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Abdelhadi ALAMI Le Tourisme Marocain L’Eternel Espoir

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Abdelhadi ALAMI

Le Tourisme Marocain

L’Eternel Espoir

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09/01/04 DEDICACE

A mes enfants et petits enfants.

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09/01/04 NOTE DE L’EDITEUR

Note de l’éditeur

Comment traiter des problèmes de gouvernance et de gestion, sans irriter ni fâcher personne, dans un pays de tradition orale qui ne tient pas à avoir nécessairement la mémoire de toutes les choses ?

Inspecteur des Finances, opérateur économique et homme politique, Abdelhadi Alami tente dans ce livre-témoignage de réussir cet exercice-là. Son regard porté sur les modes de gouvernance passés dans le domaine du tourisme est sans complaisance. Mais ce regard est celui d’un patriote impatient de voir son pays accéder, le plus rapidement possible, au développement et à la prospérité. Il ne cède pas à l’autosatisfaction tellement commode - ni à la sinistrose-ambiante - ici et là. Son livre est une analyse lucide, destinée à enrichir le débat et provoquer la mobilisation autour du projet de développement durable du tourisme au Maroc.

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09/01/04 AVANT-PROPOS

Avant-Propos

Ce livre a été plusieurs fois commencé puis mis de côté. La nouvelle guerre du Golfe, avec tout ce qu’elle devait entraîner

de désastreux pour les économies et les structures sociales du globe, notamment dans le domaine du voyage et du tourisme, a précipité et rendu définitive ma décision de le reprendre et de le terminer.

Il sera bien accueilli s’il arrive à participer à combler le vide dans lequel se trouve l’analyse -complète et objective -de ce secteur ; et s’il contribue à refuser toutes les velléités de l’esprit d’aller vers le facile, cherchant soit à décrire ce que l’on croit savoir, soit à faire l’éloge des politiques et des systèmes d’organisation qui ont été mis en place et qui sont responsables des difficultés de développement durable de cette activité.

Le tourisme marocain est certainement né sous une bonne étoile, sous le regard bienveillant d’une fée séduite. Mais, de toute évidence, la magie peut déserter la scène à n’importe quel moment.

Tout le monde sait qu’une bonne donne ne permet à personne de bien jouer au bridge, car, si avoir une bonne main est une condition nécessaire, elle n’est, hélas, point suffisante. Le savoir, le savoir-faire et l’expérience sont indispensables à toute action complexe. En effet, le bridge et l’économie sont des choses sérieuses qui rejettent totalement l’amateurisme et l’improvisation.

Quand la Chine communiste constata la faillite du frère aîné russe, subitement indécis et velléitaire, elle décida -avec une lucidité exceptionnelle et beaucoup de volonté-, d’utiliser à son profit, avec une dextérité remarquable, les techniques et les ficelles de développement économique, propres à l’Occident, à travers un libéralisme d’Etat qui tarde à dire son nom, mais dont les effets sont bien visibles sur les places marchandes du monde entier.

L’objet du livre n’est pas les « dragons » d’Asie bien sûr. Mais le cas de la Chine est intéressant à évoquer ici car ce pays a été rapidement en mesure de sortir du sous-développement en mettant en place des politiques et des techniques d’exécution qui ont atteint

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pleinement leurs objectifs. Sans se soucier le moins du monde de toute « pudeur » socialiste, elle a rejeté ses préjugés et adopté les méthodes d’un libéralisme envahissant qui a fait d’elle un grand « dragon » parmi les monstres d’Asie, puisqu’elle bénéficie d’une croissance forte et durable.

Avoir des côtes magnifiques, des sites de premier plan, une population hospitalière et disponible, constitue, certes, des atouts remarquables, mais insuffisants et pratiquement inopérants s’ils ne sont pas intégrés dans une vraie politique de développement où les opérateurs et les intervenants sont compétents et responsables.

Il me fallait réagir comme opérateur engagé dans ce secteur depuis plus de trente ans. Mais pour dire quoi ? Prendre à bras-le-corps cette industrie nationale et voir comment elle peut durablement s’en sortir pour fonder, accompagner et promouvoir le développement.

Les dossiers ne manquent pas - ils sont même surabondants et souvent redondants. Que de temps, en effet, n’a-t-on pas passé depuis les années soixante-dix à parler du tourisme, à faire des prévisions pluriannuelles, bref à tirer des plans sur la comète. Quelle constance dans le discours ! Mais quelle déconvenue dans les résultats ! Etait-ce si important après tout ? Voulions-nous vraiment être un grand pays touristique ? En mesurait-on toutes les implications ?

Pas vraiment, en fait, car tout se passait comme si notre psychologie nationale, s’imposant comme un « marqueur » génétique, nous condamnait à emprunter cette unique voie de l’espoir, de l’espoir éternel, indifférent aux gouvernements et aux hommes, lové dans les limbes de l’irréel et du virtuel.

Ce livre est soumis aujourd’hui aux lecteurs et j’espère qu’il pourra provoquer un débat de fond de nature à favoriser l’implication de tous les Marocains. Il faut bien se pénétrer, en effet, de cette idée simple et forte qu’un flux de quelque 10 millions de touristes - comme cela est projeté à la fin de la présente décennie - c’est un « autre » Maroc qu’il nous faudra édifier, à marche forcée, pour nous hisser à la hauteur de l’objectif recherché. Cela commence par une croissance forte, durable, résolument inscrite dans une vigoureuse

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dynamique de développement. Mais comment y arriver, tant il est vrai qu’une telle performance ne se décrète pas mais se prépare sur la base de conditions objectives ? Les économistes appellent cela la réunion de facteurs de production -capital, hommes, ressources, environnement d’affaires, infrastructures. Leur science est triste, parce qu’elle appelle à l’effort, alors que le laxisme environnant est tellement prégnant dans un pays de soleil où le temps n’est pas toujours pris en compte dans les processus de développement. Mais cette science présente cet immense avantage : dire ce qu’il faut faire.

A l’aune du tourisme, les mirages et les miracles peuvent nourrir l’imaginaire de bien des légendes pour les visiteurs en mal d’exotisme, mais ils ne peuvent jamais donner lieu à des actes et à des faits. Il aura fallu attendre l’Accord-Cadre de janvier 2001 pour que le Maroc se décide à sortir d’une culture qui ne pouvait que générer l’échec pour s’engager dans une posture d’avenir. C’en est fini, semble-t-il, des velléités de l’esprit, des complaisances de toutes sortes, des éloges complices, des modes d’organisation et des politiques inconséquentes que tant de ministres et de gouvernements ont adoptés et gérés.

Voici donc venu le temps de la grande réforme inscrite dans une vision ambitieuse et qui doit être le seul credo des Marocains. Ils la veulent cette réforme, parce qu’elle les éloigne des impasses du passé pour leur faire espérer des lendemains qui chantent, un tourisme à l’espagnole ou au moins à la turque, un Maroc réceptacle de flux sans cesse renouvelés d’hôtes en quête de sites et de couleurs, de soleil et de sable, de mer et de montagne. Evidemment, nous ne sommes ni des Espagnols ni des Turcs : nous sommes l’expression composite de strates historiques et culturelles qui nous ont modelées tels que nous sommes. Ceux d’entre nous qui se sont lancés dans le tourisme, voici plusieurs décennies, le savent. Sans aide significative, dans un environnement rétif par bien des traits, ils y ont cru parce qu’ils ont rêvé d’un « Eldorado » pour un Maroc né sous une bonne étoile, bercé depuis des siècles par la douce symphonie d’une magie si proche, faite d’un potentiel aux mille reflets. Ils ont secrètement caressé l’espoir que l’administration serait, elle aussi, au rendez-vous de cette aventure.

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Au fil des ans, malgré les défaillances et les insuffisances de ceux qui avaient la haute main sur le tourisme, ils ont préservé, tous les acquis accumulés, avec persévérance et entêtement, tels des montagnards cherchant des alpages à travers des chemins de crête. Ils avaient foi en la compétence et le professionnalisme et ils n’ont eu droit, le plus souvent, tout au long de routes de traverse escarpées, qu’à l’amateurisme, aux faux-semblants tellement typiques d’un mode de non-gouvernance…

Ce contexte est révolu avec l’intronisation de S.M. le Roi Mohammed VI. L’implication personnelle du Souverain dans le contrat-programme du tourisme est, en effet, un événement majeur et un gage exceptionnel pour la réussite de ce projet. Il incombe désormais aux Marocains de bien comprendre que cette opportunité-là n’est à aucune autre pareille et qu’ils ont intérêt à se mettre sérieusement au travail pour tirer au maximum profit du soutien royal.

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09/01/04 INTRODUCTION

Introduction

Le poète l’a dit un jour : « le Maroc, c’est la porte ouverte sur le rêve ». Sur tous les rêves raffinés qui se perdent de plus en plus dans un monde déshumanisé, où l’on ne prend ni le temps de vivre, ni celui de rêver. Ces rêves-là ne sont pourtant pas hors de portée. Bien au contraire, ils sont si proches et si enveloppants : ces jardins où la luxuriance est déjà un petit coin de paradis, ces dentelles de stuc qui sont autant de symphonies muettes d’une invitation au voyage et à ses mystères, ces moucharabiehs au-delà desquels la pénombre se décline dans l’entrelacs des couloirs furtifs où l’on imagine le doux frottement des soieries d’Orient. Ou encore ces notes égrenées sur les cordes d’un luth traînant ses espoirs et ses émotions contenues. Enfin, ces bruissements d’eau paraissant jaillir d’une fontaine bordée de zelliges, comme pour rappeler la langueur du temps qui passe, cette disponibilité à l’accueil de tout un peuple bigarré et plein de joie, joie de vivre, de donner et de recevoir.

Tel qu’en lui-même, n’est-ce pas le Maroc intime, des émotions et des sentiments sans cesse ravivés par le contact avec l’autre ? Rien à voir avec les avenues aseptisées des métropoles de l’Occident. Non. Autre chose plutôt. Une alchimie au quotidien qui n’est pourtant jamais tout à fait la même, celle d’une vie au rythme haletant, brouillon même, de ruelles étroites et tortueuses; un mouvement de multitudes affairées à la mesure du dynamisme d’une société en marche ; un bouquet de bruits, de saveurs, d’odeurs et de couleurs qui vous étreignent et étourdissent les sens. Si vous continuez votre escapade, que trouverez-vous aussi ? Des murettes de terre ceinturant tant bien que mal une palmeraie dressée debout et faisant écran à un horizon que l’on croit sans fin; ou encore une casbah tellement altière malgré la charge des ans, flottant dans l’air, alors qu’elle a surgi d’un sol ocre marqué du sceau de l’immémorial; sans oublier l’immensité des espaces déclinés en montagnes et en plaines, en terres désertiques à l’infini que seuls l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranée viennent contenir.

Tel est le Royaume du rêve, hôte de ses visiteurs, Royaume aux mille Royaumes. Il se livre volontiers à qui prend la peine de l’aimer.

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09/01/04 INTRODUCTION

Mais il le fait par touches successives cumulant les impressions et les souvenirs dans une étreinte pudique qui aiguise les sens. De Tanger au Grand Sud, de Marrakech à Agadir, des vagues paresseuses de la Méditerranée aux dunes de sable des contrées méridionales, ce n’est pas un Maroc que l’on rencontre, mais dix, vingt, mille Maroc peut-être, chacun arc-bouté sur ses traditions, son mode de vie et son identité. L’offre touristique est multiforme, polyphonique aussi, telle une tresse sans fin de contrastes, de senteurs, de paysages naturels, de sites et de découvertes qui lui donnent son relief et son âme.

Le relief modelé durant des siècles par les conditions climatiques a façonné des régions naturelles toutes aussi typées les unes que les autres : les montagnes souvent verdoyantes du Rif ou les dunes de Merzouga, les plaines fertiles du Gharb ou les sommets toujours enneigés du Haut-Atlas, les forêts de cèdres du Moyen-Atlas ou les palmeraies de la vallée du Draâ ou le camaïeu ocre et rouge des terres et des gorges du Dadès. La chaîne du Rif délimite et borde la façade méditerranéenne et paraît dessiner un grand arc de cercle orienté vers Malaga. Le relief y est entaillé par des vallées encaissées dans des montagnes plongeant dans la Mer. Au Sud-Ouest, la plaine alluviale dessine la plaine du Gharb et conduit à la haute plaine du Saïss où s’élèvent les villes impériales de Meknès et de Fès. Plus à l’est, la trouée de Taza s’ancre dans la plaine de la Moulouya, l’un des grands fleuves du Maroc, long de quelque 520 km, et qui se jette dans la Méditerranée, près de la frontière avec l’Algérie. Au sud, une chaîne de hauts plateaux arides couvrant jusqu’à l’oasis de Figuig et aux contreforts ultimes du Haut-Atlas - ce sont déjà les steppes orientales à alfa. Au centre, se dresse le massif du Moyen-Atlas combinant les landes rocailleuses et les forêts de cèdres avec des paysages de causses, volcaniques ici et là et une chaîne plissée plus élevée dont les aspects alpestres ne sont pas les moins singuliers avec des pics montagneux dépassant les 3.000 mètres ; le Royaume des cèdres supplante alors les forêts de chênes-lièges tandis que la vie pastorale doublée d’une petite agriculture de vergers donne le sentiment d’un « ailleurs » se suffisant à lui-même, loin des rythmes trépidants du monde des villes.

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09/01/04 INTRODUCTION

La façade atlantique, longue de 2.800 km jusqu’à la frontière mauritanienne fait alterner, dans une composition inattendue, les immenses plages de sable et les falaises gréseuses ou calcaires. Parfois, derrière un cordon littoral de dunes se faufilent des lagunes - comme celle de Oualidia - ou d’étroites plaines humides. En arrière-plan, la plaine côtière, brodée par une dizaine de petits fleuves côtiers, s’adosse à l’Oum-Er-Rbia au régime régulier tout au long de ses 550 kilomètres. A l’intérieur, le plateau central dominé par les pâturages et les forêts de chênes-lièges, de chênes verts ou même de thuyas, laisse la place au plateau des phosphates aux riches gisements et où seule l’irrigation s’emploie à faire face à l’aridité des terres.

Avec le Haut-Atlas, c’est tout le Sud du Maroc, sur une grande partie de sa longueur, qui se trouve balisé par une haute barrière montagneuse : sur quelque 700 km - depuis l’Océan Atlantique jusqu’au plateau oriental - c’est un relief alpin qui domine, que seules quelques routes arrivent à traverser. Si à l’ouest se distingue un plateau calcaire où prévalent l’arganier et le thuya, voici la masse cristalline compacte du Haut-Atlas occidental où culminent le Jbel Toubkal avec ses 4.167 mètres d’altitude et quelques autres sommets. Les chutes de neige y sont fréquentes et abondantes et les villages à flanc de montagne, repliés sur des vallées profondes, subsistent avec une économie locale de petite agriculture en terrasse de champs irrigués et de séguias traditionnelles. A l’Est, jusqu’au plateau d’Imilchil, se dresse le Haut-Atlas central traversé par les oueds qui y ont taillé des gorges offrant une vue exceptionnelle et saisissante d’un relief d’un autre monde.

Un long couloir sillonné part au pied du Haut-Atlas pour conduire jusqu’à un relief dominé par le Jbel Siroua, massif volcanique à plus de 3.300 mètres. Puis l’Anti-Atlas dévale jusqu’à l’Océan à travers la plaine alluviale du Souss. Prédomine ici la savane d’arganiers sur un sol caillouteux éprouvé par un climat très sec. Pourtant, elle est devenue, renaissant des rigueurs de l’aridité, un véritable jardin irrigué connu pour ses primeurs commercialisées à Rungis dès les premières semaines de l’hiver. Avec des formes variées et souvent sauvages, fixées comme pour l’éternité dans les grottes élimées de la cuvette de Tafraout, les arêtes gréseuses du Jbel Lkset, les crêtes

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09/01/04 INTRODUCTION

toutes de schiste ou les gorges taillées dans un sol de calcaire, c’est une étape d’éblouissement vers le sud marocain pré-saharien, ce désert de pierre et de sable ponctué par une grande richesse géologique. Tout y est comme si la nature revêtue de ses plus beaux atours déclamait haut et fort, avec brutalité même, sa résistance aux siècles et aux intempéries. Quel dépaysement ! Et quel festival permanent pour les yeux et pour tous les sens dans tous ces plissements calcaires adossés au Jbel Bani, ces mesetas et aux gorges encastrées dans des torrents asséchés, ces plateaux interminables vêtus de pierres roulées par des fleuves disparus, ces dunes de sable rythmées par les vents ou ces étendues salées brillant au soleil comme des mirages d’un monde venu d’ailleurs.

C’est tout cela le Maroc, mais c’est aussi ce don du ciel fait de lumière, de crépuscules et de levers de soleil incomparables : lumière à l’état pur de la ville feutrée d’Ouarzazate, levers de soleil et crépuscules de Merzouga. Le Maroc est, pour moi, la patrie du soleil. Il est là presque toute l’année, compagnon de toujours, activant les émotions et les sensations nouvelles, comme si la lumière régénérait la vie dans les visages, les reliefs, justifiant les coups de cœur quasi-mystiques d’un Matisse ou d’un Delacroix. Le Soleil, oui, dans tous ses ors et lumières, mais pour faire ressortir le bleu du ciel ; pas cette teinte bleuâtre, incertaine, de tant de latitudes, mais sa version définitive pourrait-on dire, immuable dans sa beauté changeante au gré des heures, des escapades et des randonnées ; un bleu authentique, ne supportant guère le doute ni le soupçon, en prise avec la mer qu’il prolonge et reflète, un voile infini que n’épuise pas le regard projeté au loin. Ce bleu-là est une symphonie qui n’en finit pas d’étaler ses chants et ses odes, une invention nourrissant les rêves et les espoirs, à l’instar d’un grand ordonnateur, accompagnant et encadrant les sensations.

Tel est le Maroc, qui reçoit et qui offre, s’apparentant depuis toujours, par-delà les images réductrices des cartes postales, à une maison d’hôte, ouverte sur elle-même et sur les autres. Ce Maroc-là est, sans conteste, celui auquel sont attachés les Marocains : non seulement une destination attractive parmi bien d’autres, mais un havre de quiétude et de paix, un pays capable de fournir aux siens,

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09/01/04 INTRODUCTION

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travail, prospérité et bien-être… Ce Maroc-là mérite bien un plan de développement mobilisateur à la hauteur de ses espérances et un débat national, franc et sincère.

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09/01/04 PREMIERE PARTIE

Première Partie Radioscopie d’un échec

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09/01/04 PREMIERE PARTIE

La radioscopie de l’échec du tourisme marocain des quatre dernières décennies est un passage obligé pour l’analyse et l’appréhension des voies et moyens du décollage de ce secteur. C’est un exercice facile qui ne doit pas être porteur théoriquement d’émotions excessives, puisqu’il vise à dire les faits, rien que les faits. Personnellement, il me dérange, car le rappel des années 1970/2000, m’interpelle : j’ai été souvent le témoin impuissant d’une période du tourisme au Maroc, caractérisée par l’hésitation et le doute.

Il faut partir de l’idée que le Maroc d’avant l’année 2001 n’a jamais eu une politique touristique globale, prévoyant une croissance soutenue et mettant en place les moyens nécessaires pour y parvenir. Nous avons certes établi, depuis 1965, plusieurs plans de développement couvrant le secteur, mais les programmes segmentaires élaborés ne pouvaient créer aucune dynamique d’ensemble. L’absence d’objectifs mobilisateurs et le recours constant à l’empirisme et au pragmatisme qui n’obéissent à aucune philosophie d’action bien définie et qui ne sont soumis qu’à des contrôles politiques de principe, ont fini par jeter le discrédit sur le secteur du tourisme pourtant grand pourvoyeur d’emplois et de devises.

J’avais écrit dans « Maghreb Magazine », il y a quelques années déjà, « qu’il était temps qu’un projet national et une charte sur le tourisme soient élaborés pour répondre aux exigences de développement pour les deux prochaines décennies. Il n’y a, en effet, aucune chance que les choses aillent bien d’elles mêmes. Le salut est dans l’élaboration d’un projet national une décision politique prise au plus haut niveau, une loi-cadre mettant en place un système organisationnel complet, un ensemble de structures juridiques nécessaires ainsi que l’adhésion du peuple marocain tout entier associé à l’effort et au partage des profits ». Ce vœu a été exaucé grâce à l’accord-cadre signé en janvier 2001 entre le gouvernement et le secteur privé, dans le cadre des directives Royales. Mais en attendant d’examiner de plus près cette convention, faisons le point sur le passé.

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09/01/04 PREMIERE PARTIE CHAPITRE I

Chapitre I : Tourisme au Maroc et dans le monde

TOURISME INTERNATIONAL

POTENTIALITES ET TENDANCES Quelle est l’activité qui n’a jamais connu de dépression profonde

et durable et qui a constamment su sortir des périodes de turbulences en bien meilleur état qu’elle n’y était entrée ? Qu’elle est l’activité internationale qui est rentable, créatrice d’emplois, génératrice de devises et favorisant le développement économique régional et qui, de surcroît, est un instrument d’ouverture et de communication remarquable ? C’est, bien entendu, le tourisme, qui constitue l’une des activités les plus importantes au monde et l’un des secteurs où la croissance économique enregistre les taux les plus rapides.

Selon les prévisions de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), les entrées internationales de touristes devraient tripler d’ici 2020 pour atteindre 1,6 milliard de touristes étrangers. En 1999, le nombre d’entrées internationales de touristes a atteint 665 millions. De leur côté, les recettes touristiques ont dépassé les 455 milliards de $ US.

Dans ce fabuleux échange international, le continent africain a une part modeste représentant à peine 2,5%, mais capable de ce fait même d’enregistrer, à l’avenir, une croissance de plus en plus importante. C’est une manne providentielle exceptionnelle pour les pays en développement qui peuvent, s’ils prennent les mesures et les précautions nécessaires, accrocher leurs wagons de développement aux grandes locomotives occidentales du tourisme international. Bien sûr, le tourisme international restera -et pour très longtemps encore - dominé par les pays industriels d’Occident et d’ailleurs ; et comme on ne prête qu’aux riches, les pays en développement ont un vif intérêt à comprendre vite les règles du jeu pour faire de bonnes affaires et apprendre le plus rapidement possible comment défendre leurs intérêts. Le Conseil économique et social des Nations Unies suggère

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09/01/04 PREMIERE PARTIE CHAPITRE I

que « le secteur touristique soit planifié et géré d’une manière viable et avec une vision à long terme afin d’offrir des avantages économiques et des possibilités de revenus aux collectivités d’accueil et de contribuer à la réduction de la pauvreté, à la conservation des ressources et à la préservation du patrimoine culturel. L’année 2002 n’a pas été une année facile. Plus que cela : c’est une année qui a été marquée par l’ambiguïté à cause de la menace de nouveaux attentats et de l’imminence de la guerre d’Irak. Toutefois, le tourisme international a assez bien résisté, enregistrant une évolution de plus de 3%. Néanmoins, ses recettes n’ont pas suivi à cause de la pression sur les prix, causée par le comportement attentiste adopté par les touristes dans ces moments d’incertitude et d'ambivalence. Nombreux sont les sous-secteurs du tourisme qui ont enduré et qui pâtissent encore de cette situation, en particulier le transport aérien et toutes les activités qui dépendent du tourisme lointain.

Dans ce climat ambiant, le secteur touristique a connu un certain nombre de changements. Les compagnies aériennes pratiquant des tarifs bas ont maintenu leur croissance en Amérique du Nord et se sont rapidement développées en Europe. L’Internet a vu son rôle se fortifier en devenant le moyen pour le consommateur d’organiser l’intégralité de son voyage (hébergement, transport, etc.) rapidement et au moindre coût.

En 2002, l’effet du 11 septembre est toujours présent et les arrivées des touristes internationaux aux Amériques ont connu une régression sensible de –4% tandis que toutes les autres régions du monde ont des résultats positifs. En premier lieu, vient l’Europe, suivie de l’Asie Pacifique, du Moyen-Orient, puis de l’Afrique qui a enregistré elle aussi la même tendance à la hausse. Le baromètre du tourisme mondial de l’OMT indique une amélioration régulière de la situation du tourisme international. Tout le monde est étonné par le fait que plusieurs destinations – en particulier les plus touchées par l’effet de la guerre d’Irak et l’épidémie de SRAS• - parviennent à afficher de bons résultats. Mieux encore, une centaine d’experts du

• Virus de la Pneumopathie atypique.

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09/01/04 PREMIERE PARTIE CHAPITRE I

tourisme, consultés en mai 2003, ont confirmé que les prospectives étaient plus prometteuses pour le proche avenir, surtout pour le Moyen-Orient

En ce qui concerne les continents africain et américain, leurs prévisions restent marquées par une touche d’optimisme. Pour l’Asie et le Pacifique, qui ont tous deux connu une flambée épidémique, pratiquement maîtrisée actuellement, les mêmes prévisions favorables sont avancées.

Selon le secrétaire général de l’OMT, M. Francesco Frangialli, cet optimisme se fonde sur l'espoir d’une amélioration progressive de la situation économique, sur la diminution de l’incertitude sous l’effet de la baisse des tensions internationales et sur le recul de l’épidémie de SRAS. Toutefois, les réservations tardives -et une évidente sensibilité aux prix - devraient rester les tendances lourdes du marché. L’ambiguïté qui a touché l’année 2002 et qui est dûe à l’après 11 septembre se poursuit en 2003 mais cette fois-ci à cause de la situation en Irak. Cependant, certaines destinations telles que les Caraïbes, l’Asie, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud, ont entamé l’année avec une croissance considérable comparée à la situation désastreuse des premiers mois de l’année précédente. Une nouvelle crise a touché une fois encore de nombreuses destinations ainsi que plusieurs sous-secteurs. Cela dit, une différence importante a été soulignée : les administrations nationales du tourisme, les conseils du tourisme et les entreprises touristiques étaient en effet mieux préparés et ont essayé de s’adapter promptement aux nouvelles circonstances.

Tout cela pour dire que l’activité touristique qui revêt de l’importance pour les économies modernes et dont la vivacité et la souplesse sont aujourd’hui avérées, doit s’accommoder ici et là de résultats aléatoires, surtout dans les pays en développement dont les activités touristiques n’ont pas atteint la taille critique. Pour ces pays-là, le rêve supplée souvent au réel, un réel porteur de turbulences fréquentes et de situations difficiles.

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09/01/04 PREMIERE PARTIE CHAPITRE I

TOURISME AU MAROC

ARRET SUR IMAGES Il faut rêver, bien sûr, espérer aussi. Et le tourisme marocain

auquel nous croyions depuis des décennies a besoin de cette forme d’utopie de l’action qui nourrit l’imaginaire individuel et collectif.

Nous avons cru que tout était possible parce que par suite d’une sorte de logique des choses qui nous est propre, il ne pouvait en être autrement. Comment pouvait-on en effet « rater » notre tourisme et ne pas le hisser après quatre décennies aux fonts baptismaux de la réussite ? Comment ne pas s’inscrire résolument dans la perspective de ce « don du ciel » qui nous était fait : la mer, le soleil, le cadre physique et naturel, une population accueillante, une diversité ancrée dans les profondeurs de l’histoire et de la civilisation ? En tout cas, l’état des lieux en cette année 2003 n’est pas à la hauteur de ce que l’on espérait. Non pas que le produit Maroc n’ait pas ses attraits ni sa place dans la région. Mais il mérite mieux. Et puis comment ne pas relever que la part qu’il occupe dans le tourisme mondial reste bien marginale au moment précisément où le marché international connaît tant de mutations qui s’accélèrent ? Avec 0,6% du total des arrivées mondiales, contre 0,8% en 1993, le recul n’est pas négligeable.

Notre place dans l’échiquier du tourisme international, modeste et fragile, ne cesse de rétrograder. Hier 25ème, le Maroc occupe le 37ème rang aujourd’hui. Le tourisme marocain dépend de près de 85% de l’Europe. La France représente à elle seule plus de 40% des arrivées. Cette dépendance, dangereuse à bien des égards, fragilise ce secteur et le rend vulnérable. Le Royaume attire pour sa culture ( ≈ 50%), ses plages et son soleil (≈ 40%) mais il peine à imposer de nouveaux produits attractifs.

La part de marché du Maroc par rapport aux destinations concurrentes est tout à fait modeste. Le Royaume se situe au 4ème rang derrière la Turquie, la Tunisie et l’Egypte. La faiblesse de sa capacité hôtelière (103 mille lits) le place également au 4ème rang après les pays ci-dessus mentionnés.

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Le nombre d’arrivées des non-résidents à nos frontières (2002) est de 4,4 millions seulement, dont la moitié loge en hôtels classés. Les Marocains Résidents à l’Etranger sont aussi nombreux à venir au Maroc que les touristes étrangers de séjour.

Le transport aérien et le système fiscal continuent d’entraver le développement d’un secteur jugé priorité étatique. Leur démarche n’a pas changé depuis quatre décennies : chacun pour soi; pour le reste il y a les promesses.

Voilà qui permet de cadrer les principaux faits tels qu’ils sont. L’appréhension et l’interprétation d’un certain nombre d’indicateurs significatifs permet de préciser davantage les contours exacts du produit touristique, tant pour ce qui est de la demande que de l’offre.•

CROISSANCE ET REPLI DANS LES ARRIVEES Le flux global des arrivées est, évidemment, l’indicateur de base

permettant de donner un premier ordre de grandeur commercial. Il sert ainsi à évaluer la part du produit dans le marché international. On le mesure sans peine : on est loin de la forte croissance à deux chiffres que l’on était en droit d’attendre alors que d’autres pays concurrents, tels que la Turquie, l’Egypte et la Tunisie ont pu s’en prévaloir. En affinant davantage ces chiffres sur cette période de plus d’une décennie et demie, un autre trait apparaît avec netteté : des cycles de croissance pondérés par des périodes de crise puis d’une reprise qui, aujourd’hui marque le pas d'ailleurs. Soutenu par une croissance annuelle moyenne de 2,53%, le cap des trois millions est frôlé en 1990 et même dépassé en 1991 puis en 1992, par le tourisme international de séjour mais la chute est brutale dans les années qui suivent. Elle accuse même une baisse de plus de 50% en 1995 par rapport aux premières années de la décennie.

Le flux se redresse lors des six années ultérieures mais pour plafonner pratiquement à hauteur de quelque 2.000.000 touristes. Cette évolution heurtée ne doit pas dissimuler d’autres données :

• Le lecteur pourra se reporter à la fin de cet ouvrage pour consulter les tableaux et

les graphiques relatifs à l’ensemble des indicateurs de base.

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l’une c’est la fragilité et la volatilité des arrivées à la merci donc de l’impact de telle ou telle conjoncture ; l’autre a trait aux difficultés du produit à quitter le niveau de 2 millions de visiteurs. Comme si en l’état, le Maroc avait fait le plein de ce qu’il pouvait atteindre.

Plus significative est l’évolution constatée à propos des arrivées des Marocains Résidents à l’Etranger, laquelle a triplé au cours de la période 1986-2002. On peut d’ailleurs relever deux paliers successifs dans ce flux : le premier (1986/1998) traduit en tendance une progression qui va conduire au doublement, puis un second cycle marqué par une forte hausse de plus de 380.000 visiteurs MRE entre 1998/1999 et de plus de plus de 160.000 entre 2000/2002. En moyenne annuelle, sur la séquence longue 1986/2002, la hausse s’est chiffrée à près de 7,5 %, ce qui est loin d’être négligeable compte tenu de l’importance de ce flux.

Il apparaît à cet égard que si le tourisme international de séjour marque le pas, tel n’est pas le cas des M.R.E. Ce dernier flux constitue aujourd’hui (2002) en effet plus de 45% de l’ensemble des arrivées et presque 100% de celles des touristes internationaux de séjour. Un autre type de visiteurs - celui des Maghrébins - relève d’une comptabilité bien différente. C’est, en effet, l’exemple le plus symptomatique de la versatilité du tourisme et de son extrême sensibilité aux vicissitudes de la conjoncture surtout lorsqu’elles procèdent des aléas des relations entre deux Etats voisins.

En l’espèce, de quoi s’agit-il ? De l’ouverture des frontières avec l’Algérie en juin 1988 puis de leur fermeture en août 1994, au lendemain de l’attentat perpétré à l’hôtel Atlas Asni de Marrakech. Dérisoire en 1986 et en 1987 - quelque dizaines de milliers à peine - ce flux des visiteurs maghrébins - surtout Algériens - a grimpé à 441.338 en 1988 puis à plus d’un million l’année suivante s’élevant ensuite à 1.592.570 en 1990 pour atteindre un pic de plus de 2.174.000 en 1991. L’« effet ouverture » a encore joué en 1992 avec 1.738.000 arrivées puis 1.306.000 en 1993. On estimait à l’époque que, bon an mal an, ce chiffre allait durablement se stabiliser autour d’un million de touristes, compte tenu de l’attrait du produit touristique marocain pour une clientèle désireuse de sortir de ses frontières et de visiter un pays comme le Maroc si proche et si

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familier. Mais si en 1994, l’on a compté 751.000 arrivées, la quasi-majorité d’entre elles ont été des enregistrées avant la mi-août 1994. Au-delà de cette date, le système des visas qui a été instauré a fait chuter ce flux au niveau qui était pratiquement le sien avant 1988, soit dans une « fourchette » comprise entre 60.000 et 70.000 au plus. Ce phénomène des arrivées de Maghrébins n’aura donc été qu’une sorte de « bulle » qui aura duré cinq ans depuis 1986. Cela a sans doute « dopé » les statistiques administratives des arrivées aux postes-frontières et a laissé croire que le produit Maroc était désormais engagé dans un cycle de forte croissance durable. N’a-t-on pas ainsi dépassé les six millions tant en 1991 qu’en 1992 en totalisant les touristes internationaux de séjour, les croisiéristes, les M.R.E. et les Maghrébins ?

L’enseignement majeur que l’observateur peut tirer de cette lecture de l’évolution des arrivées est que le développement harmonieux du tourisme est fortement dépendant de l’environnement économique et politique régional de chaque pays. En effet, le pourcentage élevé des activités touristiques développées par des Etats leaders du tourisme mondial - tels que la France, l’Italie et l’Espagne - au niveau géographique régional et interne, en est la preuve éclatante puisque ces pays réalisent 80% de leur chiffre d’affaires à l’intérieur de leurs frontières et dans le cadre de leur relation avec les pays voisins.

CONTRACTION DES NUITEES HOTELIERES Cet indicateur des nuitées est certainement l’un des plus

significatifs - avec celui des recettes - de la santé d’un produit touristique. Par-delà le chiffrage statistique des arrivées aux postes-frontières - lequel, on l’a vu, peut traduire des flux de clientèle touristique diverse, il permet en effet d’identifier des visiteurs se comportant, pourrait-on dire, comme de « vrais » touristes, occupant des hôtels et générant des dépenses liées à ce statut.

L’analyse des nuitées du tourisme étranger et national que l’on propose ici couvre dix-sept ans soit la période 1986/2002. Le commentaire que l’on peut en faire ne manque pas d’intérêt.

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Globalement, l’on est passé de près de 10 millions de nuitées en 1986 à un peu plus de 11 millions en 2002.

Peut-on accuser l’année 2002 d’être une année exceptionnellement ratée dans un parcours positif, enregistrant une croissance, même modeste, mais continue ? Non, en réalité ! De 1986 à nos jours le tourisme a accusé une véritable stagnation révélée par le taux moyen annuel d’évolution de 0,92%. Le nombre de 10 millions de visiteurs étrangers de séjour n’a été dépassé que sept fois en 17 ans. Et souvent de peu !

L’examen de l’évolution des nuitées réalisées dans les hôtels classés révèle également le constat suivant : en affinant davantage l’examen de l’évolution des nuitées dans les hôtels classés par nationalité, on arrive à des paramètres encore plus précis quant aux positions commerciales de notre produit touristique dans chacun des marchés émetteurs. Les variations dans le total des nuitées des touristes européens recoupent globalement celles déjà relevées dans l’ensemble du flux du tourisme européen récepteur ; on ne peut s’en étonner parce que le tourisme européen draine, bon an mal an, quelque 85% du total.

Marché par marché, les évolutions sont bien contrastées. Ainsi, il n’y a pratiquement que le flux des touristes français qui a enregistré une forte croissance entre 1992 et 2002. S’il ne totalisait que 2.230.000 nuitées en 1992, il a ensuite progressé - sauf en 1994/1996 - pour atteindre plus de trois millions dès 1998 et grimper au-delà de quatre millions pour les trois dernières années 2000/2002. Mais cette évolution ne doit pas masquer que depuis l’année 2000 un certain fléchissement s’est installé.

Quant aux autres marchés européens, force est de relever qu’ils accusent une quasi-stagnation. Le marché allemand (2.330.000 nuitées), après une amélioration notable en 1993, a accusé une baisse en 1996 avant de connaître un véritable effondrement, accéléré d’année en année, jusqu’au chiffre de 1.089.128 nuitées en 2002.

Une observation de même nature peut être formulée à propos du flux des nuitées des touristes espagnols qui étaient de 835.000 en 1992 et qui ne s’élèvent plus qu’à 344.575 en 2002, avec des hausses

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et des baisses intermédiaires mais qui, en tendance, ne peuvent évacuer la forte contraction de ce volume de nuitées. Des appréciations comparables peuvent également être formulées à propos des nuitées d’autres nationalités de visiteurs (anglais, italiens).

On ne peut manquer, par ailleurs, un dernier commentaire relatif aux nuitées de deux catégories particulières de visiteurs. La première, celle des ressortissants des pays Arabes, avec moins de 400.000 nuitées, ne constitue que moins de 5% du total des touristes internationaux de séjour ; même les nuitées que l’on enregistre ici ont pâti d’une certaine baisse par rapport aux années 1992/1994 où elles s’inscrivaient au niveau d’un seuil de 500.000 unités. Quant à la seconde, celle des M.R.E désormais identifiée à part par les statistiques officielles depuis 1997, elle compte un chiffre minime de nuitées avec moins de trois dizaines de milliers en 2002. Ce fait tient à des raisons connues dans la mesure où, pour des raisons sociologiques, cette clientèle-là séjourne pour l’essentiel chez la famille.

Manne céleste, le tourisme généré par les M.R.E est devenu un élément structurant des activités du secteur. Son avenir est prometteur et rien n’exclut son expansion, surtout dans ce contexte actuel d’insécurité essentiellement morale, vécue par les ressortissants marocains vivant à l’étranger.

ETROITESSE DE LA CAPACITE HOTELIERE Comment ne pas souligner l’étroitesse de la capacité hôtelière,

qui, en 2002, n’atteint que le chiffre de 103.138 lits, alors que l’on en comptait déjà plus de 70.000 dès 1986 ? On peut aussi remarquer que durant cet intervalle, il y a eu des « bas » avec une diminution de 6% entre 1992 (94.608 lits) et 1993 (88.881 lits) avant un léger redressement qui n’aura permis, qu’à la fin 1999, de retrouver le chiffre de 1992, soit 93.000 lits. Cela dit, plus de 5.300 lits supplémentaires sont venus augmenter l’offre hôtelière entre 2001 et 2002 - un chiffre de même grandeur est également prévu en 2003.

En tendance, c’est une stagnation pratiquement de même nature que l’on peut mettre en relief pour ce qui est de la capacité offerte par

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les hôtels non classés durant cette même période de dix-sept ans. Celle-ci est passée en effet de 20.500 en 1986 à 33.667 lits en 2001. Sauf à préciser ici qu’elle tourne autour de ce chiffre de 33.000 depuis 1995, les variations d’une année sur l’autre ne dépassant guère quelques centaines.

S’agit-il d’une inélasticité de fait de cette capacité hôtelière des établissements de cette catégorie ? Y a-t-il des perspectives d’extension notable dans ce secteur ? Et sur la base de quelles mesures concrètes ?

S’agissant, par ailleurs, des campings, la progression annuelle moyenne de leur capacité a été de l’ordre de 10%. Les variations sont extrêmement fortes, même d’une année sur l’autre, alors que leur capacité stagnait autour de 38.000 / 41.000 entre les années 1987/1995, elle est plus que doublée en 1996 avec 97.438 places, soit une hausse - record de 137%. Ce chiffre s’est ensuite maintenu en 1997/1998, puis il a chuté de 11% pour rester au niveau d’un étiage de 86.140 places.

La structure hôtelière du Maroc, d’après nos visiteurs, est de bonne qualité, mais son implantation a été réalisée sans souci d’équilibre entre les régions et sans ambition commerciale affirmée : plus de 51% des lits classés se trouvent dans deux régions, celle du Souss-Massa-Draa et celle de Marrakech-Tensift-Al Haouz.

Le Royaume compte 590 établissements hôteliers classés, soit 103.138 lits et 1.160 établissements non classés totalisant plus de 33.600 lits. L’investissement hôtelier est de l’ordre de 25 milliards de dirhams, dû essentiellement au capital public et privé marocain et grâce à trois codes d’investissements dont les mesures incitatives ont singulièrement décru au fur et à mesure que les effets recherchés se faisaient sentir.

On constate, à ce propos, que les avantages étatiques, par rapport à l’investissement, accordés aux promoteurs sont passés de 24% au titre du premier code à 22% au titre du second pour tomber à 18% au titre de l’ancien, d’ailleurs supprimé en 1995. A cela s’ajoute l’incapacité de créer des automatismes réels relatifs aux différentes mesures d’incitation prévues par les codes d’investissement.

