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UNIVERSITÉ DE L’OUEST DE TIMIŞOARA MASTER II TRADUCTION SPECIALISÉE Étude comparée des textes argumentatifs français et roumains Coordinateur scientifique: Prof. Georgiana LUNGU BADEA Candidat: Lucia Diana UDRESCU TIMIŞOARA 2010

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Page 1: Le texte argumentatif

UNIVERSITÉ DE L’OUEST DE TIMIŞOARA

MASTER II TRADUCTION SPECIALISÉE

Étude comparée des textes

argumentatifs français et roumains Coordinateur scientifique: Prof. Georgiana LUNGU BADEA Candidat: Lucia Diana UDRESCU

TIMIŞOARA 2010

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Étude comparée des textes argumentatifs français et roumains

INTRODUCTION 7

1. ORIGINE DU TEXTE ARGUMENTATIF (HISTORIQUE ET GÉNÉRALITÉS) 9

2. STRUCTURE DES TEXTES ARGUMENTATIFS 10

2.1. Problématique (introduction) 11 2.1.1. Mise en scène du sujet 13 2.1.2. Question concernant le sujet 13 2.1.3. Division du sujet 14

2.2. Prise de position (première partie du développement) 15 2.2.1. Précision de vocabulaire 16 2.2.2. Énoncé de la position 19 2.2.3. Explication 19

2.3. Justification (deuxième partie du développement) 21 2.3.1. Arguments 22 2.3.2. Objections et réponses 23

2.4. Synthèse (conclusion) 23 2.4.1. Résumé 24 2.4.2. Élargissement 24

3. L’ÉTUDE DES MARQUES DES TEXTES ARGUMENTATIFS 24

3.1. Analyses lexicales, morphologiques et syntaxiques 24

3.2. Étude textuelle 26

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3.3. Connecteurs 27 3.3.1. Des relations explicites ou implicites 29 3.3.2. Tableau des principaux mots de liaison 29

3.4. Indices d'énonciation 32

4. LES GENRES LITTÉRAIRES ET LES TYPES DE TEXTES ARGUMENTATIFS 37

5. ANALYSE COMPARÉE DES TEXTES ARGUMENTATIFS FRANÇAIS ET LEURS TRADUCTIONS ROUMAINES 42

5.1. L’ÉLOGE 42

5.1.1. Présentation – Expression 43 5.1.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir 44 5.1.1.3. Mise en relation des idées 44

5.1.2. Étude du système d'énonciation 45 5.1.2.1. Identification du locuteur et du destinataire 45 5.1.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) 46 5.1.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) 49 5.1.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte 52

5.1.3. Étude du lexique 53 5.1.3.1. Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques 54 5.1.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites 55 5.1.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue 56 5.1.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot 57 5.1.3.5. Analyse des modalisateurs 58

5.1.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique 58 5.1.4.1. Construction des phrases, types des phrases 59 5.1.4.2. Détermination de la tonalité du texte 61 5.1.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique 61 5.1.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte 64 5.1.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples 65

5.1.5. Étude de la structure logique 66 5.1.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse) 67

5.1.5.2. Caractérisation des arguments et du raisonnement 67

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5.1.5.2.1. Le raisonnement déductif ou inductif 67 5.1.5.2.2. Le raisonnement par analogie 69 5.1.5.2.5. Le raisonnement critique 70 5.1.5.2.6. Le syllogisme 70 5.1.5.3. Identification des connecteurs logiques et chronologiques 71 5.1.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative) 73 5.1.5.5. Explicitation des intentions de l'argumentation 75

5.2. LE PLAIDOYER ET LE RÉQUISITOIRE 75

5.2.1. Présentation – Expression 77 5.2.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir 77 5.2.1.2. Registre de langue et vocabulaire 78 5.2.1.3. Mise en relation des idées 79

5.2.2 Étude du système d'énonciation 80 5.2.2.1. Identification du locuteur et du destinataire 80 5.2.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) 81 5.2.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) 83 5.2.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte 83

5.2.3. Étude du lexique 86 5.2.3.1. Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques 86 5.2.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites 89 5.2.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue 93 5.2.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot 93 5.2.3.5. Analyse des modalisateurs 94

5.2.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique 95 5.2.4.1. Construction des phrases, types des phrases 95 5.2.4.2. Détermination de la tonalité du texte 97 5.2.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique 99 5.2.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte 100 5.2.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples 101

5.2.5. Étude de la structure logique 101 5.2.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse) 101 5.2.5.2. Caractérisation des arguments et du raisonnement 101 5.2.5.3 Identification des connecteurs logiques et chronologiques 103 5.2.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative) 105 5.2.5.5. Explicitation des intentions de l'argumentation 107

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5.3. LA SATIRE 108

5.3.1. Présentation – Expression 110 5.3.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir 110 5.3.1.2. Registre de langue et vocabulaire 111 5.3.1.3. Mise en relation des idées 111

5.3.2. Étude du système d'énonciation 112 5.3.2.1. Identification du locuteur et du destinataire 112 5.3.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) 113 5.3.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) 114 5.3.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte 116

5.3.3. Étude du lexique 117 5.3.3.1 Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques 117 5.3.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites 119 5.3.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue 121 5.3.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot 122 5.3.3.5. Analyse des modalisateurs 123

5.3.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique 123 5.3.4.1. Construction des phrases, types des phrases 123 5.3.4.2. Détermination de la tonalité du texte 125 5.3.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique 126 5.3.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte 128 5.3.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples 129

5.3.5. Étude de la structure logique 130 5.3.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse) 130 5.3.5.3. Identification des connecteurs logiques et chronologiques 133 5.3.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative) 133

6. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 136

7. APPENDICES 138

8. BIBLIOGRAPHIE 142

Bibliographie citations 144

Sitographie 146

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Remerciements

Nous tenons à exprimer nos plus vifs remerciements à Madame Georgiana Lungu Badea, en tant que Directrice de mémoire, s'est toujours montrée à l'écoute et très disponible tout au long de la réalisation de ce mémoire, ainsi pour l'inspiration, l'aide et le temps qu'elle a bien voulu nous consacrer. Des remerciements chaleureux iront aussi à mon amie Ramona Lungu qui m’a soutenue à faire les dernières corrections et à finaliser avec succès ce projet.

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Introduction

Le mémoire ci-présent a pour objectif de présenter la structure des textes argumentatifs français et de parcourir les étapes de la problématique de ceux-ci en s’appuyant sur une analyse pratique des quelques textes français et leurs traductions roumaines. D’abord, la première partie de cette étude est divisée en quatre étapes, l’origine et la structure des textes argumentatifs, l’étude des marques du texte argumentatif et les étapes de la problématique du texte argumentatif. L’étude de cette première section aura pour but de décrire la structure du texte argumentatif. Les divisons des textes argumentatifs correspondent aux trois partie de la structure littéraire: l’introduction comprend la problématique, le développement qui comprend la prise de position et la justification, et la synthèse qui correspond à la conclusion. La problématique correspond à l’introduction du texte, la présentation de la question provoquée par un sujet qui fait débuter la discussion. En fait, la problématique devrait comporter trois parties, normalement présentée dans cet ordre que nous allons justifier à la section 2. Structures des textes argumentatifs: l’exposition du problème dans une mise en scène, la formulation d’une question et la division du texte qui suit où la division du discours est annoncée en indiquant les thèmes présentés En outre, nous allons accorder d’avantage attention à l'analyse des marques du texte argumentatif. Au niveau du contenu, nous présenterons quelques aspects qui détachent le texte argumentatif des autres types de discours: texte narratif, descriptif, explicatif, injonctif. De même, nous montrerons l'importance des indices lexicaux, morphologiques et syntaxiques. L'étude textuelle s'appuiera sur les connecteurs spécifiques qui formes des relations explicites ou implicites et sur les indices d'énonciation (qui parle? à qui?) qui renseignent sur la position de l'auteur par rapport à son énoncé: degré de certitude (modalisateurs), nature du jugement (évaluatifs). Ensuite, la deuxième partie intitulée Analyse comparée des textes argumentatifs français et leurs traductions roumaines, proposera un modèle d’analyse des textes

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argumentatifs et leurs traductions roumaines, chacun respectant les aspects suivants: présentation - expression, étude du système d'énonciation, étude du lexique, étude de la syntaxe et de la rhétorique, étude de la structure logique, identification des connecteurs logiques et chronologiques, progression de l'argumentation (stratégie argumentative), explicitation des intentions de l'argumentation. Dans ce chapitre, nous analyserons trois fragments tirés des textes appartenant au genre oratoire: l’éloge et la satire et au genre judiciaire, le plaidoyer et le réquisitoire. Les œuvres qui nous ont attiré l’attention sont l’Éloge de la folie, le roman plaidoyer, Le rouge et le noir et le roman épistolaire satirique de Montesquieu, Lettres persanes. Nous tenons à préciser que nous avons choisi des textes argumentatifs rédigés en français, c’est le cas de l’œuvre Le rouge et le noir et Lettres persanes. Cependant, nous avons aussi analysé la plus importante œuvre de la Renaissance, l’Éloge de la folie, traduite du latin dans presque toutes les langues de l’Europe. Par conséquent, la première analyse de notre mémoire ne s’appuie sur un texte-source et un texte-cible mais sur deux traductions effectuées de la même langue, le latin. Dans ce sens, nous avons choisi pour l’analyse de l’éloge le chapitre XL tiré de l’œuvre Éloge de la folie et pour la satire, le chapitre XXIV tiré de l’œuvre Lettres persanes de Montesquieu. Quant au plaidoyer et au réquisitoire, nous analyserons le chapitre XLI tiré de l’œuvre Le rouge et le noir qui contient le discours que Julien Sorel a prononcé lors de son procès. L’analyse que nous nous proposons à mettre en place va aussi surprendre des aspects traductologiques, la manière dans laquelle certains syntagmes ont été traduits ou la manière dans laquelle les marques du texte argumentatifs source ont été préservées dans le texte-cible, etc. Le mémoire finit par un dernier chapitre qui présentera les conclusions de notre étude. En plus, nous proposons les perspectives que nous attendrons après une telle activité pratique de recherche.

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1. Origine du texte argumentatif (Historique et généralités) Le discours argumentatif a subi des transformations politiques et culturelles. En outre, la notion d'argumentation est liée à une série d'autres termes clés. Remis à l'honneur à partir des années cinquante, sous le nom de « nouvelle rhétorique » principalement dans le domaine francophone, grâce aux travaux de Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca (1958), la technique de l'argumentation avait connu une longue pause due au déclin de la rhétorique surtout après l'époque romaine. « La philosophie de Chaïm Perelman permet de conférer un sens technique à la notion de « raisonnement » dans le contexte juridique: il ne s’agit pas de s’intéresser aux opérations mentales qui conduisent un juge à prendre une décision, mais aux opérations discursives par lesquelles il produit à l’adresse d’un auditoire un discours de justification de cette décision.» À l’époque de la renaissance et à l'époque baroque l'argumentation rhétorique a été réétudiée comme une pratique renouvelée, (Lampereu: 1991). Dès le seizième siècle, celle-ci a été codifiée et enseignée comme une discipline par excellence, en particulièrement dans les collèges jésuites. Dans les années 70, Chaïm Perelman reprend la renaissance et la réhabilitation de la rhétorique après avoir examiné les rapports entre la rhétorique et la dialectique, tel qu’ils ont été établis par Aristote dans sa Rhétorique (2010). L'ouvrage traite les causes du déclin de la rhétorique et élucide les rapports de la nouvelle rhétorique avec la théorie de l'argumentation1

Plus tard, dans son ouvrage L'Argumentation selon Perelman (2000), Roland Schmetz proposait une lecture du Traité de l'argumentation, en mettant en évidence le fil conducteur de la réflexion de Perlman. Il y montre que Perelman a voulu donner une position autonome à

1 De même, dans le domaine anglo-saxon (Toulmin: 1958), la même année paraît un ouvrage qui jouera un rôle analogue à celui de Chaïm Perelman.

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l'argumentation, généralement coincée entre la logique et l'art sophistiqué de la persuasion. De plus, l'interprétation du philosophe belge est accompagnée d'une discussion critique avec les commentateurs, ainsi que d'une comparaison entre le Traité de l'argumentation et les théories de l'argumentation de cette époque-là. Aujourd'hui, la rhétorique est devenue un objet d'étude pour les étudiants en sciences humaines intéressés par la communication, l'analyse du discours et l’évolution du concept. La situation contemporaine est caractérisée par un usage généralisé du terme « argumentation » à travers les disciplines, et par la recherche d'un consensus minimal sur une méthodologie et sur l'ensemble des concepts. L’argumentation comme objet d’étude, est analysée de perspectives variées. Perelman (1977) insiste notamment sur l’importance de l’auditoire en argumentation. Grize (1982) étudie le fonctionnement du raisonnement en langage naturel tandis que Toulmin (1983) analyse le de véridicité des énoncés argumentatives. L’insertion de l’argumentation dans une situation de communication débouche sur une réflexion à propos des présupposées discursives et de l’implicite dans l’argumentation (Anscombre et Ducrot, 1983), en même temps que sur l’implication des interlocuteurs. Cette façon de voir l’argumentation comme objet complexe a conduit notamment à s’interroger sur les différentes opérations argumentatives à l’œuvre lors de la production du texte argumentatif, qui correspondraient à des opérations cognitives (Golder et Coirier, 1996). En outre, cette vision globale du texte argumentatif a mené à sa modélisation qui porte sur le plan et sur le type d’arguments.

2. Structure des textes argumentatifs Le texte argumentatif offre la possibilité de défendre une thèse soutenue avec des arguments. Le texte argumentatif, comme son nom l'indique, est une rédaction où nous devons prendre position, la justifier à l'aide des arguments rationnels, envisager des objectifs et y répondre. Avant de commencer à écrire un texte argumentatif, il est essentiel de bien comprendre la problématique traitée2 (Schmetz: 2000). Une recherche textuelle s'impose donc afin d'inventorier les divers points de vue et les arguments qui seront présentés. À cette étape, il est recommandé de rédiger un tableau synthétique résumant les principaux arguments3 de tous les protagonistes afin d'apprécier la valeur respective. La rédaction suppose d’abord avoir établi un plan qui résume les idées principales du développement du travail dont la position à défendre, les arguments à faire valoir ainsi que les objections et leurs réponses.

2 «…ce qui est admis comme points de départ des raisonnements et ensuite la manière dont ceux-ci se développe grâce à un ensemble de procédés de liaison et de dissociation » (Perelman, Olbrechts-Tyteca, 1958: 87. 3 « […] ressemblent à un magasin servant à argumenter sur quelque chose », (Schmetz, 2000: 165).

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2.1. Problématique (introduction) La problématique correspond à l'introduction du texte, c’est-à-dire la présentation de la question (ou du problème) provoquée par un sujet qui prête à discussion. La problématique comporte trois parties, normalement présentées dans cet ordre: l'exposition du problème dans une mise en scène, la formulation d'une question et la division de la suite du texte. La problématique est construite de l’ensemble des réponses aux questions qui se posent à partir de l’énoncé de base de la situation problème qui propose une réponse provisoire l’hypothèse, qui sera infirmée ou confirmée par l’observation ou expérimentation4. Le vide entre les données de base et l’hypothèse doit être rempli à partir des questions intermédiaires à inventer et dont les réponses progressives permettent de relier les « deux parties » de la situation problème. En bref, l'ensemble constitué par le thème, l’objet d'étude, le champ d'analyse, la théorie de référence représent la problématique. Pour certains auteurs, la problématique est la manière d’argumenter et de poser la question, pour d’autres, elle est plutôt le projet de traitement de la question. Quoi qu’il en soit, toute problématique se termine par une question, et l’hypothèse constitue la réponse (provisoire), à cette question. Les hypothèses découlent naturellement de la problématique. L’hypothèse est une proposition de réponse à la question donnée et correspond à une relation entre des faits significatifs. Bien que l’hypothèse soit établie en début de la recherche, assez souvent elle n’est pas constante. Le premier travail est de la formuler et de la rendre consciente. L’ensemble des hypothèses constitue le corpus d’hypothèses, mais c’est l’ensemble thème-champs d’analyse - corps d’hypothèses - modèle théorique de référence qui constitue à son tour la problématique. Généralement, il existe deux types d’hypothèses dans une recherche:

1) l’hypothèse générale ou principale 2) les hypothèses opérationnelles ou secondaires

Madeleine Grawitz, (2002: 308) distingue trois types d’hypothèses:

1) hypothèses supposant l’existence d’uniformités permettant de quantifier des distributions de comportements;

4 C’est-à-dire la vérification de la validité de la proposition, avec un outil d’investigation, par exemple un questionnaire, des entretiens ou bien d’autres.

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2) hypothèses supposant l’existence de liens logiques à partir de corrélations empiriques; 3)hypothèses concernant des relations entre variables analytiques et complexes.

Enfin, il est important de noter qu’une hypothèse est toujours vérifiable. Celle-ci met en cause des faits réels, ne comporte pas de jugements de valeur (bon, mauvais) et peut se rattacher à une théorie existante. L’élaboration de la problématique se fait donc en trois temps.

D’abord, il convient de faire d'abord le point sur le problème tel qu'il est posé par les constats de terrain, le questionnement de départ enrichi par la recherche documentaire (lectures) et les entretiens de la phase exploratoire. Concrètement, cela consiste, d'une part, à repérer et à décrire les différents aspects ou dimensions du problème du point de vue sociologique, psychologique, économique, politique, institutionnelle, juridique etc. et, d'autre part, à prendre en compte le vécu du problème par les principaux protagonistes: population, professionnels, hiérarchies, institutions etc. Il s’agira ensuite de présenter les liens et les oppositions qui existent entre ces aspects ou les dimensions et les points de vue d’acteurs. Enfin, il faut replacer l’ensemble dans la perspective de diverses approches se rattachant implicitement ou explicitement à des systèmes théoriques qui pourraient servir comme cadre à autant de problématiques. Puis, il s'agit soit d'inscrire son travail dans un des cadres théoriques exposés, soit d’élaborer un nouveau modèle. Nous avons souvent l’intérêt de faire référence à un cadre théorique existant. Ce choix se fait en tenant compte des convergences apparaissant entre le cadre théorique, la question de départ et les autres informations retirées de la phase exploratoire. Après avoir éclairci la question de la problématique, la question de départ prend un sens particulier et précis. Lorsque celle-ci n'a pas été bien précisée antérieurement, le choix d'une problématique est aussi l'occasion de reformuler la question de départ ou les point(s) de départ5 en référence à un cadre théorique particulier et de la rendre plus précise.

Enfin, il s'agit d'expliciter la problématique de la question de départ. Pratiquement, l'opération consiste à exposer les concepts fondamentaux et la structure conceptuelle qui fondent les propositions élaborées en réponse à la question de départ et qui vont prendre forme définitive dans la construction.

5 Les points de départ sont définis par Perelman dans la seconde partie du Traité comme le choix des données et leur adaptation en vue de l'argumentation.

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2.1.1. Mise en scène du sujet

La mise en scène (ou sujet amené) est la partie de la problématique où le sujet est traité de façon à faire ressortir la pertinence et l'intérêt de la question. Par exemple, en présentant brièvement le contexte ou l'histoire, nous constatons de différents points de vue qui s'opposent, en faisant valoir leur importance etc. À cette étape a lieu la mise en scène du décor. De plus, l'auteur du texte argumentatif n'hésitera pas à mettre en scène d'autres voix que la sienne, certaines renforçant son dire, d'autres s'y opposant. « Il devient le maître d'œuvre d'une polyphonie du discours et ses ressources sont nombreuses », (Ducrot, 1984: 204) En effet, l'auteur peut rapporter explicitement les paroles d'un ou de plusieurs autres locuteurs par le discours direct ou indirect, en leur attribuant un rôle dans son argumentation. Ce locuteur n'est pas nécessairement une personne précise, un autre producteur empirique de discours, il peut être défini par une locution comme « certains disent que... », précédant le discours rapporté, par exemple. Mais l'auteur ne se contente pas de faire intervenir explicitement d'autres locuteurs dans son texte, assertant ainsi un discours second. Il met également en scène différents énonciateurs, qui sont des voix responsables de certains énoncés, sans que leurs paroles soient rapportées explicitement. Ces voix expriment un point de vue particulier sur l'objet du discours; l'auteur fait ainsi allusion à un ou à plusieurs discours seconds. Certains indices permettent d'associer un énoncé à un énonciateur particulier (par exemple un emploi lexical particulier), mais ce n'est pas toujours le cas. Ce sera alors le contexte qui guidera l'interprétation. De plus, plusieurs énonciateurs peuvent intervenir dans le même énoncé. C'est la mise en scène de toutes ces voix: auteur modèle, locuteurs et énonciateurs, qui constitue la « polyphonie du discours » (Depretto, 1984: 50-53), citée par Ducrot, (1980: 1036).

2.1.2. Question concernant le sujet

L'objectif du discours argumentatif est de défendre ou de combattre une thèse, une opinion, un point de vue, qui réponde à une problématique. Il faut convaincre un adversaire, soit pour modifier son opinion ou son jugement, soit pour l’inciter à agir. Une thèse est une réponse à cette problématique, une prise de position tranchée ou nuancée. Argumenter, (Luck: 2010) c’est donc définir la stratégie la plus efficace, la plus habile pour:

6 Cet ouvrage reprend, avec des améliorations apportées et des mises à jour, un certain nombre de travaux échelonné au long des années 1968-1984 aux problèmes linguistique de l'énonciation. Le thème général est que le sens d'un énoncé le dit, comporte des allusions à l'événement historique constitué par l'apparition de l'énoncé et représente un commentaire du dire.

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faire connaître sa position, sa thèse, la faire admettre à un lecteur ou à un auditoire, ébranler des contradicteurs, faire douter un adversaire, faire basculer les indécis, contredire une thèse opposée, critiquer une position contraire ou éloignée, démontrer avec rigueur, ordre et progression, se mettre en valeur, servir une cause, un parti, une foi… marquer les esprits par des effets de logique, de présentation, de mise en perspective,

des procédés oratoires… Toutes ces finalités isolées ou combinées donnent naissance à une variété de formes et de tonalités qui rendent chaque tentative d’argumentation très originale et parfois difficile à discerner.

2.1.3. Division du sujet La division de sujet (ou sujet divisé), comme le dit son nom, est la partie dans laquelle est présentée la division du texte en indiquant quels seront les thèmes présentés et la démarche (le comment). Selon la méthodologie générale de Georges Vignaux, (1976: 50), nous ne pouvons pas parler d’un corpus des thèmes divisés sans présenter la cartographie des mises en relations internes aux discours (thématisassions et déterminations) et leurs architecturassions sémantiques qui permettent de:

Spécifier concrètement les constructions de « zones » signifiantes où les opérations suivantes seront réunies:

- logiques (entre contenus), - cognitives (mentales), - énonciatives (placements et positionnements des sujets);

Analyser les formes de jugements établis dans les discours. Ces jugements doivent viser les catégorisations des sujets dans des contextes, des espaces et des finalités déterminés;

Établir en conséquence, pour chaque type de discours et de représentation, une

« grammaire des idées » qui permet la mise à jour de “points-clés” autour et à partir desquels vont se distribuer des consensus, des oppositions ou des conflictualités;

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Dans son ouvrage, L’Argumentation. Introduction a l’étude du discours, (1998: 337), Mariana Tuţescu rappelle le concept fondamental de l’ouvrage de Georges Vignaux, celui de théâtralité. Tenir un discours devant quelqu’un en lui proposant une représentation a pour but d’intervenir sur son jugement et sur ses attitudes, bref de le persuader ou bien de le convaincre. Comme au théâtre, la représentation doit le toucher, l’émouvoir: « L’argumentation est théâtralité », (Vignaux, 1976: 71). Le dit aussi, il a une structure théâtrale, dont les éléments sont: - Les acteurs - sujets ou objets, les uns et les autres pouvant être agissants ou agis. Les acteurs peuvent être aussi des notions plus générales. - Les procès - relations entre acteurs, relations acteurs - situations, comportements, modes d’existence ou d’action. - Les situations - définies par leurs origines, leurs effets et l’impact de leurs modes d’existence, notamment à partir des relations entre acteurs et procès qui les précisent et dont elles permettent la détermination. C’est la catégorie qui précise donc: les lieux spatio-temporels, les contextes où le rapport acteurs-procès naît, champs clos construits par le sujet énonciateur. En fin, la théâtralité discursive se caractérise aussi par l’idée d’ordre: l’ordre de composition du discours, l’ordre des questions à traiter, l’ordre des arguments à développer. Ces phénomènes se rapportent à ce que l’ancienne rhétorique rangeait sous les notions d’exposition, de disposition ou de méthode. L’opération fondamentale d’ordre traduit la liberté du sujet énonciateur dans la composition de son dire et donc la construction des représentations qu’il souhaite imposer à l’auditoire. L’opération d’ordre est le lieu de stratégies précises dont l’existence est fondée sur la relation sujet-auditoire. Les nécessités de l’enchaînement discursif imposent l’utilisation de certains arguments qui précédent d’autres. Le discours lui-même peut être tout entier un argument constitué par cet ordre. Les catégories argumentatives de la direction, de la gradation et de l’amplification manifestent ainsi la pertinence de l’ordre comme stratégie du sujet. À cet égard, l’argument de la direction, en particulier, répond au souci de ne pas livrer immédiatement l’étendue du raisonnement.

2.2. Prise de position (première partie du développement)

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« Dans le sens courant, prendre position, c'est trancher; c'est se prononcer sur une question permettant des réponses alternatives et s'engager explicitement en assumant le risque implique par son choix […]. », affirme Amossy (2004: 10). Par la prise de position nous comprenons « une adhésion déclarée et non motivée, mais comme un élément constitutif de la parole argumentative qui déploie un raisonnement en vue de motiver la sélection d'une réponse à une question autorisant des réponses alternatives. » (Amossy, 2004: 10) Les objectifs de cette première étape dans le processus d’argumentation sont de concevoir et choisir approximativement un objet d'étude ou un thème d'intérêt. Énoncer l'hypothèse en introduction signifie rendre caduc le parti parfois pris de consacrer tout le premier point du développement à une mise en contexte détaillée du problème retenu et cela afin de mieux comprendre le problème et le contexte. Une introduction générale et une courte présentation de la partie principale doivent satisfaire aux exigences d'une mise en place succincte et appropriée des principaux aspects contextuels du problème. L'hypothèse est un énoncé à examiner en détail plus tard dans le discours qui a pour but de nous approcher au maximum de ce qui peut être tenu pour probable et crédible. Il est important de noter que la prise de position de l’argumentateur se manifeste aussi par le choix de son vocabulaire: champs lexicaux, vocabulaire des sentiments et de l’opinion. Tous les moyens employés pour donner du poids à la thèse défendue ou une efficacité par rapport au destinataire constituent la stratégie argumentative. En fonction du but recherché, le choix se justifie par l’intention de démontrer / convaincre / persuader.

2.2.1. Précision de vocabulaire Une position justifiable s’appuye sur des arguments défendables rationnellement. Pour qu’une action soit justifiable au plan moral, elle doit être conforme à une valeur fondamentale, de portée universelle, et entraîner les meilleures conséquences possibles pour toutes les personnes en cause. La valeur morale qui correspond le mieux à ce critère est le respect de la personne humaine, de sa vie, de sa liberté et de son intégrité.

2.2.1.1. Le vocabulaire et les arguments affectifs Pour persuader, nous utilisons des moyens indirects, voire irrationnels, qui faussent subtilement l'argumentation est parfois difficile de démasquer l'implicite ou l'ironie. La persuasion s’appuie plutôt sur l'affectif, les sentiments, les émotions (compassion / pitié, ou colère / indignation etc.). L’auteur du texte argumentatif cherche à séduire l'interlocuteur, à le

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charmer, à ridiculiser l'adversaire et ses thèses. En utilisant ces méthodes nous entraînons l'adhésion de l'autre envers nos dites que de le convaincre de façon rationnelle. Le vocabulaire affectif est défini comme l'ensemble des mots impliquant une réaction émotionnelle ou un engagement affectif de l'auteur d'un énoncé (pitié, sympathie, colère, indignation etc.). Par l'emploi de ce type de vocabulaire, l'énonciateur cherche à susciter les mêmes émotions ou sentiments chez celui qui lit ou l'écoute. Les arguments affectifs se distribuent en deux catégories: l'ethos et le pathos.

L'ethos est l'image que l'orateur ou l'auteur du discours donnée de lui-même à travers son discours. Il rassemble les notations adoptées pour s'attirer la bienveillance des destinataires. Cette attitude peut être faite de modestie, de bon sens, d'attention aux destinataires etc. Le pathos, la seconde catégorie d'arguments affectifs rassemble les notations visant à éveiller les passions de l'auditoire. Le pathos peut notamment prendre la forme d'apostrophes véhémentes ou encore d'exclamations.

2.2.1.2. Le vocabulaire évaluatif et les arguments rationnels Le vocabulaire évaluatif est défini comme l'ensemble des mots impliquant un jugement de valeur de celui qui s'exprime. Ces mots sont valorisants ou dévalorisants, et révèlent ce que l'auteur de l'énoncé trouve beau, bon, ou l'inverse (le contraire). Par l'emploi de ce vocabulaire, il cherche à faire partager ses valeurs par son interlocuteur, à lui faire admettre son point de vue. Les arguments rationnels: preuves extrinsèques et intrinsèques (ou lieux). Pour persuader, un discours doit également s'adresser à la raison de l'auditoire. C'est là qu'interviennent les arguments rationnels. Ceux-ci appartiennent à deux catégories distinctes, selon qu'ils renvoient à des éléments extérieurs au discours ou qu'ils renvoient à des éléments internes au discours.

1) Les preuves extrinsèques sont des arguments évoqués dans le discours, mais qui existent indépendamment de lui. Il peut s'agir, par exemple, d'une preuve à conviction dans le cas d'un discours judiciaire ou de l'invasion d'une armée dans le cas d'un discours délibératif ou des qualités personnelles d'un défunt dans le cas du discours démonstratif.

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2) Preuves intrinsèques (ou lieux) sont des arguments proprement discursifs. Ils constituent en somme les ressources rationnelles inhérentes au langage.

Ainsi des proverbes, des exemples ou encore des maximes qui offrent un répertoire de formules discursives prêtes à l'emploi. Ces formules permettent d'apporter au discours qui les accueille la caution de la tradition populaire ou savante. De même, des structures logiques comme les rapports de cause à effet, du tout et des parties, du genre et de l'espèce, des contraires, du comparant et du comparé sont considérées comme des preuves intrinsèques, parce qu'elles tiennent aux capacités d'organisation propres à la langue.

2.2.1.3. Les modalisateurs

« L'emploi des modalisateurs illocutoires (MI) dans le discours argumentatif et les combinaisons possibles des MI avec des séquences fonctionnant comme des arguments ou comme des conclusions, leur insertion dans les différentes stratégies argumentatives (la crédibilité, l'interrogation, la réfutation, la concession etc.) et les valeurs argumentatives associées à la présence des MI dans des interventions d’initiation ou de réaction. » (Ionescu, 2008: 203) Les modalisateurs sont des mots ou expressions signalant le degré de certitude de celui qui s'exprime aux idées qu'il formule. Ils indiquent si, pour lui, ces idées sont vraies, douteuses ou fausses. Donc la valeur des modalisateurs sera la certitude ou l'incertitude.

Les Modalisateurs (Cf. Bühler, 1995: 44)

Certitude Incertitude

Adjectifs sûr, certain, inévitable, clair, évident...

douteux, incertain, vraisemblable, probable, possible...

Adverbes assurément, forcément, réellement, certainement, incontestablement...

vraisemblablement, peut-être, probablement....

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Expressions toutes faites

à coup sûr, sans aucun doute, de toute évidence...

selon toute vraisemblance, à ce qu'on dit, je ne sais quel...

Verbes d'opinion

assurer, affirmer, certifier, admettre...

penser, croire, douter, supposer, souhaiter, espérer, prétendre, sembler...

Verbes impersonnels

il apparaît clairement que, il est sûr que...

il se peut que, il semble que, il est possible que...

Une fois le repérage du vocabulaire affectif ou évaluatif et des modalisateurs effectué, il convient de dresser un bilan de ce que l'ensemble de ces indices nous apprennent. Le bilan peut être effectué:

- à propos du jugement que porte le locuteur sur un ou plusieurs interlocuteur(s); - à propos du rôle que cherche à jouer le locuteur parmi les autres interlocuteurs (présents ou absents dans) qu'il connaît; - à propos de traits de caractère du locuteur, dont il a ou non conscience (sa timidité ou son audace, son humilité ou son orgueil, son objectivité ou sa subjectivité, son hésitation ou son assurance etc.).

L'ensemble de ces constatations permet de mieux réunir la présentation des arguments dans le discours.

2.2.2. Énoncé de la position « Toute parole est nécessairement argumentative. C'est un résultat concret de l'énonce en situation. Tout énoncé vise à agir sur son destinataire, sur autrui, et à transformer son système de pensée. Tout énoncé vise à agir sur son destinataire, sur autrui, et à transformer son système de pensée. Tout énoncé oblige ou incite autrui à croire, à voir, à faire, autrement. » (Plantin, 1996: 18) Dans la partie sur l'énoncé de la position, se présente clairement la réponse à la question posée dans la problématique. Selon Jean-Michel Adam des énoncés successifs peuvent êtres interprétés comme des phrases argumentatives dans la mesure où elles visent à rendre crédible ou acceptable un énoncé appuyé sur un autre énoncé argumentatif.

2.2.3. Explication

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L'explication est basée sur l'acte d'expliquer, ou de faire comprendre quelque chose à quelqu'un. Expliquer, c'est donner des raisons, c'est rendre compte d'un phénomène ou d'un fait. Selon le dictionnaire Littré « l'explication » se défint comme « le discours par lequel on expose quelque chose de manière à en donner l'intelligence et la raison ». Expliquer exige une prise de distance du locuteur, une sorte de décentration par rapport aux valeurs, un refus des investissements subjectifs. Dans le discours explicatif, « le locuteur se décentre, se fait témoin ou observateur. De plus, l'explication doit répondre à un problème spécifique, repérable dans la description qui est dominée par l'explicandum, ce qui présuppose que le fait décrit existe et qu'il est modalisé d'une certaine façon. L'explication doit encore fournir, dans l'explicans, des éléments qui sont hétérogènes par rapport à cette description. « Enfin, l'aspect sous lequel le phénomène à expliquer est analysé par l'explication n'est pas indépendant des conditions dans lesquelles l'explication est donnée et de la finalité » (Borel, 1981: 31). Les règles d’échange d’information dans l’explication se divisent en trois situations:

- il connaît ce dont il parle et il sait plus que l'autre; - il est neutre par rapport à son objet dont il présente une représentation objective; - le thème de son discours répond à une question qui intéresse l'autre.

Conformément à ces critères, un discours explicatif est recevable. Mais fort souvent, l'explication peut glisser vers un discours polémique. Le refus polémique cache dans ce cas un double statut: le discours reçu peut être contesté dans ce qu'il dit, dans sa valeur de vérité notamment, et on dira par exemple: « Ce n'est pas une bonne explication » ou bien il pourra être rejeté en disant: « Ce n'est pas une explication », le discours tenu n'étant pas le bon discours. Toutefois, il faut dire que l'essence de l'explication n'est pas polémique. L'argumentation, par contre, a souvent une haute vocation polémique. Pour être reçu, le discours explicatif doit s’identifier comme exempt d'éléments polémiques. L'explication est un discours conçu pour répondre à un « pourquoi ? » implicite du destinataire. À remarquer que l'explication est un discours à la troisième personne, ayant pour objet une temporalité passée ou présente: « On n'explique pas ce qui adviendra (la prévision est certes liée à l'explication mais ne s'y réduit pas, à moins d'un coup de force verbal qui ligote l'interlocuteur » (Borel, 1981: 31). Le discours explicatif s'oriente plutôt vers la description des faits et des phénomènes. Dans ce type de discours, un phénomène singulier, l'objet à expliquer, explicandum est rapporté à un schéma, puis il est ré-décrit en fonction de ce schéma. C'est le phénomène de « l'ancrage de l'explication »: savoir pourquoi un phénomène devait se produire ou une situation être ainsi, savoir comment un événement, une situation ont pu être possibles.

