniques qui vont de pair avec l’apparition d’un nouveau patronat qui n’est plus le maître savonnier, mais dont la durée d’exercice ne dépasse guère les dix ans. Souvent responsable du fonctionnement de plusieurs savonneries sur le Vieux Port, les familles de maîtres savonniers comme les Bonnefoy, les Ravel ou les Barthélémy assureront la pérennité d’un certain mode de production. L’activité des savonneries perdurera jusqu’aux années trente , déjà largement concurrencées par les usines hors la ville comme les établissements Morel (Bd St Bruno) ou Agricola (rue de Lyon) reconstruite en 1948 par P. Gensollen, architecte qui sera associé à F. Pouillon sur certains projets aixois Malgré une production de 180 000 tonnes annuelle, la savonnerie marseillaise ne résistera pas aux trusts anglo –saxons. Bien que le savon ne représente aujourd’hui moins de 50% des produits d’hygiène, la savonnerie marseillaise reste un témoin unique de l’histoire de la ville et son industrialisation.

Bernard Legendarme

Plan P. Desmarest levé en 1808

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Page 2: Le Vielle et la Gavotte, Savonneries de la rue Rigord

LLLAAA VVVIIIEEELLLLLLEEE EEETTT LLLAAA GGGAAAVVVOOOTTTEEE Au 72 de la rue Sainte un petit immeuble, construit en 1925, résulte de l’exhaussement de deux étages sur le rez de chaussée existant. Il couvre l’emprise de l’ancienne savonnerie la Vielle. Sur la rue Rigord, en forte déclivité, on peut lire sur la façade la régularisation des travées de fenêtres dont les traverses sont alignées. Les baies sous l’avant toit appelées lessugon dans l’édit de 1688, devaient rester ouvertes jour et nuit. Une entrée se fait sur la rue Sainte, l’autre, celle de la savonnerie de la Gavote, se situe au milieu de la rue Rigord quelque 4,50m en dessous. La grande porte de la rue Rigord ouvre sur une vaste salle de 430m2, couverte par un plancher bois aux solives serrées et dont la poutraison à été consolidée par endroit. Seuls trois points d’appuis, eux aussi renforcés, supportent l’ensemble. C’est au centre de cette salle que se trouvaient les chaudrons de production. La partie centrale du plancher était ouverte jusqu'à la toiture qui culminait à 13,00m au dessus du sol de la salle. Cet sorte d’atrium a été refermé afin de gagner en surface d’entrepot pour l’Ameublement de la Mairie. Les baies en façade assurent un relativement bon éclairage. Au dessus de la grande salle, un local de même dimension est couvert d’une immense toiture à deux versants dissymétriques. Seuls deux points d’appuis supportent de grandes fermes composées comme de larges poutres treillis. La plus grande portée de l’ordre de 14,00m est traitée comme une ferme dont l’arbalétrier est aussi la fiche de la ferme articulée de l’ensemble de la toiture. L’espace entre les deux fermes était libre jusqu’au niveau inférieur où se trouvaient les chaudrons. La couverture est faite de tuiles bâties sur de briques de couvert. De larges verrières éclairent le volume. Sur la droite, un escalier d’accède à une mezzanine où le maître savonnier se tenait lors des opérations de cuisson.

©philippe piron

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Page 3: Le Vielle et la Gavotte, Savonneries de la rue Rigord

