le suivi individuel des salariés en matière de santé et
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Université de Nantes
Faculté de Droit et des Sciences Politiques
Master - Recherche en Droit Social -
Le suivi individuel des salariés en matière
de santé et sécurité par le médecin du
travail
Présenté par Marion Plançonneau,
Sous la direction de Monsieur Franck HEAS
Année Universitaire 2010-2011
Université de Nantes
Faculté de Droit et des Sciences Politiques
Master - Recherche en Droit Social -
Le suivi individuel des salariés en matière
de santé et sécurité par le médecin du
travail
Présenté par Marion Plançonneau,
Sous la direction de Monsieur Franck HEAS
Année Universitaire 2010-2011
REMERCIEMENTS :
A Monsieur Franck HEAS, pour m’avoir
proposé ce sujet ainsi que pour ses précieux
conseils.
Aux professionnels que j’ai eu l’occasion de
rencontrer afin d’enrichir mon propos,
Monsieur Sylvain FORTINEAU, président de
l’AMEBAT et le Docteur Catherine DE
LANSALUT, médecin du travail.
A l’ensemble de mes proches, ainsi qu’aux
membres de mon équipe de stage, pour leur
patience, leur compréhension, ainsi que leur
soutien.
TABLE DES ABREVIATIONS :
Accident du Travail et maladies professionnelles ................................................ AT/MP.
Bulletin Civil .......................................................................................................... Bull.civ.
Contrat de travail à durée déterminée .................................................................... CDD.
Contrat de travail à durée indéterminée ...................................................................CDI.
Conseil d’Etat ............................................................................................................... CE.
Collection ................................................................................................................... Coll.
Comité d’Hygiène de sécurité et des conditions de travail .................................. CHSCT.
Cour de Cassation (chambre civile) .................................................................... Cass.Civ.
Cour de Cassation (chambre criminelle) ........................................................ Cass. Crim.
Cour de Cassation (chambre sociale) ............................................................... Cass. Soc.
Cour de Justice des Communautés Européennes .................................................... CJCE.
Dossier médical en santé au travail ...................................................................... DMST.
Dossier médical personnel ...................................................................................... DMP.
Droit Social ............................................................................................................ Dr.soc.
Edition ......................................................................................................................... Ed.
Intervenant en prévention des risques professionnels .......................................... IPRP.
Journal Officiel ............................................................................................................ J.O.
Librairie générale de droit et de jurisprudence ...................................................... LGDJ.
Mutualité sociale agricole ........................................................................................MSA.
Organisation Internationale du Travail ......................................................................OIT.
Organisation Mondiale de la Santé ......................................................................... OMS.
Page ............................................................................................................................... p.
Semaine juridique, édition générale ....................................................................... JCP E.
Semaine juridique, édition sociale .......................................................................... JCP S.
Semaine sociale lamy ................................................................................ Sem.soc.lamy.
Surveillance médicale renforcée .............................................................................. SMR.
Revue de droit du travail ...........................................................................................RDT.
6
SOMMAIRE
INTRODUCTION : ..................................................................................................................................... 1
PARTIE 1 – LES ACTEURS DE LA PREVENTION EN MATIERE DE SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL :
............................................................................................................................................................... 12
TITRE 1 - La diversité des acteurs en matière de prévention des risques professionnels :................ 13
Chapitre 1- Les obligations des parties au contrat de travail en tant que moyen contribuant à l’essor
de la prévention : ................................................................................................................................... 14
Chapitre 2- La santé et la sécurité au travail une préoccupation d’ordre collectif nécessitant la
coordination des acteurs : ..................................................................................................................... 25
TITRE 2- Le rôle spécifique du médecin du travail en matière de prévention : ................................. 35
Chapitre 1- Le suivi médical individuel préventif des salariés par le médecin du travail : un
particularisme du dispositif français de prévention : ........................................................................... 37
Chapitre 2- La mise en œuvre du suivi individuel par le biais des examens médicaux : ........................ 46
PARTIE 2 : LA NECESSAIRE ADAPTATION DU DISPOSITIF DE PREVENTION AFIN DE GARANTIR
L’EFFECTIVITE DE LA SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL : ................................................................ 59
TITRE 1- Le rôle du médecin du travail face aux nouveaux enjeux en matière de santé et de sécurité
au travail : ............................................................................................................................................. 61
Chapitre 1- L’impact des évolutions économiques et sociales sur le suivi individuel :.......................... 62
Chapitre 2- De la préservation de la santé physique à la santé psychique des salariés: ....................... 70
TITRE 2- L’existence de moyens en vue d’optimiser le suivi individuel : ............................................ 77
Chapitre 1- La prise en considération par l’employeur des propositions du médecin du travail : ......... 78
Chapitre 2- Les apports législatifs récents en matière de suivi individuel : ........................................... 87
CONCLUSION : ....................................................................................................................................... 98
1
INTRODUCTION
1) Approche préliminaire :
a) Le travail une source de souffrance pour l’individu ?
Selon son origine étymologique, le travail serait indissociablement lié à l’idée de
souffrance et de punition. Effectivement, le mot travail est issu du mot latin « tripalium » qui
désigne un instrument de torture à trois pieux, auquel les Romains de l’Antiquité attachaient
les esclaves pour les punir. Cette conception négative du travail intervenant comme une
punition qui vise à infliger à l’individu une certaine forme de souffrance est certes excessive,
néanmoins, elle n’est pas totalement dénuée de sens1.
Si, dans nos sociétés contemporaines le travail est socialement valorisé et envisagé par
certains individus comme une source d’épanouissement, force est de constater, qu’il peut
aussi parfois engendrer des conséquences néfastes à leur encontre : accidents, maladies,
stress, suicides… A juste titre, le travail peut donc être considéré comme une source de
« souffrance », conception qui se justifie par le fait qu’il va demander à la personne qui le
réalise de fournir un effort, mais également, la mobilisation de l’ensemble de ses capacités.
Lors de l’exécution de sa prestation de travail, le salarié juridiquement subordonné2,
va mettre au service de son employeur « ses facultés physiques, intellectuelles, ses
dispositions musculaires, nerveuses et psychiques ce qui peut le mettre en danger par la
fatigue, l’usure, les risques d’accidents ou d’affection »3. Dès lors, il est aisé de comprendre
que le travail puisse causer, à plus ou moins long terme, des altérations à la santé du salarié,
et ce, tant d’un point de vue physique que psychique.
1 SUPIOT (A.), Critique du droit du travail, Ed. PUF, Coll. « Quadrige », 2002. 2 Cass. Soc, 13 nov. 1996, N° 94-13.187, Sté générale c/ URSSAF de la Haute-Garonne. 3 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981, p.159.
2
En vertu du lien de subordination juridique, inhérent au contrat de travail, le salarié
n’exerce effectivement qu’un contrôle limité sur les risques pouvant résulter de son activité
professionnelle4, les conditions de travail lui étant imposées par l’employeur. Afin de palier
les altérations éventuelles du travail sur la santé du salarié, une véritable politique de
prévention au sein de l’entreprise va progressivement se développer en France. A cet égard,
la mise en place des services médicaux du travail représente, à notre sens, un exemple
pertinent de la volonté de préserver la santé du salarié contre les risques résultant de son
activité professionnelle, et donc, dans une certaine mesure, de lui éviter toutes formes de
souffrance qui seraient liées à l’exercice de sa prestation de travail.
b) Approche globale du rôle du médecin du travail :
Les services médicaux du travail, aujourd’hui dénommés les services de santé au
travail5, exercent une action préventive en matière de santé et de sécurité des salariés à
plusieurs niveaux. Ils sont principalement diligentés par le médecin du travail, qui en est
l’acteur central6. Selon les dispositions légales, « le rôle du médecin du travail est
exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du
fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques
de contagion et leur état de santé »7. En tant que conseiller de l'employeur, des salariés et
de leurs représentants en matière de santé et de sécurité, le médecin du travail est titulaire
de missions diversifiées. Son rôle s’exerce principalement selon deux axes complémentaires.
D’une part, le médecin du travail est tenu d’assurer une surveillance médicale des
salariés. Cette surveillance se traduit par l’exercice d’examens médicaux individuels ayant
pour objectif de déterminer l’aptitude du salarié, c'est-à-dire, l’adéquation entre son état de
santé et les exigences du poste de travail occupé. D’autre part, suite à l’identification des
risques professionnels au sein de l’entreprise et face aux différents constats opérés, le
médecin du travail doit mener une intervention sur le milieu du travail.
4 Article L.4131-1 du Code du travail. 5 Loi de Modernisation sociale N° 2002-73 du 17 janvier 2002. 6 Article L.4622-2 du Code du travail. 7 Article L.4622-3 du Code du travail.
3
Ainsi, il devra mettre en place des actions dans le but d’améliorer les conditions de
travail, telles que, par exemple, formuler des propositions relatives à la transformation des
postes de travail8. Si le médecin du travail assure une mission préventive en matière de
santé et de sécurité au sein de l’entreprise, il est de prime abord indispensable de s’attarder
sur la signification de ces notions.
c) Les notions de santé et de sécurité au travail :
La notion de sécurité peut s’entendre comme « l’absence de risques d’accident ». En
tant que notion « précise et objective », si elle ne pose pas de difficultés majeures
d’appréhension, de part sa dimension individuelle et subjective, la notion de santé est, en
revanche, beaucoup « plus propice aux glissements sémantiques »9. Selon la définition de
l’OMS, la santé peut être considérée comme un « état de complet bien-être physique, mental
et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »10. A la
lumière de cette définition, la santé recouvre ainsi un large domaine, et à cet égard, le rôle
du médecin du travail qui consiste à en éviter les altérations ne va pas toujours être aisé à
mettre en œuvre.
Cela s’explique par le fait, qu’en fonction des spécificités physiques ou psychiques de
chaque individu, les effets du travail sur la santé peuvent être variables selon la résistance et
la capacité d’adaptation des personnes. Par exemple, sur un plan physique, les femmes
enceintes, les salariés mineurs ou bien encore les salariés handicapés, considérés comme
vulnérables, sont soumis à une surveillance médicale renforcée par le médecin du travail.
Sur un plan psychique, les effets du travail sur la santé peuvent également différer en
fonction des salariés, dans la mesure où l’état de santé fait appel à la perception de chaque
individu. Dès lors, face à une situation de stress au travail, deux salariés ne vont pas
nécessairement réagir de la même manière. De plus, l’état de santé du salarié peut être
délicat à évaluer pour le médecin du travail étant donné qu’il peut résulter de « facteurs très
divers et pour partie extérieurs à la relation de travail »11.
8 Article L.4624-1 du Code du travail. 9 MARTINEZ (J.), « Les mouvements d'extension du droit de la santé au travail », JCP S, n° 16, 14 Avril 2009, 1170. 10 Définition du préambule de 1946 à la Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé. 11 MARTINEZ (J.), « Les mouvements d'extension du droit de la santé au travail », JCP S, n° 16- 14, Avril 2009, 1170.
4
Effectivement, en tant que composante individuelle de la personne, l’état de santé
se manifeste, à la fois au sein de la relation professionnelle, mais aussi, dans le cadre de la
vie personnelle du salarié.
La santé et la sécurité au travail, aujourd’hui affirmée comme une valeur
fondamentale, tant au niveau international, communautaire, que national, est une
problématique au cœur des préoccupations juridiques actuelles comme en témoigne, à ce
propos, l’existence de nombreux textes ayant trait à ce domaine. Dans le cadre de ces
travaux, l’Organisation Internationale du Travail a, par exemple, adopté une multitude de
conventions à caractère général en matière de santé et de sécurité au travail12, mais
également, de recommandations ayant pour objectif de protéger les salariés contre des
risques professionnels spécifiques13.
Au niveau communautaire, l’article 31 de Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne du 7 décembre 2000 met en évidence le droit pour tout travailleur « à des
conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité, sa dignité ». De même, la Directive
89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à
promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail14,
transposée en droit interne Français, constitue un apport majeur en la matière. En droit
interne, il est possible de citer l’article L.4121-1 du Code du travail au titre duquel
« l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé
physique et mentale des travailleurs ». Cette diversité de textes, traduit l’intérêt pour la
problématique des questions relatives à la santé et la sécurité des salariés au sein de
l’entreprise.
12 Convention OIT N°187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, Convention OIT N°155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, convention N° 161 sur les services de santé au travail. 13 Convention OIT N°115 sur la protection contre les radiations, Convention N°139 sur le cancer professionnel, Convention N° 148 sur le milieu de travail (pollution de l’air, bruit et vibrations). 14 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, J.O n° L 183 du 29/06/1989 p. 0001- 0008.
5
Elle conforte ainsi avec justesse l’idée selon laquelle : « si le salarié a l’obligation de
fournir sa prestation de travail dans un lien de subordination juridique à l’égard de son
employeur, il est reconnu qu’il doit pouvoir le faire dans des conditions, telles que sa santé
physique et mentale ne soient pas menacées »15.
L’employeur, en tant qu’acteur central du dispositif de prévention en matière de
santé et de sécurité au travail16 va devoir s’appuyer sur les connaissances et compétences du
médecin du travail pour concourir à la réalisation de cet objectif. Afin d’identifier avec
précision le rôle actuel du médecin du travail en la matière, il convient d’abord d’envisager
une approche historique de la médecine du travail, ce qui permettra ensuite d’appréhender
ses évolutions postérieures, ainsi que les enjeux et problématiques actuelles sur le sujet.
2) Approche historique :
a) Les prémices d’une réflexion en matière de santé au travail :
Si les services médicaux du travail ont été institués en France par la loi du 11 octobre
1946, la question de la sécurité et de la santé au travail n’est pas véritablement une
préoccupation nouvelle à l’époque. La mise en place des services médicaux résulte en effet
d’un long processus de réflexion et elle s’inspire également d’initiatives de la part de certains
employeurs ou médecins, ayant conscience de la nécessité d’apporter une protection aux
salariés en matière de santé et de sécurité au travail17.
Il est possible d’identifier les prémices d’une réflexion dans ce domaine, dès le
XVIème siècle, par le biais de l’œuvre de Bernardo RAMAZZINI (1633-1714), considéré
comme le fondateur de la médecine du travail. En 1701, il publie un ouvrage intitulé « DE
MORBIS ARTIFICUM DIATRIBA » qui présente les résultats de travaux relatifs aux risques
professionnels du travail artisanal, tels que, par exemple, la toxicité du plomb.
15 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.1. 16 VERKINDT (P-Y.), « L'obligation de sécurité de résultat... encore et toujours ! ! », Cahiers de droit de l'entreprise, n° 1, Janvier 2011. 17 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981, p.80.
6
Ce professeur en médecine souhaite améliorer les conditions de travail et il va pour
cela se déplacer directement sur les lieux de travail, ce qui représente un intérêt, dans la
mesure où il apporte son expérience personnelle aux connaissances existantes en la
matière18. Cet ouvrage de référence, dont l’impact sera non négligeable concernant la prise
en compte des questions de santé et de sécurité au travail, sera traduit en Français, par
Antoine-François FOURCROY en 1777.
Diverses réflexions vont ensuite s’articuler durant le XVIIème siècle, autour de la
difficulté des conditions de travail, en particulier, au sein du monde ouvrier. Sur ce point, les
travaux du Docteur Louis René VILLERME vont mettre en évidence le fait que, les conditions
de travail pénibles imposées aux jeunes enfants, peuvent avoir des conséquences
préjudiciables pour leur santé. Directement inspirée de ces travaux, la loi du 22 mars 1841 va
prohiber le travail pour les enfants de moins de huit ans et limiter la durée du travail19. Cette
première loi française sur les conditions de travail, va amorcer une prise de conscience
législative relative au fait que le travail peut engendrer des conséquences néfastes sur la
santé du salarié. Elle traduit également la volonté de réglementer celles-ci.
Cette protection, d’abord mise en place pour des catégories considérées comme
vulnérables, telles que les femmes et les enfants, va ensuite se généraliser. A cet égard,
plusieurs lois iront dans le sens d’une amélioration des conditions de travail. Dans un
premier temps, elles seront principalement axées sur la réduction de la durée du temps de
travail20. Préalablement à la mise en place des services médicaux du travail, il est possible de
constater un certain effort pour prévenir les effets préjudiciables du travail pouvant se
répercuter sur la santé du salarié. Concernant ces interventions législatives, il est toutefois
permis de s’interroger sur leur exacte finalité. A l’époque, les employeurs avaient tendance à
penser qu’en améliorant les conditions de travail cela permettrait une meilleure productivité
des salariés.
18 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981. 19 Loi du 22 mars 1841, Bulletin des Lois, 1841, numéro 795, loi n° 920, Art. II, La durée de travail effectif se limite à 8 heures pour les enfants entre 8 et 12 ans et à 12 heures pour les enfants entre 12 et 16 ans. 20 Loi du 19 mai 1874, Loi du 23 avril 1919.
7
Même si cette idée apparaît encore pertinente aujourd’hui, l’objectif était ciblé sur
une dimension exclusivement économique, au dépend de l’aspect humain et social, ce qui
s’avère en revanche plus critiquable.
De surcroît, ces lois ayant été adoptées dans un climat propice aux conflits sociaux21,
l’amélioration des conditions de travail peut être davantage envisagée comme un « outil afin
de garantir la paix sociale » que véritablement des mesures ayant pour but de préserver la
santé du salarié.
b) La loi du 9 avril 1898 relative à la réparation des accidents du travail :
L’intérêt pour les questions de santé et de sécurité au travail va ensuite s’accentuer au
XIXème siècle, avec l’apparition de la grande industrie. Du fait de la mécanisation, les
accidents du travail vont se multiplier, ce qui s’explique, notamment, par l’émergence de
nouveaux risques professionnels. Souvent cause de dommages d’ordre physique, tels que
par exemple, la survenance d’une blessure, suite à la mauvaise utilisation d’une machine, un
système de réparation va être mis en place afin que le salarié victime de ce type d’atteinte,
du fait de son travail, puisse prétendre à une indemnisation.
Si la théorie du risque professionnel n’est pas réellement une problématique
nouvelle22, la loi du 9 avril 1898 va instituer un régime de réparation spécifique, fondé sur le
risque, mais aussi, dérogatoire au droit commun de la responsabilité contractuelle. Cette loi
instaure pour l’employeur une responsabilité sans faute et pour le salarié “une certaine
automaticité de la réparation tout en la forfaitisant”23. Dès lors, le salarié victime d’un
accident du travail pourra obtenir la réparation forfaitaire de son préjudice, tout en étant
dispensé d’apporter la preuve d’une faute de son employeur. En outre, la loi du 9 avril 1898,
met en place un mécanisme de présomption d’imputabilité en matière d’accident du travail,
qui va faciliter l’administration de la preuve par le salarié et par conséquent l’indemnisation
de son préjudice.
21 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.9 22 CE. 21 juin 1895, n° 82490, Cames ; Cass.civ, 21 juin 1986, Veuve Teffaine. 23 VERKINDT (P-Y.), « De la loi du 9 avril 1898 au Plan Santé au travail », Sem. Soc. Lamy, n°1232, 2005, p. 1232-2.
8
Cette loi illustre une prise en compte législative de l’existence des risques liés à
l’exercice de l’activité professionnelle des salariés, mais surtout, de la nécessité de les
réparer. Dans le même sens, la loi du 25 octobre 1919 va prévoir la réparation des maladies
professionnelles. Ces lois, toujours en vigueur, représentent une avancée non négligeable,
puisqu’elles vont permettre une indemnisation plus aisée des salariés.
Néanmoins, il convient de nuancer leur impact, même si elles vont indéniablement
contribuer à une responsabilisation de l’employeur en matière de santé et de sécurité au
sein de l’entreprise. Effectivement, l’indemnisation du salarié n’intervient qu’après la
survenance du dommage, ces lois sont ainsi plus ciblées sur une optique de réparation, que
sur celle d’une véritable prévention contre la réalisation du risque.
Or, « la certitude de la réparation instaurée par la loi du 9 avril 1898 a conforté l’idée
selon laquelle il n’était pas indispensable de faire les frais et l’effort de mettre en œuvre les
mesures de sécurité dès lors que le dommage de l’homme était réparé ». En ce sens « elle
aurait ruiné la mise en œuvre effective de la prévention des accidents »24. Malgré ces
affirmations, la réparation des AT/MP étant coûteuse pour les employeurs, à notre sens, ces
lois vont avoir une influence incitative sur les aspects préventifs instaurés par la suite,
comme en témoigne la mise en place des services médicaux du travail, fut-elle indirecte.
c) La loi du 11 octobre 1946 : l’institutionnalisation des services médicaux du travail :
Véritable acte fondateur de la médecine du travail, c’est la loi 11 octobre 1946,
reprenant le projet de loi du professeur DESOILLE et le Docteur DESCOMPS, qui institue les
services médicaux du travail. Elle dispose dans son article premier que ces « services seront
assurés par plusieurs médecins qui prennent le nom de médecins du travail et dont le rôle,
exclusivement préventif, consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs, du fait
de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène de travail, les risques de
contagion et l’état de santé des travailleurs ».
24 SARGOS (P.), « L’évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité», JCP G, n° 4, 22 janvier 2003 doc.104.
9
On peut d’ores et déjà remarquer que les dispositions de cet article, toujours en
vigueur, fixent tant le contenu que les objectifs assignés à la médecine du travail. Elle va
créer une obligation pour les employeurs dans le secteur privé de mettre en place les
services médicaux du travail. Les principes généraux de la médecine du travail posés sont les
suivants : universalité, caractère obligatoire et financement par les employeurs,
spécialisation et indépendance des médecins, respect de la déontologie médicale et
orientation exclusivement préventive de leurs missions.
Si ces principes, à la base du système français de médecine du travail, ont toujours
vocation à s’appliquer, il est possible de constater que depuis leur mise en place en 1946, les
services médicaux du travail ont subi des évolutions, actées par différentes réformes.
3) Approche évolutive :
a) L’impact des différentes réformes :
Régulièrement critiqué depuis la fin des années 1970, de nombreux rapports mettent
en évidence les carences du système de santé au travail : recrudescence et diversification
des maladies professionnelles, démographie préoccupante des médecins du travail du fait
du désintérêt pour le métier, inapplication des dispositions légales relatives au tiers-temps,
« drame de l’amiante »25. Sous l’influence de ces rapports, ainsi que sous l’impulsion de la
directive européenne du 12 juin 198926, la médecine du travail, va évoluer par le biais de
différentes réformes. Transposée en droit français, elle va avoir un impact non négligeable
en matière de santé et de sécurité au travail. A titre d’exemple il est notamment possible de
citer, la loi du 31 décembre 1991, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 ou bien
encore, le décret du 28 juillet 2004. Ces trois textes, transposent les dispositions de la
directive européenne du 12 juin 1989 et visent à conférer une dimension nouvelle au
système de santé et de sécurité au travail français.
25 Proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail, Rapport n° 232, 19 janvier 2011, www.senat.fr. 26 Directive 89/391/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
10
De manière générale, il ressort de l’ensemble de ces textes, l’ambition de renforcer la
prévention technique, dite primaire, ce qui se traduit par la volonté d’inscrire l’action du
médecin du travail le plus en amont possible, afin d’éviter la réalisation des risques
professionnels, notamment, par l’identification et l’intervention sur les causes ou les
facteurs de ceux-ci. De même, il est possible de constater le désir d’ancrer la prévention des
risques professionnels dans une démarche plus globale et collective, ce qui se manifeste par
une coordination indispensable de l’ensemble des acteurs au sein de l’entreprise.
En outre, la notion de santé au travail doit désormais s’entendre, non seulement
comme la préservation de la santé physique, mais aussi, de la santé mentale du salarié27. A
cet égard, plusieurs changements vont intervenir : les services médicaux du travail vont être
renommés « les services de santé au travail », par la loi de modernisation sociale du 17
janvier 2002 ; un changement de vocabulaire qui illustre cette volonté d’inscrire la santé au
travail dans une démarche globale et collective. Cette loi va, en outre, introduire la notion de
santé mentale dans le Code du travail. Le décret du 28 juillet 2004, va apporter des
modifications visant à renforcer l’action du médecin du travail sur le milieu du travail,
favoriser la prévention collective par le concours des intervenants en prévention des risques
professionnels, moduler la périodicité des examens médicaux annuels.
Nonobstant l’ensemble des ces mesures, il semble qu’aujourd’hui la réforme de la
médecine du travail soit inachevée, des difficultés persistent et des incertitudes demeurent
concernant son avenir28. Dans un contexte plus récent, la loi du 9 novembre 2010 portant
réforme des retraites, intégrait un projet de réforme des services de santé au travail, dont
un volet important sur la prévention de la pénibilité faisant du médecin du travail un acteur
central de ce dispositif. Lors de l’examen de la constitutionnalité du texte ces dispositions
ont été invalidées par le Conseil constitutionnel, car sans lien avec la réforme des retraites.
Un projet de loi spécifique, reprenant l’intégralité de ces dispositions a été déposé au Sénat
le 10 novembre 2010.
27 LEROUGE (L.), La reconnaissance d'un droit à la protection de la santé mentale en droit du travail, LGDJ, 2005, coll. « Thèses ». 28 AMAUGER-LATTES (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. Soc, Avril 2011, p.351.
11
Notre axe de réflexion sera principalement orienté sur le suivi médical individuel des
salariés par le médecin du travail, fondement et aspect original du système français en
matière de santé au travail. Cible de vives critiques, et parfois mis en retrait par une volonté
législative d’ancrer la prévention des risques professionnels dans une démarche plus globale
et collective, cet aspect de la prévention n’est pas pour autant à négliger. Néanmoins, il
semble souhaitable d’adapter ce suivi29, compte tenu des difficultés actuelles : « les acteurs
de la santé au travail que sont les employeurs et les médecins du travail » n’étant « plus en
mesure de respecter les exigences légales actuellement en vigueur »30, ainsi que des
nouveaux enjeux existants en matière de santé et de sécurité au travail.
A ce titre, il conviendra d’envisager de quelle manière le médecin du travail assure-t-il
son rôle de préventeur concernant le suivi individuel des salariés en matière de santé et de
sécurité au travail et dans quelle mesure est-il souhaitable de voir ce rôle évoluer ?
Afin de répondre à cette problématique, nous examinerons, en premier lieu, quels
sont les acteurs intervenant en matière de santé et sécurité au travail ? Il s’agira de mettre
en évidence, les compétences, les responsabilités ainsi que les moyens d’actions, dont ils
disposent dans ce domaine, afin d’assurer l’efficacité de la prévention des risques
professionnels au sein de l’entreprise. Il conviendra d’aborder ensuite le rôle spécifique
occupé par le médecin du travail, en axant plus particulièrement notre propos sur l’intérêt
du suivi médical individuel des salariés, en tant que moyen contribuant à l’essor de la
prévention (Partie 1).
En second lieu, il s’agira d’envisager que, face à l’émergence de nouveaux enjeux en
matière de santé et de sécurité au travail, le rôle du médecin du travail tend à évoluer et doit
nécessairement s’adapter afin d’assurer une prévention effective des risques professionnels.
A cet égard, il conviendra notamment d’examiner les difficultés auxquelles le médecin du
travail peut être confronté, dans la mise en œuvre du suivi individuel des salariés, mais
également, des moyens dont il dispose afin de l’optimiser. Dès lors, notre propos sera
notamment orienté sur les apports de la loi du 20 juillet 2011, relative à l’organisation de la
médecine du travail (Partie 2).
29 WOLMARK (C.), « La médecine du travail est elle menacée ? », RDT, Février 2011, p.86. 30 AMAUGER-LATTES, (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. soc, Avril 2011, p.351.
12
PARTIE 1 – LES ACTEURS DE LA PREVENTION EN MATIERE DE SANTE
ET DE SECURITE AU TRAVAIL :
Afin d’assurer l’efficacité du dispositif de prévention en matière de santé et sécurité
au travail et d’éviter la réalisation du risque professionnel, de véritables moyens existent au
sein de l’entreprise. Cela se caractérise tant par la diversité des acteurs (Titre 1), que par le
rôle spécifique exercé par le médecin du travail en matière de surveillance médicale
individuelle des salariés (Titre 2).
