le statut des victimes dans la justice … statut victime justice inernat.pdf · le statut de la...

12
LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE EMERGENTE par Jeanne SULZER Avocate au barreau de Paris Coordination du Groupe d’Action judiciaire de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme Il n'existe pas de parallélisme entre la reconnaissance progressive de la responsabilité pénale individuelle et celle du statut de victime. L’accès des victimes à la justice pénale internationale est récent : consacrée par le Statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998, cette avancée n’a pas été, depuis, transposée systématiquement dans les statuts des tribunaux internationaux dits de troisième génération comme par exemple le Tribunal spécial pour la sierra Léone ou les chambres extraordinaire pour le jugement des khmers rouges. Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit international s’est pendant longtemps désintéressé au sort des victimes. A Nuremberg, en 1945, où furent jugés certains criminels nazis, les victimes, simples témoins, ne pouvaient prétendre au droit à la réparation de leur préjudice. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977, prévoient qu’il y a lieu de sanctionner pénalement ceux qui violent les prescriptions mais ne prévoient pas le droit pour les victimes de provoquer des poursuites judiciaires contre les auteurs des violations, d’intervenir dans la procédure relative à la question de la culpabilité et d’obtenir réparation. Ce sont les conventions relatives aux droits de l’Homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention contre la torture de 1984 ou encore les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire de 1999, qui ont fait progresser l’idée que les victimes ont devant les juridictions nationales et internationales un droit individuel à l’indemnisation de leur préjudice 1 . 1 Au niveau international : CEDAW, CAT, CDH Système européen : Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 crée le mécanisme de pétition individuel contre l’Etat après avoir épuisé les voies de recours. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. © Editions A. Pédone Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. © Editions A. Pédone

Upload: dinhmien

Post on 11-Sep-2018

221 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE PENALE INTERNATIONALE EMERGENTE

par Jeanne SULZER

Avocate au barreau de Paris Coordination du Groupe d’Action judiciaire de la Fédération internationale

des ligues des droits de l’Homme

Il n'existe pas de parallélisme entre la reconnaissance progressive de la responsabilité pénale individuelle et celle du statut de victime. L’accès des victimes à la justice pénale internationale est récent : consacrée par le Statut de la Cour pénale internationale adopté le 17 juillet 1998, cette avancée n’a pas été, depuis, transposée systématiquement dans les statuts des tribunaux internationaux dits de troisième génération comme par exemple le Tribunal spécial pour la sierra Léone ou les chambres extraordinaire pour le jugement des khmers rouges.

Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile.

Le droit international s’est pendant longtemps désintéressé au sort des victimes. A Nuremberg, en 1945, où furent jugés certains criminels nazis, les victimes, simples témoins, ne pouvaient prétendre au droit à la réparation de leur préjudice. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux protocoles additionnels de 1977, prévoient qu’il y a lieu de sanctionner pénalement ceux qui violent les prescriptions mais ne prévoient pas le droit pour les victimes de provoquer des poursuites judiciaires contre les auteurs des violations, d’intervenir dans la procédure relative à la question de la culpabilité et d’obtenir réparation.

Ce sont les conventions relatives aux droits de l’Homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, la Convention contre la torture de 1984 ou encore les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire de 1999, qui ont fait progresser l’idée que les victimes ont devant les juridictions nationales et internationales un droit individuel à l’indemnisation de leur préjudice1. 1 Au niveau international : CEDAW, CAT, CDH Système européen : Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 crée le mécanisme de pétition individuel contre l’Etat après avoir épuisé les voies de recours.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 2: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

30

Quand les TPI ad hoc pour l’ex Yougoslavie et pour le Rwanda furent créés en 1993 et 1994, les victimes ont été quelque peu oubliées. Les rédacteurs du Statut du TPIR et du Règlement de procédure et de preuves ont consacré la philosophie procédurale anglo-saxonne (common law) qui consiste à penser que l’action pénale portée devant un tribunal international a pour objectif premier de réprimer un acte intentatoire à l’ordre public international et constitutif d’un crime. En d’autres termes, la victime ne peut être considérée qu’en sa qualité de témoin et la seule réparation possible est celle de la reconnaissance de l’existence d’un crime international et donc sa sanction.