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La production de l'explication fait converger - selon Marie-Jeanne Borel deux démarches différentes s’imposent:

- une démarche interprétative, suscitée par la question (implicite le plus souvent), et qui consiste dans la recherche d'une raison qui explique expliquant.

- une démarche justificative, contenant des preuves factuelles ou déductives,

dans laquelle l'explicandum devient conséquence de la raison donnée et par là expliquée.

Le discours didactique et le discours scientifique sont des aspects de l'explication. Le discours politique actualiserait la composante justificative de l'explication. Il faut noter que les connecteurs « parce que, puisque » et « car » marquent explicitement le type textuel explicatif.

2.3. Justification (deuxième partie du développement) Lors de l’argumentation, l’auteur cherche à justifier une thèse (opinion) à l’aide d’une ou plusieurs raisons appelées arguments ou prémisses. L’argumentation fait habituellement référence à deux ou plusieurs personnes, des temps, un lieu, un ou plusieurs sujets etc. Toutefois, il est possible d’extraire de l’argumentation un principe qui ne fait mention ni de personne, ni de temps ni de lieu. Un principe, c’est un jugement ayant une portée générale, quasi-universelle, d’où découle des jugements particuliers. Un principe ne traite pas directement de la thèse de l’argumentation. La thèse est un jugement particulier qui découle indirectement du principe (Grize, 1982). Ruth Amossy et Roselyne Koren écrit: « Emmanuel de Jonge, qui se penche sur la Déclaration d’Indépendance américaine, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, se fonde sur Toulmin et place le point fort de l’articulation entre AD7 et argumentation dans la procédure de justification, définie en termes de « garantie ». C’est l’inscription du pathos dans le discours et ses enjeux qui se trouvent au centre de l’étude de Raphaël Micheli sur les débats parlementaires sur la peine de mort, et de Claire Sukiennik sur la présentation de l’Intifada al-Aqsa par la presse écrite en France. »

7 L’analyse du discours (Amossy, Koren, 2008)

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Cependant, nous ne pouvons traiter le sujet « justification » sans faire référence au domaine où celle-ci est utilisée fréquemment, le droit. Pfersmann admet que les avocats, et même parfois les juges, font référence à des justifications et des principes qui ne sont pas de nature juridique (Cf. Pfersmann, 1998: 104-133).

2.3.1. Arguments La partie des arguments répond essentiellement à la question, les raisons de défense de position. C'est dans cette partie que les prémisses qui soutiennent la position assurent leur validité et de leur suffisance. Ces prémisses se présentent soit avec une explication qui l’indique, par exemple, la source, le sens, les implications ou encore avec une argumentation qui en justifie le bien-fondé: dans ce dernier cas, l’argument est lui-même une conclusion intermédiaire servant de prémisse à la conclusion principale, soit la position défendue dans le texte argumentatif. Quelques types de raisonnements (Arcand, Bourbeau, 1998: 137) Dans cette section, nous allons passer en revue quelque type de raisonnement. Dans la deuxième partie de ce mémoire, chapitre Caractérisation des arguments et du raisonnement, nous allons repérer des exemples des raisonnements tirés des textes que nous avons choisis pour l’analyse: l’Éloge de la folie, Le rouge et le noir, Lettres persanes. Raisonnement par induction est le raisonnement qui part du particulier pour arriver à une loi générale. La généralisation peut conduire à une vérification, une illustration grâce aux exemples. Dans l'induction par généralisation, nous avons comme point de départ des faits particuliers pour arriver à une affirmation générale, une hypothèse synthétisante. Raisonnement par déduction (ou raisonnement déductif): c'est une loi générale qui permet d'établir une conclusion sur un fait particulier. Des deux prémisses (arguments) on déduit une conclusion, le raisonnement part du général pour traiter un cas particulier. Le syllogisme se compose de trois propositions: deux prémisses et une conséquence ou conclusion. L'une des prémisses s'appelle la majeure parce qu'elle renferme l'idée générale; l'autre porte le nom de mineure parce qu'elle énonce la proposition particulière. Raisonnement analogique: l’établissement d'une similitude de rapports entre deux couples de termes (A est à B comme C est à D). L'analogie envisage des faits qui n'appartiennent pas au même univers de discours.

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La métaphore est une analogie raccourcie. Raisonnement d'autorité consiste à citer quelqu'un qui fait autorité (par exemple: un grand auteur) pour valider une proposition. L'argument d'autorité peut renforcer un argument ou faire office d'argument. Raisonnement causal s'appuie sur les causes d'un fait, d'une situation, d'un phénomène pour en tirer des conséquences.

« Nous distinguons parfois le raisonnement causal proprement dit (une cause produit un effet précis), du raisonnement structural où l'on analyse un ensemble de rapports complexes dans lesquels les éléments sont réciproques. »

Le raisonnement dialectique, comme dans la déduction, le raisonnement dialectique part de deux propositions contraires, voire contradictoires (Thèse / Antithèse). Tandis que la déduction ne fait qu'exprimer ce qui est impliqué dans les prémisses, la conclusion du raisonnement dialectique apporte quelque chose de neuf; elle manifeste une pensée en mouvement. Le raisonnement dialectique, en effet, produit des idées nouvelles à partir de propositions de départ qui s'opposent (Synthèse).

2.3.2. Objections et réponses Une objection est un argument qui remet en cause la valeur d’un autre argument. Nous avons sans doute de bonnes raisons de défendre une telle position, mais s’il s’agit d’une question débattue de façon significative. Il y a sûrement de bonnes raisons pour d'autres personnes intelligentes de défendre un point de vue différent du nôtre. Nous nous attendons donc, que non seulement nous connaissions les objections (contre-arguments) à notre position, mais à ce que nous puissions en prévoir et leur répondre ou cas où elles ne sont pas convaincantes. Dans le texte argumentatif, il faut présenter une ou deux objections significatives à la thèse. Si elles sont valides et suffisantes, il faut les accepter et expliquer pourquoi elles ne nous ont pas amenés à changer la position. Nous avons toujours la possibilité de les réfuter en exposant les faits insuffisants.

2.4. Synthèse (conclusion)

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La synthèse ou la conclusion d'un texte argumentatif comporte un résumé des arguments dans un raisonnement qui les relie à la position et un élargissement.

2.4.1. Résumé Résumer, c'est recomposer un texte où l'on exprime avec un minimum de mots les idées, les arguments, le mouvement même de la pensée de l'auteur, en restant fidèle, dans la mesure du possible, à son esprit et son ton. Il faut donc rappeler de façon explicite, dans un bref résumé, la problématique discutée, la position défendue, les arguments utilisés et les objections envisagées. Un lecteur devrait pouvoir comprendre l’essentiel du travail à partir de la lecture de ce résumé.

2.4.2. Élargissement Vu le fait qu’un sujet n'est jamais parfaitement exploité ni épuisé, la synthèse d'un texte argumentatif se termine par un élargissement, c'est-à-dire la présentation des limites de l’exposé ouvrant sur une perspective plus vaste ou rattachant la question traitée à un problème nouveau.

3. L’étude des marques des textes argumentatifs

Dans ce chapitre nous traiterons les caractéristiques des analyses lexicales, morphologiques et syntaxiques des textes argumentatifs, l’étude textuelle, les connecteurs et implicitement les relations explicites ou implicites où nous ajoutons un tableau des principaux mots de liaison. Ensuite, nous allons présenter les indices d'énonciation et une particularité du texte argumentatif, les modalisations et modalisateurs.

3.1. Analyses lexicales, morphologiques et syntaxiques

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L’analyse lexicale du texte argumentatif suppose à la fois l’observation et l’analyse des occurrences du texte étudié. Cette analyse traite la problématique de manière plus large et détermine le sens dans le texte en fonction de la:

- contextualisation des mots dans la phrase; - contextualisation des phrases dans le texte c'est-à-dire les isotopies lexicales, les champs lexicaux, les champs associatifs.

Catherine Fuchs définie la notion de champ comme « la structure d’un domaine linguistique donné ». Elle considère que les deux concepts de champ sémantique et de champ lexical sont assez souvent confondés: le premier désigne l’ensemble des significations d’un mot et le second un ensemble d’unités lexicales entretenant entre elles des relations en occurrence sémantiques (synonymie, antonymie, hyperonymie / hyponymie). La notion d’isotopie (isotopie sémantique, pour être exacte) n’est pas sans rapport avec la notion de champ lexical, celle-ci permettant, cependant, une appréhension plus large d’un thème ou d’un motif qui se développerait dans un texte. Une isotopie est un ensemble de mots qui renvoie aussi au même thème (iso = même du point de vue étymologiquement), mais par un jeu de références, de sens implicites ou seconds, figurés, sens qui ne se comprennent que dans le contexte (le texte en entier). L’analyse morphologique est définie comme un automate qui traite isolément chaque forme d’un texte en lui associant des traits informationnels (ou propriétés). L’analyse morphologique combine deux fonctions:

1- une fonction classificatoire, de nature lexicale, qui consiste à attribuer à chaque forme du texte une catégorie syntaxique, 2- une fonction calculatoire ou flexionnelle, qui consiste, à partir d’une forme donnée, à calculer sa base pour accéder au lexique.

Une solution consiste à calculer comment une forme provient d’une base, à condition qu’il existe un dictionnaire qui donne pour chaque base, le modèle de son comportement flexionnel. Le modèle de découpage d’une forme en base et flexions n’est pas un calcul purement combinatoire, il obéit à des règles d’ordre linguistique défini par: A. Berrendonner en 1983 et complété par M. Le Guern et J-P Metzger en 1988. Le but du traitement morphologique consiste à dégager un maximum de solutions fondées sur un certain nombre de considérations d'ordre syntaxique (Fay-Varnier, 1991: 403-425): la facilité de pouvoir modifier la grammaire des syntagmes nominaux sans devoir modifier le traitement morphologique. L’analyse morphologique comprend l’analyse de certaines formes occurrentes en procédant à l’élargissement de l’étude en passant par la variation (de la forme des mots selon le

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contexte (conjugaison, déclinaison), la flexion (l’ajout d'un affixe qui ne crée pas un nouveau lexème mais qui intervient avec un changement au niveau grammatical, genre, nombre, personne, sans altération du sémantisme du cœur lexical) et par la dérivation (la création d'un nouveau lexème par l'ajout d'un affixe apportant un changement au niveau sémantique). « Les mots de la langue ne signifient que des propriétés et jamais des entités ou objet du monde réel. Ils signifient des attributs et non des substances, tant qu'ils ne sont pas mis en œuvre dans un univers de discours. », Sahbi Sidhom (2002: 62). Cependant, l'analyse syntaxique a besoin de caractériser les unités linguistiques du texte en connaissant un certain nombre d'informations qui se rapportent à eux.

- Analyse du fonctionnement syntaxique de constructions complexes représentées dans le texte étudié par l’intégration des interrelations syntaxiques. Au niveau des phrases les différents groupes sont délimités ainsi que les relations entre eux. - Relations syntaxiques et relations logico-sémantiques: l’expression de la concession, de la conséquence, de l’hypothèse.

Ce type d’analyse a pour but de découvrir le sens du regroupement des mots liés en syntagmes, groupe ou syntagme: nominal, adjectival, verbal, prépositionnel, liens syntaxiques ou rattachements entre syntagmes ou fonctions syntaxiques (sujet, COD, COI etc.)

3.2. Étude textuelle L’étude textuelle suppose premièrement, l’acquisition d’une méthode de lecture pour l’analyse des textes: la construction du sens dans le texte.

- la référence: référence contextuelle soit déictique. (T. Fraser et A. Joly, 1979: 107) considèrent, pour leur part, que la référence contextuelle « paraît devoir être interprétée comme une référence situationnelle » qui dépend, donc, de la situation. - la cohésion textuelle; - les chaines référentielles: les reprises anaphoriques (anaphore et cataphore); - les reprises lexicales, l’exprimation variée (recours à l’hyperonymie, à la synonymie, à la métonymie); - l’isotopie lexicale, c-est-à-dire une structures sémantiques générales. Une isotopie est l’effet de la récurrence d’une unité sémantique le long d’un texte.

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Cette unité sémantique, un terme, traduit l’appartenance de plusieurs signifiés à la même zone sémantique, cette zone pouvant être caractérisée par ce même terme ou marqueur sémantique. (Greimas, 1986: 25); - l’organisation des temps verbaux dans les phrases; - la progression du sens dans le texte; - l’implicite.

Deuxièmement, l’étude textuelle s’approche sur les tendances prédominantes reliées aux finalités « auxiliaires » des textes qui peuvent être: informatifs, analytiques, descriptifs, narratifs, argumentatifs.

3.3. Connecteurs La majorité des classifications concernant les connecteurs sont effectuées sur la base du type de relation sémantique établi par ces marques entre les différents contenus du texte. Tandis que Schneuzly, Rosat et Dolz (1989: 150), distinguent entre les organisateurs temporels, spatiaux, argumentatifs et explicatifs, Halliday et Hasan (1976: 216), dégagent quatre types principaux de relations exprimés pas les connecteurs: relations causales, temporelle, additives et adversatives. Mariana Tuţescu (1998: 387), définit le connecteur argumentatif comme un morphème (de type conjonction, adverbe, locution adverbiale, groupe prépositionnel, interjection etc.) qui articule deux ou plusieurs énoncés intervenant dans une stratégie argumentative unique. Contrairement à l'opérateur argumentatif, le connecteur argumentatif articule des actes de langage, c'est-à-dire des énoncés intervenant dans la réalisation d'actes d'argumentation. Les connecteurs argumentatifs sont aussi des particules pragmatiques, c'est-à-dire des mots qui relient les énoncés en contextes, des mots dont la fonction est d'exprimer des valeurs pragmatiques, de suppositions, d’intentions, de présuppositions, de attitudes et de croyances partagées par le locuteur et son auditeur. Ils ont pout but d’assurent la cohérence discursive-argumentative du texte et sa pertinence dans la communication langagière. Des mots tels que « et, mais, même, puisque, car, parce que, donc, d'ailleurs, au moins, alors, eh bien, seul, seulement, décidément, là, tiens, hélas!, tu sais, écoute!, tu vois, après tout » ne semblent pas affecter la valeur de vérité des énoncés où ils sont insérés. Ils contribuent à mettre en relation l'énoncé et le système de croyances que celui-ci exprime. Ces connecteurs ont essentiellement des propriétés pragmatiques, déterminées par le contexte de leur emploi.

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Ces « mots du discours », (Ducrot, 1980: 49), imposent aux énoncés qu'ils introduisent un comportement inférentiel, leurs significations fonctionnant comme autant d'instructions concernant les stratégies à suivre. Marqueurs de stratégies discursives, les connecteurs argumentatifs tirent toute leur valeur des processus énonciatifs qui les autorisent, des contextes dans lesquels les énoncés qui les renferment sont employés. Pour restituer le caractère relationnel du sens et le rôle fondamental de la cohérence textuelle dans la cristallisation des rapports textuels, nous percevrons l'importance apportée à la construction du sens textuel de certains éléments opérateurs et les connecteurs. La fonction de ces derniers est d'établir des relations de cohérence « intra et extra-discursives », (Tricàs Preckler, 2001: 106). Les connecteurs argumentatifs, surtout ceux qui établissent des relations argumentatives fortes (de cause, conséquence, opposition, justification) ont souvent été abordés dans des études traductologiques. Parmi les possibilités d'établir des liens de cohérence entre les propositions, le rapport de juxtaposition est le choix le plus simple. Dans le texte argumentatif, il n'y a pas de structure schématique canonique ou temporelle / chronologique. Ce type de texte est organisée en tenant compte des relations logiques entre les différents arguments permettant de justifier une prise de position (Coirier, Gaonac'h, Passeraults, 1996: 21). Cependant, les organisateurs non temporels sont les plus nombreux dans le texte argumentatif. Graduellement, les mises en relations causales (car) est la production de marques assurant une articulation globale du texte. L'acquisition tardive d'une planification experte de ce type de texte passent pas une réorganisation du contenu à communiquer en fonction de la prise de position et du destinataire: (pour ma part, quant à, par rapport à…). Dans sa forme, le texte argumentatif emploie de connecteurs permettant d'étayer et d'appuyer sa position. Il s'agit des connecteurs s'appuyant sur la causalité ou la finalité (parce que, pour), de connecteurs adversatifs pour exprimer des contrastes entre positions opposées (mais), mais également des connecteurs marquant la reconnaissance des positions alternatives (connecteurs exprimant la concession: même, si, toutefois). Ces connecteurs délimitent pareillement les contrastes entre arguments et contre-arguments. La proportion de connecteurs utilisés dans un texte est à peu près la même sur le plan de l’écriture que a l’orale. En fait, la diversification des connecteurs argumentatifs et non-argumentatifs et leur utilisation fonctionnellement plus riche caractérisent l’évolution et la qualité des textes écrites. La segmentation et le marquage du texte peut aussi bien s’accompagner d’une diminution des connecteurs explicites au profit de stratégies de cohésion et de connexité plus spécifiques et diversifiées.

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3.3.1. Des relations explicites ou implicites Les relations explicites consistent en une suite de propositions déduites les unes des autres ayant pour but de faire adhérer quelqu'un à son opinion. Quelque soit la nature de l'argumentation, il s'appuie sur une démarche logique et explicite. Il peut, alors, soit suivre une progression, soit marquer des ruptures, faisant preuve de fluidité et de cohérence, soit de heurts et d'irrégularité, le raisonnement suit une progression. Dans le cas des relations implicites il n'y a pas de connecteur logique, la relation logique est déduite à l'aide du contexte en regardant de près:

a) la ponctuation La virgule ajoute une idée à une autre ou donne un détail supplémentaire, le point-virgule sépare les idées en gardant une suite logique entre-elles, les parenthèses ou les deux points peuvent introduire un exemple, une cause ou une conséquence, le point d'interrogation introduit une explication. b) la disposition du texte peut révéler, à l'aide des paragraphes par exemple, la manière dont le locuteur envisage son argumentation. Les paragraphes forment toujours des unités de sens autour d'une idée, d'un thème précis: denses, longs et peu nombreux, ils exposent une pensée structurée et ramassée, nombreux et de courte longueur, ils marquent le caractère décousu de la pensée. c) le système d'énonciation prendre en compte les pronoms, les temps verbaux, les termes appréciatif/dépréciatifs qui peuvent souligner une relation logique sous-entendue.

3.3.2. Tableau des principaux mots de liaison8 Étant donnée le fait que les relations exprimées explicitement peuvent soit suivre une progression, soit marquer des ruptures, voyons les principaux mots des liaisons en français et en roumain et leurs fonctions dans l'argumentation. Dans le tableau qui suit, nous présentons les connecteurs logiques et leurs relations en roumain.

Le raisonnement suit une progression 8Les liens logiques, URL: http://siteeriff.free.fr/Leslienslogiques.pdfm, consultée le 27 Fevrier, 2010.

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Connecteurs logiques Relation logique Fonction părerea mea este că, voi arăta că introduction de la

thèse permet d’introduire la thèse

prin urmare, aşadar, în consecinţă, fiindcă, deoarece, întrucât

liaison des arguments

permet la liaison des arguments

căci, pentru că, de fapt, dovadă că, cum, având în vedere că, de altfel

introduction des arguments

permet l’introduction des arguments

în primul rând, mai întâi de toate, să începem prin, trebuie amintit mai întâi că, prima remarcă se referă la, să pornim de la

introduction du premier argument

permet l’introduction du premier d’entre plusieurs faits

în al doilea rând, în plus, în continuare, la fel, pe de o parte... pe de altă parte, nu numai... ci şi

introduction des arguments qui suivent

permet d’introduire les autres arguments pour argumenter la thèse

car, parce que, puisque, par, grâce à, en effet, en raison de, du fait que, dans la mesure où, sous prétexte que, en raison de…

introduction du dernier argument

permet d’introduire le dernier argument

deci, în concluzie, aşadar, iată de ce, ei bine, prin urmare, de aceea, în consecinţă

introduction de la conclusion

permet d’introduire la conclusion

în această privinţă, în ceea ce priveşte

d’explicitation permet d’apporter des informations pour expliciter et préciser ses arguments

în fine, pentru a termina, în ultimul rând, nu în ultimul rând

de justification

permet d’apporter des informations pour expliciter et préciser ses arguments

Le raisonnement suit une progression Connecteurs logiques Relation logique Fonction

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şi, de asemenea, adică, precum, ca şi, ca şi cum, asta aminteşte de, să ne amintim de

analogie permet d’établir un lien de ressemblance entre deux ou plusieurs notions différentes

de exemplu, de pildă, anume, să luăm în considerare

exemplification permet d’éclairer son ou ses arguments par des cas concrets

adică, altfel spus, mă refer la, vreau să spun, de fapt

explication permet d’éclairer les arguments par des cas concrets

sau, fie, ori, exceptând, ceea ce exclude, spre deosebire

disjonction permet d’établir une relation d’exclusion entre deux ou plusieurs faits

dar, or, totuşi, cu toate acestea, în schimb, din contră, de fapt, în realitate, în timp ce, în loc să, nici, ceea ce contrazice, ceea ce interzice

opposition permet d’émettre des hypothèses en faveur ou non d’une idée

chiar dacă, cu toate acestea, totuşi, să admitem totuşi, în ciuda

concession permet de constater des faits opposés à la thèse en maintenant son opinion

pentru că, fiindcă, deoarece, căci, având în vedere, dat fiind că, din moment ce, de aceea

causalité permet d’exposer la cause, la raison, d’un fait

Ensuite, nous présentons les connecteurs logiques et leurs relations en français.

Le raisonnement marque une rupture Connecteurs logiques Relation logique Fonction

malgré, en dépit de, quoique, bien que, quelque soit, même si, ce n'est pas que, certes, bien sûr, il est vrai que, toutefois…

concession permet de constater des faits opposés à sa thèse en maintenant son opinion

soit… soit, ou… ou, non tant… que, non seulement… mais encore, l'un… l'autre, d'un côté… de l'autre…

alternative permet de proposer les différents choix dans une argumentation

mais, cependant, en revanche, opposition permet d'opposer 2 faits ou 2

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alors que, pourtant, tandis que, néanmoins, au contraire, pour sa part, d'un autre côté, or, en dépit de, au lieu de, loin de…

arguments, souvent pour mettre l'un des deux en valeur

autant dire que, presque, si l'on peut dire, d'une certaine manière, sans doute, probablement, apparemment, vraisemblablement…

approximation permet d'apporter différentes nuances d'une même idée

si, à supposer que, en admettant que, probablement, sans doute, apparemment, au cas où, à condition que, dans l’hypothèse où, pourvu que…

condition permet d’émettre des hypothèses en faveur ou non d’une idée

ainsi, c'est pourquoi, en conséquence, si bien que, de sorte que, donc, en effet, tant et si bien que, tel que au point que, alors, par conséquent, d'où, de manière que, de sorte que…

conséquence permet d'énoncer le résultat, l'aboutissement d'un fait ou d'une idée

bref, ainsi, en somme, donc, par conséquent, en guise de conclusion, pour conclure, en conclusion, en définitive, enfin, finalement…

conclusion permet d'achever son argumentation, sa démonstration

mis à part, ne… que, en dehors de, hormis, à défaut de, excepté, uniquement, simplement, sinon, du moins, tout au moins, en fait, sous prétexte que…

restriction permet de limiter la portée des propos ou des arguments avancés

3.4. Indices d'énonciation L'objectif principal d'une argumentation est de convaincre par le développement raisonné d'une idée directrice, la thèse. Celle-ci est soutenue par des arguments eux-mêmes appuyés et illustrés d'exemples. Par contre, certains procédés de l'argumentation ont aussi pour but de persuader en agissant sur la sensibilité autant que sur la raison du destinataire: les

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indices d'énonciation, les figures de rhétorique, le rythme et les sonorités, les tonalités, les sous-entendus. Tout message est émis dans une situation de communication donnée. Afin de comprendre les messages, il faut connaître la situation de communication et d’identifier certains paramètres. Les indices de l'énonciation sont les traces présentes dans le message de la situation de communication. Les indices de l'énonciation sont d'ordre divers: - les pronoms et adjectifs personnels - renvoyant à l'émetteur: je, nous; mon, nôtre... - renvoyant au récepteur: tu, vous, ton, vôtre... - les traces de l’émetteur, les marques de la 1e personne - des pronoms (je, me, moi, nous), des terminaisons verbales (-ons à l’impératif) - des déterminants possessifs (mon, ma, mes, notre, nos...) - les traces du récepteur les marques de la 2e personne: - des pronoms (tu, te, toi, vous), des terminaisons verbales (-e, -ez, à l’impératif) - des déterminants possessifs (ton, ta, tes, votre, vos...) - le pronom indéfini « on » qui a tantôt: - une valeur d’indéfini = on ne sait pas qui... (On frappe à la porte.) - une valeur élargie = tout le monde, tous les hommes (ex: dans les proverbes: On a toujours besoin d'un plus petit que soi.) - une valeur de substitut de l’émetteur (je, nous) ou du récepteur (toi, vous) dans la langue moderne. Il prend quelquefois des valeurs ironiques pour remplacer un « il » ou un « elle » qu'on se refuse de désigner. - les indices de personne et les noms propres, le locuteur et le destinataire (les indices de personne, les marques de jugement du locuteur):

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Qui vous êtes, vous qui venez de vous enflammer pour une idée de la pureté. Vous êtes celui à qui je voudrais donner le plus beau poème que j'écrierai un jour. , (Bouthors-Paillart, 1997: 24)

Catherine Bouthors-Paillart, (Bouthors-Paillart, 1997: 24) affirme que de même que les déictiques et les indices spatio-temporels renvoyant à la situation d'énonciation, les pronoms personnels de première et de seconde personnes ainsi que les noms propres, désignent un référent unique, que seule la connaissance des constituants de la situation d'énonciation permet d'identifier; ils ont en outre la spécificité linguistique de n'avoir pas de signifié. Un texte qui comporte de nombreux noms propres et indices de première et seconde personnes renvoyant à des personnes présentes dans la situation d'allocution, inscrit et réinscrit constamment la situation d'énonciation dans sa trame en rappelant les rôles-pôles occupes par chacun sur la scène de l'allocution (Bouthors-Paillart, 1997: 25). - les indices de deuxième personne et les noms propres: Les formules phatique du type « comprenez-vous, croyez-moi, le saviez-vous », la présence de l'apostrophe, le pronom personnel de deuxième personne s'inscrivent dans un enchainement de conviction. Celles-ci établissent un lien entre le sujet de l'énonciation et son allocutaire ayant le but de rapprocher ce dernier pour qu'il reconnaisse son énoncé et y adhère. (Bouthors-Paillart, 1997: 28). - les indices spatio-temporels, le moment et le lieu de l'énonciation (des indices de lieu et de temps, des temps verbaux): Outre les déictiques, les indices spatio-temporels sont des repères circonstanciels de l'énonciation du type « ici », « maintenant ». Ces indices ont pour référent exclusif les circonstances de la situation d'énonciation et permet de leur donner droit de cité dans un texte, C'est notamment, dans les textes écrits en 1945 et à une date postérieure, que nous pouvons lire les énoncés d'Antonin Artaud qui comporte le plus d'indices spatio-temporels faisant référence aux circonstances de la situation d'énonciation. - les marques des sentiments et du jugement du locuteur par:

- emploi d'adverbes ou de locutions adverbiales marquant une adhésion plus ou moins grande à l'énoncé; - choix de verbes pour introduire un énoncé; - utilisation d'un lexique dévalorisant ou valorisant;

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- utilisation du conditionnel pour marquer le scepticisme; - utilisation des guillemets pour mettre un terme à distance.

3.5. Modalisations et modalisateurs La modalisation est une stratégie argumentative. L'étude des procédés de modalisation à l'aide de la stylistique de l'expression indique que ces procédés participent à la stratégie argumentative. En effet, ils fonctionnent, d’après Perelman (1989: 437), comme des techniques discursives permettant de provoquer ou d'accroître l'adhésion des esprits aux thèses que nous présentons à leur assentiment. Ce fait est le mérite de la stylistique de l'expression qui accorde une place importante à l'action des faits de langage sur la sensibilité. Les stratégies de modalisation - Feindre l’objectivité: éviter les indices de subjectivité, chercher le terme précis pour donner l’illusion d’un discours scientifique. - Divertir: séduire le lecteur en illustrant son propos par des exemples; l’amuser par l’ironie, la parodie, la satire, en ridiculisant les adversaires. - Émouvoir: mettre ses sentiments en avant, avec lyrisme, pour émouvoir le lecteur à son tour. - L'éthos qui renvoie à l'image que le locuteur donne à voir de lui-même à travers des représentations collectives au lecteur. Il recouvre l'ensemble des traits de caractère que l'auteur doit montrer au lecteur pour faire bonne impression. Il ne s'agit pas, précise Ducrot (1984: 201), des affirmations flatteuses que l'orateur peut faire sur sa propre personne dans le contenu de son discours, affirmations qui risquent au contraire de heurter l'auditeur, mais de l'apparence que lui confèrent le débit, l'intonation, chaleureuse ou sévère, le choix des mots, des arguments. - Le recours à l’ironie. L’ironie permet de faire comprendre autre chose que ce qui est dit afin de ridiculiser la thèse adverse tout en faisant du lecteur un complice. L’ironie utilise de nombreux procédés: - l’antiphrase qui consiste à dire le contraire de ce que nous pensons (un des procédés le plus fréquent). Ex.: Figaro, qui vient de se faire injurier par le comte, lui répond: « Voilà les bontés familières dont vous m’avez toujours honoré »9. - l’incohérence qui présente comme sérieux un raisonnement manifestement absurde ou contradictoire.

9 Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Œuvres, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1988, p. 140.

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- l’alliance de mots: l’un des deux termes est ironique, tandis que l’autre révèle la véritable pensée de l’auteur. Ex.: Voltaire parle de « boucherie héroïque » pour évoquer la guerre dans Candide10. - l’euphémisme laisse entendre une vérité beaucoup plus forte que ce que l’auteur veut bien dire. Ex.: « Cunégonde [&] vit entre les broussailles le docteur Pangloss qui donnait des leçons de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile »11. - Les indices de subjectivité (marques personnelles de l’émetteur ou modalisateurs). Ils permettent de renforcer la thèse défendue ou de discréditer la thèse adverse. Plusieurs procédés: - le lexique: termes à connotation méliorative (laudative, éloge) ou péjorative (dépréciative, blâme). - les adverbes: sans doute, peut-être (qui exprime la doute); assurément, toujours, jamais (qui exprime la certitude). - les pronoms: je, nous, vous, implique l’émetteur et le destinataire. - les verbes d’énonciation: on dit que, on prétend que (permet la mise à distance de la thèse adverse, celle-ci est présentée comme la pensée de quelqu’un qui se trompe), je soutiens que (permet d’affirmer sa thèse par la force de conviction), nous ne devons point (présente l’idée comme un devoir pour tout le monde). - les modes verbaux: l’indicatif est le mode du fait avéré (vrai, certifié), le subjonctif et le conditionnel sont au contraire les modes de l’incertain et du subjectif. Le conditionnel sert souvent à mettre en doute la pensée d’autrui. - la ponctuation, les guillemets qui isolent un mot ou une expression que l’émetteur ne reprend pas à son compte (propos tenus par les partisans d’une thèse adverse) ou bien un terme technique que l’émetteur regrette d’utiliser. - le point d’exclamation marque l’étonnement ou l’indignation. - les points de suspension mettent en relief ce qui vient d’être dit ou, si la phrase n’est pas terminée, ce qui suit. - le point d’interrogation: il s’agit le plus souvent d’une question rhétorique, c’est-à-dire d’une fausse question, où le lecteur est bien forcé d’admettre qu’il n’y a pas d’autre réponse possible que celle proposée par l’émetteur.

Les modalisateurs

10 Voltaire, Candide, Éditions de la Sirène, Paris, 1759, p. 19. 11 Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, ibidem, p. 15.

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Les modalisateurs sont des mots qui indiquent un jugement ou un sentiment de la part de l’émetteur, qui marquent une certaine distance.

Les marqueurs de modalité

Les marqueurs de modalité servent à exprimer l’engagement de la personne qui argumente de manière explicite ou implicite. - les auxiliaires de modalité (devoir, falloir, pouvoir, paraître, sembler, etc.) qui marquent l’engagement de manière explicite. - les expressions modélisatrices (à mon avis, d’après moi, à ma connaissance, il est important, avoir le mérite de, etc.) qui annoncent de manière explicite un jugement ou un commentaire révélant la présence de la personne qui argumente et son engagement. - le vocabulaire connotatif (péjoratif ou mélioratif) tels les adjectifs ou les noms connotatifs (monstruosité, dégradant, exalté, fumisterie etc.) et les verbes qui annoncent un jugement ou un commentaire, ou qui expriment un sentiment permettant de déceler un engagement plus ou moins grand. Lorsque la personne qui argumente adopte une attitude distanciée, le vocabulaire est plutôt dénotatif. - l’emploi du conditionnel et du futur antérieur qui peut révéler un doute sur ce qui est affirmé, révélant ainsi une attitude engagée. - les types et les formes de phrases qui révèlent parfois explicitement ou implicitement une attitude engagée: des phrases de types exclamatif, interrogatif ou impératif peuvent exprimer un engagement plus ou moins grand. Dans un texte où le point de vue est distancié, les phrases sont plutôt de type déclaratif ou de forme impersonnelle et contiennent peu de marqueurs de modalité. - expression mettant à distance l’information donnée: selon des sources..., d’après Monsieur X..., selon vous..., si l’on suit ce raisonnement...., emploi du conditionnel..., verbes: prétendre – supposer.... - des verbes d’opinion: assurer, affirmer, certifier, penser, croire, douter, supposer, souhaiter, espérer… - des figures de style: analogies (comparaisons, métaphores), périphrases, antithèses… - des adverbes: assurément, forcément, réellement, vraisemblablement, peut-être, probablement…

4. Les genres littéraires et les types de textes argumentatifs

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Avant de passer à la partie pratique de ce mémoire, nous allons présenter une courte classification12 des types de textes argumentatifs en tenant compte du genre duquel ceux-ci appartiennent. Dans son livre, Un laboratoire de littératures: Littérature numérique et Internet, Serge Bouchardon affirme que la notion de type de texte est assez claire tandis que la notion de genre littéraire est plus floue. À ce niveau il ajoute que « dans chaque grand genre (roman, poésie, théâtre), certains textes obéissent néanmoins à un système d'énonciation comparable, sont traversés d'un même registre (l'impression particulière ressentie par le lecteur) ou traitent des thèmes convergents ». Cette définition sommaire constitue le point de départ pour présenter les genres littéraires argumentatifs les plus fréquents. Il faut noter que le les écrivains mélangent plusieurs types de discours (qui englobe des nuances narratives, descriptives, poétiques etc.). C’est pourquoi leurs œuvres peuvent appartenir à multiples genres littéraires. Le genre polémique et ses œuvres caractéristiques: Un genre très ancien mélange des textes engagés dans l'actualité, dont ils condamnent les errements moraux, religieux, politiques. La satire qui ridiculise violemment les mœurs (La Satire Ménippée, M. Régnier, N. Boileau: Satires, B. Pascal: Provinciales), l'épigramme lui ajoute son sens de la pointe. La libelle (Voltaire: Le sentiment des citoyens), un poème qui prête sa forme ramassée et ses effets lyriques ou épiques à la verve polémique (V. Hugo: Châtiments). Le poème qui renonce à la forme ramassée et aux effets lyriques ou épiques à la faveur de la verve polémique (V. Hugo: Châtiments). Le genre épistolaire et ses œuvres caractéristiques: Nous retrouvons le genre épistolaire assez souvent dans l'Antiquité (Sénèque, Lettres à Lucilius). À nos jours il est considéré un élément indispensable de la vie intellectuelle. La lettre a permis aux écrivains d'agir (Voltaire), de se dévoiler de manière plus intime (Balzac) ou d'exposer leur esthétique (Flaubert), nous donnant ainsi de précieux documents sur l'élaboration de leur œuvre.

