le "slash" dans l'image: latence & permanence

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Latence & Permanence MARINA COSTANZO / LE “SLASH” DANS L'IMAGE { DSAA Créateur-Concepteur, OPT. DESIGN GRAPHIQUE { SESSION 2013 } --

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Mémoire de DSAA intégralement rédigé et conçu en 2013 par Marina Costanzo.

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Latence & Permanence

Marina Costanzo

/

Le “sLash” dans L'image

{

Dsaa Créateur-Concepteur,

opt. Design graphique

{ session 2013 }

--

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& Préface / de l'hyper-réactivité

a technologie progresse, de jour en jour, la vague des nouveaux supports de communication et des flux d'infor-mations qu'ils véhiculent déferle sur nous et ne semble pouvoir s'interrompre. nous sommes rentrés dans l’ère de l’immédiateté, du tout, tout de suite, tout le temps.

submergés de messages et d’images nous ne pouvons poser fixe-ment notre regard sans que celui-ci ne se détourne aussitôt. guidés et stimulés en permanence par ces flux qui nous procurent tout ce que nous avons besoin de savoir et de voir, nous avançons sans pouvoir nous retourner. sans pouvoir prendre le temps de nous questionner, de poser un regard critique sur ce qui nous est donné à voir ou à lire, ces flux constants nous éloignent chaque jour du sens profond des mots et des images. Cet univers hyper-réactif nous confronte donc à des contenus eux-mêmes hyper-réactifs : des contenus de l’instant, sans avant ni après. sur l’échelle du temps ? De vulgaires grains de poussière. Comme tout un chacun peut désormais le percevoir, nous sommes à l’ère de l’hyper-réactivité ou l’information va et vient au rythme 3 ×10 8 m/s de la vitesse lumière. La réflexion qui va suivre témoigne d’un besoin viscéral de ralentir les choses : quand ce rythme intense vient à nous échapper, que le monde autour de nous semble s'étendre comme une infinie surface lisse, et que l'on en vient à se demander si, finalement, la clé de l’éveil a ne résiderait pas, comme le prône la religion Bouddhiste, dans l’immobilité. ne devrions nous pas ré-apprendre à attendre, à s’arrêter pour regarder et à se re-positionner en tant qu’observateur (« celui qui observe avec attention, qui étudie les choses, les êtres, les événe-ments » b), et non plus seulement en tant que spectateur (« celui qui voit une chose, en est témoin » b) ? à la manière de ces grands préda-teurs en état de veille permanente, nous tapir silencieusement

a. Dans les langues indo-européennes, le terme buddha signifie littéralement « qui s’est éveillé ».

b. Définitions et étymologies CnrtL : www.cnrlt.fr

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dans l’ombre, observer attentivement notre environnement, afin d’en saisir, au moment propice, la précieuse et jouissive révélation. nous ne pouvons contrôler les flux eux-mêmes. Ce qui en revanche n’appartient qu’à nous, c’est l’usage que nous en faisons et les réponses que nous apportons à leurs stimuli. si nous voulions à tout moment pouvoir dire stop, serait-ce possible ? peut-on imaginer de rompre la permanence en créant des “parenthèses”, et que contien-draient alors ces dites parenthèses ?

en matière de design, les questions de la réintroduction du signifiant et de la nécessité de hiérarchiser l'information n'ont jamais été aussi présentes. en effet, l'afflux de nouveaux médias et l'évolution quotidienne des nouvelles technologies font émerger de nouvelles formes d'images et l'on voit apparaître des contenus de natures de plus en plus diverses. Ce phénomène apporte à la fois aux mondes du design et des arts une immense richesse, mais, en contre-partie, les conduit à une uniformisation massive, à une superficialité comparable à celle des contenus eux-mêmes (des contenus redistribués à l'infini qui, petit à petit, finissent par aplatir tous les supports de la communication). Dans le but d'agir en opposition à ce “bruit” informatif, il y une réelle nécessité de réintroduire un regard critique et de ré-interroger les fragments issus du “zapping” informationnel qui conduit à une déperdition qualitative et à un aplatissement sémantique des contenus.