L’originalité du dispositif français repose effectivement sur l’existence d’une double
approche de la prévention qui se traduit à la fois, au niveau individuel, par la mise en œuvre
d’une surveillance médicale de chaque salarié par le médecin du travail, mais également, au
niveau collectif, par la coordination d’un ensemble d’acteurs au sein de l’entreprise.
Sous l’influence de la législation européenne, les récentes réformes illustrent la
volonté de favoriser davantage l’approche globale et collective de la prévention, et ce,
parfois aux dépens de l’approche individuelle. Or, accorder la primauté à l’une ou l’autre des
dimensions ne semble pas pertinent, dans la mesure où cette double approche de la
prévention fonde, au contraire, la « richesse » du dispositif français en matière de santé et
de sécurité au travail. Dès lors, il conviendra d’envisager dans quelle mesure ces deux
approches sont des moyens d’actions complémentaires permettant l’efficacité du dispositif
de prévention.
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TITRE 1 - La diversité des acteurs en matière de prévention des risques
professionnels :
A la logique originelle de réparation des risques professionnels mise en place par les
lois du 9 août 1989 et du 25 octobre 1919, tend désormais à se substituer celle de
prévention des risques professionnels. L’objectif de la prévention consiste à anticiper la
survenue du risque professionnel afin d’éviter qu’il ne se réalise. Pour atteindre cette
finalité, il s’avère nécessaire d’identifier, en amont, les facteurs susceptibles d’engendrer des
effets dommageables à l’encontre des salariés, dans le cadre de l’exercice de leur prestation
de travail. C’est en effet l’identification des risques professionnels qui va ensuite permettre
la mise en place de mesures de prévention adéquates au sein de l’entreprise, étant donné,
qu’« il ne peut y avoir de prévention efficace sans connaître les risques dont on veut se
protéger »31.
Se pose alors légitimement la question de savoir quels acteurs vont intervenir en
matière de prévention de la santé et de la sécurité au travail ? C’est en premier lieu,
l’employeur qui occupe une place prépondérante dans ce domaine. Egalement, les salariés,
en tant qu’« acteurs et bénéficiaires de la politique de santé au travail »32, sont tenus de
concourir à la prévention des risques professionnels. En relation avec le médecin du travail, il
conviendra d’aborder le rôle spécifique de ces deux acteurs, compte tenu des obligations qui
leurs incombent (Chapitre 1).
Néanmoins, la mise en œuvre de mesures de prévention relève aussi d’autres acteurs
tels que, par exemple, le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail ou bien
encore les intervenants en prévention des risques professionnels, parmi lesquels le médecin
du travail occupe un rôle de pivot. Dès lors, bien que le degré de responsabilité varie en
fonction des acteurs concernés, conformément aux ambitions européennes, la prévention
en matière de santé et de sécurité au travail peut être appréhendée comme une véritable
préoccupation d’ordre collectif nécessitant la coordination de tous (Chapitre 2).
31 CARON (V.), « Quel bilan pour le document unique », Sem. Soc. Lamy, n°1232, 17 Octobre 2005. 32 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.7.
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Chapitre 1- Les obligations des parties au contrat de travail en tant que moyen
contribuant à l’essor de la prévention :
La prévention en matière de santé et de sécurité au travail concerne, dans un premier
temps, les parties au contrat travail ce qui peut s’expliquer par le fait que les dispositions
légales confèrent, à l’employeur et aux salariés, le respect d’une obligation de sécurité dans
ce domaine. Ensuite, puisque, corrélativement aux compétences spécifiques du médecin du
travail en matière de santé et de sécurité au travail, il est permis de penser que,
représentant l’échelon le plus proche du risque professionnel, les parties au contrat sont
aussi les mieux à même d’en avoir connaissance.
D’une part, si l’employeur occupe une place prépondérante au cœur du dispositif de
prévention, cela se justifie par l’existence du lien de subordination juridique inhérent au
contrat de travail33. Doté d’importantes responsabilités en matière de santé et de sécurité
au travail, il doit mettre en place des actions préventives au sein de l’entreprise. Sous
l’impulsion, tant du droit européen, que de la jurisprudence interne, force est d’observer
que l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur tend à évoluer et à devenir de plus en
plus stricte et précise en vue d’assurer une véritable effectivité de la sécurité et de la santé
au profit des salariés. A ce titre, la directive Européenne n°89/391/CEE du 12 juin 1989,
énonce, par exemple, dans son article 5 que « l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et
la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail » (Section 1).
D’autre part, si l’obligation de sécurité de l’employeur dans ce domaine semble bien
ancrée dans le contentieux judiciaire, concernant en revanche l’obligation de sécurité du
salarié, ses effets sont plus relatifs. Dès lors, il conviendra d’envisager l’existence d’un
principe de « participation équilibrée » entre les parties aux contrats, introduit par la
directive européenne du 12 juin 1989 (Section 2).
33 Cass. Soc, 13 novembre 1996, N° 94-13.187, Sté générale c/ URSSAF de la Haute-Garonne.
15
Section 1. Le rôle de l’employeur en tant qu’acteur central du dispositif :
En parallèle de l’action menée par le médecin du travail, l’employeur, titulaire de
véritables obligations en matière de santé et de sécurité au travail34, peut être considéré
comme l’acteur central du dispositif de prévention. La mise en place de mesures de
prévention dans ce domaine, repose principalement sur celui-ci, ce qui s’explique tout
d’abord compte tenu des enjeux en cause. D’un point de vue économique tout d’abord, les
AT/MP sont coûteux puisqu’ils engendrent l’augmentation du taux de cotisations dont les
employeurs sont redevables. De plus, les accidents du travail et les maladies professionnelles
peuvent conduire à la perte d’un personnel de qualité et occasionner des coûts en matière
de formation professionnelle pour le chef d’entreprise. D’un point vue organisationnel
ensuite, les absences répétées du salarié pour cause d’accidents ou de maladies peuvent
perturber le fonctionnement de l’entreprise35. Compte tenu de ces divers enjeux, au-delà
des obligations légales qui lui incombent, il est donc dans l’intérêt de l’employeur, de mettre
en place des mesures de prévention efficaces au sein de son entreprise, afin d’éviter la
réalisation du risque professionnel.
§1. La mise en œuvre de la prévention des risques professionnels :
Concernant la mise en œuvre de la prévention, l’employeur doit dans un premier
temps s’assurer du respect des dispositions législatives et réglementaires en matière de
santé et de sécurité au travail. Néanmoins, le simple respect de ces dispositions s’avère
insuffisant, l’employeur qui, en vertu des dispositions légales doit prendre « les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des
travailleurs »36. En coordination avec d’autres intervenants, en particulier le médecin du
travail et le CHSCT, l’employeur est également tenu de procéder à une évaluation des
risques professionnels, mais également, de définir une politique de prévention adéquate au
sein de l’entreprise. A cette fin, il devra s’inspirer des principes généraux de prévention
résultant de la loi no 91-1414 du 31 décembre 1991, issue de la transposition de la directive
cadre n°89/391/CEE du 12 juin 1989.
34 MORVAN (P.), « Sécuritas omnia corrumpit ou le principe selon lequel il incombe à l’employeur de protéger la sécurité et la santé des travailleurs », Dr.soc, N°6 juin 2007, p.674. 35 TEYSSIE (B.), « Sur la sécurité dans l’entreprise », Dr. Soc, N°6 juin 2007, p.671. 36 Article L.4121-1 du Code du travail.
16
A. L’information et la formation des salariés :
Diverses mesures vont alors être mises en œuvre par l’employeur, notamment des
actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation des
salariés37. L’information des salariés peut concerner, par exemple, les modalités d'accès au
document unique d'évaluation des risques38, le rôle du service de santé au travail et, le cas
échéant, des représentants du personnel en matière de prévention des risques
professionnels. Cette information peut être transmise par l’employeur selon diverses
modalités : réunion d'information, note individuelle adressée aux salariés, affichage39.Le
chef d’établissement est également tenu d’organiser une formation pratique et appropriée à
la sécurité au bénéfice, par exemple, des travailleurs qu'il embauche ou bien à la demande
du médecin du travail, au profit des travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt
de travail d'une durée d'au moins vingt et un jours40. Il est d’ailleurs utile de relever que le
médecin du travail sera associé à l'élaboration des actions de formation à la sécurité et à la
détermination du contenu de l'information dispensée aux salariés41. Ces deux types de
mesures représentent, à notre sens, un moyen efficace de faire du salarié, par l’accès à la
connaissance des risques, un acteur du dispositif de prévention.
B. Une démarche d’évaluation des risques :
Concernant l’évaluation des risques, depuis un décret du 5 novembre 200142, les
employeurs doivent recenser les risques existants au sein de l’entreprise, évaluer leur
gravité, leur probabilité de survenue, les résultats de cette démarche étant transcrits dans le
document unique. Ayant « pour ambition d’aider les employeurs à structurer leur démarche
de prévention » 43, le document unique est un moyen qui permet de mettre en évidence le
respect par l’employeur de son obligation légale d’inventorier et d’évaluer les risques
professionnels et par conséquent de chercher les solutions d’évitement de ceux-ci.
37 Article L.4121-1 du Code du travail. 38 Article R.4121-1 du Code du travail. 39 GACIA (N.), « La gestion préventive des risques en matière de sécurité et de santé au travail », JCP S, n° 11, 10 Mars 2009, 1110. 40 Article L.4141-2 du Code du travail. 41 Article R.4141-6 du Code du travail. 42 Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001. 43 CARON (V.), « Quel bilan pour le document unique », Sem. Soc. Lamy, n°1232, 17 Octobre 2005, p. 75.
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A partir du document unique, l’employeur doit également élaborer un programme
annuel de prévention des risques professionnels qui doit fixer la liste détaillé des mesures
devant être prises, au cours de l’année à venir, afin de satisfaire notamment aux
prescriptions figurant dans les principes généraux de prévention. La mise en place de
l’évaluation des risques par l’employeur constitue une étape préalable indispensable dans la
démarche de prévention. Située en amont de la réalisation du risque, elle traduit une
approche résolument nouvelle de la sécurité et de la santé au travail induite par la directive
cadre du 12 juin 1989. L’évaluation des risques illustre la volonté d’une transition d’un
système de santé qui se contente de repérer l’éventualité d’une maladie et ses
conséquences pour l’aptitude d’un individu, vers un renforcement de la prévention primaire
qui consiste à anticiper la réalisation du risque44.
De surcroît, en cas de contentieux, c'est-à-dire si le risque professionnel se réalise, la
mise en place des mesures précitées sera un moyen efficace pour le chef d’entreprise
d’apporter la preuve qu’il a respecté le devoir de prévention qui lui incombe, en vertu de
l’obligation de sécurité résultat, dont il est titulaire.
§2. Une responsabilisation croissante de l’employeur en matière de prévention des risques
professionnels :
Face à une responsabilisation croissante de l’employeur, en matière de santé et de
sécurité au travail, se traduisant par l’émergence de nombreux contentieux ayant trait à ce
domaine, la mise en œuvre de mesures de prévention s’avère d’autant plus indispensable.
A. L’extension du domaine de l’obligation de sécurité résultat :
Effectivement, depuis une série d’arrêts du 28 février 200245, il est de droit constant «
qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci
d'une obligation de sécurité de résultat » en matière de protection de la santé et de la
sécurité. En l’espèce, plusieurs salariés victimes de maladies professionnelles, contractées
suite à une exposition à l’amiante, avaient intenté un recours contre leurs employeurs afin
d’obtenir une indemnisation de leur préjudice.
44 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYREY (J.), CONSO (F), FRIMAT (P.), « Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.10. 45 Cass. Soc, 28 Février 2002, N° 99-18.389, N° 00-10.051, N° 00-11.793, N° 99-21.255, N° 99-17.201 N° 00-13.172.
18
Dans ces arrêts, la Cour de Cassation énonce que « le manquement à cette obligation a
le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité
sociale, lorsque l'employeur, avait ou aurait dû, avoir conscience du danger auquel était
exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver », la
reconnaissance de la faute inexcusable permettant au salarié de bénéficier de la réparation
intégrale de son préjudice.
Cette définition, reprise par la chambre sociale de la Cour de Cassation, a ensuite été
transposée aux accidents du travail46, puis étendue à d’autres domaines. Ainsi, l’obligation
de sécurité résultat a désormais vocation à s’appliquer, par exemple, en matière de lutte
contre le tabagisme47, mais également, concernant l’obligation pour l’employeur de faire
procéder aux visites médicales de reprises48, ou bien encore, à sa nécessité d’agir en
présence d’une situation de harcèlement moral49. Cette jurisprudence va avoir pour effet de
transformer le paysage juridique en matière de santé et sécurité au travail. Si « l’obligation
de sécurité résultat a trouvé et continue de trouver son fondement dans l'impératif de
prévention, source première de son dynamisme »50, le développement de contentieux dans
ce domaine permet surtout de contribuer à la mise en œuvre des mesures de prévention par
l’employeur au sein de l’entreprise. Véritable obligation de résultat et non pas seulement de
moyen, il résulte indéniablement de son extension un accroissement des effets à l’égard de
l’employeur.
B. Les effets de l’extension du domaine de l’obligation de sécurité-résultat :
Ainsi, le renforcement de l’indemnisation du salarié en raison de la faute inexcusable
de l’employeur ne peut que contribuer à l’essor de la prévention des risques et à la
protection de la santé dans l’entreprise. Effectivement, la réparation du préjudice s’avérant
coûteuse pour l’employeur, l’émergence de nombreux contentieux relatifs à l’obligation de
sécurité résultat ne peut qu’encourager ce dernier à mettre en place des actions
préventives, afin d’éviter l’engagement de sa responsabilité.
46 Cass. Soc, 11 avril 2002, N°00-16.535. 47 Cass. Soc, 29 juin 2005, N°03-44.412. 48 Cass. Soc, 28 février 2006, N°05-41.555. 49 Cass. Soc, 21 juin.2006, N°05.43.914. 50 VERKINDT (P.Y), « L'obligation de sécurité de résultat... encore et toujours ! ! », Cahiers de droit de l'entreprise n° 1, Janvier 2011.
19
Il semble légitime de considérer qu’en facilitant l’engagement de la responsabilité
des entreprises, cela incite à investir davantage dans les mesures de prévention51. Il est
néanmoins possible de nuancer cette opinion. S’il est aisé de comprendre que l’obligation de
sécurité-résultat puisse contribuer à la prévention, il est aussi permis de penser qu’un
engagement quasi-systématique de la responsabilité patronale puisse conduire à un
désengagement de la part de l’employeur : la mise en place de ces mesures lui étant
coûteuses.
A cet égard, deux arrêts récents de la Cour de Cassation en date du 3 février 201052,
illustrent avec justesse cette idée. D’après ces deux décisions, le fait que l'employeur ait pris
des mesures pour faire cesser des agissements de harcèlement moral, au sein de
l’entreprise, ne suffit pas à exécuter correctement et pleinement l'obligation de sécurité
dont il est débiteur. Il convient donc de rester vigilant sur ce point afin d’éviter un
basculement vers l’effet inverse souhaité.
§3. Les conséquences de l’extension du domaine de l’obligation de sécurité-résultat sur le
rôle du médecin du travail :
Toutefois, outre le renforcement par l’employeur des mesures de prévention, en
matière de santé et de sécurité au travail, que tend à conférer l’émergence de contentieux
relatifs à l’obligation de sécurité résultat, il est possible d’en constater un autre impact
positif. Cette jurisprudence conduit à valoriser et à renforcer le rôle de prévention dévolu au
médecin du travail. Tout d’abord, parce que le médecin du travail est le conseiller de
l’employeur en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie et de travail dans
l’entreprise, l’hygiène, l’adaptation des postes, des techniques, des rythmes à la physiologie
humaine. Dès lors, afin de s’assurer du respect de son obligation de sécurité résultat,
l’employeur va devoir s’appuyer sur ces compétences.
Ensuite, parce que l’organisation du suivi médical des salariés fait partie intégrante de
la prévention des risques professionnels dont l’employeur a la charge. Ainsi, le fait pour
l’employeur de se soustraire à la législation, relative à l’organisation des différentes visites
médicales, l’expose à des sanctions.
51 SARGOS (P.), « L’évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité », JCP G, n° 4, 22 Janvier 2003, p.121. 52 Cass. Soc, 3 février 2010, N°08-44019 et N°08-40.144.
20
En ce sens, la Cour de Cassation a, par exemple, décidé que manque à son obligation
de sécurité résultat, l’employeur « qui laisse un salarié reprendre son travail, après une
période d’absence pour accident du travail d'au moins huit jours, sans le faire bénéficier
d'une visite médicale, destinée à apprécier son aptitude, par le médecin du travail »53.
Enfin, car l’employeur doit tenir compte des préconisations et des avis médicaux
délivrés par le médecin du travail. La Cour de Cassation a, par exemple, rappelé qu’en vertu
de son obligation de sécurité résultat, en matière de protection de la santé et de la sécurité
des travailleurs, « l’employeur doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les
propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes,
justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à
l’état de santé physique et mentale des travailleurs, que le médecin du travail est habilité à
faire en application de l’article L. 4624-1 du code du travail »54.
D’une part, ces deux exemples mettent en évidence l’importance que confère la Cour
de Cassation au rôle du médecin du travail en tant que véritable acteur au sein du dispositif
de prévention. D’autre part, ils traduisent le contrôle de plus en plus strict opéré par les
juges, concernant le respect par l’employeur de son obligation de sécurité résultat, en
rappelant qu’il est tenu d’en assurer « l’effectivité ». Ainsi, la simple mise en place des
mesures de prévention par le chef d’entreprise apparait désormais insuffisante, ce dernier
devant s’assurer qu’elles remplissent leur objectif.
Cependant, « il ne saurait y avoir dans une entreprise un responsable absolu et des
sujets passifs. Il y a des êtres humains qui, sauf à nier leur humanité et les devoirs qu'elle
implique, doivent mutuellement coopérer pour la sécurité de tous »55. Au-delà de la
responsabilité qui pèse sur l’employeur, en matière de santé et de sécurité au travail,
d’autres intervenants ont également un rôle à jouer au sein de l’entreprise, ce qui est
notamment le cas du salarié.
53 Cass. Soc, 28 février 2006, N°05-41555. 54 Cass. Soc, 23 septembre 2009, N°1872. 55 SARGOS (P.), « L'évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité », JCP G, 200 3, n° 4, p.121.
21
Section 2. Un principe de participation équilibrée avec le salarié :
Le propos précité traduit la nécessité d’associer les salariés à la politique de
prévention, en matière de santé et de sécurité au travail, afin de développer une
« participation équilibrée » entre eux et les employeurs. Issu de la transposition de l’article
13 §1 de la directive cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989, l’article L.4122-1 du Code du travail
dispose, à cet égard, qu’il « incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa
formation, et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle des autres
personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ». Titulaires d’une obligation
de sécurité, les salariés doivent alors apporter leur concours en matière de prévention de
leur santé et de leur sécurité, ainsi que celles des personnes concernées par leurs actions au
sein de l’entreprise.
§1. La mise en œuvre et les effets relatifs de l’obligation de sécurité du salarié :
Afin de respecter son obligation de sécurité, le salarié est d’abord tenu de se
conformer aux instructions qu’il reçoit de la part de l’employeur, qu’il s’agisse, des
consignes de sécurité, des instructions indiquées dans le règlement intérieur56, ou bien
encore, des informations communiquées lors de la formation à la sécurité. En cas de
manquement à cette obligation de sécurité, l’employeur dispose, en vertu de son pouvoir
disciplinaire, de la possibilité de sanctionner le salarié, et notamment de le licencier pour
faute grave. Tel peut être le cas d’un salarié qui, par exemple, ne respecterait pas des
instructions relatives à l’hygiène et à la sécurité prévues au sein du règlement intérieur.
Ainsi, la Cour de Cassation a considéré comme justifié, le licenciement pour faute
grave d’un salarié ayant été soumis par son employeur, conformément à une disposition du
règlement intérieur, à un contrôle de son imprégnation alcoolique, alors qu'il conduisait un
véhicule dans lequel il transportait un autre salarié sur un chantier57.
56 Article L.1321-1 du Code du travail. 57 Cass. Soc., 22 mai 2002, N°99-45,878.
22
Néanmoins, il convient de relativiser la portée de l’obligation de sécurité à la charge du
salarié, moins contraignante que l’obligation de sécurité résultat qui pèse sur l’employeur,
ce qui justifie l’opinion selon laquelle « il n'y a pas de parallèle à établir entre l'obligation de
sécurité pesant sur l'employeur et l’obligation du salarié »58. Simple obligation de moyen et
non de résultat, la mise en place de l’obligation de sécurité à la charge du salarié ne semble
pas conduire à une « forme de transfert de risques du chef d’entreprise vers le salarié »
créant « une sorte de cogestion » ni même une « coresponsabilité » des parties dans le
domaine de la santé et de la sécurité au sein de l’entreprise. Au-delà des sanctions
disciplinaires auxquelles le salarié s’expose, en cas de non respect de son obligation, les
effets de son obligation de sécurité apparaissent donc relatifs59.
Tout d’abord, parce que le non respect de l’obligation de sécurité par le salarié se
trouve sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur qui ne pourra s’en
exonérer en arguant, par exemple, un manquement de ce dernier. Même si l’employeur
dispose d’un pouvoir de sanction à l’encontre du salarié, les effets de l’obligation de sécurité
sont aussi relatifs, dans la mesure où l’appréciation d’un manquement supposé du salarié
par les juges, sera toujours et nécessairement contextualisée60. C’est à dire que, si
l’employeur n’a pas convenablement respecté ses obligations en matière de prévention des
risques professionnels, dans le cadre d’un contentieux, les sanctions disciplinaires prises à
l’égard du salarié seront difficilement fondées. Effectivement, les juges s’attacheront à
examiner les faits reprochés au salarié en fonction des obligations de prévention qui
incombent à l’employeur concernant l’information, la formation, les instructions délivrées…
Enfin, si les effets de l’obligation de sécurité du salarié sont relatifs, cela peut
s’expliquer par le fait que les dispositions relatives à ce point, au sein de la directive cadre
89/391/CEE du 12 juin 1989, n’ont été transposées que partiellement en droit interne.
58 VERKINDT (P.Y.), « L'obligation de sécurité de résultat... encore et toujours ! ! », Cahiers de droit de l'entreprise n° 1, Janvier 2011. 59 FAVENNEC-HERY, « L’obligation de sécurité du salarié », Dr.soc, Juin 2007, p.687. 60 VERKINDT (P.Y.), « L'obligation de sécurité de résultat... encore et toujours ! ! », Cahiers de droit de l'entreprise n° 1, Janvier 2011.
23
Si cette « transposition à minima » des obligations générales de sécurité du salarié
peut s’analyser comme « la résurgence d'une tradition travailliste française qui hésite à voir
dans le salarié un acteur de la sécurité peut-être de crainte que sa responsabilité puisse être
engagée ou son indemnisation diminuée »61, il n’en résulte qu’un impact limité en matière
de prévention.
L’obligation de sécurité du salarié s’analyse donc davantage comme un devoir de
prévention que comme une véritable obligation. Dès lors, conformément à la volonté
exprimée dans la directive européenne du 12 juin 1989, il n’est pas réellement envisageable
de traiter d’une véritable « participation équilibrée » entre l’employeur et le salarié en ce qui
concerne la prévention. Si les effets relatifs de l’obligation de sécurité du salarié se
légitiment, à juste titre, par le déséquilibre existant entre les parties au contrat travail, il n’en
demeure pas moins souhaitable d’impliquer le salarié de manière plus dynamique dans
l’impératif de prévention en matière de santé et de sécurité au travail.
§2. La nécessité d’impliquer le salarié en tant qu’acteur de la prévention :
Le salarié est effectivement le premier concerné par les risques professionnels, étant
donné que c’est lui qui en est victime. De même, favoriser les initiatives du salarié en
matière de prévention s’avère pertinent puisque c’est lui qui est directement bénéficiaire
des mesures mises en œuvre. En outre, compte tenu du degré de proximité du salarié avec
l’environnement de travail, c’est aussi le plus à même de pouvoir apporter des informations
utiles au médecin du travail sur les risques générés par son activité professionnelle. A cet
égard, il convient, à notre sens, d’associer le salarié aux initiatives de prévention au sein de
l’entreprise afin de lui conférer un véritable rôle d’acteur et non pas de l’envisager comme
un « sujet passif »62. Dès lors, encourager le dialogue et l’échange entre le salarié et le
médecin du travail semble être un élément clé de la réussite de la politique de prévention.
C’est pourquoi, le suivi médical individuel des salariés par le médecin du travail ne doit pas
être négligé. Au-delà d’apprécier l’aptitude des salariés, le suivi médical, s’il est utilisé à bon
escient, c'est-à-dire avec l’implication de ces derniers, peut être également un moyen
efficace d’améliorer la prévention des risques professionnels.
61 SARGOS (P.), « L'évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité », JCP 2003, Ed.G, n° 4, p.121 62 SARGOS (P.), « L'évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de responsabilité », JCP 2003, Ed.G, n° 4, p.121.
24
Bien que les effets de l’obligation de sécurité du salarié soient relatifs, il convient de
néanmoins de relever que la directive cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989, a permis de faire
évoluer le rôle du salarié en matière de prévention des risques professionnels. S’il a pu être
affirmé avec exactitude, qu’en vertu du lien de subordination juridique, le salarié n’exerce
aucun contrôle sur les risques résultant de son activité professionnelle63, désormais, cette
affirmation peut être relativisée. La loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 a effectivement mis
en place un droit d’alerte et de retrait, à disposition de tout salarié ayant un motif
raisonnable de penser que la situation de travail dans laquelle il se trouve, présente un
danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé64. Dès lors, le salarié n’est plus un simple
sujet passif, mais aussi, l’acteur de sa propre santé et sécurité au travail.
La responsabilité du salarié dans ce domaine tend à s’accroitre et il dispose alors de
moyens d’actions. Toutefois, il convient de renforcer son rôle en ce sens. Les sanctions
existantes à son égard, bien que légitimes, étant encore peu dissuasives, il semble alors
nécessaire de privilégier la surveillance médicale individuelle comme un moyen permettant
de contribuer à l’essor de la prévention.
Compte tenu des obligations dont ils sont titulaires, la prévention en matière de
santé et de sécurité au travail repose donc, en premier lieu, sur les parties au contrat de
travail. En tant que spécialiste et par ses compétences particulières, le médecin du travail va
apporter à la fois ses conseils et son appui à l’employeur et au salarié. Néanmoins, il est
possible de constater une volonté d’inscrire la problématique de la santé et de la sécurité au
travail dans un cadre plus global, à savoir celui de l’entreprise, c'est-à-dire au-delà du cadre
exclusif de la relation contractuelle. A ce titre, en coordination avec le médecin du travail,
d’autres acteurs vont avoir vocation à intervenir dans ce domaine, tel que, par exemple, le
comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, mais également, les intervenants
en prévention des risques professionnels (Chapitre 2).
63 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981. 64 Article L.4131-1 du Code du travail.
25
Chapitre 2- La santé et la sécurité au travail une préoccupation d’ordre collectif
nécessitant la coordination des acteurs :
L’Organisation Internationale du Travail estime que 4% du PIB mondial serait gaspillé
à cause des AT/MP et que chaque année environ 2,31 millions de personnes décèdent à la
suite d’accidents ou de maladies liées au travail65. C’est pourquoi, compte tenu des enjeux
économiques mais aussi humains qu’elles impliquent, la santé et la sécurité au travail
doivent être envisagées comme des problématiques au cœur des préoccupations de
l’ensemble des acteurs de l’entreprise et non pas exclusivement du médecin du travail et des
parties au contrat de travail. Cette mobilisation des acteurs est d’autant plus justifiée, dans
la mesure où l’Organisation Internationale du Travail observe un recul notable des AT/MP
dans les pays industrialisés, ce qui tend à prouver que la prévention donne des résultats.