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ETONNANTE PROGRESSION DES RECETTES TOURISTIQUES L’examen de l’évolution des recettes touristiques traduit un

double paramètre. Le premier est assurément la hausse intervenue durant la période 1986/2002, soit les dix-sept ans écoulés. En moyenne annuelle, cette augmentation a été de l’ordre de 8,77%. Mais il faut préciser qu’il s’agit de chiffres retenus en dirhams courants qui ne tiennent pas compte du « glissement » de la monnaie nationale intervenu ces quinze dernières années.

D’un autre côté, en allant plus loin que cette première approche, il convient de préciser les fortes variations relevées avec des baisses importantes : moins de 16% en 1991 et moins de 18% en 2002, ainsi que de fortes hausses de l’ordre de 32% comme en 1992 et 1996, voire plus de 34% en 2001.

Il y a, bien entendu, une corrélation théorique entre l’évolution de la capacité hôtelière, celle des taux de fréquentation et l’évolution des recettes touristiques. Plus on compte de lits commercialisables, plus les recettes ont des potentialités tendancielles à augmenter. L’analyse des recettes est cependant assez troublante en ce qui concerne le cas d’espèce. Les arguments manquent pour justifier la hausse considérable de 8,7%, moyenne annuelle sur les dix-sept années passées enregistrée par les recettes touristiques alors que la capacité hôtelière a évolué autour d’un taux moyen de 2,43% et que celle des taux de fréquentation a pratiquement stagné aux environs de 42%, taux enregistré en début de période, soit 1986. Les tarifs, quant à eux, ont eu souvent tendance plutôt à baisser qu’à enregistrer des hausses significatives et durables.

Une deuxième observation accentue le trouble : en 1992 et 1995, le Maroc a reçu respectivement 6,2 et 2,8 millions de visiteurs enregistrés aux postes frontières. A la fin de ces mêmes années, les recettes ont enregistré des montants équivalents : 11,7 milliards de dirhams en 1992 et 11,07 milliards de dirhams en 1995. Cet exemple n’est pas isolé. En 1996, les arrivées étaient de l’ordre de 2,9 millions de visiteurs et les recettes dépassaient 14,59 milliards de dirhams. Ainsi, le volume des arrivées varie de +3,6% alors que celui des recettes, lui, réalise prés de 32%. Comprenne qui pourra !…

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L’exemple le plus étonnant est celui des années 2000 et 2001 car le rapport de l’évolution des arrivées et des recettes est pratiquement invraisemblable : 3,3% pour les arrivées et près de 35% pour les recettes !

L’absence de statistiques détaillées relatives aux différents segments des visiteurs étrangers au Maroc empêche l’analyse fine de la structure des recettes touristiques. Nous pouvons cependant mettre en évidence plusieurs constats : en 2001, chaque personne qui a franchi les frontières du Royaume a dû virer ou changer en billets l’équivalent de 648 dirhams par jour de séjour, et ce, pour une durée moyenne totale de 10 jours. C’est beaucoup quand on sait à combien est vendue au Maroc la demi-pension ou loué l’emplacement dans un camping.

La lecture attentive des statistiques révèle par ailleurs que le Benelux, par exemple, qui ne représente que 3,5% des flux touristiques sur le Maroc détient le record du change manuel de ses billets de banque qui représente 19,6% des recettes globales. A signaler que ce genre d’investigations ne sera désormais plus possible du fait de l’utilisation par l’Europe d’une monnaie unique, l’euro. D’un autre côté, l’ensemble du change manuel représente près de 66% des recettes touristiques. Or, seuls les règlements par virements sont authentifiables. Alors, que penser de ceux qui évoquent à ce propos des possibilités de blanchiment de l’argent de la drogue et font des rapprochements avec les cent mille logements vacants à Casablanca et dans bien d’autres villes ?

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TAUX DE FREQUENTATION IMMUABLE Ce taux est évidemment décisif pour la rentabilité de

l’investissement touristique. Il permet de voir l’attractivité du produit auprès de la clientèle potentielle. Il offre l’opportunité de tester les marchés émetteurs et il doit être un indicateur-clé de la bonne tenue ou non de la demande touristique.

Qu’en est-il ? Le taux moyen de fréquentation• a été de 41,4% durant les dix-sept années écoulées (1986/2002). En 1991, il n’avait été que de 28,5% ; en 1999 et 2000, il avait dépassé les 51%.

INVESTISSEMENTS ERRATIQUES Quel contraste dans ce secteur ! Aucune année ne ressemble à une

autre : il en est qui ont été fastes (2.629 Millions de DH en 1993), d’autres, moyennes, à hauteur de 1 à 1,3 milliards de DH, et d’autres pratiquement médiocres avec quelques centaines de millions de DH. Pourquoi de telles variations ? Pour deux raisons, au moins :

L’une, c’est que l’investissement hôtelier et touristique n’est pas linéaire - un projet est lancé, il est réalisé et le même promoteur ne se lance pas ensuite dans un second projet. Il n’y a que les grands groupes qui ont des plans stratégiques sur plusieurs années avec des projets bien identifiés sur la base d’un calendrier.

L’autre facteur à retenir a trait au climat d’affaires et d’investissements, autrement dit à l’environnement social réglementaire et juridique qui facilite ou non le lancement de projets. Il est bien évident que la chute de l’investissement touristique, à partir de 1995, est liée à l’abrogation du code touristique de 1984. Alors que le total des investissements s’était élevé à 1.340 MDH en 1995, voilà que les deux années qui suivent accusent ce qu’il faut bien appeler une crise avec 189 MDH en 1996 puis 83 MDH en 2000. La

• La fréquentation concerne les lits et l’occupation des chambres .La première notion

renseigne mieux sur le nombre effectif des touristes logés dans les établissements d’hébergement.

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reprise de 2001, avec 1.740 MDH, d’investissements reste à confirmer.

Mais il faut reconnaître que l’investissement public et privé marocain a réalisé des prodiges depuis l’indépendance du Maroc il y a 47 ans et surtout dans les années 70/80 et même début 90 : 25 milliards de dirhams ont été engloutis dans un secteur alors nouveau, sans forte expérience ni grande visibilité. Cela révèle deux facteurs :

• Le premier est que le capital marocain a toujours existé et qu’il se matérialise par des investissements effectifs en période de confiance.

• Le deuxième est que l’administration publique tatillonne, souvent indolente et peu compétente jusqu’à ces toutes dernières années - qui connaissent une certaine prise de conscience et un renforcement du contrôle de l’Etat - est responsable avec les derniers gouvernements des errements de toutes sortes qui ont caractérisé le parcours de l’investissement touristique dans le Royaume.

Les hôteliers marocains, soumis de plus en plus à une fiscalité drastique, (une vingtaine d’impôts et de taxes) ont, la plupart du temps, tenté de « sauver les meubles » plutôt que de chercher à faire des bénéfices. Passant de déficit en déficit, ils pensaient plus à trouver des ressources pour payer le salaire de leur personnel qu’à se mobiliser dans le but d’obtenir des avantages et des secours publics. En fait, ils apprennent seulement aujourd’hui que l’investissement tel qu’ils l’ont pratiqué, ne pouvait nullement être rentable. Ils ont longtemps ignoré ce que signifient les concepts du Retour sur fonds propres investis (ROE) et du Taux de rendement interne (TRI). Pour eux l’EBDIT (Earning Before Depreciation, Interest, Taxes & Amortization) était du javanais.•

Le lecteur trouvera à la fin du livre le scénario de base simulant la rentabilité d’une unité hôtelière marocaine telle qu’elle a été élaborée

• Résultat avant amortissement, frais financiers, impôts et investissements de

renouvellement.

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par CFG • (Casablanca Finances Groupe). Il pourra alors mieux apprécier les adjectifs collés aux pionniers de l’hôtellerie marocaine, qualifiés par certains décideurs d’investisseurs téméraires, sinon d’aventuriers, et peut-être même de forbans.

EVOLUTION HEURTEE L’examen même rapide des différents plans de développement

exécutés de 1964 à 2004 renforce les impressions que l’on peut ressentir à la lecture de la précédente photographie de la situation du tourisme marocain, présentée sous forme de flashs.

Le rappel des différents plans est utile, par ailleurs, car il peut permettre une prise en perspective, sur une longue période de trois décennies, des diverses modalités de la politique publique, en faveur du tourisme.

Au début des années soixante, c’était bel et bien le grand espoir. Le tourisme allait être la clé du développement du Maroc. Par mimétisme du « boom » espagnol à quelques encablures de nos côtes méditerranéennes, l’option en faveur de ce secteur d’activités a été prise. N’avions-nous pas les mêmes atouts que notre voisin ibérique ? Le soleil, la mer, les plages, le relief, les traditions, bien sûr, mais aussi l’accueil et l’hospitalité bien connue des Marocains, à l’égard des étrangers : comment, dans ces conditions, ne pas réussir notre politique touristique ? C’était d’autant plus jouable que le premier plan (1960/64) était adopté. La prise de conscience était donc forte; il restait à la traduire en termes opératoires.

DE LA CROISSANCE A LA CRISE (1960/1990) En 1959, le flux n’avait été que de 225.000 touristes, alors que

l’objectif pour 1964 avait été fixé à 500.000 visiteurs, soit plus que le double. La commission ad hoc du plan avait alors proposé que soit mis sur pied le Conseil Supérieur du Tourisme qui se serait ainsi

• Casablanca Finance Group « CFG » est le pionnier et le spécialiste des marchés de

capitaux au Maroc. Fondée en 1992, CFG Group est la première banque d'affaires (ou Banque d'Investissement) au Maroc. Fortement inspirée du modèle anglo-saxon d'Investment Bank, elle est présente dans tous les métiers de la finance.

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substitué au Conseil d’Administration de l’Office du Tourisme. Il était donc déjà question d’une réforme institutionnelle touchant les instruments d’action de la politique nationale dans ce domaine.

Au fil des ans, ces objectifs ne restent pratiquement que des effets d’annonce. En 1961, le flux des touristes atteint 151.000, il passe à 182.000 l’année suivante, puis grimpe à 266.000 en 1963, soit 0,33% du tourisme mondial évalué à quelque 80 millions de visiteurs. Les prévisions de 500.000 touristes retenues pour 1964 ne serront pas atteintes. Les recettes restent bien modestes avec 218 millions de DH en 1963, alors que, pour cette même année, les sorties en devises dépassent l’équivalent de 186 millions de DH, notamment du fait du nombre de résidents européens qui partent en vacances dans leurs pays.

Le IIème Plan (1965-67) voit la création du ministère du Tourisme. Il se fixe un nouvel objectif de 700.000 touristes pour 1967. Il retient, également dans cette perspective, plus que le doublement de l’hôtellerie traditionnelle - soit 27.000 lits au lieu des 12.000 existants - ainsi que le développement de l’hôtellerie pavillonnaire qui passerait de 1.800 à 6.800 lits.

Au total, le Maroc aurait alors une capacité additionnelle de plus 20.000 lits en l’espace de trois ans. Parallèlement, tous ces projets devaient créer 8.000 emplois, un tiers d’entre eux provenant des structures de formation et les deux autres tiers issus de la formation sur le tas. A fin 1967, le taux de réalisation de ce Programme n’était que de 19% avec seulement 1.500 emplois créés. Ce plan prévoit la mise en œuvre d’un certain nombre de moyens adéquats. Ainsi, il est recommandé la promotion de la publicité à l’étranger en faveur du produit touristique. L’importance du rôle de l’ONMT est soulignée à cet égard. Cet office devait, en outre, être déchargé de la gestion directe de la chaîne hôtelière étatique « Diafa ». Celle-ci devait être restructurée dans une nouvelle entité semi-étatique. Il était également prévu une meilleure adéquation entre l’offre et la demande.

Dans cette optique, le Plan a proposé la création d’une Agence nationale pour le réceptif compte tenu du fait que la centaine d’agences de voyages en activité se limitent pratiquement à la

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billetterie. Mais cette agence n’a pas vu le jour. Pour ce qui est des moyens retenus à l’intérieur, diverses mesures sont proposées. Des zones touristiques à aménager sont alors déterminées : Tanger, Smir, Al Hoceima, Agadir, le Grand Sud, les circuits des villes impériales. Pour faire obstacle à la spéculation foncière qui sévissait, il a été proposé des mesures particulières; il est aussi demandé l’éligibilité des entreprises touristiques à l’exonération des droits de douanes.

Pour ce qui est du financement, il est recommandé que les investissements touristiques bénéficient d’un crédit hôtelier à hauteur de 60 et même 80% ; de même, il est demandé que le crédit hypothécaire hôtelier soit transformé en crédit économique basé sur l’intérêt du projet et non plus sur la valeur du gage fourni par l’opérateur. Les objectifs des investissements arrêtés par le Plan sont les suivants : 57 MDH pour 1.965,85 MDH en 1966 et 165 MDH en 1967. Pour ces trois ans, le total des investissements réalisés dépasse les 295 MDH, soit pratiquement un taux de réalisation de près de 100%. Les pouvoirs publics ont reconnu au tourisme durant cette période son caractère d’industrie de base prioritaire dans le programme triennal.

Avec le IIIème Plan (1968-72), la priorité du tourisme dans le développement est réaffirmée en tant qu’objectif majeur. Si en 1967, l’on compte 400.000 touristes (hors les croisiéristes), l’objectif fixé pour 1972 est d’un million de visiteurs. Cet objectif sera même dépassé. Mais il y a un constat d’insuffisances : manque de personnel qualifié, déficit des infrastructures de loisirs et de transport, mauvaise gestion des établissements hôteliers, modestie de la politique de promotion à l’étranger. Des zones à aménager en priorité sont fixées : Tanger, Smir, Al Hoceima, Agadir. On doit remarquer au passage que le Sud et les circuits des villes impériales ne sont plus retenus dans cette nouvelle carte d’aménagement.

Pour ce qui est de la capacité d’hébergement, l’objectif fixé porte sur la réalisation de 28.000 lits en hôtellerie traditionnelle, 2.000 en résidences touristiques et 10.000 lits en camping caravaning. Les parts devant revenir à chaque secteur sont les suivantes : 6% pour le public, 35% pour le semi-public et 59% pour le privé. A la fin 1972, force est de relever que seuls 57% de cet objectif sont réalisés.

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A ce sujet, c’est surtout le privé qui s’est distingué avec un taux de réalisation de 80% des prévisions. Une aide significative est apportée par l’Etat au financement des projets grâce à la prime d’équipement correspondant à 9% du montant du projet. Les primes ainsi octroyées atteignent une enveloppe globale de 57 MDH. Le plan prévoit une réorientation des catégories d’établissements à réaliser au profit des hôtels 3 étoiles - qui grimpent de 27% à 35% - tandis que les hôtels 5 étoiles reculent de 18% à 14%. Ce repositionnement avait déjà été recommandé dans le IIème plan. Les recettes prévues pour cette période de cinq ans ont été fixées à 2.420 MDH dont 555 MDH pour la dernière année 1972. De fait, elles ne se sont élevées qu’à 1.655 MDH, soit un taux de réalisation de 68%. Quant aux 40.000 lits programmés, les investissements envisagés devaient correspondre à une enveloppe globale de 671 MDH, sur la base d’un ratio de 45.000 DH/chambre. Au terme de ce quinquennat, le taux de réalisation n’a été que de 64%.

Dans le domaine de la formation, trois nouvelles écoles hôtelières sont créées tandis qu’il est retenu un objectif de création de 8.800 emplois pour ces cinq années du Plan. Mais là encore, les réalisations restent en deçà des objectifs, avec un taux de 73% pour les cadres et de 43% seulement pour les employés. A noter, par ailleurs, que de nouvelles mesures qualitatives et financières sont également prévues. Ainsi, il a été décidé la simplification de la procédure administrative à tous les niveaux de réalisation de l’investissement.

Des mesures particulières d’encouragement en faveur de l’investissement sont également édictées. La durée des emprunts est portée à 10 ans pour l’équipement et à 20 ans pour la construction. Un différé d’amortissement des crédits de 5 ans est institué. Le taux du crédit du C.I.H. (Crédit Immobilier et Hôtelier) est fixé à 4,5%. Enfin, la stabilité de la fiscalité est garantie pendant dix ans (Décret-Royal 1010-65 du 31 décembre 1965). En termes d’évaluation, et malgré toutes ces mesures, les crédits accordés au secteur hôtelier par le C.I.H. atteignent seulement 207 MDH, soit 54% des objectifs fixés. Pour ce qui est, enfin, de la promotion, le Plan recommande que son budget, qui ne représentait que 1% des recettes touristiques, soit porté à 2%.

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Avec le IVème plan quinquennal (1973-77), les objectifs globaux définis visent la promotion du tourisme de masse, la diversification de la clientèle et la régionalisation des effets économiques et sociaux du tourisme. La préoccupation qui prévaut à cet égard, visait à optimiser la place et le rôle du tourisme dans le développement. La carte d’aménagement de zones touristiques considérées désormais comme prioritaires inclut Agadir, le Grand Sud, la côte méditerranéenne de Tanger à Nador ainsi que les villes de séjour.

Pour ce qui est des objectifs prévus pour 1977, il a été retenu une croissance annuelle de 21,6%. De fait, cet objectif n’a été atteint qu’à hauteur de 74%. La capacité d’hébergement, elle, devait presque doubler avec la construction prévue de 55.000 lits nouveaux, ce qui devait porter la capacité globale à 98.375 lits sur la base de cette répartition sectorielle : 5% par le public, 32% par le semi-public et 63% par le privé. Le taux de réalisation de ce programme a été de fait très bas avec seulement 22%, soit 11.145 lits, réalisés surtout à hauteur de 80% par le privé.

Les investissements réalisés dans l’hébergement se sont élevés à 1.259 MDH ; le coût moyen d’une chambre a été de 45.800 DH. Le budget promotionnel prévu pour cette période n’a été que de 60 MDH, soit 0,74% des recettes prévisionnelles. On est donc bien en deçà du chiffre de 2% retenu par le précédent Plan. A noter que le Plan a également prévu la création d’un Fonds national de publicité touristique devant financer les campagnes promotionnelles à l’étranger. Mais ce Fonds n’a jamais vu le jour.

Et même les dépenses effectivement réalisées ne se sont élevées qu’à 28 MDH, au lieu des 60 MDH prévus. D’autres mesures ont été retenues, comme le classement des monuments historiques, une législation de protection de l’environnement ou la création d’une brigade touristique.

Seule la protection de l’environnement reste encore à l’ordre du jour. En revanche, a été décidée l’élaboration d’un code des investissements touristiques qui a été effectivement édicté. Mais la mise sur pied d’un Bureau national pour l’investissement hôtelier

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devant assurer les études, la documentation et le contrôle technique n’a guère eu de concrétisation.

Avec le Vème Plan intérimaire (1978-80), aucune prévision particulière n’est vraiment définie. Il ne faut point s’en étonner parce qu’il s’agit en fait d’une « pause ». Mais pour la première fois, se fait jour l’idée d’un Master Plan Touristique nécessaire pour appréhender et optimiser ce secteur.

Le VIème Plan (1981-85), lui, cède à un bel optimisme débridé voire surréaliste, lorsqu’il annonce que « le Maroc pourrait espérer accueillir jusqu’à environ 20 millions de touristes à l’horizon 2000 ». Pour autant, il ne retient pour 1985 qu’un objectif de 2.536.000 visiteurs sur la base d’un rythme annuel de croissance de 9%. Durant ce plan, la décision a été prise de rendre permanent le système d’établissement des statistiques.

Alors que le Plan 1978-80 n’a réalisé que 8.517 lits sur les quelque 18.000 prévus, le VIème Plan est beaucoup plus ambitieux avec un objectif de 32.000 lits dont 6.227 au titre du programme SONABA. L’Etat entend, dans cette perspective, se désengager et voir le privé prendre en charge la réalisation de la quasi-totalité de ce nouveau programme.

Pour ce qui est des recettes touristiques, le Plan 1981-85 prévoit leur doublement. Les études techniques initiées sont poursuivies par cinq enquêtes sur les domaines suivants : tourisme intérieur, nuitées, dépenses, tendances du marché extérieur, coûts et bénéfices. S’agissant du budget promotionnel, le Plan retient une enveloppe de 200 MDH pour les cinq années, ce qui correspond pratiquement à 1,2% des recettes prévues.

Au titre des avantages financiers, l’on doit relever que l’enveloppe globale, - sous forme d’avances et de ristournes d’intérêt, s’est élevée à 337 MDH. Soit une aide annuelle de 67 MDH.

Pour ce qui est des aspects qualitatifs du tourisme - qualité de service, hygiène, accueil, environnement, signalisation, faux guides, contrôle des prix, - le Plan les évacue complètement.

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Avec le VIIème Plan (1988-92), l’on ne peut que relever la place marginale qui est accordée au tourisme. Peu d’indications et d’évaluations sont arrêtées, si ce n’est un objectif de 3 millions de touristes et 19 millions de nuitées en 1992 ou des recettes de 14.800 MDH. Il retient également la réalisation de l’ordre de 40.000 lits supplémentaires correspondant à des investissements de 6.570 MDH, dont 90% à la charge du privé. Il prévoit aussi la formation de 4.650 personnes et la création de 19.500 emplois. Au titre des mesures qualitatives, l’on doit notamment signaler la création d’une assiette foncière, la promulgation d’un décret de classement des sites touristiques, la promotion de l’emploi des lauréats formés et la création de nouvelles lignes maritimes entre le Maroc et les pays du Bassin méditerranéen en haute saison.

LeVIIIème Plan (2000-2004) intervient après huit années d’interruption qui n’ont pas fait l’objet de planification économique de la part des gouvernements qui se sont succédé durant cette période. Il faut noter que ce Plan a donc été élaboré avant l’Accord-Cadre sur le tourisme de janvier 2001 et l’Accord d’application d’octobre de cette même année. Il se fixe pour objectifs 4 millions de touristes et des recettes de 29 milliards de DH pour 2004, alors que celles-ci avaient été de 18,86 milliards de DH en 1999. Pour ce qui est de la capacité additionnelle prévue, elle a été fixée à 30.000 lits, portant la capacité totale à 121.000 lits.

Dans le domaine de l’emploi et de la formation, il a été retenu la création de 204.000 postes directs et indirects et la formation de 18.700 lauréats. Les objectifs d’investissement se fondent sur un total de 10 milliards de DH, dont 70% réservés aux nouveaux projets. Différentes mesures recommandées se proposent de promouvoir l’industrie touristique : réduction à 10% de la TVA des agences de voyages et des restaurants et à 7% de celle frappant les hôtels, réduction de 50% de l’I.S. (Impôt sur les sociétés) pour le chiffre d’affaires en devises, création d’une agence foncière nationale, exonération des charges patronales pendant cinq années pour les emplois créés, révision des normes de classement hôtelier, mise en place d’un fonds spécial de rénovation, création d’une compagnie aérienne charter...

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A LA RECHERCHE D’UNE POLITIQUE INTROUVABLE (1990-1999) Allait-on tirer les conclusions qui s’imposaient au terme de la

décennie quatre-vingt et mettre en œuvre une politique touristique adéquate ? Allait-on mesurer avec « l’effet Golfe » de 1991 que l’industrie de ce secteur devait véritablement faire l’objet d’une nouvelle politique volontariste et ambitieuse, bien sûr, mais nécessairement appuyée sur des mesures opératoires ? C’est à un ministre du Tourisme au profil peu conventionnel, Abdellah Kadiri, que l’on doit l’autocritique la plus franche de ce qui a été fait ou pas fait par les décideurs publics. Ancien officier des F.A.R, il a été appelé à la tête de ce département au titre de son parti politique. Il ne restera en fonction que durant pratiquement huit mois (du 30 juillet 1990 au 9 avril 1991). Mais grâce à son franc-parler, dans le style direct des militaires, cet homme a fait officiellement le meilleur diagnostic de la situation de ce secteur, de ses difficultés, de ses blocages structurels et de son avenir.

Le mémorandum qu’il a instamment adressé à ses collègues du gouvernement mérite d’être rappelé intégralement, car il garde toute sa pertinence et son actualité. Mais il nous permet surtout, plus de dix ans après, de bien mesurer le décalage qui existait entre le discours politique et administratif et la réalité de l’action sur le terrain. Ce diagnostic renseigne mieux que le meilleur résumé et la plus fine des synthèses. M. Kadiri, Ministre du Tourisme évoque les problèmes du tourisme marocain en ces termes :

LES PROBLEMES DU TOURISME MAROCAIN Depuis le plan triennal 1965-67, le tourisme est placé parmi les

secteurs prioritaires. Or, cette priorité s’est avérée purement théorique si l’on en juge par les moyens mis à la disposition de ce secteur, aussi bien sur le plan humain que matériel.

La part très modeste de ce département dans le Budget Général de l’Etat n’a pas connu l’évolution souhaitée enregistrant même une stagnation durant ces dernières années.

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C’est ainsi que ce département ne dispose ni d’un siège lui permettant de mettre fin à la dispersion de ses services à travers la capitale, ni des moyens humains nécessaires pour renforcer et étoffer ses délégations extérieures.

En outre, l’administration du tourisme chargée de concevoir et d’exécuter la politique gouvernementale en matière de tourisme est en fait dépourvue de l’autorité suffisante lui permettant de remplir pleinement sa mission.

Ainsi, l’exposé des problèmes que connaît ce secteur fait apparaître qu’une priorité réelle doit lui être accordée, afin de lever tous les obstacles qui entravent son développement.

Investissement et aménagement touristiques L’insuffisance de la capacité d’accueil est la résultante des

handicaps de tout ordre qui freinent l’investissement dans le tourisme, et qui sont :

Le problème foncier⇒ Véritable obstacle au développement du secteur, le cadre

juridique, institutionnel, administratif et foncier de l’aménagement touristique présente dans son état actuel des limites très prononcées.

Le problème foncier présente en effet plusieurs aspects : manque et cherté des terrains, complexité des régimes juridiques, difficultés inhérentes aux documents d’urbanisme, même quelquefois absence et inadaptation des infrastructures de base.

Compte tenu de ce qui précède, les sociétés d’aménagement touristiques existants n’ont d’ailleurs pas pu remplir convenablement leur mission en raison de ces obstacles.

A cette situation de pénurie de terrains à mettre à la disposition des promoteurs, il faudrait ajouter le problème des terrains aménagés et dont l’attribution reste encore bloquée. C’est le cas des terrains de la baie de Tanger (Tingis) qui attendent l’approbation du schéma directeur de la région de Tanger. De même, les terrains touristiques aménagés à El Hoceima n’ont pu recevoir les approbations nécessaires pour leur attribution.

Application du code des investissements touristiques⇒

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09/01/04 PREMIERE PARTIE CHAPITRE I

Les mesures d’incitation à l’investissement dans le secteur touristique ont connu depuis 1987 les trois restrictions suivantes :

Janvier 1987 Suppression des ristournes d’intérêt.

Mai 1988 Réduction de la période d’exonération totale et partielle de

l’impôt sur les sociétés (I.S) ou de l’impôt sur les bénéfices professionnels (I.B.P).

Janvier 1989 Mise en application de la ‘’liste négative’’ touchant une grande

partie des équipements indispensables au fonctionnement normal du secteur. Ces restrictions ont eu une répercussion défavorable en ce sens que le volume des projets agréés pour bénéficier des avantages étatiques, qui avait atteint 20.000 lits en 1988 a connu une baisse à partir de 1989 (15.000 lits pour se situer au niveau de l’année en cours à 5.000 lits, soit à peine le volume des codes antérieurs, 1960 et 1973. Il est à rappeler que le plan de développement économique et social 1988-1992 prévoit une moyenne annuelle durant la période quinquennale de 8.000 lits.

Fiscalité locale⇒ Outre les nouvelles taxes locales liées à l’animation, aux

enseignes, à l’exploitation des débits de boisson etc. La taxe de séjour constitue un handicap à la commercialisation auprès des T.O du produit touristique marocain. En plus, étant sujette à la T.V.A et n’étant pas répercutée sur les clients de groupes, la taxe de séjour alourdit les charges d’exploitation des établissements touristiques.

Promotion A défaut d’une vision claire et nette de la stratégie

promotionnelle à adopter, on peut même parler d’absence de politique en la matière.

En effet, faute de moyens suffisants, on assiste à une improvisation pratiquement érigée en règle.

C’est ainsi qu’au lieu d’utiliser rationnellement le peu de moyens disponibles, en localisant l’action promotionnelle sur quelques marchés porteurs, on assiste à une dilution de ces moyens sous forme

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de saupoudrage d’un certain nombre de marchés à rentabilité incertaine.

Si l’on ajoute à cela l’absence de toute coordination et concertation en matière d’action promotionnelle, entre les différents intervenants, on comprend aisément le peu d’effet que les campagnes entreprises ont sur les marchés concernés.

Par ailleurs, la multiplicité des délégations de l’ONMT à l’étranger alourdit, souvent inutilement, la charge financière de l’Etat, puisque la Taxe de Promotion Touristique censée renflouer le budget promotionnel sert, en fait à couvrir les dépenses de fonctionnement de ces représentations extérieures.

Animation Cette activité constitue l’une des principales lacunes du tourisme

marocain.

Ainsi, en dehors de quelques établissements touristiques, l’animation est quasi-inexistante, alors que les pays de la concurrence en offrent un vaste choix : installations son et lumière, grand choix de restaurants, parcs, palais de congrès, casinos…Cette activité présente en effet un intérêt tout particulier puisqu’elle influe sur l’étalement des saisons, l’amélioration du taux de retour ainsi que sur la rentabilité des investissements.

Une image fort significative, donnée au produit par les organisateurs de voyages, résume bien cette situation : « au Maroc le touriste est piégé dans son hôtel ».

Transport

Le transport aérien⇒ 57% des touristes ayant visité notre pays en 1989 ont utilisé le

transport aérien, ce qui montre l’importance de ce moyen de transport dans les mouvements touristiques à destination du Maroc. Or, l’insuffisance en sièges de la RAM, le nombre réduit de ces dessertes sur les destinations pourtant prometteuses, le non-respectt des horaires, la baisse de la qualité des prestations à bord, la politique tarifaire, sont autant de facteurs qui limitent sérieusement la demande sur notre pays.

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Transport maritime⇒ Pour ce qui est du transport maritime, sa part n’a cessé de

chuter puisqu’il ne représente plus en 1989 que 14% des visiteurs étrangers.

Pourtant, ce mode de transport peut jouer un rôle beaucoup plus important si l’on prend en considération la proximité de notre pays de l’Europe qui constitue le plus grand marché émetteur de touristes du monde.

Le transport maritime peut même constituer une motivation supplémentaire pour une certaine catégorie de touristes qui aiment voyager avec leurs voitures ou leurs motos.

Malheureusement, on constate que ce transport ne joue pas pleinement son rôle pour les raisons principales suivantes :

o Insuffisance de la flotte malgré la mise en service récente de nouveaux cars-ferries.

o Insuffisance du nombre de rotations, surtout en haute saison, ce qui donne lieu à des attentes interminables et parfois même à des annulations notamment au port d’Algésiras.

Transport terrestre⇒ Les principales difficultés rencontrées par cette branche

d’activité sont :

o Une réglementation désuète et inadaptée.

o Multiplicité des administrations intervenant dans les procédures de contrôle et d’octroi des agréments.

o Un coût élevé et sans cesse croissant du matériel roulant.

o L’exclusion, depuis 1989, des acquisitions de véhicules pour le transport touristique du bénéfice de l’exonération des droits de douane, qui constituait une incitation déterminante au profit de cette branche d’activité, et ce, dans le cadre des mesures de protection de la fabrication locale.

En outre, le parc actuel ne répond que partiellement aux normes internationales du transport touristique : confort, rapidité, sécurité…

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De même, on assiste à la non-conformitéé des voitures de grande remise, des taxis et des voitures de location, aux impératifs de confort et d’entretien ainsi qu’à une anarchie des prix. Cette situation qui conduit à une insuffisance de la capacité actuelle représente une entrave sérieuse au développement du tourisme itinérant.

Accueil Alors que les traditions d’hospitalité de notre pays devraient

constituer un atout supplémentaire pour notre produit touristique, il est paradoxal de constater que l’accueil représente un handicap majeur et chronique au développement du tourisme au Maroc.

C’est ainsi que dès son premier contact avec notre pays, le touriste est soumis à des ‘’agressions’’ de toutes sortes :

o Lenteur et complexité des formalités administratives d’accès dues à l’insuffisance des effectifs de police et de douane et à l’inadaptation de leur formation à leur mission d’accueil.

o Inadaptation des infrastructures d’accueil dans la plupart des postes frontières, ports et aéroports.

o Insuffisance des moyens de transport, des ports et aéroports vers les centres-villes.

o Vétusté des moyens de transport auxiliaires (taxis, voitures de grande remise) et anarchie des prix pratiqués.

o Détérioration des prestations au niveau des établissements d’accueil (hôtels, restaurants, cafés) due au manque de professionnalisme des hôteliers et à l’emploi d’une main-d’œuvre non qualifiée.

o Harcèlement de toutes sortes (mendiants, enfants vendeurs à la sauvette) qui constituent une atteinte à la liberté et au confort de visiteurs.

o Prolifération des guides clandestins.

o Comportement abusif des bazaristes et absence de la qualité et d’affichage des prix des produits de l’artisanat.

o Insuffisance des signalisations et des bureaux d’information à même de guider et d’orienter le touriste.

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o

Formation professionnelle De par ses ramifications, la formation professionnelle intéresse

une grande partie des branches d’activité de ce secteur ; or force est de constater que la formation professionnelle telle qu ‘elle est dispensée actuellement, n’est plus adaptée aux besoins du tourisme international.

Sur le plan qualitatif on constate :

o Une absence de formation continue pour les employés de la profession.

o Une absence des disciplines nouvelles en matière de formation professionnelle touristique.

Sur le plan quantitatif on constate :

o Une insuffisance du nombre annuel des lauréats, alors que le secteur souffre d’une pénurie en personnel qualifié de l’ordre de 12.000 personnes.

o Un retard très lent dans l’avancement des travaux de construction des unités programmées.

o Un manque de moyens humains et matériels.

PROPOSITIONS POUR L’ASSAINISSEMENT ET LA PROMOTION DU SECTEUR

Investissement et aménagement touristiques

⇒ Problème foncier A l’instar des pays de la concurrence, une planification spatiale

(schéma directeur) du développement touristique du pays doit être élaborée et un patrimoine foncier doit être constitué.

Il est nécessaire également de procéder à l’intégration aux différents documents d’urbanisme, des dispositions réglementaires, qu’implique le développement touristique des zones non couvertes.

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Une solution globale à ces problèmes réside en la création d’une agence centrale d’aménagement touristique, dont la principale mission consistera à acquérir des terrains, à les viabiliser et à les mettre à la disposition des promoteurs potentiels dans le cadre d’une action conjointe avec les autorités et les collectivités locales.

Il importe également que ces dernières bénéficient des moyens nécessaires en vue de faire face aux dépenses induites par les nouveaux projets (extension des réseaux routiers, adduction d’eau, d’électricité, branchement téléphonique etc.), et qu’elles interviennent plus activement dans l’aménagement des terrains à vocation touristique.

⇒ Code des investissements : Pour atténuer la baisse constatée dans l’investissement

touristique, deux mesures urgentes s’imposent :

o Accélérer les modalités d’extension des avantages du code des investissements touristiques aux établissements d’animation.

o Réviser le contenu de la ‘’liste négative’’, compte-tenu des besoins en équipements et en moyens de transport du secteur.

A ce propos, les avantages consentis par le code au Maroc sont nettement en-deçà de ceux accordés par la liste initiale des projets (octroi de terrains, subvention d’étude, bonification du taux d’intérêt de 3 à 5 points, avec en plus un régime spécial pour le tourisme saharien…).

Un effort particulier doit être entrepris pour développer le tourisme national, par l’encouragement des investissements dans les résidences touristiques et les campings.

⇒ Fiscalité locale : En vue d’atténuer l’incidence de la fiscalité locale sur les

charges des établissements touristiques, il y a lieu de :

o Limiter le seuil de la taxe de séjour à un niveau minimal ;

o Inciter les collectivités locales à réserver le produit de cette taxe à des fins touristiques : amélioration et renforcement

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des infrastructures de base, signalisation, participation aux actions de promotion et d’animation, création des places publiques, des rues piétonnières, de théâtres en plein air etc.

Promotion La stratégie promotionnelle actuelle étant largement dépassée,

une révision et une réadaptation s’imposent par :

o L’élaboration d’un ‘’plan marketing’’ permettant la planification des actions de promotion à moyen et long termes.

o L’octroi de moyens budgétaires en rapport avec les recettes générées par le secteur. Alors que dans les pays de la concurrence, les moyens mobilisés se situent dans la fourchette de 3 à 5% des recettes en devises, fixée par l’Organisation mondiale du tourisme, au Maroc le budget promotionnel n’atteint même pas 1% des apports du secteur. Or, il est constaté que toute augmentation du budget promotion conduit à un accroissement des recettes en devises.

o Renforcement du secteur privé dans la conception et la réalisation de la politique promotionnelle, compte tenu non seulement des objectifs qui lui sont assignés, mais aussi parce qu’il est le principal bénéficiaire.

o Concentration de l’effort promotionnel sur les principaux marchés traditionnels porteurs.

o Introduction de la notion de rentabilité dans la gestion de l’ONMT et des ses délégations extérieures afin de rendre ces instruments de promotion plus performants. Le réseau des délégations devra aussi être revu en fonction des critères de rentabilité.

Animation Cette activité qui a des répercussions sur l’étalement des

saisons, sur l’amélioration de la qualité de l’accueil et sur la

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rentabilisation des investissements, doit faire l’objet d’encouragements substantiels.

Cependant, bien que le principe de l’extension des avantages du code aux établissements d’animation ait été retenu dans le cadre du texte en vigueur, son application n’est toujours pas mise en œuvre, le décret la consacrant n’ayant pas abouti.

Transport Ce secteur joue un rôle déterminant dans les afflux touristiques,

aussi est-il nécessaire que les départements concernés prennent les dispositions nécessaires suivantes :

⇒ Transport aérien : o Améliorer les prestations à bord des avions de la compagnie

nationale RAM et veiller au respect des horaires ;

o Augmenter le nombre des dessertes, surtout au niveau des marchés émetteurs de touristes ;

o Multiplier les vols aériens pendant les périodes de haute saison ;

o Harmoniser les conditions de vols en réduisant la durée des transits en adaptant les correspondances ;

o Revoir la politique tarifaire dans le sens d’une plus grande compétitivité, tant au niveau des lignes internationales qu’intérieures ;

o Encourager les mouvements ‘’charters’’.

⇒ Transport maritime : o Exonérer l’importation des bateaux d’occasion des droits de

douane ;

o Multiplier le nombre de rotations surtout en haute saison ;

o Encourager l’acquisition des cars-ferries.

⇒ Transport terrestre : o Affichage des prix ;

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o Un meilleur contrôle technique des véhicules ;

o Formation et perfectionnement des chauffeurs de cars, de taxis et de bus ;

o Révision des normes techniques des moyens de transport ;

o Allégement des charges fiscales et octroi des dérogations pour l’importation des véhicules d’occasion.

Accueil L’accueil est le domaine par excellence, qui constitue l’affaire de

tous, impliquant aussi bien les pouvoirs publics que les collectivités locales ainsi que les différents opérateurs et même la population.

Toute politique ne tendant pas vers une mobilisation générale de toutes les parties en cause, en vue d’une solution même progressive, des problèmes posés par l’accueil tels qu’ils ont été énumérés, est vouée à l’échec.

Dans l’immédiat, il y a lieu de prendre les mesures nécessaires pour :

o Créer, dans les postes-frontières, des bureaux d’informations touristiques ;

o Renforcer la signalisation et l’information touristique sur toutes les villes (plan de villes, panneaux en plusieurs langues) ;

o Installer des guichets réservés aux touristes en groupes, pour éviter les encombrements ;

o Augmenter les effectifs de police et de douane et prévoir à leur intention des séminaires de formation adaptée à leur mission ;

o Garantir les meilleures conditions de sécurité et de quiétude par la création de brigades touristiques, chargées de lutter contre la mendicité, l’escroquerie, le vol et toutes forme de harcèlement ;

o Contrôler la qualité des produits artisanaux vendus dans les bazars ;

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o Exiger l’affichage des prix et la remise des factures et prendre des sanctions sévères contre les bazaristes malhonnêtes. L’encouragement du regroupement des bazaristes en coopérative est une mesure de nature à faciliter le contrôle et un meilleur service ;

o Assainir le produit touristique par un véritable encadrement du secteur, permettant un contrôle strict et systématique de toutes ses composantes, en vue d’améliorer la qualité des prestations et d’assurer un bon rapport qualité-prix.

o Redynamiser les syndicats d’initiative et les associations professionnelles : pour y parvenir, une prise de conscience générale sur le rôle du tourisme, doit suivre l’action du ministère.

C’est ainsi qu’une large campagne sur le tourisme marocain et ses retombées bénéfiques sur le plan économique et social doit être réalisée. A cet effet, le ministère mettra en place les structures et les moyens pour mener à bien la mission dont il a la charge et poursuivre ses efforts dans les axes suivants :

o Organisation de l’ONMT et des délégations à l’étranger par l’introduction de la notion de rentabilité dans la gestion en vue de rendre ces instruments de promotion plus performants. Le réseau des délégations devra ainsi être revu en fonction des critères de rentabilité

o Optimisation des affectations des cadres aussi bien au niveau central que régional, en fonction des critères de compétence d’intégrité et de rendement. L’accent sera particulièrement mis sur le recrutement et l’emploi de jeunes cadres

o Création de délégations régionales de tourisme dans le cadre de la politique de déconcentration administrative ;

o Formation et perfectionnement des agents en place, dans les nouvelles techniques de tourisme et de gestion ;

o Informatisation des différents services du ministère du tourisme, pour une meilleure gestion du secteur.

