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IDENTIFICATION DES UNITES ECO-PAYSAGERES DE LA REGION CENTRE Le socle régional INSTITUT D’ECOLOGIE APPLIQUEE :: AGENCE VIOLA THOMASSEN PAYSAGISTES 1 LE SOCLE RÉGIONAL : les fondements de l’identité du Centre 1. La géographie Le Centre est une «région patchwork», dont le nom même témoigne de la difficulté à lui définir une identité. Sous l’in- fluence de la région parisienne au Nord, jouxtant la Bourgogne à l’Est et le Poitou à l’Ouest, il se compose de paysages agraires de bassin sédimentaire, faisant alterner plaines de cultures, bocages, forêts tempérées et gâtines structurés par une armature de villes moyennes sans métropole importante. 1.1 La géologie La Région Centre couvre la partie Sud-Est du Bassin Parisien. Son sous-sol est donc presque intégralement sédimentaire, et, bien qu’adossé au Massif Central, le Centre lui est en fait étranger, puisqu’il n’effleure le socle qu’aux lisières méridionales du Berry. Le cours de la Loire partage la région en deux entités sédimentaires : les plateaux et cuvettes du Centre et du Nord, et les régions de cuestas du Sud-Est. L’ensemble de la région se caractérise par un relief peu affirmé, les reliefs les plus marqués se situent dans le Perche, le Sancerrois et le Pays Fort, et le Sud de l’Indre et du cher (la Marche). Les grandes unités naturelles de la région doivent leur identité : - à la nature des terrains de surface et à leur comporte- ment vis-à-vis de l’érosion, - aux mouvements, déformations et cassures de l’écorce terrestre, - aux systèmes hydrographiques et en particulier à l’his- toire de la Loire, - à l’importance des dépôts des limons de plateaux au Quaternaire. L’ensemble des auréoles sédimentaires s’appuie sur le socle cristallin, lequel affleure dans le Sud des dépar- tements de l’Indre et du Cher (gneiss, micaschiste, gra- nulite…). Ces dépôts sédimentaires débutent avec les marnes et grès du Trias supérieur. Puis succéderont, au cours de l’aire secondaire, différents niveaux du Jurassique (marnes du Lias puis calcaires plus ou moins durs résul- tant d’une sédimentation marine), et du Crétacé (Céno- manien - Albien). Ce dernier étage ceinture presque totalement la région, du Gâtinais de l’Est au Perche, en passant par les Gâ- tines et la Touraine. À ces phases de sédimentation succéderont de longues périodes durant lesquelles les matériaux géologiques affleurants seront soumis à l’altération sous des climats variés, à l’érosion, à des déformations. Des argiles plus ou moins caillouteuses se forment à la surface des cal- caires tendres. Des dépressions qui seront remplies de matériaux détritiques descendus du Massif central se creusent. C’est d’abord la cuvette de la Brenne qui est concernée à l’Eocène moyen (Bartonien). Plus tard au Miocène (Burdigalien) la Sologne et l’Orléanais se for- meront de la même manière. Entretemps un vaste lac s’est formé à l’emplacement de la Beauce, sous un climat chaud ses eaux fluctuantes Structure et relief de la région La France dans ses régions, A. Gamblin, SEDES, 2000

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IDENTIFICATION DES UNITES ECO-PAYSAGERES DE LA REGION CENTRELe socle régional

INSTITUT D’ECOLOGIE APPLIQUEE :: AGENCE VIOLA THOMASSEN PAYSAGISTES 1

LE SOCLE RÉGIONAL : les fondements de l’identité du Centre

1. La géographie

Le Centre est une «région patchwork», dont le nom même témoigne de la difficulté à lui définir une identité. Sous l’in-fluence de la région parisienne au Nord, jouxtant la Bourgogne à l’Est et le Poitou à l’Ouest, il se compose de paysages agraires de bassin sédimentaire, faisant alterner plaines de cultures, bocages, forêts tempérées et gâtines structurés par une armature de villes moyennes sans métropole importante.

1.1 La géologie

La Région Centre couvre la partie Sud-Est du Bassin Parisien. Son sous-sol est donc presque intégralement sédimentaire, et, bien qu’adossé au Massif Central, le Centre lui est en fait étranger, puisqu’il n’effleure le socle qu’aux lisières méridionales du Berry.

Le cours de la Loire partage la région en deux entités sédimentaires : les plateaux et cuvettes du Centre et du Nord, et les régions de cuestas du Sud-Est.

L’ensemble de la région se caractérise par un relief peu affirmé, les reliefs les plus marqués se situent dans le Perche, le Sancerrois et le Pays Fort, et le Sud de l’Indre et du cher (la Marche).

Les grandes unités naturelles de la région doivent leur identité :

- à la nature des terrains de surface et à leur comporte-ment vis-à-vis de l’érosion,- aux mouvements, déformations et cassures de l’écorce terrestre,- aux systèmes hydrographiques et en particulier à l’his-toire de la Loire,- à l’importance des dépôts des limons de plateaux au Quaternaire.

L’ensemble des auréoles sédimentaires s’appuie sur le socle cristallin, lequel affleure dans le Sud des dépar-tements de l’Indre et du Cher (gneiss, micaschiste, gra-nulite…).

Ces dépôts sédimentaires débutent avec les marnes et grès du Trias supérieur. Puis succéderont, au cours de l’aire secondaire, différents niveaux du Jurassique (marnes du Lias puis calcaires plus ou moins durs résul-tant d’une sédimentation marine), et du Crétacé (Céno-manien - Albien). Ce dernier étage ceinture presque totalement la région, du Gâtinais de l’Est au Perche, en passant par les Gâ-tines et la Touraine.

À ces phases de sédimentation succéderont de longues périodes durant lesquelles les matériaux géologiques affleurants seront soumis à l’altération sous des climats variés, à l’érosion, à des déformations. Des argiles plus ou moins caillouteuses se forment à la surface des cal-caires tendres. Des dépressions qui seront remplies de matériaux détritiques descendus du Massif central se creusent. C’est d’abord la cuvette de la Brenne qui est concernée à l’Eocène moyen (Bartonien). Plus tard au Miocène (Burdigalien) la Sologne et l’Orléanais se for-meront de la même manière. Entretemps un vaste lac s’est formé à l’emplacement de la Beauce, sous un climat chaud ses eaux fluctuantes

Structure et relief de la régionLa France dans ses régions, A. Gamblin, SEDES, 2000

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chargées en sels minéraux déposent des calcaires (Aquitanien).Au milieu du Miocène (Helvétien), vers -16 millions d’an-nées, une mer peu profonde (mer des faluns) formant un vaste golfe de la Vendée à l’Orléanais (en passant par les Pays-de-la-Loire et la Touraine) capte et détourne la Loire qui s’écoulait alors vers le Nord et la Seine. C’est un épisode majeur pour notre région désormais reliée à l’océan par un réseau hydrographique important, lequel va largement influencer son climat.Au Quaternaire, des épisodes successivement froids et chauds participeront à l’évolution des matériaux géo-logiques de surface. L’apport, parfois en épaisseurs importantes de limons éoliens, contribuera à la forma-tion des « limons des plateaux » présents dans presque toute la région. Les cours d’eau remanieront souvent les formations superficielles et remettront à jour des sédi-ments plus anciens

1.2 La topographie

La région est pour l’essentiel formée de plateaux dont les altitudes sont le plus souvent inférieures à 200 m. Trois hauteurs se distinguent toutefois : le rebord Sud, au niveau de la Marche et du Boischaut, le Pays-Fort à l’Est et le Perche au Nord-Ouest.

Les autres variantes topographiques un peu accentuées sont dues à la présence de cuestas ou de vallées, voire à la combinaison des deux.Les reliefs de cuesta avec leur alternance de strates dures et tendres sont pratiquement limités au Berry et au Perche.

La côte du Crétacé est nettement marquée au pied du Pays Fort où, combinée avec un système de failles complexes, elle détermine un relief particulier. Elle se manifeste également notablement au niveau de Palluau-sur- Indre où intervient également une faille. Puis elle disparaît sous la Brenne pour réapparaître au Nord du Blancois.

La cuesta jurassique s’avère topographiquement moins marquée, sauf à la rencontre des vallées et en parti-culier de celle du Cher, au pied de la butte des Bois de Meillant. La rivière bute ici sur le relief avant de pénétrer dans la Champagne par une sorte de défilé. Par contre, la dépression des roches tendres qui précède cette côte s’avère beaucoup plus importante ici qu’au pied du Cré-tacé: c’est le Boischaut.

La cuesta percheronne (Cénomanien) se caractérise par une succession de couches perméables (les sables du Perche), et peu perméables (des calcaires durs et des marnes). Elle est à l’origine de multiples sources et suin-tements aux eaux acides qui permettent sous un climat frais la présence de milieux marécageux et tourbeux.

Nous avons déjà signalé les reliefs des coteaux du Cher près de Saint-Amand-Montrond ou les falaises de Pal-luau-sur-Indre. Dans la traversée des terrains juras-siques, le Cher, l’Arnon, la Creuse, l’Anglin sont dominés par des hauteurs et des pentes souvent abruptes où le calcaire est mis à nu, déterminant la formation de sols minces et secs.

Dans la traversée des terrains crétacés, la plupart des rivières ont également mis la craie à nu (la Loire ber-richonne, le Cher, la Vienne, l’Eure, le Loing, le Loir, la Claise…).

Dans le calcaire de Beauce, les vallées sont rares. Néan-moins, leurs coteaux conduisent aussi à l’apparition d’affleurements calcaires plus ou moins secs : Cisse, Conie, Aigre, Essonne…

Enfin, il convient de ne pas oublier les deux gorges de la région : l’Arnon et la Creuse, entaillées dans les terrains primaires de la Marche.