Afin de contribuer à l’essor du dispositif de prévention, il est alors nécessaire d’y associer
d’autres acteurs, ainsi que de privilégier le dialogue et l’information entre eux.
D’une part, selon les dispositions de la Convention N°187 de l’Organisation
Internationale du Travail, il faut établir : « la coopération entre la direction les travailleurs et
leurs représentants en tant qu’élément essentiel de prévention en milieu de travail »66. Outre
les obligations à la charge des parties au contrat de travail en matière de prévention des
risques professionnels, les représentants des salariés ont donc également un rôle à jouer
dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Afin d’illustrer cette coopération, il
conviendra d’envisager, à titre d’exemple, le rôle assumé par le comité d’hygiène de sécurité
et des conditions de travail en tant qu’instance représentative du personnel (Section 1).
D’autre part, suite aux différentes interventions législatives visant à réformer la
médecine du travail, il est possible de constater la volonté de développer une approche
pluridisciplinaire au sein des services de santé au travail. Issue de la transposition de la
directive cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989, la loi dite de « modernisation sociale » du 17
janvier 2002, a renommé les services de médecine du travail en services de santé au travail.
65 Bureau International du Travail, « Les règles du jeu », Edition révisée 2009, p.58. 66 Convention N° 187 de l’Organisation Internationale du Travail du 15 juin 2006, sur le cadre promotionnel de la santé et la sécurité au travail.
26
Ce changement de dénomination traduit, notamment, une transition vers une
nouvelle approche des risques professionnels au sein de l’entreprise, nécessitant des
compétences diverses et parfois autres que médicales, telles que, par exemple, celles des
intervenants en prévention des risques professionnels (Section 2).
Section 1. Le rôle pivot du CHSCT en matière de santé et de sécurité au travail :
L’article 11 de la directive cadre n°89/391/CEE du 12 juin 198967, prévoit que « les
employeurs consultent les travailleurs et leur représentants et permettent leur participation
dans le cadre de toutes les questions touchant à la santé et la sécurité au travail ». La
directive n° 2002/14/CE du parlement européen et du conseil du 11 mars 2002, relative à
l’information et à la consultation des travailleurs dans la communauté Européenne dispose
quant à elle que « les législations nationales doivent assurer l’information et la consultation
des représentants du personnels sur les décisions de nature à entraîner des modifications
importantes dans l’organisation du travail ».
Ces deux dispositions mettent en évidence la nécessité d’associer les représentants du
personnel à la prévention de la santé et de la sécurité dans l’entreprise. Dès lors, il
conviendra d’envisager le rôle du Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail
en la matière, rôle qui tend d’ailleurs à s’accentuer68.
§1. Approche globale du rôle du CHSCT :
A. Les attributions du CHSCT en matière de santé et de sécurité au travail :
Obligatoire, depuis la loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 dans les établissements de
plus de cinquante salariés, le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail est
une instance représentative du personnel « dédiée à la prévention »69 qui traite
spécifiquement des questions relatives à la santé et à la sécurité au travail, ainsi que des
conditions de travail des salariés.
67 Directive n°89/391/CEE du 12 juin 1989, JOCE, N° L.183, 19 juin 1989. 68 GUEDES DA COSTA (S.), LAFUMA (E.), « Le CHSCT dans la décision d’organisation du travail », RDT, Juillet Août 2010 p.419. 69 BERTRAND (X.), « Conférence Tripartite sur les conditions de travail », Dossier de Presse, jeudi 4 oct. 2007.
27
Ce comité, qui se réunit en général au moins une fois par trimestre, peut être
considéré comme le lieu où l’ensemble des intervenants se retrouvent. L’employeur, le
salarié, le médecin du travail, l’inspecteur du travail, vont échanger sur ces questions avec
pour objectif commun de contribuer à la protection de sécurité de la santé physique et
mentale des salariés, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail70. A cet égard, le
CHSCT assure différentes missions d’analyses des risques professionnels auxquels peuvent
être exposés les salariés et de consultations sur les initiatives de l'employeur en la matière.
Le CHSCT est également associé à la recherche de solutions relatives, par exemple, à
l’aménagement des postes de travail, à l’environnement physique du travail, à
l’aménagement du temps de travail…
Tout comme l’employeur, il va devoir s’assurer du respect des dispositions législatives
et réglementaires. Cependant, ces attributions « ne sauraient se réduire à la seule
vérification de l’application de la réglementation »71, l’employeur devant l’informer et le
consulter sur un certain nombre de points. Par exemple, le CHSCT doit obligatoirement être
informé par l’employeur, en cas d’accident grave, lors de la première réunion tenue après la
survenance de celui-ci72.
De même, il doit être consulté en cas d’aménagement important, modifiant les
conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et avant toute transformation
importante des postes de travail, découlant de la modification de l’outillage, d’un
changement de l’organisation du travail73. De surcroît, le CHSCT peut procéder à des
inspections des locaux de travail74, mais aussi, mener des enquêtes en matière d’AT/MP75,
ou bien en cas de danger grave et imminent constaté par un représentant du personnel, ou
par l’intermédiaire d’un salarié ayant usé de son droit de retrait76.
70 Article L.4612-1 du Code du travail. 71 « Attribution et fonctionnement du CHSCT », RPDS, N°767-Mars 2009 p.87. 72 Article L.4614-10 du Code du travail. 73 Cass. Crim, 12 avril 2005, Sté Sollac, N°04-83101. 74 Article L.4612-4 du Code du travail. 75 Article L.4612-5 du Code du travail. 76 Article L.4131-2 du Code du travail.
28
Enfin, lorsqu’un risque grave est constaté dans l’établissement ou en cas de projet
important de modification des conditions de travail77, le CHSCT pourra demander le recours
à un expert agrée. Si un représentant du personnel au CHSCT constate qu’il existe une cause
de danger grave et imminent notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, il doit
immédiatement en aviser l’employeur ou son représentant et consigner cet avis par écrit sur
un registre spécifique78. L’employeur ou son représentant sera alors tenu de procéder à une
enquête avec le membre du CHSCT ayant donné l’alerte, afin de déterminer les mesures
préventives nécessaires à mettre en place pour y remédier.
B. Une instance permettant l’accès à la connaissance des risques professionnels :
De manière générale, le CHSCT participe ainsi activement à la promotion de la
prévention des risques professionnels dans l'établissement et peut mettre en œuvre toutes
initiatives qu'il estime utile dans cette perspective. A cet effet, il peut d’ailleurs proposer des
actions de prévention et si l'employeur s'y refuse, il devra motiver sa décision79. En l’absence
de CHSCT au sein de l’entreprise, ce sont les délégués du personnel qui vont assurer les
attributions du comité en matière de santé et de sécurité au travail80.
Le CHSCT est donc une instance dotée de diverses attributions, il est ainsi possible
d’affirmer, à juste titre, qu’il « constitue le pivot de l’action en matière de sécurité au travail
dans les entreprises d’au moins 50 salariés »81 et ce à plusieurs égards. Tout d’abord, parce
que le CHSCT est un lieu d’échange des informations permettant l’accès à la connaissance
des risques et à la construction d’un savoir, dans le domaine de la santé et de la sécurité au
travail, ce qui constitue un élément fondamental afin d’améliorer la politique de prévention
au sein de l’entreprise. C’est effectivement, l’acquisition de ce savoir qui va permettre la
mise œuvre d’actions préventives, tel que l’illustre le propos selon lequel, « l’acquisition des
connaissances sur les risques et la construction d’un savoir ordonné sur la sécurité sont de
nature à renforcer l’action en faveur de la prévention »82.
77 Article L.4614-12 du Code du travail. 78 Article D.4132-1 du Code du travail. 79 Article L.4612-3 du Code du travail. 80 Article L.2313-6 du Code du travail. 81 VERKINDT (P.Y), « Le rôle des instances de représentation du personnel en matière de sécurité », Dr. Soc, N° 6 Juin 2007, p. 697. 82 VERKINDT (P.Y), « Le rôle des instances de représentation du personnel en matière de sécurité », Dr Soc, N° 6 Juin 2007, p. 697.
29
Dès lors, l’action du CHSCT s’inscrit parfaitement dans la perspective européenne qui
consiste à renforcer la prévention primaire. Ensuite, parce que, lors des réunions du CHSCT
l’ensemble des intervenants c'est-à-dire l’employeur, les salariés, le médecin du travail
possèdent le même objectif, à savoir, la préservation de la santé et de la sécurité des
travailleurs. En effet, le CHSCT ne disposant pas de pouvoir de décision, « en dépit des vœux
de certains », cela permet de ne pas envisager l’instance comme un lieu de confrontation
des intérêts mais au contraire comme un lieu d’action commun. De plus, « lui accorder
semblable prérogative aurait eu pour résultat de lui transférer une partie des responsabilités
qui incombent au chef d'entreprise dans le domaine de la prévention des risques ce que nul
ne souhaitait vraiment »83.
Enfin, parce que si le risque professionnel se réalise, il convient en effet de ne pas se
limiter à une vision utopique de l’instance, le CHSCT dispose également de moyens d’actions,
tels que, la possibilité de mener d’une enquête, suite à un accident du travail, afin d’éviter
qu’il ne se reproduise. A cet égard, il semble nécessaire de promouvoir le rôle de cette
instance tout comme le préconise le Plan de Santé au travail 2005-2009, par exemple,
« auprès des salariés afin qu’ils participent plus spontanément à l’objectif commun de
protection de la santé au travail et de prévention des risques professionnels ».84
§2. L’extension des attributions du CHSCT :
Force est d’observer que le rôle du CHSCT tend à prendre de l’ampleur, par l’expansion
du champ de sa compétence consultative85, notamment en ce qui concerne la prise en
compte de la protection de la santé mentale des salariés. Sur ce point, il est possible de se
référer à l’arrêt Mornay rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation, en date du 28
novembre 2007, selon lequel : « les évaluations annuelles, notamment en tant qu'elles
peuvent être de nature à générer une pression psychologique sur les salariés, constituent un
projet de l'employeur devant être soumis à la consultation du CHSCT »86.
83 TEYSSIE (B.), « Les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail », JCP S, n° 23, 5 Juin 2007, 1441. 84 Plan de santé au travail 2005-2009, p.65. 85 GUEDES DA COSTA (S.), LAFUMA (E.), « Le CHSCT dans la décision d’organisation du travail », RDT, Juillet Août 2010 p.419. 86 Cass. Soc, 28 nov. 2007, N° 06-21.964.
30
En l’espèce, la Cour de Cassation estimait que la mise en place des entretiens
individuels pouvait avoir une incidence « sur le comportement des salariés, leur évolution de
carrière et leurs rémunérations » et que « les modalités et les enjeux de l’entretien étaient
manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions
sur les conditions de travail ». Par conséquent, en présence d’un projet de l’employeur
modifiant les conditions de travail des salariés, la consultation du CHSCT, en charge de la
protection de la santé des salariés, était indispensable.
Considéré parfois, selon l’opinion d’une partie de la doctrine, comme une immixtion
trop importante dans le pouvoir de direction de l’employeur87, le renforcement des
compétences du CHSCT peut aussi être envisagé comme favorable au développement de la
prévention des risques professionnels. De plus, tout comme l’extension de l’obligation de
sécurité résultat à la charge de l’employeur, le renforcement des compétences consultatives
du CHSCT, en particulier en ce qui concerne la protection de la santé mentale des salariés,
conduit à valoriser le rôle dévolu au médecin du travail. La préservation de la santé mentale
des salariés est, effectivement, une notion complexe à appréhender et nécessitant des
compétences d’ordres médicales. Or, parmi les membres du CHSCT, il est sûrement le plus
qualifié pour apporter des conseils adéquats, même s’il ne dispose pas d’une formation
approfondie dans ce domaine.
L’une des difficultés, auxquelles les services de santé au travail sont confrontés, résulte
d’une approche historique française exclusivement centrée autour du suivi médical
individuel et de la notion d’aptitude, notamment, par rapport à d’autres modèles européens,
où la prévention des risques professionnels, revêt davantage une dimension globale et
collective. En ce sens, sous l’impact normatif du droit européen, il est possible de constater
une ambition législative visant à favoriser une approche pluridisciplinaire, en matière de
santé et de prévention des risques professionnels, entre autre, par le biais des intervenants
en prévention des risques professionnels, dont l’action vient enrichir les compétences du
médecin du travail.
87 Cass. Soc, 5 mars. 2008, SNECMA, N° 06-45888, RPDS 2008, N°757.
31
Section 2. Le développement d’une approche pluridisciplinaire :
C’est l’article 7 de la directive cadre n°89/391/CEE du 12 juin 1989, transposé en droit
interne, par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui se trouve à
l’origine du développement de l’approche pluridisciplinaire, en matière de santé et de
prévention des risques professionnels, et de la mise en place du dispositif des IPRP. Cet
article impose aux employeurs une obligation de désigner un ou plusieurs travailleurs pour
s’occuper des activités de protection et des activités de prévention des risques
professionnels ou de recourir, si les compétences internes sont insuffisantes, à des
compétences (personnes ou services) extérieures à l’entreprise.
§1. L’apport de compétences techniques et organisationnelles en matière de prévention :
La mise en œuvre de pluridisciplinarité en matière de prévention, qui « consiste en des
actions communes de plusieurs spécialistes de différentes disciplines, vers un même
objectif »88, répond également aux souhaits exprimés par les partenaires sociaux au sein de
l’accord national interprofessionnel du 13 septembre 2000, notamment, pour faire face à un
contexte démographique défavorable des médecins du travail.
Depuis la loi de modernisation sociale de 2002, dans le cadre de leurs missions, les
services de santé au travail sont désormais habilités à faire appel, en liaison avec les
entreprises concernées, aux compétences d'experts spécialisés dans l'approche technique et
organisationnelle tels que les intervenants en prévention des risques professionnels. C’est
un décret du 24 juin 200389 qui va mettre en œuvre, l’obligation faite par la loi aux
entreprises de faire appel à une structure de prévention compétente, en ce qui concerne la
santé et la sécurité au travail. Un arrêté du ministre du travail du 24 décembre 2003, « relatif
à la mise en œuvre de l’obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail »
est ensuite venu préciser l’indispensable interaction entre les services de santé au travail et
les intervenants extérieurs, ainsi que les critères et les modalités d’habilitation des IPRP.
Les IPRP peuvent se définir comme des préventeurs dotés de compétences
techniques, organisationnelles ou médicales, dont la mission consiste à participer à la
prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail dans les
88 Bilan de la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels pour la Direction Générale du Travail, Décembre 2007. 89 Décret n°2003-546 du 24 juin 2003, J.O, 26 juin 2003.
32
services de santé au travail, en complément de l’action conduite par le médecin du travail.
Ces intervenants sont multiples, ils peuvent soit être rattachés au domaine médical, c’est le
cas des infirmiers, mais également, spécialisés dans d’autres domaines, c’est le cas : des
ergonomes, des psychologues, des assistants sociaux, des techniciens et ingénieurs
d’hygiène et sécurité, des épidémiologistes, des toxicologues. Afin de renforcer la prévention
des risques professionnels, les IPRP peuvent également être des professionnels spécialisés,
en fonction des différents secteurs d’activités économiques en cause, ou bien encore, en
fonction de risques spécifiques liés à l’activité professionnelle tels que l’exposition au bruit,
aux rayonnements ionisants, à des produits chimiques ou nucléaires...
Compte tenu de l’évolution actuelle des relations de travail, entre autre, du
changement des modes d’organisation du travail, du développement des risques
psychosociaux, les risques professionnels se diversifient et nécessitent des compétences
parfois autres que des compétences médicales. Il est ainsi affirmé, par les pouvoirs publics,
que « si la médecine du travail demeure la clé de voûte de la prévention en entreprise, elle
n’est plus seule. Son action est renforcée par l’apport de compétences nouvelles. Le passage
s’est opéré d’une vision purement et quasi-exclusivement médicale de la prévention, vers une
approche globale de la santé, approche qui requiert des compétences techniques et
organisationnelles »90. Dans l’exercice de sa mission préventive qui consiste à éviter toute
altération de la santé des travailleurs, du fait de leur travail, le médecin du travail peut donc
désormais s’appuyer sur les compétences spécifiques des IPRP.
§2. Approche critique de la pluridisciplinarité :
Bien que critiquée, la pluridisciplinarité permet de contribuer au renforcement de la
prévention des risques professionnels, mais aussi, d’optimiser le suivi médical individuel des
salariés. Comme le relève l’avis du Conseil Economique et Social sur L’avenir de la médecine
du travail la mise en œuvre de la pluridisciplinarité, a été la cible de critiques parfois
difficilement acceptées par certains médecins du travail.
90 Bilan de la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en matière de santé et de prévention des risques professionnels pour la Direction Générale du Travail, Décembre 2007.
33
En effet, l’approche pluridisciplinaire a notamment été instaurée, en réponse à un
contexte démographique critique des médecins du travail, ayant conduit à envisager que
cette réforme intervenait « par nécessité plus que par objectif de renforcer l’efficacité du
système sans qu’elle soit suffisamment conçue comme une condition d’une véritable réussite
du nouveau concept de santé au travail » 91 .
Il est vrai qu’en raison de la pénurie des médecins du travail, du manque d’attractivité
de la profession, ainsi que des difficultés rencontrées par les services de santé au travail
concernant le respect des exigences légales en vigueur92, la pluridisciplinarité peut être
considérée comme une solution adéquate pour répondre à ces diverses problématiques.
Cependant, envisager la pluridisciplinarité sous cet angle restrictif ne semble pas
souhaitable. Dès lors, il convient, à notre sens, d’adopter une autre conception.
Effectivement, la mise en place des équipes pluridisciplinaires permet d’abord au médecin
du travail, dont le temps est précieux, d’en disposer de davantage, afin de mener des actions
en milieu du travail. Or, l’action en milieu du travail, pourtant indispensable à la prévention
des risques professionnels, manque aujourd’hui d’effectivité.
Ainsi, le fait que le médecin puisse être épaulé, par les IPRP, dans l’exercice de sa
mission, ne peut que contribuer au renforcement de la prévention des risques
professionnels. Néanmoins, tel que le suggère également le rapport du Conseil Economique
et Social, une double condition doit être respectée : les intervenants doivent remplir « des
tâches sur lesquelles la compétence du médecin n’est pas indispensable et le temps libéré lui
permet de se réinvestir sur des actions en milieu de travail dans l’objectif prioritaire de la
prévention »93.
En outre, la mise en place de la pluridisciplinarité contribue à optimiser le suivi médical
individuel des salariés. Face à l’émergence des nouveaux risques professionnels, tels que,
par exemple, les risques psychosociaux, il semble opportun pour le médecin du travail de
pouvoir faire appel à des spécialistes dans ce domaine.
91 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.15. 92 AMAUGER-LATTES, (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. soc, Avril 2011, p.351. 93 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.18.
34
Tout comme l’illustre la médiatisation relative aux suicides sur le lieu de travail, force
est de constater des interférences de plus en plus importantes entre la vie professionnelle et
la vie extra-professionnelle du salarié. Les frontières entre ces deux sphères ont tendances à
devenir de plus en plus étroites et la souffrance au travail peut engendrer pour l’individu des
troubles spécifiques, en dehors de son lieu de travail, liés, par exemple, à une situation de
stress se matérialisant par des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, des
addictologies. Or, c’est précisément dans ces situations que l’orientation du médecin du
travail vers des spécialistes peut s’avérer utile.
Enfin, d’un point de vue pratique, la pluridisciplinarité semble relativement bien
accueillie par les acteurs de terrain. A cet égard, il apparaît qu’un « certain nombre de
directeurs de services de santé au travail interentreprises, qui ont mis en œuvre la
pluridisciplinarité depuis plusieurs années, ont tous confirmé le succès de cette initiative et la
satisfaction unanime tant des médecins du travail que des employeurs et surtout des salariés
suivis par ces équipes »94. C’est pourquoi, la pluridisciplinarité ne doit ni être perçue comme
une menace pour la profession, ni comme une volonté de démédicaliser la santé au travail,
mais comme un moyen d’action permettant d’agir collectivement afin d’améliorer la
prévention des risques professionnels au sein de l’entreprise.
Conformément aux dispositions de la directive européenne du 12 juin 1989, il est
possible de constater que le dispositif de prévention, en matière de santé et de sécurité au
travail, tend à s’inscrire dans une dimension d’ordre collectif mobilisant un ensemble
d’acteurs au sein de l’entreprise. En coordination avec le médecin du travail, en matière de
prévention chacun a alors un rôle à jouer, tant par les moyens d’actions, que par les
compétences dont il dispose.
A cet effet, il parait indispensable de renforcer la coordination et l’interaction entre
l’ensemble de ces « préventeurs » afin de parvenir à un système de santé au travail
cohérent, unifié et donc efficace. Ainsi, « une véritable mutation de la médecine du travail
vers un système de santé au travail » suppose « une prise de conscience par tous les acteurs
94 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529.
35
concernés des impératifs de la prévention ainsi que le développement d’une indispensable
culture partagée de la prévention des risques »95.
Néanmoins, si l’approche collective de la prévention des risques professionnels,
constitue un véritable enjeu de la réussite du dispositif Français, en matière de santé et de
sécurité au travail, il ne faut pas pour autant en négliger l’approche individuelle. La mise en
œuvre du suivi médical individuel des salariés, par le médecin du travail, est également un
moyen d’action nécessaire à prendre en considération afin d’assurer l’efficacité du dispositif
de prévention (Titre 2).
TITRE 2- Le rôle spécifique du médecin du travail en matière de prévention :
En France, la loi du 11 octobre 1946 est à l’origine de la mise en place des services
médicaux du travail. L’article premier, toujours en vigueur, dispose que : « le rôle du médecin
du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des
travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au
travail, les risques de contagion et leur état de santé »96. Afin de remplir cet objectif de
prévention, le médecin du travail est titulaire de missions diversifiées qui s’exercent selon
deux axes, le suivi médical individuel des salariés et l’action sur le milieu du travail.
Si les orientations législatives actuelles traduisent la volonté de renforcer l’action sur
le milieu du travail97, il est néanmoins possible de constater que le suivi médical individuel
par le médecin du travail occupe une place prépondérante en matière de prévention. Cela
peut s’expliquer par le fait, qu’en tant qu’activité première des services médicaux du travail,
« les textes et la pratique ont orienté la médecine du travail vers un mode d’exercice où
prédomine une approche clinique individuelle de la santé au travail, centrée autour de la
notion d’aptitude »98. Effectivement, ce n’est qu’à partir du décret du 20 mars 1979, avec
l’introduction de la notion de « tiers temps », que l’action en milieu du travail va se
développer.
95 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.18. 96 Article L.4622-3 du Code du travail. 97 Loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, Décret du 28 juillet 2004. 98 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.5.
36
Cependant le suivi médical individuel, par le médecin du travail, est cible de diverses
critiques. A cet égard, de nombreux rapports99 ont mis en lumière les carences du système
français de santé au travail : recrudescence et diversification des maladies professionnelles,
catastrophe sanitaire de l’amiante, par exemple. Or, ces constats ont conduit à remettre en
cause l’utilité du suivi médical individuel, dans la mesure où cette approche est
prédominante au sein du dispositif de prévention. Ils ont conforté l’idée selon laquelle,
l’activité clinique du médecin du travail « qui se contente de repérer l’éventualité d’une
maladie et ses conséquences pour l’aptitude d’un individu »100, ne serait pas un moyen
d’action suffisant afin d’assurer une prévention efficace des risques professionnels. Dès lors,
il serait souhaitable d’opérer un basculement d’une logique de prévention secondaire vers
une logique de prévention primaire, fondée sur l’évaluation, à priori, des risques
professionnels et ciblée sur l’action sur le milieu du travail.
Même si cette analyse est pertinente, le suivi médical individuel et l’action sur le milieu
du travail ne sont pas des approches incompatibles, ni exclusives l’une de l’autre, mais au
contraire, complémentaires. A ce titre, il conviendra d’envisager que l’existence d’une
surveillance médicale individuelle, exclusivement préventive, de chaque salarié par le
médecin du travail, illustre avec justesse le particularisme du système de santé et de sécurité
au travail français (Chapitre 1). Il conviendra d’examiner ensuite la manière dont le suivi
médical individuel des salariés va être mise en œuvre, notamment par l’exercice des
examens médicaux, afin de déterminer dans quelle mesure ce suivi est un véritable moyen
permettant de contribuer à l’essor de la prévention des risques professionnels (Chapitre 2).
99 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529. 100 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.10.
37
Chapitre 1- Le suivi médical individuel préventif des salariés par le médecin du
travail : un particularisme du dispositif français de prévention :
Le système français de santé au travail dispose de caractéristiques qui lui sont
propres et indéniablement liées à son évolution historique, telles que l’existence d’un suivi
médical individuel, ce qui tend à le différencier d’autres modèles. Ainsi, il conviendra tout
d’abord d’opérer une comparaison entre le système français de santé au travail, avec le
modèle britannique et le modèle québécois (Section 1). Nous aborderons ensuite le
caractère exclusivement préventif de ce suivi, étant donné qu’il représente également une
spécificité du système français. Dès lors, si ces caractéristiques peuvent être à l’origine de
difficultés, il conviendra d’examiner dans quelle mesure elles représentent également un
atout (Section 2).
Section 1. Approche comparative en matière de santé et de sécurité au travail:
L’approche comparative entre le système français en matière de santé et de sécurité
au travail et le modèle britannique, ainsi que québécois, traduit un intérêt particulier dans la
mesure où il est possible de constater que le suivi médical individuel est un aspect peu
développé dans ces deux pays.
§1. Le modèle britannique
A. L’Health and Safety at Work Act:
En Grande Bretagne, le droit à l’hygiène et à la sécurité est régi par « une multitude
de sources juridiques ce qui en fait un système complexe (loi du parlement, règlement,
conventions collectives, contrat de travail, Common Law) ». Concernant la protection de la
santé des travailleurs, elle est essentiellement réglementée par « l’Health and Safety at
Work Act de 1974 »101. Cet acte du Parlement britannique pose les principes généraux ainsi
que les devoirs, qui incombent à l’employeur et aux salariés, en matière de santé, de
sécurité et de bien être au travail. Sur ce point, le système britannique de santé au travail se
rapproche donc du système français, ce qui s’explique par l’impact du Droit européen et plus
particulièrement de la directive cadre n°89/391/CEE du 12 juin 1989.
101 LEROUGE (L.), MUSIALA (A.), « L’obligation de sécurité de l’employeur en Europe », RDT, 2008, p. 124.
38
Cependant, si tout comme en France, l’employeur doit procéder à une évaluation des
risques professionnels, « le Royaume-Uni considère que la directive du 12 juin 1989 ne peut
pas imposer une obligation de sécurité de résultat »102. Effectivement, « l’Heath and Safety
at Work Act » de 1974 prévoit que l’employeur doit s’assurer de la santé, de la sécurité et le
bien être de tous ses travailleurs sur les lieux de travail, pour autant que se soit
raisonnablement praticable (« so far as is reasonably practicable »)103. Or, ce principe
permet à l’employeur « de se soustraire à l'obligation de veiller à la sécurité de ses salariés si
le coût des mesures en terme de temps, d'argent et de sacrifice est plus élevé de façon
nettement disproportionnée que les avantages attendus »104. Ce principe, ayant fait l’objet
d’un recours en manquement de la Commission contre le Royaume-Uni, rejeté par la CJCE le
14 juin 2007105, met en évidence les divergences d’interprétations et de conceptions qui
peuvent exister entre les Etats-Membres, en matière de santé et de sécurité au travail.