12 Cette classification et les exemples qui l’accompagnent ont été élaborés par Philippe Lavergne et publiés en ligne après avoir effectué quelques études de recherche.

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La correspondance (Faux Monnayeurs de A. Gide: la correspondance de Madame de Sévigné, Voltaire, Flaubert dans la Lettres d'une religieuse portugaise). L’épître défini comme une lettre en vers portant à l'origine sur un sujet moral ou philosophique (Horace: Épître aux Pisons) Le roman épistolaire qui peut être constitué des lettres d'un seul personnage (Guilleragues: Lettres de la Religieuse portugaise), mais prend tout son sens lorsqu'il repose sur un échange de correspondance (Montesquieu: Lettres persanes, Rousseau: La Nouvelle Héloïse, Choderlos de Laclos: Les Liaisons dangereuses). Le procédé permet au lecteur d'être proche de la subjectivité des personnages et de bénéficier de plusieurs éclairages. La lettre ouverte, une lettre rendue publique après avoir réellement atteint un destinataire (Voltaire: Lettre à Rousseau, R.M. Rilke: Lettre à un jeune poète), ou publiée, par-delà celui-ci (qui peut être fictif), à l'intention de tous les lecteurs (B. Pascal: Provincial, E. Zola: J'accuse). Le genre didactique-littéraire et ses œuvres caractéristiques: Le genre argumentatif est ici considéré comme dominant par son intention d'informer autant que de convaincre. Il faut préciser que les œuvres qui font partie du genre didactique ne se caractérisent pas toujours par une simple fonction référentielle ou informative. En réalité, nous ferons entrer dans cette catégorie un ensemble de textes où, « si le propos est toujours d'instruire, les formes sont extrêmement diverses, que la littérature entreprenne de réfléchir sur elle-même ou qu'elle s'allie à toutes les sciences humaines »13. L'essai propose un discours argumenté sur un problème d'ordre divers (art, culture société). Étant souvent lié à la simple compilation (littérature d'érudition du XVIIè siècle), il a évolué vers une réflexion personnelle sans souci d'exhaustivité (Voltaire: Essai sur les mœurs, Chateaubriand: Essai sur les révolutions, Montaigne: Les Essais). La chronique historique présente dans l'Antiquité (Thucydide, Tacite) et le Moyen-Age (Joinville, Villehardouin). L’histoire devient une science sous l'impulsion de la méthode expérimentale chère aux philosophes (Voltaire: Le siècle de Louis XIV), sans pour autant renoncer aux pouvoirs visionnaires de l'imagination (J. Michelet: Histoire de France). L' « École des Annales » inaugure une histoire capable de saisir jusqu'à la minutie, à l'instar du roman, la vie des petites gens (E. Leroy-Ladurie: Montaillou, village occitan). La biographie: distincte de l'hagiographie (récit édifiant de la vie des saints), la biographie s'est largement répandue à mesure que de plus en plus de personnages s'imposaient à une actualité fortement médiatisée. Elle touche surtout à la littérature quand elle est le fait des

13 Philippe Lavergne, Les genres littéraires, URL: http://www.site-magister.com/paggenr.htm, consultée le 1 Mai, 2010.

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écrivains eux-mêmes (Chateaubriand: Vie de Rancé, J. Michelet: Jeanne d'Arc, J. Green: Frère François) ou qu'elle sait, par sympathie, en épouser, l'esprit. Le manifeste littéraire: émanation d'un groupe ou d'une école dont il expose les principes, le manifeste peut prendre la forme de la préface (V. Hugo: Préface de Cromwell), de l'opuscule, d'un simple texte (Les collines, La Jolie rousse de G. Apollinaire) ou d'une lettre (Lettre à P. Demeny d'A. Rimbaud). Les genres moraux: les maximes sont des sentences exprimant, sous forme de vérités générales, une expérience morale. La maxime et ses variétés: aphorisme, apophtegme, proverbe, s'est épanouie dans l’âge classique, soucieux de codifier les passions (La Rochefoucauld, Chamfort, Vauvenargues). C'est sous forme de maximes que s'achèvent souvent les fables (La Fontaine), les apologues (paraboles évangéliques; récits et anecdotes exploités par les philosophes du XVIIIe siècle: Fontenelle, Montesquieu, Voltaire), les portraits (La Bruyère), où domine néanmoins le récit. Le pamphlet appartient à la littérature de combat (Paul-Louis Courier Courier, Julien Gracq: La littérature à l'estomac). Il désigne des écrits violemment polémiques qui s'en prennent à des individus. Le genre oratoire et ses œuvres caractéristiques: Le genre oratoire englobe les types de discours destinés à être prononcés devant un public. Ce genre, très ancien (orateurs grecs et latins: Démosthène), s'est épanoui à l'âge classique (Bossuet, Massillon, Bourdaloue). La rhétorique antique a codifié ces types de discours en trois genres (Ducrot et Schaeffer, 1995: 143): - le genre judiciaire est consacré à la défense d'une cause et est adressé aux juges; - le genre épidictique exprime un idéal collectif par l'éloge ou le blâme et est adressé à l’Assemblée; - le genre délibératif dont la fonction est d’émouvoir le récepteur à partir d’une réalité connue, soit qu’on valorise une action, une personne, un objet sous la forme de l’éloge, de l’hommage ou du panégyrique, soit au contraire qu’on dénigre par le blâme, la satire, la critique. La tradition littéraire offre de nombreux exemples de ce genre: L'éloge est caractérisé par le registre laudatif qui marque ces productions vouées à la glorification.

a) L'oraison funèbre reprend les caractéristiques du genre, auxquelles elle adjoint une méditation métaphysique (J. B. Bossuet, Oraison

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funèbre d'Henriette d'Angleterre, A. Malraux, Oraison funèbre de Jean Moulin).

b) L'éloge paradoxal entreprend de louer les vertus de ce que l'opinion commune a tendance à condamner (J. du Bellay: Le Poète courtisan, Érasme: Éloge de la folie, Molière: Dom Juan).

Le blâme se concentre sur toutes les formes oratoires, il englobe des types de productions comme: L'exhortation: militaire (la harangue), ou religieuse (la prière, l'homélie, le sermon: J. B. Bossuet: Sermon sur la mort). La requête: le plaidoyer et le réquisitoire appartiennent aux genres épidictique et judiciaire (Aristote, 1856: 87-89). Les genres recensés ici n’épuisent pas le sujet de classification des genres littéraires. s’y ajouteraient aisément le genre dramatique, (l’épopée et la chanson de geste), le genre narratif, (la satire pour la poésie), le genre autobiographique, (confessions, journal intime, mémoires), le genre épique, (chanson de geste, épopée, récit historique, roman), le genre lyrique (l'ode, les psaumes, les hymnes, la méditation), le genre romanesque (la nouvelle, le conte), le genre tragique (la tragi-comédie, la tragédie religieuse) etc. Il est nécessaire de limiter les objets étudiés pour concentrer l’attention sur les types de textes argumentatifs.

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5. Analyse comparée des textes argumentatifs français et leurs traductions roumaines

5.1. L’éloge L’éloge fait partie du genre oratoire, épidictique. Dans la rhétorique antique, le genre épidictique (discours démonstratif) est le genre de l'éloge et du blâme. L’éloge entreprend de louer les vertus de ce que l'opinion commune a tendance à condamner. À la croisée des genres et des registres, la notion d’éloge permet une approche des façons de persuader, en montrant la part des affects dans l’argumentation. Elles sont l’occasion d’aborder des textes diversifiés, qui constituent des références culturelles importantes en relation avec des pratiques toujours actuelles. L’éloge est en effet très répandu sous diverses formes: dans la littérature, la presse, les images, le portrait. Situé à l’autre côté que le blâme, (un discours qui vise à exposer et mettre en relief les défauts de quelque chose ou quelqu'un), l'éloge fait partie des stratégies de l'argumentation (Thyrion, 1997: 82-85) ce qui nous a permis de l’aborder comme type de texte argumentatif dans notre analyse. Dans ce sens nous analyserons des fragments, en roumain et en français, extraits de l’œuvre d’Érasme: Éloge de la folie, (Erasmus din Rotterdam: Elogiul nebuniei). Le but de ce chapitre, Analyse comparée des textes argumentatifs français et leurs traductions roumaines, est de proposer un modèle d’analyse démonstrative des quelques textes argumentatives: l’éloge, la satire (dans des fragments tirés de l’œuvre de Montesquieu), le plaidoyer et le réquisitoire (dans des fragments tirés de l’œuvre de Stendhal). Nous procéderons d'abord à la présentation de l’œuvre d’Érasme, Éloge de la folie. Ensuite, nous analyserons des fragments suivant les schémas montrés dans la table de matière, sections 5.1.1-5.1.5. Éloge de la folie, livre d’Érasme

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Figure majeure de l'humanisme chrétien, Erasme a été un inlassable défenseur des libertés, militant de la paix et porteur d'une vision de l'Europe, de la culture qu'il a tentée vainement d'imposer dans un contexte marqué par le bellicisme et les troubles réformistes. L’Éloge de la folie a été conçu en 1509 et rédigé en latin la même année par Érasme (1467 env.-1536) à son retour d'Italie et dédié en 1510 au juriste anglais Thomas More (futur auteur de l'Utopie, 1516). L’œuvre a été traduite en français pour la première fois en 1520 grâce à Golliat de Pré sous le titre « De la déclaration des louenges de Follie stile facessieux et profitable pour cognoistre les erreurs et abus du monde » et contenant les dessins de la traduction française du Sébastien Brant, La Nef des Folz du Monde apparue en 1497 à Paris. La traduction en roumain, publiée par Bezdechi en 1959 fait partie du corpus que nous allons choisi à traiter est considérée la première variante correcte en roumain qui met à la disposition du lecteur l’une des plus importantes œuvres de la littérature Universelle (Bezdechi, 1959: 32) tandis que la traduction signée par G M Amza en 1942 est considérée comme incomplète. Grâce au succès connu, l’Éloge de la folie a été rapidement traduit dans toutes les langues et reste l'œuvre la plus connue du grand humaniste de Rotterdam. « On peut en effet y voir, comme dans la Nef des fous de Sébastien Brant (1494), l'un des détonateurs du mouvement de réforme évangéliste qui ébranle l'Europe chrétienne du XVe siècle. La recherche d'authenticité et d'exactitude philologique, d'abord appliquée par Érasme à l'héritage littéraire de l'antiquité païenne, l'a rapidement entraîné à soumettre les textes bibliques à un pareil examen et à formuler une critique des institutions de l'Église romaine, qu'il juge peu fidèle au message du Christ » (Margolin: 2010). La folie, « la maîtresse des passions si dangereuse pour l'âme », (Cuvillier: 2010), ensorceleuse dénigrée par tant de générations de philosophes et d'esprits religieux, est ici transformée en bienfaitrice de l'humanité. Nous tenons à préciser que les deux textes, en français et en roumain14 que nous allons utiliser ont été traduits du latin. Nous procédons à l'analyse traductologique du chapitre XL de l’Éloge de la folie, (1964: 70-73).

5.1.1. Présentation – Expression Cet extrait de l’Éloge de la Folie fait remarquer un des emblèmes majeurs de l’humanité qui est la crédulité et la facilité à croire toutes sortes de superstitions et d’autres

14 Traduction du texte latin II Volume II, Colloquia Familliaria, Tauchnitz, Leipzig, 1893 rédigé d’après l’édition du Frobenius (1522) et révisé par Érasme.

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fables. Ce qu’Érasme critique dans ce chapitre est surtout la mise en cause de la religion qui se sert de la faiblesse humaine « pour son plaisir ou son profit ».

5.1.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir La traduction roumaine est organisée en 68 chapitres non numérotés, chacun portant un titre qui prépare le lecteur pour le discours qui suit, tandis que la traduction française est organisée en 68 chapitres numérotés qui n’ont pas de titre. Au niveau du thème présenté, nous allons suivre deux points: la critique de la folie humaine, l’idée fondamentale de l’œuvre et la dénonciation de la religion, le sujet connexe qui concerne en particulier le fragment étudié et le chapitre qui suit. En ce qui concerne le deuxième sujet, si la critique de la crédulité humaine se fait de façon légère, la dénonciation de la religion doit être traitée avec plus de sérieux vu le fait que les religieux manipulent le gens. Les représentants de l’Église, étant plus instruits, réussissent à encourager l’absence de sens critique du peuple pour mieux en tirer profit. 5.1.1.2. Registre de langue et vocabulaire Au niveau du registre de langue, nous mentionnons que les deux traductions, roumaine et française, ont été rédigées dans la langue des années 1959 (texte-cible roumain) et 1964 (texte-cible français) respectant le vocabulaire usuel. Les deux écritures se remarquent par l’absence des termes recherchés ou spécialisés, par le ton ironique et des effets de style qui s’appuyent sur le sens et non pas sur la forme. Nous allons reprendre cette remarque dans la section 5.1.5.4 Progression de l'argumentation (stratégie argumentative).

5.1.1.3. Mise en relation des idées L’organisation des idées permet de construire des ensembles notionnels complets et cohérents à partir des courtes structures élaborées (Lundgren-Cayrol, 1995: 105). Celle-ci consiste à élaborer des unités complexes qui peuvent être organisées en paragraphes selon différents modèles: logique, argumentatifs, descriptif, narratif etc. (Deschênes, 1995: 109-113). Les idées enchaînées traitent le même sujet, la dénonciation de la religion qui manipulent les gens, à partir du chapitre XL, / (Credinţa preoţească) et continue jusqu’au chapitre XLI, / (Darurile făcute bisericii, dovada cea mai bună a prostiei).

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Les gens naïves ont de la confiance folle dans les religieux fait qui implique deux résultats: leur faire entendre ce qu’ils veulent entendre et surtout ramasser des fonds pour l’Église. Puis, il y a des gens qui vivent seulement pour rendre hommage et remercier sans cesse aux statues et aux peintures. Une autre catégorie présentée est celles des gens qui montrent un masque en donnant l’impression qu’ils sont fidèles à Dieu, mais en réalité ils ne sont que de très grands pécheurs. De l’autre coté se situent ceux qui sont heureux de vivre dans la prière et d’élargir la croyance en Dieu. Ces derniers sont appelés « les professeurs de la religion / cei care propovăduiesc religia ». Pour conclure, chaque pays a son propre protecteur avec ses attributions et ses pouvoirs de faire des merveilles. Le chapitre XLI, intitulé en roumain « Darurile făcute bisericii, dovada cea mai bună a prostiei », continue l’idée présentée au début du chapitre antérieur: le résultat de la croyance des gens naïfs qui en plus « produisent quelque profit au bénéfice des prêtres et des prédicateurs / aduc şi ceva câştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor ».

5.1.2. Étude du système d'énonciation Dans ce chapitre nous traiterons quatre sujets importants: l’identification du locuteur et du destinataire, le repérage des indices d'énonciation (embrayeurs), le repérage des marques d'opinion (modalisateurs) et la prise en compte du paratexte et du contexte.

5.1.2.1. Identification du locuteur et du destinataire Le jeu de rôles a lieu entre le locuteur, l’auteur qui transmet l’information par l’intermédiaire de « la folie » et le lecteur. Dans le fragment que nous avons choisi, comme nous pouvons remarquer dans toute l’œuvre, Érasme s’efface derrière la folie et donne la parole à celle-ci:

« Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. » (p. 70) « Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodata de astfel de basme […]. » (p. 60)

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En français nous remarquons l’emploi du pronom personnel « je », marquant la subjectivité et le déterminant possessif renvoyant à la folie elle-même tandis qu’en roumain nous remarquons l’emploi de l’interjection « iată ». La folie est donc personnifiée et présentée sous des traits humains, car c’est elle qui parle.

5.1.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) Le but principal des embrayeurs est de désigner le locuteur et le destinataire ainsi que de rendre l’information traduite plus claire. L’emploi des pronoms personnel, démonstratif etc. a rendu le discours plus ergonomique. Bien que leur présence fatigue le lecteur par la répétition, les pronoms démonstratifs aident à délimiter clairement les catégories des gens auxquels Érasme fait référence. Dans le TC115 nous remarquons la présence des pronoms personnels-sujets grammaticaux16, tandis que dans le TC217 nous remarquons la présence des sujets logiques - groupe nominal:

Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point […] (p. 70) Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sînt cu totul şi cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărăra le place să asculte sau să propovăduiscă […] (p. 60)

Nous avons repéré la présence des indices d’énonciation dans le TC1 et TC2. Commençons d’abord avec les pronoms: Les pronoms et les déterminants démonstratifs sont les plus répandus dans la traduction roumaine:

« ceux qui adressent à sainte Barbe sculptée les paroles prescrites qui font revenir sain et sauf de la bataille, ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains

15 Texte-cible français. 16 Qui marque la personne et le nombre du verbe. 17 Texte-cible roumain.

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jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. » (p. 70) « aceia cărora le place să asculte […] (p. 60), înrudiţi cu aceştia sunt apoi aceia care şi-au vîrît în cap încredinţarea nebunească […] (p. 60), că cei ce se vor închina […], în ziua aceea nu vor muri » « Bien voisins sont les gens qui, par une folle mais douce persuasion, se figurent que la rencontre d’une statue ou d’une peinture de ce Polyphème de saint Christophe les assure de ne point mourir dans la journée, ceux qui adressent à sainte Barbe sculptée les paroles prescrites qui font revenir sain et sauf de la bataille, ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. » (p. 70-71) « Înrudiţi cu aceştia sunt apoi aceia care şi-au vârât în cap încredinţarea nebunească, dar plăcută, că dacă au dat ochi cu vreun chip de lemn sau de vreo icoană a lui Polifem al vostru-adică a sfântului Cristofor-în ziua aceea nu vor muri; că cei ce se vor închina cu anumite cuvinte la statuia Sfintei Barbara, se vor întoarce teferi din luptă sau că cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. » (p. 60)

Les pronoms démonstratifs ont souvent une valeur positive ou négative en fonction des verbes qui les suivent. En réalité, c’est le ton sur lequel ceux-ci sont prononcés qui marque la valeur positive ou négative de ces mots. Dans les cas des exemples mentionnés ci-dessus, nous pouvons dire que les pronoms démonstratifs ont une valeur « attributive ». Ceux-ci sont employés tout au long d’une phrase complexe ayant le rôle de partager un groupe de gens dans des catégories particulières en fonctions des pratiques religieuses qui les représentent. Les pronoms personnels et possessifs surtout dans le TC1:

« Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires, mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures? ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ! Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils se

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cramponnent, les abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. » (p. 71)

« Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate. Ei masoară soarele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socoting, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele. Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii şi, în sfîrsit un locşor în ceruri, aproape de Hristos, unde bineînteles, vor să se ducă cît mai tîrziu, adică după ce, spre părerea lor de rău, îi vor părăsi plăcerile acestei vieţi, de care se despart aşa de greu şi abia atunci să urmeze acele desfătări cereşti. » (p. 61) Les adverbes modaux:

« Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. » « […] astfel de minunăţii, care cu cît sunt mai departe de adevăr, cu atăt sunt crezute mai cu înverşunare şi gîdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. »

« Certains cumulent les pouvoirs, particulièrement la Vierge mère de Dieu, à qui le commun des hommes en attribue presque plus qu’à son Fils. » « Sînt unii care au puterea de a te feri de mal multe rele o data, dar mai presus decît toţi maica domnului, în care poporul crede mai mult decît în fiul ei.”

Comme nous allons voir dans la section 5.1.2.3 Repérage des marques d'opinion (modalisateurs), de tels adverbes auxquels nous ajoutons les adjectifs constituent des modalisateurs du discours. Dans la première phrase choisie du TC1, nous avons repéré l’emploi de l’adverbe de quantité « plus ». Le sens a été rendu dans le TC2 par l’emploi des formes « cu cît / cu atât ». Ensuite, l’adverbe de manière « agréablement » du TC1 a été traduit en roumain par le syntagme « mai cu înverşunare » qui contient aussi un comparatif de supériorité. En passant à l’analyse de la seconde phrase choisie, nous rencontrons de nouveau l’adverbe modal « particulièrement » et de quantité « presque plus » qui dans le TC2 a été rendu par l’utilisation d’un comparatif de supériorité « mai » et de l’adverbe de quantité « decît ». En conclusion, le sens que l’adverbe modal « particulièrement » donne à la phrase du TC1 est différent du celui de l’adverbe « decît » dans le TC2. Donc, par l’emploi des syntagmes « particulièrement la Vierge mère de Dieu », nous comprenons que la Vierge cumule des

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pouvoirs de manière notable par rapport aux autres saints, tandis que du même segment du TC2, « dar mai presus decît toţi maica domnului », nous comprenons que la Vierge détient les plus des pouvoirs en comparaison avec les autres saints. En ce qui concerne les adverbes modaux, étant situés sur un autre plan que l'énoncé qui les englobe, ils sont fréquemment autonomes par rapport à la syntaxe, et se rapprochent ainsi des interjections ou des incises. Ceux-ci ont la possibilité de modifier le sens du mot employés (peuvent modifier le sens d'un verbe, d'un adjectif ou d'un autre adverbe). Dans le cas de l’adverbe « particulièrement », nous remarquons la voix ironique de la folie qui critique les gens. La deuxième proposition, « à qui le commun des hommes en attribue presque plus qu’à son Fils. » accentue cette idée par l’emploi de l’adverbe quantitatif « presque ». Le résultat de l’emploi des adverbes modaux et de quantitatifs dans le TC1 et TC2 renvoie au sens global de la phrase. Après avoir partagé la première phrase dans deux unités de traduction, nous avons constaté une certaine progression dictée par les adverbes. Dans la catégorie des embrayeurs nous ajoutons quelques verbes et noms péjoratifs qui révèlent clairement le jugement porté par Érasme par l’intermédiaire de la folie sur les personnes dont il parle:

« Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. (p.70) Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sunt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodata de astfel de basme […] ». (p.60)

À propos de traits de caractère de la folie, nous percevons son audace subjective de critiquer les gens qui sont de son « farine ».

5.1.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) Une des plus importantes sections de notre analyse est, sans doute, le repérage des marques des modalisateurs. Le bilan du chapitre théorique, 2.2.1.3 Les modalisateur, a été effectué: - à propos du jugement que le locuteur porte sur un ou plusieurs interlocuteur(s); - à propos du rôle que cherche à jouer le locuteur parmi les autres interlocuteurs (présents ou absents) qu'il connaît;

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- à propos de traits de caractère du locuteur, dont il a ou non conscience (sa timidité ou son audace, son humilité ou son orgueil, son objectivité ou sa subjectivité, son hésitation ou son assurance etc.). Nous passons en revue quelques exemples de modalisateurs dans les TC1 et TC2. Ensuite, nous commenterons les rôles des aspectes mentionnés en haut dans les deux traductions choisies. L’emploi des verbes se plaire / a plăcea, produire / a produce, flatter / a se mîngîia cu credinţa met en évidence la force des allusions cachées. Ces sont des mots indispensables pour maintenir le ton ironique pour parler des personnes sans scrupules critiquées durement par Érasme. Les adjectifs qualificatifs: monstrueuses / gogonate, énormes / (o mie) de astfel de, délicieusement / se mîngîie cu credinţa, invraisemblable / mai departe de adevăr » et les adjectifs simples ont la tendance d’hyperboliser: « magiques, inventées, pieux imposteur, vaniteux ou avide ».

« […] ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs. » (p. 70) « […] sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodată de astfel de basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii, care cu cît sunt mai departe de adevăr cu atît sunt crezute mai cu înverşunare şi gâdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. Şi astfel de poveşti nu numai că ajută de minune la alungarea urîtului şi ceasurilor de plictiseală, dar aduc şi ceva cîştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor. » (p. 60)

« Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires, mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures? ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ! Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils se cramponnent, les

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abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. » (p. 71) « Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate. Ei masoară soroacele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socoting, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele. Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii şi, în sfîrsit un locşor în ceruri, aproape de Hristos, unde bineînteles, vor să se ducă cît mai tîrziu, adică după ce, spre părerea lor de rău, îi vor părăsi plăcerile acestei vieţi, de care se despart aşa de greu şi abia atunci să urmeze acele desfătări cereşti. » (p. 61)

L’inventaire des modalisateurs joue un rôle prépondérant pour le jugement qu’Érasme porte sur plusieurs groupes des personnes. Pour mieux justifier cette affirmation il suffit de s’imaginer le TC1 et le TC2 sans la présence des mots qui donne la nuance discursive, c’est-à-dire des modalisateurs. D’une part, dans le premier paragraphe choisi, Érasme critique durement les gens naïfs qui sont prêts à croire toute sorte de « monstrueuses histoires de miracles / minunăţii şi minciuni gogonate ». Afin d’être convainquant, il fait appel aux modalisateurs qui nuancent le discours argumentatif du TC1 et TC2 et amplifient le ton ironique. De l’autre part, le deuxième fragment choisi, est orienté vers le rôle qu’Érasme cherche à jouer parmi les autres interlocuteurs dont il parle. Cette idée est démontrée par sa présence, la subjectivité discursive, c’est la folie qui parle de vraies intentions des faux croyants. Celle-ci cherche à rendre le monde conscient, surtout les vrais croyants, qu’il existe beaucoup d’imposteurs qui se cachent derrière un comportement vicieux:

« Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires » (p. 71) « aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate » (p. 61) « […] ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse. » (p. 71)

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« Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă. » (p. 61)

Il est important de noter que le discours argumentatif du TC1 et TC2 se déroule sous la forme d’une présentation des types des croyants. Érasme cherche à convaincre le lecteur en abordant un plan analytique, la décision finale de croire ou non ses paroles appartient au lecteur. Nous pouvons dire qu’il joue un rôle informatif, de mettre les gens au courant sur la situation des religieux. En fin, nous remarquons la subjectivité et le ton rassurant de « la folie » rendu par la présence des modalisateurs « Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement / Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa », « pieux imposteur vreun / şarlatan cucernic ».

5.1.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte Afin d’établir le contexte du TC1 et TC2, nous repérerons quelques éléments identifiables comme les circonstances qui les entouraient à cette époque-là. Au niveau du contexte historique nous nous retrouvons dans la période des réformes et guerres religieuse. Au niveau du contexte biographique, Érasme est né à Rotterdam en 1469. Orphelin, placé dans un séminaire puis un couvent près de Gouda, il a entrepris des voyages d'étude en Italie, France et Angleterre entre 1494 et 1521. Surnommé le « Prince des Humanistes », Érasme a traduit le Nouveau Testament. Dans la préface à la traduction du Nouveau Testament, 1516 il mentionne: « Je suis tout à fait opposé à l’avis de ceux qui ne veulent pas que la Bible soit traduite en langue commune pour être lue par des gens du peuple, comme si l’enseignement du Christ était si voilé que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou comme si la religion chrétienne se fondait sur l’ignorance. »18 En faisant référence au TC1, publiée en 1964, dans les années 60, les éditeurs français se sont réouverts aux imaginaires du monde. La littérature étrangère a été l’un des moteurs majeurs de l’édition française tandis que des traductions de toutes les langues ont été effectuées. En ce qui concerne l’ortographe, dans la traduction roumaine, nous remarquons l’emploi du « î » à la place de la semi-voyelle « â » à l’intérieur des mots. De même, l'orthographe en minuscule, des mots « maica domnului, fiul ei », est justifiée par les règles

18 CNED - Académie en ligne: L’Occident et la difficile rencontre de l’Autre, URL: http://www.academie-en-ligne.fr/Ressources/7/HG20/AL7HG20TEPA0108-Sequence-04.pdf, consultée le 10 Juin 2010.

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existantes à l'époque pendant laquelle la traduction a été publiée.19 Le traducteur du TC2 évite d’attirer l’attention sur les mots qui désignent les plus importants saints de la religion officielle roumaine: la religion orthodoxe. Le paratexte comprend toutes les informations mentionnées au contexte en ajoutant les indices qui tiennent de l'introduction, la préface de l’auteur. En ce qui concerne le titre de l’œuvre, en roumain celui-ci a été traduit par « Elogiul nebuniei » en ajoutant « Sau cuvîntare spre lauda prostiei » d’après le titre latin « Morias Enkomion, Sive Declamatio in Laudem Stultitiae, Quae ob Sermonis Elegantiam, Argumenti Amoenitatem et Exemplarium Inopiam ». Dans la préface du TC1, le traducteur affirme que « Pour traduire dans sa vérité ce latin verbeux et imagé, il faudrait retrouver la langue d’un Français du siècle d’Érasme. On songe d’abord que celle de Rabelais y serait assez idoine; mais la couleur en est trop forte, la truculence trop appuyée. Pour quelque rencontre heureuse, que de déceptions! On regrette que Rabelais ne puisse servir Érasme comme Érasme l’a servi. » (Erasme, 1964: 6). Lors du processus de la traduction de l’œuvre Éloge de la folie, les deux traducteurs ont eu le rôle de faire passer à la fois des mots et la culture du siècle d’Érasme. Le TC2 est organisé en 48 chapitres qui portent des titres. Ştefan Bezdechi, le traducteur roumain, a affirmé que les titres des chapitres n’existaient pas dans le texte original. Il justifie ces ajouts pour faciliter l’accès à l’idée principale de chaque chapitre. En outre, la traduction roumaine est accompagnée par 306 notes explicatives. (Erasmus din Rotterdam, 1959: 5). Nous tenons à mentionner que les deux traductions contiennent des illustrations20 de Hans Holbein. Nous les retrouvons tout au long du discours.

5.1.3. Étude du lexique Dans ce chapitre nous traiterons cinq sections importantes: le repérage et commentaire des champs lexicaux, l’étude des connotations et explicitation des sens implicites, la prise en compte de la valeur du registre de langue, l’explication de l'étymologie ou du sens d'un mot et finalement l’analyse des modalisateurs.

19 À partir de 1947, après l'abdication du Roi Mihai Ier, la Roumanie a été dirigée par les communistes. Ce nouveau régime politique persécutait les minorités ethniques, l'orientation religieuse, culturelle ou sexuelle. 20 Il est important de noter que dans le chapitre XL que nous avons choisi pour l’analyse, nous ne retrouvons pas les mêmes images que dans le TC1. L’unique image du TC1 est représentée dans le TC2 au chapitre LXVII à la page 136. Tandis que la première image du TC1 apparaît dans le TC2 au chapitre XLV, à la page 81 et la seconde image au chapitre XXXVIII, à la page 66.

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5.1.3.1. Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques Le champ lexical représente l’ensemble des mots (substantifs, adjectifs, verbes) de la même famille désignant la même partie de réalité, la même notion tandis que le champ sémantique représente l’ensemble des sens disponibles d'un mot selon le contexte. La prise en compte des champs sémantiques et lexicaux est fondamentale dans le processus de traduction: une analyse attentive du champ sémantique permet d'éviter les contre-sens tandis que l'établissement du champ lexical permet d'enrichir considérablement le discours en évitant notamment les répétitions lourdes à la lecture. Nous allons observer si les champs lexicaux ont été établis d'une manière exhaustive dans le TC1 et TC2. Il est évident qu’afin d’offrir une bonne traduction de ces points de vue, les deux traducteurs ont joué un rôle très important. Nous retrouvons assez souvent des champs lexicaux dans des énumérations à l’intérieur des phrases complexes où Érasme expose minutieusement ses arguments pour critiquer de tel ou tel type de gens. En début du chapitre XL, nous avons repéré trois séries des termes appartenant à trois champs lexicaux: des fabulations, « des mensongères et monstrueuses histoires de miracles ces fables énormes, ces récits / minunăţii şi minciuni gogonate, basme, poveşti », des fantasmes « les fantômes, les lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges / semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă, de astfel de minunăţii » et de l’Église « des prêtres et des prédicateurs preoţilor şi predicatorilor ».

« Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs. » « Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodata de astfel de basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii, care cu cît sunt mai departe de adevăr cu atît sunt crezute mai cu înverşunare şi gâdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. Şi astfel de poveşti nu numai că ajută de minune la

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alungarea urîtului şi ceasurilor de plictiseală, dar aduc şi ceva cîştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor. » « Voyez donc ce marchand, ce soldat, ce juge, qui, sur tant de rapines, prélèvent un peu de monnaie et s’imaginent, en l’offrant, purifier d’un seul coup le marais de Lerne qu’est leur vie, racheter par un simple pacte tant de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, rachat si parfait, croient-ils, qu’ils pourront librement recommencer ensuite la série de leurs scélératesses. » « Dar iată de pildă, un negustor, un ostaş, un judecător care cred că aruncînd în cutia milei o mică monedă provenită din atîtea jafuri, li s-a iertat toată hasnaua de păcate din întreaga lor viaţă; că atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, onoruri, înşelătorii, vicleşuguri şi trădări, pot fi răscumpărate, ca şi printr-o învoială, şi ispăşite în aşa fel că ei se simt îndreptăţiţi să înceapă un alt şir de nelegiuiri. »

Ensuite, Érasme aborde dans ce fragment un sujet sensible. Il critique durement l’attitude des certaines catégories des gens qui pensent pouvoir effacer facilement le passée plein de péchées en offrant un peu d’argent. Le transfert d’information a supposé l’emploi des certains mots du champ lexical (péchés) dans le cadre d’une phrase déclarative: « de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, scélératesses atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, onoruri, înşelătorii, vicleşuguri şi trădări, nelegiuiri ». Les champs lexicaux sont retrouvés assez souvent dans les énumérations insérées dans des phrases complexes.

5.1.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites Dans le TC1 et TC2 que nous avons choisi, l’échange d’information entre l’auteur et les destinataires est rendu par l’intermédiaire des traducteurs. Cet échange comprend non seulement les informations réellement échangées (le dit), mais aussi toutes les informations qu’Érasme a laissé entendre (le non dit, ou implicite). La tendance de critiquer profondément l’hypocrisie est réellement présente dans le TC1 et TC221 car Érasme ne perd aucune occasion de démasquer les personnes fallacieuses.

21 Dans la section 5.2.3 Repérage des marques d'opinion (modalisateurs), nous avons exemplifié la présence des modalisateurs et montré quelle est leur importance dans le discours.

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La plupart des mots du TC1 et TC2 sont associés au sentiment dépréciatif qu’Érasme exprime ironiquement. Les connotations affectives sont présentes dans le TC1 et TC2 sous l’emploi des modalisateurs22 qui donne la nuance discursive. Le choix du vocabulaire repose autant sur la sensibilité du destinataire, la manière dans laquelle il perçoir le sens, que sur l’intelligence de voir l’implicite des mots. Érasme essaie de transmettre non seulement sa pensée23, mais aussi ses émotions24 par les critiques dures apportées.