Les autres reliefs caractéristiques sont généralement peu importants et liés à des failles :

- système de failles parallèle à la Loire en Berry qui dé-termine une ligne de collines boisées dominant le fleuve à l’Ouest, en amont de Sancerre, et qui contribue à la spécificité du Sancerrois lui-même qui, sans ces failles, ne serait qu’une Champagne,- «horst» de Marchenoir qui prolonge le Perche vendô-mois sous la forme d’une presqu’île boisée en Beauce ;- faille de Nogent-sur-Vernisson qui provoque un affleu-rement de calcaires durs entre Loing et Vernisson…,- failles du Perche qui ont contribué à relever la partie Nord-Ouest de cette région.

1.3 Hydrographie

La présence de la Loire dans la région est une des carac-téristiques naturelles des plus marquantes. Le fleuve le plus long de France (1 013 km) façonne le paysage, mais aussi l’économie de la région.

Pourtant la ligne de partage des eaux entre bassins de la Seine et de la Loire traverse le Gâtinais et la Beauce: on pourrait donc s’attendre à une influence importante de la Seine. En réalité, elle ne draine que 10 % à peine du territoire de la région, par le Loing, l’Essonne et l’Eure.

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La vallée de la Loire à Briare

1.3.1 La vallée de la Loire

Le Val de Loire est une ample vallée de deux kilomètres de largeur le plus souvent, avec des versants nets et continus, boisés ou cultivés, généralement taillés dans les calcaires ou les craies. Ces coteaux délimitent une plaine alluviale, lit majeur du fleuve dans lequel il décrit de larges méandres. Le val s’élargit localement lorsque se multiplient les confluences, comme en aval de sa confluence avec l’Indre où il s’évase de façon spectaculaire.

De manière générale, les différents affluents ne se jettent pas de manière directe dans le fleuve, ils ser-pentent longtemps parallèlement à la Loire avant de la rejoindre. Cette particularité hydrographique explique la complexité du réseau en fond de vallée : bras aban-donnés de la Loire (boires) ou d’affluents qui divisent la vallée en une série de bandes de prairies souvent inon-dables parallèlement aux coteaux. De plus, la plupart des affluents de la Loire se trouvent sur sa rive gauche : enveloppant en quelque sorte son propre bassin hydro-graphique, la Loire en forme elle-même la limite vers le Nord-Est.

1.3.2 Les autres vallées

Les vallées principales revêtent des profils très variables et participent à la diversité des paysages. Elles présen-tent des caractéristiques générales différentes :

• LavalléeduCher:

Ample dans la traversée du Boischaut, elle se resserre dans la traversée de la Champagne où des coteaux rela-tivement abrupts la délimitent. Passés les secteurs de Vierzon et de la Sologne, la rivière retrouve des coteaux calcaires et même quelques falaises de tuffeau en rive Nord.

• Lesvalléesdel’Indreetdel’Indrois:

A l’amont les coteaux sont rarement abrupts, sauf aux environs de Palluau-sur-Indre et la vallée relativement ample. A l’aval de Loches le lit majeur devient plus étroit et les versants plus accusés. Dans un lit majeur sinueux, l’Indre décrit de nombreux méandres. Son principal affluent, l’Indrois suit également un cours sinueux. Ses coteaux sont parfois très accusés. Un contraste important se manifeste entre l’amont et l’aval de Loches. Alors que l’amont conserve un aspect « naturel » (bras annexes, prairies), la partie aval, en grande partie plantée en peupliers s’inscrit dans un pay-sage périurbain dense au Sud de Tours. La confluence avec la Loire est précédée de nombreux bras en tresse qui circulent dans un espace jadis boca-ger mais aujourd’hui partiellement en déprise.

• LavalléedelaVienne:

Elle est assez hétérogène aussi bien dans sa morpho-logie que dans l’occupation du sol. Le coteau de la rive gauche est souvent bien marqué, alors qu’en rive droite, le raccordement de la vallée au plateau s’avère souvent très progressif à l’amont du Chinonais. Le fond de la vallée est animé par une grande diversité végétale. La basse vallée, ample, se termine sur le bo-cage inondable du Véron.

• LavalléedelaCreuse:

Passant des roches cristallines aux calcaires plus ou moins durs, cette rivière présente un cours très contras-té.A l’amont, aux gorges encaissées partiellement occu-pées par des retenues et dominées par la forêt succède une section relativement ample où le cours méandre entre reliefs et prairies avant la confluence de la Bou-zanne. Puis, pénétrant dans le calcaire dur, le lit majeur devient presque rectiligne et étroit, dominé par des co-teaux très accusés formant localement des falaises. Cette section est également marquée par des phéno-mènes karstiques. Si ponctuellement la vallée s’élargit parfois quelque peu, elle ne devient plus ample qu’en entrant en Touraine dans le tuffeau. La rivière devient plus sinueuse, bien soulignée par la végétation. Un certain contraste se manifeste entre les deux co-teaux, plus marqué souvent boisé en rive gauche, plus doux ondulant, cultivé en rive droite.

• Lavalléedel’Eure:

Encaissée dans le plateau beauceron, la vallée forme un profil en « U » caractéristique avec un lit majeur rela-tivement étroit. Elle est constituée de coteaux le plus souvent boisés, parfois tapissés de prairies sèches. La

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Hydrographie de la régionSource Géoportail

1.3.3 « Désert » de Beauce et milieux humides de Brenne et de Sologne

En dehors des vallées, l’hydrographie de la région Centre présente certaines particularités et certains contrastes: la quasi-absence d’eau en surface en Beauce, et des régions très humides, comme la Sologne ou la Brenne.L’eau s’infiltre aisément dans le substrat du plateau cal-caire de la Beauce. Les deux seules rivières que sont la Conie et l’Aigre en prennent d’autant plus d’importance. Elles présentent un fonctionnement particulier : étant liées à la nappe phréatique, elles coulent en fonction de son niveau. La rare présence de l’eau dans les villages se trouve dans les mares, fruits du travail de l’homme. Rivières et étangs, mares et fossés ne commencent à apparaître qu’à la périphérie du grand plateau.

La Sologne est drainée par de petites rivières et de nom-breux ruisseaux dont les eaux se dirigent vers la Loire ou le Cher. La création des étangs dès le Moyen-âge résulte selon toute vraisemblance d’une volonté de maîtriser les flux dans un pays où il y a,selon les lieux ou les saisons, trop ou trop peu d’eau. C’est aussi le moyen d’assurer quelques ressources alimentaires supplémentaires là où les sols ne donnent que de maigres récoltes. Ces étangs ont été créés par barrage des vallons et sont très

vallée est un espace attractif propice à l’habitat, avec des villes et des villages très rapprochés aux abords de Chartres ou de la région parisienne.

• LavalléeduLoir:

Articulant le paysage entre Beauce et Perche, la vallée présente une ambiance très bucolique et assez peu ur-banisée. La rivière suit un cours très sinueux dans une vallée assez contrastée alternant des sections relativement étroites et encaissées avec des zones plus amples et plus ouvertes, mais néanmoins dominées par des re-bords de plateau souvent élevés. L’occupation humaine est restreinte à quelques centres urbains. Originellement très prairiale (en raison de l’inondabilité), la vallée du Loir s’est néanmoins ouverte aux grandes cultures dans les sections les plus larges et près des agglomérations. Les carrières, souvent étendues, marquent sensible-ment le paysage, bien que certaines aient fait l’objet d’un effort d’insertion.

• LavalléeduLoing:

Descendant de Puisaye, le Loing sinue d’abord au sein d’une vallée relativement étroite, dans laquelle il est accompagné du canal de Briare. En raison d’une déprise progressive les prairies reculent devant un boisement plus ou moins spontané. A l’aval de Montargis où il reçoit de nombreux affluents, la vallée, plus large, a fortement évolué en un siècle. Occupée par des prairies localement marécageuses et parcourue par les nombreux bras de ses affluents, elle a vu d’abord s’étendre les plantations de peupliers, se multiplier les terrains de loisirs privés. Puis des années 1950 à 1990 des extractions de granulats de toutes di-mensions ont peu à peu modifié le paysage du fond de vallée, et considérablement banalisé son intérêt écolo-gique. Les affluents locaux du Loing ont pour la plupart subi également une évolution peu favorable (recalibrage, dégradation des ripisylves, creusement de plans d’eau privés, déprise, urbanisation des coteaux…). Seules quelques uns conservent un intérêt écologique.

LoireLoir

Eure

CherVienne

Indre

Creuse

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souvent disposés en chaîne, ce qui suppose une ges-tion collective et un entretien régulier. Pour des raisons historiques ces systèmes hydrauliques ont été parfois longuement abandonnés (durant la guerre de cent ans, les guerres de religion et entre les XVIIe et XIXe). Longtemps voués à la production piscicole, ils ont au-jourd’hui une vocation essentiellement cynégétique et les pratiques de gestion traditionnelle tendent à être abandonnées.

En Brenne, les très nombreux étangs sont également artificiels et seule une petite minorité est alimentée par des cours d’eau ; les autres, situés dans des dépres-sions naturelles, recueillent les eaux de ruissellement et des sources. Les étangs de Brenne sont générale-ment plus vastes que ceux de Sologne et ils présentent souvent des contours très sinueux. Des défrichements précoces ayant provoqué l’apparition de dépressions humides semblent être à leur origine.

L’ensemble des étangs forme un réseau complexe, cha-cun d’eux appartient à une chaîne et communique avec d’autres, en amont et en aval. Ils ont bénéficié d’une gestion plus constante que ceux de Sologne et s’inscri-vent dans un paysage resté beaucoup plus agricole.

1.4 Climatologie

Le Centre bénéficie globalement d’un climat océanique tempéré caractérisé par des normales climatiques moyennes, sans excès, que ce soit au niveau des pluies ou des températures.

Malgré l’étendue de la région (près de 300 km du Nord au Sud), les contrastes climatiques apparaissent peu marqués dans cette zone de transition entre climat océanique à l’Ouest et continental à l’Est.

Aussi peu varié que la topographie, le climat de la région ne varie que par quelques nuances, plus océa-niques à l’Ouest, un peu continentales et plus fraîches à l’Est, plus douces dans le Sud-Ouest et l’Ouest, plus froides dans la Marche.