B. L’absence d’un suivi médical individuel par le médecin du travail au sein du système britannique :
Ensuite, et c’est particulièrement cet aspect qui retient notre attention, au Royaume-
Uni, aucun texte de portée générale n’impose la présence d’un médecin du travail au sein de
l’entreprise. La mise en œuvre de la prévention des risques professionnels ne repose pas,
comme en France, sur un suivi médical individuel des salariés. L’exercice d’examens
médicaux de chaque salarié par le médecin du travail : visites d’embauches, visites
périodiques, visites de reprises, n’existent pas en Grande-Bretagne. Au sein du système
britannique, la santé au travail est avant tout appréhendée de manière collective : « la
priorité est donnée à la prévention primaire et le facteur individuel n’est pratiquement pas
envisagé »106. Dans la mesure où l’employeur s’assure que les conditions de travail ne
nuisent pas à la santé des travailleurs, il dispose d’une libre appréciation dans l’organisation
des services de santé au travail.
102 LEROUGE (L.), MUSIALA (A.), « L’obligation de sécurité de l’employeur en Europe », RDT, 2008, p. 124. 103 CHAUMETTE (P.), « La sécurité pour autant que ce soit raisonnablement praticable ? », Dr. Soc, Septembre-Octobre 2007, p.1037. 104 LEROUGE (L.), MUSIALA (A.), « L’obligation de sécurité de l’employeur en Europe », RDT, 2008, p. 124. 105 CJCE 14 juin 2007, aff. C-127/05, Commission c./Royaume-Uni. 106 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.11.
39
Cette comparaison représente un certain intérêt puisqu’elle peut amener à
s’interroger sur l’utilité du suivi médical individuel par le médecin du travail en France.
Effectivement, même si nous ne disposons pas de données chiffrées précises sur le sujet
permettant d’appuyer notre raisonnement, il est permis de penser que l’absence de ce suivi
médical individuel par le médecin du travail, ne conduit pas pour autant à remettre en cause
l’efficacité du système de santé au travail britannique. Au contraire, « cette efficacité serait
d’ailleurs démontrée par les statistiques dont il ressort que le Royaume-Uni est depuis
longtemps l’un des Etats Membre enregistrant le plus faible nombre d’accidents du
travail »107. Sans doute parce que « cette carence » est palliée par d’autres moyens
d’actions.
Néanmoins, envisager la prévention de la santé au travail sous le seul angle de la
dimension collective peut poser des difficultés. De part la dimension subjective qu’elle
implique, la notion de santé de travail suppose, à notre sens, la prise en considération des
spécificités physiques et psychiques de chaque individu face à son environnement de travail.
Les effets du travail sur la santé peuvent être variables selon la résistance et la capacité
d’adaptation des personnes. En France, l’existence d’une surveillance médicale renforcée au
profit de certaines catégories de salariés, telles que, les salariés mineurs, les salariés
handicapés, les femmes enceintes, représente un exemple pertinent afin d’appuyer notre
propos.
De plus, parce qu’elle fait appel à la perception de chaque individu, la santé en relation
avec le travail revêt un caractère subjectif dont le médecin du travail doit tenir compte. Cet
aspect individuel et subjectif est particulièrement présent en ce qui concerne la santé
psychique des salariés. Par exemple, face à une situation de stress au travail, deux salariés
ne vont pas nécessairement réagir de manière similaire et les effets de cette situation sur la
santé peuvent différer. Cela s’explique notamment par le fait que l’état de santé psychique
des salariés peut résulter de « facteurs très divers et pour partie extérieurs à la relation de
travail »108. En effet, en tant que composante individuelle de la personne, l’état de santé se
107 CHAUMETTE (P.), « La sécurité pour autant que ce soit raisonnablement praticable ? », Dr. Soc, Septembre-Octobre 2007, p.104. 108 MARTINEZ (J.), « Les mouvements d'extension du droit de la santé au travail », JCP S, n° 16- 14, Avril 2009.
40
manifeste, au sein de la relation professionnelle, mais également, dans le cadre de la vie
personnelle du salarié.
Ainsi, une situation de stress au travail peut être liée, par exemple, à un rythme de
travail intensif, mais aussi, résulter de facteurs extérieurs à la relation contractuelle, tels que,
par exemple, des problèmes familiaux. Le suivi médical individuel par le médecin du travail a
l’avantage de prendre en considération cet aspect subjectif ce qui représente un intérêt non
négligeable. Lors des visites médicales, au-delà du strict examen clinique, le médecin du
travail s’entretient avec le salarié, ce qui peut être l’occasion de mettre en exergue
d’éventuelles difficultés d’ordres psychiques, auxquelles il serait confronté.
En outre, l’appréciation des situations individuelles par le médecin du travail est
également un moyen lui permettant d’acquérir une connaissance globale des risques
professionnels existants au sein de l’entreprise. Si, dans le cadre du suivi médical individuel,
le médecin du travail constate, de manière récurrente, l’existence d’atteintes à la santé
auprès de plusieurs salariés d’une même entreprise, ce point va nécessairement retenir son
attention. Dès lors, l’examen des situations individuelles, lorsqu’elles sont mises en
interactions, apparait comme un moyen d’action efficace afin de contribuer à la mise en
œuvre de mesures préventives au niveau collectif. C’est notamment en cela que la
surveillance médicale individuelle par le médecin du travail traduit tout son intérêt.
Enfin, si en France la médecine du travail est exercée par des médecins spécialisés,
c'est-à-dire à des docteurs spécialistes en médecine du travail ou détenteurs d'un autre
diplôme autorisant l'exercice de la médecine du travail, au Royaume-Uni, la médecine du
travail peut être pratiquée par des médecins généralistes, des infirmières spécialisées. Le fait
qu’en France, le suivi médical soit exercé par des spécialistes, représente aussi une
particularité du système de santé au travail, d’autant plus, que conformément aux
dispositions légales, le rôle du médecin du travail dans l’exercice de ce suivi est
exclusivement préventif.
§2. Le modèle québécois :
Le modèle québécois, en matière de santé et de sécurité au travail, présente
également des particularités intéressantes, dans la mesure où la surveillance médicale
individuelle des salariés est également peu développée. En effet, le modèle québécois est
41
principalement ciblé sur une prévention primaire des risques professionnels. C’est en 1979
qu’est intervenue une réforme de la loi sur la santé et la sécurité au travail.
Cette loi prévoit la mise place de services de santé au travail intégrés au sein du
réseau de santé publique. Parmi ses objectifs principaux elle énonce notamment la nécessité
: « d’éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique
des travailleurs »109. La priorité est donc accordée à l’action sur le milieu du travail. Dès lors,
la mission préventive du médecin du travail consiste, avant tout, à identifier et apprécier les
risques professionnels. A cet effet, les médecins du travail peuvent se rendre régulièrement
sur les lieux de travail dans le but de définir des programmes de santé.
« L’approche médicale individuelle a été délaissée au profit d’une approche de santé
publique qui s’attaque d’emblée aux risques des milieux de travail »110. Ce propos met en
évidence le fait, qu’au sein du système québécois, le médecin du travail n’exerce pas un suivi
médical individuel de chaque salarié, comme c’est le cas en France. Par exemple, au Québec,
il n’y a pas de visites médicales d’embauches et les visites médicales périodiques ne sont
mises en œuvre que « lorsqu’il existe des moyens de preuve suffisants de leur pertinence et
de leur nécessité pour prévenir les atteintes à la santé »111.
La surveillance médicale individuelle est ainsi peu présente au sein du dispositif de
prévention québécois, néanmoins, elle n’est pas non plus totalement inexistante. En effet, la
loi indique explicitement que le programme de santé doit prévoir « les mesures visant à
identifier et à évaluer les caractéristiques de santé nécessaires à l’exécution d’un travail, les
mesures visant à identifier les caractéristiques de chaque travailleur de l’établissement, afin
de faciliter son affectation à des tâches qui correspondent à ses aptitudes et de prévenir
toute atteintes à sa santé, sa sécurité et son intégrité physique, ainsi que les mesures de
surveillance médicale individuelle du travailleur, en vue de la prévention et du dépistage
précoce de toute atteinte à la santé, pouvant être provoquée ou aggravée par le travail »112.
109 PLANTE (R.), BHERER (L.), « La médecine du travail au Québec une pratique de santé publique », Santé et Travail, Santé, société et solidarité, N°2, 2006, p. 16. 110 PLANTE (R.), BHERER (L.), « La médecine du travail au Québec une pratique de santé publique », Santé et Travail, Santé, société et solidarité, N°2, 2006, p. 17. 111 PLANTE (R.), BHERER (L.), « La médecine du travail au Québec une pratique de santé publique », Santé et Travail, Santé, société et solidarité, N°2, 2006, p. 15. 112 PLANTE (R.), BHERER (L.), « La médecine du travail au Québec une pratique de santé publique », Santé et Travail, Santé, société et solidarité, N°2, 2006, p. 17.
42
La surveillance médicale individuelle peut donc être mise en œuvre dans certaines
circonstances, cependant, elle ne représente pas l’axe majeur du dispositif de prévention tel
qu’en France.
Concernant l’approche critique du modèle québécois, en matière de santé et de
sécurité au travail, les avis sont partagés. Le dispositif semble efficace : à l’appui de ce
constat, il est notamment évoqué que cette approche de prévention permettrait « de se
concentrer sur les composantes de l’organisation du travail susceptibles de provoquer des
problèmes et de conserver une distance par rapport à des situations particulières » 113. Cette
analyse semble juste : même si la surveillance médicale individuelle représente un élément
clé de l’efficacité du dispositif de prévention, l’action sur le milieu du travail et notamment
l’approche technique et organisationnelle de celui-ci, est également indispensable afin
d’enrichir ce dispositif.
Néanmoins, tout comme pour le modèle britannique, le fait que l’aspect individuel de
la prévention ne soit que peu pris en compte peut conduire à l’émergence de difficultés. Afin
de soutenir l’exactitude de notre propos, il convient de relever qu’au Québec : « les
responsables syndicaux ou patronaux acceptent difficilement les pratiques mises en œuvres
et exercent des pressions pour que les travailleurs soient soumis à la surveillance
médicale »114. Il apparaît ainsi qu’un dispositif de prévention, en matière de santé et de
sécurité au travail, avant tout ciblé sur l’action sur le milieu du travail et qui « délaisse » le
suivi médical individuel, ne soit pas nécessairement une solution satisfaisante.
Section 2. Le rôle exclusivement préventif du médecin du travail :
Le Code du travail prévoit expressément que le rôle du médecin du travail est
exclusivement préventif115. Il conviendra d’étudier, la signification, les justifications, ainsi
que les difficultés de cet aspect exclusivement préventif du suivi médical individuel par le
médecin du travail. Bien qu’exclusivement préventif, il conviendra d’envisager ensuite dans
quelle mesure ce suivi traduit un véritable intérêt.
114 PLANTE (R.), BHERER (L.), « La médecine du travail au Québec une pratique de santé publique », Santé et Travail, Santé, société et solidarité, N°2, 2006, p. 19. 115 Article L.4622-3 du Code du travail.
43
§1. Signification, justifications et difficultés :
Ce rôle exclusivement préventif du médecin du travail signifie que, sauf en cas
d’urgence, il ne peut pas dispenser de soins aux salariés. L’exercice de sa mission se limite
donc à anticiper les atteintes physiques ou psychiques éventuelles dont les salariés
pourraient être victimes, lors de l’exercice de la prestation de travail, afin d’éviter qu’elles ne
se réalisent. Le choix d’une médecine du travail exclusivement ciblée sur la prévention, fait
par le législateur, lors de l’adoption de la loi qui met en place les services médicaux du travail
en 1946, n’a jusqu’alors jamais été remis en cause. Cet aspect exclusivement préventif du
rôle du médecin du travail, se justifie par le fait que le salarié ne dispose pas du libre choix
de son médecin puisqu’il lui est imposé par l’employeur. Or, c’est précisément l’existence du
libre choix laissé au patient, en matière de médecine libérale, qui permet la dispense de
soins curatifs, soins qui ne peuvent pas être prodigués par le médecin du travail. Si la
limitation du rôle du médecin du travail à une fonction exclusivement préventive en matière
de santé au travail se trouve légitimée, l’absence de libre choix du médecin par le salarié
n’est pas sans poser de difficultés. Cette spécificité tend à rendre plus complexe l’efficacité
du suivi médical individuel des salariés par le médecin du travail au sein de l’entreprise.
Dans la mesure où le médecin du travail est imposé au salarié, il peut s’avérer délicat
pour ce dernier d’instaurer une relation de confiance avec le salarié et d’opérer un suivi
efficace de celui-ci comme peut le faire le médecin libéral à l’égard de son patient. Cette
difficulté est par ailleurs accentuée, par le statut particulier du médecin du travail. En tant
que salarié de l’entreprise, il se trouve sous le contrôle et est soumis à la subordination
administrative de l’employeur ou du président du service interentreprises.
Le médecin du travail est alors placé dans une position ambivalente qui peut susciter
des réserves de la part de certains salariés, concernant la communication d’un problème de
santé, qui soit d’ailleurs ou non en lien avec le travail.
Effectivement, lors des différentes visites médicales, le médecin du travail est tenu de
déterminer l’aptitude de l’état de santé du salarié avec le poste occupé. Or, si le salarié est
déclaré inapte116 par le médecin du travail, il pourra se voir imposer la rupture de son
116 Cass. Crim, 6 juin 1972, N°70-90.271.
44
contrat de travail par son employeur selon le respect de certaines conditions117. Même si
l’objectif d’une telle procédure consiste avant tout à préserver sa santé, il est légitime de
penser que le salarié concerné n’adhère pas à cette vision, privilégiant l’aspect économique.
Le salarié reste « maître de ce qu’il décide de dire au médecin du travail. Il est dès lors peu
probable que le candidat à un emploi, révèle lors d’une visite d’embauche des éléments sur
son état de santé risquant de mettre en jeu son emploi »118.
De surcroît, le fait que le suivi médical individuel par le médecin du travail soit
exclusivement préventif, peut conduire à dévaloriser la profession, voir à remettre en cause
son utilité auprès des employeurs tout comme des salariés. Concernant les employeurs, il est
possible de se poser la question suivante : en l’absence du caractère obligatoire de la
médecine du travail qui s’impose à eux, y auraient-ils recours ? Concernant les salariés, cette
conception pourtant erronée, peut résulter d’une tendance selon laquelle, par défaut de
confiance ou d’information, en cas de problèmes de santé, même s’ils sont en lien avec le
travail, le salarié estime parfois que son médecin libéral sera mieux à même de répondre à
ses attentes.
§2. L’intérêt du suivi médical individuel préventif :
C’est pourquoi, afin d’assurer un suivi efficace, il est préconisé au médecin du travail
d’instaurer une véritable relation de confiance avec les salariés, afin que ces derniers ne
perçoivent pas le service de santé au travail comme le prolongement des pouvoirs de
l’employeur. A cet égard, il semble indispensable de rappeler que le médecin du travail, est
aussi le conseiller du salarié, que son indépendance dans l’ensemble de ses missions est
garantie par la loi119 et qu’il est soumis au respect du secret professionnel120, sa violation
faisant l’objet de sanctions pénales121. De plus, le médecin du travail doit garder le secret sur
les constatations médicales effectuées, concernant à la fois le diagnostic, mais aussi le
traitement122.
117 ANNEXE 1, Procédure de licenciement pour inaptitude. 118 GOSSELIN (H.), « Aptitude et inaptitude Médicale au travail: diagnostic et perspectives », Janvier 2007, p.21. 119 Article L.4622-3 et L.4622-4 du Code du travail. 120 Article R.4127-4 du Code de la santé publique. 121 Article 226-23 du Code pénal. 122 Cass. Soc, 10 juillet 2002, N°00-40.209.
45
Il apparait également souhaitable que le médecin du travail informe les salariés sur la
possibilité de solliciter des consultations médicales de manière spontanée, ce qui
permettrait de favoriser la relation de confiance. Enfin, qu’elles soient obligatoires ou
facultatives, à notre sens, les visites médicales doivent être envisagées comme un espace de
dialogue et d’échange. Au-delà du strict examen clinique, elles doivent aussi être conçues
comme un moyen de recueillir des informations utiles à l’action sur le milieu du travail. Afin
de mettre en œuvre une prévention efficace au sein de l’entreprise, cela suppose
l’identification des facteurs de risques professionnels existants. Or, cet objectif va pouvoir
être réalisé, en partie par l’intermédiaire des informations communiquées par les salariés au
médecin du travail, lors des visites médicales. Tout comme l’énonce avec justesse le propos
suivant : « c’est dans le cabinet médical que les salariés peuvent s’exprimer librement, et en
fait, l’approche individuelle et la dimension collective sont complémentaires et s’alimentent
l’une l’autre. Les médecins se forgent la meilleure connaissance sur les situations de travail
en échangeant avec ceux qui les vivent. L’entretien clinique est donc primordial pour faire le
lien entre atteinte à la santé et travail »123.
Dès lors, même si dans le cadre du suivi médical individuel, le rôle du médecin est
exclusivement ciblé sur la prévention et que le salarié ne dispose pas du libre choix de son
médecin, cette caractéristique ne remet pas en cause l’utilité de ce suivi. Il est alors
indispensable de s’appuyer sur une logique selon laquelle, le suivi médical individuel est l’un
des moyens les plus adéquat pour mener une action efficace sur le milieu du travail et
contribuer à l’essor de la prévention au sein de l’entreprise. A cet égard, il convient ensuite
d’envisager la mise en œuvre concrète de ce suivi, par le biais des examens médicaux
(Chapitre 2).
123 Intervention du 27 janvier 2011, du Sénateur socialiste Jean Pierre Godefroy.
46
Chapitre 2- La mise en œuvre du suivi individuel par le biais des examens
médicaux :
En tant que conseiller du chef d’entreprise, des salariés, des représentants du
personnel, le médecin du travail doit prévenir la réalisation des risques professionnels,
améliorer et adapter les conditions de travail, afin que la santé et la sécurité des travailleurs
soit préservée au sein de l’entreprise. Afin d’exercer ce rôle préventif, le médecin du travail
opère notamment une surveillance médicale individuelle de tous les salariés au sein de
l’entreprise. Il conviendra d’examiner la mise en œuvre de ce suivi par le médecin du travail,
en déterminant son objectif et ses spécificités (Section 1), puis ses modalités (Section 2), afin
d’en aborder l’aspect critique (Section 3).
Section 1. Approche globale du suivi médical individuel:
Avant d’aborder la mise en œuvre du suivi individuel par le médecin du travail, il
convient tout d’abord de définir les notions d’aptitude et d’inaptitude médicale, de rappeler
quelles sont les différents examens médicaux prévus par les dispositions légales, ainsi que
d’expliquer la distinction existante entre la surveillance médicale simple et la surveillance
médicale renforcée.
§1. La détermination de l’aptitude médicale du salarié en tant qu’objectif du suivi :
La surveillance médicale individuelle consiste, en particulier, à déterminer l’aptitude
du salarié à son poste de travail. Il n’existe pas de définition juridique de l’aptitude médicale
dans le Code du travail. Néanmoins, elle peut se définir comme la compatibilité de l’état de
santé du salarié, avec les risques pouvant résulter de son activité professionnelle, ainsi
qu’avec les exigences du poste de travail occupé. Compétence exclusive du médecin du
travail, la détermination de l’aptitude médicale ou, le cas échéant de l’inaptitude médicale, a
pour finalité de s’assurer que le salarié dispose de la capacité d’exécuter les tâches prévues
par son contrat de travail et de s’adapter à son poste de travail, sans que cela n’entraîne
d’altération pour sa santé. La surveillance médicale individuelle des salariés par le médecin
du travail va s’exercer à différents moments de la relation de travail et se caractériser par le
biais d’examens médicaux qui vont donner lieu à la délivrance d’une fiche médicale
d’aptitude.
47
A l’occasion des visites médicales, le médecin du travail est amené à délivrer soit un
avis d’aptitude médicale, soit un avis d’inaptitude. S’agissant de la délivrance d’un avis
d’aptitude médicale cela ne pose pas de difficultés particulières. Il signifie que l’état de santé
du salarié se trouve en adéquation avec les exigences du poste de travail occupé. Dès lors, la
relation contractuelle peut s’exécuter normalement. Cependant, concernant la délivrance
d’un avis d’inaptitude médicale par le médecin du travail, les enjeux sont plus importants,
puisque cet avis va avoir un effet sur la relation contractuelle et sur l’emploi du salarié.
Effectivement, il convient de rappeler que, selon les dispositions légales, aucun salarié ne
peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap124.
Néanmoins, en cas d’inaptitude médicale constatée par le médecin du travail, l’employeur
aura la possibilité de procéder au licenciement du salarié, sous certaines conditions, telle
que l’impossibilité de reclasser le salarié inapte et selon le respect d’une procédure
spécifique125.
Il convient également de préciser qu’il existe différents types d’avis d’inaptitudes.
L’inaptitude peut être d’origine professionnelle, lorsqu’elle résulte d’un accident du travail
ou d’une maladie professionnelle, ou d’origine non professionnelle, lorsqu’elle résulte d’une
maladie ou d’un accident non professionnel. En outre, l’inaptitude du salarié à son poste de
travail peut être partielle, c'est-à-dire que ce dernier reste capable d'accomplir une partie
des tâches correspondant à son poste ; ou bien totale, ce qui signifie qu’il ne peut plus
accomplir aucune des tâches correspondantes à son poste, mais reste capable de tenir un
emploi différent. Quelle soit partielle ou totale, l’inaptitude peut être également définitive
ou temporaire, lorsque le salarié est susceptible de recouvrer ses capacités, à brève
échéance.
Déterminées lors des examens médicaux, les notions d’aptitude et d’inaptitude
médicale se trouvent au cœur du système de santé au travail français et ses enjeux sont
considérables, étant donné qu’elles peuvent engendrer d’importantes conséquences sur
l’emploi des salariés. Cependant, il s’agit de notions complexes qui peuvent conduire à
l’émergence de plusieurs difficultés.
124 Article L.1132-1 du Code du travail. 125 ANNEXE 1, Procédure de licenciement pour inaptitude.
48
A titre d’exemple, il est courant dans la pratique, que les employeurs opèrent une
confusion entre la notion d’inaptitude médicale et celle d’invalidité qui sont pourtant
autonomes. La notion d’invalidité, qui se rapporte à l’état d’une personne ayant subi d’une
manière durable une réduction des deux tiers de sa capacité de travail ou de gain, est une
notion de sécurité sociale126. Elle ne se trouve pas en lien directe avec le Droit du travail,
puisqu’elle n’a pas d’incidence sur l’exécution du contrat de travail. Il n’est ainsi pas possible
pour l’employeur d’envisager le licenciement d’un salarié, au seul motif qu’il est déclaré
invalide127. Comme le soulève avec exactitude le rapport Gosselin : malgré la proximité de
ces notions « en ce qu’elles s’appuient sur l’impossibilité pour l’assuré social d’occuper tout
emploi » elles sont indépendantes, « dans la mesure par exemple où la mise en invalidité de
deuxième catégorie, prononcée par le médecin conseil de la caisse primaire d’assurance
maladie ou de la MSA, n’est pas incompatible avec la constatation par le médecin du travail
de l’aptitude du salarié au poste de travail »128.
De plus, les notions d’aptitude et d’inaptitude médicale peuvent conduire à des
difficultés pratiques pour les employeurs, en particulier, s’agissant des avis d’aptitude avec
réserves. Le médecin du travail se retrouve souvent au cœur « d’un conflit entre le droit à la
santé et l'emploi du travailleur ». Dès lors, il peut être soumis à la tentation « d'éviter
l'emploi du mot fatidique d'inaptitude et de lui préférer celui d'aptitude quitte à l'assortir de
nombreuses réserves »129.
S’il est possible d’identifier des difficultés et des critiques autour de la pertinence des
notions d’aptitude et de l’inaptitude médicale130, force est de constater, que la place de la
vérification de l’aptitude au poste de travail reste cependant prépondérante dans le suivi
médical individuel des salariés par le médecin du travail.
126 Articles L.341-1 et R.341-2 du Code de sécurité sociale. 127 Cass. Soc. 13 mars 2001, N° 98-43.403, Cousin c/ Sté Bally France et a.SA Bally France et a : L'employeur ne peut pas licencier le salarié en raison de son état d'invalidité. Un licenciement fondé sur l'invalidité est nul au titre de l'article L.1132-1 du Code du travail car lié à l'état de santé du salarié. 128 GOSSELIN (H.), « Aptitude et inaptitude Médicale au travail: diagnostic et perspectives », Janvier 2007, p.5. 129 VERKINDT (P.Y.), « Avis d'aptitude avec réserves = avis d'inaptitude ? », JCP S, n° 37, 11 Septembre 2007, 1671. 130 GOSSELIN (H.), « Aptitude et inaptitude Médicale au travail: diagnostic et perspectives », Janvier 2007, p.5.
49
§2. Les différents examens médicaux prévus par les dispositions légales :
De manière générale, la notion de suivi médical individuel des salariés se rapporte à
l’activité clinique du médecin du travail. Cette approche clinique individuelle fut l’activité
première de la médecine du travail, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’elle est la plus aisée
à mettre en œuvre, mais aussi, qu’elle a « l’avantage de ne pas remettre en cause
l’organisation du travail dans l’entreprise et de la production, ainsi que les pouvoirs du chef
d’entreprise»131. De plus, cet ancrage historique permet de comprendre la prédominance de
l’approche individuelle de la prévention existante dans le système de santé au travail
français. Effectivement, l’action sur le milieu du travail, introduite à partir du décret du 20
mars 1979, a mis un certain temps à trouver une réelle effectivité dans la pratique.
Le Code du travail prévoit trois types d’examens médicaux obligatoires qui vont être
exercés par le médecin du travail à différents moments de la relation contractuelle. Il s’agit
de la visite d’embauche132, des visites périodiques133 et la visite de reprise134. L’exercice de
ces examens par le médecin du travail est primordial étant donné qu’ils font partie
intégrante des obligations de l’employeur qui, en cas de manquement, pourra se voir
sanctionné. Outre ces visites médicales obligatoires, le Code du travail prévoit également
l’exercice d’examens médicaux facultatifs par le médecin du travail. Il s’agit de la visite de
pré-reprise135, de la visite à la demande du salarié ou de l’employeur136 et des examens
complémentaires137. A ce titre, il conviendra d’envisager, l’intérêt de ces différents examens,
leurs contenus, ainsi que les sanctions existantes en cas non respect.
Concernant ces visites, il est utile de préciser que leur organisation relève de la
responsabilité de l'employeur. Ainsi, le temps consacré aux visites médicales et aux examens
complémentaires est, soit pris sur le temps de travail des salariés, sans qu’aucune retenue
de salaire ne puisse être opérée, soit rémunéré comme du temps de travail normal, dans le
cas où les examens ne peuvent pas avoir lieu sur le temps de travail. Le temps de trajet et les
131 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981. 132 Articles R.4624-10 et R.4624-11 du Code du travail. 133 Articles R4624-16 et R.4624-17 du Code du travail. 134 Articles R.4624-21 et R.4624-22 du Code du travail. 135 Article R.4624-23 du Code du travail. 136 Article R.4624-18 du Code du travail. 137 Articles R.4624-25 à R.4624-27 du Code du travail.
50
frais de transport nécessaires pour ces examens se trouvent également à la charge de
l'employeur.
§3. La distinction entre la surveillance médicale simple et la surveillance médicale
renforcée :
Au préalable, il est nécessaire de rappeler que, depuis le décret N°2004-760 du 28
juillet 2004, complété par la circulaire du 7 avril 2005138 relative à la réforme de la médecine
du travail, les dispositions règlementaires opèrent une distinction entre la surveillance
médicale « simple » et la surveillance médicale « renforcée »139. L’intérêt de la distinction
tient au fait, qu’en fonction du type de surveillance dont bénéficie le salarié, la mise en
œuvre des examens médicaux par le médecin du travail diffère, notamment, en ce qui
concerne la fréquence. La surveillance médicale renforcée par le médecin du travail
bénéficie aux salariés, soit en raison de caractéristiques qui leurs sont propres, soit en raison
des risques professionnels spécifiques auxquels ils sont exposés.