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Le secteur du tourisme de par le monde est devenu un secteur auquel les gouvernements accordent une attention toute particulière pour développer leur économie. Aussi, et à l’instar de beaucoup de pays, le Maroc devra accorder à ce secteur tout l’intérêt qu’il mérite. A cet effet, une conjugaison des efforts de tous les intervenants doit être assurée.

L’essor du tourisme reste tributaire de l’adhésion active de tous les partenaires dans le cadre d’une concertation franche et permanente.

Une telle politique, est de nature à assurer au Maroc une place de choix dans le concert des pays touristiques. »

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Chapitre II : Echec programmé ?

Combien de coups de menton dans les tribunes officielles !

Combien d’effets d’annonce lors des poses de première pierre et de coupures de ruban symboliques de « projets » ! Mais cette somme de gesticulations fait-elle, au total, une véritable politique ? On ne peut que se le demander et relever, avec amertume, et même consternation, la modestie des résultats. Pourquoi une telle situation ? Pourtant, les plans n’ont pas manqué depuis le début des années soixante. Nous en sommes aujourd’hui, officiellement en tout cas, au VIIIème Plan (2000-2004). Que vaut-il ? Et, de surcroît, qui en parle encore ? Et qui y croit ? Personne, en vérité parce qu’il a été pratiquement « aspiré » et transcendé même par l’Accord-Cadre signé, en janvier 2001, sous les auspices de SM. Mohammed VI. Pour la première fois depuis 1960, l’on ne s’est pas contenté de fixer des objectifs ambitieux, mais l’on a pris soin, en même temps, de définir les conditions et les modalités de leur réalisation.

On a ainsi voulu voir loin, jusqu’à la fin de la présente décennie ; mais l’on a également veillé à réfléchir, de manière concertée, aux voies et moyens de la « faisabilité » de cette nouvelle politique. Ce qui tranche tellement avec tant de mauvaises habitudes prises dans le passé...

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PLANS SANS PLANIFICATION !

D’année en année, de plan en plan -les uns triennaux, les autres quadriennaux et même quinquennaux - les pouvoirs publics ont donc adopté des stratégies de développement couvrant tous les secteurs des activités nationales et en particulier l’industrie du tourisme. Ces plans ont été finalisés dans des textes législatifs; ils ont ainsi pris la forme de lois applicables à tous et devant ainsi être contraignantes pour l’Administration et les opérateurs concernés ou impliqués. Or, quelle a été l’effectivité de l’application de ces plans approuvés par l’autorité législative ? C’est un document on ne peut plus officiel du département ministériel en charge de ce domaine qui évalue à 40% le taux de réalisation des objectifs fixés. Tous les décideurs avaient connaissance de cette amère réalité.

Mais rien n’a été fait. Est-ce par paresse ou par indifférence ? S’agit-il d’un déficit de gouvernance ? Sommes-nous en face d’une donnée objective, structurelle pourrait-on dire, qui veut que l’on « continue pour continuer », dans la même voie, avec les mêmes errements ? Certes, les regrets et les soupirs n’ont pas manqué, à l’occasion, pour déplorer les mauvais résultats enregistrés. Mais qu’a-t-on décidé de manière opératoire pour aller au-delà de ces lamentations phoniques qui sont devenues le lot commun et l’état d’esprit dominant durant pratiquement les quatre décennies écoulées ?

Se pose ici le problème peut-être le plus central de toute notre façon d’être : celui de notre incapacité à faire face à l’autocritique. On regarde bien le passé et son bilan. Mais va-t-on au-delà, autrement dit, prend-on les mesures adéquates pour réunir les conditions voulues de réalisation des objectifs que l’on s’est de nouveau fixés pour l’avenir ? Assurément non.

Couche sur couche, strate sur strate, les sept plans que le Maroc a totalisés ont été marqués par une seule et même méthodologie : le ressassement des insuffisances et un catalogue de mesures s’apparentant à une inflation de professions de foi sans portée. Pourquoi en changer après tout, dira-t-on, puisque aucun suivi effectif ni contraignant n’était mis en place ?

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On élaborait ainsi, à grand bruit, des « plans ». Mais faisait-on vraiment de la planification entendue comme étant un processus d’accompagnement bâti sur une ardente obligation ? Telle est la dure réalité. L’examen du rapport de synthèse sur le tourisme dans le dernier plan 2000-2004 est l’expression achevée de cette méthodologie défaillante. On peut y recenser pas moins de 87 propositions - assorties d’ailleurs de dizaines de mesures particulières- sur la promotion du tourisme.

Et après, dira-t-on ? Toutes ces bonnes idées ont-elles dépassé le stade de simple énonciation ? Ont-elles reçu une traduction concrète à la mesure des exigences des objectifs chiffrés qu’elles impliquaient ? Assurément non.

Voilà bien l’une des données de l’échec du tourisme. Pourtant, dans le discours officiel, la « priorité » était toujours donnée à ce secteur qui était, bon an mal an, le premier poste de la balance des paiements et qui contribuait à hauteur de 6% au P.I.B. national.

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DEFICIT DE REACTIVITE DES GOUVERNEMENTS

Si la première guerre du Golfe a été un révélateur de la crise du secteur touristique au Maroc, la prise de conscience générale qu’elle a provoquée ne s’est pas limitée alors à la seule conjoncture. Les problèmes structurels qui n’étaient alors souvent évoqués que de manière incidente ont été de ce fait mis au premier plan. C’est une lumière crue qui a ainsi mis en exergue un aspect fondamental de cette activité, à savoir les difficultés de sa situation financière.

Peu de gens se souviennent de l’important séminaire organisé par le C.I.H. dans ses bureaux de l’avenue Hassan II en 1993. Cette rencontre a donné lieu à un rapport, passé malheureusement inaperçu aussi bien par les journalistes que par les professionnels.

Les thèmes débattus durant le séminaire se sont articulés autour de trois axes :

• L’évolution du tourisme et les problèmes structurels posés.

• Les modalités de financement.

• L’analyse des indicateurs de rentabilité. Le C.I.H., après avoir attiré l’attention sur la faible capacité

nationale et le lent accroissement des flux touristiques, souleva une question de taille relative aux recettes touristiques. Celles-ci ont progressé de 19,4% entre 1982 et 1990, alors que les nuitées enregistraient une très faible augmentation. Une hypothétique hausse des prix avait été évoquée pour justifier cette anomalie alors que nos recettes touristiques en 1991, année de grave crise où les nuitées ont chuté de 36% ont accusé une baisse de 15% seulement.

Le C.I.H. a surtout mis l’accent, au-delà des problèmes de conjoncture, sur des raisons structurelles ayant contribué à ternir le produit touristique marocain. Rien n’a été oublié : de la conception inadéquate des produits touristiques à la vétusté et la dégradation des unités hôtelières, en passant par l’insuffisance et la cherté des vols aériens. A signaler que les éléments d’analyse de base concernant le

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premier point sont le déphasage entre les coûts d’investissement et les prix de vente pratiqués.

Après avoir précisé que l’absence de cohésion dans le domaine de la promotion complique la situation et la rend quasiment insoluble, le C.I.H. juge que les aléas liés au financement sont d’autant plus importants qu’ils concernent l’augmentation des coûts des matériaux, le retard dans la réalisation des chantiers et notamment les obstacles fonciers. Cette situation catastrophique du secteur touristique, prévient le C.I.H., entraîne des conséquences graves sur la rentabilité des investissements, la structure des bilans des entreprises touristiques, l’entretien des hôtels et surtout les relations entre le C.I.H. et les promoteurs hôteliers incapables d’honorer leurs engagements. Ces derniers ayant enregistré des taux de rentabilité interne très faibles, allant de 0 à 4% seulement, ne pouvaient échapper à leur sort.

Le C.I.H. s’est attaché, par ailleurs, à évaluer la crise du secteur touristique et ses conséquences sur la banque. Il tire de cette crise deux conséquences : l’une sur sa trésorerie, l’autre sur sa structure financière. Pour ce qui est de la situation de sa trésorerie telle qu’elle résulte des années 1990/1991, le montant global « des échéances impayées » par les hôteliers se situe à hauteur de 810 MDH. Cette donnée a provoqué une forte baisse de l’activité et des engagements du C.I.H, qui a eu des difficultés à trouver des ressources de substitution. Sans oublier que, dans le même temps, le C.I.H. était tenu de respecter ses obligations financières vis-à-vis de ses créanciers nationaux et internationaux.

Mais il faut également évoquer les conséquences de cette insolvabilité du secteur hôtelier sur la structure financière du C.I.H, autrement dit, sur ses performances. De quoi s’agit-il ? D’augmenter de manière notable les provisions pour créances douteuses pour tenir compte des risques nouveaux attachés aux prêts hôteliers et immobiliers. Le risque hôtelier devenant plus élevé, il faut donc en tirer les conclusions nécessaires. Le C.I.H. précise à cet égard que « si l’évolution du secteur touristique se maintenait dans la tendance actuelle - comme cela semble être le cas - la rentabilité de l’entreprise

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pourrait être compromise du fait de l’importance relative que revêt le portefeuille hôtelier dans les encours de la banque ».

Il faut relever, par ailleurs, que l’intégralité des prêts hôteliers financés par le C.I.H. sont couverts par la garantie de l’Etat, celle-ci étant soit totale soit fixée à concurrence de 50 à 60% selon les cas. Mais cette garantie ne peut être formellement invoquée que si toutes les voies de recours ont été épuisées et que des poursuites judiciaires ont été engagées.

Or, tel n’a pu être le cas puisque sous la pression de la crise touristique liée à l’« effet Golfe » et par suite de fermes recommandations des pouvoirs publics, le C.I.H. n’a pas eu d’autre choix que de mettre en place, pour ses clients hôteliers, des plans de rééchelonnement des échéances dues au titre de l’année 1991 et ce, à un taux de 12%.

Dans cette opération, le C.I.H était perdant, puisqu’il empruntait lui-même pratiquement à ce taux sur le marché financier, les fonds devant financer ce programme de rééchelonnement. Un emprunt spécial de 400 MDH qui devait être lancé à la fin 1991 n’a pas pu aboutir. Et le C.I.H a dû recourir aux avances spéciales de Bank Al Maghrib au taux de 18% pour faire face à ce déficit de trésorerie. Tirant les enseignements de cette situation, le C.I.H. a appelé de ses vœux la définition d’une stratégie de crise de la part des pouvoirs publics.

Sa préoccupation était double : d’une part, préserver ses intérêts d’institution financière et prendre à cet effet des dispositions de sauvegarde, d’autre part, arrêter une politique conséquente vis-à-vis de ses emprunteurs immobiliers et hôteliers. Au titre des mesures de sauvegarde, le C.I.H. s’estime fondé à demander la mise en jeu de la garantie de l’Etat pour l’ensemble des prêts hôteliers en situation irrégulière. Cette proposition n’a pas eu de suite de la part du gouvernement qui s’en est tenu à des réponses évasives.

Pour ce qui est de l’autre volet intéressant les relations C.I.H.- emprunteurs, les pouvoirs publics n’ont pas été plus réactifs. Le C.I.H. a formulé plusieurs montages à cet égard : celui de la remise de dettes accompagnées de règlements substantiels des arriérés

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immédiats ou à court terme, celui de la consolidation ou de la restructuration de dettes avec ou sans remise de dettes, enfin celui visant les clients immobiliers et hôteliers « passifs », c’est-à-dire qui n’envisagent pratiquement aucune solution pour régulariser leur situation vis-à-vis du C.I.H. Le conseil d’administration a été instamment saisi de toutes ces propositions. Il en a délibéré mais sans prendre de décision...

Durant des années, et jusqu’au milieu de la décennie quatre-vingt-dix, le gouvernement ne se décide pas à prendre les mesures attendues. Les entreprises hôtelières et immobilières s’installent dans un processus aggravé de surendettement. Elles ne peuvent pas faire face à leurs échéances de remboursement d’emprunt, elles se heurtent à des taux pratiquement prohibitifs de l’ordre de 16% sur le marché, et elles sont confrontées à une situation de quasi-cessation de paiement.

De plus, la fin du régime de la double incitation pour l’investisseur accentue la fragilité financière des unités hôtelières lancées au début des années quatre-vingt-dix, et ce dans une mauvaise conjoncture liée à l’« effet-Golfe ». On a pu penser que la reprise de l’activité touristique observée en 1993 allait inaugurer un palier de croissance. Or l’attentat d’août 1994 à Marrakech et la chute des flux touristiques qui ont suivi ont replongé le secteur dans une nouvelle crise. Il a fallu attendre la fin de l’année 1995 pour que le gouvernement mette en œuvre un plan de rééchelonnement des arriérés des opérateurs hôteliers.

De l’aveu des responsables eux-mêmes et des experts, le rééchelonnement de 1995 décidé par Abdelatif Filali, alors Premier ministre, était une mesure insuffisante et tardive. Mais le taux retenu en l’espèce - soit 12% - ne pouvait contribuer à la mise à niveau d’un secteur en crise. L’occasion d’une véritable politique rénovée en faveur de l’industrie touristique n’a pas été vraiment saisie. Ce plan de rééchelonnement, simple palliatif, permettait sans doute d’alléger quelque peu le poids des contraintes de toutes sortes frappant le secteur. Pour autant, il ne s’inscrivait pas dans une démarche stratégique de nature à promouvoir durablement ce secteur. De nouveau et selon des situations variables, les unités hôtelières ne

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pouvaient mobiliser des ressources financières suffisantes pour améliorer leur produit et faire face à la crise.

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VINGT SEPT MINISTRES : PROFILS CONTRASTES DANS L’INSTABILITE

Vingt-sept ministres ! Tel est le chiffre des membres du gouvernement qui se sont succédé - et dont certains, à eux-mêmes quelquefois - à la tête du département du Tourisme depuis le premier Cabinet de l’indépendance, dirigé par Bekkai, le 7 décembre 1955. En près d’un demi-siècle, c’est une véritable galerie de portraits aux profils bien contrastés que l’on peut y relever. Lequel d’entre eux a véritablement laissé sa marque dans ce secteur ? Incontestablement Moulay Ahmed Alaoui que l’on peut légitimement considérer comme le « père » du tourisme marocain. De toute cette cohorte ministérielle, il sort du lot.

Avait-il une politique ? En charge une première fois de ce département durant presque dix ans -du 5 janvier 1963 au 14 avril 1972 - c’est donc un long bail qu’il y a exercé. Inspiré par le « modèle » espagnol, si proche, sa démarche était de doter le Maroc de gîtes d’étapes et d’établissements hôteliers dans les grandes villes à potentiel touristique (Rabat, Marrakech, Agadir). Mais il s’est également préoccupé de promouvoir le Sud et le Grand Sud. Dans cette dernière perspective, il s’est attelé à revivifier les Moussems, en veillant à en faire un produit touristique culturel attractif pour des touristes en quête d’exotisme et de dépaysement. Dans un Maroc engagé dans un processus de développement et de modernisation, cette ambition a cependant marqué le pas. Non pas qu’elle ait manqué d’intuition et même de fulgurance - avec le lancement du produit balnéaire sur la côte méditerranéenne ou le circuit des « Villes impériales » notamment. Mais elle n’avait de chances de générer une véritable dynamique de développement que si elle avait été accompagnée de mesures structurelles adéquates. Or, si Moulay Ahmed Alaoui pouvait exceller dans les relations publiques et la communication, il ne hissait pas ses efforts ni son action au niveau d’une politique institutionnelle durable inspirée du vœu collectif des Marocains et exécutée par des équipes désintéressées, compétentes et responsables.

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Ainsi, le Conseil supérieur du tourisme pourtant prévu dans le plan 1960/1964 n’a pas vu le jour; pas davantage les objectifs retenus dans les plans 1965/1967 et 1968/1972. Ce qui ne pouvait, à terme, que peser sur les chances d’instauration et d’expansion d’une économie du tourisme à même de jouer le rôle que les plans s’obstinaient officiellement à lui assigner.

Rien d’étonnant, dans ces conditions, que des performances aussi décevantes n’aient pu être évitées pour des raisons cumulatives : concentration des décisions et des orientations entre les mains de très peu de décideurs sinon d’un seul, suivisme béat et absence de véritables débats, absence d’une vision et d’une ferme volonté politique réformatrice. Moulay Ahmed Alaoui reprit d’ailleurs ce même département quelque huit ans après, en février 1980 jusqu’à la fin novembre 1983.

Le « style Moulay Ahmed » était sans doute le même, avec ses déclarations de nationaliste passionné - il lança le slogan « dix millions de touristes », multipliant les tournées et les visites. Mais cette posture n’avait, il faut bien le dire, que l’élan des années soixante sans une véritable capacité d’entraînement. Mais le Maroc lui doit quand même les gîtes d’étapes du grand Sud, la Tour Hassan à Rabat, le Zalagh et les Mérinides à Fès et bien d’autres réalisations-phares.

Une mention particulière doit, à mon sens, être faite à un autre ministre. Il s’agit de Abdallah Kadiri. Ephémère responsabilité. Elle n’aura duré que huit mois (du 30 juillet 1990 au 4 avril 1991). Au lieu de céder au discours convenu qui a toujours prévalu dans ce secteur durant pratiquement quatre décennies, l’homme a opté, par tempérament sans doute plus que par calcul politicien, pour la transparence. C’est à lui que l’on doit le constat le moins apprêté de la situation, la dureté des chiffres et l’identification des mesures à prendre pour sortir de la léthargie.

Ce discours-là dérangeait les bien-pensants, leurs habitudes et leur confort intellectuel et politique; il ne pouvait guère être audible et il passera à la trappe du silence quelques mois plus tard, sans autre forme de procès. Il dérangeait en effet la manière de penser et de

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gérer de tout un « establishment » qui gérait des carrières et des intérêts et qui n’entendait point s’aventurer dans le volontarisme de réformes de fond à entreprendre pour faire décoller et promouvoir le secteur touristique. Que lui demandait le gouvernement ? D’être ministre et de « faire le ministre », pas de s’impliquer dans une approche alarmiste qui mettait en relief l’incurie des uns et l’incompétence des autres.

Pour tous les autres ministres, deux grandes filières peuvent être identifiées : celle des ministres partisans (RNI, PND, UC et USFP) et celle des « technocrates ». Les uns ont-ils fait mieux que les autres ? C’est pour le moins difficile à plaider et à établir. Ce serait pourtant injuste de dire qu’ils ont manqué de bonne volonté - ils n’en étaient pas dépourvus, quoique de manière inégale. Mais étaient-ils préparés à de telles fonctions ? Rien n’est moins sûr. Les ministres politiques se voyaient confier le département du tourisme dans le cadre d’une comptabilité politique gouvernementale où le dosage entre les différentes composantes était décisif. Les partis politiques dûment invités à participer au gouvernement ne se préoccupaient pas, à cet égard, de promouvoir dans leurs rangs des compétences éprouvées ou des cadres à fort potentiel mais de « placer » leurs dirigeants. Si bien que la boucle était bouclée, le système générant la reproduction de ceux-là mêmes qui y avaient un statut « institutionnel », fait de cooptation et de clientélisme. Au total, tel ministre d’un parti pouvait tout aussi bien se voir confier le département de la jeunesse ou des PTT comme il pouvait avoir celui des Affaires Administratives... ou du Tourisme.

Deux ministres « technocrates » - en l’occurrence, Azzedine Guessous (novembre 1983/avril 1985) et Hassan Abouyoub (août 1992 / novembre 1993) - justifient d’excellentes capacités managériales et réformatrices et pouvaient, s’ils en avaient eu le temps, impulser une réforme conséquente dans ce domaine; mais à eux deux, ils n’ont pas dépassé vingt sept mois de fonctions à la tête de ce département. Ayant eu à gérer un exercice budgétaire annuel qu’ils n’ont pas préparé - respectivement 1984 et 1993 - pouvaient-ils sérieusement imprimer leurs marques à la nouvelle politique touristique qu’ils appelaient alors de leurs vœux ? Serge Berdugo et

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M’hamedi Alaoui n’ont pas démérité non plus. Les opérateurs du tourisme marocain leur sont reconnaissants pour avoir essayé de faire face, avec courage et obstination, à la situation du tourisme jugée, déjà à l’époque, comme étant très préoccupante.

Mais tel n’a pas été le cas d’un ministre comme Moussa Saadi qui a occupé ces mêmes fonctions durant plus de cinq ans (avril 1985 / juillet 1990). Il a fait partie d’un gouvernement qui a été stable durant cette période. Il a eu ainsi la possibilité d’inscrire son action dans la durée. L’a-t-il fait ? C’est au cours de son long ministère que le produit touristique a accusé son repli et qu’il s’est durablement installé dans une crise structurelle dont il ne s’est pas encore relevé pratiquement une décennie et demie plus tard.

Aujourd’hui, est-on mieux loti avec le nouveau ministre, Adil Douiri, membre du gouvernement Jettou nommé le 7 novembre 2002 ? « Technocrate », il l’est assurément. Il y représente aussi son parti, l’Istiqlal. Il a une bonne culture entrepreneuriale et une vision managériale attestée par sa formation de polytechnicien et son parcours dans les groupes financiers et boursiers. Il a de surcroît l’immense avantage de pouvoir insérer son action dans le cadre d’un brillant Accord-Cadre décennal défini en janvier 2001 et élaboré par Amyn Alami de CFG en collaboration avec la CGEM•. Il lui reste à être l’efficace maître-d’œuvre de ce programme.

L’ambition légitime qu’il a de vouloir réussir le challenge qui lui est imposé, doublée de son sens réel des exigences de la communication, sont des facteurs importants et décisifs. Mais il lui faut peut être savoir former autour de lui des équipes venant des secteurs privé et public qui soient régulièrement renouvelées et capables d’opérer dans le cadre de cahiers de charges précis et surtout contraignants.

Des quatre décennies passées, comment ne pas tirer un certain nombre d’observations significatives ? La première d’entre elles a trait globalement à l’inadéquation entre les profils des ministres et le département du tourisme qui leur était confié. Ce ne sont pas, en effet,

• M. Douiri était dirigeant dans CFG et il figure toujours parmi ses actionnaires.

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des hommes qui ont été choisis et ciblés sur la base de leurs compétences particulières mais plutôt en considération de paramètres politiques ou autres. Et chacun d’entre eux - et cela est surtout valable pour les ministres partisans - a géré ce département comme il a pu, en tout cas avec un soin particulier à ne « pas faire de vagues »…

Il faut encore relever au passage l’étonnante incapacité des partis politiques à « penser » une véritable politique nationale dans ce secteur. Leurs programmes n’y consacrent que quelques pages ou quelques lignes et se bornent la plupart du temps à reprendre les lieux communs habituels : « développer le tourisme », « une industrie pourvoyeuse de devises et créatrice d’emplois », et autres généralités du même genre. Ainsi, aucun parti politique n’a organisé une seule fois une « journée d’études » conséquente sur ce secteur ou formulé des propositions concrètes pour son développement. Comme si la simple référence à la « priorité » à lui donner tenait lieu de politique et se suffisait à elle-même.

Autre indication : l’instabilité des titulaires. Ainsi, pour la période couvrant les quatre dernières décennies, pas moins de vingt-sept ministres se sont succédé à la tête du département du tourisme. Deux d’entre eux ont eu un long mandat : Moulay Ahmed Alaoui, et Moussa Saadi, Mais malgré ce paramètre particulier, ce qui frappe sur cette longue période, c’est l’instabilité des ministres. Ainsi, la durée moyenne de fonctions y a été de moins de 2 ans.

A noter que pour la période 1990/2002, la durée moyenne baisse encore pour se situer seulement à un an et demi. Pareille instabilité aurait pu, sans doute, être un moindre mal si la politique touristique avait été durablement déterminée sur la base d’un cap ayant des séquences et des étapes. On change les ministres, mais le volontarisme touchant la réalisation des objectifs assignés reste le même. Mais tel n’a pas été le cas puisque cette instabilité est venue se surimposer à une politique d’effets d’annonce sans portée concrète.

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FAUSSE PRIORITE GOUVERNEMENTALE

Une forte inadéquation des profils des ministres, une instabilité chronique entrecoupée par de trop longs mandats qui ont été marqués pratiquement du sceau de la stagnation et tout cela sur un fond durable de déficit de vision et de politique de l’action : tel est l’état des lieux à la veille de l’Accord-Cadre de janvier 2001.

D’une autre manière, on est conduit à se poser cette interrogation de principe : pourquoi a-t-on continué à présenter le tourisme comme étant toujours une « priorité » alors que dans la pratique ce n’était point le cas ? Qu’est-ce qui empêchait après tout, que dans tel ou tel plan adopté tout au long des quatre décennies écoulées, le gouvernement relègue le tourisme à un rang non prioritaire au profit d’autres secteurs comme la pêche, les nouvelles technologies de la communication ? Pourquoi donc ce conformisme ? Il faut sans doute voir plusieurs explications à cet égard.

Ne plus faire référence à la « priorité » du tourisme, c’est devoir assumer publiquement et politiquement les raisons de cette réorientation : cela demande un argumentaire, des justifications alors que la continuité du discours prioritaire est plus économique à gérer. Lorsqu’un document aussi officiel que le rapport établi par Abdallah Kadiri, alors ministre -, met en exergue que « le tourisme mérite un projet national » et qu’il précise les échecs et les insuffisances des plans établis, c’est que le diagnostic était fait - il lui manquait seulement la bonne thérapie.

Celle-ci n’était pas hors de portée, mais elle avait bel et bien été correctement identifiée dès le début des années quatre-vingt-dix au moins. Elle devait porter en effet sur le statut de l’investissement, sur celui de l’entreprise touristique, la formation, le contrôle de qualité, la promotion et l’accueil, sans oublier les structures intervenantes dans ce secteur.

Les mêmes points ont été pratiquement repris dans la synthèse sur le tourisme établie, une dizaine d’années après, dans le plan 2000/2004... Et n’était-ce l’Accord-Cadre de 2001, on aurait encore continué pour une autre-ou plusieurs autres- décennies à ressasser la

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même littérature « prioritaire » accompagnée des mêmes recommandations et des mêmes propositions.

Le mal était donc là, connu de tous et il procédait d’une véritable crise structurelle que personne ne pouvait sérieusement nier, mais sans pouvoir ou vouloir y apporter la médication appropriée. Quelles sont les données objectives de cette situation ? On peut en cerner la nature et les contours à travers un paramètre significatif, celui de la stagnation des capacités hôtelières par rapport aux principaux concurrents du Royaume dans le bassin méditerranéen.

Les économistes du tourisme estiment qu’un produit doit pouvoir compter suffisamment de lits -seuil critique - pour avoir une visibilité suffisante dans les marchés émetteurs internationaux : pour le Maroc 150.000 lits paraissaient à l’époque être le strict minimum. En l’an 2000, l’on n’était arrivé qu’aux deux tiers de ce chiffre avec seulement 99.968 lits. Comment dans ces conditions, espérait-on raisonnablement être dans la « cour des grands ? »

Un autre élément doit aussi être pris en considération : celui de la capacité réellement commercialisable. C’est qu’en effet, tout le potentiel existant des hôtels classés n’est pas effectivement commercialisé sur les marchés extérieurs, pour des raisons complexes, parfois cumulatives : établissements classés mais en cours de rénovation, non-figuration dans les catalogues et brochures, faible commercialisation,...

En tout cas, pour la fédération du tourisme, le potentiel réellement commercialisable à l’étranger ne dépasse pas 70.000 lits (35.000 chambres), soit 75% seulement de la capacité officielle (Etude pour le contrat-programme : « Le tourisme : une vision, un défi, une volonté »).

La stagnation de la capacité hôtelière au Maroc contraste fortement avec la forte progression observée dans ce domaine par un certain nombre de pays touristiques méditerranéens. Ainsi, la capacité hôtelière de la Tunisie qui était équivalente à celle du Maroc, s’est inscrite en hausse d’année en année, jusqu’à doubler en 1998 et même dépasser les 214.000 lits en 2002. Pendant cette même période, la

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capacité du Maroc, par contre, n’a pratiquement augmenté que de 50%.

En ce qui concerne le Portugal, sa capacité obéit également à une courbe ascendante avec 13.000 lits en 1986, puis une progression continue jusqu’à dépasser 220.000 lits en 1999, soit près de 80% de plus que le Maroc à la même date.

C’est une hausse encore plus importante qui a été enregistrée en Grèce avec 350.000 lits en 1986, puis 450.000 en 1991 et 550.000 en 1997 pour se situer à hauteur de 580.000 lits en 1999. Une capacité additionnelle de plus de 230.000 lits a été enregistrée sur une période de quinze ans, soit pratiquement le double de ce que le Maroc offre aujourd’hui.

L’examen de la capacité hôtelière de l’Egypte est encore plus significatif du développement du produit de ce pays. Alors que l’on n’y comptait que 50.000 lits en 1986 -le Maroc en totalisait déjà 87.000 -, la progression a été remarquable, passant du simple au double en 1991 (105.000 lits), puis au triple en 1997 (150.000 lits), pour dépasser les 180.000 lits en 1999.

C’est le même « boom » que l’on peut constater en Turquie, qui ne disposait que de 75.000 lits en 1986 -soit 12.000 de moins que le Maroc - et qui a vu sa capacité plus que doubler en 1990 puis tripler en 1993 (225.000 lits), pour quadrupler trois ans plus tard (300.000 lits) et se situer à hauteur de 320.000 lits en 1999.

Citée pour mémoire, l’Espagne, qui était déjà un grand pays touristique en 1986, avec plus de 830.000 lits, ne s’est pas contentée de gérer et promouvoir un potentiel déjà important et qui la classait parmi les grandes destinations touristiques mondiales. Bien au contraire, ce pays a poursuivi activement, et à grandes enjambées, une politique d’extension de sa capacité hôtelière avec plus d’un million de lits en 1993 pour atteindre, ensuite, 1.280.000 lits en 1999. Soit plus de dix fois celle du Maroc à cette même date.

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JUSTICE… A MODERNISER

L’exigence de développement place au premier plan la question du droit des affaires et en particulier celle du nécessaire bon fonctionnement de la Justice. L’investisseur, quel qu’il soit –touristique ou autre –, a besoin, en effet, d’un cadre juridique et réglementaire garantissant ses droits et ses intérêts. En d’autres termes, l’attractivité du Maroc sera accrue si la justice y est rapide, crédible et prévisible. C’est dire que la justice commerciale, mais aussi sociale, celle qui concerne les relations employeur-employé, doit réunir les conditions requises de transparence et d’efficacité dans le traitement des différends. Une plus grande sécurité doit être assurée dans les transactions commerciales, tant pour ce qui est des biens que des services. Les processus et les procédures existants doivent ainsi être remaniés, allégés et simplifiés, dans une optique de rationalisation et de modernisation.

Les textes en vigueur couvrant les activités commerciales - outre le Code de commerce, le droit des sociétés et les Codes de procédure civile et commerciale - sont ainsi appelés à être simplifiés. A terme, il convient de promouvoir la mise en œuvre de l’automatisation et l’élimination de toutes les procédures qui entravent le dynamisme de la vie des affaires. L’on doit également se préoccuper d’édicter un nouveau régime relatif à l’arbitrage commercial qui, en l’état, présente bien des insuffisances. D’où la nécessité d’élaborer un code d’arbitrage commercial moderne.

Dans cette même démarche, comment ne pas prendre en charge également, de manière plus globale encore, la capacité du système judiciaire à mieux trancher les affaires commerciales et ce, par la modernisation de la gestion des dossiers ? L’amélioration des services assurés par les registres de commerce nécessite des mesures adéquates dans ce sens. Sans oublier, évidemment, l’amélioration et la spécialisation de la formation des magistrats et des auxiliaires de justice (huissiers, greffiers...) qui participent à la vie judiciaire et aux différents processus qui l’articulent.

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Une justice crédible, ce n’est pas seulement toutes ces réformes et ces mesures. C’est aussi une magistrature saine, intègre et immunisée contre la corruption. Le dernier rapport de la Banque Mondiale, publié en juin 2003, sur « l’évaluation du système juridique et judiciaire au Maroc » ne manque pas d’attirer l’attention sur ce mal et sur « les fréquentes allégations de corruption formulées à l’encontre des juges ou des auxiliaires de justice ». Le corps de la Magistrature doit donc être à l’abri de tout soupçon pour que les opérateurs du tourisme sachent que le Maroc est un Etat de droit, où les personnes et les sociétés sont protégées contre les abus et l’arbitraire.

Il faut reconnaître, cependant, que les efforts entrepris dans le domaine des tribunaux de commerce sont encourageants : formation des juges, accélération effective des procédures dans certaines cours comme dans celle de Marrakech, symposiums et rencontres au plan régional et international, rénovation des équipements et matériel administratifs…

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UN SECTEUR BANCAIRE… QUI S’ORGANISE

« L’affaire du C.I.H. » a donné lieu, on le sait, à des rebondissements spectaculaires au cours des années écoulées. Elle n’a pas encore connu son dénouement judiciaire. Un certain nombre de procédures sont actuellement en instance. On voudrait y revenir ici pour deux raisons bien simples. La première, c’est que le C.I.H. a été, durant des décennies, le principal prêteur du secteur touristique C’était pratiquement l’une de ses missions principales comme l’indique d’ailleurs sa raison sociale même : Crédit Immobilier et Hôtelier. La seconde n’est pas moins importante : à travers son traitement judiciaire, médiatique et politique, ce dossier illustre les défaillances du rôle du gouvernement marocain, les dysfonctionnements que celles-ci ont induit et, partant, la défaillance de tout un système de contrôle. Il est trop facile de se défausser de ses propres responsabilités et de tenter d’incriminer des hommes qui n’ont fait que remplir leurs tâches. Il est bien commode de faire des procès en sorcellerie aux uns et aux autres, sans prendre la peine de mener une réelle mise à plat établie sur la base d’éléments objectifs : qui a fait quoi ? Et, plus globalement, quelle conjonction de facteurs - ou plutôt de manquements - a pu conduire à la crise qu’a connue cette institution financière ?

Pour dresser un état circonstancié des faits, il convient de rappeler quelles sont les procédures de contrôle existantes et pourquoi elles n’ont pas fonctionné de manière réellement opératoire. On voudrait, ici, mettre l’accent, en premier lieu, sur ce que l’on appelle les contrôles externes. Multiples et diversifiés, ils sont exercés par le ministère des Finances, Bank Al Maghrib, les commissaires aux comptes et les auditeurs externes. Mais tout ce dispositif n’aura donc pas suffi à éviter le drame. Pourquoi ? On va le voir.

Le contrôle du ministère des Finances se fait, tout d’abord, à travers le Commissaire du gouvernement. Telles sont les dispositions formelles du Décret Royal du 17 décembre 1968, aux termes desquelles celui-ci dispose de pouvoirs de contrôle et d’investigation étendus. L’article 24 bis des statuts du C.I.H.- dans ses dernières

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mises à jour, tout au moins - ne manque pas de préciser également cette mission qui lui est assignée. Ainsi, le commissaire du gouvernement est chargé, notamment, des tâches suivantes : prendre connaissance des livres, registres et documents, se faire présenter les fonds en caisse et les valeurs de toute nature, assister aux séances du conseil d’administration ou des comités qui en émanent, apprécier les décisions des instances et, le cas échéant, y faire opposition en provoquant une nouvelle délibération. Il est également destinataire de tous les documents communiqués aux administrateurs.

En bonne logique, il a tous les moyens de savoir ce qui se passe dans une institution financière comme le C.I.H. Il est donc parfaitement fondé à se prévaloir de la loi pour être informé, au jour le jour et pièces à l’appui s’il le faut, de la marche de cet organisme. Or, en l’espèce, tel n’a pas été le cas. Ainsi, le rapport d’audit, établi par l’Inspection générale des finances (IGF) en juin 2001 ne peut dissimuler que « dans la pratique, il s’est avéré que le contrôle du commissaire du gouvernement est exercé de manière insuffisante et non systématique, ce qui le rend peu efficient et en réduit considérablement la portée ». A titre illustratif de ce déficit de contrôle, le même rapport relève que « contrairement aux dispositions de la réglementation, le commissaire du gouvernement n’assiste pas aux commissions d’ouverture et d’adjudication des marchés importants ». Il n’a pas davantage pris part à toutes les séances des comités émanant du Conseil d’administration, notamment le comité de direction compétent pour l’octroi de crédits supérieurs à 15 MDH. Enfin, il y a lieu d’ajouter qu’aucun rapport ou note sur la gestion du C.I.H. n’a été établi par les différents commissaires du gouvernement qui se sont succédé lors des deux décennies écoulées.

L’autre mode de contrôle du département des Finances est ensuite celui exercé par la Direction du trésor et des finances extérieures (décret du 22 novembre 1978, relatif aux attributions de ce ministère au sujet de la tutelle des établissements de crédit et du marché des capitaux, ainsi que la tutelle et le contrôle des établissements de crédit et garanties spécialisés). Comment se traduit ce contrôle ? Au niveau du C.I.H, dans le cadre des garanties, avances, ristournes et prêts. Comme cet organisme a largement recouru à toutes ces facilités, il y

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avait-là autant d’occasions d’évaluer son fonctionnement et sa gestion. Là encore, nous n’avons trouvé trace d’aucune action notable de suivi.

Il faut encore ajouter une modalité de contrôle particulière propre au C.I.H. et qui donnait un droit de regard supplémentaire à l’autre autorité de tutelle. Ainsi, le Décret Royal précité du 17 décembre 1968 avait institué un Comité consultatif auprès de cet organisme financier. Prévu par l’article 74, il précise que « le Comité consultatif du C.I.H. se réunit deux fois par an au moins. Il formule des avis sur toute question relative à l’application de la présente Loi, et, plus généralement, au financement de la construction et du développement touristiques.

Ses avis portent notamment sur les différents régimes de prêts et les ressources mises à la disposition des établissements de crédit agréés. Il répond même à toutes les demandes de consultation émanant du comité des établissements de crédit institué par le dahir portant loi du 6 juillet 1993 relative aux établissements de crédit ». Quelle application a été faite de toutes ces dispositions ? Aucune. Pas la moindre information concernant le fonctionnement et l’activité de ce comité n’a été donnée.

Le contrôle de Bank Al Maghrib a-t-il été mieux exercé ? On était en droit d’attendre de la banque centrale davantage de rigueur dans cette mission. De par ses textes fondateurs, cette grande institution est appelée à exercer les contrôles prévus par la loi bancaire. Il s’agit notamment du respect des règles prudentielles des équilibres financiers des établissements de crédit. La Banque centrale dispose d’un autre mode de contrôle, lié aux dispositions de l’article 38 de la loi bancaire aux termes desquelles « les auditeurs externes vérifient, également à la demande de Bank Al Maghrib, que l’organisation de l’établissement présente les garanties requises usuellement pour préserver le patrimoine et prévenir les fraudes et les erreurs ». Il convient encore d’ajouter une autre forme de contrôle de Bank Al Maghrib, expressément prévue par l’article 45 de la même loi, et qui porte sur les établissements de crédit. Aux termes des dispositions dudit article, « afin de veiller au respect des dispositions du présent Dahir et des textes pris pour son application, de préserver le renom de

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la profession et de la place, Bank Al Maghrib est chargée d’effectuer, par ses agents ou par toute autre personne commissionnaire à cet effet par le gouverneur, les contrôles sur place et sur documents des établissements de crédit et de leurs filiales ». De tout cela, l’on ne trouve guère d’application. Ce qui traduit une carence caractérisée dans l’exercice de cette mission de contrôle. Par ailleurs, la Banque centrale était membre du comité de direction d’octroi des crédits et donc au fait de toutes les décisions prises à ce sujet. Elle ne peut, par conséquent, trouver de prétexte pour se disculper.

Circonstance aggravante : Bank Al Maghrib détient 12,96% du capital social du C.I.H. ce qui la place pratiquement au troisième rang derrière la CDG (35,30%) et juste après AXA Al Amane (13,26%) sur la base de l’actionnariat de 1998. La voilà donc impliquée à un double titre. D’abord, en tant qu’autorité de contrôle de par sa mission de banque centrale ; ensuite, en tant que membre du Conseil d’administration disposant de près de 13% des actions. On aurait attendu de ce statut privilégié davantage d’intérêt pour la gestion du C.I.H. et de rigueur quant à son suivi au plus près. Or, tout paraît s’être passé comme si cette présence et cette implication de Bank Al Maghrib dans le Conseil d’administration avait - comme le relève même le rapport de l’I.G.F. - « apparemment été perçue par les responsables de l’établissement comme un moyen de cautionner un certain état de fait en matière d’application des règles prudentielles ».

Il est même question, à cet égard, de « dérives qui n’ont pu être évitées, ce qui pose le problème de l’efficacité de l’intervention de la Banque centrale dans les conditions actuelles ». On ne saurait mieux dire ! Bank Al Maghrib s’est donc bornée à des observations épisodiques, soit au sein du Conseil d’administration, soit par des correspondances. Son intervention la plus notable a été faite en 1998, à la demande de la présidence du C.I.H., pour l’audit du portefeuille de prêts. Ce contrôle a, comme le précise le rapport, « révélé de sérieuses insuffisances particulièrement en matière d’octroi de crédits, de recouvrement de créances, et d’approvisionnement de celles en souffrance ».

Quant au contrôle des commissaires aux comptes, il ne s’est pas non plus distingué par son efficacité et sa rigueur. Loin de là.

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Pourquoi ? En tout cas, l’IGF souligne à ce sujet qu’il a été constaté que les commissaires aux comptes ne certifient pas les états financiers, ni la sincérité des comptes : « ils » se contentent, de façon générale, d’une présentation sommaire des comptes, contrairement aux dispositions de l’article 35 de la Loi bancaire (Dahir de 1993). Ce texte impose en effet que « les comptes annuels et semestriels doivent être certifiés conformes aux écritures, par deux commissaires aux comptes choisis sur la liste des experts comptables et transmis à Bank Al Maghrib aux dates fixées ».