Les vallées contribuent à l’entrée des influences océa-niques et thermiques. La Loire contribue fortement aux entrées atlantiques qui sont relayées par ses affluents: le Loir pour toute la façade Nord-Ouest (y compris le Perche), la Vienne, le Cher, l’Indre, la Sauldre pour le Sud…

Les arrivées chaudes abordent la région par le Sud et le Sud-Ouest par les vallées de l’Anglin, de la Creuse, de la Vienne mais aussi par les plateaux limitrophes du Poitou et de l’Anjou.

La Beauce à Villesablon (Loir-et-Cher)Atlas des paysages du Loir-et-Cher, Agence Folléa-Gautier, CAUE 41 – Diren Centre, 2010

Les hauteurs captent la pluviosité la plus forte. A ce titre le contraste est saisissant entre la Beauce et le Perche dont les collines, par effet d’abri, arrêtent les pluies ve-nues de l’océan.

1.5 Couverture végétale

Au-delà des images de grandes étendues de blé, la région Centre présente une grande diversité de types de paysages et d’occupation du sol, à l’origine de sa ri-chesse :

• les champagnes (Beauce, Champagne berri-chonne, Champeigne tourangelle, plateau de Sainte-Maure) sont caractérisées par des milieux ouverts agricoles où la céréaliculture domine, avec de larges horizons dégagés. Ces paysages d’openfields dominent sur les plateaux calcaires, de façon presque exclusive en Beauce, piquetés de forêts en Champagne berrichonne. Mais ils débordent fréquemment au-delà, comme en Thimerais, en Sologne viticole ou sur le plateau de Sainte-Maure. Les villages y sont généralement menus; les grosses fermes de la Beauce se rassemblent en ha-meaux ; celles de Champagne berrichonne s’isolent au milieu de leurs champs.

• lesbocagesn’existentplusquedansleSuddelarégion (Pays Fort, Boischaut Sud et vallée de Germigny) et dans le Perche. Ces paysages plus fermés sont carac-térisés par un réseau de structures paysagères, où les prairies délimitées par les haies sont vouées à l’élevage.

• lesgâtinessontunpaysagerépandu,résultantdu défrichement tardif – à partir du XVIe siècle – des fo-rêts qui ont longtemps subsisté sur les terres lourdes des plateaux crétacés recouverts d’argiles à silex (Tou-raine, Puisaye, Gâtinais du Loiret, Drouais-Thimerais). Ce sont des secteurs mixtes et de transition, avec un semi-bocage et des boisements épars, marqués par la polyculture ou la polyculture-élevage. Les gâtines

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soit très majoritaire avec 86 % au total. La forêt se carac-térise par l’importance de ses peuplements de feuillus et plus spécialement de chênes. Si elles sont fréquentes sur les sols pauvres ou les épandages détritiques, beau-coup de forêts doivent leur existence à la volonté des rois ou de l’aristocratie qui les a préservées pour la chasse aux abords des châteaux.

• Lespaysdezoneshumidesontencommunavecles gâtines la densité forestière, les clairières de champs ouverts, et l’habitat fortement dispersé. En Sologne, les ruisseaux qui les parcourent ont été systématiquement coupés de levées dès le Moyen-Age, pour créer des di-zaines d’étangs destinés à la pêche. Ce pays a ensuite été réaménagé au XIXe siècle par les grands proprié-taires fonciers qui ont planté la forêt. Ainsi la Sologne est une mosaïque de forêts, de landes et d’étangs. En revanche, en Brenne, la forêt a été déboisée d’où la for-mation d’étangs par remontée de la nappe phréatique. Elle se compose aujourd’hui d’une alternance de prai-ries et d’étangs.

• Laplupartdesvalléesdonnentlieuàundisposi-tif linéaire : les coteaux en roche dure, boisés ou rocheux et percés de caves, de remises ou d’habitations troglo-dytiques, souvent surmontés de vignobles, accueillent à leur base une ligne continue de villages. C’est le cas de la Loire en aval d’Orléans et de ses affluents (Cher, Vienne,…) mais aussi du Loir, de la Creuse, de l’Eure,…

• lesvignoblesjadisprésentsàpeuprèspartoutsont maintenant très localisés et occupent peu de sur-face. Cependant ils véhiculent une image forte de la ré-gion (« les vins de Loire »). Ils se situent sur les rebords des plateaux ou les plateaux eux-mêmes, plus ponctuel-lement en vallées, et comptent aujourd’hui vingt six AOC.

font donc alterner massifs ou lambeaux forestiers et clairières agricoles où l’habitat se disperse parmi des champs vastes et généralement ouverts. Le drainage s’impose et les étangs ne sont pas rares.

• les forêts couvrentprèsduquart de la super-ficie de la région, avec d’énormes inégalités (1,3 % en Beauce, 42 % en Sologne). La présence de vastes en-sembles publics (réserve de chasse de Chambord ou forêt d’Orléans) n’empêche pas que la propriété privée

Les vignobles de Sancerre

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2. L’occupation humaine

Inscrite historiquement au coeur de la France, la quatrième région française par sa superficie a joué un rôle très impor-tant dans le façonnement territorial du pays, du fait de sa position et des ouvertures qu’elle offre vers le Midi par Orléans et la Haute-Loire, ou par Tours vers le Seuil du Poitou. Cet espace de relation essentiel souligné par la vallée de la Loire a été surnommé le «Jardin de la France», grâce à sa richesse patrimoniale, ses grandes chasses et ses greniers.

Densité de population en 2006Profil environnemental de la région Centre, 2010

2.1 Histoire

La région Centre est issue de trois anciennes provinces : l’Orléanais, la Touraine et le Berry.

L’Orléanais était la toute première région traversée par la route de Paris vers le Midi, une partie intégrante du domaine royal dès le règne de Hugues Capet ; Orléans était la première ville-pont à moins de 150 km de Paris, sur une position clé aussi bien pour la guerre que pour les transports ou l’économie.La Touraine, un peu plus éloignée, centrée sur Tours, était un passage obligé vers le Sud-Ouest en même temps qu’une remarquable convergence hydrogra-phique, par conséquent un carrefour.Le Berry semblait plus intérieur, parce que plus éloigné de la Loire.

Ces trois provinces ont été, presque dès les origines, sous la souveraineté des rois de France, ou pour le moins, des membres de la famille royale. Elles furent des refuges pendant la Guerre de Cent Ans pour Charles VII. Elles constituèrent des étapes vers le Midi et l’Ita-lie pour les rois de la Renaissance. Les châteaux de la Loire témoignent d’un âge d’or ligérien, du XVe et du XVIe siècle, où l’histoire se faisait dans les résidences royales d’Amboise, de Blois, de Chambord. À l’image de leurs rois, de nombreux nobles et hauts personnages firent construire châteaux et autres grandes demeures sur les bords de Loire, du Cher et de l’Indre. On peut ainsi citer Chenonceau, Cheverny ou encore Azay-le-Rideau.En 1594, Henri IV fut sacré roi de France en la cathédrale de Chartres, haut lieu de la chrétienté. Outre cet édifice, les cathédrales de Bourges et d’Orléans sont des sites remarquables et très visités.

À ce passé, il faut noter l’abondance des célébrités : l’incontournable Jeanne d’Arc qui libéra Orléans des Anglais en 1429, et les littéraires natifs de la région ou qui y ont habité (Balzac, Descartes, Rabelais, Ronsard, George Sand, Charles Péguy ou encore Marcel Proust).

Très tôt dans l’histoire, des territoires avaient déjà le visage qu’on leur connaît aujourd’hui. En effet, ce qui deviendra l’Eure-et-Loir est soumis à d’intenses défri-chements. Le « pays clair » - la Beauce – et le « pays des grands arbres » - le Perche - sont bien en place dans le paysage dès le Moyen Âge. À partir du XVe siècle, on

passe de la polyculture à une spécialisation céréalière plus marquée sur le plateau de Beauce.

2.2 Démographie

La région se caractérise par une faible densité de popu-lation, avec une proportion plus importante autour des axes de communication, de l’axe ligérien, dans l’Indre-et-Loire et le Loiret. L’espace régional reste moins dense que le territoire national (64 habitants au km² pour 113 habitants au km²), et est relativement rural, notamment dans le Sud.Depuis 1999, la population de la région Centre s’accroît de 0,5 % par an. L’Indre-et-Loire et le Loiret contribuent pour les deux tiers à la croissance régionale, tout en sachant qu’aucun des départements n’a perdu de popu-lation entre 1999 et 2006.

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Les espaces à forte densité de population ponctuent en chapelet l’axe de la Loire et le réseau routier principal (axe Tours-Chartres et Châteauroux-Bourges-Orléans). Ils ont tendance à constituer des cordons, tandis que les espaces urbains du Nord de la région sont de plus en plus absorbés par ceux du Sud de l’Ile-de-France. Cette densification contribue à un habitat quasi continu sur l’axe ligérien, qui concentre à lui seul près de la moitié des habitants de la région Centre.

On constate également un regain d’intérêt pour les es-paces ruraux du Loiret, du Loir-et-Cher et d’Indre-et-Loire, mais les moteurs de dynamisme démographique sont clairement aujourd’hui d’une part Orléans et Tours, et d’autre part Paris, dont l’influence profite au Loiret, à la région de Chartres et au Vendômois. Le Berry et le Sancerrois semblent plutôt pénalisés par leur éloigne-ment.

2.3 Activités économiques

2.3.1 L’agriculture

En 2008, l’agriculture occupe 61 % du territoire de la région Centre, mais elle n’emploie que 5,6 % de la popu-lation active.

Le Centre est la première région céréalière de France et d’Europe ; les productions végétales forment les trois quarts de la valeur ajoutée agricole, grâce aux céréales, mais aussi aux protéagineux ou aux vins de Loire.