A cet égard, certaines catégories de salariés, en raison de leur situation personnelle,
telles que, par exemple, les travailleurs handicapés, les femmes enceintes, les travailleurs
mineurs, doivent être soumis à une surveillance médicale renforcée. En plus de ces
catégories définies par le Code du travail, certains salariés sont soumis à une surveillance
médicale renforcée, en raison de l’exposition à des produits particuliers ou à la réalisation de
certains travaux énoncés par les règlements. Tel est le cas, par exemple, des salariés exposés
au bruit, à l’amiante, à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la
reproduction.
Section 2. L’exercice des examens médicaux par le médecin du travail :
Dans le cadre du suivi individuel des salariés, le Code du travail prévoit que le médecin
du travail peut être amené à exercer différents examens médicaux. A cet égard, il
conviendra de distinguer les visites médicales obligatoires (visite médicale d’embauche,
périodiques et de reprise) et les visites médicales facultatives (visite médicale de pré-reprise,
à la demande et les examens complémentaires).
138 Circulaire DRT N° 2005-03 relative à la réforme de la médecine du travail. 139 Article R.4624-19 du Code du travail.
51
§1. Les visites médicales obligatoires :
A. La visite médicale d’embauche :
Selon le Code du travail, tout salarié doit en principe faire l’objet d’un examen médical
avant son embauche, ou au plus tard avant l’expiration de sa période d’essai, quelque soit,
l’effectif de l’entreprise, la durée et le type de contrat de travail. Par exception, cette visite
médicale doit obligatoirement avoir lieu avant l'embauche, pour les salariés soumis à une
SMR140. L’objectif de la visite médicale d’embauche consiste à rechercher si le futur salarié
ne serait pas atteint d’une affection dangereuse, pour les autres salariés occupant
l’entreprise, et, d’apprécier s’il est apte à exercer les tâches prévues par son contrat de
travail. Le cas échéant, cette visite peut être aussi l’occasion pour le médecin du travail de
proposer des adaptations du poste de travail ou l'affectation du salarié à un autre poste au
sein de l’entreprise141.
En pratique, cette visite médicale se déroule en deux temps. Tout d’abord, le médecin
du travail va s’entretenir avec le salarié. A cet égard, il peut lui poser diverses questions, par
exemple, sur son état général de santé, son hygiène de vie, sur son activité professionnelle
antérieure, dans le but de déceler des risques professionnels éventuels auxquels le salarié
aurait pu être précédemment exposé. Ensuite, le médecin du travail procède à un examen
clinique du salarié au titre duquel il peut contrôler, par exemple, sa vue, son ouïe, sa
résistance à l’effort physique. Lors de cette visite d’embauche, le médecin du travail va
constituer un dossier médical142, soumis au secret professionnel, qui va permettre le suivi de
l’état de santé du salarié, dans lequel il va consigner les différents résultats des examens. Ce
dossier médical sera ensuite complété par le médecin lors des consultations ultérieures.
Suite à la visite médicale d’embauche, le médecin du travail établit une fiche médicale
d’aptitude ou, le cas échéant, d’inaptitude médicale en deux exemplaires, destinés au salarié
et à l’employeur qui doit la conserver143. En raison du secret professionnel, cette fiche
médicale d’aptitude, également délivrée lors des visites périodiques et de reprises, ne doit
en aucun cas mentionner des considérations d’ordre médical.
140Articles R.4624-10 du Code du travail. 141Article R.4624-11 du Code du travail. 142Article D.4624-46 du Code du travail. 143Article D.4624-47 du Code du travail.
52
La visite médicale d’embauche est une condition de validité du contrat de travail qui
s’impose à chacun des cocontractants et, en cas de non respect de cet examen, l’employeur
s’expose à des sanctions pénales. Le fait que le salarié, qui, convoqué à deux reprises, ne se
soit pas rendu à la visite médicale d’embauche, n'exonère pas l’employeur de ses
obligations144.
Bien que les sanctions soient dissuasives, contrairement aux dispositions du Code du
travail, il est fréquent, en pratique, que la visite médicale d’embauche soit effectuée après
l’expiration de la période d’essai. Cette situation peut tout d’abord s’expliquer par le fait
que, compte tenu du contexte démographique défavorable des médecins du travail, il est
parfois difficile de respecter les dispositions en vigueur. Ensuite, parce que les parties au
contrat de travail, peuvent être amenées à considérer cet examen comme une simple
formalité. Néanmoins, il est recommandé au chef d’entreprise d’être vigilant sur ce point. En
effet, une décision récente de la Cour de Cassation a indiqué, qu’en vertu de l’obligation de
sécurité-résultat dont il est titulaire, l’employeur est tenu d’assurer l’effectivité de la visite
médicale d’embauche. Dès lors, l’employeur qui n’aurait pas respecté la mise en œuvre de
cette visite, dans les conditions prévues par le Code du travail, cause nécessairement un
préjudice au salarié et lui est, à cet égard, redevable de dommages et intérêts145.
Tel que le souligne, l’avis du Conseil Economique et Social relatif à « l’avenir de la
médecine du travail », la visite médicale d’embauche doit être l’occasion pour le médecin du
travail, d’informer le salarié sur son poste de travail, des principaux risques auxquels il est
exposé et des mesures de préventions adaptées.
La visite d’embauche devrait également permettre au médecin du travail de définir les
modalités et la périodicité du suivi médical à mettre en œuvre de façon personnalisée146.
Toutefois, force est de constater, que cette proposition n’a pour le moment pas été prise en
considération par le législateur. Dans le cadre de la surveillance médicale simple, la
périodicité des visites reste fixée par le Code du Travail, même si le médecin du travail a la
possibilité de demander un suivi individuel plus rapproché en fonction de situations
particulières.
144 Cass. Crim.4 Mai 1976, Dr. Soc, 1977, p.47. 145 Cass. Soc, 5 octobre 2010, N° 09-40.913, Kamara c/Leblay et a. 146DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.25.
53
B. Les visites médicales périodiques :
En principe, chaque salarié doit bénéficier d'examens médicaux périodiques au moins
tous les vingt quatre mois. Par exception, pour les salariés soumis à une SMR, le médecin du
travail est juge de la fréquence et de la nature des examens médicaux périodiques pratiqués,
sachant qu’ils devront être renouvelés au minimum une fois par an. L’objectif des visites
médicales périodiques consiste à s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au
poste de travail occupé. Concernant le contenu de cet examen, il est identique à la visite
médicale d’embauche. Cet examen n’est pas une simple formalité : le refus du salarié de se
soumettre à la visite médicale périodique pouvant constituer une cause réelle et sérieuse de
licenciement147. Dès lors, si l’employeur est dans l’obligation de respecter la mise en œuvre
des examens médicaux, le salarié s’expose également à des sanctions en cas de non respect
des textes réglementaires. A notre sens, cette position jurisprudentielle se trouve justifiée
parce qu’elle est en adéquation avec le principe de « participation équilibrée » des parties au
contrat de travail, en matière de santé et de sécurité au travail, prévu par la Directive
Européenne du 12 juin 1989.
C. La visite médicale de reprise :
Les salariés doivent obligatoirement bénéficier d’une visite médicale de reprise, dans
plusieurs circonstances : suite à un congé maternité, suite à une absence pour cause de
maladie professionnelle, suite à une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du
travail, suite à une absence d’au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d’accident
non professionnels, suite à des absences répétées pour raisons de santé148. Cet examen a
pour objectif d’apprécier l’aptitude du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité
d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou
éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. La visite médicale de reprise doit
intervenir, à l’initiative de l’employeur au plus tard dans les huit jours de la reprise du travail
par le salarié149. Le défaut d’organisation de la visite de reprise par l’employeur constitue,
selon les juges, un manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat en
matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Sur ce point, la Cour de
147 Cass. Soc, 29 mai 1986, N° 83-45409, El Yacoubi c/ Sté Automobiles Peugeot : Bull. civ. V, no 262. 148 Article R.4624-21 du Code du travail. 149 Article R.4624-22 du Code du travail.
54
Cassation a précisé que, lorsque l’employeur s’abstient d’organiser la visite médicale de
reprise, le contrat de travail du salarié reste suspendu, mais également, que le non respect
de cette obligation cause nécessairement un préjudice au salarié150. En outre, l’absence
d’organisation de la visite médicale de reprise permet au salarié de prendre acte de la
rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur151.
Il convient de préciser que, lorsque le médecin du travail constate l’inaptitude
médicale du salarié, lors de la première visite de reprise, l’employeur devra organiser une
seconde visite de reprise dans un délai de quinze jours calendaires. Ce n’est qu’à l’issue de
cette seconde visite de reprise, si l’inaptitude médicale par le médecin du travail est
confirmée, qu’il pourra alors envisager le licenciement du salarié, sous réserve de remplir
l’obligation de reclassement qui lui incombe152. Une seconde visite de reprise n’est pas
indispensable lorsque le médecin du travail constate « un danger immédiat pour la santé ou
la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers »153. Dans ce cas, le médecin du travail devra
indiquer clairement sur la fiche d’inaptitude remise au salarié qu’une seule visite est
nécessaire. Sur ce point, la jurisprudence a précisé que ce dernier doit mentionner sur l’avis,
soit la situation de danger, soit la référence à l’article R.4624-31 du Code du travail en
précisant qu’une seule visite est effectuée154.
§2. Les visites médicales facultatives :
A. La visite médicale de pré-reprise :
Contrairement à la visite médicale de reprise, qui intervient à l’initiative de
l’employeur, à l’issu de l’arrêt de travail du salarié, la visite médicale de pré-reprise a lieu
pendant l’arrêt de travail du salarié. Elle ne met donc pas fin à la suspension du contrat de
travail et ne donne pas lieu à la délivrance d’un certificat d’aptitude par le médecin du
travail. La visite médicale de pré-reprise peut exclusivement être sollicitée par le salarié, son
médecin traitant ou le médecin conseil des organismes de sécurité sociale. Il convient de
150 Cass. Soc, 13 décembre 2006, N°05-44580. 151 Cass. Soc, 16 juin 2009, N° 08-41519. 152 ANNEXE 1, Procédure de licenciement pour inaptitude. 153 Article R.4624-31 du Code du travail. 154 Cass. Soc 20 janvier 2010 n° 08-45270, Cass. Soc, 21 mai 2008 n° 07-4138, Cass. Soc, 19 janvier 2005 n° 03-40765.
55
préciser que, l’avis du médecin du travail devra de nouveau être sollicité à la fin de l’arrêt de
travail du salarié, lors de la reprise effective de l’activité professionnelle.
La visite médicale de pré-reprise a pour objectif de faciliter la recherche des mesures
nécessaires lorsqu’une modification de l’aptitude au travail du salarié est prévisible155. Celle-
ci est généralement peu sollicitée en pratique, néanmoins, elle représente un véritable
intérêt. Elle est notamment l’occasion pour le médecin du travail d’échanger avec le salarié,
d’envisager des adaptations, des aménagements de son poste de travail, compte tenu de
son état de santé. Même si la réalisation de la visite de pré-reprise ne dispense pas
l’employeur de son obligation d’organiser la visite médicale de reprise, elle peut être un
moyen efficace d’anticiper le reclassement éventuel du salarié, dans une véritable logique de
maintien dans l’emploi.
B. Les visites médicales à la demande :
S’il le souhaite, en dehors des visites médicales périodiques prévues par le Code du
travail, le salarié peut demander à bénéficier d’un examen médical par le médecin du travail.
A cet effet, il peut prendre directement contact avec le médecin du travail, sans avoir à
motiver sa demande auprès de l’employeur, cette démarche ne pouvant donner lieu à une
sanction à son encontre156. Le salarié n’est pas tenu d’exposer à l’employeur les motifs de sa
demande protégés par le secret médical. Un examen médical spontané peut également être
demandé par l’employeur afin de s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié.
Cette faculté peut s’avérer utile, par exemple, en cas de changement de poste de travail du
salarié.
C. Les examens complémentaires :
Enfin, le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires nécessaires à
la détermination de l'aptitude médicale du salarié au poste de travail, notamment, au
dépistage des affections comportant une contre-indication à un poste de travail, mais aussi,
au dépistage des maladies à caractère professionnel ou dangereuses pour l'entourage. Bien
155 Article R.4624-23 du Code du travail. 156 Article R.4624-18 du Code du travail.
56
qu’ils soient facultatifs, les examens médicaux complémentaires s'imposent au salarié sous
peine de sanctions disciplinaires157.
Section 3. Approche critique du suivi médical individuel :
Force est d’observer que l’efficacité du suivi médical individuel par le biais des
examens médicaux est régulièrement remis en cause. Telle que le souligne l’affirmation
suivante : « Comme l’a montré le scandale de l’amiante, ces visites ne représentent bien
souvent sur le plan sanitaire qu’une sécurité illusoire ». Afin d’appuyer ce propos il est
énoncé que : « le service de santé au travail est encore aujourd’hui trop souvent conçu
comme une obligation de moyens reposant sur la réalisation d’un nombre requis de visites
médicales »158. Cela illustre avec justesse la nécessité d’adapter les modalités de
fonctionnement du suivi médical individuel, afin qu’il se trouve en adéquation avec les
besoins en matière de santé au travail.
Bien qu’il soit possible de relever, « un réel attachement des salariés et des
représentants syndicaux à la visite médicale, ressentie et présentée comme un acquis
social »159, il n’en demeure pas moins l’existence de difficultés. Si la surveillance médicale
individuelle par le médecin du travail, « permet une observation privilégiée à la fois sur la
personne et le poste de travail concerné »160, elle fait néanmoins l’objet de diverses critiques.
Pour autant, les visites médicales représentent un véritable moyen pour le médecin du
travail d’exercer une prévention efficace des risques professionnels.
Ces examens permettent l’acquisition d’un ensemble de connaissances relatives aux
risques professionnels. Or, lorsqu’elles sont mises à profit, elles peuvent bénéficier tant au
salarié en tant qu’individu qu’à l’ensemble des salariés de l’entreprise, ainsi que contribuer à
l’effectivité de l’obligation de sécurité résultat dont l’employeur est titulaire. A notre sens,
adapter le fonctionnement du suivi médical individuel par le médecin du travail, apparait
cependant souhaitable. Afin d’améliorer ce suivi médical individuel par le médecin du travail,
plusieurs perspectives semblent envisageables.
157 Cass. Soc, 20 mai 1980, Bull.civ. V n° 435. 158 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529. 159 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p. 33. 160 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.23.
57
A cet égard, le rapport du Conseil Economique et Social relatif à l’avenir de la
médecine du travail161 propose, notamment, de supprimer le caractère systématique des
visites médicales. Dans le cadre de la surveillance médicale simple, le médecin du travail
disposerait alors de la possibilité de déterminer la fréquence de ces examens, en fonction de
l’état de santé du salarié et des risques auxquels il est exposé. L’objectif de prévention serait
ainsi ciblé, individualisé et modulé en fonction des besoins de chacun en matière de santé au
travail. Laisser une plus grande marge d’appréciation au médecin du travail, dans la
détermination des modalités du suivi médical individuel, permettrait ainsi d’opérer une
transition d’un système de santé au travail, fondé sur le respect d’obligations règlementaires
vers un système davantage basé sur l’aspect qualitatif.
De même, il serait judicieux d’envisager une collaboration plus étroite entre le
médecin du travail et les infirmiers au travail, dont la spécialisation et la formation
pourraient être valorisées. Par exemple, dans le cadre de la surveillance médicale simple, il
serait possible de leurs confier l’exercice des visites périodiques, tout en favorisant l’accès et
l’information des salariés sur la faculté de recours aux consultations médicales spontanées
lorsqu’ils en ressentent le besoin. Malgré la pertinence de ces propositions, elles ne
semblent pas encore avoir trouvées réellement écho, notamment, dans le cadre de
l’adoption de la récente réforme du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine
du travail162.
En outre, il est reproché au suivi médical individuel d’apprécier en priorité l’aptitude
des salariés à occuper leur emploi, compte tenu des contraintes de cet emploi, plutôt que
d’agir réellement sur ces contraintes163. En ce sens, il se trouverait en opposition par rapport
au principe selon lequel, il convient d’adapter le travail à l’homme et non l’inverse164.
Toutefois, envisager le suivi médical individuel d’une part et l’action sur le milieu du travail
d’autre part, ne parait pas être une approche souhaitable. Il semble davantage pertinent de
considérer comment ces deux aspects peuvent être complémentaires.
161 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.25. 162 Loi N° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, J.O, 24 juillet 2011. 163 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.9. 164 Article L4121-2 du Code du travail.
58
Comme nous avons eu l’occasion de le mettre en évidence, la pluralité d’acteurs, par
les moyens et les compétences dont ils disposent, et lorsque leurs actions sont coordonnées
en matière de santé et de sécurité au travail, permet d’assurer l’efficacité du dispositif de
prévention. Dispositif au sein duquel le médecin du travail a un véritable rôle à jouer. Si la
prévention nécessite l’action sur le milieu du travail et qu’elle doit s’inscrire dans un cadre
collectif, notamment afin d’acquérir une vision globale des risques professionnels, elle se
traduit également par la mise en œuvre du suivi médical individuel qui constitue un apport
majeur. En effet, l’intérêt de ce suivi réside dans le fait qu’il permet de prendre en
considération les spécificités de chaque individu, ce qui parait indispensable en raison du
caractère subjectif qu’implique la notion même de santé.
Ensuite, parce c’est aussi l’appréciation des situations individuelles, dans le cadre du
suivi, qui va permettre l’acquisition de la connaissance des risques professionnels, ce qui
contribue indéniablement à l’essor de la prévention au niveau collectif. Dès lors, il serait
souhaitable de parvenir à un équilibre entre l’action sur le milieu du travail et la surveillance
médicale individuelle par le médecin du travail, bien que cet objectif semble, à l’heure
actuelle, difficilement réalisable compte tenu du contexte démographique défavorable des
médecins du travail.
Sans doute faudra t’il attendre quelque temps afin d’examiner avec plus de recul les
effets de la récente réforme relative à l’organisation de la médecine du travail165. Bien que le
suivi individuel par le médecin du travail représente, à notre sens, un véritable moyen
d’action en matière de prévention, il nécessite des adaptations, notamment afin de
répondre aux nouveaux enjeux existants en matière de santé et de sécurité au travail. A cet
égard, il conviendra d’envisager ensuite, les évolutions souhaitables du rôle du médecin du
travail dans le cadre du suivi individuel, afin de parvenir, dans la mesure du possible, à une
prévention effective de la santé et de la sécurité au travail des salariés (Partie 2).
165 Loi N° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, J.O, 24 juillet 2011.
59
PARTIE 2 : LA NECESSAIRE ADAPTATION DU DISPOSITIF DE
PREVENTION AFIN DE GARANTIR L’EFFECTIVITE DE LA SANTE ET DE
SECURITE AU TRAVAIL :
Afin d’assurer une prévention efficace, en matière de santé et de sécurité au travail, il
a précédemment été démontré que de véritables moyens existent au sein de l’entreprise. En
effet, la diversité des acteurs et notamment de leurs prérogatives, ainsi que de leurs
compétences, permet de contribuer à l’essor de la prévention des risques professionnels au
sein de l’entreprise. Plus spécifiquement, il a été envisagé qu’en matière de prévention le
rôle du médecin du travail, dans le cadre du suivi médical individuel des salariés, s’avère
essentiel afin de concourir à l’efficacité du dispositif.
Néanmoins, cette analyse a également été l’occasion de mettre en lumière les
difficultés auxquelles le médecin du travail peut être confronté dans la mise en œuvre de ce
suivi, difficultés, qui ont actuellement tendance à s’accentuer. En effet, depuis la mise en
place des services médicaux par la loi du 11 octobre 1946, force est d’observer que les
relations de travail ont connu de profondes évolutions. Au cours des vingt dernières années,
« les transformations technologiques, organisationnelles et managériales du monde du
travail et de son environnement, qui s’inscrivent désormais dans un contexte mondialisé, sont
autant d’éléments qui impactent la santé au travail en modifiant la nature et la gravité des
risques auxquels sont exposés les salariés »166.
Ainsi, afin de garantir une prévention effective des risques professionnels au sein de
l’entreprise, il est indispensable que dans le cadre du suivi individuel, le rôle du médecin du
travail soit en adéquation avec les besoins des salariés, en matière de santé et de sécurité au
travail. Dès lors, le médecin du travail va nécessairement devoir tenir compte de ces
évolutions afin de mettre en œuvre un suivi individuel des salariés qui soit adapté.
166 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.11.
60
Or, il conviendra d’envisager que ces évolutions tendent parfois à compliquer le suivi
dans la mesure où elles conduisent, par exemple, à l’émergence de nouveaux risques
professionnels, tels que, par exemple, le développement des risques psychiques167.C’est
pourquoi, il s’agira d’examiner dans quelle mesure l’évolution des relations de travail peut-
elle impacter sur le rôle du médecin du travail en matière de suivi individuel ? (Titre 1).
Néanmoins, si le médecin du travail doit faire face à de nouveaux enjeux en matière de santé
au travail, il est possible de constater qu’il dispose, à cet effet, de différents moyens afin
d’optimiser le suivi individuel des salariés (Titre 2).
Il convient de préciser que l’ensemble de notre propos sera plus particulièrement axé
sur les apports de la loi du 20 juillet 2011, relative à l’organisation de la médecine du travail,
en matière de suivi individuel des salariés.
167 Les risques psychiques ou risques psychosociaux ne sont pas définis juridiquement. Ils sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail d’où le terme de risque psychosocial. Sous l’entité de risques psychosociaux on entend stress, mais aussi violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel) et violences externes (exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés) http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-RPS-c-est-quoi.html ; LEROUGE (L.), La reconnaissance d'un droit à la protection de la santé mentale en droit du travail, LGDJ, 2005, coll. « Thèses ».
61
TITRE 1- Le rôle du médecin du travail face aux nouveaux enjeux en matière de
santé et de sécurité au travail :
L’évolution des relations du travail se manifeste sous différents angles : économiques,
sociales, mais aussi, juridiques. Les transformations du monde du travail résultent en partie
de la croissance, des activités de services, mais également du développement des nouvelles
technologies. Or, l’ensemble de ces transformations va nécessiter la capacité d’adaptation
des salariés soumis à de nouvelles contraintes physiques et psychiques. Il conviendra
d’étudier les conséquences de ces évolutions, en matière de santé et de sécurité au travail
dans la mesure où, en fonction de celles-ci, le médecin du travail va devoir ajuster le suivi
individuel des salariés (Chapitre 1).
Si « le droit du travail prend appui, depuis son origine, sur des considérations relatives à
la protection de la santé du corps des salariés face aux risques d'accidents du travail »168, il
est néanmoins possible de constater que le rôle du médecin du travail s’inscrit désormais
dans un cadre plus large. Dès lors, le suivi individuel des salariés implique à la fois,
l’identification par le médecin du travail, des risques professionnels physiques, mais
également, celle des risques professionnels psychiques. Il conviendra d’examiner, qu’en
insérant explicitement la notion de santé mentale dans le Code du travail, la loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2002, impacte directement sur le rôle du médecin du
travail en matière de suivi individuel des salariés (Chapitre 2).
168 DEJOURS (C.), ROSENTAL (P.A), « La souffrance au travail a-t-elle changé de nature ? », RDT, N° 1 janvier 2010, p. 9.
62
Chapitre 1- L’impact des évolutions économiques et sociales sur le suivi
individuel :
Ces vingt dernières années, le travail a connu d’importantes transformations tant au
niveau de son contenu que de son organisation. D’un point de vue économique, dans un
contexte où l’emploi est fragile (montée en puissance du chômage et développement des
emplois précaires), où les exigences des employeurs en matière de productivité tendent à
s’accroître, la compétitivité entre les salariés, ainsi que les rythmes de travail s’intensifient,
ce qui n’est pas dépourvu de conséquences pour les salariés en matière de santé et de
sécurité au travail. D’un point de vue social, les interférences entre la vie professionnelle et
extra-professionnelle du salarié sont de plus en plus présentes et, tel que le souligne le
propos suivant, le médecin du travail se trouve confronté à « des pathologies qui dépassent
le strict cadre du travail mais rejaillissent sur lui (conditions de vie précaires, déstructuration
familiale, addictions, vieillissement de la population) »169. Tant de facteurs qui interagissent
les uns sur les autres, ce qui ne facilite pas le rôle du médecin du travail dans la mise en
œuvre du suivi individuel. Ainsi que l’indique le rapport relatif au bilan de la réforme de la
médecine du travail, « les évolutions économiques et sociales représentent des défis
importants en termes de santé au travail »170. A ce titre, il s’agira d’aborder les
conséquences des transformations en matière d’emploi sur la mise en œuvre du suivi
individuel des salariés (Section 1) ainsi que d’étudier la diversité des facteurs pouvant
nécessiter l’ajustement de ce suivi par le médecin du travail (Section 2).
169 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529. 170 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.40.
63
Section 1. Les transformations en matière d’emploi et la continuité du suivi :
Concernant les évolutions des relations de travail ayant un impact en matière de suivi
individuel, conformément au rapport précité, il convient tout d’abord de se référer, à
l’expansion des formes atypiques d’emploi, ainsi qu’au développement de la mobilité
professionnelle.
§1. Le développement des formes atypiques d’emploi :
« Le développement de formes atypiques de travail qui s’écartent du modèle
traditionnel fondé sur le contrat de travail à durée indéterminée est un véritable défi pour la
médecine du travail »171. Au regard de cette affirmation, force est de constater que, si en
principe, le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation contractuelle
de travail, ces dernières années, les contrats de travail spéciaux se sont développés. Le
recours au contrat de travail à durée déterminée ou bien encore le recours au travail
intérimaire, par exemple, s’est accentué. Il est également moins fréquent que les salariés
réalisent l’ensemble de leur carrière au sein d’une même entreprise, ces derniers étant
davantage mobiles. Or, le développement des formes atypiques d’emploi et de la mobilité
professionnelle sont deux facteurs qui peuvent poser des difficultés dans la mise en œuvre
du suivi individuel par le médecin du travail, en ce qui concerne à la fois, sa continuité et son
efficience.
La mise en œuvre du suivi médical individuel, par le biais des examens médicaux,
semble tout d’abord mieux adaptée aux salariés en CDI qu’aux salariés en CDD.
Effectivement, dans le cadre du suivi des salariés en CDD, les changements fréquents
d’employeurs ne permettent pas d’établir une relation stable entre ces travailleurs et le
médecin du travail. La notion même de suivi implique en effet l’idée de durée et de
continuité. Ensuite, compte tenu du caractère variable des postes de travail et de la diversité
des tâches qu’ils peuvent être amenés à exécuter, la capacité d’adaptation des salariés en
CDD ou intérimaires est fortement sollicitée. De plus, ces derniers sont souvent exposés à
des risques professionnels multiples.
171 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.40.
64
Dès lors, il peut s’avérer délicat pour le médecin du travail d’identifier et d’évaluer
avec précision l’ensemble des risques auxquels le salarié a pu être exposé et d’assurer un
suivi individuel efficace. En effet, « le développement des formes atypiques d’emploi, qu’il
s’agisse du travail temporaire ou des contrats à durée déterminée, rend le suivi des salariés
plus difficile et complique encore la compréhension du risque »172.
Concernant les salariés temporaires, il convient de relever, qu’en matière de suivi
médical individuel, le Code du travail prévoit des dispositions particulières qui prennent en
compte la spécificité de leur situation. Ainsi, par exemple, l’examen médical d’embauche,
effectué par le médecin du travail de l’entreprise de travail temporaire, peut avoir pour
objet de rechercher si le salarié est médicalement apte à exercer plusieurs emplois dans la
limite de trois173.