Pour ce qui est, par ailleurs, du contrôle des auditeurs externes, des insuffisances, tout aussi graves, existent également. Ainsi, leurs rapports annuels n’ont pratiquement porté que sur les états financiers. Les frais généraux et les dépenses d’investissement, eux, n’ont pas fait l’objet du moindre examen. Sans parler de la situation d’incompatibilité manifeste de tel auditeur qui a cumulé durant des années son statut d’auditeur contractuel et celui d’auditeur légal de commissaire aux comptes.

Au total, les remarques formulées par les commissaires aux comptes et par les auditeurs externes n’ont pas porté sur « l’ampleur réelle des problèmes de gestion et de la gravité des dysfonctionnements ». Elle se sont limitées à des correctifs techniques ou des imputations comptables.

A côté de tous ces différents modes de contrôle, une mention particulière doit être faite, évidemment, aux attributions du Conseil d’administration, qui est statutairement l’organe chargé de délibérer et d’évaluer le bilan annuel du C.I.H. C’est un organe de gestion, mais aussi un organe de suivi et de contrôle, investi à cet effet des pleins pouvoirs pour la bonne marche de l’investissement. Ce Conseil d’administration comprend les représentants des actionnaires, des ministères de l’Economie et des Finances, de l’Habitat et du Tourisme. A noter, ici, que la CDG y détient plus de 35% du capital social. Sa participation est encore plus significative avec les parts détenues par ses filiales. Comment a donc fonctionné le contrôle devant être assuré par cet organe ? Dans de très mauvaises conditions, qui n’ont fait qu’accentuer l’échec de tout le système de contrôle

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devant être exercé par ceux-là mêmes que l’Etat avait chargé de cette mission.

Le rapport de l’IGF ne peut donc que déplorer que « le Conseil d’administration n’ait été saisi de certaines décisions, même capitales pour le devenir de la Banque, qu’après leur exécution par l’organisme et sous une forme parfois très sommaire, ne permettant pas toujours une réelle appréciation de l’opportunité de ces décisions ». Rien d’étonnant, dans ces conditions, que les procès verbaux des Conseils d’administration, tenus au cours de la dernière décennie, n’aient pas « permis de constater que les débats et les délibérations qui en résultent n’ont pas toujours reflété la gravité de la situation ». On peut donner une illustration de cette carence avec les exemples des budgets d’équipement et de fonctionnement des exercices 1999 et 2000, qui n’ont été ni présentés, ni examinés, encore moins approuvés par le Conseil d’administration. Manquement grave dans la mesure où, on le sait, l’une des attributions les plus importantes de ce Conseil porte précisément sur l’approbation du budget, indicateur le plus significatif de la marche de l’établissement et des conditions de sa gestion.

Dans cette même ligne, faut-il encore ajouter que les rapports des auditeurs externes n’ont pas été communiqués aux membres du Conseil d’administration qui ne les ont pas réclamés non plus !

Corps relevant du département des Finances, l’IGF a donc dressé un état des lieux accablant sur les graves défaillances qui ont marqué la bonne marche de cet établissement financier. Pour ce qui est du diagnostic de gestion dans ses aspects procéduraux et formalistes, elle a réalisé son travail de manière conventionnelle. Mais c’est à propos de sa mise en cause directe de cadres et de responsables du C.I.H. que son rapport supporte des critiques de fond.

De quoi s’agit-il ? De rappeler que l’IGF ne doit pas mener son travail sur une base accusatoire, mais dans une optique de vérification des comptes des agents de l’Etat et des collectivités locales. Les inspecteurs sont ainsi mandatés pour s’assurer de la régularité des opérations enregistrées dans les comptes des ordonnateurs de recettes et de dépenses publiques et de tous les administrateurs.

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Les règles régissant les conditions d’élaboration et de réalisation des rapports d’inspection ont été définies, dès la création de l’IGF, par le Dahir du 21 avril 1960, complété par d’autres textes. L’arrêté du 19 juillet 1960 du ministre des Finances, en particulier, précise -en son titre IV- cette question des prescriptions qui doivent être respectées et appliquées. On en retiendra deux, entre autres : la rigueur des constats et la procédure contradictoire. La rigueur des constats signifie que le diagnostic doit être dressé sur des bases incontestables, vérifiées et vérifiables.

La précision et la concision sont même recommandées pour éviter des développements excessifs. Quant à la nature contradictoire des rapports d’inspection, celle-ci implique la possibilité donnée à tout responsable ou à tout agent, dont la gestion est mise en cause de pouvoir faire valoir ses réponses face aux observations formulées par l’inspecteur des finances. La réglementation en vigueur le dit d’ailleurs en termes clairs. Les rapports sont contradictoires ; toutes les critiques, sans exception, « doivent passer sous les yeux de l’agent, vérifiés, libellés en termes assez nets pour ne laisser aucun doute sur l’importance que l’inspecteur y attache ». La loi impose ainsi que toutes « les constatations effectuées par les inspecteurs des finances sont consignées dans des rapports adressés aux agents vérifiés ». Elle prévoit également que « ceux-ci doivent y répondre par écrit dans un délai de quinze jours suivant la réception du rapport ».

Or, le rapport de l’IGF sur le C.I.H. n’a pas été établi dans des conditions conformes aux dispositions de la législation en vigueur. En particulier, l’exigence d’une procédure contradictoire n’a pas été respectée. Ce qui a contribué à dénaturer le contrôle tel que voulu et prescrit par la loi pour en faire une procédure d’investigation largement accusatoire.

Des voies s’élèvent ici et là, pour dénoncer l’appartenance de ce corps d’investigation au Département des Finances qui peut l’utiliser pour des raisons politiques. Ce qui milite en faveur de la modification de la loi en vue de mettre l’Inspection générale des finances sous le commandement du Premier ministre lui-même et de soumettre ses activités aux strictes dispositions légales qui la régissent.

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Mais, en dernière instance, n’est-ce pas là l’illustration de dysfonctionnements dans la conduite du gouvernement ? L’autorité de tutelle, et plus globalement les pouvoirs publics, ont laissé faire certaines pratiques alors que leurs représentants respectifs siégeaient continûment au Conseil d’administration et y percevaient même des jetons de présence. La multiplicité des intervenants n’a pas amélioré le contrôle de gestion. Les uns et les autres s’en sont fort bien accommodés durant les deux décennies écoulées et ce, sans autre forme de procès. Comme si le C.I.H. devait être régi par des règles « non écrites » et pratiquement « consensuelles »…

A cela doivent s’ajouter les conséquences pour le moins déplorables qui ont découlé de la commission d’enquête du parlement, de l’audit de l’Inspection générale des finances et de la police judiciaire. C’est qu’en effet tous ces rapports ont été divulgués dans la presse dans des conditions plutôt sujettes à caution… En tout cas, ils ont créé un climat regrettable, fâcheux même, qui ne pouvait que porter atteinte à l’exigence d’une bonne administration de la justice que tout citoyen est en droit d’attendre. A partir de problèmes financiers d’ordre technique touchant à la marche d’une banque – ce qui est normalement de la compétence ordinaire des juridictions de commerce - l’on a pu observer un certain glissement vers des accusations publiques n’épargnant pratiquement personne et portant en elles tous les dérapages et tous les risques.

Dans de telles conditions, ce qui devait arriver a fini par arriver : une quinzaine de personnes ont été jetées en prison avec des détenus de droit commun. Parmi elles, il y avait bien un ancien président du CIH des directeurs généraux et des cadres supérieurs de cette même institution. Mais l’on n’y trouvait aucun fonctionnaire du Département des Finances ni aucun décideur de la Banque Centrale, ni enfin aucun actionnaire parmi ceux qui ont empoché des dividendes fictifs.

Il aura fallu attendre quelques semaines pour que tous ces malheureux soient relâchés. Mais comment évacuer le fait qu’ils soient restés traumatisés par de telles procédures qui les ont marqués à vie ? Le Maroc d’aujourd’hui peut-il s’accommoder de telles pratiques ? Les citoyens portent en eux de grandes aspirations pour

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une justice équitable, prévisible et crédible, garante de l’Etat de droit et des libertés. Ils ne veulent plus se réveiller un matin en prison, sans savoir vraiment pourquoi….

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COMMUNICATION… A REVOIR :

Cela dit, sur un plan plus global, une nouvelle stratégie de la promotion touristique ne peut être isolée d’une approche cohérente et opératoire de la communication. La première n’est-elle pas un élément structurant de la seconde ?

Dans le « village planétaire » qui est le nôtre, l’information circule sous toutes les latitudes pratiquement en temps réel. On le mesure tous les jours. Une catastrophe naturelle ou autre-, un acte de violence, une épidémie, une crise internationale ou locale : tel est le lot du monde d’aujourd’hui. Voilà pourquoi, il nous faut, pour ce qui nous concerne, savoir raison garder. Nous ne sommes plus à l’abri de tous ces phénomènes et nous devons donc les traiter comme il se doit quand ils éclatent chez nous. Dans cet esprit, il importe de faire montre d’une réactivité étudiée et de ne pas céder à des réponses finalement contre-productives.

Voici neuf ans, on s’en souvient, avait été perpétré un attentat à l’Hôtel Atlas Asni de Marrakech, faisant deux victimes - des touristes espagnols- et une dizaine de blessés. Ce fait n’a-t-il pas été surdimensionné pour prendre l’allure d’une opération s’appartenant à une véritable déstabilisation du Royaume ? Ainsi, il s’en est suivi du jour au lendemain la fermeture des frontières avec l’Algérie. Solution radicale, extrême, qui ne pouvait que faire accréditer l’idée que le Maroc était menacé par son voisin de l’Est, déjà engagé dans un processus non maîtrisé de terrorisme islamiste. Pour un touriste européen potentiel, l’amalgame était vite fait : Maroc et Algérie relèvent de la même zone à risque. Le Royaume faisait ainsi son entrée dans ce périmètre de violence. Des attentats, ailleurs, dans les pays occidentaux stabilisés -tels la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne pour ne citer qu’eux- ne manquent pas. Les gouvernements concernés mènent, depuis toujours, des luttes conséquentes pour y faire face. Mais aucun d’entre eux n’a jugé utile de crier constamment au loup !

Un autre exemple de ce qu’il ne faut pas faire est fourni par le traitement inadéquat de l’information nationale, même par l’agence

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officielle MAP. Le 10 juillet 2003, elle met sur son fil une dépêche faisant état de l’agression de campeurs à Agadir par un homme armé d’un couteau. Un fait divers, comme il y en a partout, qui ne porte pas à conséquence. Or, à la différence des agences de presse internationale (AFP, Associated Press) qui se bornent au seul fait, voici que la MAP croit utile de préciser que « l’homme présenté est comme islamiste par les autorités…».

Comment ne pas réagir face à cette présentation particulière des faits ? Comment ne pas relever que quelques mots, deux lignes au plus dans cette dépêche, peuvent faire plus de dégâts que des tombereaux de critiques, et que l’imputation « islamiste » donnée à cet individu est du plus mauvais effet en termes de communication ? On n’a pas mesuré qu’il faut désormais se placer dans une perception d’image qui, après les attentas terroristes du 16 mai à Casablanca, fait du Maroc une zone où cette forme de violence paraît désormais installée.

Allons plus loin et demandons-nous si le Gouvernement a, depuis ces tragiques évènements, vraiment arrêté et mis en œuvre une démarche appropriée en matière de communication après le 16 mai ? Un dispositif législatif et judiciaire a sans doute été revu et corrigé dans ce sens. La loi antiterroriste qui vient d’être mise en vigueur participe de cette nouvelle approche. Mais qu’en est-il du champ de la communication qui, lui aussi, doit être réarticulé et reprofilé dans ce sens, en prenant en compte les spécificités liées au secteur touristique et sa grande sensibilité ? Faire venir des Tour-opérateurs, pour constater que le Maroc reste une destination calme et paisible ne suffit pas. C’est une véritable stratégie qui doit être menée dans ce domaine.

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FATALITE DE L’ECHEC ?

Quand on affirme que le tourisme était une « fausse priorité » gouvernementale, on fait référence évidemment au décalage important entre les effets d’annonce et les objectifs quantitatifs proclamés et leur modeste réalisation. Mais il convient également de préciser que d’une période à une autre, parfois même d’un ministre à un autre, ce principe énoncé de la « priorité » ne recouvrait guère le même contenu, comme on peut le relever dans l’historique des politiques définies dans les plans qui se sont succédé depuis les années soixante.

On serait tenté d’y voir une adaptation de la politique nationale du tourisme prenant en compte les étapes franchies et les variations de conjoncture qui les accompagnent. Or tel n’a pas été vraiment le cas puisque ce n’était là que l’expression d’une forme de routine ambiante, dominante même, qui conduit à reprendre les mêmes slogans sans prendre la peine de mesurer les conditions et les modalités de leur application en termes opératoires. On doit ajouter que ce discours prioritaire présentait, pour l’essentiel, des formes « techniques » : tant de lits à construire, tant d’arrivées de touristes projetées, tant d’investissements hôteliers et touristiques à réaliser, tant d’emplois à créer,... Toutes ces données étaient alors enveloppées dans une formulation qui se voulait politique, reprise à l’envi par tous les ministres. Ceux-ci se positionnaient alors comme des « bâtisseurs » et des chefs d’entreprise à la tête d’un secteur présenté officiellement comme l’un des vecteurs du développement. Au fond, le gouvernement leur demandait-il autre chose ? Non, pas le moins du monde.

Un autre ministre était désigné et le voilà qui prend le même habit, se laissant bercer par un discours tout aussi optimiste que le précédent. Allait-il prendre le risque de faire le point et de procéder à un examen critique du secteur, de ce qui a été fait et de ce qui ne l’a pas été, tout en s’interrogeant sur les causes de ce déficit de résultat ? Allait-il aviser le Premier ministre par écrit en le mettant devant ses responsabilités. Il pourrait au besoin démissionner si le gouvernement

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ne lui donnait pas les moyens de réaliser la politique arrêtée ? Non, évidemment. Il adoptait lui aussi la même posture que ses collègues précédents.

Nous étions là en face d’une certaine manière de faire, d’une sorte de méthodologie de l’immobilisme - en somme, un « système » qui avait ses codes, ses discours et ses adeptes. La forte rotation des ministres nuisait sans doute à la continuité de l’action qui requiert de la durée; mais elle faisait l’affaire de tant d’ambitions politiques ou personnelles qui trouvaient dans le statut, fût-il éphémère de ministre, bien des motifs de satisfaction. Et puis être ministre ne présentait aucun risque puisque la politique et les résultats qu’elle pouvait générer ne donnaient lieu à aucune sanction. Les ministres en place - dans le secteur du tourisme ou dans d’autres domaines d’ailleurs - n’étaient ainsi soumis à aucune obligation de résultat. Aucune évaluation critique n’était en effet officiellement faite des plans et des stratégies d’actions.

Voilà pourquoi l’on est en droit de faire ici cette nécessaire mise au point : proclamer, comme on l’a fait durant quatre décennies, que le tourisme était « prioritaire » n’est qu’un abus de langage, une fiction entretenue par paresse et par confort. Cela aurait eu un sens si les plans avaient été accompagnés de programmes d’action précis et cohérents, avec des objectifs mais aussi et surtout les moyens pratiques de les réaliser -des étapes, un calendrier, des batteries de mesures, des cahiers de charges. Comment s’étonner, dans ces conditions, que nous ayons échoué dans notre politique de développement et de promotion de l’industrie du tourisme ?

Oui, nous avons échoué, parce que l’on s’est engagé dans ce secteur sans avoir vraiment les idées bien arrêtées, sans nous préoccuper de mettre en œuvre les moyens et les conditions d’une véritable politique dans ce domaine. On a fait au départ du mimétisme : le tourisme décolle en Espagne dans les années soixante jusqu’à devenir le premier secteur d’activité et de recettes en devises. Pourquoi on ne ferait pas le même chose puisque nous avons les mêmes atouts - mer, soleil,... - que notre voisin ?

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Mais en Espagne, sous la houlette du « généralissime » Franco, le tourisme était une affaire d’Etat qui bénéficiait des moyens de ses objectifs. Le « père » du tourisme espagnol, Manuel Fraga Iribarne, a expliqué un jour, dans une interview au « Matin du Sahara » les clés de la réussite du tourisme dans son pays : « J’ai été ministre durant de longues années ce qui permettait d’inscrire notre politique dans la durée. Je bénéficiais constamment de l’appui et du soutien de Franco qui arbitrait, tranchait et sanctionnait. L’ensemble du gouvernement était mobilisé sur le développement du tourisme parce que les ministres avaient pris conscience que ce secteur-là était la chance du développement d’une économie moderne ».

Par contraste, n’avons-nous pas fait l’inverse au Maroc avec des ministres tournants, un déficit de volontarisme politique et peu de sérieux sur le terrain ? Notre système a ainsi fonctionné, dans des conditions qui s’apparentent à l’irresponsabilité. Personne ne demande de comptes à personne, chacun fait ce qu’il veut ou ce qu’il peut, et, au total, ne prévaut guère un système d’évaluation et de sanction. De décennie en décennie, l’on a capitalisé un mauvais « savoir-faire » qui ne pouvait ni stimuler les réformes ni favoriser l’esprit d’entreprise, ni servir loyalement les Institutions du Royaume.

Voilà pourquoi nous ne pouvions encourir que l’échec. Parce que les conditions existantes à l’époque -tant celles relatives aux hommes qu’aux structures - ne pouvaient assurer la réussite. Fatalité de l’échec ? Oui, sans doute, parce qu’elle était inscrite dans les faits et dans leur logique interne. Il a manqué, au niveau des décideurs, cette capacité de transcender la conjoncture pour penser, en termes globaux et d’avenir, une démarche stratégique marquée du sceau du volontarisme. Certes, il n’a manqué ni d’hommes de bonne volonté ni de cadres dévoués et compétents, depuis les années soixante, tant au ministère du Tourisme et à l’ONMT que dans le secteur privé. Ils ont pu faire avancer tel projet ici, telle idée là, mais, au total, tout cela ne pouvait donner que des résultats modestes et épisodiques.

Dans notre produit touristique, tout n’est pas sombre, évidemment; mais par-delà des « îlots » de réussite, ici et là, le paysage touristique reste encore en deçà de ses réelles potentialités. Plus encore : on n’a même pas réussi à instaurer les bases d’une

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économie touristique moderne, générant des effets d’entraînement au plan local et régional.

On était en droit d’attendre beaucoup du gouvernement d’alternance dirigé par Me Abderrahmane. El Youssoufi (1998-2002). On pouvait ainsi espérer que cette nouvelle formule gouvernementale et politique, dirigée par l’un des leaders de l’opposition historique allait innover, rompre avec les habitudes du passé, tourner le dos à une culture gestionnaire passive. Or, il faut bien relever que dans ce domaine-là en tout cas, c’est plutôt la « continuité » qui a prévalu. Les deux ministres USFP qui se sont succédé depuis mars 1998 n’ont pas fait mieux que les autres. Ils étaient pourtant membres d’un même cabinet politique. Ils avaient l’appui de leur Premier ministre qui était le dirigeant de leur parti. Ils avaient en mains le ministère des Finances réputé « conservateur ». Et pourtant, aucune des réformes structurelles inscrites à l’ordre du jour - foncier, aménagement, rôle de l’ONMT, transport aérien, fiscalité - n’a pu être finalisée.

Il aura fallu attendre que S.M. Mohammed VI prenne en charge la question du tourisme national pour que l’Accord-Cadre de janvier 2001 marque enfin le coup d’envoi d’une nouvelle politique porteuse de réels espoirs. Pouvait-il en être autrement ? Personnellement, je pense qu’il ne faut pas faire preuve d’une extrême sévérité et mettre en cause la responsabilité exclusive des pouvoirs publics. Pourquoi ? Le Maroc n’est indépendant que depuis 47 ans et il avait tant et tant à faire au même moment : un Etat moderne à édifier, à marche forcée, dans une société qui sortait de la tradition et qui était plutôt rétive au changement, une mentalité sociale à moderniser, une administration bureautique à restructurer, une quasi-absence d’hommes et de femmes ayant une vision d’avenir et pouvant la faire partager et admettre dans les lieux de décision.

D’ailleurs, aucun pays méditerranéen concurrent n’a eu autant de défis à relever simultanément. Bien sûr, les Marocains sont impatients de rattraper le temps perdu sur le plan surtout social et culturel et ce, de façon à permettre au développement économique d’avoir l’environnement adéquat pour s’épanouir. Mais peut-on faire partager ce type de réaction à tous les patriotes marocains qui aiment leur pays

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et qui aspirent à le voir rapidement devenir une grande puissance régionale ?

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Deuxième Partie : Dimension et mise en œuvre

de la nouvelle stratégie

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C’est devant une assistance de près d’un millier de personnes, au

Palais Royal de Marrakech, que S.M. Mohammed VI prononce un discours présentant la « Vision 2010 » du tourisme. Outre les membres du gouvernement et les autorités civiles et militaires de la place, ont été également invités les promoteurs et les professionnels du secteur du tourisme. J’y étais. Et je me souviens que depuis quelques semaines, ce monde des opérateurs bruissait d’informations diverses : « S.M. le Roi va annoncer un grand programme en faveur du tourisme ».

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Chapitre I : « VISION 2010 » DE S.M. MOHAMMED VI

Nous voilà donc à l’écoute, ce mercredi 10 janvier 2001, de ce

discours tant attendu. Dès le départ, le Souverain donne le ton. Il s’agit en effet de se mobiliser pour triompher dans le Jihad économique et social et créer des emplois. C’est en fonction de cette vaste entreprise que le tourisme est appelé à s’insérer dans l’avenir. Le Souverain n’évoque pas, en la circonstance, un programme ou des mesures ponctuelles. Il ne s’en tient pas davantage à un discours généraliste de circonstance. Bien au contraire, il présente une vision pour la décennie, axée sur un flux annuel de 10 millions de touristes, ce qui implique, entre autres, la création d’ici là de quatre-vingt mille chambres.

Un tel objectif procède d’une démarche conséquente qui considère que le tourisme est « un pivot de développement ». Celle-ci participe aussi du souci de reprendre des parts de marché perdues par le Maroc ou, à tout le moins, de bénéficier de celles qu’il mérite. Elle se fonde, enfin, sur une volonté de correction et de redressement du secteur du tourisme qu’il convient, en effet, de « réhabiliter en tant qu’activité économique prioritaire ».

Le Souverain tient à préciser, par ailleurs, que cette industrie ne saurait être réduite à ses seuls aspects économiques, fussent-ils importants. Elle est davantage l’expression d’une manière d’être, l’articulation d’une vie sociale, une philosophie des rapports humains, et, plus globalement encore, de la vie : « une culture, un art de communication avec l’autre ». L’ambition est vaste et elle implique la mobilisation de tous, si nous voulons faire du tourisme une véritable locomotive du développement. Elle requiert l’engagement et la participation de chaque Marocain qui doit se considérer comme un promoteur touristique mobilisé pour gagner ce pari. Que faire concrètement et de manière opératoire ?

• Améliorer l’accueil des touristes, en tant qu’hôtes de notre pays, que nous devons traiter avec tous les égards,

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• Procéder à « l’assainissement de l’environnement touristique ». Cela engage à généraliser un « comportement citoyen auprès de tous les intervenants dans ce secteur, qu’ils soient transporteurs aériens, douaniers, hôteliers, commerçants, guides ou agents de sécurité... »

• Promouvoir une nouvelle politique touristique. Celle-ci doit participer d’une « meilleure exploitation des énormes potentialités du produit touristique national, consistant en sa proximité des grands centres émetteurs de tourisme, la diversité des sites naturels, la richesse du patrimoine culturel et des traditions bien ancrées, riches et variées dans les domaines de l’architecture, de la gastronomie, des costumes, de l’artisanat et des arts populaires ».

• Répondre comme il se devrait aux spécificités de la demande touristique. Parce que les touristes, aujourd’hui et plus encore demain sans doute, exprimeront de nouvelles attentes. C’est que la recherche du soleil, ou encore de la mer, ne suffit plus pour attirer les touristes vers une destination. Voilà pourquoi il faut prendre en considération d’autres paramètres qui permettent de mieux positionner un produit et d’optimiser son attractivité :

o le dépaysement, le tourisme à forte charge culturelle empreinte d’originalité la dimension écologique ; o la qualité du produit touristique qui constitue le meilleur argument pour son choix comme destination ; o la quiétude du touriste durant ses déplacements et ses visites des sites touristiques et sa protection contre toutes sortes d’abus, d’extorsion et de tracasseries, au moyen de l’impulsion du rôle de la police touristique et sa généralisation à toutes les villes touristiques.

• Inciter les promoteurs touristiques à s’imprégner de cette nouvelle culture de l’entreprise touristique citoyenne, ce qui a notamment pour corollaire :

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o le souci de la qualité du produit et des services touristiques fournis dans leurs établissements hôteliers classés dans les différentes catégories ; o l’adoption d’une politique de prix compétitifs ; o le respect des législations régissant leur profession pour la réforme de laquelle nous avons donné des orientations à notre Gouvernement en vue de la doter en particulier d’un régime efficace, transparent et juste de classification et de contrôle rigoureux ;

• Encourager et intégrer le tourisme intérieur et ce, en mettant en place des établissements hôteliers répondant aux besoins et attentes du touriste marocain et à la portée de toutes les catégories sociales;

Mobiliser l’investissement public et privé, national et étranger dans le secteur touristique. Il est déjà prévu l’aménagement par le Fonds Hassan II pour le développement économique et social d’une nouvelle génération de zones touristiques intégrées, ce qui traduit Notre ferme détermination à inciter l’Etat à investir dans le secteur touristique. Il est également programmé l’aménagement de nouvelles zones touristiques en partenariat avec le secteur privé. Un cahier de charges sera finalisé à cet effet. Il confèrera aux particuliers les tâches de réalisation et de commercialisation, en laissant à l’Etat le soin d’assumer la mission d’orientation et de contrôle. C’est que la mise en œuvre d’une politique nationale du tourisme doit s’appuyer et s’articuler autour d’une approche régionale conséquente impliquant les opérateurs, les élus, les organisations professionnelles, les autorités locales et des compétences régionales dans la promotion du tourisme local.

• Le Souverain insiste, à cet égard, sur le rôle des collectivités locales dans l’encouragement des activités touristiques en veillant au respect de l’environnement, à l’esthétique de l’espace touristique et à l’organisation d’activités récréatives permanentes, qui rendent agréable et plaisant le séjour dans nos villes et nos campagnes. S.M. Mohammed VI annonce encore d’autres mesures tout aussi significatives :

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• Mettre à la disposition des entrepreneurs des terres à vocation touristique avec une contribution de l’Etat à hauteur de cinquante pour cent de leur valeur, l’élargissement des mécanismes de garantie à travers la Caisse Centrale de Garantie et « Dar Addamane » pour faciliter les conditions de financement du secteur, et la poursuite de l’opération d’assainissement du C.I.H. afin qu’il retrouve sa capacité à financer les investissements touristiques au côté du secteur bancaire ;

• Accélérer, simplifier et mettre en harmonie la fiscalité locale qu’elle soit « un stimulant du secteur et non un obstacle à sa promotion », ainsi que (...) l’ouverture de notre tourisme sur l’investissement des grands promoteurs internationaux auxquels il faudrait ouvrir de larges perspectives, que ce soit en partenariat avec des opérateurs marocains ou à travers des investissements propres ;

• Promouvoir le produit touristique national et renforcer l’attrait du Maroc sur les marchés internationaux en tant que « destination touristique de qualité ». Dans cette perspective, cette mission a été confiée à l’Office National Marocain du Tourisme. Lequel doit opérer sa restructuration et se doter de nouvelles ressources humaines et matérielles visant notamment à améliorer ses méthodes de gestion et à en faire un organisme opérant en partenariat avec les associations professionnelles et les établissements publics et privés concernés par la promotion du tourisme.

On ne peut que le souligner pour s’en féliciter : c’est une véritable

stratégie de développement du secteur du tourisme qui est présentée aux Marocains à cette occasion. Pour la première fois depuis quatre décennies, la priorité donnée au tourisme dans le développement économique et social tranche nettement avec les professions de foi traditionnellement proclamées dans ce secteur. C’est une « doctrine » que fait sienne S.M. le Roi parce qu’il est convaincu que l’objectif ainsi fixé est une assise fondamentale pour remporter le grand combat

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économique et social que nous menons avec confiance, détermination et ambition. L’appel est ainsi lancé à tous les opérateurs et à tous les citoyens pour un « engagement collectif, moral et effectif » en vue de la réalisation de cette stratégie. Et pour traduire dans les faits les mesures et les dispositions qu’il vient d’annoncer, le Souverain préside, juste après Son discours, la cérémonie de signature de l’Accord-Cadre entre le Gouvernement et les promoteurs touristiques.

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Chapitre II : Accord-Cadre

Cet Accord-Cadre est donc signé par le ministre des Finances, M.

Fathallah Oualalou, d’un côté, et MM. Hassan Chami et Mohamed Benamour, respectivement président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et président de la Fédération du tourisme de l’autre. Il traduit et symbolise la communauté des points de vue du Gouvernement et des opérateurs privés de ce secteur sur les objectifs fixés ainsi que sur les conditions et les modalités de les réaliser. Cet Accord-Cadre constitue un engagement politique du Gouvernement et des professionnels du secteur, fédérés sous l’égide de la CGEM. Il s’articule notamment autour de trois axes :

PREMIER AXE : Mettre en œuvre, avec réalisme, une vision ambitieuse du

développement du secteur à l’horizon 2010; établir le diagnostic des atouts à exploiter et des défis à relever pour y parvenir. Il s’agit également de proposer, un dispositif stratégique global et volontaire de nature à enclencher et à conforter la puissante dynamique de développement touristique devant permettre au Royaume de se positionner parmi les destinations les plus recherchées.

L’objectif fixé de 10 millions de touristes à l’horizon 2010 implique une forte croissance, durable et accélérée, de l’industrie touristique nationale.

Comportant une trentaine d’articles, cet Accord-Cadre est introduit par un certain nombre d’engagements généraux qui retiennent l’intérêt. Le premier d’entre eux a trait au tourisme, priorité économique nationale, enfin ! Serait-on tenté de dire, après bien des retards, des hésitations et des ambiguïtés qui ont marqué pratiquement les quatre décennies écoulées, voilà qu’est proclamé, haut et fort, sous l’égide et la présidence effective de la plus haute autorité du Royaume, ce choix stratégique.

Le Gouvernement prend donc un engagement formel et consacre la place et le rôle de l’industrie du tourisme. Il lui reconnaît l’énorme

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09/01/04 DEUXIEME PARTIE CHAPITRE II

potentiel de croissance qu’elle recèle, il souligne ses effets dynamisants et entraînants sur les principales variables macro-économiques (emploi, croissance, équilibres externes, investissements), il valorise enfin ses bienfaits structurants sur le tissu industriel des petites et moyennes industries (PMI) ainsi que sur l’aménagement du territoire et la promotion des populations locales et du monde rural.

DEUXIEME AXE : Le deuxième engagement précise le fait que le contrat-programme

se fonde sur les objectifs et les orientations du programme de développement économique et social (2001-2004) qu’ils prolongent pour la décennie. Il ne s’agit donc pas là d’une rupture ou d’une réorientation par rapport à ce qui a été arrêté par les planificateurs, mais de l’expression, concertée, cohérente et structurée, d’une vision du secteur touristique pour la présente décennie. De ce point de vue, il constitue le cadre de référence de l’action conjointe du Gouvernement et des opérateurs privés pour « planifier et promouvoir un développement durable et accéléré de l’industrie touristique nationale ».

TROISIEME AXE : Le troisième engagement traduit, quant à lui, la ferme volonté des

parties de se fixer l’objectif de dix millions de touristes à l’horizon 2010. C’est là une ardente obligation qui s’impose formellement et qui vise à positionner le Maroc parmi les premières destinations touristiques mondiales. A cet effet, il est expressément prévu la mise sur pied d’un dispositif stratégique global : il aura pour rôle de mettre en œuvre, dans les plus brefs délais et selon un planning à définir, la politique à suivre pour cette décennie. Il est d’ailleurs rappelé, dans cette même ligne, que la réalisation de l’objectif de la « Vision 2010 » implique notamment : la construction par le secteur privé de 80.000 chambres supplémentaires pour un investissement de l’ordre de 30 milliards de DH ; la mise en adéquation des capacités de transport (aérien, maritime, et terrestre) et la réalisation de programmes d’infrastructures et d’investissements complémentaires à la charge de l’Etat, d’organismes publics et privés.

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Enfin, le dernier engagement concerne la stratégie. C’est, en effet, une démarche intégrée qui doit être menée et non pas des actions en ordre dispersé. C’est d’un même pas, et suivant un rythme approprié, que doivent être enclenchées, accompagnées et promues trois dynamiques. L’une commerciale, pour rétablir la compétitivité de la destination et du produit Maroc ; l’autre, industrielle et financière pour améliorer la rentabilité de l’investissement touristique au Maroc et orienter l’épargne nationale et internationale vers l’industrie touristique ; enfin, la dernière, d’ordre institutionnel, vise tant la restructuration par l’Etat de ses organes d’intervention que celle du secteur privé, notamment de ses formes d’organisation et de ses structures professionnelles.

Toutes ces dynamiques ont été construites sur la base des principes de l’analyse prospective. Cette démarche nouvelle dans l’analyse de la problématique du développement durable, utilisée avec succès par les pays « dragons d’Asie », fait abstraction des données historiques pour s’attacher aux seuls objectifs fixés. Désormais, pour y parvenir, il suffit d’établir le diagnostic des actifs et des atouts disponibles et de mettre en face les défis à relever. Le reste est question de volonté politique.

La prospective, dénommée aussi « futurologie » a fait son apparition aux Etats-Unis d’Amérique à la fin de la seconde Guerre Mondiale, servant surtout à des fins militaires. Selon l’Encyclopédie Universalis, elle a été développée en France par Gaston Berger, à partir de 1957, selon une orientation plus philosophique, puis de forme plus élaborée par Bertrand Jouvenel. Elle connaît, aujourd’hui, un grand développement. L’avenir volontaire est donc un espace qui s’étend sans cesse. Les hommes décidés peuvent en faire ce qu’ils veulent. La recherche du développement économique a amené de multiples pays, notamment d’Asie, à mettre en pratique cette technique d’analyse et d’appréhension du futur de manière systématique, méthodique et rigoureuse.

La prospective procède à des « inventaires de faits, de facteurs aussi complets que possible. Elle analyse de façon rigoureuse les situations. Elle s’efforce d’exploiter les inventions, les motivations des comportements individuels et collectifs. Elle se préoccupe de

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mettre en évidence aussi bien des interdépendances que des indépendances. Elle cherche à atteindre les phénomènes les plus essentiels, les « variables-clés ». Elle élabore des schémas, des modèles d’avenir cherchant, dans la mesure du possible, à reconnaître le futur dans les données du présent. La prospective est amenée à porter attention à deux catégories de faits : les tendances lourdes et les faits porteurs d’avenir. Les tendances lourdes sont constituées par l’ensemble des données dont l’évolution future semble déterminée et prévisible avec un faible risque d’erreur.

En tant que science d’un futur à faire, à inventer, la prospective constitue néanmoins une entreprise éminemment créatrice. Elle doit avoir la maîtrise de ses démarches et les conduire de façon aussi rationnelle et cohérente que possible. Mais, en même temps, il lui faut faire appel à toutes les ressources de l’imagination. Comme le note Robert Jungk, il faut à la prospective des « idées folles », une « liberté de carnaval », de l’« inouï », du « jamais vu », de l’« inconcevable ».

Ainsi, dans la méthode dite « des scénarios », s’associent imagination et raison. Tantôt, l’on se donne, à priori, une image du futur, puis on dégage toutes les implications, en remontant dans le temps jusqu’à la situation actuelle, scénario dit contrasté parce que l’image terminale, dont on cherche à mesurer l’accessibilité, s’oppose vigoureusement par certains de ses traits à l’image actuelle. Et, tantôt, scénario tendanciel, on part de la situation actuelle, et utilisant les tendances d’évolution. L’on chemine, par des « simulations » jusqu’au terme fixé à la « prospection ». On conçoit aisément toutes les hypothèses qu’implique la mise en œuvre de telles méthodes, notamment en ce qui concerne la pérennité de certains facteurs économiques, culturels et sociaux qu’il a bien fallu admettre pour rendre viable la démarche.

On comprend que cette audace devra s’accompagner d’une grande prudence. La prospective propose davantage de conjectures que de certitudes, et il faut corriger sans cesse ses prévisions par des processus itératifs qui s’appuient sur l’appréciation des écarts constatés entre ses conclusions et la réalité. A cet égard, les « modèles » se révèlent très utiles malgré leurs imperfections. Leur élaboration impose, en effet, l’analyse des interactions entre les divers

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« éléments » du futur, auxquels on peut assigner des programmes d’évolution. Jouer avec le modèle constitue, en fait, la seule forme d’expérimentation qui soit à notre portée. Elle a l’avantage de faire apparaître les blocages possibles de l’évolution, les « scénarios de l’inacceptable », et de suggérer un ou plusieurs « schémas de réforme » du modèle pour débloquer l’avenir.

Mais si l’utilisation des modèles à des fins exploratoires est pleinement justifiée, il serait dangereux de les considérer comme donnant des images représentatives de l’avenir. Si complet que puisse être un modèle, il ne prend en compte, en général, que des phénomènes aisément quantifiables (démographie, productions industrielle et agricole, ressources minières, etc.), en négligeant les facteurs culturels, sociaux, philosophiques, qui sont cependant essentiels. Les modèles négligent aussi habituellement les rapports de force et ne font que rarement place aux situations conflictuelles ».

Cette longue citation est intéressante dans la mesure où elle éclaire les contours de la « science » prospective que les rédacteurs du contrat/cadre ont sollicité pour arriver à leurs fins. Mais essayons de voir la chose de plus près : prenons un exemple concret de recherche de croissance durable élaborée sur la base d’une analyse prospective. Supposons que nous ayons affaire à une commune rurale dans un pays en développement (pas trop riche, pas trop pauvre). Elle décide de se prendre en charge et d’assurer elle-même son propre développement. Supposons, malgré tout, que cette commune dispose de cadres et de personnel suffisants en nombre et en qualité et que les responsables soient réellement décidés, coûte que coûte, à créer des richesses qui se vendent localement et surtout à l’étranger.

En créant des scénarios d’avenir basés sur le diagnostic des moyens disponibles et la réalisation d’objectifs ambitieux, selon des techniques de croissance durable en permanence adaptées aux circonstances - pour en triompher -, cette commune a plus de chance que toute autre de se débarrasser de la pauvreté.

Le travail considérable fait par les pouvoirs publics, le CFG et la CGEM relève de cette veine-là. Bien sûr, ce n’est qu’un début, car l’adaptation constante des moyens d’action aux objectifs recherchés

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nécessite encore bien des recherches et de l’obstination dans l’effort. Ces dynamiques de développement font ici l’objet d’une appréhension succincte, permettant d’en cerner la nature et les contours. Ce qui aidera à déterminer, en quelque sorte, les termes de références du « cahier de charges » liant conventionnellement le Gouvernement marocain aux professionnels.

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DYNAMIQUE COMMERCIALE

Comment réussir à atteindre un rythme annuel de croissance du nombre de touristes internationaux de 15% environ, avec pour objectif 10 millions de touristes, sans un ensemble de mesures opératoires de nature à rétablir la compétitivité de la destination Maroc ? Des stratégies segmentaires sont ainsi arrêtées, à savoir le produit, le prix, la promotion et professionnalisation des métiers.

La « Stratégie Produit » concerne, tout d’abord, le « positionnement offensif notamment sur le secteur balnéaire ». Il est bien évident qu’il convient de mieux adapter l’offre du produit Maroc à la demande internationale. Est-il utile de rappeler, à cet égard, que près de 80% des Européens optent pour des vacances estivales et privilégient les stations balnéaires, alors que le Maroc est plutôt positionné sur un tourisme culturel d’hiver, de printemps et d’automne ? Faut-il encore relever qu’un bon tiers des arrivées annuelles de touristes internationaux se fait en été, les deux tiers restants s’effectuant au cours des trois autres saisons de l’année ? C’est dire qu’une profonde réarticulation de notre offre doit être opérée pour que le segment balnéaire représente 70% de celle-ci en 2010. Cela implique une capacité additionnelle de quelque 65.000 chambres. Un programme de réalisation de nouvelles stations est arrêté sur différents sites : Saïdia, Khmis Sahel, Haouzia, Essaouira, Taghazout, Guelmim.

Mais, pour autant, l’on ne saurait se limiter à la réalisation de ces seuls projets. En effet, pour que la crédibilité de l’offre balnéaire marocaine soit établie et confortée, d’autres programmes sectoriels doivent être également entrepris et finalisés. A commencer par la consolidation de la baie d’Agadir et le repositionnement, ainsi que la restructuration de Tanger et de la côte de Tétouan.

Le second volet de cette nouvelle stratégie a trait à la promotion du produit culturel et à son nécessaire repositionnement. L’objectif retenu s’articule autour de la programmation d’un large plan de rénovation et d’extension du « Produit Culturel » notamment à Fès, Marrakech, Ouarzazate, Meknès, Tanger, Rabat et Casablanca. Il est

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ainsi prévu que cette action, à mener par les établissements hôteliers concernés, devait être menée au cours de la période 2001-2004. Au total, ce produit culturel doit arriver à l’horizon 2010 à une capacité de 37.000 chambres, soit une capacité additionnelle de quelque 15.000 chambres.