Systèmes de production agricoleLa France dans ses régions, A. Gamblin, SEDES, 2000

• Les plaines céréalières et les plateaux semi-ouvertes : les plaines céréalières (Beauce, Gâtinais de l’Ouest, Gâtine tourangelle Est, plateaux tourangeaux au Sud de la Loire, Champagne Berrichonne) sont consa-crées aux grandes cultures. Le taux de boisements y est très faible et les exploitations sont de grande taille. Grâce aux limons, la Beauce est une terre de richesse céréalière, qui a adopté la betterave sucrière dès le XIXe siècle. Grâce à la nappe infra-aquitanienne, elle s’est lancée dans le maïs à partir des années 1950. Ce sont au contraire les engrais qui ont fait la fortune de la Champagne Berrichonne, et au XXe siècle seulement; peu de maïs à côté du blé, mais beaucoup d’orge, de tournesol et autres protéagineux et oléagineux, le colza principalement.

• les plateaux semi-ouverts (Drouais Thymerais,Gâtinais de l’Est, Puisaye, Gâtine tourangelle Ouest, Gâ-tines berrichonnes) évoluent vers un même type d’agri-culture par abandon de l’élevage. Ce sont des zones de plaine au paysage marqué par la présence de petits massifs forestiers et de vallées favorables à la biodi-versité. Aujourd’hui, ce système très intensif, fondé sur de vastes exploitations sans cesse agrandies et sur de lourds investissements en matériels et en intrants (en-grais, pesticides,…) va certainement devoir se remettre en cause à l’heure du développement durable et de la protection de l’environnement.

• leszonesbocagères:lePercheetlePaysFortse consacrent traditionnellement à l’élevage des vaches laitières. L’élevage de chèvres pour la production de fro-mages manifeste un beau dynamisme en Sancerrois, dans les Gâtines ou en Brenne (AOC crottin de Chavignol, Valencay ou Sainte-Maure et Pouligny-saint-Pierre par exemple). Les bocages du Sud (Boischaut Sud, Marche et vallée de Germigny) sont également tournés vers les pro-ductions animales (bovins à viande et moutons à l’Ouest).

Moisson en Champagne Berrichonnewww.photo-aerienne-en-paramoteur.fr

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Les exploitations sont de dimensions moyennes.La polyculture-élevage a tendance à céder progressive-ment la place à la céréaliculture surtout dans le Perche et le Pays Fort. Dans le Sud (Marche) on constate des signes de déprise agricole.

• Lesvalléesligériennesetleszonesarboricolesde Touraine et du Berry : dans les vallées ligériennes, les productions agricoles sont très diversifiées : vergers et vignes, horticulture, élevage notamment caprin. La superficie moyenne des exploitations varie suivant la nature des productions mais est généralement réduite.L’horticulture est surtout puissante dans le Val d’Orléans, dans le Val Blésois et la Sologne viticole, en Touraine et aux abords de l’Anjou. Les vergers de pommiers princi-palement distinguent le Val de Loire, le Loir vendômois, l’Indre tourangelle ou l’extrémité occidentale de l’escar-pement du Sancerrois (« forêt » de Saint-Martin d’Auxi-gny) : ils ont souvent pris la place d’anciennes vignes.

Le Val de Loire était historiquement un gros producteur de champignons, cultivés dans les cavités des coteaux. L’évolution des méthodes de production, aujourd‘hui dans des hangars, a provoqué la délocalisation de cette culture vers les Pays de Loire. Les chiroptères ont au-jourd’hui réinvesti les cavités abandonnées.

Dans les fonds de vallées, le recul de l’élevage a entraî-né l’abandon des prairies naturelles et l’extension des friches et des peupleraies.

La viticulture a trouvé son équilibre en abandonnant les productions de masse et en se tournant vers les vins de qualité : elle compte aujourd’hui 26 vignobles AOC (Quin-cy, Reuilly, Chateaumeillant, Sancerre, Menetou-Salon, Pouilly Fumé, Coteaux du Giennois...).

• lesespacesforestiers:lessurfacesforestièressont très inégalement réparties en région Centre. Ce-pendant, si l’on excepte les grandes plaines céréalières, la forêt est présente et progresse partout mais sa place est surtout importante en Sologne, en Orléanais et dans le Nord-Ouest de la Touraine.La forêt de la région Centre se caractérise surtout par l’importance des propriétés privées (86 % du territoire) et la prédominance des peuplements feuillus (65 % de la surface forestière est couverte par des peuplements de chênes). Cependant, les résineux représentent 40 % du volume récolté.Malgré l’extension constante de la surface boisée, on as-siste à une lente mais régulière diminution des volumes exploités.

Entre 1993 et 2003, la surface agricole a diminué de 58800 ha, soit 2,8 %. C’est la région métropolitaine où la pression sur les terres agricoles est la plus forte, devant l’Ile-de-France. La perte de surface agricole bénéficie

pour 3/5ème à l’artificialisation (et donc à l’urbanisation) et pour 2/5ème aux espaces naturels, principalement la forêt.

2.3.2 Le secteur industriel

La région Centre a une activité industrielle importante (5ème région industrielle de France) en bénéficiant, depuis les années 60, de la décentralisation et du prolongement des industries diverses de l’île-de-France. Pourtant, on n’associe pas spontanément l’image de la région Centre à l’industrie : la quasi-absence des activités lourdes, la rareté des fortes concentrations et des paysages industriels typés, la dilution des établissements manu-facturiers parmi les villes moyennes et la diversité des branches représentées expliquent cette dissociation. La statistique tend cependant à l’infirmer (22% de la popu-lation active dans l’industrie en 1998).

L’activité industrielle est inégalement répartie sur le ter-ritoire : la vallée de la Loire concentre une grande par-tie des activités industrielles, surtout autour d’Orléans. Les centrales nucléaires sont très présentes (d’amont en aval, Belleville, Dampierre, Saint-Laurent-des-Eaux, Chinon) et placent la région Centre au deuxième rang après le Rhône-Alpes pour la production d’énergie. La région se convertit aujourd’hui de plus en plus vers les énergies renouvelables, essentiellement à travers les éoliennes, qui font désormais partie des paysages de l’Eure-et-Loir et du Loiret en particulier.

Au Nord du Val de Loire, les activités se concentrent autour de Dreux et Chartres, et plus modestement en Gâtinais, mais avec un réseau de petites villes qui com-mandent tout un bassin d’emploi. La région s’est par ailleurs spécialisée dans les cosmétiques, la pharma-cie et la parfumerie, surtout en Eure-et-Loir autour de Chartres et dans la vallée de la Loire, ce qui lui vaut le surnom de « Cosmetic Valley ».

Centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire

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Au Sud, un bassin industriel s’est développé dans le Berry central (Bourges, Vierzon, St-Florent-sur-Cher, Issoudun, Chateauroux), très marqué par la tradition industrielle. Ces activités sont liées aux ressources lo-cales (laine, bois de chauffe et charbon de bois, argiles et sables). Des industries de textile et de porcelaine se sont également développées, ainsi qu’une importante métallurgie.

2.3.3 Le secteur tertiaire

Les activités tertiaires se partagent essentiellement entre les deux grandes agglomérations d’Orléans et de Tours, mais restent sous l’influence du voisinage des services parisiens.

Orléans a capté les fonctions administratives, la station régionale de télévision ainsi que les activités bancaires.

Tours possède un enseignement supérieur bien déve-loppé (tout comme Orléans et Bourges), tourné vers les lettres, la médecine et le droit. Elle dispose également d’une certaine autonomie dans les domaines de la culture, des loisirs et des congrès, ou de la presse, alors qu’Orléans est davantage dépendante de la capitale.

2.4 Habitat, architecture, urbanisation

2.4.1 Une armature urbaine basée sur les villes moyennes

La trame urbaine de la région Centre se caractérise par un semis de petites villes enracinées dans le monde rural. Aucune ville du Centre ne mérite, par sa taille, le nombre de ses services ou l’étendue de son rayon-nement, le nom de métropole. En revanche, une re-marquable gamme de villes moyennes s’est dégagée, puisque dix agglomérations se tiennent entre 20.000 et 300.000 habitants. Tours et Orléans se détachent nette-ment avec 296.000 et 264.000 habitants. Toutes les deux ont une stature de capitale régionale, même si Orléans seule a été officiellement consacrée dans cette fonction.

2.4.2 Des aires urbaines en forte croissance

Entre 1999 et 2004, les aires d’influence des pôles ur-bains se sont élargies. Celles d’Orléans, de Tours et de Bourges ont en commun de s’être fortement étendues. Les aires de Blois, Chartres et Châteauroux se sont re-lativement peu étendues tandis que les autres, comme Dreux, Vierzon ou Romorantin-Lanthenay se sont stabi-lisées voire rétractées.Les aires de l’axe ligérien forment maintenant un espace quasiment continu. L’aire d’influence de la région parisienne gagne main-

tenant les extensions urbaines de Chartres, Dreux et Montargis et se rapproche de celle d’Orléans.

L’implantation des villages et de l’habitat isolé dépend de la géographie et du type d’agriculture. Les villes et villages s’implantent essentiellement le long d’un cours d’eau important ou en bordure immédiate de rivières. A partir d’un versant ou en fond de vallée, elles maîtri-saient autrefois le franchissement des cours d’eau.

Dans les secteurs ouverts d’openfield, l’habitat est grou-pé en villages et hameaux, avec de grands écarts entre eux. En Beauce par exemple, les villages sont regroupés et resserrés sur eux-mêmes car les points d’eau sont rares en raison de la géologie calcaire.En revanche, dans les pays de bocage et d’élevage, l’ha-bitat dispersé est diffus, les exploitations sont isolées au milieu de leurs champs, au plus proche de leur bétail.

L’architecture traditionnelle apporte une diversité im-portante dans les paysages à travers les matériaux qu’elle utilise, directement issus du sous-sol (briques, calcaires, tuffeau, grès,…)

2.5 Réseaux de communication

Les grandes voies radiales marquent l’espace régional: divergeant à partir de Paris et se ramifiant de loin en loin, elles courent vers le grand Sud-Ouest, de La Ro-chelle au Rhône, et confèrent à la région sa fonction de

Développement urbain de 1962 à 2006Profil environnemental de la région Centre, 2010

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transit entre la capitale et la province.