5.1.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue Dans le sous-chapitre 5.1.1.2 Registre de langue et vocabulaire nous avons vu que les deux traductions, roumaine et française, ont été rédigées dans la langue des années 1959 (texte-cible roumain) et 1964 (texte-cible français) respectant le vocabulaire usuel. Dans la section ci-présente nous allons repérer le style abordé par les traducteurs Pierre de Nolhac (TC1) et Ştefan Bezdechi (TC2). D’après le dictionnaire Hachette, le style est la manière d’utiliser les moyens d’expression du langage, propre à un auteur, à un genre littéraire, etc. Les TC1 TC2 se caractérisent par la présence du style oratoire, la manière de s’exprimer agréable et originale propre à Érasme. Nous les retrouvons dans les phrases longues et tournées avec du style et dans l’essai des traducteurs de manier le texte original avec art et surtout avec soin. Ce qu’Érasme a créé, les traducteurs ont transféré soigneusement en français et en roumain. En mettant le TC1 et le TC2 en parallèle, nous observons quelque différence dans le transfert d’information:

« Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion. » (p. 72)

22 « …et monstrueuses histoires de miracles / minciuni gogonate, qui chatouillent agréablement les oreilles… (p. 70) / care gâdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. » (p. 60) 23 « Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mângâie cu credinţă… (p. 61) / Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires… » (p. 71) Surtout dans le TC2 l’opinion de l’auteur envers ceux qui font des péchés en pensant que tout sera facilement pardonné est très bien rendu par l’emploi de l’adverbe « mai ». 24 Un exemple dans ce sens est l’emploi des mots appartenant au champ lexical des péchés « tant de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, că atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, onoruri, înşelătorii, vicleşuguri şi trădări, »

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« Şi aceste nerozii aşa de mari, de aproape că mă ruşinez şi eu de ele, sînt încuviinţate nu numai de prostime, ci chiar şi de aceia care propovăduiesc religia. » (p. 62)

Le mot « folies » a été traduit en roumain par « nerozii », un correspondant informel, qui dévoile la voie d’Érasme, (qui se trouve derrière la folie). Ştefan Bezdechi explique son choix dans une note25 publiée à la fin du livre où il a mentionné que le mot « prost, nerod » rend mieux que les mots « nebun, nebunie » le sens du texte original. Cependant, nous observons que dans le TC1 le traducteur a employé tout au long de la traduction de mot « folie ». Nous tirons la conclusion que le TC1 aborde un style soutenu face au TC2. De même, nous remarquons la manière dans laquelle la présence de la folie a été gardée dans les TC1 et TC2, la subjectivité discursive et la preuve de l’originalité du style érasmien presque parfaitement reproduit. Le style érasmien, et implicitement le TC1 et TC2, se remarquent par la manière d’argumenter les idées par l’intermédiaire des exemples26, des explicitations, des énumérations27 dans le cadre des phrases complexes, développées.

5.1.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot Comme nous avons déjà vu dans le sous-chapitre précédent, le TC1 et TC2 se caractérisent par un discours ample, plein d’énumérations « argumentatives ». Celles-ci ont le but de justifier et de renforcer les idées soutenues. Toutefois, ce qui fait la différence entre le TC1 et le TC2, est la présence des notes explicatives du traducteur dans le TC2. Même si celles-ci sont placées à la fin du livre, elles peuvent être facilement repérées à l’aide des numéros.

25 « În latineşte Laus stultitiae. Am evitat traducerea acestui din urmă cuvînt latin prin termentul "nebunie", care în româneşte nu redă cuvîntul latin. Substantivul folie din franceză şi Thorhei din germană îl redau mai bine, dar în romîneşte nu cred că avem un echivalent pentru ele. Termenul nebunie ar corespunde în latină cu dementia şi nu asta a vrut să înţeleagă Erasmus. Deocamdată cred că cuvîntul "prostia" redă mai bine cuvîntul latin stultitia. » (Erasmus din Rotterdam, 1959: 145) 26 Un exemple dans ce sens est: « Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants […] (p. 70) / Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate[…] » (p. 60) 27 Un exemple dans ce sens est: « Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre… (p. 70) / şi care nu se satură niciodata de astfel de basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii… » (p. 60)

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L’emploi des notes explicatives a un double rôle, d’abord faciliter l’accès à l’information et ensuite, offrir des informations supplémentaires sur un mot utilisé dans le discours. Dans ce sens nous prenons comme exemple « Înrudiţi cu aceştia sunt apoi aceia care şi-au vârât în cap încredinţarea nebunească, dar plăcută, că dacă au dat ochi cu vreun chip de lemn sau de vreo icoană a lui Polifem al vostru-adică a sfântului Cristofor […] », (Erasmus din Rotterdam, 1959: 60). Le mot Cristofor est accompagné d’une note explicative où il est mentionné que Saint Christophe était le protecteur des marins. Respectant le même modèle, Ştefan Bezdechi ajout que Saint Érasme était le protecteur des radins « […] cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. ». Enfin, nous pouvons dire que pour accéder au sens des culturèmes28 employés, le lecteur doit avoir un bon bagage informationnel. Par contre, le TC2 met ces informations à la disposition des lecteurs ordinaires. En outre, dans la structure du TC2 nous retrouvons aussi l’emploi des notes explicatives qui apportent des informations supplémentaires sur un phénomène historique ou sur les coutumes religieux: « Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinta în acele mincinoase iertari de păcate29? » (Erasmus din Rotterdam, 1959: 60). Ce fait prouve la maîtrise parfaite de la langue-source et des culturèmes rencontrés.

5.1.3.5. Analyse des modalisateurs Dans le chapitre, 5.1.2.3 Repérage des marques d'opinion (modalisateurs), nous avons développé ce sujet en s’appuyant sur le bilan du chapitre théorique, 2.2.1.3 Les modalisateur, effectué: - à propos du jugement que le locuteur porte sur un ou plusieurs interlocuteur(s); - à propos du rôle que cherche à jouer le locuteur parmi les autres interlocuteurs (présents ou absents) qu'il connaît; - à propos de traits de caractère du locuteur, dont il a ou non conscience (sa timidité ou son audace, son humilité ou son orgueil, son objectivité ou sa subjectivité, son hésitation ou son assurance etc.).

5.1.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique

28 Voir: Georgiana Lungu Badea, La problématique du transfert culturel: www.uab.ro/reviste_recunoscute/philologica//27.doc, consultée le 10 Juin 2010. 29 Note 143 du TC2: E vorba de faimoasele indulgenţe pe care clerul catolic le acorda credincioşilor pentru iertarea păcatelor.

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Dans ce chapitre nous traitons la construction et les types des phrases du TC1 et TC2, nous allons déterminer la tonalité du texte, un des plus importants aspects du registre de langue, identifier les figures de style et de rhétorique et déterminer la nature et du rôle des exemples.

5.1.4.1. Construction des phrases, types des phrases La structure du TC1 et TC2 a été conçue à l’aide des phrases déclarative complexes. Même si ce type de phrases sont d’habitude utilisées dans la partie du développement, dans les textes que nous avons choisi, celles-ci sont présentes tout au long du discours, surtout dans la problématique (introduction). Nous présentons dans quelques mots la construction complexe ou coordonnée des phrases, dans laquelle deux ou plusieurs phrases sont reliées entre elles au moyen de conjonctions. En général, cette construction s'est développée au moyen de la corrélation des pronoms démonstratifs que nous avons traités à la section 5.1.2.2 Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs), du pronom relatif et des conjonctions. Dans le TC1 la problématique est coupée dans plusieurs segments, (propositions simples), tandis que dans le TC2 nous retrouvons une seule phrase complexe. De plus, à l’aide du signe de ponctuation « : » la longueur de la phrase introductive du TC2 est encore prolongée par l’explicitation, la description des gens « de notre farine ». Le résultat de cette technique est une phrase qui atteint la longueur d’un paragraphe. À l’autre côté, le discours du TC1 est organisé en plusieurs phrases simples facilement à suivre et qui imposent des pauses dans la lecture. Nous trouvons que le discours du TC1 est plus clair et ergonomique que celui du TC2. À ce niveau il est important de noter que l'ordre des mots dans la phrase sert essentiellement à exprimer l'ordre des idées En français aussi qu’en roumain l'ordre des mots qui suivent dans la phrase exprime bien toujours celui des idées, mais il sert en même temps à exprimer leurs rapports grammaticaux:

TC1 TC2 Je reconnais authentiquement de notre farine/ ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. // Ils ne se lassent point d’entendre ces fables

Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru:/ sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate / şi care nu se satură niciodata de astfel de

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énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. // Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. // Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures; / ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs. //

basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii, / care cu cît sunt mai departe de adevăr cu atît sunt crezute mai cu înverşunare şi gâdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. // Şi astfel de poveşti nu numai că ajută de minune la alungarea urîtului şi ceasurilor de plictiseală, / dar aduc şi ceva cîştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor. //

Nous remarquons aussi quelques phrases interrogatives qui mettent en évidence le ton satirique du discours employé au service de la critique morale.

TC1 TC2 Quoi de plus fou, que dis-je ? / quoi de plus heureux que ces autres qui récitent quotidiennement sept petits versets du saint Psautier et s’en promettent la félicité des élus! Que dirai-je / de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires, / mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, / et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures ?

Pe de altă parte, ce nebunie mai mare şi mai mîngâietoare totodată, decît sa-ţi închipui că o să ai parte de o fericire mai mult decît desăvârşită, dacă în fiecare zi rosteşti şapte versete din Psaltire? Ce să mai zic / de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate? Ei masoară soroacele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socotind, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele.

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Nous remarquons dans le premier exemple du tableau ci-dessus que la phrase interrogative et exclamative du TC1 a été rendue en rendu en roumain par une seule phrase interrogative. Alors, le discours roumain comprend plusieurs marques de l’objectivité30 tandis que le discours français comprend des marques claires de la subjectivité31, de l’implication spécifiques aux textes argumentatifs. Cependant, la phrase roumaine se distingue par l’emploi des embrayeurs32.

5.1.4.2. Détermination de la tonalité du texte Lorsqu’il parle de la crédulité, des superstitions et des faux croyants, Érasme « dégage » une tonalité ironique dans le cadre d’un registre de langue hyperbolique conçu à l’aide des modalisateurs. Au sein du champ des registres, nous retiendrons deux tonalités dominantes: humoristique à l’aide du sous entendu et satirique rendue à l’aide des embrayeurs. Tandis que le comique fait rire, l'humour fait sourire, se moque sans méchanceté: l'allusion33, le sous entendu34 sont des signes présents au niveau de langue ou entre les mots et la situation. Le ton satirique utilise des procèdes identiques mis au service d'une critique morale et sociale. Le rire devient ici une arme et peut se faire blessant selon les nuances du satirique: nomination de l'adversaire (théologiens), exclamation dans le cadre des propositions exclamatives, comparaisons et termes dépréciatifs, lexique morale caractérisent cette tonalité.

5.1.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique Dans le discours érasmien, les figures de styles sont souvent formées des mots simples, accessibles, amplifiées par l’ajout des modalisateurs.

30 L’emploi du mode subjonctif « sa-ţi închipui că o să ai parte de o fericire ». 31 L’emploi du pronom personnel « je » et démonstratif « je ». 32 Exemple: « ce nebunie mai mare şi mai mîngâietoare totodată ». 33 « ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. » (p. 70-71) / cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. » (p. 60). 34 « Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires, mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures? ou de qui se nourrit de formules magiques […] (p. 70) / « Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate. Ei masoară soarele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socoting, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele. (p. 60)

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Les marques argumentatives fonctionnent au plutôt au niveau de la tonalité, la manière dont le lecteur lit le discours qu’au niveau du discours. Érasme cherche d’argumenter ses idées en s’appuyant plus sur les moyens extra-discursifs (l'allusion, le sous entendu) que sur l’ordre des mots choisis. Toutefois, en début du chapitre XL dans le TC1, nous retrouvons des hyperboles qui ne manquent pas d’attirer l’attention du lecteur:

« ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. » (p. 70) « sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care […] » (p. 60)

Dans le TC2, nous remarquons l’emploi de l’épithète « gogonate », un mot populaire utilisé souvent pour exprimer qu’un mensonge est vraiment exagéré. Nous voyons que dans le TC1 Pierre de Nolha a choisi de mettre en évidence le deuxième syntagme, « monstrueuses histoires de miracles », en employant l’hyperbole, tandis que Ştefan Bezdechi a mis en évidence le même deuxième syntagme de l’énumération mais qui correspond au premier du TC1. L'attitude à adopter en traduction dépend quelque peu de la nature du texte à traduire. C’est pour cela que la traduction de ce texte philosophique a déterminé les traducteurs de s'accorder une certaine liberté, dès lors qu'il s'agit d'évocations symboliques ou sentimentales, d'effets rhétoriques, euphoniques ou émotionnels.

« Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. » (p. 70) « şi care nu se satură niciodata de astfel de basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii […] ». (p. 60)

Dans ce deuxième extrait nous retrouvons de nouveau l’hyperbole, « fables énormes », rendu en roumain tout simplement par l’emploi du mot « basme ». Ensuite, nous retrouvons en fin le même type de traduction pour le syntagme « mille prodiges de ce genre / de o mie de astfel de minunăţii ». Il faut également noter l’emploi de l’hyperbole « table mathématique infaillible » qui en roumain a été traduite par une comparaison « ca şi cu un ceasornic». Du point de vue du vocabulaire nous trouvons l’emploi du group des mots « ca cu un ceasornic … ca dintr-o abacă ». Quant à la beauté du discours, la présence de nombreuses figures de style dans les deux textes a pour but de sensibiliser, d’impressionner le lecteur. Dans le TC2 nous avons repéré la présence d’une métaphore « chip de lemn / d’une statue » tandis que dans le TC1 le traducteur a employé le sens propre du mot, statue. À l’autre

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côté, dans le TC1 nous avons trouvé un oxymoron « verte vieillesse » qui en roumain a été rendu par le syntagme « viaţă lungă, batrîneţe, avuţii ». Il est évident que les figures de style sont présentes tout au long du TC1 et TC2, il s’agit surtout des figures de style à valeur simples comme par exemple les énumérations, les répétitions, les comparaisons.

« […] ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse […]. » (p. 71) « Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii […]. » (p. 61) richesses, / honneurs, / plaisirs, / abondance, / santé toujours solide, / verte vieillesse de avuţii, / onoruri, / plăceri, / ospeţe îmbelşugate, / sănătate de-a pururi înfloritoare, / viaţă lungă, batrîneţe, avuţii

En segmentant cette énumération, nous avons observé l’utilisation de l’épithète « îmbelşugate » pour le mot français « abondance » et la répétition injustifiée du mot « avuţii » qui ouvre et ferme l’énumération. Nous considérons que cette répétition est le résultat d’une erreur étant donné le fait que chaque syntagme du TC1 a un correspondent dans le TC2.

« […] ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. » (p. 70-71) « […] cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. » (p. 60)

Cette fois-ci nous retrouvons la répétition dans les deux traductions, française et roumaine. La répétition de l’adjectif « certain » trahit la voie d’Érasme qui présente ironiquement la démarche à suivre pour devenir riche.

« […] (Celui qui) mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures? » (p. 71)

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« Ei masoară soarele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socoting, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele. » (p. 61)

Dans la phrase du TC2 nous remarquons un ajout qui n’existe pas en français. Celui qui mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire a comme correspondent en roumain « Ei masoară soarele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic,… ca dintr-o abacă », une comparaison avec deux termes. D’ailleurs, le syntagme « fără teamă de vreo greşeala » est un ajout dans le TC2. Il faut noter que le sujet dans le TC1 est le pronom personnel il au singulier tandis que le sujet dans le TC2 est le pronom personnel ils au pluriel. Dans la traduction française, la phrase qui suive notre exemple est à la IIIe personne du pluriel:

« Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils se cramponnent, les abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. » (p.71)

En conclusion, les deux traducteurs abordent leur propre manière de nuancer le discours reproduit, chacun emploi a son tour les type de figures de style et combinaison des mots (collocations) propre à la langue-cible quand ils les considèrent nécessaires.

5.1.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte Les idées qui composent le plan du texte sont structurées en cinq paragraphes assez longs introduits par des alinéas retrouvés dans le même ordre dans le TC2. Les paragraphes sont intercalés par des images représentatives ou bien, dans le TC2 les images sont insérées à l’intérieur des paragraphes. Le contenu est organisé en idées qui ont été présente dans le sous-chapitre 5.1.1.3 Mise en relation des idées. Le chapitre que nous avons étudié débute avec la présentation des thèses, critique de la crédulité et de l’hypocrisie des théologiens. Ces thèses s'articulent autour d'un nombre considérable d'arguments soutenus par des exemples. La présentation de la thèse (Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. / Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate […]) est suivie par la présentation d’un long exemple où Érasme apporte ses premiers arguments pour sa critique:

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« Ils ne se lassent point d’entendre ces fables énormes sur les fantômes, lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. » « […] sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodata de astfel de basme în care se pomeneşte de semne şi minuni, de strigoi, de stafii, de duhuri rele, de oameni de pe lumea cealălaltă şi de o mie de astfel de minunăţii […] »

Les arguments découlent les uns des autres:

« Plus le fait est invraisemblable, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. » « […] (minunăţii şi minciuni gogonate) care cu cît sunt mai departe de adevăr cu atît sunt crezute mai cu înverşunare şi gâdilă urechile cu o mîncărime mai plăcută. »

Ensuite, la phrase reprend la présentation des « ces récits » qui provoque la crédulité.

« Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs. » « Şi astfel de poveşti nu numai că ajută de minune la alungarea urîtului şi ceasurilor de plictiseală, dar aduc şi ceva cîştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor. »

Comme nous avions déjà précisé dans le chapitre 5.1.4.1 Construction des phrases, types des phrases, le TC2 se distingue du TC1 par l’emploi d’une phrase déclarative longues et ample, tandis que le même paragraphe du TC1 est composé des plusieurs phrase déclaratives courtes. Le discours continue avec le développement de la prise de position / justification et finit par la synthèse. Nous continuons notre analyse avec le chapitre 5.1.5 Étude de la structure logique où nous allons présenter la caractérisation des arguments et du raisonnement.

5.1.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples

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La meilleure façon d’argumenter les idées est d’utiliser les exemples claires et précis. Le discours érasmien réunit les exemples avec les arguments mis en relation logique. Dans le sous-chapitre précédent nous avons parlé d’un premier enchainement d’argument qui suit la présentation des thèses. Nous voyons le deuxième paragraphe qui début avec la présentation des croyants naïfs.

« Bien voisins sont les gens qui, par une folle mais douce persuasion, se figurent que la rencontre d’une statue ou d’une peinture de ce Polyphème de saint Christophe les assure de ne point mourir dans la journée, ceux qui adressent à sainte Barbe sculptée les paroles prescrites qui font revenir sain et sauf de la bataille, ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. » (p. 70-71) « Înrudiţi cu aceştia sunt apoi aceia care şi-au vârât în cap încredinţarea nebunească, dar plăcută, că dacă au dat ochi cu vreun chip de lemn sau de vreo icoană a lui Polifem al vostru-adică a sfântului Cristofor-în ziua aceea nu vor muri; că cei ce se vor închina cu anumite cuvinte la statuia Sfintei Barbara, se vor întoarce teferi din luptă sau că cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. » (p. 60)

Il faut noter que dans le TC2, nous retrouvons une explicitation, « vreo icoană a lui Polifem al vostru-adică a sfântului Cristofor », marque de la critique érasmienne. De plus, la traduction roumaine contient aussi une note explicative qui mentionne que Christophe était le patron des marins. Les arguments se cachent dans la manière ironique de présenter ces pratiques naïves des certaines catégories de gens. L’emploi des verbes au futur simple dans le TC2 font des mots d’Érasme une démarche à suivre, il incite ironiquement les gens de suivre ses « conseils ». Ses arguments fonctionnent de manière indirecte ayant l’aire de décrire une coutume stupide (par l’emploi des verbes au futur) mais en réalité il parle des gens qui vraiment ont l’habitude de les adopter. Comme nous l’avons vu, chaque paragraphe débute avec la présentation succincte des types de gens qui seront critiqué par la suite à l’aide des arguments organisée en phrases déclaratives-explicatives.

5.1.5. Étude de la structure logique

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Ce chapitre comprend l’énonciation des thèses lancées par Érasme et une courte caractérisation des arguments et du raisonnement retrouvés dans son œuvre.

5.1.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse) Les thèses lancées en début du chapitre, la critique de la crédulité, naïveté et de l’hypocrisie des théologiens, part du général vers le particulier. Cette assertion se justifie par la présence de courtes présentations argumentatives des types de gens qui font partie de la catégorie dont il parle. La manière dans laquelle chaque thèse est présentée a été déjà passée en revu à la section 5.1.4.4 Présentation de la structure et de l'organisation du texte.

5.1.5.2. Caractérisation des arguments et du raisonnement Dans le cadre de ce sous-chapitre nous allons commenter quelques types de raisonnement qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour notre analyse. Il s’agit des raisonnements déductifs ou inductifs, par analogie, critiques et du sylogisme. Le raisonnement concessif et par l'absurde ne s’appliquent pas dans ces deux textes mais, ces sujets seront sans doute repris dans les analyses des fragments tirés des œuvres qui suivent: Le rouge et le noir de Stendhal et Lettres persanes de Montesquieu.

5.1.5.2.1. Le raisonnement déductif ou inductif Dans le IIIe paragraphe du TC1 et TC2, nous retrouvons le raisonnement par induction. Comme nous avons montré dans la partie théorique de ce mémoire, le raisonnement par induction est le raisonnement qui part du particulier pour arriver à une « loi » générale. À l’aide d’un exemple tiré du TC1 et TC2, nous allons repérer le plan de l’enchaînement d'arguments inductifs.

« Que dirai-je de celui qui se flatte délicieusement d’obtenir pour ses crimes des pardons imaginaires, mesure comme à la clepsydre la durée du Purgatoire, et s’en fait une table mathématique infaillible de siècles, années, mois, jours et heures? ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ! Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils

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se cramponnent, les abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. Voyez donc ce marchand, ce soldat, ce juge, qui, sur tant de rapines, prélèvent un peu de monnaie et s’imaginent, en l’offrant, purifier d’un seul coup le marais de Lerne35 qu’est leur vie, racheter par un simple pacte tant de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, rachat si parfait, croient-ils, qu’ils pourront librement recommencer ensuite la série de leurs scélératesses. »

« Ce să mai zic de aceia al căror cuget fericit se mîngîie cu credinţa în acele mincinoase iertari de păcate. Ei masoară soarele Purgatoriului ca şi cu un ceasornic socoting, fără teamă de vreo greşeala, ca dintr-o abacă, veacurile, anii, lunile, zilele. Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii şi, în sfîrsit un locşor în ceruri, aproape de Hristos, unde bineînteles, vor să se ducă cît mai tîrziu, adică după ce, spre părerea lor de rău, îi vor părăsi plăcerile acestei vieţi, de care se despart aşa de greu şi abia atunci să urmeze acele desfătări cereşti. Dar iată de pildă, un negustor, un ostaş, un judecător care cred că aruncînd în cutia milei o mică monedă provenită din atîtea jafuri, li s-a iertat toată hasnaua de păcate din întreaga lor viaţă; că atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, onoruri, înşelătorii, vicleşuguri şi trădări, pot fi răscumpărate, ca şi printr-o învoială, şi ispăşite în aşa fel că ei se simt îndreptăţiţi să înceapă un alt şir de nelegiuiri. »

Comme nous avions déjà mentionné dans le sous-chapitre 5.1.4.3 Identification des figures de style et de rhétorique, l’emploi du pronom démonstratif « celui », au singulier dans le TC1 renvoi à une certaine catégorique de gens qui ont les habitudes dont Érasme parle, tandis que dans le TC2 le même pronom démonstratif, « aceia », est utilisé au pluriel ayant le même but. En suivant l’enchaînement argumentatif, nous nous apercevons que la catégorie des gens qu’Érasme critique s’élargit, il ajoute « ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ! ». Ensuite, nous retrouvons un exemple « Voyez donc ce marchand, ce soldat, ce juge, » marque de la catégorie particulière. Dans le chapitre qui suit, XLI, (Darurile făcute bisericii, dovada cea mai bună a prostiei), nous retrouvons l’affirmation qui renvoie à une catégorie générale:

35 Vie comparée à un marais malsain, celui où vivait l’hydre de Lerne mythologique tué par Hercule.

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« C’est que la vie ordinaire des chrétiens regorge de ces extravagances, que les prêtres volontiers admettent et entretiennent, sans ignorer quel profit leur en revient. » (p. 74) « Atît de mult mişună viaţa tuturor creştinilor de astfel de aiureli, pe care preoţii le îngăduiesc şi le întreţin bucuros, ştiind cu ce câştig se aleg din ele! » (p. 63)

5.1.5.2.2. Le raisonnement par analogie Nous retrouvons le raisonnement par analogie à l’intérieur du chapitre III. La thèse présentée, les gens hypocrites qui font des péchés en pensant que tout est pardonnable, est comparée par une situation similaire, un exemple introduit par un verbe à l’impératif dans le TC1 et par l’interjection « Dar iată de pildă », pour défendre cette même thèse initiale.

« Ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ ! Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils se cramponnent, les abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. Voyez donc ce marchand, ce soldat, ce juge, qui, sur tant de rapines, prélèvent un peu de monnaie et s’imaginent, en l’offrant, purifier d’un seul coup le marais de Lerne qu’est leur vie, racheter par un simple pacte tant de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, rachat si parfait, croient-ils, qu’ils pourront librement recommencer ensuite la série de leurs scélératesses. » (p. 71) « Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, omoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii şi, în sfîrsit un locşor în ceruri, aproape de Hristos, unde bineînteles, vor să se ducă cît mai tîrziu, adică după ce, spre părerea lor de rău, îi vor părăsi plăcerile acestei vieţi, de care se despart aşa de greu şi abia atunci să urmeze acele desfătări cereşti. Dar iată de pildă, un negustor, un ostaş, un judecător care cred că aruncînd în cutia milei o mică monedă provenită din atîtea jafuri, li s-a iertat toată hasnaua de păcate din întreaga lor viaţă; că atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, omoruri, înşelătorii, vicleşuguri

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şi trădări, pot fi răscumpărate, ca şi printr-o învoială, şi ispăşite în aşa fel că ei se simt îndreptăţiţi să înceapă un alt şir de nelegiuiri. » (p. 61)

5.1.5.2.5. Le raisonnement critique Danc ce chapitre, chaque paragraphe débute avec la présentation d’une thèse qui porte sur la crédulité et finit par la présentation critique d’un exemple, d’une conséquence ou d’une idée générale. Prenons comme exemple le IVe paragraphe. Celui-ci débute avec la présentation des gens naïfs qui se mettent à s’imaginer la félicité éternelle et finit par la présentation ironique (« dont j’ai moi-même presque honte / de aproape că mă ruşinez şi eu de ele ») de la conclusion:

« Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion. » (p. 72) « Şi aceste nerozii aşa de mari, de aproape că mă ruşinez şi eu de ele, sînt încuviinţate nu numai de prostime, ci chiar şi de aceia care propovăduiesc religia. » (p. 62)

Dans le dernier paragraphe des textes choisis, nous retrouvons le même type de raisonnement critique en employant comme stratégie argumentative la confrontation. Dans la même catégorie des gens (qui pensent à la félicité éternelle) nous ajoutons le fait que chaque pays a son propre protecteur avec ses attributions et pouvoirs de faire des merveilles. Après avoir mentionné qu’il ne peut pas énumérer tous les saints et ses attributions et nous donne l’impression de trouver la conclusion, Érasme nous parle des saints qui ont plusieurs pouvoirs dont la Vierge Marie était la plus appréciée:

« Certains cumulent les pouvoirs, particulièrement la Vierge mère de Dieu, à qui le commun des hommes en attribue presque plus qu’à son Fils. » « Sînt unii care au puterea de a te feri de mal multe rele o data, dar mai presus decît toţi maica domnului, în care poporul crede mai mult decît în fiul ei. »

5.1.5.2.6. Le syllogisme

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Nous retrouvons un sylogisme qui tire ses racines du premier paragraphe, où la prémisse majeure a ete repérée.

« Je reconnais authentiquement de notre farine ceux qui se plaisent à écouter ou à conter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. » « Dar iată de data asta un soi de oameni care, fără îndoială, sunt cu totul din aluatul nostru: sînt aceia cărora le place să asculte sau să povestească minunăţii şi minciuni gogonate şi care nu se satură niciodata de astfel de basme […] »

La prémisse mineure est retrouvée au chapitre IV:

« Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion. » « Şi aceste nerozii aşa de mari, de aproape că mă ruşinez şi eu de ele, sînt încuviinţate nu numai de prostime, ci chiar şi de aceia care propovăduiesc religia. »

La conclusion, les gens font confiances aux bêtises soutenues même par les théologiens.

5.1.5.3. Identification des connecteurs logiques et chronologiques Le discours deux traductions se remarquent par les phrases amples descriptives à l’intérieur desquelles nous retrouvons de longues énumérations. Les phrases sont assez rarement liées par des connecteurs logiques. Il y arrive assez souvent qu’on retrouve les connecteurs logiques dans le TC1 et non pas dans le TC2. Prenons d’abord le cas de la conjonction « dar » retrouvée en tête de la première phrase du chapitre XL dans le TC2. Celle-ci marque le début d’un nouveau paragraphe qui reprend une nouvelle idée qui s’oppose à celle du paragraphe antérieur36. Par contre, la valeur de cette conjonction n’est pas de marquer l’opposition mais l’ajout. Dans le discours français nous ne la retrouvons pas, le chapitre débutant tout simplement par une nouvelle phrase principale. Nous restons dans le premier paragraphe où, dans le TC1 nous retrouvons le connecteur de transition

36 Dans ce paragraphe, (chapitre XXXIX, p.59), Érasme critique les gens qui ont une dépendance pour les jeux de chance, ils continuent à jouer en espérant qu’un jour ils gagneront, même les vieillards sont des amateurs des jeux de chance.

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« d’ailleurs » qui a comme équivalent dans la TC2 l’adverbe « astfel » dans le syntagme « Ces récits, d’ailleurs, / Şi astfel de poveşti nu numai că ». Ensuite, dans le TC1 le connecteur d’addition « de même ». Dans le TC2 une nouvelle phrase début tout simplement sans être introduite par aucun connecteur logique. Nous pensons que la présence d’un connecteur logique aurait mieux rangé le discours et marqué la liaison entre l’idée précédente et celle qui la suit:

« […] ceux qui s’adressent à saint Érasme à certains jours, avec certains petits cierges et certaines petites prières, convaincus qu’ils feront fortune promptement. De même qu’il y a pour eux un second Hippolyte, ils ont trouvé en saint Georges un autre Hercule. Ils en sont presque à adorer son cheval très dévotement caparaçonné et adorné; de petits présents gagnent ses faveurs et jurer par son casque d’airain est un vrai serment de roi. » (p. 70-71) « […] cine va aprinde în anumite zile un anumit număr de lumânări şi va spune anumite mici rugăciuni la icoana Sfântului Erasm, are să ajungă în scurt timp bogat. Aveau un nou Hipolit, acum au găsit în Sfîntul Gheorghe un alt Hercule, şi calului acestui sfînt, pe care plin de cea mai mare evlavie, îl împodobesc cu paftale şi cu bumbi - doar că nu i se închină - şi uneori se silesc să câştige ocrotirea călăreţului prin mici daruri. » (p. 60-61)

En fin, nous repérons la présence d’un connecteur chronologique dans le TC2, « atunci » qui met en évidence le moment quand les ceux qui demande le pardon pour ses péchés se décident avec difficulté de quitter le monde qui leurs a offert tant de plaisirs. Dans le TC1 cette nuance a été rendue par l’emploi de l’adverbe « encore » suivi par l’inversion prédicat sujet qui attirent l’attention du lecteur et qui impose une certaine tonalité de la voie.

« ou de qui se nourrit de formules magiques et d’oraisons inventées par un pieux imposteur, vaniteux ou avide, et qui s’en promet tout, richesses, honneurs, plaisirs, abondance, santé toujours solide, verte vieillesse et, pour finir, un siège au Paradis, auprès du Christ! Encore ne veulent-ils s’y asseoir que le plus tard possible, quand les voluptés de cette vie, auxquelles ils se cramponnent, les abandonneront malgré eux et qu’ils devront se contenter de celles du Ciel. » « Sau despre acei care bizuiti pe cîteva mici semne magice şi cîteva mici rugaciuni, pe care le-a nascocit vreun şarlatan cucernic, fie spre a petrece, fie spre a dobândi vreun cîştig, trag nadejde de orice: de avuţii, onoruri, plăceri, ospeţe îmbelşugate, sănătate de-a pururi înfloritoare, viaţă lungă, batrîneţe, avuţii şi, în sfîrsit un locşor în ceruri, aproape de Hristos, unde bineînteles, vor

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să se ducă cît mai tîrziu, adică după ce, spre părerea lor de rău, îi vor părăsi plăcerile acestei vieţi, de care se despart aşa de greu şi abia atunci să urmeze acele desfătări cereşti. »

Dans le même fragment nous retrouvons, cette fois-ci dans les deux textes, le connecteur qui marque la fin de l’idée présentés, « pour finir / în sfîrsit ».

5.1.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative) Dans ce chapitre nous traiterons les stratégies argumentatives qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour l’analyse: la réfutation, la concession, l'adhésion et l'examen critique.

5.1.5.4.1. La réfutation Dans le discours des textes choisis, la réfutation s’identifie à la fin du pénultième paragraphe où Érasme lance une nouvelle thèse, que de pareilles folies sont promues par les théologiens non seulement par les bêtes.

« Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion. » (p. 72) « Şi aceste nerozii aşa de mari, de aproape că mă ruşinez şi eu de ele, sînt încuviinţate nu numai de prostime, ci chiar şi de aceia care propovăduiesc religia. » (p. 62)

5.1.5.4.2. La concession Dans le IIIe paragraphe, Érasme nous présent les gens qui ne se repentissent pas pour leur péchés, mais en donnant un peu d’argent ils pensent avoir la vie éternelle. Dans le IVe paragraphe, il nous parle des ceux qui sont les plus fous qui récitent quotidiennement des versets en s’imaginant la félicité éternelle. La marque de la concession est très clairement marquée dans le TC2 par l’emploi du connecteur logique « Pe de altă parte » (p. 72), tandis que dans le TC1 le traducteur a utilisé une phrase interrogative plutôt rhétorique: « Quoi de plus fou, que dis-je ? » (p. 72)

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5.1.5.4.4. L'adhésion Nous retrouvons cette stratégie argumentative en début du premier paragraphe. Après avoir décrit la thèse, la présentation des ceux qui se mettent à croire tout sort des histoires, Érasme détermine le lecteur à y adhérer en le convainquant à l’aide des arguments.

« Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas seulement à charmer l’ennui des heures; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice des prêtres et des prédicateurs. » (p. 70) « Şi astfel de poveşti nu numai că ajută de minune la alungarea urîtului şi ceasurilor de plictiseală, dar aduc şi ceva cîştig, mai ales preoţilor şi predicatorilor. » (p. 60)

De même, nous avons repéré un exemple où l’adhésion est soutenue par un exemple:

« Voyez donc ce marchand, ce soldat, ce juge, qui, sur tant de rapines, prélèvent un peu de monnaie et s’imaginent, en l’offrant, purifier d’un seul coup le marais de Lerne qu’est leur vie, racheter par un simple pacte tant de parjures, de débauches, d’ivrogneries, de rixes, de meurtres, d’impostures, de perfidies et de trahisons, rachat si parfait, croient-ils, qu’ils pourront librement recommencer ensuite la série de leurs scélératesses. » (p. 71) « Dar iată de pildă, un negustor, un ostaş, un judecător care cred că aruncînd în cutia milei o mică monedă provenită din atîtea jafuri, li s-a iertat toată hasnaua de păcate din întreaga lor viaţă; că atîtea călcări de jurământ, atîtea desfrînări, atîtea beţii, gîlceve, onoruri, înşelătorii, vicleşuguri şi trădări, pot fi răscumpărate, ca şi printr-o învoială, şi ispăşite în aşa fel că ei se simt îndreptăţiţi să înceapă un alt şir de nelegiuiri. » (p. 61)

5.1.5.4.5. L'examen critique Quand nous parlons de l’Éloge de la folie nous pensons implicitement à la critique. Même si dans le chapitre que nous avons analysé nous ne retrouvons pas l’examen critique qui suppose montrer les points forts et les points faibles d’une thèse, nous avons cependant repéré la manière de critiquer ironiquement la crédulité et les gens naïfs qui se mettent à croire toute

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sorte d’histoires. Dans ce sens, nous avons donné des exemples à la section 5.1.5.2.5 Le raisonnement critique.