La « Stratégie Prix » est évidemment décisive. La mondialisation de l’offre et la vive concurrence dans la région méditerranéenne imposent une sensible amélioration du rapport qualité/prix de la destination Maroc. Il ne s’agit pas de proposer, ici ou là, des prix promotionnels mais de mettre en œuvre une véritable politique de tarification globale. Celle-ci doit être adaptée et modulée, d’année en année, pour tenir compte du positionnement et de la nature du produit Maroc; elle doit ainsi veiller à atteindre de manière conjuguée les objectifs de fréquentation et de rentabilité susceptibles de permettre de réaliser la « Vision 2010 ». Il est décidé à cet effet d’effectuer une étude détaillée et approfondie du positionnement concurrentiel de la destination Maroc. Celle-ci serait réalisée par un cabinet international de consulting, avec des spécialistes marocains.

En attendant, n’importe qui peut être rapidement au fait de la question, en consultant simplement les brochures internationales des grands TO. Pour qui sait lire, tout y est : le prix des avions, des hôtels et des repas. Et la comparaison avec les tarifs pratiqués par les opérateurs marocains ne pose aucun problème. Mais, passons… Par ailleurs, il est évident que les promoteurs hôteliers et touristiques ne peuvent se soumettre à la politique commerciale ordonnée par des arrêtés ministériels. Le marché est libre. Il est fait d’offres et de demandes et rien ne pourra mettre un terme au désordre commercial ambiant sinon les opérateurs eux-mêmes. Aujourd’hui, ils ne sont pas prêts. Mais ils le seront de plus en plus, compte tenu de l’organisation en cours des corps de métiers du tourisme, tant sur le plan national que régional et local. C’est une maturation nécessaire qui doit se faire, en tenant compte de l’évolution des compétences et des mœurs des affaires.

Enfin, l’engagement est pris pour ce qui est d’une politique de tarification concertée et de l’instauration d’un « label qualité ». Les intervenants de la chaîne touristique, dans leur ensemble, devront y

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être instamment associés sur une base de concertation. Une double préoccupation est ainsi affirmée : celle d’assurer le « juste prix » de chaque prestation touristique pour asseoir la compétitivité globale de la destination; et celle d’éviter que des abus particuliers ne portent atteinte à la qualité et à la réputation de la destination. En tout cas, est d’ores et déjà admis le principe de l’instauration d’un « label qualité » pour tous les commerces à vocation touristique. Cela ne peut qu’aller au-devant des vœux et des attentes des touristes nationaux et internationaux. Une telle initiative ne peut, par ailleurs, qu’inciter tous les professionnels du secteur, quelles que soient leurs branches, à veiller à garantir des prix et une qualité de service conformes exigences et aux critères des standards mondiaux.

La « stratégie promotion », elle, se fonde sur deux axes :

• Le premier a trait à la restructuration du dispositif de promotion. Comment ? Par une politique plus créative, plus réactive et adaptée aux nécessités; mais aussi par le renforcement des moyens financiers à mobiliser dans ce domaine. De ce point de vue, le recentrage des activités de l’O.N.M.T. sur la promotion et l’image du Maroc à l’étranger est impératif. Cette réforme doit conduire, dans le même temps, à décharger cet Office, suivant des modalités et un calendrier à définir, de la collecte de la T.P.T. (Taxe de la promotion touristique), de la gestion du patrimoine hôtelier dont il a encore la charge. Elle doit également transférer les charges du personnel de la formation relevant de l’ONMT à l’autorité de tutelle. Enfin, il est proposé, dans le cadre de cette restructuration, d’autres modifications de cet Office, notamment celle de sa dénomination éventuellement, de son mode de fonctionnement aussi afin d’associer les représentants de la profession à ses organes de délibération et de décision.

• Le second axe concerne la nécessité d’une augmentation des budgets promotionnels. A cet égard, les parties décident la création d’un fonds de promotion géré par le « nouvel » ONMT. Il serait alimenté par la T.P.T., le budget de l’Etat, mais aussi par la participation du secteur privé, et ce, suivant des proportions et des modalités à préciser. En tout cas, à

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l’horizon 2010, est fixé un objectif de dotation annuelle de 500 millions de DH, consacré exclusivement à la promotion. Enfin, d’autres propositions sont encore formulées; telles que l’augmentation du produit de la TPT, ainsi que la mise à contribution d’autres institutions ou organismes privés et publics bénéficiant -directement ou non - des retombées du secteur, sur la base d’accords de partenariat.

La « Stratégie formation et professionnalisation des métiers » fait

également l’objet d’une évaluation inscrite dans la nouvelle politique. Elle se fonde, tout d’abord, sur le « renforcement des filières d’éducation et de formation » ainsi que sur la « généralisation de la formation continue ». Les besoins en personnel qualifié sont importants, aujourd’hui et plus encore dans le cadre de la nouvelle politique touristique. Il est ainsi décidé d’engager, au cours du premier semestre 2001, une « réflexion en profondeur » dans ce domaine. Celle-ci aura pour objet de définir une stratégie de renforcement des filières éducatives dans le but de former, tout au long de la décennie, les ressources humaines nécessaires, sur la base du rythme d’investissement programmé.

Pareille démarche prendra en charge, bien entendu, les principes et la philosophie de la Charte nationale de l’Education et de la Formation. De même, elle associera le département de la Formation professionnelle, et ceux de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Elle doit permettre de planifier, pour la décennie, les rythmes de formation à retenir et à instituer pour répondre pleinement aux besoins du secteur. Elle implique, de ce fait, la mise au point de programmes d’action visant à faciliter l’orientation et la promotion des métiers du tourisme (diplômes, filières d’insertion professionnelle dans le secteur privé...). Il est d’ailleurs prévu, dans cette même perspective, deux mesures. L’une vise à ériger les établissements de Marrakech, d’Agadir, de Mohammedia et de Fès en Instituts supérieurs du tourisme, spécialisés en management hôtelier et touristique sans pour cela porter préjudice, naturellement, à la création de filières du tourisme au sein de l’Université. L’autre concerne un plan de formation

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continue et de reconversion professionnelle, élaboré et finalisé conjointement avec le secteur privé - il devra être réalisé dans le cadre des structures existantes (contrats spéciaux de formation, formation-insertion...).

Une telle entreprise se doit d’instaurer un nouveau système de motivation du personnel. Celui-ci doit être performant dans le sens de l’implication et de l’adhésion de l’ensemble du personnel aux résultats d’exploitation. La productivité et la qualité du service sont à ce prix. Une nouvelle culture d’entreprise, prenant en compte ces exigences, doit être stimulée et confortée. Elle ne pourra cependant être optimisée que si les opérateurs privés observent les normes d’emploi et de qualifications requises, et que soit appliquée une grille des salaires en même temps qu’une politique de revenus motivante et incitative.

Enfin, le contrôle de qualité implique la professionnalisation de certaines activités touristiques - agents de voyages, hôteliers, restaurateurs, loueurs de voitures, transporteurs, guides... C’est une politique conséquente de valorisation de la compétence, de la rigueur et du sérieux qui doit primer. Elle ne pourra porter tous ses fruits si les procédures actuelles d’agrément de certaines activités professionnelles ne sont pas revues et corrigées dans ce sens. L’institution d’un « label de qualité » pour tous les commerces à vocation touristique participe de cette exigence. Au plan national, les parties proposent la mise sur pied d’un dispositif de contrôle de la qualité dans tout le Royaume. Il devra être fondé sur des garanties en matière d’éthique et se doter de procédures de recours rapides et appropriées.

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DYNAMIQUE INDUSTRIELLE

La dynamique industrielle s’articule autour de trois secteurs : foncier, fiscalité et financement. La « Vision 2010 » implique, on l’a vu, un grand programme d’investissements. Comment le réaliser ? C’est tout le problème de la promotion de l’investissement touristique au Maroc qui doit arriver, à l’horizon 2010, à réaliser 80.000 chambres supplémentaires. En d’autres termes, comment arriver à rentabiliser l’investissement dans ce secteur ? C’est en apportant des réponses concrètes à cette interrogation que l’on peut, en effet, escompter l’attraction massive des investisseurs professionnels et institutionnels.

Selon les indications retenues dans l’Accord-Cadre, les parties ont estimé que les niveaux de rentabilité visés devront s’établir selon les projets entre 15 et 20% pour des taux de fréquentation supposés supérieurs à 50%.

C’est possible, même si cela n’a jamais été le cas au Maroc durant les quatre dernières décennies ; et c’est jouable à condition toutefois que soient mises en œuvre des stratégies foncières, fiscales et financières adéquates ayant pour finalité d’instaurer durablement un environnement favorable à l’investissement touristique et partant de le rentabiliser.

La « Stratégie foncière » vise à constituer une réserve foncière regroupant les terrains à vocation touristique. Elle doit être mise en œuvre sur la base de l’étude d’identification des terrains à fort potentiel touristique entreprise par l’administration concernée. A partir de ces données, le Gouvernement s’est engagé à œuvrer pour le ré-engineering des outils d’aménagement touristique existants, et ce, soit pour acquérir et assainir les terrains à vocation touristique, soit pour les aménager. Il s’agit, à cet égard, de mettre ces terrains à la disposition d’investisseurs sur la base d’engagements contractuels. Les prix doivent en être compétitifs pour ne pas grever, dès le départ, l’investissement.

Un autre volet est relatif à l’aménagement de stations balnéaires intégrées. De ce point de vue, les sommes allouées par le Fonds

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Hassan II pour l’aménagement de nouvelles stations balnéaires ont déclenché une nouvelle dynamique dans ce secteur. Il faut également favoriser et finaliser le principe de la concession à des promoteurs privés l’aménagement de stations balnéaires intégrées, sur la base d’un cahier de charges précis et contraignant pour les deux parties.

Une telle approche est de nature à instituer des cadres contractuels insérant les promoteurs -aménageurs dans les axes directeurs du schéma d’aménagement national. Une première tranche de ce programme est retenue pour l’attribution d’au moins trois sites actuellement à l’étude, et ce, au plus tard au premier trimestre 2002.

Quant à la « Stratégie fiscale », elle est l’un des instruments de la promotion de l’investissement touristique. Certains avantages fiscaux ont déjà été accordés par les dernières lois de finances. Il faut cependant faire plus et mieux dans ce sens pour améliorer le dispositif fiscal dans ce domaine sur la base de trois principes : simplification et harmonisation, incitation et orientation, compétitivité internationale. De plus, il convient de définir, sur des bases claires et modernes, le statut de l’entreprise publique ainsi que celui des différents intervenants de la chaîne touristique.

En matière de droits de douane, les parties ont convenu que « les taux réduits de douane prévus par la Charte des investissements pour les importations de biens d’équipement industriel seront étendus aux biens utilisés pour l’équipement, l’aménagement et l’ameublement des entreprises touristiques sous réserve de leur identification au sein de la nomenclature douanière et de l’accord du département de l’Industrie ». Une telle mesure est de nature à favoriser la réduction des coûts d’investissement et l’amélioration de la rentabilité des investissements touristiques.

L’harmonisation et la simplification de la fiscalité nationale sont également prévues avec l’engagement pris, par ailleurs, d’appliquer à moyen terme le taux de TVA appliqué à l’hôtellerie à l’ensemble des entreprises touristiques précitées. Il est enfin décidé d’autres mesures. Il s’agit de la révision de l’abattement de l’impôt sur les sociétés sur la quote-part du chiffre d’affaires réalisé en devises ; du réaménagement de la fiscalité locale dans le sens de la simplification,

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de la rationalisation et de l’harmonisation et de la transparence fiscale des opérateurs, en conformité avec les exigences d’une entreprise citoyenne et sociale.

Pour ce qui est de la « Stratégie de financement », les propositions arrêtées intéressent, tout d’abord, la mise en place d’un mécanisme de rénovation. Ce dernier doit permettre la mise à niveau d’une partie du parc hôtelier existant qui n’est pas commercialisable – semble-t-il – à l’étranger. Ce qui participera à l’augmentation de la capacité d’accueil de manière additionnelle en attendant la réalisation des programmes fixés. Les parties conviennent également de mieux impliquer le secteur bancaire dans l’investissement touristique. C’est que l’industrie de ce secteur est spécifique et hautement capitalistique. Elle exige, à ce titre, des financements conséquents et à long terme. Trois mesures sont ainsi retenues :

• Une formule ad hoc de « crédit tourisme » prenant en compte l’incitation de l’investissement dans ce secteur;

• La création d’un Observatoire de la compétitivité et des coûts qui donnera des informations et des statistiques affinées et significatives sur les normes et les standards de performance de l’économie générale du tourisme;

• La forte implication, selon des modalités à déterminer, de la Caisse centrale de garantie et de « Dar Addamane » dans le financement de l’investissement touristique, et ce, aux côtés des banques traditionnelles.

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DYNAMIQUE FINANCIERE

Cette dynamique doit prendre en charge la nécessité d’élargir la base en fonds propres des investisseurs. Cette stratégie doit également œuvrer à favoriser la création de structures de rencontre entre investisseurs professionnels et investisseurs institutionnels et à promouvoir l’accès des opérateurs aux marchés financiers nationaux. Dans cette optique, les parties conviennent d’analyser au cours du premier semestre de l’année 2001 les mesures susceptibles de favoriser l’orientation de l’épargne vers le secteur du tourisme. Les parties décident, par ailleurs, d’envisager des mesures complémentaires spécifiques aux dispositions législatives existantes visant à favoriser les introductions des sociétés touristiques à la Bourse de Casablanca : création de fonds de tourisme privés, incitations des compagnies d’assurances à investir dans ce secteur etc.

Toutes ces propositions et mesures n’auront une portée optimale que si elles s’inscrivent dans une dynamique institutionnelle.

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DYNAMIQUE INSTITUTIONNELLE

La dynamique institutionnelle vise, comme le souligne le contrat programme, la restructuration par l’Etat de ses organes d’intervention et la réforme par le secteur privé de ses modes d’organisation et de ses structures professionnelles.

A la fin 2003, rien n’a été enregistré d’un côté comme de l’autre. Aucun empressement n’a été manifesté, ni par les pouvoirs publics, ni par la CGEM pour mettre en place des cellules de réflexion, de recherche, de coordination et d’arbitrage, ni à hâter l’autonomie de la CGEM/Tourisme.

Les accords conclus en janvier et octobre 2001 ne sont pas encore transformés en loi-cadre régissant le développement du secteur du Tourisme. Le Parlement n’a pris à leur sujet aucun engagement et rien ne permet de penser que cela puisse avoir lieu en 2004. Bien entendu, le comité stratégique a été mis en place et se réunit de temps à autre. Mais nous sommes encore loin de la dynamique institutionnelle souhaitée.

Nous proposerons plus loin au chapitre III quelques axes de réflexion pour une réforme institutionnelle capable d’accompagner les efforts entrepris à travers les dynamiques commerciales, industrielle et financière.

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Chapitre III : Faisabilité du programme d’action

La réalisation des objectifs fixés dans le cadre de la « Vision

2010 » requiert une forte mobilisation de l’investissement. Qu’il soit public ou privé, national ou étranger, celui-ci doit bénéficier d’un environnement juridique, réglementaire et fiscal attractif : c’est toute la problématique du climat d’affaires. Les discours officiels, obstinément optimistes depuis des lustres, n’y feront rien. L’investisseur actuel et potentiel sait compter, évaluer les risques, comparer la rentabilité; bref, il est en mesure, sur la base de données objectives et de paramètres propres, de prendre la décision ultime : celle de l’acte d’investir ou non...

Le grand chantier du tourisme national implique - on l’a déjà souligné à maintes reprises - le déclenchement d’une puissante dynamique d’investissement pour arriver, à l’horizon 2010, à cet objectif de 80.000 chambres. Quel est donc le dispositif d’incitation approprié à cet égard ? Les signataires de l’Accord d’application du 29 octobre 2001 ont ainsi retenu des niveaux de rentabilité devant s’établir, selon les projets, entre 15 et 20 % pour des taux de fréquentation supposés supérieurs de 50%. Ils ont, dans cette perspective, décidé de mettre en œuvre des stratégies foncières, fiscales et financières adéquates. Mais quelles sont les mesures proposées ?

Assurément, le Discours Royal du 10 janvier 2001, lors des premières Assises nationales du Tourisme, marque une rupture avec un certain discours officiel prévalant jusqu’alors : il constitue l’acte fondateur d’une nouvelle stratégie dans ce domaine. Il témoigne – enfin de la priorité politique qui lui est ainsi donnée. L’Accord-Cadre signé à Marrakech, à cette occasion, définissait alors - sur la base des orientations royales - les axes stratégiques devant permettre de réaliser l’objectif de 10 millions de touristes à l’horizon 2010. Il a été suivi neuf mois après, lors des 11èmes assises du tourisme, par la signature d’un programme d’action, le 29 octobre 2001, à Agadir.

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La « feuille de route » fixée a pris dès le départ du retard. Faut-il, en effet, rappeler qu’aux termes de l’article 31 de l’Accord-Cadre, cet accord d’application devait être élaboré au cours du premier semestre 2001 ?

Ce premier décalage de calendrier de quatre mois sera-t-il le seul retard ? Cumulé avec d’autres, il ne peut que conduire à s’interroger sur la faisabilité, dans les temps prévus, de cet ambitieux programme d’action qui devait s’illustrer par l’engagement collectif, moral et effectif, de tous les citoyens à la promotion de ce secteur stratégique.

Soyons clairs. L’engagement des autorités gouvernementales de mobiliser tous les moyens humains, financiers et organisationnels, pour traduire dans les faits, de manière tangible et crédible, les Hautes Directives Royales et l’engagement des professionnels est sans équivoque.

C’est un engagement ferme et définitif qui exige la forte présence et l’implication d’un nombre suffisant de commis de l’Etat à tous les niveaux de la décision de façon à ce qu’il soit procédé, en temps voulu, à tous les arbitrages techniques et organisationnels nécessaires.

L’Accord cadre, l’Accord d’application et le contrat programme sont des engagements contraignants et ne peuvent souffrir d’équivoque. Le fait qu’un certain nombre de dysfonctionnements ayant entraîné des retards préjudiciables à la bonne exécution du programme ait été décelé n’entraîne aucune conséquence. L’engagement reste total et entier. Une lecture attentive du texte de l’Accord d’application suscite cependant cette interrogation. Les rédacteurs de ce texte n’ont-ils pas péché par excès d’optimisme, lors de l’établissement des calendriers de réalisation, d’autant plus qu’il est explicitement mentionné dans l’article de l’Accord d’application que les parties conviennent que le succès de la nouvelle politique touristique repose sur le caractère concomitant et massif des mesures qui seront prises au cours des prochains mois et en particulier au cours des six prochains mois ?

Pour illustrer cette légitime interrogation et sans nier que certaines mesures de l’Accord ont été mises en œuvre dans les délais prévus, avec succès - notamment dans le domaine du

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développement/aménagement, observons les autres engagements et le sort qui leur a été réservé.

Le comité de pilotage stratégique a été constitué en mars 2001. Il réunit quatre départements ministériels concernés (Tourisme, Intérieur, Finances, Transports) - qui y sont représentés au niveau de leurs secrétaires généraux - ainsi que les professionnels du secteur, à savoir les présidents des fédérations de l’industrie hôtelière, des agences de voyages et des transports. Cet organe ad hoc a pour mission d’assurer le suivi et la mise en œuvre de l’Accord-Cadre. Il devait, à cet égard, élaborer un accord d’application de cet Accord-Cadre sur la base d’une définition précise de l’intégralité du dispositif global. A ce titre, il devait identifier l’ensemble des mesures ou plans d’actions décidés, évoqués ou envisagés par l’Accord-Cadre en vue de leur mise en œuvre d’ici au 31 décembre 2002, selon un planning et un échéancier à définir.

Mais où en sont les « dossiers lourds » qu’il devait élaborer et finaliser ? Ainsi, le document exhaustif, explicitant et planifiant sur la période d’octobre 2001 à mars 2003, tous les éléments du dispositif stratégique global devant permettre une mise en œuvre rapide et efficace de la nouvelle politique touristique, n’avait pas encore vu le jour au 1er avril 2003. Nous ne sommes pas plus avancés non plus dans la mise au point d’une « charte opérationnelle de mise en œuvre de la nouvelle politique touristique. Celle-ci, selon l’accord d’application du 29 octobre 2001, devait servir de cadre de référence et de fil conducteur à une action collective de grande envergure, associant tous les opérateurs du secteur privé et toutes les administrations concernées par cette ambition nationale.

Enfin, était prévue la réalisation d’un document de référence crédible à la disposition de tous les opérateurs touristiques et des investisseurs potentiels, nationaux et internationaux. Ce texte devait définir, de manière précise, les grandes lignes de fonctionnement de la nouvelle économie touristique et leur offrir ainsi des perspectives et de la visibilité à moyen terme, indispensables pour susciter leur intérêt, déclencher leur mobilisation et favoriser leur investissement. Les procès verbaux du comité de suivi devaient être publiés. Or, ils

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n’ont jamais été portés à la connaissance du public ni de l’ensemble des opérateurs concernés.

Une vision et des engagements : tel est bien l’enjeu du gouvernement qui s’est engagé à ériger le tourisme en priorité de sa politique.

Il faut, en effet, arriver à un flux de 10 millions de touristes en 2010. Cela implique -répétons-le - la construction par le secteur privé de 80.000 chambres; cela implique des investissements de l’ordre de 30 milliards de DH, mais aussi la mise en adéquation des capacités de transport (aérien, maritime et terrestre) ainsi que la réalisation de grands travaux d’infrastructures.

Ce dernier programme d’équipements et de travaux est estimé à 15 milliards de DH environ. Quant à l’aménagement in-site accompagné du développement des nouvelles stations balnéaires, il est également évalué au même chiffre de 15 milliards de DH. Pour ce qui est encore de la réalisation des 80.000 chambres supplémentaires, ce sont entre 30 et 40 milliards de DH qui sont nécessaires. Enfin, il y a lieu de relever les investissements d’accompagnement liés à l’animation et aux loisirs (5 milliards de DH) et ceux concernant la mise en place des nouvelles capacités de transport requises (15 milliards de DH).

Selon une première évaluation, ce sont donc quelque 80 à 90 milliards de DH d’investissements qui doivent être mobilisés pour assurer et promouvoir la nouvelle politique touristique désormais à l’ordre du jour. Pourra-t-on relever ce grand challenge ? Au rythme actuel, l’on est fondé à se poser cette question. L’on est d’autant plus enclin à le faire que le Programme de Développement et d’Investissement Stratégique (P.D.I.S.) marque plutôt le pas. Ce programme devait constituer une synthèse à l’échelle nationale de tous les investissements publics et privés à réaliser pour atteindre la « Vision 2010 ». Si le « phasage » des six nouvelles stations balnéaires prévues a bien été fait au début de 2002, le détail complet du P.D.I.S. fixé à la fin de cette même année, n’a pas encore été réalisé.

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Pourquoi ce retard ? La part de responsabilité du gouvernement dans cette situation ne peut être évacuée. Il s’était en effet engagé à recenser exhaustivement l’ensemble des besoins d’investissements nécessaires à la mise en œuvre harmonieuse et efficace de la « Vision 2010 » et relevant du budget de l’Etat ou des organismes et entreprises publics concernés (ONE, ODEP, ONEP, ONDA, RAM, ONCF, ADM, ONMT...). Cette opération est nécessaire : elle devait permettre de disposer des éléments d’information essentiels à une programmation budgétaire des investissements prioritaires et stratégiques à réaliser au cours de la présente décennie. Pour l’heure, avance-t-elle au rythme nécessaire ?

Au niveau régional, la même lenteur doit être mise en relief. Ainsi, des évaluations de nature comparable devaient être faites dans les principales régions touristiques, et ce, par les Walis et les Gouverneurs, en étroite collaboration avec les élus locaux et les associations professionnelles impliquées. Les domaines visés, à cet égard, sont les suivants : hygiène et propreté des sites touristiques, ramassage et traitement des déchets urbains, aménagement des espaces urbains (urbanisme, esthétique, espaces verts, voies de circulation), organisation d’activités récréatives et de loisirs permanentes, mise à niveau des capacités de distribution d’eau et d’électricité, assainissement des déchets solides et liquides, transports en commun, infrastructures hospitalières et de santé, police nationale et touristique.

Conformément au programme d’application du 29 octobre 2001, il avait été décidé que c’était le Comité de pilotage stratégique qui se verrait confier la coordination du chantier « P.D.I.S. » avec le concours de l’ensemble des parties concernées (administration, collectivités locales, représentants des professionnels). Là encore, les interrogations ne manquent guère : ce Comité s’est sans doute réuni depuis les assises d’Agadir de la fin d’octobre 2001, mais l’on ne peut que relever que rien de bien significatif n’a vraiment été mis en avant au cours de l’année 2002. De plus, ce n’est qu’à partir du début 2003 qu’il s’est attelé à sa mission de manière opératoire.

Dans cette optique, il a fallu attendre la fin du premier trimestre 2003 pour qu’un plan d’action échelonné dans le temps et articulé sur

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six chantiers soit défini. Les signataires de l’accord d’application de l’Accord-Cadre n’avaient pas manqué d’ailleurs de constater déjà un retard de plusieurs milliers de chambres en regard du « modèle de simulation globale ». C’est pourquoi ils avaient insisté sur le fait que le succès de la nouvelle politique touristique repose sur le caractère concomitant et massif des mesures qui seront prises au cours des « quinze prochains mois », et en particulier au cours des « six prochains mois ». Cet appel avait été formulé le 29 octobre 2001. Où en est-il dans sa concrétisation dix-neuf mois après, à la fin mai 2003 ? C’est ce qu’il convient de voir de près en évoquant successivement les réformes structurelles, la politique de mise à niveau qui s’y attache et enfin, le calendrier de réalisation du plan d’action retenu ainsi que ses modalités de réalisation.

Mais, auparavant, il est utile de préciser que l’analyse objective de l’évolution des accords relatifs au développement décennal ne relève d’aucun registre spécial. Il s’agit, tout simplement, pour beaucoup de Marocains d’une question de vie ou de mort. Les opérateurs nantis peuvent laisser passer l’occasion. Mais le peuple marocain, lui, voit dans cette démarche nouvelle de croissance à deux chiffres l’unique perspective prometteuse de sortir du sous-développement.

L’exemple des dragons d’Asie montre à l’évidence que les régimes politiques ont besoin, ne serait-ce qu’au début de leur combat contre le sous-développement, d’avoir de l’autorité et de l’audace qui manquent souvent aux gouvernements dits démocratiques. Ces derniers sont obligés de tenir compte des clans et des conjonctures politiques, économiques et sociales qui en fin de parcours peuvent freiner leur élan et font évoluer leur action de façon lente et heurtée. Le Maroc, lui, a la chance aujourd’hui d’être gouverné par une Monarchie décidée, capable d’entreprendre les réformes nécessaires, même les plus difficiles, car le Roi bénéficie de la confiance des Marocains, riches ou démunis.

Par ailleurs, on peut admettre qu’un planning de quelque nature que ce soit reste toujours soumis à des dérives plus ou moins bien contrôlées ; ce n’est pas un retard dans telle ou telle action qui soulève l’inquiétude. Cependant, lorsque la liste des actions en retard et celle des actions non encore entamées devient longue, il devient

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légitime de tirer la sonnette d’alarme. Il faut en effet que les administrations publiques et les opérateurs privés concernés puissent saisir cette chance historique qu’est la totale disponibilité Royale exceptionnelle pour traduire sur le terrain les mesures convenues avec une réelle capacité à gérer la ressource la plus précieuse de toute action d’envergure : le temps. Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation économique, si le temps n’est pas notre meilleur allié, il peut devenir vite notre pire ennemi.

A ce jour, six grands chantiers ont été identifiés et retenus par le Comité stratégique de tourisme (C.S.T.)•. Ils font l’objet d’un plan d’action particulier pour l’année 2003. Où en sont-ils ?

• Le CST a remplacé le comité de pilotage stratégique depuis la mise en vigueur de

l’accord d’application de l’Accord-Cadre.

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A) DEVELOPPEMENT, AMENAGEMENT, AXES DE DEVELOPPEMENT ET MOYENS D’ACCOMPAGNEMENT

Ils s’articulent autour de plusieurs actions sectorielles qu’il convient de présenter et d’évaluer.

PLAN AZUR Le plan Azur concerne l’aménagement de six stations balnéaires

tout au long de l’Atlantique et de la Méditerranée. Il s’agit de l’aménagement de sites stratégiques à fort potentiel touristique. Quels facteurs ont conduit à la sélection de ces sites ? Le choix qui a été fait dans ce domaine s’est basé sur deux paramètres décisifs : le premier est la proximité d’un aéroport; le second, lui, prend en charge la localisation régionale équilibrée dans le Royaume. Dans le détail, l’implantation de ces six nouvelles stations balnéaires est la suivante :

• SAIDIA RAS EL MA : Cette unité d’aménagement est située à 60 km au nord-ouest d’Oujda et à 25 km au nord de Berkane. Le projet prévu doit se finaliser par la réalisation d’une station balnéaire de 15.000 lits.

• EL HAOUZIA : la localisation de cette station se situe entre l’embouchure de l’Oued Oum Er Rabia et la plage d’El Jadida ville. Un programme de 8.000 lits a été retenu.

• MOGADOR : Ce projet intéresse une station à 4 km au sud de la ville d’Essaouira; il vise la réalisation d’une station balnéaire de type Médina cité Ressort, sur la base du thème « Sport et Culture »; le programme fixé est de 8.000 lits ;

• TAGHAZOUT : Cette nouvelle station, à 15 km au nord d’Agadir et à 45 km de l’aéroport d’Agadir Al Massira, a retenu un programme de 23.000 lits de haut standing;

• PLAGE BLANCHE : Cette unité sera aménagée à 50 km au sud d’Ifni et à 60 km sud-ouest de Guelmim. Sa particularité sera d’être la première station balnéaire écotouristique ; sa capacité d’hébergement est de 26.000 lits;

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• KHMIS SAHEL : Ce projet sera situé à 5 km au nord de Larache et à 4 km à l’ouest du village Khmis Sahel. La nouvelle station balnéaire aura une capacité de 12.000 lits.

Le Plan Azur est évidemment l’un des axes centraux de la

« Vision 2010 » du tourisme. Le Maroc cherche en effet, à travers ce programme, à se repositionner sur le marché mondial de l’industrie du tourisme. Il entend ainsi rattraper le retard pris dans la structure de l’offre du produit touristique national. Ce programme est ambitieux et constitue donc l’un des piliers de la nouvelle stratégie de développement du tourisme. Avec 80.000 lits, le Plan Azur doit conduire à la réalisation de 50% des capacités d’hébergement inscrites à l’horizon 2010. Il s’agit donc là d’un grand challenge : le Plan Azur est un programme critique de par sa taille.

Pour l’heure, où en est-on à cet égard ? Un calendrier a été arrêté et les groupes intéressés devaient déposer leurs offres suivant l’échéancier suivant : Mogador : 17 mars ; Mazagan El Jadida : 24 mars ; Lixus - Larache : 7 avril ; Plage Blanche : 14 avril; Saïdia : 5 mai. Par site, les groupes qui ont soumissionné sont les suivants :

• MOGADOR : Bouygues Bâtiment, M & J Pestana, Thomas & Piron, TPF L’Atelier ;

• MAZAGAN AL JADIDA : Kerzner International, MHV (CDG), ONA, CMKD ;

• LIXUS LARACHE : Thomas & Piron, TPF L’Atelier;

• PLAGE BLANCHE : Bouygues Bâtiment, M & J Pestana, Thomas & Piron, TPF L’Atelier;

• SAIDIA : FADESA MAROC, Bouygues bâtiment, MHV (CDG), ONA, groupe CMKD.

Le planning de départ, prévu initialement au début de l’année

2003, a été quelque peu retardé et les offres n’étaient attendues qu’à la fin du mois de mai, voire en juin. Le contexte international, lié notamment à la guerre en Irak et à la récession qui a frappé

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l’environnement économique global, mais aussi l’industrie du tourisme, a fortement poussé dans ce sens.

L’approche qui a prévalu dans le plan Azur retient l’intérêt. Elle se fonde en particulier sur le recours à des opérateurs privés qui doivent prendre en charge l’aménagement in-site de ces six nouvelles stations, et ce, sur la base d’un cahier de charges précis. Quant à l’Etat, son rôle consiste à équiper les terrains en infrastructures hors-site et à veiller à l’application rigoureuse des dispositions des cahiers de charges.

Ce programme présente sans doute bien des avantages : élargissement de l’offre touristique et adéquation de celle-ci à la demande des marchés émetteurs, aménagement de régions sous-équipées (infrastructures, eau, électricité, routes...), création de dizaines de milliers d’emplois dans des régions défavorisées, dynamisation du commerce et des services dans les villages environnants etc. Mais pour en optimiser les retombées socio-économiques, des mesures appropriées d’accompagnement doivent également être prises. Ainsi, la présence massive et saisonnière de flux touristiques attendus dans ces régions côtières doit prendre en charge les problèmes de la pollution et de la protection de l’environnement.

Mais il faut bien rappeler, par ailleurs, que l’hôtellerie est la colonne vertébrale du tourisme et que son développement harmonieux en favorise grandement l’essor. Il n’en demeure pas moins vrai que les actifs immobiliers ont besoin de managers, de personnel qualifié, d’environnement social et culturel adéquat et de façon générale, d’un contexte économique favorable. La déclaration de M. Adil Douiri au quotidien l’Economiste, selon laquelle « peu importent les décalages de délais, si les stations balnéaires sont réalisées », est vraiment naïve car que fera le Maroc de 160.000 nouveaux lits, s’ils n’ont personne pour les gérer, les commercialiser et les entretenir ?

Le développement harmonieux de l’hôtellerie pose, quant à lui, le problème de la restructuration des zones touristiques en déficit de capacité, d’image et de marketing.

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REPOSITIONNEMENT DES ZONES EN DIFFICULTE Le repositionnement et la restructuration de zones touristiques en

difficulté : Fès, Agadir, Tanger, Ouarzazate, Tétouan. - Fès est assurément une destination touristique exceptionnelle qui

accuse un retard incompréhensible : voilà en effet une ville millénaire, capitale spirituelle du Royaume, joyau du circuit des villes impériales, qui n’a pas de visibilité touristique attractive.

Le programme d’action retenu prévoyait une étude marketing pour la définition du produit; où en est-on dans ce domaine ? Il avait également retenu d’identifier la cible de clientèle potentielle. Cette étude a-t-elle été réalisée ? Pour arriver à quelles conclusions opératoires, en termes commerciaux et de marketing ? Il avait été encore décidé de faire valider le produit par les T.O : qu’en est-il vraiment ? Enfin, des mesures d’accompagnement devaient être définies pour asseoir et conforter cette nouvelle politique : ont-elles été prises ?

Cette première mission avait été programmée pour les quatre premiers mois de 2003. Là encore, du retard a été pris... La seconde mission, qui devait suivre, avait trait à l’étude de la faisabilité de l’aménagement des deux unités d’aménagement touristique retenues. Pour l’heure, on ne sait pas trop quelles ont été ces deux UAT (Unités d’aménagement touristique); pas davantage, l’on n’a d’indications sur l’état d’avancement des études y afférentes.

Le calendrier initial avait fixé quatre mois (mai/août 2003) tant pour cette deuxième mission que pour celle qui y était liée et qui portait sur l’étude détaillée de la mise en œuvre des mesures d’accompagnement. Celles-ci devaient définir notamment le plan de développement de l’arrière-pays, le plan de promotion et de commercialisation ainsi que le plan de réhabilitation; mais, pour l’heure, ce planning enregistre un rééchelonnement de plusieurs mois.

Quand on sait que le beau ciel bleu de Fès est entaché par des volutes épaisses et noires de fumée polluante que dégagent - depuis des années - les fours des artisans de la poterie et du zellige, qui préfèrent brûler des pneus usagés plutôt que du charbon ou du bois -plus coûteux- on ne peut que s’interroger sur notre capacité et notre

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réelle volonté à rompre l’isolement frappant une ville millénaire, spirituelle, et patrimoine universel qui mérite, à elle seule, un plan de développement décennal.

- La capitale soussie, Agadir, est-elle plus avancée à cet égard ? Le programme de repositionnement et d’aménagement de cette destination touristique devait, lui, s’échelonner sur sept mois à compter de juin 2003. Il reprenait la même trame que celle de Fès : redéfinition du produit et de la cible, validation par les T.O., élaboration et mise en œuvre des mesures d’accompagnement ? Toutes ces mesures ont un objectif : la consolidation de la baie d’Agadir qui est le premier pôle touristique du Royaume et, aujourd’hui, pratiquement la seule station balnéaire à visibilité internationale avec plus de 10.000 chambres classées. Les activités de la SONABA ont été redynamisées; de nouvelles mesures ont été prises par les autorités locales et les professionnels dans le cadre du GRIT d’Agadir. Les investissements ont fortement repris; des grands promoteurs internationaux (TUI, NECKERMAN, FRAM, DALLAH BARAKA, ACCOR, SOL MELIA,...) ont ainsi signé des conventions avec l’Etat pour un programme global de 5.000 chambres pour les années 2002/2004. Au-delà de la seule destination Agadir, c’est l’ensemble de la baie qui doit ainsi pouvoir offrir des produits nouveaux de qualité (balnéaire, golfs...).

Mais, parallèlement, quel est l’état d’avancement de ce programme ? Il devait, en premier lieu, permettre le renforcement de l’animation de la ville par la valorisation de la Marina d’Agadir, l’organisation de deux festivals internationaux, la promotion d’activités sportives et de loisirs et la reprise d’événements à thème (Fête de la mer, Fête de l’arganier, Fête des amandiers...). Pour l’année 2003, les manifestations prévues sont encore bien en deçà de ce programme.

Il devait, en deuxième lieu, se traduire par une amélioration de la qualité environnementale de la destination : si la première phase des travaux d’assainissement, prévue dans le cadre du schéma directeur du Grand Agadir, s’est bien achevée à la fin 2002. Il reste à entreprendre les phases suivantes inscrites pour la période 2003/2010.

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Celles-ci intéressent notamment la réutilisation des eaux usées et requièrent un investissement de 750 millions de DH. Du retard a été pris dans un certain nombre d’actions : celle de la réhabilitation de la plage et de la lutte contre l’érosion marine devait être mise en place dès 2002. De même, le transfert de la décharge publique au nord de la ville, à flanc de montagne, n’a pas beaucoup avancé. Enfin, la mise en service avant 2004 de l’adduction en eau potable du barrage de Aït Hammou a également été retardée.

Un constat de même facture peut être formulé à propos du programme d’amélioration de la qualité urbaine de la destination. Où en est, en effet, l’étude sur la restructuration des trames urbaines des quartiers périphériques d’Agadir (Anza, Aourir, Tamghart) qui devait être finalisée à la fin 2002 ? Quelles mesures concrètes ont été prises pour la restructuration des axes urbains devant décongestionner la circulation à Agadir, intra-muros ? Enfin, l’amélioration de la desserte d’Agadir n’a enregistré aucune avancée. Elle avait trait à l’étude de la connexion d’Agadir au réseau autoroutier. Mais elle devait également programmer des liaisons directes au départ de différents marchés émetteurs.

Indépendamment des mesures prévues dans la planification actuelle, Agadir doit résoudre des problèmes d’intendance, pourrait-on dire, qui ne peuvent souffrir le moindre retard. Leur persistance nuit fortement au bon fonctionnement de la station actuelle : insuffisance dramatique de signalisation dans le centre-ville et les communes avoisinantes, moyens de transport routiers vétustes, chauffeurs analphabètes, hygiène approximative…

- Quant à la ville du Détroit, Tanger, c’est sans doute la destination qui accuse le plus de difficultés. Elle dispose pourtant d’atouts particuliers : une situation géographique de premier plan, au carrefour de deux mers, de deux continents et du détroit de Gibraltar ; une proximité avec l’Espagne qui est à moins d’une dizaine de miles ; un capital historique et de civilisation, une mention à part dans l’imaginaire collectif européen et occidental. Mais tout cela n’a pas suffi à promouvoir cette destination auprès des marchés émetteurs. A telle enseigne que les 3.500 chambres que l’on y recense n’enregistrent qu’un taux d’occupation médiocre de moins de 30%.

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Le diagnostic qui peut en être fait aujourd’hui se fonde sur des données objectives : une dégradation du potentiel touristique naturel (pollution de la baie, érosion marine, voie ferrée sur la plage), une baisse de qualité du produit hôtelier, un environnement urbain désarticulé, une desserte aérienne insuffisante, sans oublier un déficit de promotion chronique.

Comment, dans ces conditions, réhabiliter ce pôle touristique ? Un programme de développement régional pour la période 2002-2005 devait être conçu à cet effet avant la fin juin 2002. Ce plan d’action devait être entrepris conjointement par les autorités locales et les différents opérateurs publics concernés (Agence de développement des provinces du Nord, élus locaux, ONMT, RAM, ONDA, ODEP...). Ce programme-là présente aujourd’hui au moins un an de retard déjà. La réactivation de l’action de la Société nationale d’aménagement de la Baie de la ville, a-t-elle démarré ? A-t-on avancé en particulier dans le programme d’aménagement d’une nouvelle zone touristique de 90 hectares dans la baie de Tanger ? D’un autre côté, où en est concrètement le plan de mise à niveau des infrastructures hôtelières prévu ? Qu’a fait précisément l’ONMT dans la mise en œuvre d’une politique promotionnelle spécifique, à court, moyen et long terme, pour repositionner le produit « Tanger » ? Quelles mesures ont été prises pour la restructuration du cadre urbain de la ville et la promotion de son patrimoine historique et architectural ?