Par exemple, la Règle 106 de procédures et de preuve du TPIR considère qu’il est du ressort des victimes, suite à un jugement définitif du Tribunal, d’ester en justice devant les juridictions nationales compétentes pour obtenir réparation de leur préjudice. La même règle stipule que le verdict du Tribunal doit, pour ce faire, expressément établir la responsabilité de l’accusé pour le préjudice subi par la victime. Or, ce système de renvoi devant les juridictions nationales est fastidieux et souvent inadéquat pour les victimes des crimes internationaux.

Ainsi, jusqu’à la CPI, la justice internationale se dédouane de toute réparation aux victimes, à l’exception de certains dédommagements prévus pour les témoins, pour donner compétence en la matière aux tribunaux nationaux concernés.

Système Inter américain : Dans le système interaméricain, seuls la Commission et les Etats parties ont la compétence de saisir la Cour, et la victime n’a pas le droit à une représentation indépendante dans la procédure devant celle-ci. Pour contourner ce vide juridique, une pratique s’est créée : la Commission interaméricaine joue le rôle de représentant de la victime auprès de la Cour. Mais cette posture est rendue délicate par l’obligation d’impartialité de la Commission devant la Cour. Pour remédier à ces incompatibilités, la Commission a, dans la pratique, autorisé les représentants des victimes à participer de manière active à tous les stades de la procédure devant la Cour. Formellement, cette participation se fait sous la supervision et la direction de la Commission, partie devant la Cour. De fortes voix s’élèvent pour transformer le système et admettre la participation directe des représentants des victimes devant la Cour interaméricaine, à l’instar de la Cour européenne. Système africain/Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples dont la Convention est entrée en, vigueur le 25 janvier 2004 et ratifiée par 19 Etats. Selon l’article 5.3. du protocole, “la Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux ONG dotées du statut d’observateur auprès de la Commission africaine d’introduire des requêtes directement devant elle”. Cette compétence n’est que facultative car soumise à la volonté préalable de l’Etat où les violations des droits de l’Homme sont présumées avoir été commises à savoir l’acceptation de la déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole autorisant une telle démarche. Au 1er janvier 2004, parmi les 15 premiers Etats ayant ratifié le Protocole, seul le Burkina Faso a fait une déclaration au titre de l’article 34.6. acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes des individus et des ONG ayant le statut d’observateur auprès de la Commission africaine. Notons que le droit de saisir la Cour n’est pas limité aux victimes directes de la violation. Contrairement à la Cour européenne, la faculté accordée aux individus et aux ONG de saisir la Cour africaine n’est pas limitée à la victime directe de la violation d’un droit de l’Homme. Si l’Etat responsable d’une violation a fait une déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole, la Cour peut être saisie par tout individu ou par toute ONG ayant le statut d’observateur auprès de la Commission, victimes ou non de la violation. Lorsque les requérants, victimes ou non, saisissent directement la Cour, ils acquièrent le statut de « partie » à la procédure, bénéficiant d’un rôle prépondérant dans le procès et des garanties de représentation et de protection énoncées dans le Protocole. Elles ont le droit de se faire représenter par le conseil juridique de leur choix (art. 10.2 du Protocole).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 3: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

REGARDS PLURIDISCIPLINAIRES SUR LES VICTIMES

31

I – LA CONSÉCRATION DU STATUT DE VICTIME DANS LE STATUT DE ROME DE LA CPI

Lors de la Conférence de Rome en juillet 1998 portant création du Statut de la Cour pénale internationale, institution permanente à vocation universelle compétente pour juger les personnes physiques présumées auteurs des crimes les plus graves – génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, les pays de tradition juridique continentale (civil law), notamment la France, ont porté en avant la question de la place de la victime devant cette nouvelle instance pénale internationale entrée en vigueur le 01 juillet 2002.

Le Règlement de procédure et de preuves (RPP) et autres textes supplétifs au Statut de Rome préparés pendant les dix sessions de la Commission préparatoire pour la CPI et adoptés lors de la première Assemblée des Etats Parties en septembre 2002 permettent non seulement une protection accrue des victimes mais aussi leur représentation dans la procédure judiciaire et un droit à réparation. En outre il faut désormais se tourner vers le Règlement de la CPI adopté par les 18 juges de la Cour il y a quelques mois ainsi que le Règlement du Greffe.