Selon un aspect plus subjectif, l’extension des formes d’emploi précaire, tel que le
recours au CDD ou à l’intérim peut avoir tendance à générer un sentiment d’insécurité
auprès des salariés. Or, cette situation peut se répercuter sur la santé des individus. Telle
que l’expose avec justesse cette idée : « la précarité de l’emploi, lorsqu’elle est en lien avec
l’incertitude de l’emploi et la notion de discontinuité qui peut lui être attachée rendent le
travailleur plus vulnérable aux risques ». De plus, l’intermittence entre l’emploi et la
précarité du travail aurait pour conséquence de favoriser le développement d’atteintes chez
les salariés, notamment d’ordre psychique174. A cet égard, il semble souhaitable que, dans le
cadre du suivi individuel des salariés en contrat précaire, le médecin du travail soit
particulièrement vigilant.
De surcroît, le développement des formes atypiques d’emploi ne concerne pas
exclusivement le recours au CDD ou à l’intérim. A titre d’exemple, il est possible de citer le
cas du travail à domicile qui permet d’illustrer les difficultés auxquelles le médecin du travail
peut être confronté.
172 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.12. 173 Article R.4625-9 du Code du travail. 174 LEROUGE (L.), « Les effets de la précarité du travail sur la santé : le droit du travail peut-il s'en saisir ? » Revue électronique PISTES, vol. 11, n° 1, mai 2009, http://www.pistes.uqam.cam.
65
Effectivement, tel que le souligne le rapport relatif au bilan de la réforme du travail, il
est aisé de comprendre : « que les milieux de travail spécifiques, comme le domicile du
salarié ou de l’employeur, ne se prêtent pas au mode d’intervention habituels de la médecine
du travail »175.
En raison de l’évolution des relations de travail et du développement des formes
atypiques d’emploi, lors de la seconde conférence sociale sur les conditions de travail du 27
juin 2008, il avait notamment été suggéré de mener une réflexion concernant le suivi
individuel de certaines catégories de travailleurs. Effectivement, de nombreuses catégories
de travailleurs sont partiellement ou totalement privées de surveillance médicale. Dans le
cadre de l’adoption de la loi du 20 juillet 2011, le législateur semble s’être saisi de cette
problématique. Cette loi crée tout d’abord l’article L.4625-1 du Code du travail qui a pour
objectif d’adapter les dispositions en vigueur relatives à la médecine du travail à certaines
catégories de travailleurs qui, du fait de leurs contrats ou des modalités d’exécution de ceux-
ci, pourraient bénéficier d’un meilleur suivi médical avec des modalités différentes176. Ce
nouvel article prévoit notamment que les modalités de surveillance de l’état de santé de
certaines catégories de travailleurs, telles que, par exemple, les salariés temporaires, les
stagiaires de la formation professionnelle, seront déterminées par décret. Il précise en outre
que ces travailleurs devront bénéficier d’une protection égale à celle des autres travailleurs
et que ces modalités ne peuvent avoir pour effet de modifier la périodicité des examens
médicaux définie par le Code du travail.
Dès lors, garantir un niveau de protection de la santé de ces salariés qui soit
équivalent à celui dont bénéficient les autres travailleurs semble tout à fait légitime, de
même que le fait de tenir compte des spécificités de leur emploi afin d’ajuster le suivi
individuel. Dans le même ordre d’idée, la loi du 20 juillet 2011 crée également l’article
L.4625-2 du Code du travail.
175 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.40. 176 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529, p.68.
66
Cet article prévoit notamment la possibilité de dérogations par accord collectif de
branche étendu en matière d’organisation et de suivi de la santé au travail pour, les artistes
et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier
employeur, ainsi que les voyageurs, représentants et placiers. Ces possibilités de dérogations
en matière de suivi individuel se justifient, entre autre, par les spécificités de ces professions,
la diversité des tâches que ces travailleurs peuvent être amenés à exécuter, ainsi qu’en
raison de leur mobilité professionnelle fréquente.
§2. L’essor de la mobilité professionnelle :
S’agissant du développement de la mobilité professionnelle, elle peut également poser
des difficultés en ce qui concerne la continuité du suivi individuel. En effet, « la diversité et la
variabilité croissante des expositions au cours d’un parcours professionnel rendent de plus en
plus difficile le repérage des effets sur la santé »177. La mobilité professionnelle du salarié
peut compliquer l’évaluation par le médecin du travail des risques professionnels et des
conséquences à long terme de l’exposition à certains d’entre eux, notamment « à effets
diffus et différés »178. Or, lorsque le médecin du travail ne possède pas une connaissance
globale des risques professionnels auxquels les salariés ont pu être exposés ; mettre en
œuvre un suivi médical individuel ajusté n’est pas nécessairement une tâche aisée pour lui.
De plus, il se trouve tributaire des informations que le salarié peut et veut lui communiquer
à cet égard179. Dès lors, dans un contexte de mobilité professionnelle croissante et de
développement des formes atypiques d’emploi, il parait indispensable d’assurer, dans la
mesure du possible, une traçabilité complète des expositions, notamment, par le biais du
dossier médical en santé au travail.
177 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.12. 178 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.12. 179 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.40.
67
Section 2. De nouveaux facteurs exigeants l’ajustement du suivi par le médecin du
travail :
Au-delà du développement des formes atypiques d’emploi et de la mobilité
professionnelle, d’autres facteurs doivent également être appréhendés par le médecin du
travail. En effet, certains d’entre eux peuvent produire des effets sur la santé du salarié et
nécessiter une adaptation dans la mise en œuvre du suivi individuel. A ce titre, il est
notamment possible de se référer, par exemple, au vieillissement de la population active,
aux interactions existantes entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié, ainsi
qu’à l’intensification du travail.
§1. Le vieillissement de la population active :
Compte tenu de l’allongement de la durée de la vie active des salariés, les entreprises
se trouvent confrontées aux problématiques relatives au maintien dans l’emploi des salariés
âgés. Selon le rapport du Conseil Economique et Social : « la médecine du travail a un rôle de
toute première importance dans une approche globale des relations à établir entre les
conditions de travail, l’âge et la santé ». Le vieillissement de la population représente
effectivement un aspect devant être mis en relation avec la santé au travail. Tel que le
préconise ledit rapport, il apparait indispensable « de permettre l’emploi des travailleurs
âgés dans les meilleures conditions possibles »180.
Afin de remplir cet objectif, le médecin du travail a un véritable rôle à jouer. Avec l’âge,
les salariés sont indéniablement confrontés à des changements d’ordre physique. Si cela
n’affecte pas forcément l’efficacité de leur travail, ces changements peuvent cependant
nécessiter des aménagements concernant l’organisation de celui-ci, tels que, par exemple,
des adaptations du poste de travail. C’est pourquoi, à notre sens, le médecin du travail doit
apporter une attention particulière au suivi individuel des salariés âgés, afin de pouvoir
garantir leur maintien dans l’emploi, sans que cela n’entraîne d’altération pour leur santé.
Sur la question des salariés âgés, il convient de relever que le Code du travail prévoit
explicitement le bénéfice d’une SMR pour certaines catégories de salariés considérés comme
vulnérables, telles que, par exemple, les salariés mineurs, les femmes enceintes. Il peut ainsi
sembler surprenant que les salariés âgés ne bénéficient pas de ce suivi spécifique.
180 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.12.
68
Cette carence mériterait sans doute plus ample réflexion. D’autant plus que le Code du
travail fait explicitement référence à l’âge des salariés comme un critère à prendre en
considération, par exemple, dans le cadre des mesures individuelles que le médecin du
travail est habilité à proposer181.
En outre, l’article L.4622-2 du Code du travail, modifié par la loi n° 2011-867 du 20
juillet 2011, dispose notamment qu’afin d’exercer leur mission préventive, les services de
santé au travail : « assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des
risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur
âge ». Ainsi, cette modification législative peut probablement s’analyser comme la volonté
de prendre davantage en considération ce critère de l’âge dans le cadre du suivi individuel
des salariés par le médecin du travail, compte tenu de l’allongement de la durée de la vie
active.
§2. Les interactions entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié :
L’évolution des relations de travail tend également à mettre en évidence l’existence de
difficultés relatives aux interactions entre la vie professionnelle et la vie personnelle des
salariés. « Historiquement, une grande partie du droit du travail s’est construite sur le fait
qu’il fallait d’abord assurer puis développer une vie personnelle autonome par rapport à un
travail qui historiquement prenait tout le temps et la vie de la personne »182.
Actuellement, il est néanmoins possible de constater que le maintien de l’équilibre
entre ces deux sphères est parfois complexe. Si la durée du travail diminue, le travail semble
pourtant davantage s’immiscer dans la vie personnelle de certains salariés. Or, cela peut
produire des effets néfastes en matière de santé, notamment par l’émergence de divers
troubles, souvent d’ordre psychique. Tout comme l’illustre cette affirmation : « les courts-
circuits entre vie personnelle et vie professionnelle ont aussi hélas leur version tragique, celle
de certains suicides, où à l'évidence existe une cause professionnelle. Ils ont aussi leur version
récurrente, celle du stress et de la pression permanente »183.
181 Article L.4624-1 du Code du travail. 182 COMBREXELLE, (J-D.), « Vie professionnelle et vie personnelle », Dr.Soc, N° 1 Janvier 2010, p.12. 183 COMBREXELLE, (J-D.), « Vie professionnelle et vie personnelle », Dr.Soc, N° 1 Janvier 2010, p.12.
69
Se pose alors la question du rôle du médecin du travail face à cette problématique. S’il
est tenu de préserver la santé des salariés au sein de l’entreprise, ce qui inclue la
préservation de la santé mentale, la réalisation de cet objectif peut être difficile du fait des
interactions existantes entre la sphère personnelle et professionnelle du salarié. Par
exemple, identifier si une situation de stress ressentie par le salarié résulte ou non du travail,
s’avère délicat dans la mesure où les causes de celle-ci sont généralement multifactorielles.
Outre l’existence d’interactions entre la vie personnelle et professionnelle du salarié, il
convient également de constater une intensification du travail. Or, il s’agit d’un facteur
déterminant devant être pris en compte par le médecin du travail puisqu’il conduit à
l’émergence de nouveaux risques professionnels.
§3. L’intensification du travail :
Tel que le souligne le rapport relatif au bilan de la réforme de la médecine du travail,
« de nombreux travaux font état d’un fort mouvement d’intensification du travail au cours
des vingt dernières années ». A cet égard, plusieurs enquêtes ont été menées auprès des
salariés afin de mettre en lumière les conséquences de ce mouvement sur les conditions de
travail. Il ressort de ces enquêtes deux constats : un alourdissement de la charge mentale au
travail, mais également, un accroissement des efforts et des expositions physiques, y
compris dans le secteur tertiaire. Or, de tels phénomènes ont des effets sur la santé des
salariés qui se traduisent notamment par une croissance des troubles musculo-squelettiques
et des risques psycho-sociaux184.
A l’heure actuelle, force est d’observer que les exigences en matière de productivité
des employeurs sont de plus en plus accrues afin de faire face à la concurrence entre les
entreprises. A des fins économiques, l’objectif consiste pour eux à obtenir les meilleurs
rendements possibles avec un minimum d’effectif, ce qui peut compliquer les relations entre
les salariés ainsi placés en situation de compétition. Dès lors, il est aisé de comprendre que
l’intensification de la charge de travail ainsi que les nouveaux modes de management qui y
sont liés, puissent directement influer sur la santé des salariés.
184 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p.41.
70
De plus, les relations de travail ont tendance à s’individualiser, alors que les collectifs
de travail s’effacent, ce qui peut engendrer un sentiment d’isolement chez certains salariés
et participer à l’émergence de risques psychiques185. Enfin, dans un contexte où la crainte du
chômage est omniprésente, certains salariés préfèrent conserver leur emploi parfois aux
dépens de leur santé.
Quelle soit économique ou social, l’évolution des relations de travail a des
conséquences directes en matière de santé au travail, ce qui peut à la fois, compliquer le
suivi individuel des salariés par le médecin du travail, mais également, nécessiter
l’ajustement de celui-ci. De manière générale, il est possible de constater que plusieurs des
évolutions précitées possèdent un point commun : l’émergence de nouvelles pathologies
liées au travail, tels que, par exemple, les risques psychiques. Ainsi, il conviendra d’aborder
ensuite, le rôle du médecin du travail face à ces nouveaux risques professionnels se trouvant
au cœur des préoccupations juridiques actuelles (Chapitre 2).
Chapitre 2- De la préservation de la santé physique à la santé psychique des
salariés:
D’un point de vue historique, les lois relatives à la réparation des AT/MP186, ont
directement contribué à faire du « corps » du salarié la principale préoccupation des
employeurs, celles-ci ayant pour finalité la réparation des atteintes d’ordre physique. Dans
un contexte de mécanisation et face à la multiplication des accidents du travail, l’objectif de
prévention des employeurs consistait ainsi à protéger exclusivement la santé physique des
salariés. Lors de la mise en place des services médicaux du travail en 1946, le rôle du
médecin du travail s’est donc initialement centré autour de la vérification de l’aptitude
physique du salarié à occuper son poste de travail. Néanmoins, le législateur est récemment
venu préciser que la santé au travail ne se limite pas à la santé physique du salarié mais doit
également inclure la santé mentale187. A ce titre, il conviendra d’envisager l’apport de la loi
185 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.12. 186 Loi du 9 avril 1898 relative la réparation des accidents du travail, loi du 25 octobre 1919 relative à la réparation des maladies professionnelles. 187 La loi de modernisation sociale n°2002-73 du 17 janvier 2002.
71
de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (Section 1) et plus particulièrement son impact
en matière de suivi individuel des salariés par le médecin du travail (Section 2).
Section 1. L’apport de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 :
Dans le cadre du suivi médical individuel, l’action du médecin du travail s’est ciblée à
l’origine sur la vérification de l’aptitude physique du salarié à occuper son poste de travail et
sur la prévention des risques professionnels d’ordre physique. Tel que le souligne cette
affirmation : « le corps du salarié est l’objet principal surveillé et protégé par le service
médical du travail, car ce corps est la source du travail du salarié ainsi que son moyen de
travail, en tant que tel soumis aux risques professionnels »188.
§1. L’évolution de la notion de santé au travail :
Néanmoins, en vertu du lien de subordination juridique inhérent au contrat de
travail189, le salarié met à disposition de son employeur non seulement « ses facultés
physiques » mais également « ses facultés intellectuelles »190. Partant de ce constat, il est
aisé de comprendre que le travail puisse engendrer des atteintes à la santé du salarié, tant
d’un point de vue physique que psychique. De plus, selon l’OMS, la santé peut se définir
comme un « état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d'infirmité »191. Dès lors, au regard de cette
définition, la préservation de la santé du salarié par le médecin du travail implique de
prendre en compte l’aspect physique et psychique.
Cependant, ce n’est que dans un contexte récent et notamment suite à l’adoption de
la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 que la préservation de la santé psychique
des salariés au travail a réellement trouvé écho. Effectivement, si dans le cadre du suivi
médical individuel, le médecin du travail est toujours tenu de surveiller l’état de santé
physique du salarié, compte tenu des exigences de son poste de travail, son rôle s’inscrit
désormais dans un cadre plus large, devant également inclure la prévention des risques
professionnels d’ordre psychique.
188 CHAUMETTE (P.), Les services sociaux et médicaux du travail- l’essor de l’humain dans l’entreprise, Thèse de Droit Rennes, 1981, p.149. 189 Cass. Soc, 13 nov. 1996, N° 94-13.187, Sté générale c/ URSSAF de la Haute-Garonne. 190 CHAUMETTE (P.), «Les services sociaux et médicaux du travail, l’essor de l’humain dans l’entreprise », Thèse Droit, Rennes, 30 juin 1981, p.159. 191 Définition du préambule de 1946 à la Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé.
72
Tel qu’il a été précédemment abordé, l’évolution des relations de travail et les
changements qui en résultent ont conduit à l’émergence de nouveaux risques pour la santé
des salariés « mettant davantage en jeu que par le passé une dimension psychique »192. Dès
lors, c’est notamment sous l’impact du Droit européen qu’un droit de la santé et de la
sécurité sur les lieux de travail s’est progressivement construit et « qui après avoir pris en
compte la santé physique des travailleurs, s’inscrit aujourd’hui dans une approche plus
globale du bien-être de la personne et de sa santé mentale »193
§2. Les conséquences sur le rôle du médecin du travail :
La prise en considération des risques professionnels psychiques a été actée par la loi
de modernisation sociale du 17 janvier 2002. En effet, cette loi a explicitement introduit la
notion de santé mentale dans le Code du travail en disposant que : « L'employeur prend les
mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des
travailleurs »194. Le législateur est ainsi venu préciser que la notion de santé des travailleurs
recouvrait tant l’aspect physique que psychique, conformément à la définition de l’OMS
précitée. L’ajout de la notion de santé mentale va conduire à d’importantes évolutions sur le
plan juridique, il est ainsi possible de se référer, par exemple, à l’essor en jurisprudence de la
notion de harcèlement moral195.
Si cette modification législative concerne en priorité les employeurs, puisque ce sont
eux qui sont expressément visés par le texte, elle va également avoir un impact direct sur le
rôle du médecin du travail. Tout d’abord, parce que le médecin du travail est le conseiller de
l’employeur, ensuite, parce que la préservation de la santé des salariés constitue l’essence
même de son rôle.
Dès lors, dans le cadre du suivi individuel des salariés, le médecin du travail doit
désormais s’assurer de la préservation de la santé mentale des salariés et prendre en
considération cette caractéristique. L’adjonction du qualificatif de santé mentale, dans le
Code du travail, suppose que le médecin du travail doit s’assurer tant de l’aptitude physique
192 BRESSOL (E), « Organisations du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés », Avis du conseil économique et social, 2004, p.12. 193 BRESSOL (E), « Organisations du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés », Avis du conseil économique et social, 2004, p.158. 194Article L.4121-1 du Code du travail. 195 Cass. Soc, 3 fév.2010, N°08-44019 et N°08-40.144 ;Cass. Soc, 21 juin.2006, N°05.43.914.
73
que psychique du salarié à occuper son poste. Effectivement, aujourd’hui « l’entreprise doit
faire en sorte que le salarié demeure, non seulement physiquement mais aussi mentalement
apte à son poste de travail afin qu’il puisse l’occuper et s’y maintenir »196. Concrètement la
préservation de la santé mentale des salariés peut impliquer la mise en œuvre de mesures
relatives, par exemple, à la prévention des situations de stress ou de harcèlement moral au
sein de l’entreprise.
Face à ce nouvel enjeu, le médecin du travail a un véritable rôle à jouer. Cependant, la
prévention des risques psychiques est par nature complexe puisque le rapport entre le
travail et la santé mentale est parfois difficile à établir197. Cela s’explique notamment par le
fait que ces risques peuvent résulter de nombreux facteurs et impliquent une dimension
individuelle et subjective.
Enfin, concernant la prévention des risques psychiques, il est intéressant de relever
qu’en définissant les missions du médecin du travail, l’article L.4622-2 du Code du travail,
modifié par loi du 20 juillet 2011, précise qu’afin d’exercer leur mission préventive, les
services de santé « conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la
santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ».
Ainsi, en insérant expressément le qualificatif de santé mentale dans le Code du travail au
titre des missions préventives du médecin du travail, cela ne fait nul doute : ce dernier est
tenu de prendre en considération cet aspect dans le cadre du suivi médical individuel des
salariés.
Section 2. La prévention des risques psychiques dans le cadre du suivi individuel :
Tel qu’il a été démontré précédemment, la mise en œuvre du suivi individuel, par le
biais des examens médicaux, est un moyen efficace pour le médecin du travail de prévenir la
réalisation des risques professionnels au sein de l’entreprise. Dans le cadre du suivi
individuel, les constatations médicales ainsi que l’entretien avec le salarié permettent au
médecin du travail d’acquérir une connaissance des risques et de mettre en place des
actions préventives afin d’éviter qu’ils ne se réalisent.
196 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.9. 197 BRESSOL (E), « Organisations du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés », Avis du conseil économique et social, 2004, p.66.
74
§1. L’intérêt du suivi individuel dans la prévention des risques psychiques :
Si le suivi médical était à l’origine fondé sur l’identification des risques professionnels
d’ordre physique, dans le sens où il offre une « une observation privilégiée sur la
personne »198, il constitue également un moyen pertinent pour le médecin du travail
d’appréhender les risques professionnels d’ordre psychique. Toutefois, afin d’assurer une
prévention efficace de ce type de risques professionnels, il convient de suggérer des
perspectives d’améliorations souhaitables. .
Les examens médicaux sont en effet un lieu privilégié d’échange et de dialogue entre
le médecin du travail et le salarié. Ainsi, ils peuvent être l’occasion de mettre en évidence
l’existence d’éventuelles difficultés auxquelles ces derniers pourraient être confrontés dans
l’exercice de leur prestation de travail. Protégés par le secret médical, lors des visites, les
salariés disposent d’une liberté d’expression. A cet égard, ces visites représentent une
véritable opportunité pour le médecin du travail de recueillir un ensemble d’informations
utiles auprès des salariés. De même, elles peuvent lui permettre de diagnostiquer des
symptômes laissant présager l’émergence de risques psychiques chez un ou plusieurs
salariés. Dans de telles circonstances, le médecin du travail sera alors tenu « d’alerter les
préventeurs de l’entreprise, employeur, CHSCT, délégué du personnel, afin qu’une prise en
charge collective de la question puisse être menée dans l’entreprise »199.
Même si le suivi individuel contribue à la prévention des risques psychiques au sein de
l’entreprise, il ne permet pas à lui seul d’apporter une réponse satisfaisante en la matière.
Cela s’explique tout d’abord par le fait que, l’organisation d’une visite périodique bisannuelle
d’une durée moyenne de vingt minutes par salarié200, ne semble pas être une solution
adéquate à la prévention des atteintes d’ordre psychique. Effectivement, ces atteintes
nécessitent généralement d’apporter des solutions dans l’immédiat. A ce titre, la possibilité
de recours aux consultations médicales de manière spontanée peut représenter un intérêt.
Ces consultations permettraient d’apporter une réponse rapide et d’éviter de laisser
198 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.23. 199 ROCHE (C.), IMBEAUX(M.), SOULA (M-C.), SANDRET (N.), BOUAZIZ (P.), GRENIER-PEZE (M.), « subvertir le concept d’inaptitude » le médecin du travail face au harcèlement professionnel, http://www.comprendreagir.org/images/fichierdyn/doc/2007/medecin_travail_face_harcelement_professionnel_smt.pdf. 200 Dans le cadre de la surveillance médicale simple.
75
perdurer, par exemple, une situation de stress ou de mal être au travail, qui, sur la durée,
peut produire des conséquences fortement préjudiciables pour la santé du salarié.
Néanmoins, cela suppose que le salarié soit informé de cette possibilité de recours et qu’une
relation de confiance soit établie entre le médecin du travail et ce dernier.
Ensuite, afin d’améliorer la prévention des risques d’ordre psychique au sein de
l’entreprise, lors des visites médicales, il pourrait être envisagé de faire remplir aux salariés
des questionnaires ayant trait à ce domaine. Tout en préservant leur anonymat, le
traitement de ces données pourrait être un moyen efficace de favoriser l’identification des
risques psychiques afin que le médecin du travail puisse conseiller l’employeur sur des
mesures pertinentes de prévention à mettre en œuvre.
Il convient également de rappeler, qu’au-delà de l’écoute précieuse que le médecin du
travail peut apporter aux salariés dans le cadre du suivi, il ne s’agit pas d’un spécialiste en
psychologie. Ainsi, lorsqu’il constate l’existence d’atteintes psychiques chez un salarié ou de
symptômes laissant présager l’émergence de tels risques, il semble souhaitable qu’il
s’appuie, notamment sur les compétences spécifiques des IPRP, par exemple, en orientant
les salariés vers des psychologues du travail.
§2. La nécessité de mobiliser un ensemble de compétences face à la pathologie psychique :
L’efficacité de la prévention des risques psychiques suppose ainsi la mobilisation de
l’ensemble des compétences des services de santé au travail. Tel que l’illustre avec
exactitude la phrase suivante : « développer des pratiques de coopérations, une
pluridisciplinarité qui ne soit pas une compilation de spécialistes mais la mise en commun des
savoir-faire de chacun, est une nécessité devant la pathologie psychique »201. En effet, c’est
en croisant les différents apports médicaux et sociaux, dans une approche pluridisciplinaire,
en plaçant les médecins du travail au cœur de la démarche et en facilitant l’expression des
201 ROCHE (C.), IMBEAUX(M.), SOULA (M-C.), SANDRET (N.), BOUAZIZ (P.), GRENIER-PEZE (M.), « subvertir le concept d’inaptitude » le médecin du travail face au harcèlement professionnel, http://www.comprendreagir.org/images/fichierdyn/doc/2007/medecin_travail_face_harcelement_professionnel_smt.pdf.
76
salariés sur leur éventuel mal-être au travail, que la prévention des risques psychiques
pourra réellement être effective202.
Enfin, si dans le cadre du suivi individuel, l’évolution des relations de travail suppose la
prise en considération des risques psychiques par le médecin du travail, ce dernier ne doit
pas pour autant négliger la prévention des risques physiques. Sur ce point, le rapport du
Conseil Economique et Social indique que « les contraintes physiques traditionnelles
persistent et concernent encore aujourd’hui nombre de salariés exposés à des agents
chimiques ou biologiques, au bruit, à la poussière, à la chaleur ou au froid, manipulant des
charges lourdes ou encore soumis aux vibrations ». En effet, même s’ils sont diminués en
fréquence et en intensité d’exposition dans un certain nombre de secteur d’activité, les
risques traditionnels, liés aux agents physiques, chimiques, biologique, doivent faire l’objet
d’une attention accrue du médecin du travail203.
Par conséquent, traiter d’une transition des risques physiques vers les risques
psychiques n’est pas exact. Au contraire ces deux types de risques coexistent au sein de
l’entreprise, d’autant plus qu’ils présentent parfois des liens entre eux. Par exemple, il est
fréquent de constater qu’une situation de stress au travail se répercute sur la santé physique
du salarié, notamment par le développement de troubles du sommeil, alimentaires ou
autres addictologies. Concernant, la question des addictologies il est possible de constater
que l’article L.4622-2 du Code du travail, modifié par la loi du 20 juillet 2011, dispose
notamment que dans le cadre de leurs missions préventives, les services de santé au travail
doivent « conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions
et mesures nécessaires afin de prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de
travail ».
Quoi qu’il en soit, la prévention de l’ensemble des risques professionnels doit être
appréhendée de manière globale pour être efficace. A cet effet, elle nécessite, à la fois les
compétences du médecin du travail dans le cadre du suivi individuel, mais également, les
compétences spécifiques d’autres acteurs, tels que les IPRP. Selon Monsieur Lefrand, le
médecin du travail seul, ne peut faire face aux exigences en matière de santé au travail et il
202 BRESSOL (E), « Organisations du travail et nouveaux risques pour la santé des salariés », Avis du conseil économique et social, 2004. 203 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.11.
77
ne dispose pas de marge de manœuvre nécessaire pour adapter sa pratique aux évolutions
du monde du travail204. Si la première affirmation représente une certitude, la seconde
mérite cependant d’être nuancée à notre sens. En effet, même si des améliorations sont
souhaitables, le médecin du travail dispose néanmoins de moyens afin d’optimiser le suivi
individuel des salariés en matière de santé ce qu’il conviendra d’aborder ensuite (Titre 2).