5.1.5.5. Explicitation des intentions de l'argumentation Cet extrait de l’Éloge de la Folie est l’occasion de pointer du doigt un des travers majeurs de l’humanité qui est sa crédulité et sa facilité à croire toutes sortes de superstitions et autres fables. Il s’agit surtout de mettre en cause la religion qui se sert de cette faiblesse humaine « pour son plaisir ou son profit ». En même temps, il est intéressant de voir que le masque de la folie derrière lequel se tient l’auteur semble s’effacer à la fin du texte pour laisser entendre la voix de l’auteur et son indignation, car lorsqu’il utilise un registre polémique et marque l’implication du narrateur:

« Et de pareilles folies, dont j’ai moi-même presque honte, ce n’est pas seulement le vulgaire qui les approuve, ce sont aussi des professeurs de religion. » (p. 72) « Şi aceste nerozii aşa de mari, de aproape că mă ruşinez şi eu de ele, sînt încuviinţate nu numai de prostime, ci chiar şi de aceia care propovăduiesc religia. » (p. 62)

Si la critique de la crédulité humaine se fait de façon légère, la dénonciation de la religion est prise en compte avec plus de sérieux, car les religieux manipulent le peuple, eux, étant plus instruits, ils encouragent l’absence de sens critique du peuple pour mieux le posséder et en tirer profit. Sous couvert de se moquer avec légèreté des travers de l’humanité, Érasme met en place un discours particulièrement travaillé pour véritablement remettre en question la religion et ses principes, ce qui était vraiment audacieux au seizième siècle.

5.2. Le plaidoyer et le réquisitoire

Le plaidoyer et le réquisitoire font partie du discours oratoire et appartiennent au domaine judiciaire étant des bons exemples pour valoriser le texte argumentatif.

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Le mot plaidoyer, a d’abord employé par les avocats, et signifie « parler ou plaider pour le compte d’une autre personne » afin d’obtenir justice, représenter une autre personne auprès d’un décideur. Ce discours prononcé devant un tribunal pour soutenir le droit d'une partie vise à innocenter un accusé, à convaincre un jury de ses qualités.

Au contraire, le réquisitoire est un discours par lequel le ministère public, dans un tribunal, énumère les charges qui pèsent sur l'accusé et requiert contre lui les peines prévues par la loi. Il vise l'effet inverse: montrer qu'un héros est en réalité un personnage néfaste, qu'un accusé est coupable.

Ces genres se retrouvent également dans la litérature chez Emile Zola ou Victor Hugo. Ce que nous avons considéré plus éloquent pour ces genres antithétiques c’est le fragment du procès de Julien Sorel du Rouge et le Noir de Stendhal où le plaidoyer de l’avocat est contrecarré par le réquisitoire du héros lui-même qui décide de reconnaître sa culpabilité argumentée par la préméditation de son crime.

Le roman Le Rouge et le Noir Chronique du XIXe siècle, écrit par Stendhal, a été publié à Paris chez Levasseur dans 1830. L’auteur s’inspire de deux procès célèbres du XIXe siècle reportés par La Gazette des tribunaux: L’affaire Berthet et L’affaire Lafargue. (Bokobza, 1986: 46).

Ces deux faits ont fourni à Stendhal la structure de son récit et le caractère romanesques de son personnage. (Gandt, 1998: 18-20)

Aux assisses de l’Isère est jugé le 27 décembre 1827 un séminariste de vingt-cinq ans, Antoine Berthet. Le compte rendu publie par le journal résume une situation semblable a celle de Julien. « Son père est maréchal - ferrant dans le village de Brangues. » Il présente « une frêle constitution peu propre aux fatigues du corps, une intelligence supérieure à sa position ». « La cure de Brangues l’adopta comme un enfant chéri, lui enseigna les premiers éléments des sciences, et grâce à ses bienfaits, Berthet entra en 1818 au petit séminaire à Grenoble. En 1822, une maladie grave l’obligea de discontinuer ses études. Il fut recueilli par le curé […]. À la sollicitation de ce protecteur, il fut reçu chez M.M… qui lui confia l’éducation de ses enfants; sa funeste destinée le préparait à devenir le fléau de cette famille. »

Après une aventure avec Mme M… [Michoud], alors âgée de trente-six ans, il est renvoyé par son patron. Il poursuit ses études au séminaire puis le quitte pour entrer comme précepteur chez M. de Cordon. Il est à nouveau renvoyé à cause d’une intrigue. En mai 1830, un autre article, dans La Pirate, ajoute que Berthet racontait que son renvoi du château était du à une lettre que Mme Michoud avait écrite soit de son propre chef, soit pour répondre à une demande de M. de Cordon. La Gazette des tribunaux détaille le moment du crime. Mme Michoud survécut mais Berthet fut condamné à la mort.

Quant à la deuxième affaire, les assisses des Hautes-Pyrénées jugent ce crime en mars 1829. M. Lafargue a tué, puis décapité son amante, Thérèse Castarede. Son procès, tel qu’il est décrit dans les Promenades, ressemble très bien à celui de Julien Sorel: « Tous ses traits sont réguliers, délicats, et ses cheveux sont arrangés avec grâce. On le dirait d’une classe supérieure à celle qu’indique son état d’ébéniste. On murmure dans le public qu’il appartient à une famille

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respectable. » (Gandt, 1998: 20). Lafargue raconte lui-même qu’il avait loué une paire de pistolets chez un armurier et l’avait prié de les charger. La foule accourue en masse, la beauté du coupable, la préparation du crime rappellent le chapitre que nous allons analyser. Pour Stendhal, Lafargue représente comme Julien une classe de jeunes gens pauvres dont l’énergie s’oppose à l’inertie des puissants. En roumain, la traduction complète de l’ouvre Le Rouge et le Noir (Roşu şi negru) a été inaugurée par Gellu Naum et ensuite par Irina Mavrodin (Edition Leda, Bucureşti, 2006) Argentina Cupcea – Josu (Edition Cartier, Bucureşti, 2005) et Doru Mareş (Edition Adevarul, Bucureşti, 2009).

Nous continuons notre analyse du plaidoyer avec le chapitre XLI du Rouge et le noir de Stendhal intitulé Le jugement, en roumain « Judecata ».

5.2.1. Présentation – Expression

Le héros du Rouge et le Noir, plongé dans le monde romanesque de la France des années 1820, se débat avec ses idées reçues, et reste obsédé par ses idées d’ambition, avant de percevoir finalement la vérité: il a sacrifié l’amour et le bonheur à l’ambition.

La société de la Restauration est une société qui empêche quelqu’un comme Julien de faire son chemin dans le monde, ce que le héros note avec force dans le discours qu’il prononce au tribunal, en montrant l’impossibilité qu’il y a pour un homme pauvre de s’élever au-dessus de sa condition. La fatalité romanesque est alors incarnée par la société qui, refusant l’ascension sociale de Julien, le fait condamner parce qu’il est un paysan enrichi.

Le Rouge et le Noir est un roman d’initiation où le héros est confronté à ses propres désirs et à la société qui veut les réprimer. L’initiation de Julien Sorel lui aura permis de voir que sa révolte contre la société oppressive de la Restauration est aussi une volonté de trouver l’amour. C’est en effet au moment où il renonce à son ambition ainsi qu’à ses rêves de grandeur en tentant de tuer Madame de Rênal et en étant jeté en prison, que Julien Sorel peut trouver le bonheur.

Le chapitre XLI que nous analyserons souligne l’idée de la liberté gagnée avec tout prix, dans le cas de notre héros avec le prix de sa mort. Il fait le plaidoyer de son statut social mais en même temps un réquisitoire reconnaissant son crime prémédité contre la femme aimée. Nous pouvons observer clairement l’ironie de Stendhal: on ne juge pas Julien par son crime contre Mme de Rénal, mais par son audace d’avoir l’ambition de se considérer digne à atteindre une échelle sociale supérieure.

5.2.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir

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De point de vue de l’organisation structurale le roman Le Rouge et Le Noir est divisé en deux livres, le premier livre ayant trente chapitres et le deuxième, quarante-cinq chapitres, la traduction en roumain respectant fidèlement le schéma conçu par Stendhal. Chaque chapitre porte un titre qui a le rôle de nous introduire dans le cadre de la lecture, de prévoir ce qui suit. Les quatre chapitres du second livre qui suivent le chapitre que nous allons étudier, « Le jugement », n’ont pas du titre ce qui met en évidence l’idée de la mort, de l’absence de notre héros Julien.

De point de vue thématique nous allons souligner le conflit intérieur de Julien, le contraste entre le plaidoyer de l’avocat et le réquisitoire de l’avocat général et en même temps entre le plaidoyer et le réquisitoire de Julien Sorel.

Pendant la durée du procès, Julien offre le plus étonnant contraste de faiblesse et de force; de courage et de peur, de présence d’esprit, d’habilité, de talent même, et de sottise présomptueuse et ridicule; de sensibilité profonde et vraie, et de méchanceté infernale. (Crouzet, 1996).

5.2.1.2. Registre de langue et vocabulaire

En ce qui concerne le langage, Stendhal utilise le français du XIXe avec un style simple, en donnant importance au mot propre, à l’usage du bourgeois. Il utilise parfois des mots dans le sens péjoratif comme: « cuistre » ou « fripon » pour qualifier le mépris de Julien contre Valenod et le néologisme « jury » qui souligne la même idée.

Dans Les Mémoires sur Napoléon, Stendhal parle du style en disant que « Jamais le style ne brule le papier » (Stendhal, 1998: 252). La tentation de bruler le papier au profit du style, c’est-a-dire la tendance à faire passer « le compliqué, le difficile » pour le « beau » se traduit par ce culte du néologisme, dont les bourgeois sont particulièrement friands:

« Je me suis convaincu l’an passé, à Lyon et à Marseille, que, pour un homme occupé toute la journée à spéculer sur le poivre ou sur les soies, un livre écrit en style simple est obscur; il a réellement besoin d’en trouver le commentaire et l’explication dans son journal. Il comprend davantage le style emphatique: le style néologisme l’étonne, l’amuse, et fait beauté pour lui. » (Stendhal, 1998: 252).

Nous remarquons l’utilisation du mot « jury » pour souligner la conscience de Julien. Il sait d’avance quelle est la décision unanime des jurés qui font partie d’un group unitaire opposé à lui.

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« Il toussa, puis déclara qu’en son âme et conscience la déclaration unanime du jury était que Julien Sorel était coupable de meurtre, et de meurtre avec préméditation: cette déclaration entraînait la peine de mort; elle fut prononcée un instant après. » (Stendhal, 1932: 561)

Le néologisme travaille à faire briller le style en effaçant le cœur. Il facilite la prise de parole mais il vaporise le référent. Il établit une communication qui n’est qu’apparente. Il réalise l’utopie négative d’un langage inhumain parce que sans véritable destinataire. (Crouzet, 1996: 249). Dans la traduction en roumain, Gellu Naum utilise un langage daté pour le faire comprendre à celui des années 1830. Par exemple, le mot en français « jury » que nous avons précisé auparavant est remplacé par le substantif au singulier « juriul » ce qui souligne le fait qu’il essaye de traduire fidèlement, en respectant le ton et les significations des mots de Stendhal. Quand même, il utilise des termes et expressions populaires ou familiaires comme: « juraţii zăboveau », « crăp de foame », « liota », « flecar » ou « scîrbă » qui semblent être utilisés sur le but de mettre en évidence le langage du protagoniste qui ajoute le lecteur à mieux comprendre ce qu’il sent pour ceux qui le juge. Le lecteur voit le procès par les yeux de Julien qui pense plus de ce qu’il exprime. Dans le texte-cible nous remarquons aussi l’ortographe « î » de la semi-voyelle « â » à l’intérieur des mots, ce qui s’explique par les règles existantes à l'époque pendant laquelle la traduction a été publiée.

5.2.1.3. Mise en relation des idées

Le thème du chapitre que nous analysons est lancé par le titre du celui-ci: « Le jugement ». Dans le texte-source ce titre a une double signification: l’idée du jugement de Julien par les jurés et, en même temps, le/les jugement/s du protagoniste sur leur décision. Dans le texte-cible « Judecata » met en évidence seulement le sens précis du mot, Gellu Naum ayant en vue l’idée du résultat final de la décision de la cour. Le terme « le jugement » et en parallèle « judecata » ont pour but à laisser le lecteur prévoir ce qui suit, le terme « le procès » / « procesul » ayant été plus abstrait si on choisissait à l’utiliser, même si l’épigraphe pose la question « la condamneront-ils? » qui peut mettre en doute le résultat négatif du jugement.

L’accusé apparaît dans une ambiguë posture tragique, tout à la fois omnipotent, puisqu’il a renversé les lois humaines et soumis parce qu’il prononce son réquisitoire au lieu de son plaidoyer. La dramaturgie du procès lui ménage un rôle de choix: de manière significative, c’est à lui qu’appartiennent les derniers mots du procès avant la délibération.

L’idée du chapitre XLI continue l’idée de tranquillité du personnage principal Julien Sorel37: 37 Voir Chapitre XL, La tranquillité.

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« Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. » (p. 560) « Crima mea e cumplită şi a fost premeditată. Mi-am meritat deci moartea, domnilor juraţi. » (p. 376)

Cette idée est doublée par celle de résignation et d’acceptation de la culpabilité de l’héros.

Mais l’idée principale de ce chapitre final du roman stendhalien est l’idée de la liberté: la liberté de penser, la liberté de choisir son destin, même si on arrive à la mort. Du point de vue de Julien Sorel, le crime pour lequel il est condamné (« l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la société » (p. 560) / « îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă » (p. 376)) est un acte par lequel il conserve son honneur et sa propre estime.

5.2.2 Étude du système d'énonciation Dans ce chapitre nous traiterons quatre sujets importants: l’identification du locuteur et du destinataire, le repérage des indices d'énonciation (embrayeurs), le repérage des marques d'opinion (modalisateurs) et la prise en compte du paratexte et du contexte.

5.2.2.1. Identification du locuteur et du destinataire Nous avons vu que l’argumentation consiste à soutenir ou à contester une opinion, une thèse sur un thème ou un sujet, mais aussi à agir sur le destinataire en cherchant à le convaincre ou à le persuader. Dans un texte argumentatif, le locuteur (auteur, personnage) cherche à convaincre un destinataire (lecteur, autre personnage), et à lui faire adopter son point de vue. Par conséquence, nous allons utiliser des arguments et des types de raisonnements dans le cadre d’un plan plus vaste, qui les groupera, les enchaînera, les opposera en fonction du but final: c’est ce plan d’ensemble qu’on appelle stratégie de l’argumentation. Dans La Rhétorique, Aristote a dégagé un certain nombre de stratégies et d’étapes obligatoires, tant dans la préparation de l’exposé que dans sa mise en parole. Suivant le schéma de la rhétorique classique aristotélicien, nous pouvons encadrer le chapitre XLI dans le discours judiciaire (qui concerne le jugement dans les procès) ce qui est mis en évidence par le titre-même: « Le jugement » / « Judecata ».

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Dans ce fragment nous avons identifié trois locuteurs: Julien, l’avocat général et l’avocat M. de Frilair. Le protagoniste a comme destinataire le président des assises, l’avocat général, les jurés et toute l’audience: les bourgeois, les femmes, dans un mot « la foule immense » (p. 557) / « tot judeţul » (p. 369); l’avocat général a comme destinataire le jury et le président des assises, pendant que l’avocat de la défense a les mêmes destinataires que l’avocat général. On peut identifier le message de Julien comme son plaidoyer contre le crime pour lequel le jury l’accuse et en même temps comme un réquisitoire contre le crime contre Mme de Rénal. Le message de l’avocat général est un réquisitoire contre Julien et celui de M. de Frilair un plaidoyer pour la cause de Julien. Nous mentionnons que seulement le discours de Julien est direct, ceux de l’avocat et de l’avocat général étant des discours rapportés, de même en traduction:

« L’avocat général faisait du pathos en mauvais français sur la barbarie du crime commis. » (p. 558) « Procurorul perora, într-o franţuzească urâtă, despre barbaria crimei săvîrşite […] » (p. 373) « L’avocat, encouragé, adressa aux jurés des choses extrêmement fortes. » (p. 559) « Avocatul, încurajat, le adresa juraţilor cuvinte deosebit de tari. » (p. 374)

Par conséquent, Stendhal nous fait entendre que la plaidoirie de l’avocat ou le réquisitoire de l’avocat général ou même ce que les témoins disent « Le témoins furent vite entendus. » (p. 558) / « Audierea martorilor se isprăvi repede. » (p. 373) n’ont aucune importance, le vrai locuteur étant le protagoniste et c’est ce qu’il transmet qui a de valeur pour le destinataire, n’importe qui soit-il.

5.2.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) Nous avons déterminé dans le sous chapitre précédant qui parle à qui dans le chapitre

XLI et nous allons déterminer les circonstances de la situation de l’énonciation et les indices permettant de repérer la participation de l'énonciateur à la situation d'énonciation, la présence du destinataire, ainsi que les circonstances de lieu et de temps dans lesquelles est produit l'énoncé qui sont les embrayeurs.

Nous allons mettre en évidence le discours de Julien Sorel, parce qu’il est le seul énoncé ancré dans la situation d’énonciation.

Le locuteur (énonciateur / émetteur / sujet de l’énonciation) du discours étudié est Julien et le destinataire / interlocuteur, ou allocutaire, ou auditeur est le jury. D'après Émile

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Benveniste les embrayeurs « délimitent l'instance spatiale et temporelle coextensive et contemporaine de la présente instance de discours contenant je » (1966: 253).

Dans le texte-source, l’énonciateur est marqué par l’usage du pronom personnel au singulier: « je », « en moi », « me », l’adjectif possessif de la première personne du singulier au masculin « mon crime », au féminin « ma jeunesse », les terminaisons des verbes conjugués « croyais », « je n’ai … », « je ne vous demande », « je ne me fais point », « j’ai pu », « je serai », « je vois », tandis que le destinataire est désigné par l’appellatif au pluriel « Messieurs les jurés », les pronoms personnels de la deuxième personne du pluriel « vous », l’adjectif possessif de la deuxième personne au pluriel « votre ». Dans le discours de la langue-source, la première personne est omniprésente: Julien assume son jugement; lui fait face un « vous », bien naturel dans le cas d'un discours; mais cette opposition entre « je » et « vous », ici a des allures de confrontation, et le personnage semble « seul contre tous ». Enfin, l'expression « en moi » renvoie à « cette classe »: derrière le procès d'un homme se lit celui d'une classe par une autre.

Les circonstants de temps sont marqués par l’utilisation de la locution prépositionnelle temporelle « au moment de la mort », la locution adverbiale de temps « à jamais », la préposition servant à marquer la durée du temps « pendant vingt minutes » et les circonstants de lieux par l’adverbe de lieux « sur les bancs », « sur son siège ».

Par rapport à la langue-source, dans la langue-cible, les verbes utilisés à la première personne du singulier: « credeam », « voi putea s-o înfrunt », « mă face », « să iau », « n-am cinstea să aparţin », « nu cer », « nu… fac », « am atentat », « mi-am meritat », « aş fi », « văd » marquent le locuteur. De même, le pronom personnel de la première personne du singulier « mă », « în mine » avec valeur de lieux, « mi », «prin mine», l’adjectif possessif « mea » sont aussi des marques du locuteur. Nous pouvons observer que dans la traduction en roumain Gellu Naum insiste sur le pouvoir des verbes réfléchis que sur le pronom sujet, ce qui une caractéristique de la langue roumaine et pas une préférence du traducteur.

L’allocuteur est marqué premièrement par l’utilisation fréquente de l’appellatif de politesse au deuxième personne du pluriel « domnilor » et « domniilor-voastre », « domniile-voastre », ces formules de politesse étant répétées au but de l’ironie à l’adresse du jury et par l’utilisation des pronoms personnels « vă »:

« Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la bassesse de sa fortune. » (p. 560) « Domnilor, n-am cinstea să aparţin clasei domniilor-voastre, domniile-voastre văd în mine un ţăran care s-a răzvrătit împotriva soartei lui josnice. » (p. 375)

Le circonstant de temps est désigné par la locution adverbiale de temps « în clipa morţii », ce qui met de plus en évidence le fait que Julien est conscient du début de son discours que la mort l’attend, fait exprimé auparavant par la phrase: « Începe şi ultima zi a vieţii mele, gîndi Julien ».

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5.2.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) La grande originalité de Stendhal est l’usage important de la « focalisation interne »,

(pour reprendre la terminologie de Gérard Genette) pour raconter les événements. Les événements sont vus en grande partie par les protagonistes voire par un seul d'entre eux. Stendhal refuse donc le point de vue du narrateur omniscient mais pratique la « restriction de champ ». Dans Le Rouge et le Noir les événements sont vus dans le rayon de Julien Sorel. Stendhal a en effet coupé ses récits de « monologues intérieurs » et a ramené le roman à la biographie du héros.

Les descriptions sont brèves chez Stendhal. Elles sont l’œuvre d’un narrateur extérieur qui voit l’aspect des personnages du dehors ou bien d’un narrateur qui observe la nature. Un tel narrateur est incompatible avec la « restriction du champ » et il joue donc un rôle secondaire chez Stendhal.

Pour exprimer la subjectivité dans le discours de Julien, Stendhal utilise des verbes: « croyais » / « credeam », « je ne me fais point illusion » / « Nu-mi fac deloc iluzii », « j’ai donc mérité la mort » / « Mi-am meritat deci moartea… », « je vois » / « văd », « je ne vois point » / « Nu văd », des noms « l’horreur » / « groaza », « la mort » / « clipa morţii », « l’honneur » / « cinstea » (nous remarquons l’utilisation de ces noms ironiquement), « paysan » / « ţăran », « aucune grace » / « nici un fel de îndurare », et l’interjection « Voilà » / « Iată » qui a le rôle de conclure sa plaidoirie et de souligner le ton ironique en parlant de sa vraie crime.

L’utilisation des adjectives comme: « juste » / « dreaptă », « atroce » / « cumplită», « premedité» / « premeditată », « moins coupable » / « mai puţin vinovat », « jeunes » / « tineri », « inférieure » / « inferioară », « opprimés » / « apăsată», « bonne » / « bună », « riches » / « bogătaşilor », « enrichi » / « mai înstărit », « indignés » / « indignaţi » offre la subjectivité par la tonalité réaliste et même dramatique du discours de Julien.

Stendhal utilise des phrases de type déclaratif ce qui démontre le caractère fort du protagoniste même si considéré victime ou inculpé pour son auditoire.

5.2.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte Le paratexte est l'ensemble des discours de commentaire ou de présentation qui

accompagnent une œuvre. Autrement dit, il s'agit d'un message scriptovisuel (photos, schémas, sociogrammes,

tableaux) qui peut être donné soit par l'auteur de l'œuvre, soit par d'autres écrivains ou non-écrivains (BENKHIAT Achraf et SOUNA Mohamed Amine).

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Le paratexte contient aussi le péritexte (qui est constitué du titre, du sous-titre, de la préface, des épigraphes, des notes en bas de page, des phrases en marge, des informations périphériques, de la dédicace, des renvois et de la quatrième de couverture)38. Pour identifier les éléments paratextuels, nous avons regardé:

1. la première de couverture; 2. la quatrième de couverture; 3. les pages intérieures.

Le titre du roman Le Rouge et Le Noir. Chronique du XIXe siècle est un bon point de

départ pour une étude du roman: obscur à première vue, il concentre en fait bon nombre des significations essentielles du texte. Il est fondé sur le principe de l’opposition de deux couleurs, comme Le Rose et le Vert, nouvelle que Stendhal écrira en 1837: le rouge, couleur connotant le sang, la passion, s’oppose ici au noir du deuil, de la mort. Une des interprétations du titre est liée aux jeux de hasard, où l’on peut miser sur le rouge ou sur le noir; la destinée serait alors un jeu de hasard où l’on peut tomber sur une bonne ou une mauvaise carte.

Le titre du chapitre XLI que nous étudions est nommé par Stendhal « Le jugement » / « Judecata », dont la signification nous avons signalé dans le sous-chapitre 5.2.1.3. Mise en relation des idées.

En littérature, une épigraphe est une phrase en prose ou en vers placée en tête d'un livre, d'un ouvrage ou d'un chapitre, pour en annoncer ou résumer le contenu, ou pour éclairer sur les intentions de l'auteur. On utilise parfois abusivement le terme « exergue ».

Chez Stendhal, nous remarquons des ambigüités énonciatives (Parmentier, 2007: 71-72) des notes qui se retrouvent dans les épigraphes: l’identité de leur énonciateur constituant un problème récurrent pour le lecteur. Les citations que contiennent les épigraphes stendhaliennes sont très rarement exactes: soit elles sont inventées de toutes pièces par Stendhal, soit elles sont attribuées à la mauvaise œuvre du bon auteur. Le roman stendhalien ne dissimule pas ces supercheries: n’importe quel lecteur peut prendre conscience du jeu trompeur des épigraphes, même s’il ne dispose pas d’une édition savante. Le lecteur est tenté d’accorder moins d’importance aux citations elles-mêmes qu’aux noms des auteurs sous l’autorité desquels elles se rangent.

La « frénésie épigraphique de Stendhal »39 (Abrioux, 1987: 27) a une double conséquence: le nombre extraordinaire des noms propres convoqués accroît de fait la

38 Lexique des termes littéraires, URL: http://users.skynet.be/fralica/refer/lexique/dlexnp.htm, consultée le 10 Juin 2010.

39 Marielle Abrioux remarque que les épigraphes permettent d’entretenir les incertitudes énonciatives: « L’épigraphe n’est pas le seul lieu utilise par Stendhal pour ce genre de cache-cache (dans d’autres ouvrages on la trouverait plutôt dans les notes), mais elle y parait prédisposée; dans sa pratique la plus sérieuse, elle est déjà jeu de masques, l’intervention auctoriale s’y fait d’autant plus péremptoire qu’elle emprunte la voix

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polyphonie romanesque, qui fait entendre plusieurs voix auctoriels. De plus, l’inexactitude des attributions des épigraphes accentue les brouillages énonciatifs qui caractérisent le roman stendhalien.

Dans le chapitre Le jugement / Judecata Stendhal insère comme épigraphe une citation de Sainte-Beuve qui se retrouve dans le texte-cible et qui a été traduit par Gellu Naum:

« Le pays se souviendra longtemps de ce procès célèbre. L’intérêt de l’accusé était porté jusqu'à l’agitation: c’est que son crime était étonnant et pourtant pas atroce. L’eut-il été, ce jeune homme était si beau! Sa haute fortune, sitôt finie, augmentait l’attendrissement. « Le condamneront-ils? » demandaient les femmes aux hommes de leur connaissance, et on les voyait pâlissantes attendre la réponse. » (p. 555) « Ţara îşi va aminti multă vreme de acest proces celebru. Interesul faţă de acuzat mergea pînă la acuzaţie: asta fiindcă crima lui era uimitoare, şi, totuşi, nu fioroasă. Şi dacă ar fi fost fioroasă, tânărul acesta era atît de frumos! Marele lui noroc, care-i apusese atît de curînd, sporea înduioşarea. « Îl vor osîndi oare? » Îi întrebau femeile pe cunoscuţii lor şi păleau aşteptînd răspunsul. » (p. 369)

Dans l’édition que nous utilisons pour la traduction roumaine nous remarquons une

note explicative: « Charles Augustin de Sainte-Beuve (1804-1889), critic francez, profesor la « Colegiul Franţei » » qui a le rôle de familiariser le lecteur avec l’émetteur de l’énoncé.

Nous avons mis en évidence dans le sous-chapitre 5.2.2.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir, le fait que Le Rouge et Le Noir est divisé en deux livres, le premier livre ayant trente chapitres et le deuxième quarante-cinq chapitres, la traduction en roumain respectant fidèlement le schéma conçu par Stendhal. Chaque chapitre porte un titre qui a le rôle de nous introduire dans le cadre de la lecture, de prévoir ce qui suit. Les quatre chapitres du second livre n’ont pas du titre. Le premier livre du roman a une épigraphe de Danton: « La vérité, l’âpre vérité. » / « Adevarul, asprul adevăr », pendant que le deuxième livre cite une épigraphe de Sainte-Beuve: « Elle n’est pas jolie, elle n’a point de rouge » / « Ea nu e drăguţă, nu are obrajii rumeni. »

(l’autorité) d’autrui. […] L’épigraphe pose de façon insistante et vertigineuse la question de savoir qui parle dans le texte et dans le paratexte stendhalien. » (1987: 27).

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5.2.3. Étude du lexique

Dans ce chapitre nous traiterons cinq sections importantes: le repérage et commentaire des champs lexicaux, l’étude des connotations et explicitation des sens implicites, la prise en compte de la valeur du registre de langue, l’explication de l'étymologie ou du sens d'un mot et finalement l’analyse des modalisateurs.

5.2.3.1. Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques Dans le discours de Julien nous rencontrons plusieurs champs lexicaux tel le champ

lexical du crime et du châtiment que nous pouvons facilement identifier dans le texte-source et aussi que dans le texte-cible avec les mots: « mort » / « morţii », « crime » / «crima », « atroce » / « cumplită », « horreur » / « groază », « prémédité » / « premeditată », « coupable » / « vinovat ». Ces mots, choisis par Stendal à ce but et fidèlement transposés le texte-cible, soulignent l’idée de la mort prochaine du protagoniste ou et celle de la culpabilité. C'est le procès qui suit son crime et précède sa condamnation à mort; mais tout l'intérêt est que Julien lui même prononce ces mots: il est par suite courageux et lucide. Le champ lexical de la société se materialise par les mots suivants: « votre classe » / « clasei domniilor-voastre », « paysan » / « ţăran », « bassesse de sa fortune » / « soartei lui josnice », « Madame DE Rénal (= particule, aristocratie) » / « Doamna de Rénal », « classe inférieure » / « clasă inferioară », « opprimés par la pauvreté » / « apăsată de sărăcie », « bonne éducation » / « educaţie bună», « gens riches » / « bogătaşilor », « société » / « societate », « mes pairs » / « semenii mei », « paysan enrichi » / « ţăran mai înstărit », « bourgeois indignés » / « burghezi indignaţi », « aristocratie » / « aristocraţiei ».

Le texte se focalise sur la question sociale et transforme le procès d'un individu en celui de toute une classe. Il apparaît moins comme condamné pour son crime que pour sa condition:

« Voilà mon crime, […] » « Iată crima mea, […] c’est-à-dire être pauvre. »

Nous retrouvons aussi le champ lexical de la valeur morale:

« horreur du mépris / groaza de a fi dispreţuit; » « braver / înfrunt; » « l'honneur / onoarea; » « affermissant / din ce în ce mai; » « juste / dreaptă; »

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« la plus digne de tous les respects, de tous les hommages / celei mai vrednice de respect şi de toată cinstirea; » « audace / îndrazneală; » « orgueil / orgoliul; »

Julien s'affirme par son caractère héroïque et son sens de la noblesse d'âme.

« Je ne vous demande aucune grâce [...] en affermissant sa voix. » « Nu vă cer nici un fel de îndurare […] cu glas din ce în ce mai puternic. »

Dans les mots de Julien nous remarquons une litote parce qu’il dit le contraire de ce

qu'il pense:

« Je ne me fais point d'illusion, la mort m'attend: elle sera juste. » (p. 560) « Nu-mi fac deloc iluzii, mă aşteaptă moartea; ea va fi dreaptă. » (p. 375).

Julien se dénonce tout seul, il s'accuse en disant qu'il mérite la mort, on pourrait penser

qu'il dit cela parce qu’il est désespéré mais ce n'est pas le cas. Son comportement se justifie pour influencer les personnes présentes pour qu'elles aient pitié de lui. Il se met ensuite à parler de Madame De Rénal en disant:

« J'ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. » (p. 560) « Am atentat la viaţa femeii celei mai vrednice de respect şi de toată cinstirea. » (p. 375-76)

Nous savons implicitement qu'il parle d'elle, nous comprenons qu'il l'aime profondément, il veut faire croire qu'il regrette ce qu'il a fait, ensuite la compare à sa mère car il explique: « Madame De Rénal, avait été pour moi comme une mère » il essaie ainsi d'influencer le jury par les sentiments. Il dénonce son crime en disant:

« Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort… » (p. 560) « Crima mea e cumplită şi a fost premeditată. Mi-am meritat deci moartea… » (p. 376)

Il veut que les jurés aient pitié de lui. On nous dit qu'il parla sur ce ton pendant vingt

minutes, il dit tout ce qu'il avait sur le cœur. Il réussit malgré le tour un peu abstrait qu'il avait donné à la conversation à faire fondre en larmes toutes les femmes et il revint aux discussions

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ayant pour but de toucher les personnes présentes. En touchant certaines personnes avec les sentiments, il essaye d'alléger sa peine. Par ailleurs, il touche d'autres personnes avec ses arguments sur la société, tout d'abord en disant:

« Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune. » (p. 560) « Domnilor, n-am cinstea să aparţin clasei domniilor-voastre, domniile-voastre văd în mine un ţăran care s-a răzvrătit împotriva soartei lui josnice. » (p. 375).

Comme nous avons signalé à la section 5.2.2.2. Repérage des indices d'énonciation

(embrayeurs), dans le texte-cible Gellu Naum utilise dans la même phrase l’appellatif de politesse au deuxième personne de pluriel « domnilor » et « domniilor-voastre », « domniile –voastre », ces formules de politesse étant répétées pour souligner l’ironie à l’adresse du jury. Julien met en valeur le fait d'appartenir à leur classe en interprétant ce qu'ils pensent de lui. Il dénonce « la société des riches » / « societate înaltă » comme une société condamnant la classe inférieure qui est quelque sorte opprimée par la pauvreté, ayant

« le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société. » (p. 560) « norocul să dobîndească o educaţie bună şi îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă. » (p. 376)

Il critique cette société qui exclut les pauvres et il accuse implicitement les jurés de

faire partie des coupables de cette société car s'ils le condamnent c'est seulement parce qu'il appartient à cette classe inférieure. C'est ce qu'il essaye de démontrer pour pouvoir s'en sortir. Ensuite nous le comprenons très bien dans cette phrase:

« [...] il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que, dans le fait je ne suis point jugé par mes pairs. » (p. 560) « […] ea va fi pedepsită cu atît mai multă asprime, cu cît, de fapt, nu sunt judecat de către semenii mei. » (p. 376)

Ceci prouve qu'il pense qu'il sera puni injustement. Puis mettant un point final à cette

discussion il proclame:

« Je ne vois pas sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés... » (p. 560)

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« Nu văd pe băncile juraţilor nici un ţăran mai înstărit, ci numai burghezi indignaţi… » (p. 376)

C'est là que nous pouvons constater qu'il renverse la situation car, certes il dénonce son

crime mais il dénonce aussi la société, il fait donc culpabiliser certaines personnes en les influençant dans leur choix. Il utilise les sentiments et la vérité pour en venir à ses fins. Il sera quand même condamné à mort mais avant de mourir il aura pu dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.

Les champs lexicaux énumérés ont le rôle de soutenir son discours argumentatif qui n’a pas l’intention de plaidoyer pour son innocence en ce qui concerne le crime commis contre Mme de Rénal, mais de démontrer les injustices des bourgeois contre les paysans comme lui-même. À la fin nous pouvons constater une argumentation solide même si ironique de la différence entre sa classe et celle des bourgeois qui le condamnent.

5.2.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites

Il y a une forme d'implicite dans les propos de Stendhal dans le chapitre que nous étudions et nous y décelons une part d'ironie. Nous allons donner comme exemple les phrases:

« [...] qui aspirait aux faveurs de l'aristocratie. » (p. 560) « [...] care rîvnea la favorurile aristocraţiei. » (p. 376)

L'avocat général s'indigne pour se faire remarquer par les aristocrates. Dans le texte-

cible nous devons remarquer l’utilisation du verbe « rîvnea » qui a un sens péjoratif, ce qui va plus que l’ironie subtile de Stendhal. Dans le fragment qui suit nous signalons deux idées: le discours de Julien est (un peu) ennuyeux (et ne devrait normalement pas toucher les femmes qui, c'est bien connu, n'aiment pas s'ennuyer); normalement, une femme n'est pas capable de comprendre un tel discours (accusation implicite de frivolité, de légèreté).

« [...] malgré le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes. » (p. 560) « [...] în ciuda întorsăturii cam abstracte pe care Julien o dăduse cuvintelor lui, toate femeile plîngeau. » (p. 376)

Nous remarquons que dans le texte-source l’ironie est penchée surtout sur femmes par

l’utilisation de l’expression verbale « fondaient en larmes », pendant que dans le texte-cible le

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traducteur a utilisé le verbe « plîngeau » qui a une valeur neutre. L’ironie s’adresse plutôt a Julien par la traduction du nom « la discussion » avec « cuvintelor lui ».