Les dispositions novatrices de la Cour pour les victimes prennent en compte la majorité des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l’Homme et du droit international humanitaire présentés en 1999 par le Rapporteur Cherif Bassiouni devant la Commission des droits de l’Homme des Nations unies. Elles se basent sur un système juridique mixte entre le droit anglo-saxon et le droit continental et répondent en partie aux critiques émises par les associations de victimes à l’encontre du TPIR mais aussi du TPIY.

Ces dispositions concernent la définition de la victime, la saisine, la protection, la participation, la représentation et la réparation :

Alimentation des enquêtes – Si le Procureur des TPI est seul compétent pour saisir le tribunal d’une affaire, la CPI permet au Procureur (art. 15.2) d’ouvrir une enquête sur des informations reçues par des victimes ou associations de victimes et prévoit la possibilité pour les victimes non seulement d’adresser des représentations mais aussi d’intervenir dans les débats à la Chambre préliminaire, organe chargé de statuer sur la compétence de la Cour et l’opportunité des poursuites. Cette faculté nouvelle offerte aux victimes ne permet pas l’ouverture automatique de l’action publique, mais c’est est une révolution procédurale par rapport à la tradition de common law qui régit les tribunaux ad hoc.

En 2006, le Procureur avait ainsi reçu plus de 1000 communications provenant d’organisations et d’individus d’au moins 85 pays. Les ONG peuvent ainsi insister sur la gravité de telle ou telle situation et chercher à obtenir une suite judiciaire à leurs dénonciations.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 4: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

32

Qui sont les victimes ? - Contrairement à la définition étroite de la « victime » proposée par les deux Tribunaux pénaux internationaux ad hoc, la règle 85 du Règlement de procédure et de preuve définit les victimes, comme « toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d'un crime relevant de la compétence de la Cour », et ajoute : « Le terme victime peut aussi s'entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion, l'enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct ».

Protection – Concernant la protection des victimes-témoins, la CPI est également novatrice en droit international pénal tant durant la phase de l’enquête que durant celle de la procédure. La section de protection des témoins et victimes est chargée de donner des avis mais aussi de fournir une assistance effective, notamment en matière de gestion des traumatismes. Ce droit à la protection ne concerne pas uniquement les victimes mais couvre aussi d’autres personnes, comme par exemple les membres de la famille. Il est également prévu que des audiences peuvent être tenues à huis clos dans l’intérêt des victimes, ceci dans le respect du droit de l’accusé à un procès équitable. L’identité de certains témoins peut être écartée du dossier. Soulignons que les témoins peuvent aussi introduire une demande de protection, y compris une demande d’anonymat.

Tous les organes de la CPI ont l'obligation de protéger les victimes et les témoins. « La Cour prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins (...) Le Procureur prend ces mesures en particulier au stade de l'enquête et des poursuites ». La CPI doit ainsi élaborer des programmes à court et long terme qui permettront une protection efficace des victimes et des témoins. Elle doit garantir leur accès à la Cour et assurer les moyens de leur coopération.

A défaut, les victimes et les témoins ne pourront contribuer aux enquêtes et aux poursuites, et les victimes ne pourront utiliser leur droit à participation et réparation. L'absence de protection telle que prévue par le Statut de Rome saperait ainsi l'une des avancées majeures de ce texte et nuirait gravement à la crédibilité de la Cour et à l'efficacité de ses enquêtes.

Dès lors, la participation effective des victimes sera possible à deux conditions : qu'elles soient effectivement informées de leurs droits et qu'elles soient justement représentées.

Notification - Les victimes, en particulier celles vivant dans des zones rurales, n'auront souvent pas connaissance de leur droit à participer. Certaines pourraient également craindre d'apparaître devant la Cour, si elles ne connaissent pas les conditions précises de leur participation. Elles ne parleront pour la plupart aucune des langues de la Cour et parfois ne sauront pas écrire. Chargée d'organiser la participation des victimes devant la Cour, la Section de la participation des victimes et des réparations devra nécessairement développer un très important travail de terrain. Elle devra informer précisément les victimes de

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 5: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

REGARDS PLURIDISCIPLINAIRES SUR LES VICTIMES

33

leurs droits et leur expliquer les conséquences, les modalités et les limites de cette participation, afin d'éviter de créer de faux espoirs.