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©philippe piron

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©philippe piron

Au Sud de la grande salle se trouve une enfilade de travées destinées à l’entreposage des produits de fabrication ou des produits finis. Chaque travée ouvre d’une part sur la rue par des soupiraux, d’autre part elles donnent sur une cour à l’air libre par un réseau de baies, de portes ou d’occulus. Cette disposition permet la ventilation de chacune des travées. La largeur des travées varie, certaines assez amples ont un réseau des poutres et de solives assez serrées. Les poutres sont composées de deux madriers rendus solidaires par une découpe en traits de Jupiter puis boulonnés entre eux. La travée la plus méridionale est voutée en anse de panier. La maçonnerie est faites en briques de tierceneaux, très utilisées sur les arsenaux des galères et la construction des quais au XVII° siècle. Réputées pour leur solidité elle sont minces et bâties sur chant. Les fabriques de Séon Saint-Henry poursuivront la production durant le XIX° siècle pour les voieries et trottoirs marseillais. Les arcs en anse de paniers sont courants dès le XV° siècles, arcs surbaissés ils se composent d’une succession d’arcs de cercles à points de tangences communs. Il sont surtout utilisées pour les ouvrages d’arts, ils peuvent être très surbaissés et recevoir de lourdes charges. L’ensemble de ces savonneries étaient reliées entre elles et avec le Quai de Rive Neuve par un réseau de souterrains empruntant le tracé de la rue Sainte ainsi que la rue Fort Notre Dame. Ce tracé figure sur le plan Desmarest (cf 1° page) levé avant 1810, ce qui laisse penser que cette infrastructure date de la fin du XVIII° siècle. C’est un ouvrage qui montre que la spécialisation du quartier des savonneries impliquait aussi un certain nombre d’équipements communs à plusieurs fabriques. Le tunnel est simple avec une voûte en tas de charge dont on ne connait pas, aujourd’hui, l’état exact sur toute sa longueur.

Page 4: Le Vielle et la Gavotte, Savonneries de la rue Rigord

LLLAAA VVVIIIEEELLLLLLEEE EEETTT LLLAAA GGGAAAVVVOOOTTTEEEIl y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu'il raconte de lui-même jusqu'à disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l'objet même qui me convient. Francis Ponge

Il ne sera permis à aucun fabriquant, ou autre personne de quelque qualité qu’elle soit, de tenir ou louer des fabriques à savon, sans les faire travailler et sans abus. Edit du 5 octobre 1688 pour les manufactures de savon, article IX.

POUR UN MUSEE DU SAVON Aujourd’hui les anciennes savonneries de la rue Rigord : la Vielle et la Gavote, qui ont traversé l’histoire savonnière de Marseille et nous parviennent dans un état tout à fait exceptionnel, sont menacées de destruction par un programme immobilier tout à fait ordinaire. Qui plus est, le sol est intact de tous sondages archéologiques qui pourraient encore nous réserver de nouvelles découvertes. Il y a quelque invraisemblance à penser que le savon qui nous revient d’Alep avec les croisades, produit à Marseille depuis le XIV°siècle n’ait pas son musée, aujourd’hui, il faut aller jusqu’à Salon de Provence pour visiter la savonnerie Fabre dont la fabrique date de 1927. Les 1500m2 de la fabrique, accessible à la fois depuis la rue Sainte et la rue Rigord, donnant sur une cour à ciel ouvert, où même un arbre à poussé, sont une opportunité inédite pour ouvrir au public le vivant témoignage de cette activité industrieuse de Marseille en y logeant un musée des sciences et des techniques de l’industrie savonnière. Un espace de découverte avec la conservation des collections, instruments et processus, témoignages et machineries, mais aussi expériences didactiques et interactives. Un musée du savon parle de beaucoup de choses : De la chimie, des sciences et des techniques des métiers, de la main d’œuvre, des forçats, des maîtres savonniers, des artisans et des patrons de l’hygiène, du corps et des gestes des machines, des manières des façons de la Méditerranée, du quartier, de l’architecture et de l’histoire de la ville portuaire. TD. 2011

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En 2006, Jean Claude Gaudin annonce que la ville de Marseille va préempter le Comptoir de la Victorine, ancienne fabrique d’allumettes. Aujourd’hui c’est le musée de La Marseillaise qui s’est ouvert rue Thubaneau, un réseau de musées autour du Vieux Port, à portée de marche du Lacydon : Le Panier, Belsunce laisse une place à la Rue Sainte sur le chemin de Saint Victor pour, dans les murs d’une savonnerie, raconter l’aventure du Savon de Marseille

Elévation sur la rue Rigord, d’après un document de C. Parodi.

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