La navigation sur la Loire s’est longtemps inscrite dans ce schéma. Orléans était idéalement située pour devenir le port de Paris sur la Loire, ce qui a été rendu possible par le creusement des canaux du Loing et de Briare. Les canaux en région Centre ont été particulièrement bien développés, 160 km sont encore ouverts au trafic de marchandises aujourd’hui.L’arrivée du chemin de fer qui atteignit Orléans en 1843 et Tours en 1846, a induit la suppression de la naviga-tion sur la Loire, car elle était moins économique, moins sûre, rapide et régulière.

Les grands axes radiaux permettent de relier Paris aux principales villes de la région et au-delà :

• Les autoroutesA11 versChartres et LeMans,A10 vers Orléans et Tours, A20 vers Vierzon et Chateau-roux, A71 vers Bourges, A6 vers Montargis,• LavoieTGVversVendômeetTours,lesvoiesfer-rées vers Dreux, Chartres, Orléans, Briare,• Lesgrandesroutesnationales(N12versDreux,N10 vers Tours, N20 vers Orléans, N7 vers Montargis)

Des voies radiales assurent la cohésion de la région : liaison autoroutière A19 entre A6 et A10 (Artenay-Cour-tenay), A85 entre Tours et Vierzon, routes nationales dans la vallée de la Loire.Ce réseau met en évidence trois carrefours routiers et ferroviaires importants : Orléans, Tours et Vierzon.

Cependant, les réseaux de communication ne s’éta-blissent pas que de manière radiale autour de Paris. En effet, une analyse des données existantes sur les mi-grations quotidiennes entre bassins de la région montre l’existence de synergies de proximité, dessinant parfois une armature de réseau plus ou moins spontané ou for-malisé, qui peut se traduire selon 3 systèmes :

• L’axeligérien:Lestroisagglomérationsprinci-pales de Tours, Blois et Orléans sont complétées par un chapelet de villes petites et moyennes, desservies par l’A 10 et par une ligne SNCF efficace. L’ensemble fonctionne comme un réseau de villes et constitue la colonne verté-brale de la région.

• L’arc Dreux-Chartres-Orléans : Les échangesentre lieu de travail et lieu de résidence sont bien ap-parents entre les agglomérations de Dreux et Chartres d’une part, de Chartres et d’Orléans d’autre part. Le réseau routier existant et notamment la RN 154 sup-portent, en l’absence de liaison ferrée, la totalité des besoins de mobilité.

• LanébuleuseduBerryetlaradialeduLoir-et-Cher : Parmi les bassins peu formalisés (car éclatés

entre différents départements) on notera en particulier l’ensemble multipolaire composé des agglomérations et villes de Châteauroux – Issoudun – Bourges – Vierzon – Romorantin. A cette nébuleuse se connecte la diagonale du Loir-Cher constituée par les villes de Vendôme, Blois et Romorantin.

2.6 Tourisme et valeur de reconnaissance des paysages

Le patrimoine architectural est très riche et très dense: 2 500 monuments sont classés ou inscrits à l’ordre des Monuments Historiques.

Très tôt un tourisme culturel et historique s’est déve-loppé et a attiré les foules. Il s’agit de la visite des mo-numents, et plus particulièrement des châteaux de la Loire, qui mettent en scène une image du bonheur de vivre, aristocratique mais déjà moderne.

Aux châteaux s’ajoutent les souvenirs littéraires de Ra-belais à Balzac ou George Sand, de Ronsard à Péguy ou Proust. Trois millions de visiteurs par an se pressent dans ces monuments, la région accueille en tout près de 9 millions de visiteurs chaque année.

Mais le patrimoine bâti n’est pas le seul attrait de la région : l’agrément des paysages « naturels » justifie à lui seul un important mouvement touristique. Le clas-sement d’une grande partie du Val de Loire (de Sully-sur-Loire à Chalonnes-sur-Loire) au patrimoine mon-dial de l’UNESCO en tant que paysage culturel vivant affirme cette forte association entre nature et activités humaines.

La densité des résidences secondaires est exception-nelle en Gâtinais, très forte dans les vallées de l’Eure Drouaise, du Loir Vendômois et dans l’ensemble du Val de Loire. Ces mêmes régions de vallées, de vignobles, de gâtines ou de bocage connaissent aussi un brillant développement du tourisme vert, dans les gîtes ruraux

Le château de Chaumont-sur-LoireRégion Centre - photographe : Alex MacLean

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et autres chambres d’hôtes. La Brenne et surtout la Sologne sont les sanctuaires de la chasse, accaparés par les Parisiens qui possèdent la moitié des chasses de Sologne.

Paris pèse d’ailleurs très lourd dans la fréquentation touristique de la région : les trois quarts des résidences secondaires appartiennent à des parisiens, et la capitale fournit le tiers des visiteurs des châteaux de la Loire.

3. Le peuplement végétal et animal

3.1 La flore

Trois influences majeures déterminent la flore de la ré-gion Centre :

- atlantique ; sont particulièrement concernés par cette influence, la Touraine, le Sud-Ouest du Berry (dont la Brenne), la Sologne, les hauteurs du Perche ;- latéméditerranéenne, bien marquée dans le Sud du Berry et de la Touraine et irradiant en Beauce, en Gâti-nais, en Drouais… ;- médio-européenne.

A ces influences s’ajoutent diverses transitions dont les effets viennent moduler les flores locales :

- entrées aquitaniennes (dites aussi thermo atlantiques) par le Sud-Ouest de l’Indre-et-Loire, et de l’Indre qui pénètrent jusqu’en Sologne ;- influences submontagnardes venues par la Bourgogne et le Nivernais, dans le Pays Fort du Cher, la Puisaye du Loiret et dans une moindre mesure, le Gâtinais ;- influences atlantico-montagnardes et oréo-atlantiques sur les hauteurs du Perche d’Eure-et-Loir ;- contacts avec les terrains cristallins au Sud de l’Indre et du Cher.

Enfin, il faut mentionner le rôle de l’axe ligérien, à la fois barrière et axe de pénétration et de migration actif.

Une histoire de la végétation

Basés sur de multiples analyses (pollens, charbons, restes de mollusques, d’oiseaux, de mammifères…), les travaux des archéologues et préhistoriens permettent assez bien de tracer une histoire de la végétation et des paysages depuis le mésolithique (environ - 10 000 ans). Du mésolithique qui correspond à des formations steppiques (ou de toundra) sous climat froid, relèvent vraisemblablement une partie de végétaux des zones très humides, tourbeuses en climat frais et probable-ment aussi des espèces dites méditerranéennes-mon-tagnardes. Ces dernières devaient trouver refuge dans des situations abritées, car si une longue période de gel caractérise ce climat, les étés brefs étaient relativement

chauds.Au néolithique ancien, la forêt feuillue s’étend et occupe de vastes étendues (précédée d’un stade pionnier à genévrier). Toutefois quelles que soient les sources, on constate que parmi les groupes et espèces inventoriés, il existe presque toujours un cortège plus ou moins im-portant de taxons inféodés aux milieux ouverts. On peut donc estimer que la forêt n’a pas occupé tout l’espace disponible et que ça et là subsistaient des milieux favo-rables aux plantes et animaux non strictement fores-tiers. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à cet état de fait: fluctuations climatiques, microclimats, sols contrai-gnants, accidents météorologiques (tels que tempêtes ou incendies), pâturage des grands herbivores.De cette époque peuvent relever les cortèges floristiques «forestiers» et les oiseaux dont l’aire géographique est la plus vaste.

Plus tard, vers - 6 000, en région méditerranéenne et sans doute plus tardivement chez nous (- 5 000) com-mence l’humanisation des milieux, d’abord par le pâtu-rage puis des mises en culture localisées et enfin par les défrichements.Cette humanisation s’accélérera encore vers l’âge du fer (- 3 500) mais il est probable que les régions les plus favorables à la mise en culture et à la présence humaine (sols sains, conditions climatiques douces…) comme la Beauce ont déjà largement été mises en valeur.Cette humanisation va d’abord créer ou étendre les milieux semi-ouverts et progressivement développer les espaces ouverts favorisant certaines espèces step-piques (perdrix, caille, lièvre…) et défavorisant les taxons plus nettement forestiers. Des fluctuations importantes surviendront par la suite, d’origines climatique ou hu-maine (déprises et extensions successives)

La manière dont les espèces installées postérieurement aux périodes glaciaires ont progressé n’est que partiel-lement expliquée.En ce qui concerne la faune, la conquête de territoires favorables s’opère par déplacements de milieux attrac-tifs en milieux attractifs. Pour les plantes, on peut évo-quer le transfert par le vent (graines, spores, pollens), par les eaux (diaspores diverses), par les animaux (dans les intestins, le pelage, les plumes..). Il est certain tou-tefois que de manière indirecte, l’Homme a contribué, par ses déplacements ou le déplacement d’animaux, au transfert de plantes et de semences, à une extension des aires d’assez nombreuses espèces.Notre échelle de temps reste néanmoins modeste face aux quelque 5 000 ans d’humanisation de nos paysages, durée qui a permis bien des évolutions spontanées ou non.

3.2 La faune

«La richesse ornithologique de la région tient tant à son rôle d’axe migratoire diffus (zones étapes pour les

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Grues cendrées, les hirondelles, les anatidés, etc.) qu’à la présence d’importantes populations de Sternes, de la seule population hors Corse de Balbuzard pêcheur, de populations importantes d’espèces inféodées aux végé-tations aquatiques flottantes et roselières d’étangs (gui-fettes, hérons, etc.), d’une avifaune de plaine encore bien représentée dans certains secteurs agricoles (Outarde canepetière, Busard Saint-Martin, Busard cendré, Oe-dicnème criard, etc.), ou encore à l’accueil sur les étangs de très nombreux oiseaux hivernants. D’autres espèces comme le Castor, le Murin à oreilles échancrées, la Cistude, divers poissons migrateurs dont le Saumon atlantique, et la rarissime Moule auriculée sont également emblématiques de la région » (source : Profil Environnemental Régional - DREAL Centre).