Participation – Le Statut de la CPI consacre le droit de participer aux procédures : (art.68.3) Plus que des témoins du Procureur, les victimes devant la CPI participent à la procédure au fond, comme le stipule manifestement l’Article 68 du Statut intitulé « Protection et participation au procès des victimes et des témoins ». Son alinéa 3 dispose que « Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu'elle estime appropriés et d'une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d'un procès équitable et impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes lorsque la Cour l'estime approprié, conformément au Règlement de procédure et de preuve ».

Cependant la participation des victimes ne sera efficace qu’à deux conditions : que les victimes soient suffisamment informées de leur droit de participer et qu’elles soient représentées de manière adéquate. La section sur la participation et la réparation des victimes au sein du Greffe est chargée d’élaborer et de mettre en œuvre des campagnes publiques d’information et de réparation et d’organiser la représentation des victimes. Cette Unité a produit un formulaire standard afin qu’il soit plus aisé pour les victimes de remplir leur demande de participation et a rédigé une brochure d’information à leur attention. Les attentes sont cependant très grandes et les contraintes nombreuses. Peu de victimes du nord de l’Ouganda ou de la région de l’Ituri ont connaissance de la CPI et de leur droit de participer. Peu auront accès au formulaire standard de candidature ou seront en mesure de le remplir. Or, si une collaboration doit être établie entre la CPI et les ONG nationales et internationales afin de faciliter la transmission de ce type de documents, il n’est pas raisonnable de se reposer uniquement sur la société civile dont les représentants, par leur engagement sur le terrain, risquent souvent les même type de représailles que les victimes souhaitant participer.

Représentation légale - Pour faciliter leur participation, les victimes sont libres de choisir un représentant de leur choix. Lorsque les victimes sont nombreuses, la chambre concernée peut leur demander de choisir un représentant légal commun. Le greffier peut leur communiquer une liste de représentants légaux et aider les victimes à en choisir un en prenant leurs intérêts en compte. Les victimes peuvent également recevoir une assistance financière du Greffe. La Chambre décidera des modalités d’une telle représentation légale.

La Cour a créé le Bureau de Conseil public pour les victimes, composé d’avocats « internes », disponibles dès la première phase, principalement chargés d’assister les représentants légaux, mais aussi de représenter les victimes sur certaines questions spécifiques.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 6: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

34

Le représentant légal des victimes garantira souvent exclusivement leur participation aux procédures. Si les victimes sont nombreuses, la Chambre pourra leur demander de choisir un représentant commun.

Au terme de la règle 90.5 du Règlement de procédure et de preuve, les victimes peuvent recevoir une assistance financière du Greffe si elles n'ont pas les moyens de rémunérer leur représentant légal commun désigné par lui.

Réparation – Contrairement aux tribunaux ad hoc, la Statut de la CPI et le RPP prévoient un véritable système de réparation pour les victimes. L’article 75.2 du Statut stipule que « la Cour peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant la réparation qu'il convient d'accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Cette réparation peut prendre notamment la forme de la restitution, de l'indemnisation ou de la réhabilitation ». « Le cas échéant, la Cour peut décider que l'indemnité accordée à titre de réparation est versée par l'intermédiaire du Fonds visé à l'article 79 ». La Cour peut donc elle-même estimer le dommage à réparer, sans même qu’une demande spécifique soit formulée.

Le Fonds aura un double rôle : il sera d'abord un instrument à la disposition de la CPI pour exécuter les ordonnances de réparation et les mesures de confiscation et d'amendes décidées par la Cour. Le Fonds utilisera ensuite, de manière autonome, ses propres ressources versées par l'Assemblée des Etats Parties (ASP) mais aussi les ressources provenant des contributions volontaires des pays, des organisations internationales, non-gouvernementales et des particuliers. A l'image d'autres Fonds comme celui des Nations unies pour les victimes de torture et par souci d'économie, il a été décidé de confier au Greffe le Secrétariat du Fonds et à un organe subsidiaire placé sous la responsabilité de l'ASP (le Conseil de direction) la gestion du Fonds. Le Conseil de direction se compose de Sa Majesté la Reine Rania Al-Abdullah de Jordanie, de Son Excellence Monsieur Tadeusz Mazowiecki (Pologne), de Madame le Ministre Simone Veil (France) et de son Éminence l’archevêque Desmond Tutu (Afrique du Sud), qui représentent chacun leur groupe régional. Le Dr. Oscar Arias Sánchez, membre du Conseil de direction et représentant les pays d'Amérique Latine et des Caraïbes, a présenté sa démission au mois de septembre 2005. Le 16 mai 2006, M. Arthur Napoleon Raymond Robinson (Trinité-et-Tobago) a été élu par consensus afin de pourvoir le siège vacant.