Le texte oscille entre des mots qui évoquent la grandeur et la bassesse, ou bien très péjoratifs (pour s'accuser lui-même, pour se plaindre de l'indigence de sa propre classe, pour railler la classe des « bourgeois » / « burghezilor ») ou bien très mélioratifs (concernant Mme de Rénal, aristocrate mise au dessus de tout). Nous pouvons remarquer que Julien oppose « l'audace » / « îndrăzneala » des jeunes gens à « l'orgueil des riches » / «orgoliul bogătaşilor ». Peut-etre faut-il prendre au pied de la lettre ces mots de Zola sur l’auteur du Rouge et le Noir:

« J’avoue franchement qu’alors je ne puis le suivre; ses allures de mystère diplomatique, son ironie pincée, ces portes qu’il ferme et derrière lesquelles il n’y a souvent qu’un néant laborieux, me donnent sur les nerfs. » (Zola, 1996: 429)

Stendhal suggère la plupart des choses qu’il veut faire entendre à son lecteur, et ce type

d’écriture détermine une façon de lire spécifique. En effet, les demi-mots réclament une réception particulière, comme du marquis de La Mole:

« Aurez-vous assez d’esprit pour bien executer toutes les choses que cet homme vif vous indiquera à demi-mot? » (p. 447)

L’énonciateur du « demi-mot » ne peut qu’etre « vif », et le destinataire doit avoir

« assez d’esprit » pour le comprendre. Ainsi, la pratique repandue des demi-mots dans le récit stendhalien renseigne implicitement sur la lecture qu’il attend: les demi-mots, tout en accentuant l’impression que leur enonciateur est plein de subtilité, exigent que le destinataire ait de « l’esprit ». Les exemples de demi-mots pourraient être multipliés à loisir, mais nous nous contenterons d’étudier les figures assez proches de l’allusion et de l’ironie, dont l’omniprésence dans le récit stendhalien est bien connue.

Malgré les dénégations de Stendhal en la matière, sa prédilection pour l’allusion (Hamon, 2000) est bien connue: une branche entière de la critique stendhalienne s’est même donnée pour mission de décrypter les allusions des romans, comme suffisent à le montrer les tables des matières du Stendhal-Club, revue consacrée pour une bonne part à dissiper le mystère des allusions.

Pour décrypter l’allusion, le lecteur devrait se livrer à un travail interprétatif de plus ou moins grande envergure. La présence de nombreuses allusions dans un même texte modifie en profondeur la façon de lire. (Crouzet, 1995: 23)

Prenons comme example la phrase:

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« Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est revolté contre la bassesse de sa fortune. » (p. 560) « Domnilor, n-am cinstea să aparţin clasei domniilor-voastre, domniile-voastre văd în mine un ţăran care s-a răzvrătit împotriva soartei lui josnice. » (p. 376)

Dans cette phrase, nous percevons l’allusion de Julien que ce que les jurés voient en lui est seulement l’apparence. Le protagoniste est conscient qu’il n’est pas un simple paysan. Dans le texte-cible le ton est plutôt ironique qu’allusif par la traduction du pronom « vous » par le pronom de politesse « domniilor-voastre, domniile-voastre », qui, utilisé deux fois dans la même phrase, ne peut pas être interprété autrement.

Quand le lecteur décrypte une allusion, il éprouve le plaisir de la connivence avec le narrateur (Orecchionni, 1986: 46), plaisir accru par l’impression que l’énonciateur, puisqu’il emploie cette figure, le tient en haute estime. Il a alors le sentiment d’être le « bon » destinataire, celui auquel s’adresse le narrateur.

La figure de l’allusion est, en un sens, auto-génératrice. Il y a deux types d’allusion: les unes sont visibles, c’est-à-dire que le lecteur ne peut pas les ignorer; les autres ne sont pas signalées en tant que telles par le texte. Or le fait que le récit stendhalien compte énormément d’allusions visibles, c’est-à-dire facilement repérables, modifie considérablement la façon de lire du lecteur, qui prend l’habitude de chercher à les repérer. C’est en cela que l’allusion peut être dite auto génératrice: plus le lecteur a conscience qu’il y a des allusions dans le texte qu’il lit, plus il prête attention à leur présence eventuelle, quitte à en repérer meme la où l’énonciateur n’en voyait pas, ce qui le conforte dans le sentiment qu’il mène une lecture pleine de finesse.

Les allusions stendhaliennes ont la spécificité d’être, pour une bonne part d’entre elles, intratextuelles, c’est-à-dire qu’elles font référence à un autre passage de la même œuvre. Nous devons signaler le fait que dans le texte-cible ces allusions sont décryptées souvent par le traducteur. Dans le fragment que nous analysons par exemple Gellu Naum nous donne une note explicative sur Saint-Beuve ce qui manque dans le texte-source.

Le texte développe lui-même toutes les connotations de l’allusion, si bien que le lecteur n’a pas vraiment besoin de la décrypter: les sous-entendus sont explicites au moment où il pourrait les déceler. Il y a là encore l’impression de percevoir de lui-même l’écho entre les deux passages, alors que cet écho est tellement développé qu’il n’a plus rien d’allusif: l’allusion devient redondance: d’incompréhensibles, voire imperceptibles, qu’elles étaient à la première lecture, elles deviennent évidentes pour qui a déjà lu le roman.

Comme l’allusion, l’ironie joue un rôle déterminant que le lecteur se fait de sa propre lecture. D’abord, elle signale que l’énonciateur fait appel à l’intelligence de son destinataire, et elle implique qu’il lui fait confiance pour la déceler et la comprendre:

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« Charger l’auditeur de cette tache [décrypter l’ironie], c’est lui supposer les capacités intellectuelles nécessaires. Or, avoir cette confiance en ces capacités intellectuelles, c’est le flatter, et donc cette flatterie qui assure l’effet visé par le locuteur, à savoir la solidarisation de l’auditeur avec lui contre l’adversaire. » (Warning, 1982: 126)

Ainsi, l’ironie favorise la connivence entre le narrateur et le lecteur qui la perçoit, à

l’exclusion de « l’adversaire ». Elle est responsable d’une dissociation des destinataires, comme l’a montré Philippe Hamon:

« L’ironie est une communion qui se fait partiellement et sélectivement sur le dos d’un autre, une sorte de petit examen de passage que l’ironisant fait passer a son auditoire ou a ses lecteurs pour vérifier leur compétence idéologique, une posture langagière qui a deux buts contradictoires ou plutôt symétriques: d’un cote mettre a distance, exclure, excommunier en quelque sorte les balourds et les naïfs […]qui ne comprennent pas la dualité (ou simplement la complexité d’un message), ou qui l’interprètent mal; de l’autre, communier avec l’autre partie du public, transformée en complice. » (Hamon, 1996: 125)

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que le texte stendhalien privilégie l’ironie. En effet, cette bipartition du public reconduit discrètement un trait structurant du portrait explicite du lecteur réclamé par le narrateur: l’opposition entre le bon et le mauvais lecteur. (Hamon, 1996: 18)

L’ironie connote la « distinction » de celui qui la manie comme de celui à qui elle este destinée. Ce phénomène - politiquement incorrect - est trop rarement envisagé dans les études de l’ironie stendhalienne: elle donne à son destinataire le sentiment non seulement d’être fin et intelligent, mais aussi de faire partie de la bonne compagnie.

Quoi qu’il soit, l’ironie, symbole traditionnel de la finesse stendhalienne, doit être envisagé comme un des éléments qui donnent des indices sur le type de lecture qu’attend le texte: lorsque le lecteur repère l’ironie, il sent que le narrateur s’adresse à son intelligence, ce qui crée avec lui une connivence non seulement psychologique mais aussi sociale. Elle garantit pour le lecteur un double plaisir d’amour propre: celui de la comprendre et celui de se sentir « élu » par l’ironiste.

Nous remarquons l'utilisation des points de suspension (« des bourgeois indignés… » / « burghezi indignaţi… ») par le narrateur qui sont préservés dans le texte-cible; ils écourtent le discours de Julien, indiquant qu'il ne varie pas, et peut-être, à la fin, pour « mimer » l'évanouissement de Madame Derville.

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5.2.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue Nous pouvons remarquer que Stendhal utilise la langue courante, tandis que Gellu Naum utilise la langue familière. Le style de Stendhal se situe en continuation du XVIIIe siècle. Sa langue est sobre, peu descriptive, utilisant des tours allusifs, des ellipses, préférant aux articulations logiques la juxtaposition des éléments de la phrase. Stendhal même décrit et critique le langage de ses personnages:

« bavard libéral » (p. 556) / « liberal guralivi » (p. 370) « C’est un parleur audacieux, impudent, grossier, fait pour mener des sots » (p. 556) / « E un flecar îndrăznet, neruşinat şi grosolan, făcut sa-i ducă pe proşti » (p. 370) « (en parlant de M. Valenod), l’avocat général faisait du pathos en mauvais français » (p. 558) / « Procurorul perora, într-o franţuzească urîtă » (p. 373)

Gellu Naum met en valeur davantage cette critique évidente de Stendhal à l’adresse de

ses personnages par l’utilisation du péjoratif « franţuzească » qui utilise près de l’adjectif « urîtă » devient presque un pléonasme en roumain. Nous devons préciser que la traduction roumaine est parfois une traduction littérale mais quand même une traduction libre du texte-source, Gellu Naum devant savoir choisir quand on doit traduire littéralement ou librement les mots / la forme ou le sens. Le sens est comme l’âme du discours, et les paroles n’en sont que comme le corps. Ainsi une traduction toute littérale est comme un corps sans âme, parce que le corps est d’une langue et l’âme d’une autre. Nous avons touché ici une notion très chère à la traduction littéraire: traduire, c’est recréer en langue-cible. Avec cette notion de recréation, nous passons sous silence l’opposition dualiste entre la fidélité et la trahison, la forme et le sens. Au nom de la recréation, Gellu Naum a acquis une liberté plus ou moins grande, en se fixant un but et en modifiant selon le but fixé ses relations avec Stendhal et le lecteur. Il essaie respecter l’original, établir des relations d’égalité entre l’auteur et le traducteur. Dans la traduction du Rouge et le Noir il n’a pas comme but à rivaliser avec cette œuvre, et si l’on rivalise, il n’est plus question d’être fidèle à l’original ni de le suivre pas à pas, mais tout au contraire, il essaie de le dépasser, en mettant en valeur les avantages de la langue-source.

5.2.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot

Comme nous avons signalé dans le sous-chapitre 5.2.2.4 Prise en compte du paratexte et du contexte, dans l’édition que nous utilisons de la traduction roumaine on remarque une note explicative: « Charles Augustin de Sainte-Beuve (1804-1889), critic francez, profesor la « Colegiul Franţei » » qui a le rôle de familiariser le lecteur avec l’émetteur de l’énoncé, dans

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le texte-source cette note explicative en manquant. Il n’y a pas des explications de l’étymologie ou du sens d’aucun mot dans notre fragment, vue le style allusif de Stendhal que nous décrit dans le sous-chapitre 5.2.3.2 Étude des connotations et explicitation des sens implicites.

5.2.3.5. Analyse des modalisateurs Le chapitre que nous analysons commence par l’incertitude du résultat du procès.

Stendhal utilise dans l’épigraphe la phrase interrogative: « Le condamneront-ils? » / « Il vor osîndi oare ? », incertitude qui est mise en valeur davantage dans la langue-cible par l’utilisation de l’adverbe interrogatif « oare » qui a le rôle de renforcer la valeur dubitative de la proposition.

Dans le discours de Julien le présent est utilisé fréquemment:

« me fait / mă face; » « je n’ai point / n-am; » « vous voyez / văd; » « je ne vous demande aucune grâce / Nu vă cer nici un fel de îndurare; » « Je ne me fais point illusion / Nu-mi fac deloc iluzii; » « la mort m’attend / mă asteaptă moartea; » « Mon crime est atroce / Crima mea e cumplită; » « ont le bonheur / are norocul; » « apelle / numeşte; » « je ne suis point jugé / nu sunt judecat; » « Je ne vois point / Nu văd; »

L’emploi du présent indique que Julien n'a aucune hésitation et parle avec clarté,

netteté, fermeté. Il faut notter aussi l’utilisation du futur dans le discours de Julien « elle sera juste »

/ « ea va fi dreaptă », « il sera puni » / « ea va fi pedepsită » qui exprime la certitude sur son avenir: la mort.

L’incertitude est marqué par l’utilisation du verbe croire « je croyais » / « credeam » et le conditionnel « quand je serais moins coupable » / « chiar dacă aş fi mai puţin vinovat » et le verbe pouvoir qui dans le texte-source est utilisé au présent « ma jeunesse peut mériter de pitié », tandis que dans le texte-cible il est utilisé au conditionnel présent « mila ce ar trebui să le-o trezească tinereţea mea ». Nous devons aussi signaler le fait que Gellu Naum traduit le verbe pouvoir par le verbe devoir, ce qui implique une accusation plus soutenue à l’adresse du jury.

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L’utilisation du mot « prémédité » / « premeditată » en italiques et la phrase exclamative: « Voila mon crime » / « Iată crima mea » conclut sur le fait que Julien assume son crime et déclare sa culpabilité, son discours étant plus un réquisitoire qu’un plaidoyer et il n’y a aucune doute de la véridicité de ses mots.

5.2.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique Dans ce chapitre nous traiterons les aspects suivants: la construction des phrases et les types des phrases, la détermination de la tonalité du texte, l’identification des figures de style et de rhétorique, la présentation de la structure et de l'organisation du texte et la détermination de la nature et du rôle des exemples.

5.2.4.1. Construction des phrases, types des phrases

Nous allons analyser parallèlement la syntaxe de la phrase utilisée par Stendhal et Gellu Naum dans l’incipit de son discours afin de voir les similitudes et différences dans la construction du discours argumentatif du texte-source et texte-cible:

« Messieurs les jurés, L'horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune. » (p. 560) « Domnilor juraţi, Groaza de a fi dispreţuit, pe care credeam că voi putea să o înfrunt în clipa morţii, mă face să iau cuvîntul. Domnilor, n-am cinstea să aparţin clasei domniilor-voastre, domniile-voastre văd în mine un ţăran care s-a răzvrătit împotriva soartei lui josnice. » (p. 375)

Dans le texte-source nous remarquons deux propositions subordonnées relatives introduites par le pronom relatif « que » et « qui », propositions qui au point de vue de leurs sens ont une valeur explicative. Dans le texte-cible les propositions subordonnées relatives sont gardées par leurs équivalents roumains- les propositions attributives introduites par les pronoms relatifs « care » et « pe care ». Ces propositions subordonnées relatives /attributives

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jouent le role des adjectifs auprès des noms « l’horreur » / « groaza » et « un paysan » / « un ţăran ». Il y a aussi dans ce fragment la proposition subordonnée relative de cause « …, vous voyez en moi un paysan » qui est traduite dans le texte-cible par la proposition subordonnée circonstancielle de cause «…, domniile-voastre văd în mine ».

Les phrases suivantes du discours sont des phrases courtes de type déclaratif ce qui démontre le caractère fort du protagoniste même si considéré victime ou inculpé pour son auditoire. Nous remarquons l’utilisation alternative des propositions affirmatives et des propositions négatives, les deux types soulignant la certitude de la véridicité des mots de Julien.

Les constructions négatives sont renforcées dans le texte-source ainsi que dans le texte-cible par l’utilisation des adverbes de négation comme « aucune » / « nici un fel de », « point » / « de loc ».

Si nous allons plus dans le discours nous trouverons une phrase plus longue ce qui donne « un tour un peu abstrait » au discours de Julien:

« Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure, et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société. » (p. 560) « Dar chiar dacă aş fi mai puţin vinovat, văd oameni cărora, fără să le pese de mila ce ar trebui să le-o trezească tinereţea mea, ar vrea să pedepsească prin mine şi să descurajeze astfel, pentru totdeuna, categoria aceasta de tineri care, născuţi într-o clasă inferioară şi oarecum apăsată de sărăcie, are norocul să dobîndească o educaţie bună şi îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă. » (p. 376)

Dans le texte-source nous rencontrons une proposition circonstancielle d’opposition (adversative) « Mais quand je serais moins coupable » introduite par la locution conjonctive de temps employée dans un sens figuré « mais quand », ensuite trois propositions relatives: « des hommes qui… voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens », « gens qui… ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se mêler à ce », « ce que l'orgueil des gens riches appelle la société. », une proposition circonstancielle d’ exclusion: « sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié » et à la fin la proposition exclamative elliptique « Voilà mon crime ». Dans le texte-cible la proposition circonstancielle d’opposition est remplacée par la proposition subordonnée circonstancielle concessive « Dar chiar dacă aş fi mai puţin vinovat » qui est plus explicite. Nous retrouvons ensuite la proposition circonstancielle d’exclusion dans

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l’utilisation de la proposition modale « fără să le pese de mila » qui caractérise le mode dans lequel « oamenii ar vrea să pedepsească», des propositions attributives comme «ar vrea să pedepsească prin mine şi să descurajeze », «categoria aceasta de tineri care…are norocul », « norocul să dobîndească o educaţie bună şi îndrăzneala să se amestece », « ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă ». En outre, nous remarquons l’utilisation du pronom relatif avec le rôle de conjonction au datif « cărora » un peu erronée, notre traduction serrait « care ».

5.2.4.2. Détermination de la tonalité du texte

Nous allons mettre en évidence la tonalite tragique du discours de Julien Sorel par l’évocation de la mort, de la destinée, l’utilisation d'un vocabulaire éloquent, pathétique: les femmes en larmes à la fin du texte, polémique dont la figure essentielle est l'antithèse, qui figure un combat, que deux mondes s'affrontent et ironique et satirique à l'égard des juges, bien sûr; mais sans doute aussi à l'égard des femmes (texte un peu misogyne). Nous avons développé ces dernières tonalités dans le sous-chapitre 5.2.3.2 Étude des connotations et explicitation des sens implicites.

Sans adopter un profil bas et sans recourir au ton consacré au soupir et à l'attendrissement, Julien Sorel, très dignement, reconnaît devant les jurés avoir « pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages » / « Am atentat la viaţa femeii celei mai vrednice de respect şi de toată cinstirea. ». Il a bien sûr appris par le concierge que Mme de Rénal n'était pas morte et qu'elle allait même mieux. En prison, il avait commencé à se repentir du crime qu'il avait commis et Mme de Rénal, en écrivant à chacun des trente six jurés. Imputant le geste malheureux de Julien à un moment d'égarement, elle réclamait au nom de la folle, la clémence du jury et l'invitait à écarter la thèse de la préméditation. Or, voici que Julien, curieusement et contre toute attente, avoue que ce crime « atroce » / « cumplită » était « prémédité » / « premeditată». Coupable de meurtre et de meurtre avec préméditation, Julien par sa déclaration risquait donc la peine de mort. Du moins aux yeux des jurés dont ce sera d'ailleurs le verdict. Mais l'assomption d'un geste aux conséquences très lourdes est plausible pour peu qu'on rattache l'attitude de Julien lors du procès à tout ce qui la précède et l'explique. Il n'y a donc pas à proprement parler de dissonance dans le comportement d'un personnage décidément fort singulier et dont la logique interne est d'une cohérence déconcertante surtout depuis les coups de pistolet à l'intérieur de l'église.

I1 semble que le glissement soit surtout l'œuvre d'une rhétorique embarrassée et d'un raisonnement vicieux: Julien l'hypocrite continue son jeu; il se livre à une manœuvre de diversion par laquelle il parvient très habilement à noyer le geste solitaire et répréhensible du révolté dans le programme solidaire et légitime de toute une classe d'opprimés. Avec sa tête de

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Robespierre, l'accusé se transforme sous nos yeux en un tribun qui incite le « peuple » à la révolte. La force du verbe se met au service d'une stratégie visant à incliner le crime passionnel dans le sens du projet révolutionnaire. Julien, en faisant de la démagogie et en pratiquant l'amalgame, parvient à déplacer l'enjeu juridique du procès sur le terrain de l'idéologie. En effet, son discours partisan, mystificateur, anonyme et visant la conquête du pouvoir est par définition idéologique dans la mesure où il est l'expression lui aussi d'une pensée fanatique, trompeuse, impersonnelle, et visant la prise du pouvoir ou sa conservation et son maintien par

le recours surtout au sacré qui le légitime comme ordre divin. Visiblement émues par le discours spontané et enflammé du jeune homme beau et intelligent, les femmes, « toutes les femmes fondaient en larmes » / « toate femeile plîngeau», réaction émotive faite d'attendrissement, de compassion et de pitié suscitée par le spectacle d'un Julien prêt à offrir sa jolie tête à l'échafaud. Le plaidoyer est d'autant plus déconcertant et d'autant plus paradoxal que le plébéien en transfert, de classe embraye très vite sur un réquisitoire qu'il dresse contre la société bourgeoise qui le juge. Aussi transforme-t-il sa défense en attaque contre un tribunal dont il met en question la composition:

« Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés. » (p. 560) « Nu văd pe băncile juraţilor nici un ţăran mai înstărit, ci numai burghezi indignaţi. » (p. 376)

Le paysan révolté raisonne maintenant en terme de classe et le crime passionnel est insensiblement éludé au profit d'un crime à résonance politique. Porte parole de la « classe inférieure » Julien se dresse, par son discours, en symbole de la contestation sociale. Mais, ce paysan qui se révolte contre la bassesse de sa condition parle surtout:

- au nom d'une génération. La classe dont il parle désigne donc d'abord une couche d'âge;

- « je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens... » / «văd oameni cărora, fără să le pese de mila ce ar trebui să le-o trezească tinereţea mea, ar vrea să pedepsească prin mine şi să descurajeze astfel, pentru totdeuna, categoria aceasta de tineri » pouvant représenter ce qu'on pourrait appeler « la jeune France» à l'ambition, à l'ascension irrésistibles depuis la réussite de Napoléon.

- au nom d'une couche pauvre. Au déficit financier (argent) s'ajoute donc le défaut de naissance (origine).

- au nom d'une élite intellectuelle qui a «le bonheur de se procurer une bonne éducation et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société

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» / « are norocul să dobîndească o educaţie bună şi îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă. » Nous devons remarquer ici une traduction plus ou moins libre de Gellu Naum du nom « société », en roumain en ajoutant l’adjectif « înaltă » qui près de la traduction « des gens riches » avec le péjoratif « bogătaşilor », le ton de cette phrase devient plus qu’ironique comme dans le texte-source, par conséquence satirique. Le principal atout de cette minorité est la culture. Les gens comme Julien peuvent non seulement avoir du mérite mais peuvent aussi fréquenter les salons mondains et briller par leur intelligence et par leur savoir.

Nous devons conclure que le texte-cible nous semble plus ironique que le texte-source.

5.2.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique

Les figures d'amplification dominent le texte, puisque le discours de Julien est particulièrement éloquent et grandiloquent. Nous retrouvons des hyperboles:

« l'horreur du mépris » (p. 560) / « groaza de a fi dispreţuit » (p. 375) « braver » (p. 560) / « s-o înfrunt » (p. 375) « un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune » (p. 560) / « un ţăran care s-a răzvrătit împotriva soartei lui josnice. » (p. 376)

Nous retrouvons également la périphrase à valeur hyperbolique utilisation des

superlatifs: « la plus digne de tous les respects, de tous les hommages » / «celei mai vrednice de respect şi de toată cinstirea ».

Dans les propos du narrateur, il y a aussi des hyperboles: « bondissait » / « abia mai putea sta locului », « fondaient en larmes » / « plîngeau ». Elles renforcent l'intensité de la situation mais ne sont peut être pas non plus sans ironie.

Comme avons remarqué aussi dans le sous-chapitre 5.2.3.2 Étude des connotations et explicitation des sens implicites, dans le texte-cible nous ne retrouvons pas la hyperbole qui caractérise la réaction des femmes, le traducteur mettant l’accent sur l’ironie en ce qu’il concerne le discours de Julien qui est un peu abstrait.

Nous verrons davantage l’utilisation de l’anaphore et autres répétitions. Nous remarquerons d'abord la constance de l'emploi du « Je », qui traduit l'idée d'un orateur qui assume et s'affirme, cette répétition n’existant pas dans le texte-cible a cause de la spécificité de la langue roumaine ou la personne est plutôt marquée par le verbe, le pronom sujet n’étant pas obligatoire ou nécessaire. Nous pourrons nous arrêter sur la répétition des mots « mort » / « moartea », « crime » / « crima » qui insistent sur le caractère irrévocable du destin de Julien.

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Mais avant toute chose, la figure dominante du texte est l'antithèse; elle figure principalement l'opposition entre les classes: « votre classe » / « clasei domniilor-voastre » - « un paysan » / « un ţăran »; « pauvreté » / « sărăcie »-« riches » / « bogataşi »; « audace » / « îndrzneala »- « orgueil » / « orgoliul »; « paysan enrichi » / « ţăran înstărit »- « bourgeois indignés » / « burghezi indignaţi »;le « vrai » crime face au « crime social »: « Mon crime est atroce » / « Crima mea e cumplită»- « Voilà mon crime » / « Iată crima mea »;l'opposition entre Julien le criminel, et Madame de Rénal, la noble victime: « la femme la plus digne » / « femeia cea mai vrednică »-« Mon crime est atroce » / « Crima mea e cumplită», opposition « galante » de Julien qui lui confère lucidité et noblesse d'âme; l'opposition entre l'avocat général (et les jurés) qui « bondit » / « abia mai putea sta locului » sur sa chaise, et Mme Derville qui « s'évanouit » / « leşină » (et les femmes qui pleurent). Les hommes qui rendent la justice ne sont pas capables de la compassion des femmes qui ne peuvent pas la rendre.

5.2.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte

La structure du texte, définie très clairement par, d'une part, le discours de Julien; d'autre part les réactions à ce discours, offusquées chez le juge, émues chez les femmes suggère que le discours du jeune homme provoque de vives réactions: il est le centre de la parole et a quelque chose d'héroïque.

Le discours de Julien est un discours très organisé. Il commence par une adresse « Messieurs les jurés » / « Domnilor juraţi », continue avec une introduction: la raison qui « me fait prendre la parole » / « mă face să iau cuvîntul ». Il suit d'un exposé de son propre cas: « Mon crime est atroce » / « Crima mea e cumplită», d’une thèse plus générale:

« Décourager à jamais cette classe de jeune gens […] » (p. 560) « […] să descurajeze astefel, pentru totdeauna, categoria aceasta de tineri […] » (p. 376)

À la fin nous signalons la conclusion: « Voilà mon crime… » / « Iată crima mea ».

Le discours est construit selon une démarche inductive, qui va du particulier au général: Julien articule les moments forts d'un discours construit: « J’ai donc mérité la mort » / « Mi-am meritat deci moartea ». L'absence, par moments, de connecteurs, donne une certaine éloquence au discours, notamment en créant un rythme ternaire:

« Je ne me fais point d'illusion, la mort m'attend: elle sera juste. » « Nu-mi fac deloc iluzii, mă aşteaptă moartea; ea va fi dreaptă. »

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Le traducteur du texte en roumain respecte la construction des phrases et des jugements, la seule différence ici étant l’utilisation du point-virgule au lieu de deux-points dans les phrases antérieurement présentées.

5.2.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples Nous avons démontré dans le sous-chapitre 5.2.4.1 Construction des phrases, types des phrases, que dans le discours de Julien, Stendhal utilise fréquemment les propositions relatives qui sont traduites dans le texte-cible par les propositions attributives qui ont le rôle d’expliciter le nom qu’elles déterminent.

5.2.5. Étude de la structure logique Dans ce chapitre nous commenterons l’énonciation de la thèse et la caractérisation des arguments et du raisonnement.

5.2.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse) La thèse de Julien est que son crime est atroce, mais le vrai crime est qu’il a « l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des riches appelle la société » / « îndrazneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă. ». La thèse adverse est fugitivement spécifiée par les mots rapportés de l’avocat général « la barbarie du crime commis » / « barbaria crimei săvîrşite ».

5.2.5.2. Caractérisation des arguments et du raisonnement Dans le sous-chapitre 5.2.5.2 Caractérisation des arguments et du raisonnement, nous allons commenter quelques types de raisonnement qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour notre analyse. Il s’agit des raisonnements déductifs ou inductifs, concessifs, par l’absurde, critiques et du syllogisme. Nous avons démontré tout au long de cette analyse le fait que Julien Sorel ne fait pas un plaidoyer pour soi-même, il ne demande « aucune grâce » / « nici un fel de îndurare », il est conscient de sa crime contre Mme de Rénal, par contre, il accepte sa culpabilité et la confesse. Mais il nous relève un réquisitoire contre un auditoire qui, dans son raisonnement critique, n’a pas le droit de le juger. Il donne comme arguments le fait qu’il n’est pas:

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« jugé par mes pairs » (p. 560) / « nu sunt judecat de către semenii mei » (p. 376) « Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés » (p. 560) / « Nu văd pe băncile juraţilor nici un ţăran mai înstărit, ci numai burghezi indignaţi. » (p. 376)

Nous repérons ici la traduction de l’adjectif indéfini qui exprime une quantité indéterminée « quelque » par le pronom négatif « nici un » qui souligne davantage dans le texte-cible l’idée que Julien est seul contre une classe sociale adverse. Ce sont ses arguments pour conclure qu’il n’est pas jugé correctement. Son raisonnement n’a pas le but de convaincre l’auditoire de son innocence, mais il veut démontrer que le crime pour lequel il est juge est faux et que le jury a des raisons cachées pour le punir si sévèrement. L’utilisation du verbe « décourager » / « să descurajeze » qui a une tente subjective et n’appartient pas au vocabulaire juridique souligne le raisonnement de notre héros.

5.2.5.2.1. Le raisonnement déductif ou inductif Le discours de Julien est construit selon une démarche inductive, qui va du particulier au général. Il parle de son cas, de son crime et depuis il arrive à représenter toute une classe sociale, ce que nous avons démontré dans le sous-chapitre 5.2.4.4 Présentation de la structure et de l'organisation du texte.

5.2.5.2.3. Le raisonnement concessif Le raisonnement concessif de Julien est souligné par l’utilisation au niveau syntactique d’une proposition circonstancielle d’opposition (adversative) « Mais quand je serais moins coupable » introduite par la locution conjonctive de temps employée dans un sens figuré « mais quand », traduite dans le texte cible par la proposition subordonnée circonstancielle concessive « Dar chiar dacă aş fi mai puţin vinovat ».

5.2.5.2.4. Le raisonnement par l'absurde

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Dans le discours de Julien il y a une seule phrase qui s’identifie avec un raisonnement par l’absurde: « Mais quand je serais moins coupable » / « Dar chiar dacă aş fi mai puţin vinovat ». Cette une idée contraire à la reconnaissance de sa culpabilité, mais ce raisonnement par absurde déclaré à haute voix nous donne l’impression que Julien à l’espérance que cette idée ne soit pas nécessairement fausse et que « sa jeunesse peut mériter de pitié » / « ce ar trebui să le-o trezească tinereţea mea ».

5.2.5.2.5. Le raisonnement critique Le locuteur Julien ne critique pas la thèse opposée, il admet que son crime est atroce,

mais il réfute cette thèse comme étant une fausse thèse de l’accusation. Il rejette la thèse adverse dans le sens qu’il n’est pas jugé pour le crime commis, mais:

« Voilà mon crime: … l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la société. » (p. 560) « Iată crima mea: … îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă. » (p. 376).

Comme nous avons remarqué dans le sous-chapitre 5.2.4.2, le traducteur roumain est ici plus ironique que Stendhal, parce qu’il ajoute au nom « société » / « societate », l’adjectif « înaltă » et il traduit la phrase neutre « des gens riches » avec le péjoratif « bogătaşilor ».

5.2.5.2.6. Le syllogisme

Nous pouvons distinguer le syllogisme de Julien pendant son « jugement »:

Julien est un paysan. Les paysans sont nés dans une classe inferieure.

Julien appartient à une classe inferieure et il ne devait pas avoir l’audace de se mêler

dans la société des bourgeois.

5.2.5.3 Identification des connecteurs logiques et chronologiques Les connecteurs sont des mots de liaison. Ils sont aussi appelés mots charnières ou bien encore mots outils. Leur but est de relier les propositions, les phrases ou les paragraphes d'un

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texte. Ils servent à situer les événements, les personnages et les objets dans le temps (chronologie) et dans l'espace et jouent un rôle clé dans la cohérence (logique) et la progression du texte. Ils mettent l'accent sur le raisonnement qui sous-tend un paragraphe ou un texte. Nous pouvons identifier dans le fragment que nous avons choisi des connecteurs logiques et chronologiques.

Nous constaterons que Stendhal a fréquemment utilisé des propositions subordonnées temporelles pour marquer le temps qui passe inexorablement. Le suspens autour du verdict est orchestré par une progression temporelle très nette:

« Comme le président faisait son résumé, minuit sonna. » (p. 559) « Pe cînd preşedintele făcea rezumatul dezbaterilor, bătu miezul nopţii. » (p. 375). « Une heure sonnait comme les jurés se retiraient dans leur chambre […] » (p. 559) « Comme deux heures venaient de sonner, un grand mouvement se fit entendre. » (p. 561) « Bătea ora unu noaptea, cînd juraţii se retraseră în camera lor.[…] Cînd bătură orele două, se auzi un freamăt puternic. » (p. 377). « Julien regarda sa montre, et se souvint de M. de Lavalette; il était deux heures et un quart. » (p. 561) « Julien îşi privi ceasul şi îşi aminti de domnul de Lavalette; era ora două şi un sfert. » (p. 377)

Trois fois sur quatre, l’heure est donnée non pas comme une circonstance (dans une proposition subordonnée temporelle), mais comme l’essentiel de la phrase (dans la proposition principale). Cette construction du suspense, dramatisée par l’horloge, est absolument stéréotypée. À cela s’ajoute le stéréotype linguistique: quelques notations temporelles s’apparentent au style du roman. Ainsi, quand minuit sonne:

« […] au milieu du silence de l’anxiété universelle, le retentissement de la cloche de l’horloge remplissait la salle. » (p.559) « […] în mijlocul tăcerii pricinuite de neliniştea generală, bătăile orologiului umplură sala. » (p. 375).

Dans le discours de Julien nous pouvons remarquer l’utilisation de la conjonction

« donc » qui est traduite littéralement par Gellu Naum « deci »; celle-ci sert à marquer la

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conséquence. Il faut préciser aussi l’usage de la conjonction de coordination « mais » / « dar » pour exprimer l’opposition, conjonction qui se retrouve plusieurs fois dans ce chapitre.

5.2.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative) Dans ce chapitre nous traiterons les stratégies argumentatives qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour l’analyse: la réfutation, la concession, la confrontation et l'adhésion.

5.2.5.4.1. La réfutation La réfutation dans le discours de Julien s’identifie avec le raisonnement par lequel il souligne le fait qu’il est jugé pour « l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la société. » / « îndrăzneala să se amestece în ceea ce orgoliul bogătaşilor numeşte societate înaltă ». Par l’intermédiaire de ce fait il conteste la nature de l’accusation et vient avec une thèse nouvelle qui formule son propre point de vue sur la question: « Voilà mon crime. » / « Iată crima mea ».

5.2.5.4.2. La concession La concession est marqué dans le texte que nous analysons par l’utilisation de la conjonction « mais » / « dar » qui exprime une concession et surtout une opposition:

« Mais quand je serai moins coupable » (p. 560)/ « Dar chiar daca as fi mai putin vinovat… » (p. 376)

5.2.5.4.3. La confrontation Comme nous avons mentionné dans le sous-chapitre 5.2.4.2. Détermination de la tonalité du texte, le discours de Julien prend un ton polémique. Il transforme son plaidoyer en réquisitoire contre un tribunal dont il met en question la composition:

« Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés. » (p. 560)

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« Nu văd pe băncile juraţilor nici un ţăran mai înstărit, ci numai burghezi indignaţi. » (p. 376)

Nous repérons deux différences entre le texte-source et le texte-cible. L’adverbe de négation « point » qui est une caractéristique de la langue française n’est pas traduit en roumain et l’adjectif indéfini « quelque » est traduit par le pronom négatif « nici un ». Le paysan révolté raisonne maintenant en termes de classe et le crime passionnel est insensiblement éludé au profit d'un crime à résonance politique.