Ce programme devait être achevé à la fin mars 2003 au plus tard. Il devait également s’accompagner de l’ajustement, de la rénovation et de la modernisation des infrastructures d’accueil aux frontières, aéroportuaires et maritimes. Tanger, l’ex-zone franche au passé économique et touristique glorieux a été victime des surenchères démagogiques de certains responsables. Le vrai défi aujourd’hui est de l’aider à retrouver la place qui était la sienne parmi les métropoles cosmopolites les plus attrayantes et les plus contrastées du monde.

- Son cas diffère de beaucoup de celui de Tétouan. Le pôle touristique de Tétouan dispose d’atouts géographiques particuliers associant la mer, le soleil, la montagne et un littoral balnéaire exceptionnel ainsi qu’un arrière-pays à fort potentiel. Le

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repositionnement et la restructuration de ce littoral commande que l’on tourne le dos à une approche immobilière et spéculative qui a prévalu durant les années quatre-vingt avec ses conséquences : la multiplication des résidences secondaires, la saisonnalité courte... Il s’agit également d’élaborer et de mettre en œuvre une politique conséquente de nature à régler les problèmes environnementaux actuels résultant de l’infrastructure routière et d’assainissement.

Là aussi, un programme ambitieux a été retenu. Il s’agit, en premier lieu, de la restructuration du site touristique sur la base de deux objectifs : d’une part, la réalisation du littoral « Oued R’mel » à « Jebha » ainsi que dans l’axe « Martil-Fnideq » ; d’autre part, de la création de nouvelles stations touristiques à « Oued R’mel-Dalla » et « Oued Laou ». Il était prévu, au départ, que l’étude relative à ce programme devait être lancée début 2002 pour être achevée douze mois plus tard. Les indications disponibles ne confirment pas le respect de ce calendrier. De même, la faisabilité du projet de rénovation de l’aéroport de Tétouan et l’extension de ses pistes d’atterrissage devait être examinée et évaluée. Enfin, la question de la mise à niveau du poste-frontière de Bab Sebta est encore inscrite à l’ordre du jour.

- La destination Ouarzazate/Zagora était également programmée dans le plan de repositionnement et d’aménagement des zones touristiques en difficulté. Selon le calendrier actuel, l’étude particulière à ce sujet devait être lancée en septembre 2003 pour être finalisée sept mois plus tard, en mars 2004. Elle vise un double objectif : une étude marketing et la définition des mesures d’accompagnement puis l’étude d’aménagement de l’U.A.T. (Unité d’aménagement touristique).

Une destination comme Ouarzazate/Zagora, récente et pleine de promesses, est prête, aujourd’hui, grâce à l’implication effective et dynamique du groupe et T.O français FRAM, à se doter de produits de séjour de qualité en plus de sa capacité démontrée de servir de relais dans le cadre des circuits organisés. C’est un bon début, mais il faut, bien entendu, garder le cap sur les objectifs 2010.

PROMOTION DU TOURISME INTERNE

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Les potentialités du tourisme intérieur sont importantes; mais ont-elles été correctement valorisées jusqu’à présent ? Le flux de ce tourisme interne s’est pourtant sensiblement développé ces dernières années. Cela tient à plusieurs facteurs : élévation du niveau de vie de certaines catégories sociales, aspirations nouvelles des familles à s’insérer dans une économie de loisirs et de vacances, nouveaux comportements liés à l’ouverture du Maroc.

La « Vision 2010 » n’a d’ailleurs pas manqué de prendre en considération ce phénomène. Elle a ainsi retenu le quasi-doublement des touristes nationaux à l’horizon 2010, pour arriver à un flux de 2 millions, soit un taux de croissance annuel moyen de l’ordre de 4 à 5%.

Comment y arriver ? Il convient en effet de promouvoir en direction de cette clientèle potentielle une offre hôtelière et touristique qui réponde pleinement aux besoins et aux attentes. Il convient également de décliner cette infrastructure et les produits qui s’y attachent par rapport aux possibilités de toutes les catégories sociales (familles, jeunes, personnes âgées...).

Des produits spécifiques doivent être élaborés et commercialisés pour stimuler la demande. Le programme prévu dans l’Accord d’application avait retenu la fin du premier trimestre 2002 comme date pour finaliser une étude dans ce domaine. Ce calendrier a enregistré une année de retard puisque la première campagne de promotion du tourisme interne n’a pu démarrer qu’en avril 2003.

Le coup d’envoi de cette opération a été donné le 14 avril. Baptisée « Kounouz Biladi » (Les Trésors de mon Pays), cette campagne répondait plutôt à une conjoncture particulière. Celle liée aux effets de la guerre en Irak. Elle se proposait ainsi de réduire les répercussions de celle-ci sur le tourisme national. Elle se fondait sur une offre promotionnelle de 50% sur le package (hébergement et transport) ou sur l’hébergement; elle était destinée aux nationaux et aux étrangers résidant au Maroc désirant voyager à l’intérieur du Royaume. Une centaine d’hôtels, toutes catégories confondues, et quelque 67 agences de voyages ont été associés à cette promotion qui a duré jusqu’au 18 mai.

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Les professionnels, qui avaient pourtant signé cinq conventions, le 1er avril, avec le département du Tourisme, n’ont pas caché leurs réserves à cet égard. Pour certains, la durée de cette campagne d’un mois était insuffisante. Ils estimaient ainsi qu’elle aurait dû s’étaler sur cinq ou six mois pour stimuler une véritable dynamique sur le marché intérieur et capitaliser pour l’avenir une clientèle qui ne pouvait que s’élargir à terme. Pour d’autres, cette première opération, telle qu’elle a été menée, était utile pour tester la réactivité du marché.

On peut également observer que cette promotion est venue d’« en haut », sans être organisée de manière interactive avec les opérateurs; qu’elle s’est faite sur le principe rigide de la réduction de 50% des prix pratiqués. L’enjeu de la promotion du tourisme intérieur est là : en faire un objectif inscrit dans la stratégie nationale du tourisme et pas la réduire à des opérations épisodiques destinées à compenser des retournements de conjoncture et de flux du tourisme international.

En tout état de cause, le tourisme intérieur a été le grand absent dans la politique et la stratégie touristique du Maroc durant les quatre décennies. Ce qui est dommage, car le tourisme local et régional a servi de tremplin à beaucoup de leaders mondiaux du tourisme pour investir l’international. Aujourd’hui, ce tourisme inter-régional représente en Europe et aux Etats Unis 80% de l’activité touristique.

Construite sur une politique intelligente, une charte du tourisme intérieur ne pourra que favoriser le décollage du tourisme et de l’économie en général. Mais bien entendu les paramètres de bases devront être identiques à ceux du tourisme international notamment en ce qui concerne les prix et la qualité. La clientèle nationale ne doit pas être considérée comme une clientèle captive, sinon elle ira de plus en plus grossir les rangs de tous ceux – et ils sont plus de 300.000 marocains - qui passent aujourd’hui leurs vacances en Espagne.

DEVELOPPEMENT DU TOURISME RURAL Une nature généreuse et des paysages diversifiés, rares,

combinant les chaînes de montagnes de l’Atlas et du Rif, des espaces sahariens et forestiers, des estuaires et des lacs : voilà bien un capital touristique qui ne demande qu’à être valorisé et commercialisé. C’est

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toute la problématique du tourisme rural au Maroc, un produit qui reste encore un « parent pauvre »...

Pourtant, ce type de tourisme favorise le contact avec les populations locales; il offre également d’immenses possibilités d’emplois et il ne peut, de ce fait, que réduire l’exode rural vers les agglomérations urbaines; enfin, il valorise les cultures et les traditions locales et protège l’environnement. Des créneaux particuliers ont été sans doute mis à profit, ici et là; mais ils ne sauraient tenir lieu de politique globale.

Ainsi, au début des années quatre-vingt, un projet qui s’étend sur plusieurs secteurs d’économie rurale de haute montagne avait été lancé dans le cadre d’une action combinée avec la Coopération française. Ce projet avait été baptisé « Haut-Atlas central ». Il visait, le développement économique et social des populations ainsi que la valorisation des ressources locales.

Il s’agissait d’une expérience-pilote dans le cadre d’une zone de 40.000 habitants localisés dans trois communes du massif de M’Goun (province d’Azilal et de Ouarzazate). La concrétisation de ce projet s’est faite par l’implantation et l’aménagement de structures d’hébergement adaptées (gîtes d’étapes chez l’habitant, auberges rurales, refuges d’altitude...). Les résultats de cette politique sont encourageants avec aujourd’hui plus de 80.000 randonneurs et la formation de 400 guides au centre de formation aux métiers de montagne implanté à Tabant (province d’Azilal), la plupart d’entre eux étant d’ailleurs originaires du monde rural.

Pour autant, le tourisme rural est resté embryonnaire. Et l’Accord-Cadre sur le tourisme ne pouvait que faire ce constat avant de recommander un véritable plan de développement dans ce domaine. Il ne s’agit pas de dégrader la qualité du produit par une politique commerciale « sauvage ». Il ne fallait pas davantage porter atteinte à l’environnement naturel et au patrimoine culturel.

Il convenait de promouvoir un certain tourisme rural qui assure des retombées socio-économiques sur l’emploi et le niveau de vie des populations locales. Quelque part, au niveau de l’Etat ou de la région, sous une forme ou sous une autre, il fallait mettre sur pied une

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structure spécialisée qui élabore un schéma directeur et qui élabore une véritable cartographie de ce tourisme rural. Cette entité institutionnelle ad hoc, prévue par l’article 13 de l’accord d’application, n’avait toujours pas vu le jour à fin juin 2003. De même, la mise en place au niveau local d’agents développeurs devant assurer l’assistance technique et le suivi des opérations à entreprendre n’a pas eu plus de concrétisation. Enfin, l’on n’a pas encore initié, ni conforté, la nécessaire coordination entre les différents intervenants relevant des départements ministériels concernés (Tourisme, Intérieur, Environnement, Eaux et Forêts...).

C’est une stratégie, échelonnée sur une décennie, qui doit être mise en œuvre dans ce domaine. Préalablement, le recensement et l’identification des potentialités du tourisme rural s’imposent à l’évidence. Il convient de se baser sur les demandes et les aspirations de la clientèle potentielle à partir d’études de marchés affinées, segment par segment, pays par pays. Il importe également de hiérarchiser les atouts touristiques existants sur la base des données commerciales recueillies dans ces marchés ; enfin ; un programme d’action doit être élaboré et appliqué, se fondant sur une politique de valorisation des ressources prioritaires et des études de faisabilité crédibles pour des sites pilotes.

Un tel programme ne pourra à terme que donner une visibilité attractive à ce nouveau produit que sera le tourisme rural au Maroc. Une première étude a été réalisée à la fin de l’année 2001, grâce au concours financier du PNUD; elle doit être complétée et élargie pour permettre véritablement de dresser l’état des lieux et les potentialités pouvant exister dans ce domaine.

Dans le cadre de ce programme, le facteur culturel n’est pas le moins décisif. Des contraintes socioculturelles locales doivent évidemment être prises en considération. Il s’agit, en effet, de convaincre les populations rurales d’admettre des « étrangers » dans leurs régions, proches d’elles, nouant des contacts quotidiens elles.

C’est donc une nouvelle culture qu’il faut installer, sans à-coups, respectant le mode de vie des ruraux et leurs mœurs, et qui ne soit pas l’occasion d’un « choc des civilisations » et des sociétés. Le tourisme

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vert est un gisement économique important qui doit être un vecteur du désenclavement du monde rural et un facteur de son insertion aux circuits modernes du commerce et de l’économie.

FISCALITE La pression fiscale reste encore trop forte sur le secteur touristique

alors que, compte tenu de son importance économique et de la priorité qui lui est accordée, il doit au contraire bénéficier d’un régime fiscal incitatif.

Lourde, complexe, la fiscalité actuelle est aussi contre-productive. L’accord d’application a retenu trois principes à cet égard : simplification et harmonisation, incitation et orientation, enfin compétitivité internationale. Cette fiscalité se découple en deux grandes rubriques. L’une concerne la fiscalité de l’Etat, l’autre est relative à celle des collectivités locales. Une profonde mise à niveau doit être opérée dans ces deux domaines.

FISCALITE DE L’ETAT Cette fiscalité, dont la charge est de l’ordre de 3% du chiffre

d’affaires, hors hébergement, des opérateurs touristiques, est constituée de onze impôts et taxes : droits de douane, droits d’enregistrement, impôt sur les sociétés, Impôt général sur le revenu, TVA, patentes, taxe urbaine, taxe de la promotion touristique, taxe de licence, droits des pauvres, taxe à l’essieu.

Le gouvernement marocain ne considère pas encore les promoteurs touristiques comme des investisseurs industriels pouvant avoir accès aux dispositions de la charte de l’investissement de 1995 qui prévoit des taux bonifiés allant de 2,5 à 10% maximum en matière de droits de douane. Les incitations en vigueur aujourd’hui ciblent exclusivement les grands groupes dont l’investissement est égal ou supérieur à 200 millions de dirhams. La CGEM, quant à elle, estime qu’il faut ramener ce montant à 75 millions de dirhams.

L’incohérence de la fiscalité marocaine est particulièrement illustrée par les applications qui sont faites de la loi par rapport à l’Impôt sur les sociétés (IS) et à la TVA. En effet, les opérateurs

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touristiques se voient appliquer des taux de fiscalité différents selon qu’ils sont hôteliers, agents de voyageurs, restaurateurs, loueurs de voitures ou transporteurs. Le débat est connu mais son issue reste incertaine.

La Direction des impôts, qui a réalisé en 2002 une performance de recouvrement de l’ordre de 2 Milliards de dirhams d’augmentation par rapport à l’année 2001, est un « opposant » naturel à toutes les incitations significatives, dédiées au secteur du tourisme. Les responsables du comité stratégique doivent se préparer à de longues années de confrontation avec la Direction des impôts avant d’espérer obtenir la simplification, l’harmonisation et la compétitivité de la fiscalité touristique.

Conscients des difficultés du Trésor marocain à faire face aux charges de fonctionnement (12% du PIB) et d’investissements. Les opérateurs n’évoquent pas de doléances au titre du taux de l’Impôt sur les sociétés.

C’est pour cela que les opérateurs du secteur se contenteraient de l’exonération de l’IS pendant cinq ans et sa réduction de 50% par la suite, à toutes les entreprises du secteur - et non seulement aux hôteliers-, et ce, au titre des chiffres d’affaires réalisés en devises. Les taux d’amortissement des immobilisations, effectuées par les hôteliers et les loueurs de voitures, tels qu’ils sont retenus par l’administration fiscale, ne reflètent pas l’état de dépréciation réelle des actifs immobilisés. Leur révision est demandée comme une mesure d’incitation à l’effort d’investissement durable.

En matière de TVA, l’Accord-Cadre prévoit l’application d’un taux unique de 10% à l’ensemble du secteur, et ce, pour mettre un terme aux discordances actuelles, marquées par l’application de taux allant de 10 % pour l’hôtellerie, 14% pour le transport touristique, à 20% pour les agences de voyages et les loueurs de voitures. L’application, par ailleurs, d’un taux de 7% sur les remboursements des prêts bancaires renforce la pénalisation du secteur dont les emprunts constituent un élément structurel du bilan des entreprises notamment hôtelières. L’Impôt général sur le revenu doit être modernisé de façon à introduire des règles modulables en matière

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d’imposition des rémunérations accordées au personnel occasionnel et saisonnier.

En fait, l’IGR est toléré par les opérateurs du secteur. Leur souhait vise, d’une part, à lui rendre applicable la réduction du taux marginal tel que prévu par la Charte d’investissement, qui fixe le taux maximum à 41,5% et d’autre part à lui étendre les mêmes aménagements proposés pour l’impôt des sociétés.

Piliers traditionnels de la fiscalité marocaine, la patente et la taxe urbaine font partie de la fiscalité des impôts appliqués à l’investissement. Nous les faisons figurer dans la fiscalité de l’Etat, même si une grande partie de leurs revenus est attribuée aux collectivités locales.

La patente et la taxe urbaine sont donc basées sur l’investissement et non sur le niveau d’activité de l’entreprise. Résultat, elles peuvent frapper de redressement judiciaire ou de liquidation des entreprises saines, en difficulté momentanée de trésorerie, suite à une crise du secteur.

Archaïques et contre-productives, leur suppression nourrit le rêve des hôteliers depuis des lustres. Si l’administration fiscale décide, malgré tout, de les garder, elle n’aura d’autre choix que de les indexer sur le niveau d’activité des entreprises.

FISCALITE LOCALE • Cette fiscalité attend depuis 1990 la simplification et

l’harmonisation des taux maximum et des assiettes imposables et leur adaptation aux nécessités de développement. La charge effective de cette fiscalité est d’environ 6% du chiffre d’affaires, hors hébergement, des hôteliers. Dans la panoplie des taxes locales au

• (1) contribution des riverains aux dépenses d’équipement et d’aménagement (2)

taxes de fermeture tardive et d’ouverture matinale (3) taxe sur le débit de boisons (4) taxe de séjour (5) taxe de spectacle (6) taxe sur les billets d’accès aux piscines (7) taxe de stationnement (8) taxe sur la licence des cars (9) taxe d’enseigne.

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nombre de neuf, certaines affectent particulièrement l’exploitation des établissements hôteliers. Il s’agit de la taxe de séjour et de la taxe de débit des boissons.

Instituée il y a de longues années, la Taxe de Promotion Touristique (TPT), au profit de l’Office National Marocain du tourisme a inspiré les pouvoirs publics. Ils ont estimé qu’un nombre important des nuitées hôtelières qui alimente déjà les caisses de l’Etat pour couvrir une grande partie des charges de fonctionnement de l’Office et des frais de promotion au Maroc et à l’étranger peut également participer au développement économique régional. Ainsi est née la Taxe de séjour (3 à 30 dirhams par personne et par nuitée, selon la catégorie des établissements hôteliers).

Pour les opérateurs hôteliers, cette taxe fait double emploi avec sa sœur aînée la TPT. Ils estiment que ces deux impôts, qui sont dus au titre des chiffres d’affaires (excepté l’hébergement), encaissés ou non, réduisent leur compétitivité par rapport à leurs concurrents méditerranéens.

Faisant triple emploi avec la TVA et la taxe de licence, la taxe de débit de boissons vient alourdir davantage la charge fiscale des contribuables concernés. Elle est appliquée au chiffre d’affaires des boissons servies dans les établissements hôteliers, de restauration, les clubs et les bars, au taux maximum et variable de 10%, arrêté en fonction de la catégorie et de l’emplacement de l’établissement. Dépourvues de recettes suffisantes, les communes rurales usent et abusent malheureusement de cette taxe, sans pour autant participer à l’amélioration de l’environnement touristique général.

La fiscalité marocaine touristique apparaît ainsi comme un sérieux frein au développement de cette activité. Complexe et peu cohérente, elle doit être soumise aux orientations Royales et aux engagements du gouvernement contenus dans les accords entre l’Etat et les groupements professionnels.

Sa Majesté le Roi a souhaité la réhabilitation du secteur du tourisme en tant que secteur d’une grande priorité nationale. Il a notamment insisté sur l’accélération de la simplification de la mise en harmonie de la fiscalité notamment locale, étant donné le rôle que les

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collectivités locales doivent jouer dans l’essor touristique. Le gouvernement a pris des engagements précis afin que la fiscalité soit harmonisée et simplifiée dans des délais déterminés.

La réduction du nombre de taxes et impôts locaux doit être réalisée dans le cadre de la prochaine loi de finances au titre de l’année 2005. De même, la suppression des impôts et taxes fixes, telles que la patente, au moins dans leurs formes actuelles, est de nature à donner plus de rationalité à un système fiscal semi-archaïque.

Des voix s’élèvent ici et là pour demander au gouvernement marocain une réforme globale autour de quelques idées simples : taxe foncière unique regroupant la patente, la taxe urbaine et la taxe d’édilité, taxe touristique unique, impôt sur les sociétés et impôt sur les revenus et TVA, harmonisés et modernisés.

De son côté, la CGEM fixe le centre d’intérêt de ses démarches autour de quelques demandes spécifiques :

• Révision du seuil affranchi de l’IGR de 20.000 à 24.000 dirhams;

• Application du taux maximum de 41,5% sur la tranche de revenus au-delà de 120.000 dirhams bruts annuels, tel que cela est prévu par la Charte d’investissement;

• Réduction de moitié de l’IGR pour les jeunes recrues. Pour ce qui est de la patente, la CGEM chercherait à obtenir la

suppression pure et simple de cet impôt, sinon la révision de sa base imposable ramenée à la valeur nette comptable, avec un plafonnement de son assiette fixée à 50 millions de dirhams et ce, quelle que soit la date d’acquisition de départ. La CGEM demanderait également la réduction des taux d’estimation des valeurs locatives à un pourcentage unique de 2%. Elle souhaiterait enfin obtenir la démocratisation de la fameuse incitation à l’investissement du régime conventionnel dont ne peuvent bénéficier aujourd’hui que les « gros bonnets » de la promotion hôtelière. Le seuil actuel de 200 millions de dirhams devrait à son sens être ramené à 75 millions de dirhams

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seulement. Ce qui correspond davantage à une logique de volonté de croissance rapide qui élargit la base des opérateurs intervenants.

FINANCEMENT Le financement du secteur hôtelier a toujours été axé sur le Crédit

Hôtelier et Immobilier (C.I.H.) principalement, et les banques commerciales subsidiairement.

Si le C.I.H., de par la loi, était obligé de répondre favorablement à toute demande de crédit éligible, les banques commerciales disposaient et disposent encore de la liberté totale d’octroi, ou non, de prêts aux opérateurs hôteliers. Cette caractéristique de la stratégie adoptée pour le financement de l’hôtellerie a été probablement le principal frein à l’essor de ce secteur.

En fait, tout était organisé autour des conditions de constitution des propres ressources financières du C.I.H. Les prêts et emprunts contractés à l’extérieur permettaient des conditions plus au moins acceptables. C’était l’époque où les taux se situaient autour de 5 à 6%. Mais le C.I.H. n’était pas à l’abri des pressions de son actionnaire majoritaire, la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), qui a pu, de temps à autre, lui forcer la main et l’amener à prendre des emprunts à 12%. La conséquence d’une telle attitude n’est pas difficile à imaginer. Les hôteliers sont vite devenus victimes et otages financiers de leur banque, dès lors que les taux étaient situés entre 15 et 17%, alors qu’il n’y a pas au monde un seul investisseur, opérant légalement, qui soit en mesure de rentabiliser son entreprise sur de telles bases.

Le secteur du tourisme a évolué durant une bonne quarantaine d’années dans un système aberrant qui pénalise ceux-là même qu’il proclame, à cor et à cri, vouloir assister et soutenir, et ce, à travers un mécanisme de financement et d’imposition qui pompe toutes les ressources des entreprises hôtelières et l’essentiel de l’énergie des chefs d’entreprises.

Intervenant à point nommé, l’Accord-Cadre et l’accord d’application sont venus, heureusement, proclamer la nécessité d’améliorer la rentabilité de l’investissement touristique au Maroc en

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portant son niveau à 15/20% pour des taux de fréquentation supérieurs à 50%. Cet objectif ne pourra, bien entendu, être atteint que si des mesures énergiques sont prises et des stratégies foncières, fiscales et financières adoptées.

L’amélioration de la rentabilité de l’investissement, grâce à un dispositif de financement moins coûteux, suppose, d’une part, une plus grande implication des pouvoirs publics au titre des rénovations et, d’autre part, une réelle participation du système bancaire, dans son ensemble, à l’effort commun en baissant ses taux et en stabilisant dans le temps ses conditions financières et juridiques.

La problématique foncière

C’est dans le Discours Royal du 10 janvier 2001 que l’on trouve la référence officielle à la constitution de réserves foncières affectées au tourisme : « Nous vous annonçons la bonne nouvelle, a déclaré S.M. Mohammed VI, que Nous avons donné Nos hautes instructions au Gouvernement de Notre Majesté en vue de mettre les terres à vocation touristique à la disposition des promoteurs touristiques avec une contribution de l’Etat à hauteur de cinquante pour cent de leur valeur ».

Pour la première fois depuis plus de quatre décennies, les pouvoirs publics allaient s’atteler à dresser une véritable « carte touristique » du Royaume. Celle-ci doit être élaborée sur la base de deux paramètres de base. Le premier a trait à l’identification et à la délimitation des unités d’aménagement touristique dans les zones en cours d’étude (littoral et pôles culturels). Le second intéresse les autres zones présentant un intérêt touristique dans le reste du Royaume.

Sur la base de ce qui a été fixé dans l’accord d’application du 29 octobre 2001, quel est l’état d’avancement de ce programme ? Si l’étude globale précitée a bien été réalisée, tel n’a pas été le cas de la Base de Données Informatisées (BDI) qui est un précieux outil d’analyse, de suivi et d’évaluation des UAT (Unités d’aménagement touristique).

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Ainsi encore, l’on n’est pas plus avancé pour ce qui est du re engineering des outils d’aménagement touristique lequel devait faire l’objet d’une étude particulière avant novembre 2001. Il s’agit là d’un chantier important parce qu’il porte sur la mise à niveau opératoire et optimale des instruments du dispositif actuel en matière d’aménagement touristique, que ce soit la SONABA (Agadir), la SNABT (Tanger) ou les délégations régionales du département du Tourisme.

Enfin, l’Instruction Royale portant sur la mise à la disposition des promoteurs touristiques de terrains à vocation touristique n’a pas été non plus finalisée. Le mécanisme de son application devait être élaboré au plus tôt et soumis au Fonds Hassan II à la fin décembre 2001. Dix-huit mois après, ce projet de convention attend encore de voir le jour...

REDEFINITION DE L’ENTREPRISE TOURISTIQUE La mise à niveau de l’industrie touristique implique que l’on se

préoccupe aussi du statut de l’entreprise touristique. Jusqu’à présent, celle-ci n’a pas encore bénéficié d’une définition précise par le législateur. La nouvelle stratégie touristique doit être l’occasion de l’identification et de la reconnaissance de cette catégorie d’entreprise. Il est ainsi proposé que sous le terme générique d’« entreprise touristique » soient considérées comme telles, les unités qui suivent :

• Sociétés propriétaires et exploitantes d’hébergement

• Sociétés de gestion d’unités d’hébergement

• Sociétés de restauration

• Agences de voyages

• Sociétés de location de véhicules

• Sociétés de transports touristiques

• Sociétés d’animation et autres activités de loisir

• Unités de thalassothérapie et de thermalisme

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Cette redéfinition de l’entreprise touristique, pour nécessaire qu’elle soit, ne saurait se limiter à ce seul aspect; elle implique également que le secteur du tourisme soit considéré comme une industrie de premier plan et qu’il soit de ce fait éligible aux avantages et au régime de la Charte des investissements. N’est-il pas anti-économique que le tourisme ne soit retenu ni comme un secteur industriel ni comme un secteur exportateur ? Du fait de cette situation pénalisante et discriminante, il ne peut guère bénéficier des avantages accordés aux secteurs exportateurs.

SOUTIEN DE LA CAISSE CENTRALE DE GARANTIE ET DE DAR ADDAMANE

Le secteur touristique ne peut se développer si une politique adéquate de financement n’est pas mise en œuvre. Des Directives Royales ont été données dans ce sens dans le Discours du 10 janvier 2001. Comment celles-ci ont été traduites en mesures opératoires ? Deux institutions financières spécialisées ont été ainsi chargées de mettre sur pied des mécanismes spécifiques dans ce domaine. Il s’agit de la Caisse Centrale de Darantie (C.C.G). et de « Dar Addamane ». La politique arrêtée se fonde sur deux principes. Le premier est l’octroi de la garantie de ces deux institutions pour diminuer le risque bancaire et inciter à un concours financier bonifié et incitatif. Le second est l’implication du Fonds Hassan II.

Pour ce qui est de la C.C.G., la convention de gestion de ce fonds a été signée le 1er août 2002. Mais il a fallu attendre le 21 février 2003 pour que cette Caisse signe finalement avec les établissements bancaires concernés. Ce Fonds est d’un montant de 100 millions de DH et il est en mesure d’intéresser de nombreux professionnels au titre des investissements de rénovation. Tout récemment, le département du Tourisme a réalisé une étude qui témoigne de la forte demande potentielle touristique dans ce domaine. Ainsi, il a été établi que pas moins de 350 unités hôtelières étaient pratiquement éligibles pour bénéficier de ce financement RENOVOTEL. Il reste à ces établissements à monter des dossiers pour cela, à réunir les conditions requises pour pouvoir bénéficier de cette facilité et de cette opportunité de nature à rehausser la qualité et le standing, ainsi que la

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modernisation qu’impose la mise à niveau du produit touristique marocain dans le cadre de la « Vision 2010 ».

Quelles sont les conditions générales de financement des programmes de rénovation des unités hôtelières ? Le mécanisme de financement prévoit le crédit conjoint (CCG/ banques) destiné à octroyer des fonds correspondant à 70% maximum des coûts des programmes de rénovation. Le coût maximum des programmes de ce financement varie suivant la catégorie de l’hôtel : il va de 200.000 DH pour les « 5 étoiles » à 60.000 DH pour les « 1 étoile ». Les fonds propres exigés de l’emprunteur ont un plafond de 30%; la part de RENOVOTEL, géré par la CCG, est de 35%, les 35% restants peuvent relever de crédits bancaires.

RENOVOTEL est donc un produit très attractif pour l’investissement touristique. Ses conditions sont avantageuses : une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans, un différé de remboursement de 2 ans, un taux d’intérêt de 2% seulement (hors TVA), et des délais de réponse de 10 jours pour les programmes égaux ou inférieurs à 10 millions de DH et de jours pour ceux qui sont supérieurs à ce seuil.

Il aura donc fallu pratiquement quatre décennies pour que les pouvoirs publics mesurent, de manière conséquente, que l’appel aux investisseurs, que ce soit dans le secteur du tourisme ou dans les autres domaines de l’activité économique, n’est pas suffisant, que les professions de foi ne peuvent pas créer les conditions d’un climat d’affaires attractif; et que seules des mesures crédibles et opératoires peuvent sérieusement inciter à l’investissement.

Comme le souligne, fort justement, l’étude sur le contrat-programme de juin 2000 - réalisée par la CGEM et la Fédération du Tourisme - l’instauration d’une véritable confiance ne pourra se faire que si est satisfaite cette triple exigence : visibilité, prévisibilité et sécurité de l’investissement.

On en arrive à cette question bien simple : quels sont les facteurs de la rentabilité de l’investissement touristique et hôtelier ? Le premier paramètre est le coût de l’investissement, ce qui implique le coût d’acquisition du foncier, celui de la construction et de l’aménagement et celui de la maintenance et du renouvellement

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durant l’exploitation. Le deuxième facteur a trait à la rentabilité d’exploitation. Il se fonde sur le taux d’occupation et la recette moyenne par chambre. C’est à partir de ces deux derniers éléments, auxquels il faut ajouter la valorisation des ressources humaines, que se dégage la rentabilité d’exploitation (RBE) traduite en pourcentage par rapport au chiffre d’affaires.

Cela dit, il nous faut formuler ces interrogations : l’investissement touristique est-il rentable au Maroc ? Le retour sur les fonds propres investis est-il suffisamment incitatif ? Le taux de rendement interne est-il attractif ? Sur la base des données qui prévalent encore, rien n’est moins sûr. L’investissement hôtelier pourrait devenir plus rentable avec de nouvelles conditions financières fiscales et autres dans le cadre des propres engagements du gouvernement marocain.

« L’investissement touristique au Maroc, avec des TRI à dix ans de 10% n’est pas attractif (scénario de base), mais pourrait le devenir (scénarios 5, 6 et 7). La combinaison d’une réduction de 15% des coûts d’investissement, d’une fiscalité sur l’IS plus incitative (exonération pendant les cinq premières années et abattement de 50% pour les années suivantes) et d’un taux d’intérêt de 6%, permet, en effet, d’améliorer considérablement le TRI de 8 à 18,4 points. Cette amélioration découle à hauteur de 40% du foncier, 35% des conditions de financement et 25% de la fiscalité.

Il est précisé en dernière analyse qu’un TRI de 18,4%, associé à un ROE de 10%, constituent les niveaux minima attendus par un investisseur international pour un investissement réalisé dans un pays comme le Maroc.» •

QUEL TOURISME CULTUREL ? Le tourisme, faut-il le rappeler, n’est pas qu’une activité

économique importante. Comme l’a souligné S.M. Le Roi Mohammed VI dans Son discours du 10 janvier 2001. Il représente une culture et un art de communication avec l’autre. Sous cet angle, son développement requiert une exploitation judicieuse de nos

• Contrat programme 2000-2010.

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potentialités naturelles riches et variées et de notre patrimoine civilisationnel et culturel séculaire, connu pour ses traditions d’hospitalité.

Selon l’Accord-Cadre, le produit culturel doit pouvoir offrir, à l’horizon 2010, 37.000 chambres, ce qui implique une capacité additionnelle de 15.000 chambres environ. Il retient ainsi la nécessité d’un plan de rénovation et d’extension du « Produit culturel », notamment à Fès, Marrakech, Ouarzazate, Meknès, Tanger, Rabat et Casablanca.

Ce programme devait être mené au cours de la période 2001-2004. Deux ans après l’accord d’application, l’évaluation de cette politique conduit à ce constat : le grand retard pris dans ce domaine. Le lancement des études marque le pas : celle de Marrakech était prévue pour le second semestre 2001, celles des autres destinations (Ouarzazate, Fès, Meknès, Rabat et Casablanca) étaient également annoncées pour 2002 - les unes et les autres ont été à peine engagées... Ville par ville, que veut-on ? Définir et analyser les obstacles à lever et les potentialités à valoriser; mais aussi finaliser des plans d’action précis et cohérents, de nature à assurer la faisabilité des projets et le développement touristique des produits ainsi ciblés.

Invoquer le tourisme culturel, c’est aussi faire référence à la valorisation du patrimoine national. La mise à niveau de ce capital du Maroc ne peut évacuer la réforme des textes en vigueur, tâche qui est du ressort et de la responsabilité des pouvoirs publics. Qu’en est-il à cet égard du dispositif législatif en vigueur ?

La seule loi de référence dans ce domaine est celle du 25 décembre 1980 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d’art et antiquités; elle a été appuyée quelques mois après par le décret du 22 octobre 1981. Le bilan de plus de deux décennies de cette législation frappe par sa modestie. Ainsi, le classement n’a pas dépassé une vingtaine d’établissements depuis 1980 : les monuments historiques classés en 1956 étaient au nombre de 350; ils atteignent aujourd’hui 368. Quant au régime de l’inscription, il est encore moins bien loti avec un seul

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dossier finalisé à ce jour, à savoir l’inscription du Jardin d’Essais à Rabat.

Enfin, pour ce qui est du droit de préemption de l’Etat en cas de vente publique, rien, dans la législation marocaine, ne permet de l’actionner. Si bien que les conservateurs de musées, lors des ventes d’objets de valeur à des antiquaires nationaux, ou à des étrangers, ne peuvent faire prévaloir ce droit, faute de fonds prévus à cet effet. Et les exportations de ces biens mobiliers ne sont pas davantage réglementées, ce qui ne peut que donner lieu à des trafics sur les œuvres d’art.

Pourtant, le patrimoine du Royaume est exceptionnel et appelle une politique conséquente articulée sur des moyens opératoires. N’est-ce pas le PNUD qui, dans un rapport publié voici quelques années, précisait que plus de 15.000 sites, monuments et lieux de préservation étaient inscrits, mais ne faisaient l’objet d’aucune étude particulière ? Il s’agit là d’un patrimoine existant, physique, mais « dormant », non valorisé. De plus, l’inventaire complet du patrimoine marocain n’a pas été entrepris. L’on ne dispose d’aucun répertoire national ni de catalogues spécialisés. C’est dire qu’une politique du patrimoine ne peut que soutenir et accompagner une stratégie de développement touristique. L’une et l’autre participent d’une vision qui doit permettre d’optimiser la capacité attractive des différentes destinations de notre produit. Au moment où le tourisme culturel est enfin perçu comme un segment aux immenses potentialités, de nature à intéresser une clientèle ciblée qui veut voir plus que le soleil... Le Maroc sera-t-il au rendez-vous de ce marché porteur ?

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B) ADEQUATION ET PROMOTION DE LA FORMATION

Le plan de développement économique et social 2000-2004 n’avait pas manqué de souligner la nécessité de mesures profondes touchant la formation touristique. Il avait ainsi recommandé un certain nombre de lignes de force devant articuler cette nouvelle approche : mise à niveau des ressources humaines de ce secteur et de l’appareil de formation, la combinaison de la formation continue et alternée, la spécialisation des métiers (hygiénistes, gestionnaires...) Le tourisme est, rappelons-le, une activité de prestations offertes à une clientèle. Il convient donc qu’à tous les niveaux, la qualité du service soit assurée. Ce qui implique qu’au-delà de la simple bonne volonté du personnel et de son dévouement, les règles de la professionnalisation doivent être respectées.

Que propose l’Accord d’application à cet égard ? Et les dispositions fixées, ainsi que les objectifs qui y sont liés, sont-ils réalisables ? Selon les indications fournies, la « Vision 2010 » doit susciter une demande d’emplois de 72.000 postes environ, suivant un processus décliné comme suit : une augmentation des paliers annuels allant de 6.000 (2002-2004), puis 8.000 (2005-2007) et enfin 10.000 (2008-2010). Si l’on prend en compte les niveaux de qualification, tels qu’ils résultent des normes OMT, la ventilation donne :

• 3.600 emplois (5%) pour cette décennie correspondant aux postes de haute gestion ;

• 14.000 emplois (20%) pour les postes de cadres supérieurs, les cadres moyens et les techniciens spécialisés ;

• 54.000 emplois (75%) pour les postes de techniciens et agents qualifiés.

Sur cette base-là, quelle est la capacité du dispositif actuel de

formation ? Arrivera-t-on, plus précisément, à former les 54.000 diplômés de la catégorie « techniciens et agents qualifiés » ? Les trois structures de formation qui existent aujourd’hui -à savoir le

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département du Tourisme, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et le privé - sont-ils à la hauteur de ce défi ? En l’état, rien n’est moins sûr :

• Le département du Tourisme dispose d’un réseau de 14 établissements assurant trois niveaux de formation - technicien spécialisé, technicien et qualification. Leur capacité d’accueil ne dépasse pas les 3.000 places. Quant à la formation des cadres, elle est dispensée par l’Institut Supérieur International du Tourisme de Tanger (ISITT) avec une capacité de 450 places ;

• L’OFPPT dispose de 1.130 places dans ses trois établissements spécialisés ;

• Enfin, les 28 instituts relevant du secteur privé totalisent une capacité d’accueil de 1.160 places.

On le voit bien. Le dispositif de formation actuel n’assure

aujourd’hui qu’une capacité d’accueil de 5.800 places pour 2.800 lauréats (dont 600 cadres). Il doit être restructuré, élargi et développé pour réaliser l’objectif de 8.000 lauréats fixé en 2010. Il y a là un différentiel qui ne pourra être rattrapé qu’avec une nouvelle stratégie de formation volontaire basée sur un dispositif adéquat. Comment, dès lors, renforcer les capacités de formation actuelles ?

Des besoins immenses doivent donc être satisfaits pour répondre aux objectifs fixés dans le cadre de la « Vision 2010 ». Le programme qui été arrêté a été baptisé Plan de Développement Intégré (PDI). Il doit se traduire par une optimisation de la capacité actuelle des établissements de l’ordre de 30%. Il prévoit également l’extension de 13 instituts relevant du département du Tourisme et de l’OFPPT. Enfin, il a retenu la création de 8 nouvelles unités de formation par l’OFPPT. Il s’agit de disposer d’une capacité additionnelle de 3.500 places, ce qui requiert le recrutement de 500 formateurs supplémentaires pour soutenir et accompagner ce programme.

Reste la faisabilité de ce plan et en particulier la mobilisation de son financement. Pour ce qui est des huit nouveaux établissements

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devant être créés entre 2005 et 2007, le principe retenu est celui de leur construction dans les régions de forte demande : Al Hoceïma, Essaouira, Meknès, Béni-Mellal, Agadir, Houzia, Tétouan et Guelmim. La réalisation de ces unités doit ainsi accompagner la promotion des six stations balnéaires appelées d’ici là à élargir l’offre touristique. En localisant ces établissements dans ces zones, l’insertion des lauréats ne pourra qu’être facilitée.

Le coût total de ces projets est de l‘ordre de 217 millions de DH (frais d’acquisition des terrains, constructions, équipements). La contribution de l’Etat se situe à hauteur de 11,2 millions de DH et elle doit permettre surtout les travaux de construction. Il est également prévu que les fonds alloués par le programme MEDA II seront de 16 millions de DH (équipements et assistance technique). Parmi les filières prioritaires, il y a lieu de noter les métiers de cuisine, la restauration, la boulangerie/pâtisserie.

Où en est-on aujourd’hui ? La première étude, financée par le fonds MEDAII a pour objet de préciser le répertoire, secteur par secteur, des emplois du tourisme. Elle est en phase de lancement. Une autre, en cours de préparation, a trait à l’évaluation de la segmentation du secteur (hôtels, transporteurs, restaurants,...). Deux autres études doivent suivre. L’on doit également évoquer un autre axe de formation : celui de la formation professionnelle par apprentissage. Ce segment-là doit concerner quelque 18.000 stagiaires sur les 72.000 diplômés prévus.