Le Statut de la CPI distingue donc bien le statut de victime de celui de témoin. Les victimes deviennent des acteurs, des sujets de droit de la justice pénale internationale. Cette évolution juridique est essentielle pour la crédibilité de la CPI. Si l’établissement des responsabilités intéresse la communauté internationale, la justice doit être rendue pour le bien des victimes. L’expression de leurs préoccupations et de leurs attentes doit contribuer à façonner une justice internationale plus étroitement connectée aux terrains qu’elle explorera et mieux acceptée par ceux qui auront souffert des crimes dont elle connaîtra.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 7: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

REGARDS PLURIDISCIPLINAIRES SUR LES VICTIMES

35

II – L’IMPORTANCE DE L’ACCÈS DES VICTIMES DANS LA MISE EN ŒUVRE DU MÉCANISME DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE

S’agissant de l’accès des victimes à la justice pour les crimes internationaux on note un double constat : reconnaissance progressive du droit des victimes devant les juridictions pénales internationales (CPI), mais parallèlement une tendance des Etats à limiter l’accès des victimes se prévalant du mécanisme de compétence universelle devant les juridictions nationales.

Il aura fallu une prise de conscience des victimes et des ONG pour que le mécanisme de compétence universelle sorte du débat d'idées pour devenir un instrument au service de la lutte contre l'impunité. Force est de constater que l'application du mécanisme de compétence universelle est - dans la quasi-majorité voire la majorité des cas - conditionnée aux démarches pro-actives des victimes et des organisations non gouvernementales qui les soutiennent. C'est la raison pour laquelle on constate que le mécanisme de compétence universelle est utilisé là où les victimes ou les associations2 ont un accès direct à la justice.

Ainsi les Etats disposant du mécanisme de constitution de partie civile reçoivent nettement plus de plaintes fondées sur le principe de compétence universelle. C'est vrai en Belgique, en France, en Suisse, au Sénégal ou encore en Espagne. C'est enfin vrai aux Etats-Unis, mais devant les juridictions civiles. Pourtant, la mise en œuvre de la compétence universelle ne doit pas dépendre des seules victimes. En France, on note cependant une volonté de l'Etat de dresser des obstacles aux plaintes avec constitution de parties civiles basées sur le principe de compétence universelle. Le plus souvent, le Parquet n’applique pas de sa propre initiative le mécanisme de compétence universelle et cherche à faire peser sur les victimes des obligations qui pourtant lui sont propres.

Les parquets ne font pas de zèle en matière d’infractions internationales, par conséquent, le rôle des parties civiles est fondamental. En France, la constitution de partie civile est effectivement garantie par les règles ordinaires du code de procédure pénale et elle est même permise plus particulièrement par les lois de 1995 et de 1996 relatives aux infractions relevant de la compétence des tribunaux de La Haye et d’Arusha. Il conviendrait donc de la permettre également lorsque les juridictions françaises seraient saisies sur la base de la compétence universelle de plaintes concernant les crimes des articles 5 à 8 de la Convention de Rome. En effet, s’agissant des infractions qui relèvent matériellement de la compétence de la CPI : les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre 2 En France, les associations peuvent se prévaloir parties civiles si elles sont pourvues de la personnalité morale. En vertu de l’article 2-4 du code de procédure pénale, une association « régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans qui se propose, par ses statuts, de combattre les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ou de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ». La FIDH, par exemple, est une organisation répondant aux conditions établies par la loi pour se constituer partie civile. Créée en 1922, ses statuts disposent expressément que son mandat inclut la lutte contre l’impunité. Ainsi la FIDH s’est constituée partie civile dans de nombreuses affaires, notamment Ely Ould Dah, Aussaresses, Hissène Habré, les disparus du Beach.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 8: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

36

l’humanité, il n’y a de compétence universelle que si ces infractions ont été commises dans le cadre des événements du Rwanda ou de la Yougoslavie. Pourtant, il existe toutes sortes de raisons d’instituer un principe de compétence universelle. On trouve notamment ces raisons dans l’économie du système de complémentarité mis en place par le Statut de la CPI, qui vise à mettre fin à l’impunité des crimes qui relèvent de la compétence de la CPI.