TITRE 2- L’existence de moyens en vue d’optimiser le suivi individuel :
Si le suivi individuel des salariés est classiquement assimilé à l’activité clinique du
médecin du travail et à la détermination de l’aptitude, ou le cas échéant, de l’inaptitude
médicale du salarié, le rôle de ce dernier s’inscrit dans un cadre plus large. Le Code du travail
prévoit en effet que, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles,
telles que, des mutations ou transformations de poste, justifiées par des considérations
relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique ou mentale des
travailleurs. L’article précise également que l’employeur est tenu de prendre en
considération ces propositions, et en cas de refus, de faire connaitre les motifs qui
s’opposent à ce qu’il y soit donné suite205. Il conviendra d’envisager que dans le cadre du
suivi individuel des salariés, cette prérogative du médecin du travail traduit un réel intérêt,
notamment en ce qui concerne le maintien dans l’emploi des salariés (Chapitre 1). Il s’agira
d’examiner ensuite, que l’adoption de textes législatifs récents, tels que, la loi du 9
novembre 2010 portant réforme des retraites et plus particulièrement la loi du 20 juillet
2011, relative à l’organisation de la médecine du travail, permettent également d’optimiser
le suivi individuel des salariés à divers égards (Chapitre 2).
204 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529. 205Article L.4624-1 du Code du travail.
78
Chapitre 1- La prise en considération par l’employeur des propositions du
médecin du travail :
Si la démarche de prévention consiste à anticiper la réalisation du risque professionnel,
il est néanmoins fréquent que les mesures mises en place, au sein de l’entreprise, soient
insuffisantes afin de l’éviter. Ainsi, lors des examens médicaux, le médecin du travail peut
être amené à constater que l’état de santé du salarié n’est plus compatible avec les
exigences de son poste travail ou qu’il peut être aggravé par celles-ci. Ce constat peut alors
conduire le médecin du travail à formuler un avis d’inaptitude206 du salarié à occuper son
poste ou bien encore un avis d’aptitude avec réserves. Quoi qu’il en soit le médecin du
travail sera tenu de motiver l’avis médical, qui ne doit pas être « qu’un simple constat mais
aussi une force de proposition »207. Dès lors, il conviendra d’envisager que, dans le cadre du
suivi individuel, par son pouvoir de proposition, le médecin du travail contribue au maintien
dans l’emploi du salarié, objectif qui est parfois difficile à concilier avec la préservation de la
santé de ce dernier (Section 1). Concernant cette prérogative du médecin du travail, il s’agira
ensuite d’examiner l’apport de la loi du 20 juillet 2011 en la matière (Section 2).
Section 1. L’équilibre entre la préservation de la santé du salarié et la logique de
maintien dans l’emploi :
Selon les dispositions légales, le rôle du médecin du travail est clairement défini, il
consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail »208.
Ainsi la préservation de la santé des salariés au travail représente son objectif prioritaire.
Néanmoins, il convient de relever que « la délivrance de l’avis d’aptitude est devenu un
véritable passeport pour l’emploi, qu’il s’agisse d’en obtenir un ou de le conserver »209.
206 Il convient de préciser que l’inaptitude du salarié peut être consécutive à un accident du travail ou une maladie d’origine professionnelle, mais également, à un accident ou une maladie d’origine non professionnelle. 207 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.395. 208 Article L.4622-3 du Code du travail. 209 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.388.
79
Dès lors, le médecin du travail doit s’efforcer de trouver un juste équilibre entre la
préservation de la santé et le maintien dans l’emploi du salarié ce qui n’est pas toujours une
tâche aisé à mettre en œuvre.
§1. La motivation de l’avis médical :
Concernant la motivation de l’avis médical, la circulaire DRT n° 2004-06 du 24 mai
2004, indique qu’il est souhaitable que, dans la mesure du possible, l’avis médical sur
l’aptitude au travail soit formulé non pas sous forme d’un constat d’inaptitude, mais en
mettant en évidence les aptitudes du sujet, en précisant seulement les aspects de la charge
de travail qui sont à exclure, par exemple, la station debout prolongée, le port de charges,
l’exposition à des irritants, etc. De plus, cet avis médical doit être complété, à chaque fois,
par une proposition du médecin, tendant selon les cas, soit à l’adaptation du poste de
travail, soit au reclassement de l’intéressé.
Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 5 novembre 2003 précise également que : « le
médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu’il rédige, à l’issue de visites
médicales de reprise, les considérations de fait, de nature à éclairer l’employeur sur son
obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les
éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines
tâches, en vue d’un éventuel reclassement dans l’entreprise ou au contraire à exprimer des
contre-indications »210.
Lorsque la démarche de prévention ne permet pas d’éviter l’altération de la santé du
salarié, dans le cadre du suivi individuel, le rôle du médecin du travail implique la recherche
de solutions adéquates. En effet, la mission du médecin du travail consiste, dans la mesure
du possible, à favoriser le maintien dans l’emploi du salarié tout en garantissant la
préservation de sa santé. Deux impératifs entre lesquels il est parfois difficile de trouver un
juste équilibre.
210 C.E, 5 novembre 2003, Ministre de l’Equipement, des transports, du logement du Tourisme et de la Mer c/.M.X.
80
§2. Les mesures individuelles dans le cadre du reclassement :
Lorsque le médecin du travail constate une altération de la santé du salarié,
conformément à l’article L.4624-1 du Code du travail, il est habilité à proposer à l’employeur
des mesures individuelles, telles que des mutations et des transformations de postes. Cette
possibilité d’émettre des propositions a notamment vocation à s’appliquer dans le cadre du
reclassement du salarié. Si en vertu des dispositions légales, l’obligation de reclassement du
salarié repose sur le chef d’entreprise211 et non sur le médecin du travail, par son pouvoir
général de proposition et son rôle de conseil, il convient d’envisager que ce dernier participe
activement à la sauvegarde de l’emploi du travailleur.
Effectivement, « ces mesures proposées obligent l’employeur à reclasser le salarié dans
un emploi aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. Le salarié est
titulaire d’un véritable droit au reclassement à l’encontre de son employeur, qui doit
procéder à des actes concrets de recherche de postes »212.
Dès lors, l’obligation de reclassement suppose que, s’il existe un poste disponible,
conforme aux recommandations du médecin du travail, au sein des différents
établissements de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient213, l’employeur sera tenu
de le proposer au salarié. Sur ce point, le Code du travail prévoit que la proposition de
reclassement doit nécessairement tenir compte des « conclusions écrites du médecin du
travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches
existantes dans l’entreprise ». Le Code du travail précise que « l’emploi proposé est aussi
comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre
telles que, mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de
travail »214.
211 Article L.1226-2 et L1226-10 du Code du travail. 212 LEROY (A.), « l’obligation de reclassement du salarié inapte », Travail et Sécurité, 2008, p.48 213 Cass. Soc, 25 mars 2009, N°07-41.708. 214 Article L.1226-2 et L1226-10 du Code du travail.
81
Au titre de l’obligation de reclassement, l’employeur est ainsi tenu de prendre en
considération, les conclusions écrites et les propositions de mesures individuelles faites par
médecin du travail. En fonction de celles-ci, il devra proposer un poste adapté aux capacités
du salarié215. Ce n’est, qu’à défaut de pouvoir prendre en compte ces recommandations et
ces propositions, que l’employeur pourra envisager le licenciement du salarié pour
inaptitude et impossibilité de reclassement216. Si, avant de licencier le salarié, l’employeur
n’étudie pas les possibilités de donner suite aux propositions du médecin du travail, les juges
pourront considérer qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse217.
En outre, l’employeur qui ne tient pas compte des recommandations et des
propositions du médecin du travail, est tenu de s’expliquer sur les motifs qui s’opposent à ce
qu’il y soit donné suite218. A cet égard, il doit exposer les raisons pour lesquelles, la prise en
compte des réserves ou restrictions proposées au poste du salarié, apparait impossible à
mettre en œuvre. L’employeur ne peut s’exonérer de son obligation de reclassement qu’en
justifiant des motifs l’empêchant de suivre les propositions du médecin219. Il doit ainsi être
prudent sur la prise en compte des recommandations et des propositions du médecin du
travail, lorsqu’il envisage le reclassement du salarié, d’autant plus que la jurisprudence ayant
trait à ce domaine est relativement stricte.
§3. Une jurisprudence aux contours stricts :
A titre d’exemple, il est possible de se référer à plusieurs arrêts de la chambre sociale
de la Cour de Cassation. Elle précise que l’employeur doit prendre en considération toutes
les propositions formulées par le médecin du travail. Dès lors, l’employeur qui ne tiendrait
pas compte de toutes les pistes proposées par celui-ci, ne peut prétendre avoir rempli son
obligation de reclassement220.
215 Cass.soc, 18 juillet 2000, N°97-44.897. 216 Cass. Soc, 19 mai 2004, N°03-40134. 217 Cass. Soc, 8 juillet 1992 : RJS 8-9/92 n° 973, Bull. civ. V n° 447 ; Cass. Soc. 9 mai 1995 : RJS 6/95 n° 638, Bull. civ. V n° 149. 218 Article L.4624-1 du Code du travail. 219 Cass. Soc, 19 décembre 2007, N° 06-46.134 ; Cass. Soc, 20 septembre 2006, N° 05-42-925. 220 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.426, Cass. Soc, 28 octobre 1998, Bull.civ.V, n°464.
82
De même, il ne peut pas se retrancher derrière l’absence de propositions, formulées
par le médecin du travail, pour s’affranchir de son obligation de reclassement : il lui
appartient au besoin de les solliciter221.
Plus récemment, la Cour de Cassation est venue préciser que l’employeur devait
obligatoirement prendre en compte les recommandations et les propositions du médecin du
travail, en vue d’assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité résultat dont il est titulaire222.
Or, le fait de rattacher la prise en compte des propositions du médecin du travail à
l’obligation de sécurité résultat pesant sur l’employeur, tend à donner plus de poids à celles-
ci et ainsi à valoriser le rôle du médecin du travail. Dès lors, telle que le souligne avec
exactitude cette affirmation, « c’est cette obligation de sécurité qui justifie l’obligation pour
l’employeur de suivre les propositions de son « conseiller » en matière de protection de la
santé, le médecin du travail. Plus que jamais la jurisprudence confère au médecin du travail
un rôle central dans la démarche de prévention »223.
Ainsi, le pouvoir général de proposition du médecin du travail représente un moyen
utile afin de participer au maintien dans l’emploi du salarié. L’objectif des recommandations
et des propositions du médecin du travail, consistant à rechercher, dans la mesure du
possible, toutes les solutions alternatives afin d’éviter la rupture du contrat de travail du
salarié. Néanmoins, bien que la jurisprudence précitée tend à conférer davantage une visée
préventive aux propositions du médecin du travail, force est de constater, qu’en pratique, il
est souvent amené à faire ces propositions de mesures individuelles, lorsque l’état de santé
du salarié est déjà altéré.
221 BOURGEOT (S.), BLATMAN (M.), L’état de santé du salarié, Ed. Liaison, 2ème édition 2009, Coll. « Droit Vivant », p.427, Cass. Soc, 24 avril 2001, Bull.civ.V, n°127. 222 Cass. Soc, 23 septembre 2009, N°1872. 223 LEROY (A.), « l’obligation de reclassement du salarié inapte », Travail et Sécurité, 2008, p.49.
83
Section 2. Le renforcement des prérogatives du médecin du travail par la loi du 20
juillet 2011:
La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail224, marque
une évolution significative concernant la prise en compte par l’employeur des propositions
formulées par le médecin du travail et tend ainsi à renforcer le rôle de ce dernier. Plusieurs
rapports ont mis en lumière, les limites de cette compétence du médecin du travail, dans la
mesure où, au titre de l’article L.4624-1 du Code du travail, l’employeur n’est tenu de
répondre au médecin du travail que sur les mesures individuelles qu’il est habilité à
proposer225. Si cet article demeure inchangé, la loi du 20 juillet 2011 crée un nouvel article,
l’article L.4624-3 du Code du travail dont il convient d’analyser la portée.
§1. L’article L.4624-3 du Code du travail :
A. Approche globale :
Cet article dispose, que lorsque le médecin du travail constate la présence d'un risque
pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures
visant à la préserver. L’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du
médecin du travail et, en cas de refus, de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent à
ce qu'il y soit donné suite. L’article prévoit également, que lorsque le médecin du travail est
saisi par l’employeur d'une question relevant des missions qui lui sont dévolues, en
application de l'article L.4622-3 du Code du travail226, il doit faire connaître ses
préconisations par écrit. Enfin, conformément à ce nouvel article du Code du travail, les
propositions et les préconisations du médecin du travail et la réponse de l'employeur, sont
mises à la disposition, sur demande, notamment du CHSCT, à défaut, des délégués du
personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou
des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes
mentionnés à l’article L. 4643-1 du Code du travail.
224 Loi N° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, J.O, 24 juillet 2011. 225 Proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail, Rapport n° 232 (2010-2011), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposée le 19 janvier 2011. 226 Article L.4622-3 du Code du travail : « Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé ».
84
L’ajout de ce nouvel article au sein du Code du travail suggère remarques et analyses.
De manière générale, il permet tout d’abord d’organiser formellement l’échange qui peut
exister entre l’employeur et le médecin du travail, notamment par la transmission de
courriers écrits. Or, le fait de matérialiser le dialogue entre ces deux protagonistes, par des
courriers écrits représente, à notre sens, un certain intérêt. Effectivement, il est permis de
penser qu’en imposant la rédaction de courriers écrits, l’échange revêt un caractère plus
officiel et peut, à cet effet, conférer plus de poids aux propositions du médecin du travail.
B. Approche analytique :
Selon le premièrement de cet article, lorsque le médecin du travail constate
l’existence d’un risque pour la santé du salarié au sein de l’entreprise il propose à
l’employeur par écrit des mesures préventives. En premier lieu, il convient de relever une
différence entre la rédaction de l’article L.4624-1 et l’article L.4623-3 du Code du travail.
Si en vertu de l’article L.4624-1 du Code du travail : « le médecin du travail est habilité
à proposer des mesures », selon l’article L.4624-3 du Code du travail : « il propose des
mesures ». Le nouvel article apparait ainsi plus impératif et il semble supposer que si le
médecin du travail constate l’existence d’un risque pour la santé du salarié il ne dispose pas
du choix de mettre en œuvre cette prérogative. Ce point soulève plusieurs questions, dans le
cadre de ce nouvel article, pourrait-il être reproché au médecin du travail de ne pas avoir
proposé de mesures préventives alors qu’il aurait eu connaissance du risque pour la santé du
salarié ? De même, l’absence de propositions de mesures préventives par le médecin du
travail pourrait-elle être un argument invoqué par l’employeur pour s’exonérer de
l’obligation de sécurité résultat dont il est titulaire ? Compte tenu de la jurisprudence stricte
de la Cour de Cassation, probablement pas.
L’article précise ensuite, que l’employeur doit prendre en compte ces propositions, ou
le cas échéant, apporter une réponse écrite afin de faire connaître les motifs qui s’opposent
à ce qu’il y soit donné suite. Le pouvoir général de proposition du médecin du travail s’inscrit
désormais dans un cadre plus large et ces prérogatives en la matière sont renforcées. Tout
d’abord, parce que l’employeur est désormais tenu de se justifier, par écrit, auprès du
médecin du travail, lorsqu’il refuse de mettre en œuvre des mesures préventives suite à la
constatation d’un risque professionnel et non plus seulement lorsqu’il refuse de mettre en
85
œuvre des mesures individuelles. Dès lors, ce nouvel article permet, à notre sens, au
médecin d’agir réellement en amont de la réalisation du risque, selon la logique de
prévention primaire souhaitée par la directive européenne du 12 juin 1989.
En effet, tel qu’il a été précédemment expliqué, dans le cadre de l’article L.4624-1 du
Code du travail, les propositions de mesures individuelles suggérées, par le médecin du
travail ont souvent vocation à s’appliquer, dans la pratique, lorsque la santé du salarié est
déjà altérée. Désormais, en indiquant explicitement que le médecin du travail propose des
mesures en présence d’un risque, le nouvel article L.4624-3 du Code du Travail, confère une
visée davantage préventive à ces propositions.
De plus, il est permis de penser que, si un risque professionnel se réalise, alors que le
médecin du travail avait suggéré à l’employeur la mise en œuvre de mesures préventives,
l’absence de réponse de ce dernier par un courrier écrit et motivé pourrait être sanctionnée,
au titre de l’obligation de sécurité résultat qui lui incombe.
Enfin, il convient de constater que le texte ne précise pas explicitement, si le médecin
du travail doit proposer des mesures de prévention à l’employeur, lorsqu’il constate
l’existence d’un risque à un niveau individuel ou bien si cela inclut également les risques
collectifs, conformément aux préconisations des rapports précités227. Néanmoins, selon
l’analyse suivante qui semble tout à fait pertinente, « Le premièrement du nouvel article L.
4624-3 définit le champ d’intervention du médecin du travail de manière très large en visant
toute présence d’un risque pour la santé des travailleurs. Contrairement à l’article L. 4623-1,
il ne s’agit donc pas d’un risque encouru à titre personnel par un salarié, lié à des critères
bien précis (âge, résistance, état physique et mental) et nécessitant des mesures
individuelles, mais bien d’un risque plus global, lié par exemple à l’environnement de travail.
Lorsque le médecin constate la présence d’un tel risque, il propose en conséquence des
mesures visant à préserver la santé des salariés »228.
227 Proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail, Rapport n° 232 (2010-2011), fait au nom de la commission des affaires sociales, déposée le 19 janvier 2011. 228 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529, p.48.
86
Au titre du deuxièmement de ce nouvel article, il est ensuite intéressant de relever que
l’employeur dispose également de la possibilité de solliciter le rôle de conseil du médecin du
travail dans le cadre de ces missions préventives. Dans ce cas, le médecin du travail sera
également tenu de lui répondre. Cette disposition permet, à notre sens, d’équilibrer les
relations et les devoirs de chacun. Dès lors, si l’employeur est tenu de répondre aux
propositions du médecin du travail, il apparait légitime qu’à l’inverse, le médecin du travail
soit tenu de lui apporter des solutions lorsqu’il sollicite son rôle de conseil. Néanmoins, cette
faculté représente aussi un risque pour l’employeur : si un risque professionnel se réalise
n’est-il pas possible qu’il lui soit reproché de ne pas avoir usé de cette possibilité de solliciter
les conseils du médecin du travail ? Compte tenu de la jurisprudence stricte de la Cour de
Cassation en matière d’obligation de sécurité résultat de l’employeur, cela est envisageable.
Enfin, au titre du troisièmement du nouvel article, le fait que les échanges entre l’employeur
et le médecin du travail, se trouvent, à leur demande, à la disposition d’un ensemble
d’acteurs au sein de l’entreprise, traduit parfaitement la volonté actuelle que la prévention
en matière de santé et de sécurité au travail soit une préoccupation d’ordre globale et
collective.
Telle que l’illustre l’affirmation suivante concernant le commentaire du nouvel article
L.4624-3 du Code du travail : « ce texte ne fait en réalité que traduire dans la loi la
jurisprudence récente de la Cour de Cassation, de plus en plus exigeante pour les employeurs
en terme de prise en compte des recommandations des médecins du travail. Force est de
constater en effet que, dans la plupart des cas, ces recommandations demeuraient lettre
morte »229. Afin de pouvoir appréhender la véritable portée de cette nouvelle prérogative du
médecin du travail, il est nécessaire d’attendre l’interprétation de la Cour de Cassation.
Il conviendra d’envisager ensuite, que la loi portant réforme des retraites du 9
novembre 2010 en apportant des précisions relatives au dossier médical en santé au travail,
permet également d’optimiser le suivi individuel des salariés. Puis, il conviendra d’examiner
que la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail constitue
également d’autres apports en matière de suivi individuel des salariés que ceux
précédemment évoqués (Chapitre 2).
229 PAILLEREAU (G.), « Réforme de la Santé au travail : analyse de la proposition de loi invalidée par le Conseil Constitutionnel », http://www.ephygie.com/reforme-de-la-sante-au-travail-analyse-de-la-proposition-de-loi-votee-par-le-senat/.
87
Chapitre 2- Les apports législatifs récents en matière de suivi individuel :
Afin de contribuer à la démarche de prévention, il s’agira tout d’abord d’examiner dans
quelle mesure le dossier médical en santé au travail, dont les modalités ont été précisées par
la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, constitue un outil favorisant la
continuité et donc l’efficacité du suivi individuel des salariés par le médecin du travail
(Section 1). Il conviendra d’envisager ensuite une approche critique de la loi du 20 juillet
2011, en examinant à la fois ses apports, mais aussi ses limites, en matière de suivi individuel
des salariés (Section 2).
Section 1. Le dossier médical en santé au travail :
Dans le cadre de la démarche de prévention, le médecin du travail est tenu d’établir un
dossier médical en santé au travail (DMST) pour chaque salarié lors de la visite médicale
d’embauche, complété lors des visites médicales ultérieures230 et dont l’objectif consiste à
assurer le suivi de l’état de santé de ce dernier. Avant d’envisager l’intérêt de ce dossier en
matière de suivi individuel, il convient au préalable de distinguer le DMST et le dossier
médical personnel (DMP).
§1. La distinction entre le dossier médical en santé au travail et le dossier médical
personnel :
Le DMP a été créé par la loi du 13 août 2004 N°2004-810, relative à la réforme de
l'assurance maladie. Il s’agit d’un dossier dématérialisé partagé entre les professionnels de
santé qui contient un ensemble de documents de santé et d’informations utiles afin de
favoriser la coordination des soins en vue d’améliorer le suivi médical du patient. Il peut
contenir, par exemple, des résultats d'examens, des comptes rendus de consultation,
d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation.
230
Articles D.4624-46 et R.7214-20 du Code du travail.
88
Le DMP obéit à des règles strictes concernant son accès. A cet égard, l’article L.161-36-
3 du Code de sécurité sociale précise que, même avec l’accord du patient, le médecin du
travail n’a pas accès au contenu de ce dossier sous peines de sanctions pénales231. Cette
interdiction d’accès du médecin du travail au DMP a fait l’objet de diverses critiques et force
est de constater que sur le sujet les opinions sont partagées. Ainsi, le rapport relatif au bilan
de la réforme de la médecine du travail indique que le fait d’exclure l’accès du médecin du
travail aux données du DMP va à l’encontre de l’objectif de traçabilité des expositions
professionnelles232.
Les arguments invoqués pour justifier cette interdiction d’accès reposent sur la
nécessité de protéger le patient et de préserver le secret médical. Dès lors, dans la mesure
où le salarié ne dispose pas de la faculté de choisir son médecin du travail, il peut paraître
tout à fait légitime qu’il reste libre de lui communiquer les renseignements concernant son
état de santé. De plus, le médecin du travail n’ayant qu’un rôle préventif, il est permis de
penser que lui donner accès à l’ensemble des informations relatives à l’état de santé du
salarié ne soit pas forcément utile.
Il est néanmoins possible de concevoir cette interdiction d’accès comme allant à
l’encontre de l’intérêt du salarié. A l’appui de cette idée, il est par exemple allégué que de
nombreux médecins du travail regrettent de ne pas avoir accès au DMP, alors qu’il est censé
être « un outil précieux pour les professionnels de santé ». Effectivement, selon la Haute
Autorité de la Santé, les médecins du travail sont parfois confrontés à des difficultés pour
obtenir des informations utiles à leur activité de prévention auprès du médecin traitant, tels
que, par exemple, les résultats d’examens complémentaires233. Dès lors, permettre au
médecin du travail d’accéder au contenu du DMP pourrait contribuer à améliorer la
prévention et le suivi individuel des salariés.
231 Article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». 232 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p 53. 233 Recommandations de la Haute Autorité de la Santé, Le dossier médical en santé au travail, janvier 2009, www.has-sante.fr.
89
Selon le rapport relatif au bilan de la réforme du travail, s’il existe des raisons légitimes
justifiant que le médecin du travail ne puisse pas consulter le DMP, l’impossibilité de le
renseigner n’est en revanche guère compréhensible234.
A ce titre, tel que le préconise le rapport du Conseil Economique et social, il apparait
nécessaire de développer « la communication entre la médecine de ville et la médecine du
travail ». Dès lors, il serait par exemple envisageable « de créer un volet spécifique
expositions et risques professionnels » au sein du DMP afin qu’il soit accessible aux autres
professionnels de santé235. Sur ce point, la Haute Autorité de la Santé indique « qu’il serait
dans l'intérêt des patients que les professionnels de santé, toutes spécialités confondues
puissent avoir accès au dossier médical établi par le médecin du travail, aux risques
professionnels auxquels sont exposés leurs patients, puisque de très nombreuses pathologies
trouvent leur origine dans le travail »236. A notre sens, cette recommandation ne manque
pas de pertinence bien qu’elle ne semble pas encore avoir trouvé écho.
Même si le médecin du travail ne peut accéder au contenu du DMP, ni même le
renseigner, dans le cadre du suivi individuel, il est tenu d’établir un dossier médical en santé
au travail pour chaque salarié. Il s’agira d’aborder dans quelle mesure ce dossier représente
un moyen opportun d’optimiser la continuité du suivi individuel des salariés.
§2. Le DMST : un outil contribuant à la continuité du suivi individuel :
A titre préliminaire, il est nécessaire de préciser que la consécration législative du
DMST, au sein du nouvel article L.4624-2 du Code du travail, résulte non pas de la loi du 20
juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, mais de la loi du 9 novembre
2010 portant réforme des retraites. Il convient de rappeler, qu’initialement, la réforme
relative à l’organisation de la médecine du travail était incluse dans la réforme des retraites,
mais qu’elle avait été invalidée par le Conseil Constitutionnel, en raison de l’absence de lien
direct avec l’objet initial du texte237. Néanmoins, le nouvel article L.4624-2 du Code du travail
234 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p 53. 235 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.68. 236 Haute Autorité de la Santé, Le dossier médical en santé au travail recommandations, janvier 2009, http://www.has-sante.fr. 237 Décision n° 2010-617 DC du 09 novembre 2010.
90
concernant le DMST a, quant à lui, été validé dans le cadre des dispositions relatives à la
pénibilité du parcours professionnel.
A. Définition, objectifs, contenu :
Plusieurs études ont mis en évidence le fait que le suivi individuel de la santé des
salariés, par le médecin du travail, n’était pas réellement satisfaisant et manquait de
continuité, notamment, concernant la traçabilité des expositions et des risques
professionnels auxquels ces derniers avaient pu être exposés238. Or, afin de mettre en œuvre
une prévention efficace en matière de santé au travail, dans le cadre du suivi individuel, le
rôle du médecin du travail consiste à établir le lien, entre l’état de santé du salarié et les
risques professionnels auxquels il est, ou a pu, être exposé.
A cet égard, il est indispensable que le médecin du travail puisse avoir accès à un
ensemble d’informations utiles lui permettant d’adapter son suivi, comme, par exemple,
l’historique des expositions professionnelles auxquelles le salarié a pu être soumis. D’autant
plus que, tel qu’il a été précédemment évoqué, dans un contexte marqué par le
développement des formes atypiques d’emploi et de la mobilité professionnelle, il peut être
difficile, pour le médecin du travail, de mettre en œuvre une prévention adéquate. En effet,
les conséquences à long terme des expositions à certains risques sont parfois délicates à
évaluer.
Nonobstant ces remarques, il convient d’envisager que le dossier médical en santé au
travail constitue un support d’information pouvant représenter un véritable intérêt, pour le
médecin du travail, dans la mise en œuvre du suivi individuel des salariés. Il doit ainsi
permettre de contribuer à la continuité et à l’ajustement de ce suivi, en matière de santé au
travail. Telle que l’illustre avec justesse l’affirmation suivante : « ce dossier, complété au fur
et à mesure des examens prévus par la réglementation de médecine du travail, est constitué
dans l’intérêt du salarié, pour permettre de suivre dans le temps l’évolution de son état de
santé. Il constitue pour le médecin du travail le support de sa mémoire et l’un des facteurs
garantissant l’efficacité de la prise en charge médicale»239.