La philosophie de cette formule privilégie la pratique en milieu d’entreprise. A cela, il faut ajouter le développement de la formation qualifiante qui est le dernier volet du PDI : cours de soutien pour les jeunes lauréats, affinement des cursus de formation.

Si l’on s’en tient à toutes ces données, on ne peut évidemment que souscrire à une telle politique dans le domaine de la formation. Mais s’est-on déjà doté de conditions de bonne finalisation ? Prévu en mars 2003, le Comité directeur de la formation technique - organe issu du Conseil supérieur du tourisme - n’a pas encore vu le jour, ledit Conseil lui-même n’ayant pas encore été mis en place. Un retard qui vient s’ajouter à tant d’autres dans de nombreux domaines…

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C) LIBERALISATION DU TRANSPORT AERIEN

Cette libéralisation est incontournable; on peut encore la retarder mais on ne pourra guère l’éviter. Alors, autant s’y préparer dans les meilleures conditions possibles. Le Maroc a, dans ce sens, souscrit des engagements internationaux :

• il est ainsi signataire des accords créant l’OMC (ex-GATT), à Marrakech, le 15 avril 1994 ;

• il a également adhéré aux accords de la convention arabe de l’aviation civile ;

• il a conclu des accords d’Open Sky avec les Etats-Unis ainsi que d’autres conventions avec l’Italie et la Hollande ;

• il négocie avec l’Union Européenne son intégration dans son espace aérien.

A s’en tenir à ces données, il n’y a pas de doute : le Royaume a

opté pour la libéralisation de son transport aérien. Il compte donc, à terme, lever les restrictions pesant encore sur l’offre ainsi que sur les tarifs. Pareille politique ne saurait se limiter à des effets d’annonce sans réelle portée pratique ; bien au contraire, elle doit faire montre de volontarisme.

Les axes de cette nouvelle politique méritent que l’on s’y arrête. Tout un processus complexe de négociations globales doit être mené, poursuivi et finalisé avec l’Union Européenne pour que le Maroc intègre pleinement l’espace aérien européen. Ce processus est sans doute long et laborieux, mais en attendant, a-t-on engagé des actions devant se traduire par l’harmonisation des accords bilatéraux existant entre le Maroc et les différents membres de l’Union Européenne ? Pour l’heure, peu d’indications sont disponibles à ce sujet.

A l’interne, la législation et la réglementation nationales ne sauraient évidemment, compte tenu des exigences qu’impose la libéralisation du transport aérien, rester en l’état. C’est dire que les pouvoirs publics doivent s’atteler sans tarder à élaborer une loi-cadre

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relative au transport aérien. L’exemple de ce type de législation a déjà été donné par le texte sur les télécommunications. Seules de nouvelles dispositions législatives peuvent jeter les fondements de cette politique et lui permettre d’être mise en œuvre dans des conditions optimales de transparence et de visibilité. Les opérateurs et les investisseurs - actuels et potentiels - ne pourront, en effet, se lancer dans des programmes et des projets si les règles de jeu ne sont pas clairement identifiées et ce, dans un cadre juridique sécurisant et attractif.

D’ores et déjà, la réflexion nationale doit être engagée dans ce domaine - elle doit être ouverte, participative et prospective puisqu’il s’agira de légiférer pour le futur. Dans cet esprit, la mise sur pied d’une Autorité de Régulation pour le transport aérien doit être décidée. Elle sera la garantie institutionnelle de l’organisation de ce secteur, des conditions d’entrée des nouvelles compagnies intéressées, ainsi que du respect par tous des règles de concurrence.

Au fond, c’est une nouvelle doctrine du transport aérien qui doit prévaloir. Elle doit prendre en compte un certain nombre de données : la redéfinition de la place et du rôle de la compagnie nationale, la compétitivité du transport charter et touristique vers le Maroc, la maîtrise des coûts dans les aéroports nationaux, l’attribution de créneaux horaires sur des critères conséquents, le réaménagement des plate-formes aéroportuaires actuelles - surtout Casablanca, Marrakech et Tanger -, l’implication dans des conditions motivantes des opérateurs privés dans la gestion et l’amélioration des service aéroportuaires, sans oublier le paramètre optimisé du rapport qualité/prix.

Il s’agit d’assurer la rentabilité du transport aérien et partant de mieux maîtriser le coût du produit. C’est pousser de nouvelles compagnies charter à cibler le Maroc et à y commercialiser des vols et des séjours touristiques. C’est prendre sa part dans le marché touristique international dont toutes les projections d’ici 2010/2010 font la première industrie mondiale avant le pétrole, l’armement ou la communication. Demander la suppression de cette restriction, ce n’est pas céder à on ne sait trop quel dogme libéral, mais c’est plutôt la prise en considération de données objectives :

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• Sur les 160.000 nouveaux lits prévus d’ici 2010, il est retenu que 80% d’entre eux seront localisés dans le balnéaire; dès lors, comment assurer au meilleur coût la desserte aérienne des destinations concernées, si ce n’est par un nouveau maillage de notre système de transport aérien dans lequel les vols charters seraient organisés dans les meilleures conditions ;

• Que la RAM se soit engagée lors des Assises du tourisme, à Agadir, le 14 février 2003, à augmenter ses dessertes régionales et à augmenter sa capacité de 30% au niveau national et 10% au dehors, est une bonne chose. Mais cela ne règle pas pour autant la question de la libéralisation du transport aérien.

Dans la meilleure des évaluations - et sur la base d’un grand

programme d’investissement qui n’est pas arrêté d’ailleurs -, la RAM ne peut assurer que 40% à peine du flux des 10 millions de touristes prévus à l’horizon 2010.

Que compte-t-on faire alors pour les 60% restants, sinon les ouvrir à la libéralisation aux meilleures conditions de prix et de qualité ? Il ne s’agit pas de laisser s’installer une sorte d’anarchie commerciale. Bien au contraire, l’objectif doit être de mettre en place une autorité de régulation qui permette précisément d’exercer plusieurs types de missions basées sur le respect des conditions générales d’exploitation du marché du transport aérien : juridique par la structuration du marché à travers l’attribution d’autorisations ; technique, par l’agrément du matériel ; commercial et financier, par l’approbation des tarifs et des liaisons ; de police administrative, afin d’assurer la répression des actes de concurrence déloyale.

Pour l’heure, où en est-on ? Toutes les déclarations officielles renvoient à 2004 pour voir le processus de libéralisation s’engager de manière opératoire. Cela renvoie à un an, un an de perdu donc après les deux autres années écoulées depuis le discours de S.M. Mohammed VI à Marrakech sur la « Vision 2010 » concernant les 10 millions de touristes prévus. La réforme n’est jamais, à terme, tout à fait consensuelle. Elle implique des arbitrages, des décisions et une

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« feuille de route », avec des étapes et des chiffres. Puisse ce « plan de vol » se concrétiser au plus tôt par-delà les rentes de situation des uns -personnes ou entreprises - et le conformisme frileux et routinier de tous ceux qui ont peur du changement et du « grand air » !...

Le Message Royal aux IIIèmes Assises d’Agadir, le 14 février 2003, cadre bien les axes de la nouvelle stratégie à mettre en œuvre dans ce domaine. Le Souverain y souligne le rôle important du transport touristique - notamment aérien - dans le renforcement du transport de la compétitivité internationale de notre industrie touristique. Pour cela, les exigences requises ont été soulignées :

• La nécessité d’élargir le réseau actuel, de sorte à desservir directement toutes les destinations touristiques,

• L’impérative mise à niveau du transport aérien en vue de le libéraliser et de le rendre compétitif,

• La prise en compte du développement et de la rentabilité de la RAM et ce, dans le cadre d’une approche économique intégrée, qui transcende la conception purement commerciale, afin de faire du transport aérien un vecteur puissant du développement touristique.

On le voit clairement : une orientation claire a été donnée; elle

implique le Premier ministre et son gouvernement qui doivent s’y atteler pour la traduire en termes opératoires. Elle commande que le ministre du Tourisme et celui des Transports conjuguent leurs efforts pour lui donner forme et contenu dans les meilleurs délais. Des « résistances » ne vont pas manquer de se faire jour, c’est évident ; il y a des intérêts de divers ordres qui vont se sentir menacés par cette nouvelle stratégie ; mais peu importe. Celle-ci doit pouvoir être conduite, à marche forcée, parce que c’est le seul chemin pouvant assurer la promotion durable du tourisme marocain. Or, qu’observe-t-on aujourd’hui ? Un retour en arrière par rapport au programme des Assises d’Agadir, ce qui ne peut que préoccuper les opérateurs. Cela n’est pas dit de manière ni très claire, ni très explicite. Mais, enfin, il faut bien relever que l’on prend quelque peu ses distances avec les

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bonnes résolutions mises en exergue, voici quelques mois à Agadir. Pour tout dire, les réflexes traditionnels de l’inertie, du « wait and see », paraissaient l’emporter sur la détermination réformatrice affichée alors, dans la capitale du Souss. Ainsi le cabinet McKinsey - bien présent lors des assises d’Agadir -, s’est vu confier une étude sur la libéralisation du transport aérien au Maroc et ses effets sur le tourisme. Par principe, on n’a rien contre l’expertise quand elle est nécessaire à la décision et qu’elle permet de mieux éclairer le sens et la portée des décisions des pouvoirs publics. Mais encore faut-il que cette « expertise » soit utile et qu’elle ne s’apparente pas à une bataille d’arrière-garde destinée pratiquement à reporter les décisions à prendre et qui n’ont que trop tardé. Relevons, pour commencer, que cette étude a déjà été faite par la Banque mondiale et que le rapport y afférent se trouve pratiquement dans les tiroirs des bureaux du ministère des transports.

La libéralisation du marché aérien doit prendre en compte prioritairement cette exigence : quelle doit être la forme d’articulation du transport aérien pouvant optimiser le flux touristique ? Ce n’est qu’à partir des réponses conséquentes qui seront données qu’il conviendra d’évoquer les réformes à entreprendre dans la compagnie nationale pour que celle-ci puisse jouer le cas échéant le rôle qui lui sera assigné par les pouvoirs publics ? D’une autre manière, la RAM ne doit pas être une « poche de résistance » mais un vecteur de ce projet inscrit à l’ordre du jour.

Conquérir de nouveaux marchés, générer une nouvelle demande sur les marchés traditionnels avec de nouveaux segments et de nouvelles dessertes, faire face à la concurrence actuelle et potentielle : tels sont bien les défis posés à la compagnie nationale. On verra, le moment venu, lorsque sera rendu public le rapport McKinsey qui a coûté plus d’un million de dollars, si une démarche résolument novatrice et audacieuse sera proposée et mise en œuvre ou si l’on continuera à gérer les errements du passé…

Enfin, peut-on entreprendre une telle évaluation sans prendre la peine d’y associer les opérateurs exerçant dans le secteur du tourisme qui ont leur mot à dire sur les implications de la réforme de la libéralisation désormais inscrite à l’ordre du jour ? Comment justifier

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la désignation de la RAM comme responsable coiffant ce dossier ? Pour l’heure, les jeux semblent faits, sur la base d’un « unilatéralisme » que l’on croyait relever d’un autre temps. Et le cabinet McKinsey a promis son étude pour fin 2003 - une autre année de perdue alors que, depuis janvier 2001, l’on parle de la nécessité d’une nouvelle politique dans ce domaine. Comme si une sorte de fatalité du statu quo pesait sur ce secteur, par-delà les gouvernements et les ministres, malgré leur bonne volonté ou leurs bons sentiments...

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D) MARKETING ET PROMOTION

Il ne sert pratiquement à rien de s’obstiner, une fois de plus, à vouloir apporter telle ou telle « réformette » à l’ONMT. Depuis des décennies, en effet, le problème de l’efficacité de cet organisme est posé sans que des solutions appropriées y aient été apportées. Une mission doit être assurée au niveau de la promotion du tourisme. Il s’agit d’évaluer quelle est l’articulation optimale que doit prendre l’instrument chargé de la réaliser.

C’est en revenant à des questions aussi simples que l’on pourra réellement avancer dans ce domaine. Un chose est sûre en tout cas : l’ONMT, tel qu’il existe, a vécu. Il faut dresser son acte de décès et mettre sur pied autre chose, à savoir une structure opérationnelle privée, animée par une nouvelle culture d’entreprise et insérée dans un plan stratégique lisible et mobilisateur.

Son financement serait mixte, avec, d’un côté, des fonds publics pour la promotion institutionnelle du produit Maroc dans les marchés émetteurs, et, de l’autre, la mobilisation des ressources provenant de la TPT (Taxe professionnelle touristique) qui, elle, est dûe par les opérateurs privés.

Cette nouvelle agence ne doit pas avoir une politique propre liée à des réflexes bureaucratiques du passé. Bien au contraire, elle doit être en phase avec les actions commerciales des CRT (Centres Régionaux touristiques) qui, eux, sont les acteurs de premier plan de développement de leurs destinations touristiques respectives.

Le personnel actuel de l’ONMT, tant au dedans qu’au dehors, ne manque certainement pas de compétences et de potentiel, de savoir-faire et de professionnalisme. Mais son rôle doit être réajusté pour en optimiser les efforts et en stimuler les initiatives. Quant aux effectifs actuels qui ne seront pas à la hauteur de ces nouveaux enjeux, il sera toujours loisible de leur faire réintégrer leur administration d’origine ou de les affecter au sein du département du Tourisme.

Cela dit, sur un plan plus global, une nouvelle stratégie de la promotion touristique ne peut être isolée d’une approche cohérente et

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opératoire de la communication. La première n’est-elle pas un élément structurant de la seconde ?

Dans le « village-monde » qui est le nôtre, l’information circule sous toutes les latitudes pratiquement en temps réel- on le mesure tous les jours. Une catastrophe-naturelle ou autre-, un acte de violence, une épidémie, une crise internationale ou locale : tel est le lot du monde d’aujourd’hui. Voilà pourquoi, il nous faut, pour ce qui nous concerne, savoir raison garder. Nous ne sommes plus à l’abri de tous ces phénomènes et nous devons donc les traiter comme il se doit quand ils éclatent chez nous. Dans cet esprit, il importe de faire montre d’une réactivité étudiée et de pas céder à des réponses finalement contre-productives.

Voici neuf ans, on s’en souvient, avait été perpétré un attentat à l’hôtel Atlas Asni de Marrakech, faisant deux victimes - des touristes espagnols- et une dizaine de blessés. Ce fait n’a-t-il pas été surdimensionné pour prendre l’allure d’une opération s’appartenant à une véritable déstabilisation du Royaume ? Ainsi, il s’en est suivi du jour au lendemain la fermeture des frontières avec l’Algérie. Solution radicale, extrême, qui ne pouvait que faire accréditer l’idée que le Maroc était menacé par son voisin de l’Est déjà engagé dans un processus non maîtrisé de terrorisme islamiste. Pour un touriste européen potentiel, l’amalgame était vite fait : Maroc et Algérie relèvent de la même zone à risque ; le Royaume faisait ainsi son entrée dans ce périmètre de violence. Des attentats, ailleurs, dans les pays occidentaux stabilisés-tels la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne pour ne citer qu’eux- ne manquent pas. Les gouvernements concernés mènent depuis toujours des luttes conséquentes pour y faire face. Mais aucun d’entre eux n’a jugé utile de prendre des mesures extrêmes à cet égard.

Un autre exemple de ce qu’il ne faut pas faire est fourni par le traitement inadéquat de l’information nationale même par l’agence officielle MAP. Le 10 juillet 2003, elle met sur son fil une dépêche faisant état de l’agression de campeurs à Agadir par un homme armé d’un couteau. Un fait divers, comme il y en a partout qui ne porte pas à conséquence. Or, à la différence des agences de presse internationale (AFP, Associated Press) qui se bornent à ce seul fait,

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voici que la MAP croit utile de préciser que « l’homme est présenté comme islamiste par les autorités ».

Comment ne pas réagir face à cette présentation particulière des faits ? Comment ne pas relever que quelques mots peuvent faire plus de dégâts que des tombereaux de critiques, et que l’imputation prématurée d’« islamiste » donnée à cet individu est du plus mauvais effet en termes de communication ? On n’a pas mesuré qu’il faut désormais se placer dans une perception d’images qui, après les attentats terroristes du 16 mai à Casablanca, fait du Maroc une zone où cette forme de violence paraît désormais s’installer.

Allons plus loin et demandons-nous si le gouvernement a depuis ces tragiques évènements, vraiment arrêté et mis en œuvre une démarche appropriée en matière de communication ? Un dispositif législatif et judiciaire a sans doute été revu et corrigé dans ce sens - la loi antiterroriste qui vient d’être mise en vigueur participe de cette nouvelle approche. Mais qu’en est-il du champ de la communication qui, lui aussi, doit être réarticulé et reprofilé dans ce sens en prenant en compte les spécificités liées au secteur touristique et sa grande sensibilité ? Faire venir des Tour- opérateurs pour constater que le Maroc reste une destination calme et paisible ne suffit pas : c’est une véritable stratégie à long terme qui doit être menée dans ce domaine.

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E) ENVIRONNEMENT TOURISTIQUE

Malgré le 11 septembre 2001, le tourisme mondial ne s’est pas effondré. Malgré les actes terroristes de Djerba, Bali, Mombasa et Casablanca, cette industrie tient bon malgré la décélération déjà amorcée de l’économie mondiale, le flux international d’arrivées de touristes s’est réduit de moins de moins de 1%.

En 2002, un renversement de tendance s’est opéré alors que la morosité de la conjoncture économique mondiale prévalait encore. Avec 715 millions d’arrivées internationales et une progression de 3,1%, la croissance faisait son retour; la preuve est ainsi faite de nouveau que la capacité de résistance de l’industrie du tourisme est réelle.

Ce facteur fondamental doit être inséré dans une autre équation : le tourisme est aujourd’hui l’une des principales branches d’activité dans le monde : celui où la croissance reste la plus rapide, celui qui porte en lui les plus fortes potentialités pour l’avenir. N’a-t-il pas déjà surclassé des secteurs fondamentaux comme les hydrocarbures ou les industries d’armement ?

Par-delà ces données, il convient de relever que, comme les autres secteurs, le tourisme consomme des ressources et produit des déchets; par suite, il engendre des coûts et des bénéfices culturels et sociaux. C’est à cette dimension -là qu’il faut aussi s’atteler. Cela veut dire que les modes de consommation et de production dans le secteur du tourisme doivent être écologiquement viables; et qu’il est nécessaire de renforcer l’élaboration de la politique nationale.

Une telle démarche doit embrasser plusieurs domaines : aménagement du territoire, études d’impact, utilisation d’instruments économiques et réglementaires ainsi que dans les créneaux de l’information, de l’éducation et de la commercialisation. Ce qui est en cause, en effet, c’est une politique globale de lutte contre la dégradation de la diversité biologique et écosystèmes fragiles (montagnes, zones côtières,...).

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Une telle politique de développement écologiquement viable du tourisme n’intéresse pas que les seuls pouvoirs publics; elle doit également associer le secteur privé, les collectivités locales et le secteur associatif de la société civile. Il s’agit d’éviter qu’une croissance non contrôlée du tourisme visant à obtenir ses avantages à court terme n’ait souvent que des effets négatifs sur l’environnement et la société et qu’elle ne finisse même, à terme, à détruire les atouts de base qui constituent le produit touristique et lui donnent son attractivité.

C’est dire que le secteur touristique doit être planifié et géré de manière viable; il doit s’insérer dans une vision à long terme optimisant les bénéfices qui en sont attendus : offrir des avantages économiques et des opportunités de revenus aux collectivités et aux populations d’accueil, contribuer à la réduction de la pauvreté, conserver les ressources naturelles existantes et préserver le patrimoine culturel.

Comment remédier aux effets du tourisme sur l’environnement ? Les mesures à prendre, à cet égard, sont de divers ordres. Au préalable, il convient d’opérer la mise au point d’une approche pluridisciplinaire pour évaluer de manière conséquente les projets de développement du tourisme en tenant compte de ses effets cumulatifs potentiels. Dans ce sens, l’établissement d’une grille de normes écologiques pour l’approbation des projets est incontournable.

De plus, la mise à niveau des taxes et subventions existantes doit être réexaminée et réajustée afin de s’assurer qu’elles favorisent véritablement le développement durable. Cette opération doit également s’accompagner de la mise au point d’instruments économiques significatifs pour mieux apprécier les coûts écologiques. Il y a lieu aussi d’instituer un système d’imposition de droits d’usager appropriés ayant pour objet de financer le coût de l’eau douce utilisées et pour contribuer à la gestion des déchets solides et au nettoyage des plages. A ce propos, n’est-il pas temps de profiter des données scientifiques existantes pour décréter la suppression des sacs en plastique qui sont le facteur Numéro Un de pollution de nos plages ? Le monde entier sait aujourd’hui que ce produit n’est pas biodégradable et que son usage est nuisible à l’environnement, donc

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au tourisme, aussi bien national qu’étranger. Enfin, l’on pourrait élaborer une Charte de bonne conduite écologique devant être respectée par les opérateurs et les touristes.

L’exigence d’un développement durable du tourisme ne peut évacuer en particulier la problématique de l’eau au Maroc. Selon les études et les projections d’un département spécialisé, le taux des ressources en eau naturelle par habitant - il exprime la richesse ou la rareté de l’eau d’un pays - se situera autour de 754 m3/hab/an à l’horizon 2020. Cela veut dire qu’à cette date-là, plus de 13 millions d’habitants (soit près de 35% de l’ensemble de la population) disposeront pratiquement de moins de 500 m3/hab/an. Ce chiffre est considéré, du point de vue des normes internationales, comme le seuil de manque d’eau chronique. Comment, dans ces conditions, ne pas redouter les effets de cette situation sur le tourisme national censé atteindre, dès la fin de la présente décennie, un flux de 10 millions de visiteurs ?

Il faut donc le relever : la pénurie chronique d’eau est une donnée structurelle qui appelle une nouvelle politique de gestion des ressources en eau pour l’avenir. Les besoins en eau d’ici 2020 s’inscrivent en forte hausse par suite de la croissance naturelle de la population mais aussi des grands projets d’infrastructures (édification du port de Tanger-Méditerranée, réalisation des projets touristiques liés au Plan Azur,...).

Le tourisme est connu pour être un grand consommateur d’eau. Les touristes, venant de pays développés, ne sont pas sensibilisés à des comportements « économes » de cette ressource et ils ne comptent pas pâtir des effets de la gestion d’une éventuelle politique de sa pénurie. Il importe donc que l’on prenne l’exacte mesure de cet état de fait pour que le développement durable du tourisme ne soit pas obéré, à terme, par une consommation dispendieuse de l’eau qui ne ferait que compromettre, à long terme, la qualité même du produit marocain.

Le tourisme marocain a encore la possibilité d’emprunter un « modèle » répondant à toutes ces préoccupations : il peut éviter le « tout béton » d’un certain tourisme espagnol. Il peut également se

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distinguer d’autres expériences conventionnelles qui sont pratiquement tombées en désuétude au cours de décennies écoulées. Il doit donc veiller à promouvoir un tourisme intégré, orienté vers la viabilité à long terme.

De nouveaux critères et de nouvelles lignes d’action doivent ainsi être identifiés. L’objectif doit être de favoriser une interaction positive entre tourisme et facteurs économiques, socioculturels et environnementaux.

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F) REFORME INSTITUTIONNELLE

Le développement durable du tourisme ne saurait se limiter à des mesures d’ordre général. Bien au contraire, il commande une politique, une stratégie et une forte dose de volontarisme. En tout état de cause, il exige la mise en place d’un cadre réglementaire approprié. Des textes ont sans doute été adoptés, mais qu’en est-il de leur application effective ? Tout en s’adaptant aux conditions locales, le tourisme doit donc s’inscrire dans une stratégie de développement durable. Ce qui exige une véritable réforme institutionnelle.

Comme tout secteur d’activité économique, le tourisme -et son développement attendu d’ici la fin de cette décennie - a aussi besoin d’une sécurité juridique. C’est la question de l’environnement législatif et réglementaire dans lequel il est de plus en plus invité à s’investir qui est posée. De quoi s’agit-il ? D’une législation, telle que celle relative à la vente d’alcool par exemple qui date de près de quarante ans et dont l’application donne lieu, tout au long de l’année, à des variations et à une plasticité qui se ne sont plus de mise dans un Maroc moderne. L’alcool et le vin sont, du point de vue des textes en vigueur, interdits à la vente à des Marocains musulmans. Mais, de fait, une telle mesure est pratiquement vidée de son effectivité devant le spectacle offert aujourd’hui dans les bars, les grandes surfaces et même les épiceries de quartier, sans parler des bourgades les plus reculées.

La prostitution est également interdite et sanctionnée de manière ponctuelle, de temps à autre. Elle reste un fléau social de grande ampleur lié à des conditions socioéconomiques de pauvreté et d’exclusion. Les touristes se heurtent, lors de leur séjour, à des pratiques et à des mesures qu’ils jugent arbitraires et qu’ils n’acceptent pas. Le système des fiches de police dans les hôtels qui impose la justification du lien matrimonial pour les couples n’est qu’une survivance d’une époque qui ne tient pas compte de l’évolution des mœurs, ni des exigences d’une politique touristique conséquente.

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Le Maroc veut-il se distinguer dans tous ces domaines par son rigorisme législatif et réglementaire, alors que de telles règles sont tellement en retard sur l’évolution de la société et sur les exigences d’une politique touristique ouverte, libérale, attractive à l’instar de pays méditerranéens ?Le Maroc peut, en tout cas, méditer l’exemple de la Malaisie et des Emirats Arabes Unis qui ont pu trouver, dans ce domaine, des points de conciliation intéressants entre la modernité et les exigences de la religion.

Il nous faut donc trancher ce nœud gordien et dire quel projet de société nous voulons pour le tourisme de 2010 et de 2020. Un tourisme musulman, conforme à nos traditions et à nos valeurs : pourquoi pas ? Ou bien un tourisme éligible aux standards du tourisme international répondant aux besoins, aux attentes et aux désirs des marchés émetteurs, essentiellement européens ? Si tel est vraiment le cas, il faudra en assumer les implications et ne pas différer continûment cette épreuve de vérité d’un profond ajustement structurel de notre société pour son insertion optimale dans les flux touristiques internationaux. Ce débat de fond ne saurait être escamoté. La « Vision 2010 » implique que la société se remette en cause et fasse clairement son choix. Le veut-elle ? Et le peut-elle ? Tel est le défi qu’il lui faut relever...

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Troisième Partie : Pistes pour l’avenir

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Il n’y a pas de recette miracle pour le développement

économique, dans le tourisme ou ailleurs. Il faut souvent tâtonner, corriger, ajuster… et persévérer.

Parler ici de « pistes d’avenir » témoigne bien de notre souci de dégager, avec pragmatisme, des axes de réflexion, des pistes qui n’ont aucune ambition d’être définitives ni péremptoires car elles visent seulement à ouvrir le débat, un débat qui n’a été que trop souvent faussé ou dénaturé. Bien entendu, l’espace de cet ouvrage et le temps consacré pour l’élaborer n’auraient pas suffi pour examiner convenablement les voies et les moyens nécessaires à la mise en place de solutions détaillées, répondant, au mieux, au diagnostic du contrat-programme. N’est-ce pas là d’ailleurs, le travail que s’est réservé le comité de suivi ?

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L’INVESTISSEMENT HUMAIN, CONDITION ET FACTEUR DE REALISATION DE LA « VISION 2010 »

L’investissement sur l’homme doit, lui aussi, partir d’un état des lieux. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Commençons par nous interroger sur la manière dont nous sommes perçus du dedans et du dehors par les intellectuels marocains et les organismes internationaux.

Hind Taârji, dans une récente chronique, publiée dans la Vie Economique, en date du 31 octobre 2003, s’interroge « pourquoi à l’heure où d’autres nations, au même stade que nous dans les années 60, s’en sortent avec éclat, notre pays continue pour sa part à s’enfoncer dans le tunnel noir du sous-développement ?. La réponse écrit-elle se nomme indigence intellectuelle… Elle se nomme suprématie de la médiocrité… et d’ajouter… Toutes les réformes du monde ne mèneront à rien si l’on ne se décide pas enfin à dispenser un enseignement qui forme des esprits libres. Que faire, se demande-elle Hind Taârji ? Il n’ y a pas de mystère. Il faut, à l’échelon le plus élevé de l’Etat, en avoir conscience. Une conscience si forte, si douloureuse qu’elle en ôte le sommeil et se fasse aiguillon à chaque stade de la décision. Une conscience qui devienne volonté politique. Il y a tellement de richesses en ce pays, tellement de richesses et de potentialités que c’est à en pleurer. Si du moins nous n’avions rien ! un pays magnifique, des richesses naturelles et des gens formidables… »

Hind Taârji représente un courant d’intellectuels militants qui sont impatients de voir le Royaume s’arracher du sous-développement économique et culturel. Cette impatience, bien entendu, les honore et, en cela, ils rejoignent les milliers d’opérateurs économiques fatigués de supporter une administration pléthorique et coûteuse, peu honnête sur le double plan matériel et moral et incapable de s’adapter aux nouvelles donnes introduites par S.M. le Roi Mohamed VI. Cette administration-là est la seule responsable de l’état des lieux en matière de développement humain.

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Heureusement le Maroc, de l’extérieur est considéré comme un pays en progrès. Pourquoi ? Au cours des trois dernières décennies, les indicateurs sociaux du Maroc, affirme le PNUD dans son rapport annuel sur le développement humain en 2003, se sont constamment améliorés passant de l’indice 0,429 en 1975 à celui de 0,606 en 2001 sans enregistrer, à aucun moment, le moindre recul. Tout en mettant en évidence les progrès enregistrés dans le domaine social et politique, le PNUD observe cependant que les efforts du Maroc n’ont pas « suffi à combler les écarts importants par rapport aux pays qui ont des niveaux de revenus similaires ni à amortir l’impact d’une croissance faible et volatile sur les niveaux de consommation tout au long des années 90. L’incidence de la pauvreté est passée de 13% en 1990 à 19% en 1999 ; et le nombre de personnes économiquement vulnérables a augmenté de près de 3 millions. Les politiques de développement humain et d’inclusion représentant le plus grand enjeu si l’on veut réduire la pauvreté et protéger les plus vulnérables, tout en renforçant le potentiel de croissance du pays sur le long terme. »

On ne peut que constater une fois de plus que les efforts de croissance économiques sont intimement liés à l’évolution du développement humain• et vice-versa ; et à ce propos, le diagnostic du PNUD sur le Maroc est instructif :

« Les faibles performances économiques et la volatilité accrue de la croissance sont des facteurs clés à l’origine de l’augmentation de la pauvreté au cours des années 90. Alors que la situation macro-économique est marquée par une importante stabilité, les multiples sécheresses et les performances mitigées de l’économie non agricole ont conduit à un accroissement de la pauvreté, de l’exode rural et du chômage urbain. Dans ce contexte, le revenu réel par habitant a stagné alors que la consommation privée a, dans une certaine mesure, été évincée par la consommation publique. Les réformes structurelles ont continué de progresser, mais de manière inégale, s’avérant ainsi

• L’indicateur du développement humain est un outil synthétique de mesure. Il

englobe trois rubriques spécifiques : l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation des adultes combiné au taux brut de scolarisation et le produit intérieur brut ou PIB.

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insuffisantes pour améliorer significativement la compétitivité. En dépit de la mise en oeuvre de réformes destinées à améliorer le climat de l’investissement, les contraintes macro-économiques globales et la persistance des insuffisances micro-économiques, largement liées au poids et à l’inefficacité de l’administration, ont continué à contraindre le développement du secteur privé. »

On peut, théoriquement, émettre des réserves sur le degré d’objectivité des calculs effectués par le PNUD en matière de détermination de l’indicateur du développement humain qui met le Maroc à la 126ème place, bien derrière ses concurrents méditerranéens dans le tourisme : l’Egypte, la Tunisie et la Turquie. Là où le bât blesse, en effet, c’est que le PNUD établit ses rapports sur la base des études de certaines organisations dépendant de l’ONU et d’organismes spécialisés. Les pays concernés ne sont pas consultés et/ou impliqués.

Pour le cas du Maroc, S.M. Mohamed VI vient tout récemment de prendre la bonne décision. Celle de confier à un staff d’experts et de chercheurs le soin de préparer, d’ici 2005, un rapport circonstancié sur le développement humain au Maroc durant le demi-siècle 1955/2005.

Mais, en attendant, les planificateurs de l’Accord-Cadre se doivent de garder l’homme au centre de leurs projets et de leurs préoccupations, car il constitue le capital le plus précieux de toute entreprise. Et cela dépend bien entendu -et en première analyse - de l’enseignement dans les écoles et les universités.

Tout a été dit, sur plusieurs gammes, sur la situation actuelle de notre système d’enseignement. C’est un ministre chargé de l’Enseignement secondaire et technique, Abdallah Saâf, qui a donné les chiffres les plus significatifs de l’état des lieux, lors de son audition par la COSEF (Communication spéciale Education - Formation), le 8 avril 1999. « D’après les différentes études, a-t-il déclaré, 85 enfants âgés de 7 ans parmi 100 accèdent à l’école, parmi lesquels 45 accèdent au deuxième cycle de l’enseignement fondamental, alors que 22 seulement accèdent à l’enseignement

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secondaire et technique tandis que 10 seulement obtiennent leur baccalauréat ».

C’est un autre membre du gouvernement, Ismail Alaoui, devant cette même commission, une semaine plus tard, qui livre ce diagnostic accablant : « Notre enseignement est chancelant. Il n’est ni religieux, ni laïque, ni payant. Il est coûteux, aussi bien pour l’Etat que pour les parents. Son rendement est faible. Il est basé sur le bourrage de crâne et est loin d’être instructif et formateur. Il est incompatible et ne répond pas aux besoins de la société... »

On peut estimer, dès lors, que la stratégie qui sera mise en œuvre dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation et de la formation conditionnera évidemment la réalisation des objectifs fixés par la « Vision 2010 ». Pourquoi ? Parce que seule l’élévation et l’adaptation de l’enseignement marocain aux exigences évolutives du développement peut rehausser la compétence et la valorisation des ressources humaines.

Qu’avons nous fait du système d’enseignement depuis des décennies ? Et quels résultats a-t-on enregistrés ? Tout le monde en convient : c’est un grand échec national à porter au passif de la politique de développement : nous avons arabisé le primaire et le secondaire sans nous préoccuper du sort de ces centaines de milliers d’élèves à leur arrivée au supérieur qui, lui, restait bilingue ; on ne s’est pas soucié à cet égard de préparer des filières arabisées dans les disciplines scientifiques ; on a ainsi aggravé la déperdition du système de formation qui est devenu pratiquement une usine à former des chômeurs plutôt que des diplômés capables de s’imposer dans le marché de l’emploi. Une grande réforme a été engagée aujourd’hui dans le cadre du programme de la Charte nationale. De son succès dépend, en grande partie, l’essor économique durable du Maroc.

Et cet immense chantier ne pourra véritablement porter ses fruits que si la lutte contre l’analphabétisme devient, sans tarder, une réelle et ardente obligation nationale et non pas une corvée dont on s’acquitte avec nonchalance.

Avec 50% d’analphabétisme aujourd’hui, comment compte-t-on en effet asseoir et conforter les bases d’un développement durable ? A

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l’horizon 2010, le Maroc s’est fixé comme objectif de réduire le taux global d’analphabétisme à moins de 20%. Pour 2015, il est même prévu l’éradication quasi-totale de ce fléau social. Les actions mises en œuvre ces dernières années répondent-elles à cette finalité ?

Un pays qui veut avoir une forte visibilité touristique ne peut faire l’impasse sur la nécessité de cet investissement humain. Cette vaste entreprise collective est la clé du développement. Elle doit se fonder sur les structures existantes -écoles publiques, écoles privées-, mais aussi sur l’éducation non formelle. Le courage, associé ici à l’imagination, est nécessaire pour inventer sans cesse de nouveaux moyens pour lutter contre l’analphabétisme.

Il n’est pas absurde de penser qu’il est possible de convaincre dans les villes et les communes du Royaume tous ceux qui savent lire et écrire, à consacrer quelques heures par semaine pour aider les analphabètes. Ce serait une véritable révolution culturelle. Mais, au fait, y a t-il d’autres moyens pour résoudre ce genre de problèmes ? Bien sûr, le civisme est le bien le moins bien partagé dans les sociétés modernes. Mais les Marocains peuvent considérer que, dans cette affaire, ils n’ont point le choix.

Ce concept ne doit pas rester à un stade limité; il doit devenir une véritable politique de mobilisation. Une articulation conséquente entre le formel et le non formel dans la scolarité est une nécessité pour la généralisation de l’éducation. Elle permet de coupler et d’optimiser l’efficacité, l’économie et la démocratisation de l’éducation. Elle seule permet d’insérer ce processus dans une perspective globale, permanente et pour tous.

Au-delà de la « Vision 2010 », c’est une véritable Marche de la Lumière qui doit être menée pour sortir quelque 10 millions d’analphabètes des ténèbres de l’ignorance. C’est donc un autre Maroc qu’il faut édifier pour éradiquer un fléau comme l’analphabétisme qui frappe 32% de la population urbaine et plus encore dans le monde rural. Aujourd’hui, après tant de flottements et d’indolence, les pouvoirs publics ont enfin retenu la lutte contre l’analphabétisme comme étant une priorité nationale.

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En termes chiffrés, il est prévu de réduire à 35% le taux d’analphabétisme en 2004, puis à moins de 25% en 2010. Pour l’année 2002, plus de 400.000 personnes ont ainsi pu bénéficier des programmes d’alphabétisation. Va-t-on continuer, des années durant, dans cette voie ? Une autre initiative a été lancée par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques. Baptisée « Opération 100 Mosquées », elle a été lancée en septembre 2000 : elle s’articule autour de cours d’alphabétisation dans ces lieux de prière; elle a permis la formation de plus de 10.000 personnes. D’un autre côté, un ensemble de mesures doivent être élaborées et appliquées pour assurer et promouvoir l’ouverture de l’école à son environnement. L’élève doit ainsi être sensibilisé sur la place et le rôle du tourisme dans le développement économique et social.

L’aspect pratique qui doit être organisé dans les établissements scolaires doit veiller à mieux cerner la dimension de l’industrie touristique auprès des élèves, et ce, par des activités d’éveil : visites d’information et d’observation, diversification des matériels et supports didactiques, recours à des procédés ou des équipements informatiques... Dans cette optique, la télévision a un rôle éminent à jouer pour accompagner cette meilleure insertion de l’école et des élèves dans la nouvelle culture touristique. Celle-ci doit aussi être favorisée et stimulée par une refonte de manuels scolaires inspirée par des valeurs d’ouverture, de tolérance et de dialogue entre d’une part les nationaux eux-mêmes et d’autre part les visiteurs étrangers. Les opérations ponctuelles, entreprises de temps à autre par l’ONMT dans ce domaine, ont-elles un réel impact ? Elles seront, en tout cas, optimisées si elles sont soutenues, à la base - à l’école, au collège et au lycée - par une sensibilisation à l’apport du tourisme.

Cela étant précisé, il ne faut pas perdre de vue que le Maroc aura, en 2015, une population de près de 40 millions d’habitants et que la population urbaine passera à 64%. C’est dire combien sont dérisoires les moyens utilisés devant un retard aussi pénalisant.

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FINANCEMENT DE L’INVESTISSEMENT

Le fait que les problèmes rencontrés par les Pouvoirs Publics pour mettre en place une politique durable d’incitation à l’investissement ne soient pas encore totalement résolus, favorise la persistance et l’acuité de la problématique de l’investissement touristique comme piste d’avenir. En tant que telle, elle mérite une attention et des efforts soutenus. De quoi s’agit-il ?

Le contrat cadre fournit suffisamment d’indications et de propositions pour que l’investissement hôtelier et touristique soit rentable et profitable à l’ensemble de la communauté. Mais, il nous semble utile de ne pas considérer ce dossier clos tant que les Pouvoirs Publics n’ont pas mis en place une véritable loi sur l’investissement touristique, capable d’accompagner l’exécution du contrat programmé.

Comment évacuer, en effet, cette donnée de base : Seule une nouvelle politique de financement de l’investissement touristique est de nature à stimuler ce secteur de manière durable. Il ne s’agit pas de faire des « cadeaux aux opérateurs » mais de mettre sur pied un système cohérent susceptible d’encourager sérieusement et durablement l’investissement. Nous devons prendre la peine de voir et d’examiner ce qu’ont fait à cet égard les grands pays touristiques de la région et ce qu’ils continuent encore à mettre en œuvre dans cette perspective. Retenons en la circonstance cette leçon : la création d’un environnement juridique, réglementaire et financier attractif a favorisé chez eux l’expansion de l’industrie touristique. Et tant que cet acquis n’aura pas été réalisé et conforté au Maroc, il n’est pas réaliste d’escompter atteindre les objectifs liés à la « Vision 2010 » ?

Le nouveau régime de l’investissement, que les opérateurs du secteur appellent de leurs vœux, ne doit pas se limiter à des « coups de pouce » variables suivant les lois de finances annuelles et la bonne volonté des gouvernements en fonction. Bien au contraire, il doit s’inscrire dans une approche globale déclinée jusqu’à la fin de la présente décennie et qui embrasse la totalité du champ de l’activité touristique. Les investissements qui seront éligibles dans ce nouveau

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cadre devront être orientés pour répondre pleinement à des objectifs stratégiques largement relevés dans l’accord- cadre et le programme d’action qui l’articule.