Dans le même sens, il est intéressant d’analyser les conclusions du rapport de la mission Magendie sur la Célérité et la Qualité de la justice de juin 2004 qui visait à proposer des solutions concrètes pour parer à la lenteur de la justice en France. L’un des arguments avancé dans le rapport est la difficulté de gestion au quotidien des constitutions de partie civile toujours plus nombreuses mais pas toujours fondées en droit. Avant de discuter des mesures envisageables, le rapport rappelle que :

« pour cantonner les plaintes avec constitution de partie civile, il apparaît essentiel de rappeler qu’elles ne doivent pas aboutir à priver la victime de l’accès au juge pénal. Le souci de célérité, pour respectable qu’il soit, ne saurait poursuivre cet objectif (…) Pour reprendre les termes d’une ordonnance du premier président de la cour d’appel de Poitiers du 9 septembre 1880, “il faut garantir les droits des citoyens contre les refus de poursuivre, qui pourraient dans certains cas constituer un véritable déni de justice (…) L’irritation, légitime, suscitée par les constitutions de partie civile abusives ne doit pas faire oublier celles, nombreuses, qui ne le sont pas. Chacun a présent à l’esprit les procès récents pour crimes contre l’humanité tenus à l’issue d’informations ouvertes sur plaintes avec constitution de partie civile »3 (nous soulignons).

Après avoir rappelé ces principes, la Mission Magendie propose d’affirmer le caractère subsidiaire de la mise en mouvement de l’action publique par la personne lésée en subordonnant la recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile à une décision de classement sans suite prise expressément ou implicitement par le Procureur de la République.

Or, l'utilisation récente du principe de compétence universelle est le fruit d'un double constat de la part des victimes des crimes les plus graves et des organisations de défense des droits de l'Homme : l'incapacité ou la défaillance des Etats dans la lutte contre l'impunité au niveau national et la prise de conscience progressive que les victimes pouvaient forcer la main de la justice en portant plainte et en mettant les Etats face à leurs obligations internationales.

Les victimes peuvent donc outrepasser les Ministères publics frileux en déclenchant, seules, des actions judiciaires. La nouveauté réside dans l'utilisation de ces prérogatives dans le cadre de l'application du mécanisme de compétence universelle.

3 Mission Magendie - Célérité et qualité de la justice, La gestion du temps dans le procès - Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice - 15 juin 2004, p. 115

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 9: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

REGARDS PLURIDISCIPLINAIRES SUR LES VICTIMES

37

III – ACCOMPAGNEMENT JURIDIQUE ET JUDICIAIRE DES VICTIMES : L’EXEMPLE DU GROUPE D’ACTION JUDICIAIRE DE LA FÉDÉRATION

INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME

Le Groupe d’Action Judiciaire de la FIDH s’inscrit dans la lutte menée par la FIDH depuis sa création contre l’impunité des auteurs de crimes de torture. Le GAJ s’applique à ce que les victimes aient le droit et l’accès à un procès juste, indépendant et équitable, qu’elles soient rétablies dans leurs droits et qu’elles puissent bénéficier de mesures de réparation.

Ainsi et par exemple, il y a près d’un an, le 1er. Juillet 2005, la Cour d’assises du Gard rendait un arrêt de condamnation contre Monsieur Ely Ould Dah, ressortissant mauritanien pour crimes de tortures ou actes de barbarie commis sur cinq victimes mauritaniennes en Mauritanie en 1990 et 1991. Statuant in abstentia – suite à la fuite de Ely Ould Dah – la Cour d’assises constatait en outre qu’un mandat d’arrêt international avait été émis le 6 avril 2005 et ordonnait au Procureur général près de la Cour d’Appel de Nîmes d’exécuter cette décision. Statuant sur l’action civile le même jour, la Cour d’assises a condamné l’accusé à payer aux requérants la somme de 15.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts. Cet arrêt crée un précédent historique en matière de compétence universelle et marque ainsi un tournant non pas seulement pour les victimes mauritaniennes mais aussi pour toutes les victimes du monde entier.