5.2.5.4.4. L'adhésion Dans son discours Julien Sorel adhère à la thèse de sa culpabilité de crime contre Mme de Rénal. Il a des arguments forts pour accepter la justesse de sa mort.

« J’ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Mme de Rênal avait été pour moi comme une mère. » « Am atentat la viaţa femeii celei mai vrednice de respect şi de toată cinstirea. Doamna de Rênal mi-a fost ca o mamă. »

Dans la traduction roumaine sa culpabilité est souligne par l’utilisation du verbe « attenter » au passe composé, Gellu Naum a choisi de supprimer le verbe pouvoir. Le texte-source laisse l’impression d’une concession.

5.2.5.4.5. L'examen critique Nous devons préciser que la première partie du discours de Julien semble plus forte du point de vue de l’argumentation. Nous entendons clairement pourquoi il a pris la parole:

« L’horreur du mépris … me fait prendre la parole. » (p. 560) « Groaza de a fi dispreţuit … mă face să iau cuvîntul. » (p. 375)

La traduction du nom « mépris » avec un sens plutôt général dans le texte-source par le verbe « a fi dispreţuit » qui marque la première personne du singulier renforce la culpabilité de Julien. Depuis il argumente très clairement l’atrocité de son crime en parlant de sa relation avec Mme de Rênal:

« Mme de Rênal avait été pour moi comme une mère. » (p. 560)

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« Doamna de Rênal a fost ca o mamă pentru mine. » (p. 376)

Dans ce cas nous remarquons la traduction du plus-que-parfait par le passé-composé. Il conclut parfaitement cette partie du discours:

J’ai donc mérite la mort. (p. 560) Mi-am meritat deci moartea. (p. 376)

Dans cette phrase, la subjectivité est mise en évidence dans le texte-cible par l’utilisation du pronom personnel à la première personne du singulier « Mi- » qui manque dans le texte-source. Quant à la deuxième partie de son discours, nous devons noter et soutenir « le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion » (p. 560) / « în ciuda întorsăturii cam abstracte pe care Julien o dăduse cuvintelor lui» (p. 376).

5.2.5.5. Explicitation des intentions de l'argumentation

Pour conclure, le discours de Julien Sorel est venu jeter à bas le bel édifice d’argent, d’intrigues et d’influences, construit sur la mise en jeu d’ambitions multiples. C’est un discours imprévu, car Julien s’était d’abord promis de ne pas prendre la parole à l’issue du procès. Mais il a suffit d’un regard insolent du baron de Valenod, son ancien rival auprès de Mme de Rênal, président du jury, pour le retenir de céder à l’attendrissement général et le rappeler à la dure réalité du conflit et de la guerre. Aussitôt, il reprend sa position extrémiste usuelle dans le duel social auquel il est affronté; aussitôt, rappelé à lui-même, il va donner publiquement libre cours à ses sentiments de colère et de détestation à l’égard des dominants du jour. Il va clamer son refus des humiliations qu’ils lui ont imposées, comme si cette situation extrême permettait une expression condensée et intensifiée de sa haine et de sa négativité non modérée; comme si dans cette situation d’exception faisaient retour toutes les batailles qu’il a du mener contre Monsieur de Rênal, ou contre les jeunes aristocrates du salon de madame de la Mole. L’ambition, dimension seconde en quelque sorte est dispersée, il ne reste plus que l’affrontement social et l’impératif de ne pas y dérober. Julien proclame à la face de la société ici rassemblée, son mépris, sa détestation et sa haine.

« Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton; il dit tout ce qu’il a avait sur le cœur. » « Timp de douăzeci de minute, Julien vorbi pe acest ton şi spuse tot ce avea pe inimă. »

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Une nouvelle fois, donnant sens à son geste et au-delà à sa vie couronnée par ce geste, Julien Sorel en définissant exactement son crime, combat pour son identité.

Il va même jusqu'à récuser l’institution qui le juge ou tout au moins a laissé planer plus qu’un soupçon sur le caractère juste de la décision qui va être prise. La seule chance de salut qui restait à Julien était la question de la préméditation; cet élément non établi, Julien pouvait sauver sa tète. Or, dans son discours, outre l’agression délibérée à l’égard des membres du jury, il avoue publiquement et non sans provocation, avoir prémédité son crime et en tire lui-même la conclusion au plan judiciaire:

« Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J'ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. » (p. 560) « Crima mea e cumplită şi a fost premeditată. Mi-am meritat deci moartea, domnilor juraţi. » (p. 376).

5.3. La satire

La satire est une représentation critique et comique d'un défaut, d'un vice, d'un

mensonge observé dans la réalité, sur le plan moral, politique ou social. Cette représentation peut prendre des formes diverses: poème40, récit, théâtre, essai. Quelle que soit la forme qu'elle emprunte, la satire se présente toujours comme un texte orienté, engagé; le comique n'y est jamais gratuit. Elle a une cible située à l'extérieur du texte: cela peut être un comportement, une idée (dans Candide de Voltaire, la cible principale est la conception optimiste du monde proposée par des philosophes comme Leibniz), une personnalité publique, une institution etc. 40 La satire a été longtemps considéré comme étant l'apanage de la poésie, elle constituait un genre poétique à part entière: témoin la tradition des poètes satiriques allant de Horace à Boileau.

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L'auteur satirique perçoit le monde autour de lui comme un désordre, une absurdité, où la logique et la vérité ne sont pas respectées, mais bafouées, trahies. Refusant d'adhérer à ce monde, et au nom de la logique et de la vérité universelle qu'il partage avec les gens de bon sens, il choisit de l'attaquer avec une arme de choix: l'humour (le rire). En tournant en dérision tout ce qui appartient à ce monde, en grossissant, en caricaturant ses défauts et ses vices, il cherche à le discréditer, à le disqualifier, à dévoiler sa fausseté, son incohérence. Le rire satirique comporte du mépris, parfois même de l'agressivité, mais il écarte la passion, le tragique; la satire implique une distance, un détachement.

À travers cette dénonciation, l'auteur satirique poursuit un but précis: corriger le monde, rétablir un ordre perdu. Le discours satirique comporte donc deux aspects: d'une part, il y a la dynamique du rire et, d'autre part, la « morale ou la leçon ou le souci de vérité (toujours plus ou moins implicite) qui témoigne d'une volonté de changer les choses. L'équilibre entre ces deux éléments doit être maintenu pour éviter que la satire ne devienne une farce gratuite ou un texte moralisateur. », (Satire, pamphlet, épigramme: 2010).

Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu est un philosophe et magistrat français du siècle des Lumières né le 18 janvier 1689 à la Brède (Gironde), et mort à Paris le 10 février 1755.

Les Lettres persanes41 / Scrisori persane42 constituent un roman épistolaire relatant le voyage à Paris de deux Persans, Usbek et Rica: leur séjour, qui dure huit années, est pour eux l'occasion d'observer la société et le mode de vie des Français, leurs coutumes, leurs traditions religieuses ou politiques, et d'en faire le rapport à leurs interlocuteurs restés en Perse. Parallèlement, Usbek et Rica reçoivent des nouvelles de Perse, qui renseignent le lecteur sur les mœurs de ce pays.

La forme épistolaire n'était plus tout à fait une nouveauté en 1721, mais elle trouvait ici une expression aboutie, car Montesquieu savait tirer toutes les ressources possibles du genre, notamment en soulignant la relativité des points de vue: si les Perses sont étranges aux yeux des Parisiens, la réciproque est également vraie. Montesquieu savait en outre lier étroitement des thèmes fort divers et aborder cette grande variété de sujets sans donner l'impression ni de monotonie ni de décousu.

Au XVIIIe siècle, l'Orient et le goût des voyages sont à la mode. Le roman a été publié au printemps 1721 à Amsterdam, et Montesquieu, par prudence, n'avoua pas qu'il en était l'auteur. Selon lui, le recueil était anonyme, et il se présentait comme simple traducteur. Il dépeint admirablement, sur un ton humoristique et satirique, la société française à travers le regard de visiteurs perses. Cette œuvre connaît un succès considérable: le côté exotique, parfois 41 Toutes les citations du roman renvoient à cette édition Montesquieu, Lettres persanes, Alphonse Lemerre, Paris, 1873. 42 Montesquieu, Scrisori persane, Caiete, Editura de stat pentru literatură şi artă, Bucureşti, trad. par Ştefan Popescu, 1970.

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érotique, la veine satirique mais sur un ton spirituel et amusé sur lesquels joue Montesquieu, plaisent.

En ce qui concerne la traduction, le roman Les Lettres persanes a été traduit dans toutes les langues de l’Europe. La version en roumain est accessible grâce à Antioh Cantemir et Ştefan Popescu.

Pour la troisième analyse de ce mémoire, nous avons choisi une lettre parmi les 161 Lettres persanes de Montesquieu - la Lettre XXIV intitulé Rica à Ibben, en roumain Scrisoarea XXIV Rică către Ibben.

5.3.1. Présentation – Expression

Les Lettres persanes racontent le voyage à Paris de deux Persans, Usbek et Rica. Leur séjour, qui dure huit années, est pour eux l'occasion d'observer la société et le mode de vie des Français, leurs coutumes, leurs traditions religieuses ou politiques, et d'en faire le rapport à leurs interlocuteurs restés en Perse. Dans cet extrait Uzbek et Rica sont très étonnés de ce qu’ils découvrent en la France. Cet étonnement est le moyen par lequel Montesquieu souligne les aspects critiquables de la société: le mode de vie des parisiens, le pouvoir royal et du pape qui sont excessivement jugés.

5.3.1.1. Lisibilité de l'écriture et présentation du devoir Le roman Lettres persanes est organisé en CLXI (161) lettres qui ont été préservées dans la traduction roumaine par Ştefan Popescu. Adressée à Ibben, ami commun à Usbek et Rica, négociant à Smyrne, curieux de connaître les mœurs françaises, la Lettre XXIV décline particulièrement bien le caractère enthousiaste du personnage de Rica. Il est apte à s'étonner de tout, et donc à mettre en exergue, malgré lui, les incohérences de la vie française. Également, encadrée de deux lettres d'Usbek au même destinataire qui contrastent avec le discours de Rica, le lecteur peut saisir dès le début de l'œuvre les deux pensées conductrices de l'exploration de l'Occident.

Ainsi, dans la lettre XXIV, est donnée une approche enthousiaste et naïve à la fois, du pouvoir en France. Cette ambiguïté travaillée du sens provient de la multiplicité des points de vue à l'intérieur de la lettre même, savamment orchestrée par Montesquieu. Dans un premier temps, le lecteur est frappé par l'innocence du regard crédule de Rica qui décrit et conte les histoires du roi et du pape, principaux pouvoirs en France, sans l'ombre d'une distance critique, et avec une agilité d'écriture qui accroche l'attention.

Après ces premières impressions, le contenu tout à fait polémique de cette présentation des deux pouvoirs, critiqués transforme la lettre XXIV presque dans un pamphlet satirique.

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Enfin, nous voyons se profiler la voix sous-jacente du penseur averti Montesquieu, responsable d'un discours construit et révélateur. L'intention ironique est alors indéniable. La lettre fictive est rédigée en 1712 et appartient au roman publié en 1721.

5.3.1.2. Registre de langue et vocabulaire

L’époque de Montesquieu était le comble de l’autonomie du français dans le monde. Le français était la langue internationale de la diplomatie et de la culture. Montesquieu se délecte à son langue; il apprécie ses ambiguïtés potentielles, dans une époque où des idées profondément philosophiques devraient être cachés parmi des livres frivoles; il se souvient toujours que son audience est une audience internationale, et que son livre sera lu par des gens qui ne comprennent pas toutes les connotations, toutes les idiomes cachées de la langue française, aussi que par ceux qui la connaissent dans tous ces degrés ironiques.

La langue perse dans l’époque de Montesquieu, la deuxième langue littéraire du Proche-Orient, est digne de la comparaison avec la langue française du XVIIIe siècle; tous les deux partagent une inclination pour les embellissements et les mots à plusieurs significations. Montesquieu souligne cette similitude à son roman satiriqu très tôt dans le livre; le personnage inventé de l’auteur qui présente le texte anonyme est spécifié dans l’introduction comme traducteur, explicitement du langage persan au langage français, mais aussi implicitement de la culture parisienne à la culture persane. Bien sûr, cette traduction culturelle est le vrai triomphe du Montesquieu, le critique social qui existe au-dehors des variables du texte, mais qui occupe une situation semblable à son traducteur linguistique. Seulement la direction de la traduction est renversée; les français du roman représentent le persan des lettres traduites, tandis que les rôles des persans du texte représentent les rôles des français actuels.

Dans la traduction roumaine de Ştefan Popescu, publiée en 1970, nous remarquons une langue plus familière qu’on ne voit chez Montesquieu dont le style est formel, meme soutenu. Nous donons comme title d’exemple les expressions « hai să zicem » (p. 63) qui dans la langue-source est marqué par le subjonctif « car encore passe qu'on m'éclabousse » (p. 52) ou « ierta înghiontelile ce le înghit » (p. 63) - « les coups de coude que je reçois » (p. 52). Dans le texte-cible nous remarquons aussi l’ortographe « î » de la semi-voyelle « â » à l’intérieur des mots, ce qui s’explique par les règles existantes au XIXe siècle où la traduction a été publiée.

5.3.1.3. Mise en relation des idées

La lettre que nous analysons est liée avec les lettres XXIV - XLVI qui présentent des curiosités parisiennes. Le personnage Usbek a des doctrines qui différèrent de celles des européens. Il fait l’éloge de l'innocence et le souci sauvage de préserver la femme de toute

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impureté ne valorise que le « nous » impérieux du genre masculin. Mais Usbek confie aussi des doutes, des suspensions de jugement qui humanisent le personnage, même si ses contradictions lui échappent. Ainsi, la lettre XXXV se conforme à un autre but que celui avoué: Usbek croit trouver chez les Chrétiens des germes de ses doctrines et se félicite qu'un jour la lumière mahométane les illuminera. Mais, il voit partout le Mahométisme sans jamais le trouver et il polit des armes contre sa prétendue universalité et contribue à mettre toutes les religions à plat, dans la même artificialité. Tout au long de cette section, Usbek semble ainsi en route vers une sagesse moyenne, difficilement conquise sur ses doutes.

Nous lui préférons souvent Rica, dont les lettres marquent une curiosité plus vive pour les mœurs et l’exaltation d'un esprit qui saisit tout avec rapidité et c’est pourquoi nous avons choisi la lettre XXIV. Ses lettres, parsemées de périphrases et d'italiques, donnent un bon exemple du regard persan qui, faussement naïf, déplace le point de vue et fait éclater la satire sociale et religieuse. L'œil de Rica est d'ailleurs plus redoutable de se limiter pour l'instant aux manières et aux manières qu'il dénonce dans la comédie sociale la célèbre lettre XXX donne une juste idée de ces coteries mondaines et superficielles où Rica perçoit autant la badauderie et l'enthousiasme que ce nationalisme naïf qui avoue son impuissance à sortir de lui-même. Néanmoins, Rica semble ici de plus en plus gagné, sinon par l'Occident, à tout le moins par le doute, notamment à l'égard de l'infériorité naturelle des femmes tant proclamée par l'Islam. Parallèlement, cette section donne à lire les lettres de Rhédi, resté à Venise, qui s'instruit et s'applique aux sciences. Son éloge du rationalisme paraît plus radical que celui d'Usbek.

5.3.2. Étude du système d'énonciation Dans ce chapitre nous traiterons quatre sujets importants: l’identification du locuteur et du destinataire, le repérage des indices d'énonciation (embrayeurs), le repérage des marques d'opinion (modalisateurs) et la prise en compte du paratexte et du contexte

5.3.2.1. Identification du locuteur et du destinataire

Dans le fragment que nous avons choisi la Lettre XXIV / Scrisoarea XXIV plusieurs indices d’énonciation nous renseignent sur l’identité de l’expéditeur de la lettre. Le locuteur est Rica et le destinataire Ibben ce qui est souligne même dans le titre de la lettre Rica à Ibben / Rica către Ibben.

L’expéditeur de la lettre est Rica et le destinataire Ibben que l'on retrouve dans l'emploi de la IIe personne pronom complément « te parler » (p. 52) / « să-ţi vorbesc » (p. 64). Dans le texte-cible l’indicatif présent est remplacé par le conjonctif et le pronom complément est traduit par le pronom personnel au datif spécifique de la langue roumaine. Le lieu de

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destination est « Smyrne » / « Smirna » qui désigne un ancien nom de la ville d'Izmir en Turquie et d'expédition « De Paris » (p. 55)/ « Din Paris » (p. 66).

Il faut noter aussi que c’est un discours direct caractéristique au genre épistolaire.

5.3.2.2. Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs) Dans notre texte-source l’énonciateur est marqué par l’usage du pronom personnel au singulier « moi », « j' », « m' », « je », « me », « moi-même », mais aussi le pronom personnel au pluriel « nous », pour designer son compagnon Usbek et le pronom indéfini « on » qui désigne un ou plusieurs individus indéterminés. Nous ajoutons également les terminaisons des verbes conjugués et les formes verbales qui marquent la première personne du singulier ou pluriel quand l’auteur fait référence à Rica et Usbek et à la troisième personne du singulier quand il parle en général « nous sommes », «nous avons … été », «on soit logé », « on ait trouvé », « on se soit pourvu », « j’enrage», «je suis », « je ne suis point », «je ne puis », «je n'y ai encore vu », « je puisse », « je n'en ai », « je n'ai eu », « je dis », « J’ai ouï », «je ne doute pas », « tu ne balances », « je continuerai », « je t'apprendrai ». Le destinataire est désigné par le pronom personnel de la deuxième personne du singulier « Tu », « te », « t' » et aussi par les formes verbales qui désignent la deuxième personne du singulier « ne le croirais », « Ne crois pas ».

Dans la langue-cible, ce qui marque le locuteur sont les verbes utilisés à la première personne du singulier ou du pluriel: « Sîntem », « am fost », « sînt », « n-am văzut », « nu-s făcut », « umblu”, « să… ies », « mă infurii », « să zicem », « mă las », « nu pot ierta », « înghit », « mă simt zdrobit », « pot », « să-ţi vorbesc », « n-am », « n-am avut timp », « să mă mir », « spun », « Am auzit », « nu mă îndoiesc », « Am să continui », « să… scriu », « am să … povestesc », « trăiesc » et le pronom personnel de la première personne du singulier: « Eu care », « -mi », « mă », « mi- » , « Eu însumi », « eu » tandis que le destinataire est désigné seulement par les verbes à la deuxième personnes du singulier: « Să nu crezi », « n-ai să mă crezi », « nu-ţi va veni să le crezi », « eşti » et les pronoms personnels de la deuxième personne du singulier « ţi », « Îţi », « -ţi », « îţi», « te », « tu ».

Nous pouvons observer que dans la traduction en roumain Ştefan Popescu insiste plutôt sur le pouvoir des verbes réfléchis que sur le pronom sujet, une caractéristique de la langue roumaine et pas une préférence du traducteur. La fréquence des verbes s’explique aussi par la traduction des verbes à l’indicatif présent de la langue-source avec le conjonctif qui est caractéristique pour la langue-cible.

Quant à la traduction du pronom indéfini « on » et les formes verbales qui l’accompagnent à la troisième personne du singulier, dans le texte-source ils sont marqués par les pronoms personnels de la deuxième personne du singulier et les verbes à la même personne

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au singulier « Îţi trebuie », « te vezi », « să găseşti », « ai nevoie », « să-ţi procuri », « îţi lipsesc ».

Quant aux indices spatiaux nous savons que le lieu est Paris par opposition à Smyrne, ville de Perse. Rica fait même allusion à Ispahan et à l’Asie. La lettre est datée du « 4 de la lune de Rebiab 2, 1712 » / « 4 ale lunii Rebiab 2, 1712 », c’est-à-dire du 4 juin 1712.

Certains termes exotiques (les prénoms) et expressions typiquement étrangères nous rappellent la nationalité de Rica. Les comparaisons sont à ce propos révélatrices: Ispahan devient l’élément de référence, le comparant, tandis que Paris est le comparé.

« […] j’enrage quelquefois comme un chrétien » (p. 52) « […] mă infurii uneori ca un creştin » (p. 63)

Enfin nous pouvons observer le besoin de précisions qu’éprouve le locuteur. Il donne

des repères géographiques:

« Le roi de France est le plus puissant prince de l’Europe » (p. 52) « Regele Franţei este cel mai puternic cap încoronat din Europa » (p. 64) « […] le roi d’Espagne son voisin » (p. 52) « […] vecinul său, regele Spaniei » (p. 64)

Rica utilise le nom pape, un terme étranger qui n’a pas son équivalent dans la langue

d’un locuteur musulman.

« Ce magicien s'appelle le pape » (p. 53) « Acesta e Papa » (p. 64)

Nous remarquons ici quelques différences entre le texte-source et le texte-cible:

l’utilisation de la majuscule dans le nom propre en roumain « Papa » ; si dans la langue-source le sujet de la proposition est « ce magicien », dans la langue-cible le sujet est marqué par le pronom démonstratif « Acesta ».

La surprise du locuteur se ressent indirectement par le récit de son expérience personnelle. Il est à Paris depuis un mois et il rédige la XXIVe lettre d’un recueil qui en comprend CLXI. L’exotisme de la lettre et le regard naïf du locuteur plongent le lecteur dans un univers fictif et permettent de dresser une critique sévère tout en douceur.

5.3.2.3. Repérage des marques d'opinion (modalisateurs)

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La lettre que nous analysons est parsemée des verbes qui expriment l’incertitude du destinataire qui est supposée par le locuteur:

« Tu juges bien (p. 51) / Îţi inchipui (p. 63) » « Tu ne le croirais pas peut-être (p. 51) / Poate n-ai să mă crezi (p.63) » « Ne crois pas (p. 52) / Să nu crezi (p. 64) » « ne doit pas t'étonner (p. 53) / nu trebuie să te mire (p. 64) » « tu ne balances à les croire (p. 54)/ că nu-ţi va veni să le crezi (p. 65) »

Dans ces exemples, nous remarquons également quelques différences entre la langue-source et la traduction roumaine: le verbe « juger » qui exprime une certitude près de l’adverbe « bien » et le sujet « tu » est remplace par le verbe réfléchi s’imaginer sans l’adverbe qui par conséquence exprime l’incertitude; les verbes à l’indicatif présent sont remplacés par des verbes au conjonctif (spécifique de la langue roumaine), le subjonctif en français « t'étonner » / « să te mire », « à les croire »/ « să le crezi ».

L'emploi du verbe au conditionnel sert également de modalisateur et indique des réserves, des doutes sur la véracité des propos qu'il rapporte: « les feraient » / « i-ar face », « qu'on jugerait qu’ » / « ţi-ar veni să juri ». Il faut noter noter ici l’usage du verbe « juger » qui exprime une opinion neutre, mais qui utilisé au conditionnel présent, exprime l’incertitude. Dans la traduction roumaine, Stefan Popescu remplace le verbe « juger » par la locution verbale « ţi-ar veni să juri » qui peut-etre un jeu des mots, le verbe « jurer » en exprimant une certitude du locuteur, tandis que l’utilisation au conditionnel produit l’effet inverse d’incertitude. Le verbe d’opinion « croire » / « să creadă » marque aussi l’incertitude du locuteur. Nous remarquons de nouveau la traduction de l’indicatif par le conjonctif.

L’incertitude du locuteur est marqué davantage par le verbe: « de m'étonner » / « să mă mir » ou la locution verbale « encore passe qu » / « hai să zicem » qui dans la langue-cible est soulignée par l’interjection « hai » qui marque une phrase exclamative et le verbe « passe » est remplacé par le verbe « să zicem » au conjonctif qui exprime une concession. La phrase interrogative « pourquoi faut-il qu'elles se mêlent de lire un livre qui n'est fait que pour apprendre le chemin du paradis? » / « de ce s-ar ocupa de o carte care nu e făcută decît spre a arăta drumul spre Paradis? » employée avec une tonalite ironique sert aussi comme modalisateur. Nous avons repéré l’ellipse du verbe « lire » dans la traduction roumaine. Autres moyens d’exprimer l’incertitude est l’utilisation des noms comme: « une légère idée » / « o ideie vagă », « un prodige »/ « printr-o ciudăţenie », « des choses qui tiennent du prodige »/« lucruri ce ţin de domeniul fanteziei » ou l’utilisation du pronom indéfini « on »:

« On dit que / Se spune că » « on ajoute que / Se mai spune că » « On dirait que / S-ar părea că »

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La certitude du locuteur est marquée seulement par le verbe « je ne doute pas » /« nu

mă îndoiesc » et la locution adverbiale « Sans doute que » / « fără îndoială » qui sont traduits fidèlement en roumain.

5.3.2.4. Prise en compte du paratexte et du contexte L’auteur de l’œuvre Lettres persanes (1721) qui a paru anonymement est Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu. Né en 1689 au château de La Brède dans le Bordelais, décédé en 1755 à Paris qui a été un moraliste, penseur et philosophe français. Nous avons remarqué dans la table des matières qu’il y a 161 lettres. L’édition en roumain que nous avons utilisée a été publiée en deux tomes. Le texte que nous avons choisi fait partie du premier tome qui contient 88 lettres. De même, l’édition française a été publiée en deux tomes. Le texte-source a une préface signée par André Lefèvre, tandis que le texte-cible a une préface signée par Aurel Tita.

La lettre que nous avons choisie a comme titre LETTRE XXIV / Scrisoarea XXIV et comme sous-titre en majuscules RICA A IBBEN / RICA CATRE IBBEN qui démarque l’expéditeur et le destinataire et davantage le sous-titre à Smyrne / La Smirna qui marque l’élément spatial du destinataire. Nous percevons que dans le texte-source le titre est marque par des lettres majuscules tandis que dans le texte-cible par des lettres minuscules. La numérotation des lettres est faite en numéraux romans.

L’élément spatio-temporel est indiqué à la fin de la lettre « De Paris, le 4 de la lune de Rebiab 2, 1712 » / « Din Paris, în 4 ale lunii Rebiab 2, 1712 » comme nous avons déjà mentionné dans le sous-chapitre 5.3.2.2 Repérage des indices d'énonciation (embrayeurs). Dans le texte-source nous avons repéré la présence d’une note explicative « Il faut qu'un Turc voie, parle et pense en Turc: c'est à quoi des gens ne font point attention en lisant les Lettres Persanes. (MONT., Lettre à l'abbé de Guasco, du 4 octobre 1752) » (p. 55) qui n’est pas rencontrée dans le texte-cible où il y a d’autres notes « Atunci era pe tronul Franţei Ludovic al XIV-lea » (p. 64) pour expliciter qui était « Regele Franţei », « Aluzie la privilegiul pe caro îl aveau regii Franţei — după cîte se spune — de a vindeca de gîlci, prin simplă atingere. » (p. 64) qui explique la phrase « că-i vindecă de orice boli atingîndu-i »,pour le terme « Constituţie » il y a la note « E vorba de celebra bulă Unigenitus, abolită de Clement Xl la 8 septembrie 1713, la cererea lui Ludovic al XlV-lea. » (p. 65), depuis « Biblia » pour la proposition « o carte pe care creştinii spun că au primit-o din cer. » (p. 65), « duşmani nevăzuţi » sont identifiés par le traducteur comme « Janseniştii, ordin religios catolic. » et les « dervişti » sont definis et exemplifiés par « Iezuiţii şi anume Père La Chaise. »

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Nous avons aussi signalé l’utilisation dans la langue-source du mot Constitution en italiques pendant que dans le texte-cible il est marque par les guillemets. Le contexte historique est le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières et le contexte historique le Règne de Louis XIV (1638-1715). Les Lettres persanes s'inscrivaient certes dans une vogue de l'exotisme, dont l'abondante production de récits de voyages et la publication des Mille et Une Nuits par Antoine Galland (1704-1717) furent les signes les plus manifestes. De fait, le roman abonde en notations pittoresques, comme les dates, référées au calendrier musulman. Mais la confrontation entre les modes de vie persan et français, et en particulier entre l'islam et le christianisme, ou entre le despotisme oriental et la monarchie française, est chargée par Montesquieu d'une intention satirique. Tous les travers et le ridicule de la société française sont caractérisés par une ironie mordante. Cependant, les grandes questions qui seront celles des philosophes tout au long du siècle des Lumières se trouvent déjà amorcées dans les Lettres persanes: la réflexion sur le bonheur, présenté comme une revendication légitime, le combat pour la liberté et la tolérance, en particulier en matière religieuse, la critique des formes autoritaires du pouvoir, despotisme ou absolutisme. Enfin, et c'est peut-être là le fait capital, les Lettres persanes sont un manifeste du pouvoir de l'ironie. Par leur fausse naïveté, les Persans réussissent à déjouer les pièges de l'hypocrisie sociale, et à faire apparaître en pleine lumière la vérité cachée de la société occidentale. Distinguant trois types de gouvernement, le monarchique, le despotique et le républicain, Montesquieu s'attache d'abord à définir les principes fondamentaux auxquels ces systèmes se rapportent: l'honneur, pour le monarchique; la crainte, pour le despotique; la vertu, pour le républicain. Puis il cherche à définir les liens constitutifs qui existent entre les différents types de gouvernement, leurs lois et les pays qui les ont établis. Douze de trente-et-un chapitres de l'ouvrage sont ainsi consacrés aux rapports des lois avec le climat, la géographie, le commerce, la monnaie, la démographie ou la religion.

5.3.3. Étude du lexique Dans ce chapitre nous traiterons cinq sections importantes: le repérage et commentaire des champs lexicaux, l’étude des connotations et explicitation des sens implicites, la prise en compte de la valeur du registre de langue, l’explication de l'étymologie ou du sens d'un mot et finalement l’analyse des modalisateurs.

5.3.3.1 Repérage et commentaire des champs lexicaux, sémantiques

Nous pouvons observer dans le premier paragraphe le champ lexical de de la capitale

« un bel embarras » (p. 52)

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« învălmăşeală groaznică » (p. 63) Dès la première ligne le « mouvement »/ « agitaţie » exprimé situe les Persans dans

une ville de désordre et d’agitation. La ville de Paris se caractérise avant tout par son embarras, par la confusion qui y règne, la foule et la démesure. Les habitants sont critiqués pour leur brutalité: les adverbes « régulièrement » / « regulat » , « périodiquement » (dans le texte-cible ce mot n’est pas traduit) et « soudain » / « nu apuc să» (ici l’adverbe est remplacé par la locution verbale qui offre au texte un ton plutôt familier) ainsi que le pronom de la première personne réduit à l’état d’objet:

« […] qui me passe me fait faire un demi-tour; et un autre qui me croise de l’autre côté me remet soudain où le premier m’avait pris » (p. 52) « […] şi mi-o ia înainte mă dă de-o parte. Un altul din faţă mă împinge pe locul de unde mă înghiontise primul » (p. 63-64)

Ces phrases traduisent le manque de respect et de considération dont Rica est victime. Il nous fait aussi une description des habitations parisiennes, qui nous laissent penser

que Paris a une population importante, ce qui pourrait être une des causes de cette agitation. À cet effet, il évoque notamment leur hauteur considérable en employant l'expression:

« les maisons y sont si hautes » (p. 52) / « Casele sînt atît de înalte » (p. 63)

ou la périphrase: « six ou sept maisons mises les unes sur les autres » (p. 52) / « şase sau şapte case unele peste altele; (il s'agit assurément d'immeubles) » (p. 63)

ou la phrase: « extrêmement peuplé » (p. 52) / « extrem de populat » (p. 63)

Par ailleurs il souligne la rapidité avec laquelle se déplacent les Parisiens en comparant

les « machines » / « membrele » françaises aux « voitures lentes d'Asie »/ « Trăsurile din Asia cu mersul lor încet» et au « pas réglé des chameaux » / « pasul măsurat al cămilelor». Nous avons aperçu la traduction erronée (ou peut-être le traducteur a fait cela par l’intention d’amplifier l’agitation des parisiens) du nom « machines » avec « membrele » dans la phrase:

« Il n’y a pas de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les Français: ils courent, ils volent […]. » (p. 52) « Nu există pe lume oameni care să-şi folosească mai bine membrele decît francezii: aleargă, zboară. » (p. 63)

Ensuite, il remplace l’adjectif « lentes » par une proposition attributive « cu mersul lor încet ».

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Ultérieurement il nous démontre le caractère pressé et le peu d'attention qu'ont les Parisiens dans quelle agitation vivent les Parisiens: ils mènent une vie agitée, ils sont pressés et ne font plus attention à personne, ils sont brutaux et peu polis. Ils vivent dans un désordre perpétuel que nous décrit ainsi Montesquieu à travers la vision naïve de Rica.

La manipulation physique du personnage semble d’ailleurs annoncer la manipulation mentale qu’exercent le roi et le pape. Enfin, Rica dénonce la « vanité » / «vanitatea», «l’orgueil » / « deşertăciunii » des sujets du roi.

La politique de Louis XIV repose sur deux principes, l’hégémonie (champ lexical de la conquête militaire) et la manipulation (champ lexical de la persuasion); l’empire exercé sur les pays frontaliers ou sur « l’esprit même de ses sujets » / « asupra spiritului supuşilor săi » présente le roi comme un « magicien » / « vrăjitor » tout puissant: derrière la naïveté de Rica se cache l’ironie de Montesquieu. Le portrait du pape, supérieur au roi, est une vive dénonciation de la religion et des croyances. Le philosophe révèle aussi la situation économique de la France et les difficultés financières rencontrées par Louis XIV à la fin de son règne. Deux paragraphes sont consacrés au problème des finances: le manque, la dévaluation monétaire, le papier-monnaie donnent à la lettre un aspect informatif.