«Chaque espèce a des capacités différentes de disper-sion. Pour une espèce donnée, le territoire utilisé com-porte des zones vitales (réservoirs de biodiversité) où les individus réalisent la plupart de leur cycle (site de reproduction, sites d’alimentation...). Ces zones vitales peuvent être proches ou éloignées. Par exemple pour les amphibiens, les mares de pontes sont éloignées de quelques centaines de mètres des sites d’hivernage. Pour les canards hivernants, les sites d’alimentation peuvent se trouver à plus d’une dizaine de kilomètres des sites de repos. Pour les migrateurs au long cours, les haltes migratoires sont distantes de plusieurs cen-taines de kilomètres. Dans ce cas, la continuité de circu-lation ne correspond pas à une continuité spatiale.

Il existe donc autant de réseaux écologiques à propre-ment parler que d’espèces.

La constitution d’une trame verte et bleue ne se traduit donc pas automatiquement par une continuité territo-riale» (source : Réservoir de biodiversité et corridor éco-logiques - qu’est ce qu’une trame verte et bleue ? - Ville de Saint-Aubin les Elbeufs).

3.3 L’importance des milieux ouverts et semi-ouverts

Si l’on examine les listes d’espèces protégées, les es-pèces et habitats déterminants de ZNIEFF, les projets de listes rouges, on observe que la majorité des espèces et milieux considérés comme d’intérêt patrimonial relèvent d’espaces ouverts ou semi-ouverts, faiblement ou peu artificialisés. Or ce sont ces milieux qui régressent ac-tuellement le plus soit parce qu’ils sont perçus comme de peu d’intérêt (et peuvent alors être voués à d’autres usages), soit parce que les activités humaines actuelles ne sont pas adaptées à leur configuration (nature du sol, pente). Ils sont alors abandonnés et se ferment (enfri-chement ou boisement). Cette situation est visible dans les inventaires ZNIEFF. Entre la première génération (années 80) et l’actuelle (2005 - 2011), de nombreux mi-lieux n’ont plus été exploités, entretenus voire abandon-

nés totalement. Ils sont alors colonisés par les arbustes (souvent épineux) et la forêt. Toutes les espèces qui re-cherchent chaleur et lumière sont repoussées vers les lisières puis s’éteignent.

A ce sujet il convient de rappeler qu’une grande par-tie de la région pratiquait jusqu’aux années 1950 (voire 1980 pour les chèvres) un élevage extensif, en totalité ou en partie sur des parcours semi-naturels (y com-pris en Beauce et en Gâtinais pour le mouton). Même les bovins étaient élevés parfois dans ces conditions. En Beauce et dans le Gâtinais les moutons se nourrissaient sur les chaumes après la moisson, cependant après les derniers labours de printemps il fallait trouver des pâ-turages. C’est le plus souvent sur des espaces incultes que les moutons étaient regroupés.

On retrouve des indices de pâturage dans les milieux tourbeux du Perche, les pratiques d’entretien des landes par le feu en vue du pâturage sont attestées dans plu-sieurs contrées de la Touraine. L’écobuage aurait éga-lement été pratiqué en Sologne. Le pâturage sur sols très humides si favorables au crapaud Sonneur à ventre jaune était pratiqué à peu près partout avec une prédo-minance dans le Boischaut.Un autre facteur plus récent a pu contribuer à l’instal-lation de formations ouvertes ; la crise phylloxérique de la fin du XIXème siècle. Antérieurement à cette époque, la vigne était présente à peu près partout surtout sur les affleurements calcaires mais pas uniquement. Qui se souvient aujourd’hui des vignobles de Champagne berri-chonne, de la vallée de l’Eure, du Gâtinais, de Beauce, deSologne, de la vallée de la Creuse ? Le réputé vignoble d’Asnières-lès-Bourges (au XVIIème siècle) était installé sur des marnes particulièrement humides. Ce vignoble ne se présentait pas du tout comme nos vignes actuelles, il était accompagné très souvent d’arbres fruitiers et parfois même de pâtures et de jardins. Il ne subissait aucun traitement phytosanitaire, peu ou pas d’apports fertilisants et le sol y était travaillé à la main de manière superficielle. Abandonnés après l’invasion du phylloxéra la plupart ont été utilisés en parcours d’élevage, en prai-ries maigres, parfois plantés en vergers de plein vent. La fermeture de ces milieux par les fruticées ne débute donc que dans les années 1970-80. Certains de nos our-lets thermophiles ne sont peut-être que les vestiges de cette activité passée.

Un facteur d’évolution relativement méconnu, la rudé-ralisation :

Les produits fertilisants utilisés en agriculture tendent à migrer vers d’autres milieux (ruissellement, écou-lements souterrains, simple diffusion…). Ces apports

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favorisent l’installation d’espèces nouvelles qui tendent à repousser celles dont le caractère écologique les rend moins adaptables.Le phénomène est bien perceptible dans la périphé-rie des formations calcicoles souvent colonisées par le Prunellier, l’Aubépine, les ronces. Il est également per-ceptible dans les lisières des bois (voire dans les boise-ments en totalité), dans les régions de grande culture et dans les secteurs périurbains. L’agriculture n’est pas la seule cause de ce phénomène qui est également accen-tué par la présence et la fréquentation humaines.

3.4 L’état des milieux naturels

Ouverte aux influences océaniques par le Val de Loire et les vallées affluentes, bénéficiant de nuances clima-tiques liées en grande partie à la topographie reposant sur des substrats géologiques peu nombreux mais su-perficiellement très variés en raison de remaniements tertiaires et périglaciaires, siège d’activités humaines variées et plus ou moins intenses selon les secteurs, la région était à même d’accueillir une diversité certaine de milieux et de paysages.

3.4.1 Écocomplexes

- Les vals de Loire

La continuité écologique est assurée par le fleuve mais aussi ses ripisylves et les zones prairiales (aujourd’hui très restreintes en surface). Le fleuve est un corridor pour les espèces migratrices (y compris végétales) et certaines sections constituent des étapes importantes pour les oiseaux en cours de migration. Les vals for-ment également des corridors, perturbés toutefois par des secteurs artificialisés (urbanisation dense, urbani-sation diffuse, zone d’activité agricole intensive). L’axe ligérien comprend vraisemblablement de nombreux «carrefours». Certains sont connus, d’autres restent à identifier ou à décrire : secteurs de confluence à l’aval de Tours, débouchés de petites vallées, zones aux coteaux abaissés. La gestion de la Loire et de sa biodiversité a été prise en compte par des documents d’objectifs. Elle concerne une grande variété d’actions. Elle implique des fonctionnalités (ou services) à intégrer à tout projet: dynamique des écoulements, qualité des eaux superfi-cielles et de la nappe.

- La Brenne

La connectivité des écosystèmes (ou des habitats) est consécutive à leur variété et à la juxtaposition dans le même espace de configurations très variées en termes d’humidité et de nature des sols. Les chaînes d’étangs introduisent un réseau structuré de zones humides (plans d’eau et milieux associés tels que les prairies, roselières…). Les buttons de grès et les affleurements

calcaires contribuent à la présence d’espèces thermo-philes. C’est aussi un carrefour (étape migratoire) recon-nu comme Zone humide d’importance internationale. La forte spécificité de cette région naturelle est également due au maintien d’activités humaines qui gardent cer-tains traits «traditionnels». PNR et divers acteurs parti-cipent à la gestion de cet espace qui bénéficie en outre de la mise en œuvre de Documents d’objectifs.

- La Sologne

Comparable à la Brenne par les habitats en place, la Sologne se distingue toutefois par une moins bonne connaissance du fonctionnement écologique ainsi que par une simplification (en partie volontaire) de la mo-saïque des habitats ; d’où la présence d’espaces de haute valeur écologique et d’espaces banalisés ou en cours de banalisation par boisement. On peut distinguer plusieurs systèmes organisés :

- vallées/versants/plateaux avec souvent une succession transversale de landes sèches, landes humides, sources, prairies, ripisylves, zones marécageuses, coursd’eau ;- chaînes d’étangs et milieux ouverts associés. Il est tou-tefois probable qu’il existe au moins pour les oiseaux un fonctionnement des étangs par groupe (certains plans d’eau peuvent selon les années ou les saisons être ex-ploitées par un groupe d’oiseaux) ;- réseaux d’arbres âgés (souvent anciennes allées au-jourd’hui situées en plein bois).Il existe (ou existait) aussi des réseaux d’habitats à dé-terminisme géologique ou pédologique :- réseaux de sources associées à des roselières, prai-ries, landes tourbeuses. On les trouve au flanc de cer-taines vallées mais aussi en périphérie de buttes,- réseaux de mares (en particulier sur les terrasses mais aussi dans certaines propriétés) ;- réseaux de landes sèches sur les hauteurs sableuses et sur les terrasses des cours d’eau ;- réseaux de landes humides (sur les plateaux argileux).

L’ensemble de cette région naturelle bénéficie d’un Do-cument d’objectif.

- L’Orléanais

Apparenté à la Sologne par la nature de ses sols, l’Orléa-nais est connu comme une région forestière. Néanmoins sa diversité biologique n’est pas liée qu’à ses seuls boi-sements. La présence d’étangs de taille très variable, un important réseau d’allées forestières qui peuvent être considérées comme autant de prairies et une notable variabilité des sols (plus calcaire à l’Ouest, plus acides à l’Est, localement sableux et très secs, parfois maréca-geux voire tourbeux) contribuent à la présence de peu-plements variés tant au plan faunistique que floristique. Son étendue et une faible présence humaine ont per-

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mis l’installation d’espèces peu communes, comme le Balbuzard pêcheur. L’accroissement de la fréquentation humaine à certaines époques peut toutefois s’avérer dommageable, comme la pression urbaine des envi-rons d’Orléans. Des lisières complexes à l’occupation du sol variée, en particulier au contact de la Beauce et du Gâtinais contribuent aux échanges avec les espaces environnants. L’influence de l’Orléanais s’étend bien au dehors de la région Centre avec des relations avec le Sud du Bassin parisien (entre autres par les « val-lées » de l’Essonne et de la Rimarde) et la Bourgogne. La connaissance de cette vaste entité s’est nettement accrue depuis les années 80, mais il reste sans doute encore des découvertes à y faire en particulier dans les parties privées proches du Gâtinais.La partie domaniale bénéficie d’un Document d’objectif.