Cette condamnation faisait suite à la plainte déposée le 4 juin 1999 par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) à l’encontre de M. Ould Dah auprès du Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Montpellier sur la base du principe de compétence universelle énoncé par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (New York, 10 décembre 1984), ratifiée et intégrée dans le code de procédure pénale français aux articles 689 et suivants.

Depuis et sur le même fondement les avocats du Groupe d’action judiciaire de la FIDH accompagnent de nombreuses victimes devant les juridictions nationales. Ainsi le GAJ de la FIDH a initié ou soutenu de nombreuses poursuites sur le fondement du principe de compétence extra territoriale :

Devant les juridictions françaises dans l’affaire dite des Disparus du Beach les victimes représentées par le GAJ de la FIDH, parties civiles dans cette affaire ont toutes miraculeusement échappé à des exécutions sommaires systématiques, précédées de séances de tortures physiques et morales lors de la traversée du fleuve Congo en 1999. Déposée en décembre 2001, la plainte des victimes congolaises pour les faits commis au Beach de Brazzaville en 1999 a connu d’importantes victoires au cours de l’année 2003 notamment lorsqu’un mandat d’arrêt international à été délivré à l’encontre de Norbert Dabira, inspecteur général des armées visé dans la plainte et présent en France. La FIDH a également permis aux victimes constituées parties civiles

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 10: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

38

devant les juridictions françaises de suivre la procédure engagée à Brazzaville contre 15 hauts responsables congolais, en organisant une mission d'observation judiciaire durant l'été 2005. Elle a permis de mettre en lumière la mascarade de procès qui s'est clôt par un acquittement pur et simple de tous les accusés par la chambre criminelle de la Cour d'appel de Brazzaville le 17 août 2005.

Devant les juridictions sénégalaises et belges contre Hissène Habre qui entre 1982 et 1990 exerçait les plus hautes fonctions exécutives de l’Etat du Tchad. Il a créé et personnellement veillé au fonctionnement de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), responsable de nombreuses violations des droits de l’Homme et en particulier d’actes de torture. Suite à la plainte déposée en novembre 2000 par treize victimes de nationalité tchadienne et naturalisées belges devant le juge d’instruction de Bruxelles contre l’ex-président tchadien Hissène Habré un mandat d'arrêt international a été délivré contre Hissène Habré par le juge d'instruction bruxellois le 19 septembre 2005 accompagné de la demande officielle d'extradition adressée au Sénégal. L'arrestation qui a suivie de Hissène Habré par le Sénégal le 15 novembre 2005 a donné lieu à la décision de la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar du 25 novembre 2005 se déclarant incompétente pour connaître de la demande d'extradition de Hissène Habré formulée par la Belgique. Aujourd’hui, les victimes sont dans l’attente de la mise en application d’une décision de l'Union Africaine qui en juin 2006 a décidé qu’il incombait au Sénégal de juger l’ancien dictateur tchadien.

Devant les juridictions française dans l’affaire des milices de Rélizane (Algérie), contre deux frères, respectivement premier adjoint du président de la Délégation Exécutive Communale (DEC) de Rélizane et Président de la DEC de H’madna, poursuivis pour avoir durant la période 1994 à 1997 semé la terreur parmi la population civile et s’être livré à de nombreuses exactions.

Devant les juridictions françaises contre Khaled Ben Said, reconnu par une victime de nationalité tunisienne comme étant son tortionnaire alors qu’il était en poste sur le territoire français comme vice-consul de Tunisie à Strasbourg avant de prendre la fuite pour trouver refuge en Tunisie.

Devant les juridictions françaises contre l’ex général chilien Augusto Pinochet pour la disparition de cinq français pendant la dictature militaire chilienne et les ayants droits de Monsieur Enrique Ropert Contreras, de nationalité française.