238 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007, p 53. 239 Lettre du Dr ROTHAN, chef de service de l’inspection médicale du travail du 21 juillet 1988.
91
Selon la Haute Autorité de la Santé le DMST peut être défini « comme le lieu de recueil
et de conservation des informations socio-administratives, médicales et professionnelles,
formalisées et actualisées, nécessaires aux actions de prévention individuelle et collective en
santé au travail, enregistrées, dans le respect du secret professionnel, pour tout travailleur
exerçant une activité, à quelque titre que ce soit, dans une entreprise ou un organisme, quel
que soit le secteur d’activité »240.
Lors de la visite médicale d’embauche, le médecin du travail est tenu d’établir un
DMST, pour chaque salarié, qui sera ensuite complété lors des visites ultérieures. Le DMST
est évoqué au titre de plusieurs dispositions du Code du travail241. Soumis au respect du
secret professionnel et ne pouvant, sous aucun prétexte être communiqué à l’employeur, ce
dossier contient des données objectives, telles que, par exemple, l'identification du salarié,
les différents postes de travail occupés dans l'entreprise actuelle et les entreprises
précédentes, les antécédents médicaux et personnels, les conseils de prévention prodigués.
Des données subjectives peuvent également figurer, sur un support distinct du DMST, telles
que, des informations, comportant des éléments non médicaux, sans relation avec l’activité
de prévention relevant de la confidence du salarié, des notes personnelles du médecin du
travail242.
B. Approche analytique :
Le rapport relatif au projet de loi sur la réforme des retraites243 a mis en lumière
plusieurs limites concernant le DMST. Ainsi, ce rapport indique, par exemple, que « le
contenu du dossier médical ne fait que très peu de place au renseignement des risques
professionnels ». De même, il énonce que « la traçabilité des expositions professionnelles
ainsi que celle des conseils et des actions de prévention, dispensés par le médecin du
travail sont insuffisantes ».
240 Haute Autorité de la Santé, Le dossier médical en santé au travail recommandations, janvier 2009, http://www.has-sante.fr. 241Articles R.7214-20, D.4624-46, R.7214-21 et R.4412-56 du Code du travail. 242 Cass. Soc, 20 février 1986, Foures c/AMSIE, N°83-41671 : cet arrêt distingue deux catégories d’éléments dans le dossier médical du médecin du travail, le dossier lui-même et les notes de caractère strictement personnel du médecin. 243 LECLERC (D.), Projet de loi sur la réforme des retraites, Rapport n° 733, 29 septembre 2010, www.senat.fr.
92
Initialement, il convient de rappeler que les modalités du DMST résultaient d’un arrêté
du 24 juin 1970 et étaient jusqu’alors définies dans la partie réglementaire du Code du
travail. La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, opère un changement sur
ce point en créant un article spécifique, relatif au DMST : l’article L.4624-2 du Code du
travail. Désormais, le dossier médical en santé au travail a une valeur législative, ce qui
devrait, en principe, renforcer sa portée244.
Au titre du nouvel article L.4622-4 du Code du travail, le DMST est établi par le
médecin du travail et répond à trois objectifs. Tout d’abord, il doit retracer, dans le respect
du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du salarié. Ensuite, ce dossier
doit participer à la traçabilité des expositions professionnelles auxquelles ce dernier a pu
être soumis dans l’exercice de sa prestation de travail. Enfin, il doit consigner les avis et les
propositions du médecin du travail, notamment celles formulées en application de l’article
L.4624-1 du Code du travail.
Il est possible de constater que le nouvel article a l’avantage d’être nettement plus
précis que l’article D.4624-46 du Code du travail, qui dispose: « qu’au moment de la visite
d'embauche, le médecin du travail constitue un dossier médical qu'il ne peut communiquer
qu'au médecin inspecteur du travail, ou, à la demande de l'intéressé, au médecin de son
choix. Ce dossier est complété après chaque examen médical ultérieur.
Le modèle du dossier médical, la durée et les conditions de sa conservation sont fixés par
arrêté du ministre chargé du travail ».
Désormais, aux termes du nouvel article L.4624-2 du Code du travail, les objectifs du
DMST apparaissent explicitement. Ainsi, en ajoutant que le DMST doit retracer les
expositions professionnelles et consigner les propositions de mesures individuelles du
médecin du travail, il semble que le législateur ait pris en compte les recommandations
précitées.
Or, à notre sens, ces nouvelles précisions permettent de clarifier le contenu et les
objectifs du DMST afin qu’il soit un véritable outil contribuant à l’essor de la prévention. Dès
lors, la continuité et l’efficacité du suivi médical individuel des salariés, par le médecin du
244 LECLERC (D.), Projet de loi sur la réforme des retraites, Rapport n° 733, 29 septembre 2010, www.senat.fr.
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travail, devraient être renforcées. Cependant, compte tenu du caractère récent de ces
précisions, il est pour le moment difficile d’évaluer la véritable efficience du DMST.
En outre, l’article L.4624-2 du Code du travail apporte des précisions en ce qui
concerne la communication du dossier. Il dispose tout d’abord que le DMST ne peut être
communiqué, à la demande de l’intéressé, qu’au médecin de son choix. En cas de risque
pour la santé publique, ou, à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin
inspecteur du travail. Ensuite, le dossier peut être communiqué à un autre médecin du
travail dans la continuité de la prise en charge, sauf si le salarié s’y oppose. Enfin, le salarié,
ou, en cas de décès de ce dernier, toute personne autorisée par les articles L. 1110-4 et L. 1111-7
du Code de la santé publique, peuvent demander la communication du DMST. A notre sens,
le fait que le salarié puisse s’opposer à la transmission du DMST, en cas de changement de
médecin du travail, s’avère critiquable dans la mesure où cela entrave la continuité du suivi
individuel et n’est absolument pas dans l’intérêt du travailleur.
Section 2. Approche critique : entre apports et controverses :
Depuis plusieurs années, de nombreux rapports245 ont mis en évidence les difficultés
auxquelles le système français de santé au travail était confronté. Ils « ont souligné la
nécessité d’adapter le dispositif « Médecine du travail à la française » pour mieux répondre
aux besoins de santé des salariés et des entreprises, pour développer une approche collective
de Santé-Travail, en intégrant le nécessaire suivi de santé personnalisé et pour concrétiser
l’approche pluridisciplinaire prévue par la directive européenne du 12 juin 1989 »246.
§1. La volonté de réformer le système français de santé au travail :
Depuis la fin des années 1970, le système français de santé au travail se trouve au
cœur du débat. Il est la cible de diverses critiques qui s’appuient sur différents constats,
parmi lesquels, il est notamment possible de citer, l’augmentation des maladies
professionnelles, le drame de l’amiante, l’inapplication des dispositions légales relatives au
tiers-temps, la démographie préoccupante des médecins du travail.
245 AUBIN (C.), PELISSIER (R.), DE SAINTIGNON (P.), VEYRET (J.), CONSO, (F.), FIRMAT (P.), « Rapport sur le bilan de la reforme de la médecine du travail », Octobre 2007 ; GOSSELIN (H.), « Aptitude et inaptitude Médicale au travail: diagnostic et perspectives », Janvier 2007 ; DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008. 246 WOLMARK (C.), « La médecine du travail est elle menacée ? », RDT, Février 2011, p. 86.
94
Concernant par exemple, le contexte démographique défavorable, force est d’observer
que le nombre de médecins du travail ne cesse de diminuer, par conséquent ces derniers ne
sont plus en mesure d’accomplir toutes les missions qui leur incombent247. En effet, comme
le relève Madame Amauger-Lattes, « d’un côté la profession vieillit. En 2009, 55% des
médecins étaient âgés d’au moins 55 ans et dans les dix ans à venir 80% d’entre eux auront
atteint l’âge de la retraite. D’un autre côté, elle souffre d’un problème majeur de
recrutement qui est aujourd’hui moins lié à l’insuffisance du numerus clausus qu’à la crise des
vocations »248.
Or, cette situation engendre des conséquences directes en matière de suivi individuel.
Effectivement, en raison de cette « pénurie », les médecins du travail peuvent manquer de
temps et de disponibilité pour mettre en œuvre un suivi individuel de qualité des salariés.
Sur ce point, il est notamment possible d’évoquer la difficulté, en pratique, pour les
employeurs, d’organiser les visites médicales, conformément aux exigences légales en
vigueur. Ainsi que l’énonce avec justesse le Professeur Paul Frimat « l’écart s’est
progressivement accru entre les besoins de prévention et les possibilités réelles des médecins,
aussi bien en matière de temps que de moyens ou de fonctionnement »249.
C’est notamment pourquoi, il est aisé de comprendre la « détermination des pouvoirs
publics » de mener une réforme « face à un système qui de toute évidence ne peut plus
fonctionner correctement »250. Cette volonté de réformer le système français de santé au
travail a récemment été prise en considération, dans le cadre de l’adoption de la loi du 20
juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail. Il convient à ce titre
d’envisager de manière générale quels sont les apports, mais également les limites de ce
texte.
247 AMAUGER-LATTES (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. Soc, Avril 2011, p.351. 248 AMAUGER-LATTES (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. Soc, Avril 2011, p.351. 249 WOLMARK (C.), « La médecine du travail est elle menacée ? », RDT, Février 2011, p. 86. 250 AMAUGER-LATTES (M-C.), « Pénurie de médecin du travail et visites médicales obligatoires, quelles responsabilités ? Quelles perspectives ? », Dr. Soc, Avril 2011, p.351.
95
§2. Approche analytique :
Tout d’abord, la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail
modifie l’article L.4622-2 du Code du travail. Si l’objectif de la médecine du travail demeure
inchangé depuis la loi du 11 octobre 1946, à savoir « éviter toute altération de la santé des
travailleurs du fait de leur travail », cette disposition énonce désormais explicitement, les
missions des services de santé au travail. En effet, jusqu’à présent, seules les missions du
médecin du travail étaient définies dans le Code du travail. Cet ajout peut s’analyser comme
l’accomplissement de la transition souhaitée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier
2002, de la médecine du travail vers les services de santé au travail, afin d’ancrer le dispositif
de prévention dans un cadre plus global et collectif.
L’article L.4622-2 du Code du travail détaille ensuite avec précision le contenu de ses
missions. A cet égard, les services de santé doivent conduire des actions en vue de préserver
la santé physique et mentale des travailleurs, conseiller les employeurs, les salariés et leurs
représentants, afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, améliorer les
conditions de travail, prévenir ou de réduire la pénibilité et contribuer au maintien dans
l'emploi des travailleurs. Egalement, les services de santé sont tenus d’assurer la surveillance
de l'état de santé des travailleurs en fonction, des risques concernant leur sécurité et leur
santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge, ainsi que de participer au suivi et
contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles251.
L’article L.4622-4 du Code du travail modifié par la loi, précise notamment que les
missions précitées « sont exercées par les médecins du travail en toute indépendance et en
coordination avec les employeurs, les membres du CHSCT »… En outre, l’article L.4622-8 du
Code du travail, crée par la loi du 20 juillet 2011, dispose que ces missions « sont assurées
par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des
intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent
être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels
recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent et coordonnent
l’équipe pluridisciplinaire ».
251 Article L.4622-2 du Code du travail.
96
Enfin, au titre du nouvel article L.4644-1 du Code du travail, l’employeur devra
désigner, au plus tard le 1er juin 2012, « un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper
des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise ». Il est
également précisé que « le ou les salariés ainsi désignés par l'employeur, bénéficient à leur
demande, d'une formation en matière de santé au travail ». Cette nouvelle disposition du
Code du travail prend en considération la volonté exprimée au sein de l’article 7 de la
directive européenne du 12 juin 1989, selon lequel : « l’employeur désigne un ou plusieurs
travailleurs pour s’occuper des activités de protection et des activités de prévention des
risques professionnels de l’entreprise ». Favoriser les initiatives du salarié en matière de
santé au travail semble pertinent et ce texte représente, à notre sens, un apport dans la
mesure où c’est le salarié qui est le premier concerné par les risques professionnels, mais
également, le bénéficiaire des mesures mises en œuvre.
Au regard de l’ensemble de ces dispositions, il est possible de constater l’intention du
législateur d’inscrire la prévention, en matière de santé et de sécurité au travail, au cœur
d’une démarche globale et collective nécessitant la coordination de l’ensemble d’acteurs au
sein de l’entreprise. Dès lors, le fait d’inscrire explicitement les missions des services de
santé au travail et de faire référence à l’ensemble des « préventeurs » dans le Code du
travail représente un véritable intérêt.
Effectivement, selon Monsieur Lefranc, « avec la multiplication des risques, il faut
admettre que le médecin du travail ne puisse pas tout prévenir et doit aujourd’hui partager
avec d’autres professionnels de la santé au travail son champ d’intervention »252. Le fait
d’épauler le médecin du travail dans sa mission de prévention par l’intervention de divers
acteurs, ne peut qu’améliorer le suivi individuel des salariés. A notre sens, il ne convient pas
d’envisager la réforme du système de santé au travail comme la seule réponse à la
« pénurie » des médecins du travail, mais davantage comme la nécessité de répondre aux
besoins des salariés, en matière de santé au travail, par la mobilisation d’un ensemble de
compétences.
252 LEFRAND (G.), Rapport sur la proposition de loi, adoptée par le sénat relative à l’organisation de la médecine du travail, 15 juin 2011, N°3529, p.7.
97
Face à l’émergence de nouveaux risques professionnels, ainsi que nous avons eu
l’occasion de le démontrer, le fait que le médecin du travail puisse s’appuyer sur des
compétences autres que les siennes peut s’avérer réellement utile en matière de suivi
individuel. De plus, la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail,
renforce le suivi individuel de certaines catégories de travailleurs en mettant en place un
suivi spécifique253. La mise en œuvre d’un suivi ajusté au cas par cas, semble être un choix
judicieux. Néanmoins, il est difficile pour le moment d’avoir le recul nécessaire afin
d’examiner, dans la pratique, si ce suivi spécifique sera bénéfique, mais surtout réalisable,
compte tenu du contexte démographique actuel défavorable des médecins du travail.
La loi du 20 juillet 2011 apporte ainsi plusieurs solutions et perspectives
intéressantes, toutefois, il est possible de nuancer sa portée notamment en matière de suivi
individuel. Le rapport du Conseil Economique et Social254 formulait effectivement des
propositions qui n’ont pas été prises en considération au sein de cette réforme, concernant
par exemple, la mise en place d’un suivi individuel plus personnalisé, par le médecin du
travail, de l’ensemble des salariés. Ainsi, le rapport préconisait de laisser une plus grande
marge de manœuvre dans la détermination de la fréquence des examens médicaux, en
fonction de la situation personnelle du salarié et des risques professionnels auxquels il était
exposé. En outre, depuis plusieurs années, il est possible d’identifier plusieurs controverses
autour de la pertinence des notions d’aptitude et d’inaptitude médicale. Ainsi, il était par
exemple proposé de transformer la procédure d’aptitude systématique en une procédure
ciblée de prévention des inaptitudes255. Or, cette problématique n’est pas abordée au sein
de la loi du 20 juillet 2011, relative à l’organisation de la médecine du travail, ce qui peut
paraitre surprenant.
253 Article L.4625-1 et L4625-2 du Code du travail. 254 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, p.25. 255 GOSSELIN (H.), « Aptitude et inaptitude Médicale au travail: diagnostic et perspectives », Janvier 2007.
98
CONCLUSION
Depuis sa mise en place, le système français en matière de santé et de sécurité au
travail, se trouve en perpétuelle évolution et doit sans cesse s’adapter aux réalités du monde
du travail, afin de garantir une prévention efficace des risques professionnels au sein de
l’entreprise. D’abord ciblé sur une logique de réparation des risques professionnels, ce
système tend désormais à s’inscrire dans une véritable logique de prévention. Aujourd’hui
affirmée comme une valeur fondamentale, tant au niveau international, communautaire,
que national, la préservation de la santé et de la sécurité au travail « ne répond pas à un
phénomène de mode, mais correspond à une attente croissante de notre société et des
salariés »256. Afin de répondre à cette attente, il a été démontré que de véritables moyens
existent au sein de l’entreprise, notamment par la pluralité d’acteurs ayant vocation à
intervenir dans ce domaine. Plus particulièrement, il a été envisagé que le rôle du médecin
du travail, dans le cadre du suivi médical individuel des salariés, représentait un intérêt
majeur et s’avérait essentiel afin de contribuer à l’essor de la prévention. Effectivement, la
mise en œuvre des examens médicaux permet au médecin du travail, à la fois de tenir
compte des spécificités de chaque individu, mais également, d’acquérir une connaissance
globale des risques professionnels, ce qui représente un atout. Cette présente étude a
permis de mettre en évidence l’originalité et la richesse du système français et plus
particulièrement le fait qu’il est nécessaire de considérer l’approche collective et
individuelle, en matière de prévention, comme deux axes complémentaires. Cette analyse a
également été l’occasion de mettre en lumière, les difficultés auxquelles le médecin du
travail pouvait se trouver confronté, dans la mise en œuvre du suivi individuel des salariés,
notamment, compte tenu de l’évolution des relations de travail. En effet, les transformations
du travail, tant au niveau de son contenu, que de son organisation, conduisent à des
nouveaux enjeux en la matière, tels que par exemple, l’émergence des risques psychiques. A
cet égard, il a été examiné que le médecin du travail devait prendre en considération
l’ensemble de ces évolutions, afin d’adapter le suivi individuel et garantir l’effectivité de la
prévention, en matière de santé et de sécurité au travail.
256 COMBREXELLE (J-D), Quelques vérités simples sur la santé au travail, Dr.soc, Avril 2011 p.778.
99
Sur ce point, il a été démontré que malgré ces nouveaux enjeux et l’apparition de risques
professionnels parfois difficiles à appréhender, le médecin du travail disposait de différents
moyens afin d’optimiser le suivi individuel des salariés. A ce titre, il a été examiné que le
médecin du travail représente une réelle « force de proposition » au sein de l’entreprise et
que, par ses prérogatives, il contribue directement à l’objectif de prévention des risques
professionnels. En outre, cette étude a permis d’analyser les apports législatifs récents, en
matière de santé et de sécurité au travail, tels que par exemple, la consécration du dossier
médical en santé au travail, par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui
constitue également un outil indispensable garantissant l’efficacité du suivi. Enfin, il a été
envisagé les apports et les limites de la loi du 20 juillet relative à l’organisation de la
médecine du travail. Néanmoins, à notre sens, des questions restent en suspens et il est
notamment permis de s’interroger sur le fait de savoir si cette réforme permettra de pallier
les difficultés actuelles connues par le système français de santé au travail. Tel que le
soulignait le rapport du Conseil Economique et Social de 2008 relatif à l’avenir de la
médecine du travail, « notre assemblée considère que si la médecine du travail a un passé,
les médecins du travail ont un avenir, à condition de l’inscrire dans un cadre renouvelé,
dynamique et cohérent fédérant l’ensemble des acteurs de la santé au travail »257. Est-ce que
la loi du 20 juillet 2011 permet de répondre à cette attente ? Sans doute est-il trop
prématuré pour le dire. Quoiqu’il en soit, il convient néanmoins de rappeler que « s’il n’y a
de richesse que d’homme »258, alors préserver leur santé au travail doit demeurer une
priorité.
257 DELLACHERIE (C.), « L’avenir de la médecine du travail », Avis du Conseil Economique et Social, 2008, 90 p. 258 Jean Bodin.
100
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janvier 2011.
105
TABLE DES MATIERES :
SOMMAIRE
TABLE DES ABRIEVATIONS
INTRODUCTION : ..................................................................................................................................... 1
1. Approche préliminaire ........................................................................................................................ 1
a) Le travail une source de souffrance pour l'individu ? ......................................................................... 1
b) Approche globale du rôle du médecin du travail ................................................................................ 2
c) Les notions de santé et de sécurité au travail ..................................................................................... 3
2. Approche historique ........................................................................................................................... 5
a) Les prémices d'une réflexion en matière de santé au travail ............................................................. 5
b) La loi du 9 avril 1898 relative à la réparation des accidents du travail ............................................... 7
c) La loi du 11 octobre 1946 : l'institutionnalisation des services médicaux du travail .......................... 8
3. Approche évolutive............................................................................................................................. 9
a) L'impact des différentes réformes ...................................................................................................... 9
PARTIE 1 – LES ACTEURS DE LA PREVENTION EN MATIERE DE SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL :
............................................................................................................................................................... 12
TITRE 1 - La diversité des acteurs en matière de prévention des risques professionnels : ................ 13
Chapitre 1- Les obligations des parties au contrat de travail en tant que moyen contribuant à
l’essor de la prévention : ...................................................................................................................... 14
Section 1. Le rôle de l’employeur en tant qu’acteur central du dispositif : .......................................... 15
§1. La mise en œuvre de la prévention des risques professionnels : ................................................... 15
A. L’information et la formation des salariés : ..................................................................................... 16
B. Une démarche d’évaluation des risques : ......................................................................................... 16
§2. Une responsabilisation croissante de l’employeur en matière de prévention des risques
professionnels : ..................................................................................................................................... 17
A. L’extension du domaine de l’obligation de sécurité résultat : ........................................................... 17
106
B. Les effets de l’extension du domaine de l’obligation de sécurité-résultat : .................................... 18
§3. Les conséquences de l’extension du domaine de l’obligation de sécurité-résultat sur le rôle du
médecin du travail : ............................................................................................................................... 19
Section 2. Un principe de participation équilibrée avec le salarié : ...................................................... 21
§1. La mise en œuvre et les effets relatifs de l’obligation de sécurité du salarié : ............................... 21
§2. La nécessité d’impliquer le salarié en tant qu’acteur de la prévention : ........................................ 23
Chapitre 2- La santé et la sécurité au travail une préoccupation d’ordre collectif nécessitant la
coordination des acteurs : .................................................................................................................... 25
Section 1. Le rôle pivot du CHSCT en matière de santé et de sécurité au travail : ............................... 26
§1. Approche globale du rôle du CHSCT : .............................................................................................. 26
A. Les attributions du CHSCT en matière de santé et de sécurité au travail : ....................................... 26
B. Une instance permettant l’accès à la connaissance des risques professionnels : ............................. 28
§2. L’extension des attributions du CHSCT :.......................................................................................... 29
Section 2. Le développement d’une approche pluridisciplinaire : ........................................................ 31
§1. L’apport de compétences techniques et organisationnelles en matière de prévention : .............. 31
§2. Approche critique de la pluridisciplinarité : .................................................................................... 32
TITRE 2- Le rôle spécifique du médecin du travail en matière de prévention : ................................. 35
Chapitre 1- Le suivi médical individuel préventif des salariés par le médecin du travail : un
particularisme du dispositif français de prévention : ......................................................................... 37
Section 1. Approche comparative en matière de santé et de sécurité au travail: ................................ 37
§1. Le modèle britannique .................................................................................................................... 37
A. L’Health and Safety at Work Act: ...................................................................................................... 37
B. L’absence d’un suivi médical individuel par le médecin du travail au sein du système britannique :
…………………………….. ............................................................................................................................... 38
§2. Le modèle québécois : ..................................................................................................................... 40
Section 2. Le rôle exclusivement préventif du médecin du travail : ..................................................... 42
§1. Signification, justifications et difficultés : ........................................................................................ 43
§2. L’intérêt du suivi médical individuel préventif : .............................................................................. 44
Chapitre 2- La mise en œuvre du suivi individuel par le biais des examens médicaux : .................... 46
107
Section 1. Approche globale du suivi médical individuel: ..................................................................... 46
§1. La détermination de l’aptitude médicale du salarié en tant qu’objectif du suivi : ......................... 46
§2. Les différents examens médicaux prévus par les dispositions légales : .......................................... 49
§3. La distinction entre la surveillance médicale simple et la surveillance médicale renforcée : ........ 50
Section 2. L’exercice des examens médicaux par le médecin du travail:.............................................. 50
§1. Les visites médicales obligatoires : .................................................................................................. 51
A. La visite médicale d’embauche : ....................................................................................................... 51
B. Les visites médicales périodiques : .................................................................................................... 53
C. La visite médicale de reprise : ............................................................................................................ 53
§2. Les visites médicales facultatives : .................................................................................................. 54
A. La visite médicale de pré-reprise : ..................................................................................................... 54
B. Les visites médicales à la demande : ................................................................................................. 55
C. Les examens complémentaires : ........................................................................................................ 55
Section 3. Approche critique du suivi médical individuel : ................................................................... 56
PARTIE 2 : LA NECESSAIRE ADAPTATION DU DISPOSITIF DE PREVENTION AFIN DE GARANTIR
L’EFFECTIVITE DE LA SANTE ET DE SECURITE AU TRAVAIL : ................................................................ 59
TITRE 1- Le rôle du médecin du travail face aux nouveaux enjeux en matière de santé et de sécurité
au travail : ............................................................................................................................................. 61
Chapitre 1- L’impact des évolutions économiques et sociales sur le suivi individuel : ..................... 62
Section 1. Les transformations en matière d’emploi et la continuité du suivi : ................................... 63
§1. Le développement des formes atypiques d’emploi : ...................................................................... 63
§2. L’essor de la mobilité professionnelle : ........................................................................................... 66
Section 2. De nouveaux facteurs exigeants l’ajustement du suivi par le médecin du travail : ............. 67
§1. Le vieillissement de la population active : ....................................................................................... 67
§2. Les interactions entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié : ............................... 68
§3. L’intensification du travail : ............................................................................................................. 69
Chapitre 2- De la préservation de la santé physique à la santé psychique des salariés: ................... 70
Section 1. L’apport de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 : ........................................ 71
108
§1. L’évolution de la notion de santé au travail : .................................................................................. 71
§2. Les conséquences sur le rôle du médecin du travail : ..................................................................... 72
Section 2. La prévention des risques psychiques dans le cadre du suivi individuel : ............................ 73
§1. L’intérêt du suivi individuel dans la prévention des risques psychiques :....................................... 74
§2. La nécessité de mobiliser un ensemble de compétences face à la pathologie psychique : ........... 75
TITRE 2- L’existence de moyens en vue d’optimiser le suivi individuel : ............................................ 77
Chapitre 1- La prise en considération par l’employeur des propositions du médecin du travail : .... 78
Section 1. L’équilibre entre la préservation de la santé du salarié et la logique de maintien dans
l’emploi : ................................................................................................................................................ 78
§1. La motivation de l’avis médical : ..................................................................................................... 79
§2. Les mesures individuelles dans le cadre du reclassement : ............................................................ 80
§3. Une jurisprudence aux contours stricts : ......................................................................................... 81
Section 2. Le renforcement des prérogatives du médecin du travail par la loi du 20 juillet 2011: ...... 83
§1. L’article L.4624-3 du Code du travail : ............................................................................................. 83
A. Approche globale : ............................................................................................................................ 83
B. Approche analytique : ....................................................................................................................... 84
Chapitre 2- Les apports législatifs récents en matière de suivi individuel : ....................................... 87
Section 1. Le dossier médical en santé au travail : ................................................................................ 87
§1. La distinction entre le dossier médical en santé au travail et le dossier médical personnel : ........ 87
§2. Le DMST : un outil contribuant à la continuité du suivi individuel : ................................................ 89
A. Définition, objectifs, contenu : .......................................................................................................... 90
B. Approche analytique : ....................................................................................................................... 91
Section 2. Approche critique : entre apports et controverses : ............................................................ 93
§1. La volonté de réformer le système français de santé au travail : ................................................... 93
§2. Approche analytique : ..................................................................................................................... 95
CONCLUSION : ....................................................................................................................................... 98
BIBLIOGRAPHIE : .................................................................................................................................. 100
TABLE DES MATIERES: ......................................................................................................................... 105
109
ANNEXES: .................................................................................................................................................. I