5.3.3.2. Étude des connotations et explicitation des sens implicites Montesquieu met en relief la satire des mœurs. De nombreuses négations sont utilisées par le narrateur pour montrer le mauvais usage des règles de la politesse,

« Je ne puis pardonner… » (p. 52) / « dar nu pot ierta … » (p. 63); « …je n’ai pas fait cent pas… » (p. 52) / « nu apuc să fac nici o sută de paşi, … » (p. 64); « pour moi qui ne suis point fait pour ce train… » (p. 52) / « Eu care nu-s făcut pentru acest fel de viaţă. » (p. 63);

La force des verbes est également soulignée, « …j’enrage comme un Chrétien… » / « mă infurii uneori ca un creştin », « Je ne puis pardonner… » / « nu pot ierta», « …je suis plus brisé. »/ « că mă simt zdrobit ». Ces verbes à connotation négative renvoient à une certaine faiblesse de la nature humaine. Et par extension, Montesquieu s’attaque au comportement irréfléchi des Parisiens. Alors Montesquieu nous dépeint un tableau très sévère de la royauté et peu élogieux pour le Roi de France à qui il s'affronte. Le Roi est une personne qui ne se soucie guère de son peuple; s'il organise ou soutient des guerres, ce n'est que pour vendre ses honneurs. Il bâtit ainsi ses richesses sur des guerres qui ne sont faites que dans un but productif. Son intention n'est

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pas du tout de protéger ses subordonnés dont il se sert comme de ordinaires marionnettes pour parvenir à ses buts. Nous le voyons bien à travers cette phrase:

« On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneurs à vendre […] » (p. 52) « A întreprins şi a susţinut războaie neavînd alte fonduri decît titluri de onoare de vînzare. » (p. 64)

Le Roi n'hésite pas à faire croire à son peuple « qu'un écu en vaut deux » / « un galben valorează cît doi » lorsqu'il a besoin d'argent. Par ailleurs, nous constatons que le Roi est un manipulateur car selon l'auteur c'est « un grand magicien » / « un mare vrăjitor ». La traduction du néologisme magicien par le nom vrăjitor peut être interprétée a la fois comme humoristique ou péjorative. Dans la langue-source on emploie le nom empire au sens figuré tandis que dans le texte-cible Ştefan Popescu remplace ce nom par puterea qui a un sens neutre. De ce que nous avons présenté résulte que le Roi fait ce qu'il veut de ses vassales, les mène sans qu'ils s'en aperçoivent. De plus l'auteur nous parle du pouvoir divin que posséderait le Roi en faisant croire à son peuple qu'il pourrait les guérir avec les pouvoirs que Dieu lui aurait transmis lors de son Sacrement. Ainsi « il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de tous les maux en les touchant » / « Merge pînă la a-i face să creadă că-i vindecă de orice boli atingîndu-i ».À travers ce portrait péjoratif du Roi, Montesquieu dénonce le pouvoir royal de son époque qui était une Monarchie Absolue avec un pouvoir autoritaire plus qu'excessif fondé sur le principe d'une Monarchie du Droit Divin. De la même façon, il nous parle du Pape, du pouvoir qu'il exerce en se servant subtilement de la religion. C'est, selon les dires de l'auteur, « un magicien plus grand que lui » / « un alt vrăjitor mai tare decît el », on sous-entend qu’il s’agit du Roi. Nous soulignons le sens pejoratif et humoristique du remplacement de l’adjectif grand de la langue-source avec tare dans la langue-cible. Le Pape pense pour lui mais aussi pour les autres: ainsi

« Il est maître de son esprit mais aussi celui des autres » (p. 53) « îi stăpîneşte spiritul nu mai puţin decît o face regele cu supuşii » (p. 64)

L'auteur vise aussi les rites religieux qui seraient des processions absurdes. Cela est démontré par le fait que le Pape fait allusion au Christ:

« Le pain qu'on mange n'est pas du pain » (p. 53)/ « ba că pîinea pe care o mănîncă nu e pîine » (p. 65) « Le vin qu'on boit n'est pas du vin » (p. 53) / « şi vinul pe care îl bea nu e vin » (p. 65)

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La locution conjonctivale adversative « ba ca » a un rôle péjoratif - corps et sang du Christ, selon le Pape. Nous remarquons qu'il y a ici une hiérarchie de la manipulation. Le Pape manipule le Roi qui manipule le peuple. Tout cela nous amène à croire que la royauté à un pouvoir considérable mais que le pouvoir de la papauté est bien plus important. Ainsi, à travers cette vision du Persan, Montesquieu dénonce un pouvoir totalitaire et autoritaire qui, en se servant de son double statut religieux et royal, maintient une domination néfaste et destructrice sur le peuple.

La critique de la religion dans les Lettres Persanes n′a pas uniquement pour objet de faire la satire d′une institution, elle blâme l′intolérance religieuse et s′attaque aussi au dogme en tant que tel. Aujourd′hui, une telle conception ne nous paraît peut-être pas si audacieuse et l′on comprend souvent sous le vocabulaire de christianisme la foi en la fraternité des hommes, en un dieu père créateur, au Christ comme exemple, plutôt que comme sauveur. Montesquieu n′a pas hésité à s′exposer à la censure pour diffuser des idées nouvelles, qui circulaient dans les salons, les cafés ou dans des oeuvres plus hermétiques, moins accessibles au grand public.

5.3.3.3. Prise en compte de la valeur du registre de langue Nous consentons que le registre de langue de Charles de Montesquieu est soutenu et courant « le caractère général de la prose est alors une élégante facilite, un tour alerte et vif, sans recherche ni abus du trait. » (Claveau, 1907: 242) tandis que la langue utilisée par le traducteur roumain est familière, même un peu naïve et malavisée. Nous avons déjà repéré la traduction du nom « machines » par « membrele » que nous ne pouvons pas l’echapper et qui donnent a la proposition « Nu există pe lume oameni care să-şi folosească mai bine membrele decît francezii: aleargă, zboară. » un sens imvraisemblable. De plus le verbe recevoir de la phrase « les coups de coude que je reçois » est remplacé par le verbe « înghit » qui a un usage familier. Ce qui nous attire l’attention est la traduction des adjectifs aux certains degrés de comparaison qui éprouvent un air de naïveté qui peut-être est prémédité:

« Parisul e mare cît Ispahanul » (p. 63) / « Paris est aussi grand qu'Ispahan » (p. 51); « are mai multe bogăţii ca acesta » (p. 64) / « il a plus de richesses que lui » (p. 52); « un mare vrăjitor » (p. 64) / « un grand magicien » (p. 52); « un alt vrăjitor mai tare decît el » (p. 64) / « un autre magicien plus fort que lui » (p. 53); « scrisoare mare » (p. 65) / « un grand écrit » (p. 53);

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5.3.3.4. Explication de l'étymologie ou du sens d'un mot Comme nous avons souligné dans le sous-chapitre 5.3.2.4 Prise en compte du paratexte et du contexte, nous avons rencontré des mots expliqués par Montesquieu ou par le traducteur Ştefan Popescu par des notes d’en bas de page. Un exemple dans ce sens est la note qui suit et qui ne se retrouve pas dans le texte-cible:

« Il faut qu'un Turc voie, parle et pense en Turc: c'est à quoi des gens ne font point attention en lisant les Lettres Persanes. » (MONT., Lettre à l'abbé de Guasco, du 4 octobre 1752.) (p. 53)

Par contre, dans le texte-cible il y a d’autres notes comme par exemple:

« Atunci era pe tronul Franţei Ludovic al XIV-lea. » (p. 64) Le but de cette note est d’expliciter qui était « Regele Franţei », « Aluzie la privilegiul pe care îl aveau regii Franţei — după cîte se spune — de a vindeca de gîlci, prin simplă atingere. » (p. 64) Au terme « Constituţie » il correspond la note:

« E vorba de celebra bulă Unigenitus, abolită de Clement Xl la 8 septembrie 1713, la cererea lui Ludovic al XlV-lea. » (p. 65)

Ensuite, le nom « Biblia » est expliqué par la note « o carte pe care creştinii spun că au primit-o din cer. » (p. 65), le syntagme « duşmani nevăzuţi » est expliqué par « Janseniştii, ordin religios catolic. » et le nom « dervişti » est expliqué par « Iezuiţii şi anume Père La Chaise. » Le sens du mot « moufti »43 / « muftiul » n’est expliqué dans aucun texte. Il résout en dernier ressort les points de controverse en droit civil et religieux. Il faut noter aussi que l’orthographie en français est erronée, le nom correct est « muphti » ou « mufti ».

43Jurisconsulte, généralement attaché à une mosquée, donnant des avis sur des questions juridiques et religieuses, Cf. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale, URL: http://www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm, consultée le 28 Juin 2010.

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5.3.3.5. Analyse des modalisateurs Dans le sous-chapitre 5.3.2.3 Repérage des marques d'opinion (modalisateurs), nous avons marqué les modalisateurs qui expliquent le degré de certitude des opinions du locuteur.

Ensuite, nous ajouterons la prosodie, par exemple l’intonation de Rica, qui est montante ce qui démontre la sincérité de ses mots et particulièrement son étonnement. Le regard que les Persans portent sur le monde qui les entoure est la preuve de la naïveté et d’étonnement, ainsi que du témoignent les propos de Rica. La hauteur des maisons, la promptitude avec laquelle les Français se déplacent, l’incessante agitation qui règne dans la capitale ou les étranges pouvoirs du roi de France ne laissent pas de surprendre l’épistolier de passage. En cédant la parole à un étranger que tout étonne, Montesquieu se donne les moyens d’effectuer, non sans prudence, une satire mordante de la société française.

5.3.4. Étude de la syntaxe et de la rhétorique Dans ce chapitre nous traiterons les aspects suivants: la construction des phrases et les types des phrases, la détermination de la tonalité du texte, l’identification des figures de style et de rhétorique, la présentation de la structure et de l'organisation du texte et la détermination de la nature et du rôle des exemples.

5.3.4.1. Construction des phrases, types des phrases Dans ce sous-chapitre nous allons analyser en parallèle le texte en français et la traduction roumaine.

Nous sommes à Paris depuis un mois, /1et nous avons toujours été dans un mouvement continuel/2 Il faut bien des affaires avant qu'/3on soit logé,/4 qu'on ait trouvé les gens à qui/5 on est adressé, et qu'/6on se soit pourvu des choses nécessaires, qui/7 manquent toutes à la fois. /8

Sîntem la Paris de o lună şi/1 am fost într-o continuă agitaţie./2 Îţi trebuie multă bătaie de cap pînă ce/3 te vezi instalat într-o casă,/4 să-i găseşti pe oamenii de care/5 ai nevoie şi/6 să-ţi procuri lucrurile necesare care/7 îţi lipsesc toate o dată./8

La numérotation des propositions nous permet de souligner le fait que Ştefan Popescu

respecte fidèlement la construction des phrases du texte-source. Les trois premières propositions sont principales. Les deux propositions suivantes sont circonstancielles de temps.

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La seule différence qui intervienne est le fait que dans la langue-cible les propositions attributives 6 et 8 remplacent les propositions relatives caractéristiques au français.

Paris est aussi grand qu'Ispahan:/1 les maisons y sont si hautes, /2 qu'on jugerait qu'/3elles ne sont habitées que par des astrologues./4 Tu juges bien qu'/5une ville bâtie en l'air,/6 qui a six ou sept maisons les unes sur les autres,/7est extrêmement peuplée; /6et que,/8 quand tout le monde est descendu dans la rue,/9 il s'y fait un bel embarras./8

Parisul e mare cît Ispahanul./1 Casele sînt atît de înalte încît/2 ţi-ar veni/3 să juri/4 că locuiesc în ele numai astrologi./5 Îţi inchipui că/6 un oraş construit în aer, /7care are şase sau şapte case unele peste altele,/8 este extrem de populat şi că /7atunci cînd toată lumea coboară în stradă/9 se produce o învălmăşeală groaznică./10

Dans ce paragraphe la différence entre le texte-cible et le texte-source conte dans le fait

que le traducteur a remplace le verbe « juger » par la locution verbale « a-ţi veni să ». La proposition circonstancielle de conséquence 3 se retrouve dans la langue-cible où on ajoute une proposition complément 4. Ensuite nous remarquons une proposition complexe dont nous mettons en évidence la proposition relative 7 qui a son analogue dans la proposition attributive 8.

Tu ne le croirais pas peut-être,/1 depuis

un mois que je suis ici,/2 je n'y ai encore vu marcher personne./3 Il n'y a pas de gens au monde qui/4 tirent mieux partie de leur machine que les Français;/5 ils courent,/6 ils volent: /7les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en syncope./8 Pour moi,/9 qui ne suis point fait à ce train,/10 et qui vais souvent à pied sans changer d'allure,/11 j'enrage quelquefois comme un chrétien:/9 car encore passe qu'/12on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais/13 je ne puis pardonner les coups de coude que/14 je reçois régulièrement et périodiquement./15 Un homme/16 qui vient après moi et qui/17 me passe /18me fait faire un demi-tour;/16 et un autre qui/19 me croise de

Poate n-ai să mă crezi,/ 1 dar de o lună de zile de cînd sînt aici /2n-am văzut pe nimeni umblînd ca oamenii./3 Nu există pe lume oameni care/4 să-şi folosească mai bine membrele decît francezii:/5 aleargă,/6 zboară./7 Trăsurile din Asia cu mersul lor încet ca şi pasul măsurat al cămilelor i-ar face/8 să leşine./ 9 Eu care /10nu-s făcut pentru acest fel de viaţă şi/11 care umblu adesea fără să/12-mi ies din pas /13mă infurii uneori ca un creştin: căci,/10 hai să zicem,/ 14 mă las stropit din creştet pînă în tălpi, dar/15 nu pot ierta înghiontelile ce/16 le înghit regulat./17 Cel ce vine după mine şi/18 mi-o ia înainte/19 mă dă de-o parte./20 Un altul din faţă mă împinge pe locul de unde/21 mă înghiontise primul şi /22nu apuc să fac nici o sută de paşi că/23 mă simt

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l'autre côté/20 me remet soudain où/19 le premier m'avait pris; /21et je n'ai pas fait cent pas, que /22je suis plus brisé que si/23 j'avais fait dix lieues. /24

zdrobit ca după zece leghe./24

Premièrement, nous remarquons le remplacement de l’indicatif présent de la

proposition 8 du texte-source par la proposition complément 9 et de la proposition 11 par la proposition circonstancielle de mode 13. Les propositions principales 19, respectivement la relative 20 sont comprimées dans une seule proposition (21) dans le texte-cible. Et enfin l’égalité des propositions dérive du fait que la dernière proposition de la langue-cible est remplacée par la locution adverbiale de lieu « după zece leghe ».

5.3.4.2. Détermination de la tonalité du texte Nous devons signaler le fait que l’orientalisme et le regard naïf de Rica sont des prétextes et des armes nécessaires à la dénonciation d'un double despotisme exercé sur les esprits des français: celui du roi et celui du pape et par conséquence, de la religion.

Montesquieu fait la critique du despotisme qui est matérialisé par le champ lexical de la puissance:

« le plus puissant prince de l'Europe (p. 52)/ cel mai puternic cap încoronat din Europa » (p. 64) « exerce son empire » (p. 52)/ « Îşi exercită puterea » (p. 64) « tant est grande la force... » (p. 53)/ « atît de mare e puterea » (p.64)

Montesquieu dénonce l'exploitation économique de ses sujets:

« il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets » (p. 52) « dar are mai multe bogăţii ca acesta pentru că le scoate din vanitatea supuşilor săi. » (p. 64)

Il s'appuie aussi sur la comparaison avec les mines d'or et le champ lexical de l'argent. Il évoque également une exploitation morale: « il les fait penser comme il veut »/ « Îi

face să creadă ce vrea el. » Mais ce despotisme n'est possible seulement parce que les sujets acceptent d'en être complices (mention de la vanité) ou parce que leurs esprits ne sont pas suffisamment éclairés, ce qui explique pourquoi magie et illusionnisme peuvent opérer. Par exemple

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« il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent » (p. 53) « nu face decit să Ie bage în cap că nişte bucăţi de hîrtie sînt bani » (p. 64) « qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux » (p. 52-53) « să-i convingă că un galben valorează cît doi » (p. 64)

La tonalité de la lettre XXIV est aussi satirique. Le jeu avec les chiffres et les

équivalences incongrues et inacceptables mettent ainsi en relief une certaine ignorance des sujets et une certaine naïveté. Il utilise le même procédé avec la formule « trois ne sont qu'un »/ « ÎI face să creadă ba că trei nu fac decît unu » du pape qui constitue une dénonciation du dogme de la Trinité. Montesquieu dénonce cette superstition avec la comparaison de la vanité et de la mine (la vanité est aussi un gouffre). Il en va de même avec la superstition du roi faiseur de miracles suivie assez logiquement d'une critique de la superstition chrétienne.

L'allitération en [s], laisse d'ailleurs entendre le ton persifleur de Montesquieu, notamment dans la phrase:

« mille autres choses de cette espèce » (p. 53) « mii de alte lucruri de soiul acesta » (p. 65)

Dans la traduction roumaine le ton est préservé par l’utilisation du mot

péjoratif « soiul ».

5.3.4.3. Identification des figures de style et de rhétorique

Ce que nous attire l’attention sont les hyperboles qui traduisent un désir de faire partager l’étonnement de Rica et de piquer la curiosité du destinataire:

« […] les maisons y sont si hautes, qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues (p. 51-52) / Casele sînt atît de înalte încît ţi-ar veni să juri că locuiesc în ele numai astrologi, […] » (p. 63) « […] qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres(p. 51-52) / un oraş construit în aer, care are şase sau şapte case unele peste altele, […] » (p. 63) « […] un bel embarras » (p. 51-52) / « […] o învălmăşeală groaznică »

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« […] ils courent, ils volent » (p. 51-52) / « […] aleargă, zboară » « Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe » (p. 53) / « Regele Franţei este cel mai puternic cap încoronat din Europa » (p. 64) « […] ce roi est un grand magicien » (p. 53) / « […] regele acesta e un mare vrăjitor » (p. 64) « […] tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits » (p. 53) / « […] atît de mare e puterea pe care o are asupra spiritelor supuşilor săi. » (p. 64) « […] il y a un autre magicien plus fort que lui » (p. 53) / « […] există un alt vrăjitor mai tare decît el. » (p. 64) « […] il lui fait croire que trois ne sont qu'un; que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce » / « ÎI face să creadă ba că trei nu fac decît unu, ba că pîinea pe care o mănîncă nu e pîine şi vinul pe care îl bea nu e vin şi mii de alte lucruri de soiul acesta. » « […] cette révolte qui divise toute la cour, tout le royaume et toutes les familles » / « […] au semănat discordia la curte, în întregul regat şi în toate familiile. » « […] un nombre innombrable d'ennemis invisibles qui l'entouraient ils sont à sa cour, dans sa capitale, dans ses troupes, dans ses tribunaux; » / « Duşmanii aceştia trăiesc cu el, la curte, în capitală, printre soldaţi, în tribunale. »

« […] un nombre innombrable d'ennemis invisibles qui l'entouraient » (p. 54) / « […] avea în propriul său regat un nesfîrşit număr de duşmani nevăzuţi care îl înconjurau. » (p. 66) « […] ils sont à sa cour, dans sa capitale, dans ses troupes, dans ses tribunaux; » (p. 54) / « Duşmanii aceştia trăiesc cu el, la curte, în capitală, printre soldaţi, în tribunale. » (p. 66)

Dans la phrase « un nombre innombrable d'ennemis invisibles qui l'entouraient » / « un nesfîrşit număr de duşmani nevăzuţi » nous signalons une allitération du « n » qui a le rôle

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d’amplifier le suspens provoqué par le syntagme « ennemis invisibles » / «duşmani nevăzuţi ». La même allitération est préservée dans le texte-cible.

Les énumérations ont aussi le but d’exagérer.

5.3.4.4. Présentation de la structure et de l'organisation du texte En ce qui concerne la structure la lettre XXIV est organisée en onze paragraphes, la meême composition étant gardée dans le texte-cible. Les premiers quatre alinéas présentent l’agitation des parisiens. La première critique est une satire du comportement toujours en mouvement du peuple. La gradation utilisée, « ils courent; ils volent » / « aleargă, zboară » montre le comique de ces Parisiens qui n’ont de cesse jamais de se mouvoir et qui semblent préférer le mouvement à la réflexion. L’opinion de Rica semble être celle d’un sage face à une société en perpétuel mouvement.

Les deux paragraphes suivants décrivent le pouvoir royal. Le roi Louis XIV est présenté comme un personnage empreint à la contradiction puisqu’il dépense autant qu’il est avare:

« S’il n’a qu’un million d’écus dans son trésor, il n’a qu’à leur persuader qu’un écu en vaut deux, et ils le croient. » (p. 52)

« Dacă n-are decît un milion de galbeni în vistierie şi-i trebuie două, n-are decît să-i convingă că un galben valorează cît doi şi ei îl cred. » (p. 64)

Le monarque est présenté par la métaphore du magicien qui reflète le leurre et

l’hypocrisie, « Il va même jusqu’à leur faire croire… » / « Merge pînă la a-i face să creadă că…».

Le reste du texte s’appuie sur la description du pouvoir papal. Le narrateur s’attaque également au portrait du pouvoir ecclésiastique en comparant de la même manière le Pape à un magicien. Cette personne pontificale est marquée par le faux et le caractère illusoire de ce qu’il prêche,

« Tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu’un, que le pain n’est pas du pain, ou que le vin qu’on boit n’est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce. » « ÎI face să creadă ba că trei nu fac decît unu, ba că pîinea pe care o mănîncă nu e pîine şi vinul pe care îl bea nu e vin şi mii de alte lucruri de soiul acesta. »

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Dans cet exemple, le peuple semble être dépourvu de toute réflexion. On voit donc dans cet extrait un système dichotomique où le pouvoir de l’illusion contrôle le peuple.

Le narrateur persifle l’image de la femme dans cette lettre. La question rhétorique qui suit est assez probante pour montrer le caractère inutile de certaines révolutions, notamment féminines, dans la lettre.

« Pourquoi faut-il qu’elles se mêlent de lire un livre qui n’est fait que pour apprendre le chemin du Paradis? » (p. 54) « De ce s-ar ocupa de o carte care nu e făcută decît spre a arăta drumul spre Paradis? » (p. 65)

L’organisation de cette lettre qui parle du citoyen habituel, du roi, de pape et puis aussi de la révolte des femmes nous semble une organisation circulaire. Ce fait est démontré par l’embarras du premier alinéa qui renvoie à la révolte des femmes.

5.3.4.5. Détermination de la nature et du rôle des exemples À l’aide d’un plan argumentatif, l'auteur réussit à faire une description de l'agitation

parisienne en nous donnant à chaque fois beaucoup de détails sur ce qu'il voit. Dans ce sens il nous donne beaucoup de précisions, par exemple sur les maisons de Paris ou encore sur ses voitures, donnant aussi des détails sur leur hauteur pour les maisons ou encore sur la rapidité des voitures pour soutenir cette thèse de l'agitation; Montesquieu utilise comme procédés la comparaison entre la ville de Paris à celle d’Ispahan. Pour ce qui est de la satire du Roi et du Pape, Montesquieu décrit à travers Rica en faisant un portrait du Roi et du Pape sur le schéma arguments-exemples. Par exemple il avance l'argument que le Roi est un manipulateur et donne comme exemples « c'est un grand magicien » / « e un mare vrăjitor », « il les fait penser comme il veut » / «Îi face să creadă ce vrea el. ». Ainsi il a su faire donner crédit aux thèses qu'il soutenait: thèse de l'agitation parisienne et celle d'un pouvoir autoritaire, despotique, où la liberté est complètement bannie.

En conclusion, nous pouvons dire que Montesquieu, à travers cette lettre persane, a su faire la satire des mœurs parisiennes et de l'agitation dans laquelle vivent ces Parisiens en décrivant leur mode de vie. Et surtout il a su, à travers la vision naïve de Rica, dénoncer les pouvoirs autoritaires, despotiques des détenteurs de l'Autorité dans une société où la liberté de penser n'existait pas, où la religion et la superstition jouaient un rôle important sur l'esprit du peuple qui était plongé dans une ignorance profonde et avec un développement intellectuel et moral quasi inexistant. Montesquieu est parvenu à ses fins en choisissant comme support de la dénonciation le roman épistolaire et le point de vue exotique de deux Persans.

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5.3.5. Étude de la structure logique Dans ce chapitre nous commenterons l’énonciation de la thèse et la caractérisation des arguments et du raisonnement.

5.3.5.1. Énonciation de la thèse (et de la thèse adverse)

La thèse de Rica est exprimée clairement a la fin de son raisonnement est a une valeur de vérité général, incontestable:

« Les hommes du pays où je vis, et ceux du pays où tu es, sont des hommes bien différents. » (p. 55) « Dar oamenii din ţara în care trăiesc eu şi cei din ţara în care eşti tu sînt oameni foarte diferiţi unii de alţii. » (p. 66)

La thèse adverse n’est pas exprimée parce que Rica est le seul qui parle dans ce texte.

Par contre on peut présupposer une « des choses qui tiennent du prodige, et je ne doute pas que tu ne balances à les croire. » (p. 54) / « lucruri ce ţin de domeniul fanteziei şi nu mă îndoiesc că nu-ţi va veni să le crezi. » (p. 65) qui peut être confié à Ibben qui ne pourrait pas croire tout cela. 5.3.5.2. Caractérisation des arguments et du raisonnement Dans le sous-chapitre, 5.3.5.2 Caractérisation des arguments et du raisonnement, nous allons commenter quelques types de raisonnement qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour notre analyse. Il s’agit des raisonnements déductifs ou inductifs, par analogie, par l’absurde, critiques et du syllogisme.

Cette argumentation est efficace car elle est parfaitement organisée. L'auteur affirme bien sa thèse à travers des arguments découpés en paragraphes et à la fin il arrive à nous convaincre. La naïveté de Rica: d'abord il est attachant. Il apporte un regard différent du notre. Sa naïveté se manifeste par son étonnement. Il décrit avec vivacité des sujets précis et très à la mode. (Paris, le roi et le Pape). Ceux-ci intéressent tous le monde c'est parce que on le voit d'un regard étranger.

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5.3.5.2.1. Le raisonnement déductif ou inductif

Le raisonnement de Rica est un raisonnement déductif. Il part d’une idée générale sur Paris: « Paris est aussi grand qu'Ispahan » /« Parisul e mare cît Ispahanul. », sur le roi «Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe » / «Regele Franţei este cel mai puternic cap încoronat din Europa. » ou sur le pape « il y a un autre magicien plus fort que lui » / « există un alt vrăjitor mai tare decît el ». Puis, à l’aide des exemples il démontre ses mots:

« Les maisons y sont si hautes, qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues. Tu juges bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrêmement peuplée; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il s'y fait un bel embarras… » (p. 51) « Casele sînt atît de înalte încît ţi-ar veni să juri că locuiesc în ele numai astrologi. Îţi inchipui că un oraş construit în aer, care are şase sau şapte case unele peste altele, este extrem de populat şi că atunci cînd toată lumea coboară în stradă se produce o învălmăşeală groaznică… » (p. 63)

5.3.5.2.2. Le raisonnement par analogie

Le narrateur utilise un raisonnement analogique puisqu’il compare les nouveautés à ce qu’il connaît en Asie:

« Paris est aussi grand qu’Ispahan » (p. 51) / « Parisul e mare cît Ispahanul » (p. 63) « Les voitures lentes d’Asie. » (p. 52) / « Trăsurile din Asia cu mersul lor încet » (p. 63)

L’impact de cette lettre s’avère efficace puisque le narrateur utilise certains termes propres à leur société, une couleur orientale, « moufti » / « muftiul », « le grand Hali» / « marele Ali », « nos prophètes» / « profeţii », « l’Alcoran » / « Coranul ». C’est un art d’argumenter extrêmement efficace pour dénoncer les excès dans ce nouveau pays.

5.3.5.2.3. Le raisonnement concessif

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Nous retrouvons le raisonnement concessif dans la phrase qui désigne la situation comique dans laquelle est Rica « car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement. » / « căci, hai să zicem, mă las stropit din creştet pînă în tălpi, dar nu pot ierta înghiontelile ce le înghit regulat ».

5.3.5.2.4. Le raisonnement par l'absurde

Tous les verbes que nous avons analysés dans la section 5.3.2.3 Repérage des marques d'opinion (modalisateurs) expriment l’incertitude du destinataire qui est supposée par l’absurde du locuteur:

« Tu juges bien / Îţi inchipui » « Tu ne le croirais pas peut-être / Poate n-ai să mă crezi » « Ne crois pas / Să nu crezi » « ne doit pas t'étonner / nu trebuie să te mire » « tu ne balances à les croire / că nu-ţi va veni să le crezi »

Il répète tous ces mots qui expriment l’incertitude seulement pour convaincre de la

sincérité et la verite de sa narration.

5.3.5.2.5. Le raisonnement critique Comme nous avons démontré dans le sous-chapitre 5.3.4.2 Détermination de la tonalité du texte, Montesquieu fait la critique de la société européenne au XVIIe siècle sur le mode de vie des Français, la politique, le pouvoir royal et la religion.

5.3.5.2.6. Le syllogisme

Nous distinguons un syllogisme de Rica à l’égard du roi et ses sujets: « ce roi est un grand magicien: il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; »/ « « regele acesta e un mare vrăjitor. Îşi exercită puterea pînă şi asupra spiritului supuşilor săi. » ces deux premières phrases étant les prémisses et la conclusion est qu’ « il les fait penser comme il veut. » / « Îi face să creadă ce vrea el. » Il faut noter la différence de ponctuation entre la langue-source et la langue-cible. Montesquieu utilise deux points et le

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point et la virgule qui souligne mieux l’enchainement des idées, tandis que le traducteur roumain utilise seulement le point.

5.3.5.3. Identification des connecteurs logiques et chronologiques

Nous pouvons identifier des connecteurs logiques qui aident à l’argumentation: « Tu juges bien que » / « Îţi inchipui că », la locution conjonctivale qui exprime la cause « parce qu' » / « căci », la conjonction de liaison « D'ailleurs » / « De altfel », la conjonction qui suggere l’opposition « pourtant » / « De altfel », la double conjonction de cause « car, puisque » / « căci, dat fiind faptul că », l’interrogation « pourquoi »/ « de ce », la locution de temps « pendant qu' »/ « în timp ce », la conjonction de concession « malgré » / « în ciuda », la locution d’opposition « et cependant »/ « Cu toate acestea », de cause « puisqu' » / « de aceea », et encore une conjonction d’opposition « mais »/ »dar ».

Les connecteurs chronologiques sont représentés par les adverbes ou les locutions adverbiales de temps qui ont le role de marquer le passage du temps « depuis un mois » / « de o lună de zile», « et … quand » / « atunci cînd » « depuis un mois que » / « de o lună de zile de cînd », « périodiquement » (cet adverbe n’est pas traduit en roumain), « souvent » / « adesea », « de temps en temps » / « din cînd în cînd », « Il y a deux ans « /« Acum doi ani », « aussitôt » / « de îndată », « point » / « niciodată », « pendant qu' « /« în timp ce » indique une simultanéité des actions, « pendant plus de trente ans »/ « timp de treizeci de ani ».

5.3.5.4. Progression de l'argumentation (stratégie argumentative)

Dans ce chapitre nous traiterons les stratégies argumentatives qui se retrouvent dans les textes que nous avons choisis pour l’analyse: la réfutation, la concession, la confrontation et l'adhésion.

5.3.5.4.1. La réfutation

La seule réfutation présentée d’une manière évidente et subjective (même misogyne)

c’est l’interrogation à l’avis des femmes « pourquoi faut-il qu'elles se mêlent de lire un livre qui n'est fait que pour apprendre le chemin du paradis? » / « de ce s-ar ocupa de o carte care nu e făcută decît spre a arăta drumul spre Paradis ? ».

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5.3.5.4.2. La concession La concession est marquée par l’utilisation de l’adverbe « mais » / « dar » et aussi par les propositions d’opposition introduites par la conjonction de concession ou d’opposition dans:« malgré les soins infatigables de certains dervis qui ont sa confiance, il n'en a pu trouver un seul. » / « în ciuda grijii neobosite a unor dervişti, care se bucură de încrede rea lui, n-a fost în stare să găsească vreunul. » ou « et cependant on dit qu'il aura le chagrin de mourir sans les avoir trouvés. » / « Cu toate acestea se spune că va avea durerea să moară fără să-i fi găsit. »

5.3.5.4.3. La confrontation Dans son discours écrit Rica se confronte avec son propre étonnement, avec la différence des mœurs entre la France et la Perse et notamment avec la méfiance possible de son destinataire Ibben.

5.3.5.4.4. L'adhésion À la fin de la lettre, Rica adhère à la these présupposée d’appartenir à Ibben « C'est bien la même terre qui nous porte tous deux » / « Într-adevăr, acelaşi pămînt ne ţine pe amîndoi; ».

5.3.5.4.5. L'examen critique

Nous avons déjà mentionné que Rica fait un examen critique des parisiens, du roi et du pape qui se matérialise dans des phrases comme: « Il faut bien des affaires avant qu'on soit logé » / « Îţi trebuie multă bătaie de cap pînă ce te vezi instalat într-o casă », « je n'y ai encore vu marcher personne » /« n-am văzut pe nimeni umblînd ca oamenii.». Il faut signaler que dans le texte-cible nous remarquons davantage le sarcasme de l’examen critique. Premièrement, le nom au pluriel « affaires » a été traduit par l’expression péjorative « bătaie de cap », puis la traduction du verbe « marcher » par la comparaison « ca oamenii » a une double connotation: aller à pied ou marcher comme il faut. À la fin nous nous rappelons de la traduction du nom « magicien » avec « vrăjitor» et de l’adjectif « fort » avec « tare » qui ont un effet comique sur le lecteur.

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5.3.5.5. Explicitation des intentions de l'argumentation

En conclusion, l’intention de l’argumentation n’est pas seulement de critiquer la société française, mais que l’étonnement simulé de Rica est l’expression d’une mise en garde, le message qu’un être lucide adresse aux aveugles qui l’entourent, le destinataire implicite étant les parisiens-mêmes.

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6. Conclusions et perspectives

Pour faire le bilan des recherches effectuées, reprenons les deux parties essentielles que

nous avons suivies. D’un côté, le but de la partie théorique a été de bien délimiter la forme et le contenu du texte argumentatif français. Nous avons commencé avec une courte introduction portant sur les origines du texte argumentatif français. C’est dans cette première partie du mémoire que nous avons pointé la structure de ce type des textes. Après avoir traité le schéma du texte argumentatif tout au long du chapitre 2. Structure des textes argumentatifs, nous avons fait une étude théorique de ce qui représente le contenu argumentatif. Il s’agit surtout de l’étude des marques des textes argumentatifs, de l’étude textuelle, des connecteurs logiques, des indices d’énonciation et des modalisateur, les mots chargés de nuancer l’argumentation. Le rapport entre la théorie et l’analyse pratique a été effectué dans le chapitre 5. Les genres littéraires et les types de textes argumentatifs. Dans ce chapitre, nous avons eu l’occasion de présenter une courte classification des types de textes argumentatifs en tenant compte du genre auxquel ceux-ci appartiennent. Après avoir effectué l’étude de recherche pour définir et donner des exemples d’œuvres où nous retrouvons le texte argumentatif, nous avons finalement établi le corpus des textes argumentatifs français analysés dans le chapitre qui suit, 5. Analyse comparée des textes argumentatifs français et leurs traductions roumaines. Les œuvres qui nous ont attiré l’attention sont l’Éloge de la folie, le roman plaidoyer, Le rouge et le noir et le roman épistolaire satirique de Montesquieu, Lettres persanes. De l’autre côté, la seconde partie a eu pour but de proposer un modèle d’analyse des textes argumentatifs et de leurs traductions en roumain. Dans cette seconde partie, nous avons commencé chaque analyse avec le chapitre Présentation – Expression et ensuite nous avons envisagé l’étude du système d'énonciation, l’étude de la syntaxe et de la rhétorique, l’étude de la structure logique,

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l’identification des connecteurs logiques et chronologiques et finalement, la progression de l'argumentation, c’est-à-dire la stratégie argumentative. Pourquoi étudier si minutieusement le texte argumentatif et sa traduction? Le but repose surtout dans la partie pragmatique du sujet. C’est grâce à ce type de sujet qu’un étudiant en Langues étrangères appliquées a la possibilité d’approfondir les marques du texte argumentatif retrouvées dans des œuvres célèbres qui, malheureusement, ont manqué du plan d’étude universitaire. À cette occasion, nous avons aussi eu la possibilité de prouver l’expérience que nous avons accumulée pendant les cinq ans d’études de traduction. Pour faire le bilan de nos dites, la finalité de notre mémoire porte sur la familiarisation avec les « instruments » théoriques du texte argumentatif français qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherche comme par exemple étudier les marques argumentatives présentes dans la vie courante, la publicité, les slogans, etc. Quant au volet pratique de cette étude, nous venons de proposer un modèle original d’analyse des textes argumentatifs et leurs traductions. Notre objectif a cherché de surprendre les nuances argumentatives dans le processus de la traduction. Par l’intermédiaire des analyses que nous avons proposées, nous souhaitons mettre en places des nuances argumentatives reprises dans la traduction de textes qui portent l’étiquète argumentative. Dans le cadre de ce mémoire, il ne nous a pas été possible de traiter toutes les questions de façon aussi approfondie que nous l'aurions souhaité. Il en résulte un certain souhait, qui présente l'avantage d'ouvrir des perspectives de recherche. Il s’agit surtout de la possibilité d’effectuer une étude comparative approfondie des plusieurs traductions roumaines d’un seul texte. Par l’intermédiaire de cette option nous aurions eu la possibilité de mettre en évidence les avantages de la « révision » en s’appuyant sur une variante déjà existante. Finalement, la conclusion qui nous regarde se rapporte à la preuve de continuer la formation de traducteur.

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7. Appendices

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