Au Maroc, les taux des intérêts bancaires ont souvent relevé de seuils usuraires de 15 à 17% alors que les exemples pris dans les pays concurrents ne dépassent point les 6 ou 7%. Des destinations comme la Tunisie, la Turquie, la Malaisie et tant d’autres n’ont pu en effet asseoir leur essor touristique que sur des bases de financement de cette nature. Dans le même temps, le régime fiscal fortement incitatif et la maîtrise du foncier – les terrains y sont accordés à titre gracieux sinon à des prix raisonnables- ont conforté la stimulation et l’encouragement de l’investissement. Et le capital n’était pratiquement jamais imposé à travers une fiscalité bien lourde et complexe comme au Maroc.

La nouvelle politique à mettre en œuvre doit résolument tourner le dos à une approche comptable et financière mais participer plutôt d’une véritable vision économique à moyen et long terme. Elle doit également conduire à lever les restrictions pesant sur le marché du crédit au Maroc lesquelles empêchent, entre autres, les opérateurs privés de pouvoir emprunter sur les marchés financiers internationaux à des taux attractifs de 3 et 4% et ne leur laissent pas d’autre choix que celui de subir la charge des taux élevés pratiqués par le groupement bancaire de la quinzaine d’établissements de la place.

Mais en attendant, l’effort considérable de provisionnement effectué par le CIH ne suffira pas à lui seul à remettre cette banque en selle. Il y a lieu surtout, de créer autour de cet établissement un climat de sérénité et de confiance à même de mettre un terme aux rumeurs et aux incertitudes, et ce, quelle que soit l’issue finale du débat sur le devenir de cet organisme historique. Poser la question de l’avenir du CIH, c’est évoquer la nature et la portée du financement des activités touristiques tels que voulus jusqu’à présent par l’Etat. En accordant sa garantie à la quasi-totalité des investissements dans ce secteur, celui-ci a bien voulu mettre en évidence que la priorité pour lui est avant tout l’essor du tourisme, à travers un effort conjoint des Pouvoirs Publics et du secteur privé. L’Etat avait convenu, en effet, de prendre des risques - calculés - que compensent largement d’ailleurs le

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volume considérable des investissements réalisés par le secteur public et privé dans le royaume depuis l’indépendance. Tout changement de politique en la matière doit être suffisamment étudié et mûri dans le cadre d’un débat responsable et transparent car le Maroc ne gagne rien à initier des politiques ou le double langage prime souvent sur la sincérité.

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L’ORGANISATION COMME FACTEUR DE REUSSITE

Le Comité de Pilotage Stratégique a été transformé, dans le Contrat-Programme du 29 octobre 2001 en Comité Stratégique du tourisme (C.S.T.). Il était prévu que cet organe devait réunir les principaux ministères concernés (Intérieur, Economie et Finances, Tourisme,...); il devait permettre d’assurer la mise en œuvre unifiée de la nouvelle politique touristique. Aux termes de l’article 60 de l’Accord d’application de l’Accord-Cadre 2001/2010 précité, ce Comité a pour mission de suivre, coordonner, valider et mettre en œuvre toutes les mesures décidées par l’Accord d’application, en veillant au respect des délais convenus, avec l’objectif que toutes les mesures décidées, évoquées ou envisagées soient mises en œuvre avant le 31 mars 2003.

La mise à plat de l’action de ce Comité Stratégique du Tourisme s’impose à l’évidence puisqu’à l’automne 2003, les résultats enregistrés frappent par leur modestie. Cela soulève des questions tenant à l’importance de l’organisation. Le concept de la croissance à deux chiffres du tourisme est si important pour le Maroc, si colossal que les moyens à réunir et à mettre en œuvre doivent être conséquents. Mais il arrive que le savoir-faire, lié à des moyens modestes peut pallier bien des carences.

Les vertus de la bonne organisation sont bien évidentes aujourd’hui. Les entreprises organisent des séminaires appropriés pour leur personnel ; et tout cadre ambitieux se recycle constamment pour maintenir et améliorer ses performances grâce à l’organisation efficace de son travail.

Le comité de suivi, déjà fortement dépassé par l’énormité des tâches de coordination et d’incitation, est incapable de faire bouger toutes les inerties qui bloquent sa mission. La planification centralisée nécessite un organigramme audacieux et novateur. Nous lisons dans le contrat-programme que « le tourisme est une industrie spécifique, multiforme qui implique une large variété d’autorités et de compétence, au niveau gouvernemental, au niveau des collectivités

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locales et au niveau professionnel. Industrie planétaire, hyper-concurrentielle, industrie lourde à forte intensité capitalistique, industrie stratégique pour les économies utile, aux multiples effets d’entraînement sur les autres secteurs, le tourisme ne peut se développer sans une coordination rigoureuse. »

Parlons justement de cette coordination rigoureuse. Le contrat programme évoque bien la création du Conseil national du tourisme et d’une haute autorité chargée de planifier et de coordonner la politique de développement touristique dans toute sa globalité - mais rien n’a été concrétisé à ce jour. Or comment peut on être sûr de pouvoir tenir les engagements contenus les accords gouvernement / secteur privé du tourisme, en l’absence des structures hautes de la pyramide, censées planifier, coordonner et arbitrer ?

N’est-il pas temps de mobiliser tout le département du Plan en tant que structure administrative de support et de le mettre à la disposition de cette haute autorité du tourisme qu’il faut bien entendu créer préalablement. Tous les fonctionnaires de cette administration du Plan ne seront pas de trop pour étudier les programmes, préparer les orientations et les détails d’exécution.

L’organigramme de cette autorité devra contenir la liste des intervenants locaux, régionaux et nationaux : les Ministres, les Walis, les Gouverneurs ainsi que les bureaux des CRT et les représentants du Conseil national, émanation directe des CRT - qu’il va falloir constituer au plus tôt - les délégués des services de la sécurité nationale, de la société civile, de la communication…Les cadres appelés à intervenir doivent être formés et constamment recyclés.

Quant au contrat-programme il est souhaitable qu’il soit imprimé en milliers d’exemplaires et distribué à tous les opérateurs du secteur du tourisme et de tous les secteurs qui lui sont liés. Des conférences, des réunions de vulgarisation devront être tenues en permanence, pour sensibiliser et impliquer toutes les couches de la société. Il s’agit bien de la mise en place d’une véritable machine de guerre contre le sous-développement. Rien ne doit être négligé ni improvisé.

La présidence de la haute Autorité ne doit pas être assurée par le ministre du Tourisme, quelle que soit sa compétence et son

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dévouement, mais par le Premier ministre en personne. Pourquoi ? Parce que cela aurait l’immense avantage de pouvoir décider et arbitrer au lieu de cantonner cette mission à un seul ministre délibérant, au mieux, avec les secrétaires généraux des départements ministériels concernés. De ce point de vue, la haute Autorité ne sera pas un organisme consultatif, sans pouvoir de décision, mais une véritable institution gouvernementale, impliquée et responsabilisée par la « feuille de route » de l’Accord-Cadre.

Si le Premier ministre ne peut exercer continûment cette tâche, il aura à se faire représenter par l’un des ministres délégués auprès de la Primature avec une véritable délégation de pouvoirs quant aux décisions à prendre. On peut même envisager que soit désigné un « Monsieur haute Autorité » justifiant de qualités managériales et d’un fort potentiel pour eu qu’il reçoive un mandat clair dans ce sens. Dans antennes régionales pourraient également être créées dans le Royaume : elles seront présentes, auprès des walis, pour faire avancer les dossiers et les réformes. Enfin, la périodicité des réunions de ce Comité doit être régulière. L’Accord Programme avait prévu la nécessité d’une réunion mensuelle ; or, tel n’a pas été le cas, loin de là, le CST ne se réunit que tous les trois ou quatre mois au mieux...

Seule cette réforme est susceptible d’être un véritable aiguillon de la politique prévue dans ce secteur. Un rapport mensuel devra être établi et soumis au Gouvernement. Il doit même être rendu public pour que l’opinion publique nationale soit informée de l’état d’avancement du programme. Cette mission ne pourra être accomplie dans des conditions satisfaisantes et mobilisatrices pour toutes les parties intéressées que si l’on donne une forte visibilité à ce qui est fait et à ce qui reste à faire.

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LIBERALISATION DU TRANSPORT AERIEN, CLE DU SUCCES

C’est probablement à propos de ce dossier que l’on peut établir la volonté réformatrice des pouvoirs publics : oui ou non, vont-ils trancher dans ce domaine ? On pourra invoquer mille et une raisons pour tergiverser, reporter les arbitrages à rendre, mais rien n’y fera si l’on ne décide pas clairement qu’un système de transport aérien a fait son temps depuis des années et qu’un autre régime plus libéral doit s’y substituer. Si l’on veut donner des chances sérieuses à la « Vision 2010 » arrêtée dans le secteur touristique, c’est par la libéralisation du transport aérien qu’il faut résolument s’engager.

Il ne s’agit pas de décréter du jour au lendemain des mesures brutales dans ce sens - ce ne serait que la poursuite, en vérité, d’une politique d’improvisation inconséquente. Non, ce qu’il convient de faire c’est de prévoir d’ici la fin de l’année 2004 au plus tard, la levée des mesures restrictives qui subsistent encore dans ce secteur. Ce qui impose, d’ici là, des mesures d’accompagnement étudiées pour que les parties intéressées - la RAM comme les autres compagnies - puissent de leur côté se préparer à cette nouvelle situation dans des conditions optimales.

Le credo de cette réforme est simple : aucun monopole d’aucune sorte ne doit plus être accordé à quiconque. C’est le principe d’égalité qui doit prévaloir entre la RAM et toutes les autres compagnies. C’est donc là une révision essentielle qu’il faut opérer : elle tourne le dos à une culture « rentière » qui protège les carrières de certains et les intérêts d’autres; elle rompt avec des attitudes rigides et dogmatiques qui voient dans le maintien de la situation désastreuse actuelle sous le couvert de la RAM l’expression d’on ne sait trop quel patriotisme de mauvais aloi; elle consacre enfin l’adhésion aux règles de la bonne gestion et aux exigences de la rationalité économique.

En tout état de cause, la RAM n’est pas en mesure de réussir le challenge actuel. Elle s’est sans doute fixée pour objectif de mettre sur pied l’augmentation de la flotte actuelle - une trentaine d’appareils - à hauteur de 45 appareils à l’horizon 2010. Mais cette prévision

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sera-t-elle honorée compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur la Compagnie mais aussi des difficultés d’extension de celle-ci sur le marché ? De toute façon, le transport aérien des quelque dix millions de touristes prévus en 2010 ne serait que partiellement assuré - la RAM, elle-même, lors des assises d’Agadir sur le Tourisme, le 14 février 2003, avait reconnu qu’elle ne pourrait transporter pratiquement que 40% de ce flux.

A côté de ce plan de renforcement de sa flotte - avec les limites précitées-, la RAM a retenu le principe de la création d’un pôle charter constitué en partenariat avec des opérateurs marocains ou étrangers. Il s’agit de disposer d’un outil spécialisé et compétitif sur ce segment de marché ; il permettrait de répondre de manière optimale à la demande. Mais les résultats passés ne confortent pas ces prévisions de développement : ainsi le trafic des vols charters qui était de 839.786 lors de l’exercice 1999-2000 a chuté de 2,7% l’année qui a suivi avec 817.147 passagers seulement.

Tout se passe comme si la RAM avait atteint un seuil de saturation qui ne pouvait être amélioré du fait de la rigidité de ses structures et des insuffisances de sa stratégie commerciale et de marketing. Elle peut sans doute « grappiller » un ou deux points de mieux, ici ou là, dans tel ou tel secteur ou dans tel ou tel marché ; mais elle ne peut réellement s’insérer dans une véritable dynamique de développement pouvant soutenir, accompagner et promouvoir la stratégie touristique de la « Vision 2010 ». Depuis des années, le total du trafic passagers tourne autour de 3.700.000 passagers (3.729.050 en 1999-2000, 3.677.731 des lignes régulières (2.759.051 soit un modeste +0,4%) ou dans le trafic des vols charter qui, lui, est d’ailleurs en recul, comme on l’a déjà indiqué.

L’équation incontournable est là : comment la RAM compte-t-elle tripler pratiquement l’ensemble de son trafic passagers d’ici 2010 pour être à la hauteur des objectifs prévus à cette date ? L’on ne peut manquer, par ailleurs, de relever la sous-exploitation des capacités de transport existantes qui se situent, depuis des années, dans une « fourchette » comprise entre 67 et 69%. Cela signifie que la Compagnie paraît bel et bien avoir atteint l’optimum de son coefficient de remplissage.

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C’est donc tout un mode d’organisation et de structuration qui doit être profondément revu et corrigé si l’on veut hisser la RAM au niveau des simples exigences de la rentabilité commerciale. L’une des priorités à prendre en considération devrait précisément porter sur une amélioration significative et progressive de ce taux de remplissage. Les quelque 5,5 millions de sièges offerts n’arrivent aujourd’hui à être occupés qu’à hauteur de 69%. Avant de doubler voire de tripler cette capacité de transport - ce que, de toute façon, la RAM n’envisage pas - peut-être convient-il de mieux rentabiliser aussi les sièges offerts dont plus de 30% ne trouvent pas encore preneur...

Pour ce qui est des vols intérieurs, le tableau n’est guère plus optimiste. Ainsi, pour l’exercice 2000-2001, le trafic des vols intérieurs s’est élevé à 765.678 passagers pour 1.324.564 sièges offerts, soit un taux de remplissage de 56,1%. Ce chiffre s’inscrit d’ailleurs en baisse de 5,2% par rapport à celui du précédent exercice. Les facteurs qui freinent l’essor du trafic aérien domestique sont connus : cherté des tarifs, qualité discutable, inadéquation des horaires, vieillissement des appareils dont deux BOEING 737/200 de plus de vingt ans... Force est de faire ce constat : la RAM n’a pas encore appréhendé comme il se devrait la place et le rôle des vols domestiques dans la stratégie de développement du trafic aérien et, plus globalement encore, dans la promotion du tourisme. Là encore, seule la libéralisation du transport aérien peut être un vecteur décisif et préalable à la mise en œuvre d’une politique durable de développement.

Dans cette perspective, la mise en œuvre concrète d’une stratégie d’« Open Sky » est incontournable. Le Contrat-Programme 2000-2010 la recommande instamment. Elle doit viser concurremment trois objectifs ; l’ouverture du ciel marocain à toutes les compagnies et aux professionnels de ce secteur sur la base du respect des contraintes internationales de sécurité. Personne ne conteste aujourd’hui l’affirmation selon laquelle la libéralisation du transport aérien génère la promotion du tourisme - au niveau de la demande comme à celui de l’offre. Il y a une relation corrélative entre la stratégie d’« Open sky » d’un côté, et l’augmentation de la capacité hôtelière, celle-ci répondant à une forte demande.

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Cette histoire de « pavillon RAM » qui serait un symbole de notre souveraineté dans le ciel n’est qu’un leurre qui ne trompe plus personne. Un grand pays comme les Etats-Unis n’a pas hésité à sacrifier ses deux plus grandes compagnies nationales - la PANAM et la TWA - sur l’autel de la rentabilité sans que personne n’y trouve à y redire Outre-Atlantique... Les intérêts supérieurs du Royaume ne sauraient aujourd’hui être considérés comme étant mieux assurés dans les airs parce que voleraient dans le ciel des avions d’une compagnie qui continuerait à être un obstacle majeur à la promotion du tourisme national. Le patriotisme - puisque c’est cet argument suprême que l’on nous met en avant pour tenter de justifier le statu quo - n’est-il pas de tout faire pour que l’objectif des 10 millions de touristes soit atteint à la fin de cette décennie ?

C’est dire que le ciel marocain doit être ouvert à tous dans un avenir prévisible fixé à l’avance et qui ne saurait dépasser la fin de l’année 2004. Il faut en effet arriver à faire venir des touristes au moindre coût. Dans cette perspective, la réforme profonde du système actuel de transport aérien doit être initiée et finalisée à marche forcée quelles que soient les « résistances ». Il n’y a pas d’autre terme à cette alternative. La RAM doit s’adapter à ces nouvelles exigences ou disparaître. Elle est libre de continuer dans le trafic de vols réguliers ou dans celui de vols charter; mais la pire des solutions serait qu’il y ait des petites mesures par-ci et par-là sans que son destin ne soit mis à plat une fois pour toutes.

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MISE EN ADEQUATION DES TRANSPORTS ROUTIER, FERROVIAIRE ET MARITIME

Là encore, doit être surmontée la situation actuelle, qui voit les différents secteurs de transport ne pas stimuler le tourisme, bien au contraire même. Dans le domaine du transport routier, le régime législatif et réglementaire, qui prévaut encore, doit être revu et corrigé dans l’optique des exigences du développement du tourisme. Il doit être mis fin, pour commencer, au système « rentier » et anti-économique des agréments de transport de faveur qui ne font l’affaire que de certains intérêts particuliers.

Il convient également d’exonérer sans plus attendre l’importation des cars et véhicules affectés au transport touristique pour alléger les coûts d’exploitation et offrir ainsi des prestations attractives aux touristes. L’incidence fiscale de ces mesures -que ne manquera certainement pas d’invoquer le département des Finances - est relativement faible, dans la mesure où elle sera très largement compensée par les flux d’affaires qui seront stimulés par l’essor du transport routier.

Il importe aussi d’aller plus loin que ces seules mesures fiscales. C’est en effet toute la profession exerçant dans ce secteur qui doit être réorganisée, sur la base de critères et de règles devant viser en priorité l’amélioration de la qualité des prestations assurées, ainsi que celle des effectifs humains appelés à y œuvrer. Un programme particulier pourrait être élaboré à cet égard au profit des diplômés-chômeurs pour leur permettre, suivant des modalités à déterminer, d’exercer les divers métiers du transport touristique : petits taxis, grands taxis, minibus d’excursion, voitures et remises pour les navettes entre les différentes dessertes - gares, ports, aéroports. Une formation ad hoc serait assurée à ces postulants : services, hygiène, apprentissage de langues étrangères (anglais, français, espagnol). Une tenue vestimentaire réglementaire pourrait également être retenue pour que les touristes étrangers, dès leur arrivée, sachent visuellement à qui s’adresser, sur la base de tarifs affichés évitant les mauvaises

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surprises et les filouteries de toutes sortes, qui frappent souvent les visiteurs étrangers dès leurs premières heures d’arrivée.

Des efforts ont sans doute été déployés dans le domaine du transport ferroviaire ces dernières années ; ils restent néanmoins modestes. En somme, ce mode de transport, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est-il vraiment entré dans le siècle moderne de ce millénaire ? Des projets annoncés depuis longtemps n’ont pas encore eu un début de réalisation : liaison Marrakech/Agadir, doublement de la voie Meknès/Fès, rationalisation des trajets (Marrakech/Fès, Tanger/Tétouan, Tanger/Rabat .etc.)

Un nouveau plan 2001-2005 a été arrêté mais les objectifs ne sont que partiellement atteints. C’est un nouveau système de transport ferroviaire qui doit être conçu et mené à bien, notamment dans la perspective de la stratégie touristique fixée d’ici 2010 : multiplication des Trains Navettes Rapides (TNR) entre Rabat et Casablanca et d’autres villes à fort potentiel touristique, amélioration de la grille horaire dans le sens de l’homogénéité et de la commodité des liaisons, desserte quasi continue 18 heures sur 24 de l’aéroport de Mohammed V de Casablanca et formules adaptées pour les autres aéroports (Marrakech, Agadir...), commercialisation de formules promotionnelles attractives lors des saisons touristiques (carte fidélité, réductions jeunes et couples...), externalisation de l’activité de nettoyage des gares, renforcement de la Police ferroviaire dans les gares, mais aussi dans les trains pour assurer la quiétude des passagers.

Enfin, le transport maritime n’est pas le mieux loti de ce secteur. Durant l’été écoulé, les opérations de transit des marocains résidents à l’étranger (MRE) -ils ont été plus de 1.600.000 au cours de cette année 2003 avec le passage de plus de 500.000 véhicules - laissent peu de place à une augmentation significative des flux touristiques vers le Royaume. Il convient donc, là aussi, de multiplier les rotations dans le Détroit pour pouvoir répondre, dans des conditions attractives, à des catégories de touristes potentiels se trouvant déjà dans le Sud de l’Espagne et désireuses de prolonger leurs circuits vers le Royaume. La question de la promotion de la navigation de plaisance ne fait l’objet - il faut bien le relever - d’aucun intérêt particulier. Des projets

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isolés sont inscrits à l’ordre du jour sans connaître encore de réalisation : transport de passagers dans des unités de type péniche dans le fleuve du Bouregreg, création à Agadir d’un complexe d’animation nautique et sportif avec l’acquisition de deux unités de croisière, projet d’implantation d’un centre de pêche sportive à Agadir, projet de création d’un centre privé de formation, de plaisance, en bois à Essaouira, etc

Le transport maritime et les activités multiples qui peuvent y être liées - locations de jet-skis, transport de passagers à bord d’unités de plaisance, régates de voiliers, donnent un plus au produit touristiques et peuvent capter des clientèles particulières à forte visibilité médiatique.

Au total, par-delà les mesures sectorielles à prendre, il convient de penser la planification et la coordination des différents modes de transport dans le cadre d’une stratégie prenant en compte les objectifs assignés à la « Vision 2010 » du tourisme. Les mesures et les réformes réglementaires à entreprendre doivent viser l’ouverture à la concurrence et à la libéralisation. Il s’agit, en effet, de tourner le dos à un « système » globalement dirigiste qui ne répond plus aux exigences du développement et de promouvoir un marché des transports sain et compétitif à l’échelle internationale.

Le secteur des transports a, en effet, grand besoin d’induire et de coordonner un programme d’ajustement structurel à la hauteur des enjeux de cette décennie.

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INFORMATION ET SIGNALISATION

Le déficit d’informations touristiques est patent au Maroc. L’expérience lamentable des bureaux d’accueil du ministère du tourisme dans les aéroports -qui sont restés fermés pendant des années - après une courte période d’exploitation, est encore dans tous les esprits. Ce genre de laisser-aller doit être refusé et sanctionné. Les visiteurs étrangers sont souvent confrontés à des désagréments, faute de pouvoir disposer de données pratiques indispensables pour qui veut avoir en mains les éléments d’information de nature à le guider et à l’orienter. Les plans des villes touristiques sont rares, voire indisponibles, même dans les hôtels. Les horaires de car, de train ou d’avion sont souvent aléatoires et peu disponibles.

Cette démarche doit être accompagnée d’un programme national de signalisation : panneaux indicateurs de directions et de distances, plans lumineux de quartier avec le détail des rues, kiosques d’informations dans les principales villes touristiques. Il faut arriver à ce que, sur la base de toutes ces données visibles, les touristes puissent se déplacer à pied ou en voiture, sans aucune difficulté, tant il est vrai qu’une telle information est sécurisante et qu’elle constitue un facteur de quiétude.

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OPÉRATION « CIEL OUVERT » À MARRAKECH, WILAYA PILOTE

La libéralisation du transport aérien qu’impose une promotion du tourisme national ne doit pas se limiter à des mesures réglementaires et techniques. Elle doit également prendre la forme d’une opération démonstrative, exemplaire : le « ciel ouvert » à Marrakech. Ce serait-là le signe fort de la nouvelle politique des pouvoirs publics en même temps que le « banc d’essai » de cette option libérale durant une période de transition entre la situation actuelle et celle, visée à terme. C’est d’autant plus indiqué que Marrakech a atteint une maturité certaine grâce aux efforts entrepris ces dernières années. Ce qui lui permet d’avoir, aujourd’hui, une bonne maîtrise des différents paramètres de développement. N’a-t-elle pas en effet une capacité hôtelière de taille critique, un encadrement humain expérimenté, un aéroport international de qualité, une cuisine et un climat de renommée mondiale ?

Déclarer le « ciel ouvert » dans la capitale du Sud veut dire que toutes les compagnies du monde pourront y atterrir. La seule procédure requise sera la demande d’enregistrement, suivant les procédures habituelles de l’immatriculation des vols prévus. Les taxes d’aéroport devront être réajustées pour être alignées sur celles des aérodromes des pays touristiques concurrents de la région On devrait même, symboliquement, les fixer plus bas, pour en faire un argument promotionnel supplémentaire.

L’objectif doit être d’arriver à une forte croissance annuelle des visiteurs étrangers, de l’ordre de 10 à 15%, jusqu’au taux d’occupation optimum. L’opération « ciel ouvert », proposée ici, participe de cette approche. Elle n’est qu’un ensemble d’éléments parmi tant d’autres, d’un programme généralisé de croissance forte et durable, intéressant les domaines suivants :

• L’équipement général de l’ensemble des quartiers de la ville d’une signalisation utile (panneaux de direction, distances, sorties de la ville, plans de quartiers, plaques de rues lisibles et lumineuses, kiosques d’information aux principaux carrefours

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et dans les circuits touristiques (palmeraie, médina...). Cette signalisation doit être tout aussi opérationnelle dans la région Marrakech-Tensift-El Haouz avec des postes de secours et d’assistance, couplant la Gendarmerie Royale et le ministère de la Santé. Tout le matériel d’information utilisé dans ces actions devra être rédigé en trois langues (arabe, français, et anglais). Le financement de ce programme pourrait être réparti entre les différentes communes avec le concours de l’ONMT et du CRT. Mais il faudra bien veiller, pour éviter les défaillances passées, à ce qu’une seule autorité soit chargée des interventions sur le terrain. Ce sont là des recommandations banales, mais elles représentent pour les touristes des éléments et des repères d’une extrême importance ;

• L’aménagement du transport urbain devra intégrer les données de ce « programme-pilote ». Les actions à mener dans ce sens pourraient entre autres être celles-ci : réalisation de couloirs réservés, dans les grandes avenues, aux bus et aux taxis, bornes d’appel des taxis, dessertes étudiées à partir des hôtels vers le centre-ville et les principaux sites touristiques (Jamaâ El Fnaâ, Menara, Koutoubia, médina, tombeaux saâdiens...) Les mesures préconisées plus haut en matière de rajeunissement et de restructuration du parc urbain, devraient être étendues, bien sûr, à Marrakech ;

• La quiétude et la sécurité des touristes devront être considérées comme la priorité des priorités grâce à la multiplication des brigades touristiques, des rondes de police et des agents de police de proximité. Il s’agit, à ce sujet, d’éradiquer toutes les nuisances qui pourraient encore subsister (harcèlement, vols à la tire, mendicité...) et qui constituent un fort désagrément pour le séjour des touristes ;

• L’hygiène et l’environnement sont tout aussi prioritaires et appellent des mesures opératoires La propreté doit se retrouver partout : dans les rues, les bus, les taxis, dans la médina. Ce qui conduit également à mentionner l’exigence d’hygiène dans les lieux publics et les commerces (cafés, restaurants, hôtels). Il

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faut arriver, dans ces domaines, en un an, à hisser Marrakech au niveau des métropoles européennes.

Dans la mise en œuvre de ce « programme-pilote », c’est une

culture participative qui doit prévaloir. Ce n’est pas tel ou tel organisme qui doit tenter de tout faire, mais un collectif local et régional associant tous les acteurs concernés (autorités de tutelle, élus, CRT, ONMT, ONG, associations professionnelles, étudiants, lycéens...). Ce doit être l’affaire de tous : chaque citoyen, chaque entreprise, chaque commerce doit se sentir impliqué par la promotion du produit touristique.

Ces actions devraient enfin être rythmées, une ou deux fois par an, par une fête à forte visibilité médiatique et touristique. Il s’agit de concevoir de grandes manifestations, à côté du Festival national des arts populaires et du Festival international du film de Marrakech; des temps forts, où la ville et ses habitants vivront au rythme des thèmes variés. Le succès appelle le succès. C’est une dynamique qu’il faut instaurer dans ce sens pour valoriser comme il se doit la notoriété mondiale de Marrakech et la traduire en flux touristiques adéquats.

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Conclusion : Quel tourisme pour quel Maroc ?

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La « Vision 2010 », retenue aujourd’hui, remet à l’ordre du jour

cette problématique de fond : quel tourisme pour quel Maroc ? Non pas que cette question soit inédite. Durant des décennies, en effet, l’on a bien pratiqué une certaine politique dans ce domaine. Elle était ce qu’elle était, il est vrai, mais elle ne se traduisait pas par des projets concrets.

On « faisait » du tourisme comme on aurait pu faire autre chose, avec des intuitions, des élans de quelques professionnels qui avaient le « feu sacré ». Mais la somme de ces initiatives se traduisait-elle, au plan national, par l’affirmation d’une véritable stratégie ? Rien n’est moins sûr, parce que l’on ne s’est pas préoccupé, au fond, d’évaluer la nature et la dimension de l’industrie du tourisme dans notre développement, encore moins dans notre société.

Des plans se succédaient sans doute, mais constituaient-ils pour autant des engagements contraignants avec des bilans d’étape et des ajustements pour réunir, chemin faisant, toutes les conditions de réalisation de leurs objectifs ? N’avaient-ils pas plutôt une nature déclaratoire ? Si bien que les gouvernements s’en accommodaient tandis que les opérateurs ne pouvaient que se lamenter de voir tant d’opportunités leur échapper, parce que le gouvernement ne faisait pratiquement pas ce qu’il disait et que, par ailleurs, toute une culture de certains responsables ne mesurait pas vraiment les potentialités de ce secteur.

Rien d’étonnant, dans ces conditions, que le tourisme national ait raté des occasions et que l’on ne puisse aujourd’hui que se féliciter que, grâce à l’engagement et à la volonté de S.M. Mohammed VI, une stratégie à long terme ait pu voir le jour en janvier 2001, lors des Premières Assises Nationales tenues à Marrakech. A n’en pas douter, le tourisme s’inscrit désormais dans le cadre d’une approche globale et d’une méthodologie d’action qui porteront leurs fruits, si tous les acteurs -gouvernement, administration, professionnels…- arrivent à se hisser au niveau des exigences requises. Quel tourisme pour quel Maroc veut dire, en termes simples, qu’il y a un cahier de charges à honorer par toutes les parties prenantes.

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Pour bien comprendre où nous allons à l’horizon 2010, 2020 et plus loin encore, n’est-il pas utile de rappeler d’où nous venons et qui nous sommes ? Au lendemain de l’indépendance, le Maroc profond était une société traditionnelle, musulmane pratiquante. La religion était si prégnante parce qu’elle avait toujours été, tout au long des siècles, le socle de référence d’un peuple et d’une Nation profondément attachés à leurs valeurs et à leur identité.

Que serions-nous sans cette dimension culturelle et religieuse qui a forgé notre personnalité ? Mais, dans le même temps, cet héritage peut-il être un atout à valoriser dans la nouvelle posture sociétale qu’implique le tourisme ? D’une autre manière, le tourisme -tel qu’il est prôné dans la « Vision 2010 » - est-il soluble dans une société musulmane comme la nôtre, arc-boutée sur des référents millénaires et peut-être plus rétive qu’on ne veut le croire au changement lié à des flux touristiques d’une dizaine de millions de visiteurs internationaux ?

Notre portrait de société présentait, voici un demi-siècle, des traits connus : une condition féminine encore attardée avec l’immense majorité des femmes portant le voile, un enseignement de base limité pour l’essentiel à l’école coranique, une population analphabète à plus de 90%, un niveau de vie très bas avec une grande misère dans les campagnes.

Les structures sociales étaient marquées par le principe communautaire articulé autour de la famille, de la tribu, du village. Les traditions et la religion ne pouvaient que cimenter ce mode de vie, régi par des codes de conduite, des normes sociales, des comportements et une psychologie nourrie par tous ces éléments.

C’est ce Maroc-là qui a changé aujourd’hui. Il s’est urbanisé à près de 50% dans un processus continu de basculement, vers la côte Atlantique surtout. Sa population a triplé en quatre décennies pour dépasser aujourd’hui les 30 millions d’habitants. Il s’est aussi largement modernisé dans des pans particuliers de la société où cohabitent, de manière de plus en plus difficile, « Deux Maroc » ou plutôt trois même, se tournant le dos et relevant de valeurs culturelles et de modes si éloignés les uns des autres.

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Or, un tourisme d’une dizaine de millions de visiteurs -comme on l’appelle aujourd’hui de nos vœux - est une affaire collective. Il implique un traitement par notre société de cette insertion vacancière, mais continue d’un corps aussi « étranger ». Sommes-nous prêts à faire face à cette situation, qui va bousculer au quotidien nos habitudes, nos comportements, nos valeurs, notre manière d’être et de vivre, notre rapport à l’« autre », celui-ci nous renvoyant également des regards croisés ?

Pour autant, l’état des lieux, tel qu’il est, présente-t-il tellement d’attractivité pour le tourisme ? Le niveau de développement dans le monde rural ne permet pas la subsistance de quinze millions de personnes dans des conditions conséquentes. L’exode rural est ainsi structurel, accentué par les cycles récurrents de sécheresse, parce que nous avons oublié que le climat dominant est semi-aride et qu’une bonne pluviométrie n’est pas vraiment la règle, mais plutôt l’exception.

La campagne marocaine, dans une large mesure -hormis les terres des périmètres irrigués - est restée bien en retard avec des milliers de douars enclavés, des infrastructures insuffisantes, voire inexistantes et un accès réduit à sa plus simple expression aux équipements et aux prestations de base (enseignement, santé, eau, électricité...). Ce monde rural est-il inscrit dans un processus de promotion et de développement ?

Comment peut-on sérieusement escompter que ce versant traditionnel et en retard de notre société génère une culture favorable à un grand afflux de touristes ? Comment peut-on penser que des millions de personnes relevant de cette comptabilité puissent faire montre d’une manière ou d’une autre d’une réelle capacité culturelle et même sociologique d’accueil ? Comment ne pas voir que la tolérance de millions de touristes ne peut qu’être sujette à caution de la part d’un monde dans les campagnes comme dans les villes et leurs périphéries, confronté aux rigueurs et aux aléas de la survie quotidienne ?

Vivant déjà en marge d’une certaine société à laquelle ils n’ont pas accès - celle des villes et l’étalage ostentatoire de la

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consommation et du luxe - les millions de personnes éligibles au seuil de la pauvreté, absolue ou relative, vont devoir également se trouver en face d’une « autre » population faite de touristes étrangers. Le choc des cultures ne pourra que laisser des traces, ici et là, sur les traditions d’ouverture et d’hospitalité des Marocains.

On mélange, ici, deux registres pourtant bien distincts : celui de l’accueil et de l’amabilité qui est, il est vrai, un trait de l’esprit national, et celui de l’irruption massive dans notre champ de vision et dans notre société de millions de touristes qui, eux, se sont invités chez nous parce qu’ils ont payé pour cela. Dans le premier cas, ce qui est en cause c’est la psychologie individuelle et l’éducation qui nous commandent de recevoir le voisin, l’étranger de passage. Dans la seconde formule, c’est une société qui peut se sentir « envahie » et menacée par des hordes de visiteurs étrangers, appareils de photos en bandoulière et qui en veulent pour leur argent.

Si le monde rural, globalement, reste - encore - hors du temps moderne, rythmé par les saisons et les souks hebdomadaires, tel n’est pas le cas du monde urbain. Encerclé par des cordons de pauvreté, générés par l’exclusion, le sous-emploi et même le chômage durable, il est marqué par un bouillonnement des esprits qui se retrouve dans les rapports heurtés qu’il nourrit avec la société.

Le tourisme, s’il prenait la dimension que lui assigne la « Vision 2010 », mettrait ainsi au premier plan un « contre-modèle » occidental triomphant et tellement attractif. Par la vitrine qu’il expose, il porte la marque de la réussite, du bien-être, du luxe et de la civilisation des loisirs qui a garanti son développement, et qui, désormais, peut s’engager dans l’épanouissement de l’individu et dans la promotion de sa qualité de vie.

Gavé des bienfaits que lui offre déjà « son » monde de départ, le touriste est à la recherche de découvertes, d’émotions renouvelées, d’éblouissement des sens. Est-il vraiment intéressé par une meilleure connaissance des populations d’accueil qui ne soit pas réduite à des images de carte postale fleurant bon l’exotisme et le dépaysement ?

Pour beaucoup de nationaux, en marge des dynamiques de développement, le touriste qui est là leur rappelle en même temps, en

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contrepoint, leur propre échec. Ils n’en sont, eux, qu’à la survie, au jour le jour, alors que s’étale devant eux, de manière démonstrative et vivante, le mode de vie auxquels ils n’ont pas accès et qui n’est qu’un mirage de plus dans un monde difficile. Comment peut-on attendre de la tolérance et de l’hospitalité de la part de ces millions de vaincus de la prospérité et de la vie ? Comment peut-on éviter les rancœurs et les frustrations, mères nourricières de tous les rejets et de tous les extrémismes ?

Comment ne pas voir, peut-être, qu’en plus de la domination économique du Nord sur le Sud, le tourisme n’est qu’une nouvelle forme de « croisade » -perçue comme telle en tout cas - de l’Occident triomphant sur des contrées jadis sous sa coupe; en somme, une confrontation millénaire entre des cultures et des religions qui n’ont pas réussi à transcender les heurts du passé pour emprunter les voies du dialogue fécond des peuples.

A ces données objectives qu’il est difficile d’évacuer, se surimpose, au quotidien, une image du touriste allant et venant, se distinguant par tant de traits dans la société d’accueil : par ses vêtements, ses loisirs, ses mœurs largement permissives, le culte du corps et de la jouissance des produits culturels et autres; bref, tout ce que la société qui est la nôtre n’est pas, et ne veut pas être, peut-être pas de manière aussi visible. Déjà déclassé économiquement face à un tel différentiel de pouvoir d’achat, le citoyen local se sent de surcroît menacé dans les certitudes qui fondaient son identité. Et si le « modèle » offert à ses yeux par le touriste était le vrai bon « choix de société », la finalité à laquelle il faut arriver, mais que les conditions objectives de notre développement ne peuvent réaliser à terme ?

Le tourisme, s’il prend l’ampleur dont on parle, sera alors un catalyseur de ce que nous n’avons pas réussi, un révélateur de nos échecs et de nos insuffisances. Par les valeurs et les comportements qu’il induit, il tourne le dos à la société traditionnelle du passé, sans nous ouvrir pleinement les portes du développement et de la modernité.

Sommes-nous en mesure de gérer ces nouvelles contraintes ? D’une autre manière, notre mal-développement, par les inégalités et

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les dysfonctionnements qu’il génère, risque fortement de nourrir l’amertume et l’aigreur de populations jugeant de plus en plus insupportables la misère de leurs conditions de vie. De quoi conduire au rejet du tourisme lequel peut être d’ailleurs instrumentalisé par des forces obscurantistes du tourisme qui auront beau jeu de dénoncer la présence voire l’« invasion » de millions d’étrangers occidentaux…

Pour sortir de cette équation pratiquement fermée, qui aggrave la désarticulation de la société et accentue les disparités entre les couches que l’on y recense, il faudrait que le développement porte ses fruits, tous ses fruits ; que le tourisme que nous voulons à l’horizon 2010, et au-delà, génère des effets économiques et sociaux significatifs et rapides ; et que partant, toute la population puisse, sous une forme ou une autre, bénéficier de leurs retombées.

Les chaînes hôtelières doivent faire du chiffre d’affaires et enregistrer des hausses continues à deux chiffres ; le taux de remplissage de nos unités touristiques doit être rehaussé; tous les secteurs liés indirectement à cette industrie doivent être amarrées à cette dynamique; mais il convient également que dans les petits villages, et même les coins les plus reculés, tout un chacun trouve son compte dans la promotion de cette activité.

Chacun doit pouvoir relever, dans sa vie au quotidien, que le tourisme heurte peut-être notre identité culturelle et notre manière traditionnelle de vie, mais qu’en contrepartie, il procure du travail, des revenus à un monde qui en a bien besoin; qu’il s’accompagne également de projets d’équipements et d’infrastructures, qui n’auraient sans doute pas été lancés ni réalisés sans cette manne céleste; qu’il offre des opportunités de valoriser la débrouillardise et l’esprit d’entreprise de ceux qui veulent « s’en sortir... ».

De tels objectifs ne peuvent être atteints que si l’on s’installe de manière ferme et conséquente dans une dynamique de croissance forte. Voici dix ans déjà, j’avais organisé à ce sujet, le Premier Colloque des Entrepreneurs Maghrébins à Marrakech, précisément sur cette problématique•. Les questionnements qui ont marqué ces

• Voir en annexes le texte intégral de l’introduction au débat.

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assises regroupant la majorité des grands opérateurs marocains, mauritaniens et libyens, algériens et tunisiens gardent, sans doute, toute leur actualité et leur pertinence. Nous voulions transformer des rêves partagés en action; des intuitions en programme, des fulgurances individuelles en une vision commune de notre développement et, pourquoi ne pas le dire en destin.

L’expérience des économies des « Dragons » d’Asie du Sud-Est était là, devant nous, pour nous montrer que la croissance forte que nous appelions de nos vœux n’était pas une singularité de ces latitudes-là mais une formule de mobilisation de ressources et de valorisation de potentialités pouvant être reprise au Maghreb. « Que lui manquait-il pour cela ?», nous demandions-nous alors en décembre 1993.

Une ferme volonté et un cadre juridique approprié. Pour nous engager dans cette « Haute Route », il faut un cap à long terme, décliné en étapes et les moyens de faisabilité de la politique que l’on a arrêtée dans cette perspective.

Mais il faut aussi compter sur nos propres forces, parce que le tourisme national que nous voulons à la fin de cette décennie -soit dix millions de visiteurs internationaux - ne pourra être atteint que si l’ensemble de la collectivité - décideurs publics, opérateurs privés, citoyens...- se mobilise dans ce sens. C’est un modèle de développement auquel il convient d’adhérer, à marche forcée, sur la base de réformes structurelles et de mesures opératoires. Il ne pourra cependant être optimisé que s’il s’insère dans un nouveau projet de société fondé sur la mise à plat de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être.