Devant les juridictions françaises contre les personnes ayant participé aux faits d'arrestation et détention arbitraires, tortures et mauvais traitements dont a été victime une personne de nationalité franco-libanaise en Syrie.

Entre 2000 et 2002, la FIDH a porté plainte en se constituant partie civile contre plusieurs ressortissants rwandais soupçonnés d’avoir participé au génocide perpétré au Rwanda en 1994. Les recherches effectuées par les services de police ont confirmé la présence de nombre de ces personnes sur

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 11: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

REGARDS PLURIDISCIPLINAIRES SUR LES VICTIMES

39

le territoire français. La plupart des instructions ouvertes en France à l’encontre de rwandais résidents sur le territoire sont désormais regroupées entre les mains de deux juges d’instruction parisiens.

Parallèlement le GAJ de la FIDH s’est investi dans l’accompagnement des victimes devant la CPI. Ainsi et dès sa prise de fonction en 2003, le Procureur de la Cour pénale internationale a reçu de nombreuses communications - y compris de la part de la FIDH - sur la situation en République Démocratique du Congo. Après avoir été saisi par l'Etat de RDC, le 19 avril 2004, de la situation sur l’ensemble de son territoire depuis le 1er juillet 2002, le Procureur de la CPI a annoncé l'ouverture de sa première enquête, le 23 juin 2005. Grâce à la coopération des ligues et partenaires de la FIDH en RDC, de nombreux témoignages ont été recueillis et transmis au Bureau du Procureur pour contribuer à son enquête. Des demandes de participation ont également été recueillies; les victimes mandatant un avocat du GAJ de la FIDH comme représentant légal et la FIDH pour transmettre leurs demandes de participation à la Cour. La FIDH a ainsi transmis six premières demandes de participation à la Chambre préliminaire I le 26 mai 2005.

Dans une décision historique rendue le 17 janvier 2006, la Chambre préliminaire I de la CPI octroie pour la première fois le statut de victimes à six demandeurs, leur permettant ainsi de participer à la procédure au stade de l’enquête dans la situation en RDC4. La Chambre estime que l’article 68.3 du Statut de la Cour s’applique dès le stade de l’enquête dans la situation, et qu’en l’espèce les « intérêts personnels » des victimes sont effectivement concernés. Elle pose ainsi le principe de la participation des victimes au stade de l'enquête dans la situation (par opposition au stade postérieure de l’affaire), soit avant la délivrance d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître5. La Chambre autorise les victimes participantes à présenter leurs vues et préoccupations ; déposer des pièces et demander à la Chambre préliminaire d’ordonner des mesures spécifiques.

La décision du 17 juillet est aussi importante en ce qu’elle confirme le rôle des ONG dans la transmission des demandes de participation. Rejetant l’argument de la Défense, la Chambre interprète le terme « personne » de la règle 89.3 du Règlement de procédure et de preuve comme s'appliquant aux personnes morales, y compris donc des ONG (par.104). Celles-ci peuvent donc introduire des demandes de participation des victimes, comme l'a fait la FIDH en l'espèce en mai 2005, lorsqu’elle a, dûment mandatée, transmis au Greffe de la Cour lesdites six demandes de participation de victimes congolaises qu'elle a recueillies au Greffe de la Cour.

4 http://www.icc-cpi.int/library/cases/ICC-01-04-101_French.pdf 5 Pour une analyse de la décision voir Karine Bonneau, « Six victimes congolaises autorisées à participer à la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI), dès le stade de l’enquête », Bulletin du Groupe de travail pour le droit des victimes N°5/Février 2006 http://www.vrwg.org /Publications/04/FR05.pdf

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone

Page 12: LE STATUT DES VICTIMES DANS LA JUSTICE … statut victime justice inernat.pdf · Le statut de la victime dans la justice pénale internationale émergente est donc fragile. Le droit

PRINCIPES ET PROBLEMES DE POLITIQUE CRIMINELLE

40

Il s’agit d’une décision majeure qui fonde le droit des victimes à participer aux procédures devant la CPI et qui les éloigne définitivement de leur simple rôle de témoins.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 91

.178

.255

.179

- 1

7/11

/201

6 12

h48.

© E

ditio

ns A

. Péd

one

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 91.178.255.179 - 17/11/2016 12h48. ©

Editions A

. Pédone