3.4.1.1 Systèmes écologiques associés aux chevelus hydrographiques : les têtes de bassins versants

C’est surtout dans les parties élevées que ces ensembles présentent une valeur patrimoniale :

- la Marche avec parfois un prolongement dans le Bois-chaut (hauts bassins versants de l’Arnon, de l’Indre, de la Veauvre, de la Creuse, de l’Anglin…),- le Perche pour les rivières descendant du Haut Perche,- le Pays Fort et surtout le Haut Pays Fort.

La notion de corridor intervient peu ici, les échanges (hormis ceux liés à l’eau) étant diffus. On y trouve des mosaïques d’habitats humides (sources, boisements sur sources, secteurs tourbeux, prairies) mais aussi méso-philes voire xériques (rochers, boisements de pente).

Le Sud du Gâtinais avec un chevelu de petites rivières venant de l’Orléanais (Vernisson, Puiseaux, Solin, Lime-tin, Huillard…) pourrait être rangé dans cette même ca-tégorie. Toutefois dans les années 1960-70 l’occupation du sol y a fondamentalement changé avec un fort recul des prairies et la disparition presque totale des petits marais alcalins. Seuls subsistent des cordons de végéta-tion ligneuse le long des cours d’eau, mais les ripisylves naturelles ont souvent été remplacées par des peuple-raies.

3.4.1.2 Systèmes écologiques liés aux rivières et aux vallées sèches

Du fait de la présence d’un soubassement calcaire sous une grande partie de la région, il apparaît en de nom-breuses zones naturelles des systèmes coteaux secs/vallées humides.

C’est au flanc des vallées que se situaient les parcours d’élevages extensifs et les vignobles qui ont favorisé le développement de pelouses et de bois clairs thermo-

philes. La vallée offrait des prairies plus ou moins hu-mides émaillées de marais.

L’organisation est souvent linéaire mais peut se pro-longer sur les plateaux et se ramifier selon les vallons. Outre des habitats liés à l’activité agricole traditionnelle, on rencontre souvent ici des boisements (chênaie-char-maie sur certains versants), des systèmes bocagers, des cavités naturelles ou non (anciennes carrières), des fa-laises et escarpements, des ripisylves, parfois de la forêt alluviale, des landes plus ou moins sèches sur alluvions anciennes et bien entendu des cours d’eau.

Les ensembles les plus diversifiés et les plus riches en espèces se situent dans le Berry et en Touraine donc au Sud de la Loire. Néanmoins, ce type d’ensemble peut également se retrouver en Beauce, en Gâtinais, dans la vallée de l’Eure et, plus localement, dans les Gâtines.

Ces systèmes, bien que fréquents dans la région, sont sévèrement menacés par la déprise et l’abandon de l’élevage extensif (coteaux) et conjointement par l’arti-ficialisation liée à certaines pratiques (labour des prai-ries, plantations de peupliers).

La continuité écologique recule donc dans la plupart de ces secteurs. La reconstitution ne passe pas nécessai-rement par la création de corridors exnihilo mais le plus souvent par la réhabilitation de composants abandonnés ou altérés par abandon d’entretien (ripisylves, bandes riveraines, ourlets thermophiles, bras annexes…).

3.4.1.3 Autres systèmes à valeur patrimoniale

Tous les systèmes de vallée ne recèlent pas des coteaux calcaires. Il existe des systèmes plus simples associant (ou ayant associé dans le passé) des prairies et des boi-sements ; des prairies, des marais, des ripisylves ou encore des prairies avec un réseau bocager.

L’évolution est souvent la même que celle évoquée plus haut. La réhabilitation potentielle passe donc par les mêmes voies. Ces systèmes sont présents dans les Gâ-tines, dans le Boischaut (avec les prairies à Sonneur à ventre jaune) dans la vallée de Germigny, le Perche, le Pays Fort…

3.4.1.4 Systèmes à déterminisme écologique

Si l’on considère que les affleurements calcaires ont été abordés avec les vallées, on évoque ici les réseaux d’habitats liés à un affleurement géologique particulier :

- sources acides au contact des sables du Perche et des calcaires disséminés tout au long de la cuesta perche-ronne. Ces suintements déterminent des landes hu-mides, tourbeuses, des bois très humides, des prairies

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plus ou moins marécageuses, des mares (amphibiens). Leur régression (abandon des prairies) fait que l’exis-tence du réseau effectif peut être mise en doute ;- affleurements marneux comme ceux du pied du Pays Fort : à l’origine de prairies plus ou moins humides, de pelouses marneuses (en régression), de landes, d’étangs ;- coteaux du Sancerrois : pelouses et formations ther-mophiles apparentées à celles de la Champagne berri-chonne, mais consécutives à un ensemble de failles et non à la présence d’une vallée ;- affleurements calcaires liés à la faille de Nogent-sur-Vernisson.

3.4.1.5 Bocages

S’ils sont présents essentiellement dans le Perche et le Berry, les bocages de la région Centre présentent quelques variantes aujourd’hui plus dans la tailles des mailles et dans les milieux associés (prairies, cultures, landes) que dans le mode de conduites des haies.Ces bocages restent bien structurés (Marche, Boischaut, Haut Perche) mais sont souvent localement désorgani-sés (vallée de Germigny, certaines parties du Perche), voire sont quasi annihilés.Presque partout, on assiste au vieillissement des ré-seaux qui subsistent et à des modes de conduite peu fa-vorables à un maintien durable. Néanmoins, on a planté de jeunes haies (dans les années 80-90) et on continue à en planter encore ici ou là.

L’intérêt du bocage sur le plan écologique tient au ré-seau, aux habitats associés (mares, prairies…), à ses effets sur le régime hydraulique, au mésoclimat induit, etc. Il est surtout intéressant pour la faune (c’est un ensemble de lisières entre espaces ouverts et compo-sante ligneuse), un peu moins pour la flore (les études anglaises et françaises ont montré que les haies floristi-quement riches étaient le plus souvent des lambeaux de forêt exclus du défrichement et que l’enrichissement en espèces végétales au cours du temps était très lent…).

3.4.1.6 Forêts

Plusieurs ensembles forestiers forment des «arcs» à travers la région et relient plusieurs unités naturelles entre elles, y compris hors du Centre :

- arc forestier du Sud de la Champagne berrichonne : composite (à la fois sur sols calcaires secs, marneux, argileux et acides), il relie le Bourbonnais (auvergnat) via les bocages à la Brenne, à la Touraine et au Poitou,- arc forestier ligérien : qui longe la Loire berrichonne et l’Allier, jusqu’au niveau de Cosne-sur-Loire,- arc forestier Sud Sologne : qui relie le Pays Fort à la région d’Amboise,- arc forestier du haut Pays Fort : plus isolé mais néan-moins rattaché à la Sologne et peut-être à l’arc ligérien ;

- arc forestier percheron : relié aux forêts du Perche sar-thois et de Basse-Normandie,- arc forestier orléanais : relie la Puisaye et présente de fortes affinités avec la Sologne (habitats comparables) à laquelle il est également relié. Relie aussi différents corridors peu ou pas boisés au Sud de l’Île-de-France.

Outre ces arcs, il faut évoquer aussi les habitats fores-tiers singuliers ou particuliers : Les boisements allu-viaux des grandes vallées (dont bien entendu la Loire), les forêts thermophiles du Sud de la région, les Hêtraies à houx des sommets.

3.4.1.7 Landes «atlantiques»

Les landes sur sol acide, dont les caractéristiques éco-logiques sont reliées à l’influence océanique, (landes à Bruyère à balais et Molinie, landes à Bruyère ciliée, landes sèches à Bruyère et Callune, landes humides voire tourbeuses à callune et Bruyère quaternée …) constituaient dans un passé relativement récent une composante paysagère forte de la région.

Leur présence, jadis très forte en Touraine de l’Ouest, diminuait peu à peu vers l’Est (avec un regain de den-sité en Orléanais et en Sologne). Désormais très rares en Touraine où elles n’entrent plus dans l’activité agri-cole, boisées le plus souvent, elles ne subsistent plus que sous forme de petits noyaux localisés au cœur ou en lisière de boisements, ou encore à proximitéd’étangs (et plus densément dans le Ruchard). Leur sort est encore moins enviable dans les Gâtines des confins Touraine-Berry.

La prise en compte de tels milieux pourtant typiques de la région ne se conçoit que dans une mosaïque d’habi-tats incluant forêts claires, prairies et étangs comme c’est le cas dans les pays d’étangs que sont la Brenne, la Sologne, l’Orléanais, la Puisaye et le Perche. Dans ces secteurs les landes sont encore relativement présentes.

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4. Bilan et propositions

4.1 Généralités

Le recul de la biodiversité découle de multiples causes dont les effets se combinent :

- la destruction et la dégradation des milieux naturels,- la fragmentation des espaces naturels,- les pollutions,- le changement climatique,- le développement d’espèces exotiques envahissantes.

La trame verte et bleue vise essentiellement à enrayer la perte de biodiversité par :

- la conservation, la restauration, voire la création de corridors écologiques favorisant les déplacements et les échanges entre les habitats et les populations ;

- le maintien ou la restauration des structures paysagères qui permettent la connexion des habitats naturels.

La trame verte correspond aux milieux terrestres, la trame bleue est constituée de cours d’eau et de zones humides. Les zones humides jouent un rôle important pour la trame verte et bleue parce qu’elles sont en forte relation fonctionnelle à la fois avec les milieux aqua-tiques et les milieux terrestres.

La trame verte et bleue est un réseau écologique cohé-rent quelle que soit l’échelle d’approche :

- pour chaque territoire étudié, la définition de la trame verte et bleue nécessitera une adaptation aux caracté-ristiques et enjeux de l’espace considéré ; - les trames vertes et bleues des différents niveaux territoriaux s’articulent de façon cohérente ; chacune apporte une réponse aux enjeux de son territoire en ma-tière de biodiversité et contribue à répondre aux enjeux des niveaux supérieurs.

Les corridors écologiques ont vocation à relier entre eux des espaces plus riches en espèces, considérés comme des réservoirs de biodiversité. Ce sont des axes de communication biologique (déplacements mais aussi échanges) susceptibles d’être empruntés par la faune et la flore. Ils sont plus ou moins larges, continus ou discontinus, composés de milieux ou de formes d’occupation du sol peu artificialisés (naturels ou semi-naturels). Il peut s’agir d’espaces de nature ordinaire, voire de mi-lieux agricoles bénéficiant de pratiques peu intensives. Enfin, ils ne suivent pas nécessairement le plus court chemin entre les espaces à relier.

Comme chaque espèce (voire chaque population) pos-sède des besoins vitaux spécifiques et suit ses propres corridors, on est donc amené à raisonner par groupes d’espèces ayant des besoins proches et fréquentant des milieux de même type. On parlera ainsi des oiseaux fo-restiers, des plantes ou des insectes des pelouses cal-caires… puis, par glissement, des milieux forestiers et des pelouses…Cette approche réductrice est généralement nécessaire pour établir une trame verte et bleue qui soit visible sur le terrain. Mais il est indispensable de ne pas tomber dans la ba-nalisation typologique qui pourrait déboucher sur des résultats aléatoires.

L’État n’impose pas de méthode unique pour la mise en place de la trame verte et bleue. Il suggère des dé-marches qui peuvent être mises en œuvre séparément ou de manière complémentaire :

- par espèce ou groupes d’espèces,- par habitats (il est probable que dans ces deux cas l’approche sera conjointe ; espèces + habitats),- par zones d’intérêt écologique majeur (ou patrimo-niales). Certaines ZNIEFF de type 1 pourraient être ces zones, connues à l’échelle communale et immé-diatement disponibles. Elles résultent d’une méthode homogène sur l’ensemble du territoire (approche mixte « espèces et habitats »). Il en est de même pour les en-sembles relevant de Natura 2000,-par les paysages : il s’agit de favoriser les structures paysagères qui permettent la connexion des habitats naturels. Cette approche présente l’intérêt d’être plus accessible à la participation publique et à l’appropriation locale. « Particulièrement accessible au public, émotionnel-lement et intellectuellement, le paysage est ce que les gens voient, imaginent ou comprennent quand ils re-gardent leur environnement. En autorisant divers modes de lecture, le paysage constitue également un média qui permet à chacun de poser son propre regard sur le ter-ritoire et son devenir. Il constitue une clé d’entrée pour des discussions plus larges que strictement paysagères, relatives au territoire et à l’environnement » (Dubois C. 2008. Le paysage, enjeu et instrument de l’aménage-ment du territoire. Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2009 13(2), 309-316).

Il conviendra toutefois, quand cette démarche sera rete-nue, de ne pas simplifier trop la méthode, ce qui débou-cherait sur un simple diagnostic paysager et non éco-paysager.

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4.2 Applications aux grandes formes d’occu-pation du sol

4.2.1 Les systèmes de vallée

On l’a vu plus haut, une majorité de systèmes écologiques caractéristiques de la région sont associés aux réseaux hydrographiques (et aussi aux vallées sèches),la Loire étant le plus remarquable. En outre, nombre de val-lées sont associées à des coteaux calcaires où se sont développées des formations calcicoles thermophiles (pelouses, prés-bois, bois clairs…). Or le développement de l’urbanisation affecte surtout la périphérie des agglo-mérations et les espaces de vallées. La pression est par-ticulièrement importante dans les franges franciliennes et sur l’axe ligérien, elle reste plus modérée dans les plaines céréalières. Cette pression induit divers amé-nagements et équipements consommateurs d’espace : carrières en eau ou roche massive, plans d’eau de loi-sirs de tailles variées et infrastructures sportives… Sont ainsi très altérées les vallées du Loing, de l’Avre, du Cher amont (carrières), du Cher aval, de l’Indre en Touraine (urbanisation).

Notons que parfois dans les régions bocagères c’est souvent dans les vallées que le maillage de haies a été le mieux préservé. Il peut donc y avoir conjonction entre deux types de trames (par exemple dans le Perche du Loir-et-Cher, la vallée du Couëtron).

Les vallées de toutes dimensions contribueront selon toute vraisemblance, de manière notable, à la trame verte et bleue régionale.

4.2.2 Les forêts

On a dit plus haut que divers arcs et axes forestiers tra-versaient ou longeaient la région. Ces ensembles contri-bueront également de toute évidence à la trame.

Les peuplements forestiers peuvent aussi alterner avec des formes d’occupation du sol ligneuses de caracté-ristiques variables. Ainsi dans une unité écopaysagère comme la Champagne, les peuplements thermophiles peuvent (ou pourraient être) reliés par des boisements mais aussi par un réseau constitué par des fruticées, des pelouses naturelles sur calcaire, des chemins en herbe, des prairies sèches. De la même manière, les chemins qui traversent des boisements thermophiles contribuent aux échanges entre populations de plantes et d’insectes des clairières.

Dans les vallées, les ripisylves et les boisements allu-viaux contribuent fortement aux échanges longitudinaux et transversaux.

4.2.3 Les bocages

La fonctionnalité écologique des bocages repose sur le réseau de haies mais aussi sur les formes d’occupa-tion du sol associées. Nombre de bocages jadis denses et fortement structurés ont sensiblement évolué, leurs composants ont vieilli, la conduite des alignements a notablement évolué et le réseau est parfois déstruc-turé. Néanmoins le paysage bocager reste typique de plusieurs unités écopaysagères régionales. Sa prise en compte au niveau communal devra souvent prendre en compte l’état de conservation et la fonctionnalité des haies. La méthode de travail existe, elle a été utilisée de manière habituelle dans les années 1980-1990 dans les études d’impact de remembrement (Perche de l’Eure-et-Loir, Indre en particulier).

A noter également que même si les bocages n’intègrent que peu de boisements, un réseau bocager peut relier des massifs forestiers entre eux.

4.2.4 Les landes

Les landes sont les formations végétales les plus frag-mentées. Fréquentes dans au moins la moitié Ouest de la région et irradiant dans de nombreuses unités écopaysagères, elles ont fortement régressé dans les 25 dernières an-nées par défrichement ou abandon et boisement volon-taire ou spontané.

Pour ces raisons la mise en réseau de stations disper-sées d’étendues très variables risque d’être complexe. Peut-être faudra-t-il raisonner par ensembles de sites pas trop éloignés les uns des autres, puis chercher à relier entre eux ces ensembles. Allées forestières, pare-feu, chemins peuvent contribuer à ces liaisons.

En Sologne, une partie des landes est reliée à des sys-tèmes de vallées (landes humides en fond de vallée, près des étangs sur les zones de sources, landes sèches sur les rebords de plateau).

Leur prise en compte partielle passe par l’approche «vallées et coteaux ». Resteront les landes de plateau à traiter spécifiquement.

4.2.5 Les pelouses calcicoles et formations thermo-philes semi-ligneuses

Leur cas déjà évoqué avec les vallées relève d’une pro-blématique comparable à celle des landes : forte frag-mentation et recul des surfaces par enfrichement et boisement. La mise en réseau des différents types de formes d’oc-cupation du sol pourrait se faire par les lisières (our-

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lets), des chemins en herbe, des prairies sèches (pour autant qu’il en existe dans les secteurs concernés), des jachères.

4.3 Les perspectives

Quelques pistes de travail ont été identifiées au cours de l’élaboration de cette étude. Elles sont évoquées ci-après.

4.3.1 Les éléments d’investigations potentiel à l’échelle régionale

La richesse floristique communale nous semble un thème d’investigation à explorer. L’examen de la carte publiée en 2007 par le CBNBP (les données communales n’étaient peut-être pas homogènes) montre des zones voire des réseaux de plus forte diversité : la Loire, la Brenne, la vallée du Cher…

Certaines trames correspondent à des configurations déjà évoquées comme les vallées ; d’autres, moins évi-dentes à expliquer, justifieraient une analyse plus pous-sée pour en évaluer les causes.

4.3.2 Les éléments d’investigations potentiel à l’échelle locale

Recherche de corridors locaux

Nous avons mentionné pour chaque unité ou sous-unité les corridors locaux connus, il en existe d’autres à réper-torier et décrire.

ZNIEFF de type 2

Lors de l’identification des unités éco-paysagères, les ZNIEFF de type 2 se sont avérées très utiles car elles concernent des entités relativement étendues et éco-logiquement fonctionnelles. L’inventaire ZNIEFF de se-conde génération ne visait pas une recherche systéma-tique de telles zones. Vis-à-vis du concept de trame verte et bleue, cette ap-proche à la fois écologique et patrimoniale nous paraît retrouver un intérêt certain. Nous suggérons d’en ren-forcer l’usage durant « l’inventaire permanent » et éven-tuellement de la compléter par l’analyse du fonctionne-ment des entités ainsi identifiées (caractéristiques de la mosaïque d’habitats, rôle des espaces de nature ordi-naire, corridors internes...).

Il serait utile par ailleurs pour les cours d’eau de procé-der dans chaque département à une analyse comparable à celle qu’a effectuée la FDPPMA de l’Indre pour les cours d’eau et têtes de bassins versants. Ces données ont permis d’identifier certains corridors méconnus comme le ruisseau du Palis près de Châtillon-sur-Indre.

A l’échelle communale

C’est selon toute vraisemblance à cette échelle que les études devront être les plus précises. Il conviendra donc de les préparer par des investigations préalables à l’échelle des unités ou sous-unités paysagères (ci des-sous, carte de 2007 mentionnée pour infomation).