& Préface / de l'hyper-réactivité

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sommaire

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• concLUsion | p.140• Summary (résumé) | p.149

• Sources | p.159• annexes | p.167

• remerciements | p.187

• préface | p.5• introdUction | p.14

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La veille / L’état de veille : Latence et permanencei ) définition & fonctionnement de l'état de veille

• introduction

• L'état de veille : Fonctionnement en deux temps

ii ) Les typologies & enjeux de la veille

• La veille stratégique : surveillance et anticipation

• L'action de veiller : de la survie à l'outil de création

• portée écologique & économique de la veille

• trois différentes typologies de “veille” : trois enjeux distincts

iii ) Le mode “slash” : Latence et permanence

• Caractéristiques du mode “slash” :

Vers des supports et contenus permanents mis en retrait

• atténuer & masquer : Vers une meilleur lisibilité des contenus

et une meilleure relation aux objets

• Mettre en suspens (e) : Vers une mise en suspens

d'environnements visuels et/ou d'espace dans l'image

iV ) étude de différents types d'activation des environnements “slash”

• activations cycliques et programmées

• activations liées à des usages

L'affluence d'informations

• constat / Flux de données ininterrompus

• conséquences / abondance des contenus générés

/ “prière de rester en mouvement.”

/ Déperdition du jugement & de la qualité de l’information

interrompre tous les flux, succomber à l’immobilité ?

Constat

Applications

Enjeux

Orientation

Positionnement

écologie du regard

• économie / “écologie’’ du regard

• avoir Le choix / gérer / organiser son environnement

Vers des supports intermittents ? • s’opposer à la permanence

• on/off : Description d’un système en trois temps

thématiques & contextes d'applications potentielles

Hypothèse

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Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours !

Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m'échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons !

extrait du poème « Le Lac », dixième poème du recueil Les Méditations poétiques de alphonse de Lamartine, 1820.

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Le corps du mémoire qui va suivre s'articule autour des trois particules du champ linguistique : la particule “on” (allumé, actif, éveillé), la particule “off” (éteint, inactif, endormi) et enfin la particule “/” (en état de veille), représentant trois niveaux d'activité d'un objet. il est à noter que le terme d' “objet” est ici entendu comme un support communiquant, qu'elle qu'en soit la nature, à partir du moment où celui-ci s'inscrit dans l'un des différents champs du design.

La première partie “on” établit le constat, la situation initiale et inscrit ainsi le propos dans le contexte actuel. il s'agit de tenter de circonscrire ce qui a trait aux flux de données, à leur perma-nence ainsi qu'aux principaux bénéfices et inconvénients qui en découlent.

par opposition au “on”, le “oFF” constitue le sujet de la seconde partie, très courte et qui à pour unique ambition de poser l'hypo-thèse suivante : peut-on interrompre les flux et quelles solutions alors cela nous apporterait ?

enfin, la dernière particule “/” est interrogée dans un troisième temps et constitue le cœur de la réflexion et donc la partie la plus conséquente. La part la plus importante de ma démarche y est énoncée, de l'orientation de mon questionnement jusqu'à l'énon-ciation de contextes favorables à des transferts vers le projet, en passant par mon positionnement détaillé. Dans un premier temps, je m'interroge sur la manière de condition-ner un flux, qui ne peut pas et n'a pas d'intérêt à être totalement interrompu : un système intermittent basé sur le modèle de l'in-terrupteur à bascule (“on/oFF”) peut-il permettre d'opérer une sélection du flux, de l'interrompre quand on le désire ? La suite de mes recherches s'articule autour du thème de la veille, système en deux temps et qui correspond au “/” du système à bascule puisqu'il ne s'inscrit ni dans l'éveil du “on”, ni dans l'arrêt

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total du “oFF”, mais dans le temps intermédiaire de la veille. La notion de veille est alors décortiquée et ses différentes typologies et enjeux sont analysés afin d'orienter précisément mon positionnement. Mon positionnement s'oriente donc ensuite autour du mode “slash” : mode d'activation d'un objet qui possède la capacité de se mettre en retrait malgré sa permanence – en écho au flux qui ne peut pas être totalement stoppé. Je poursuis en m'interrogeant sur la capacité d'objets théoriques ou issus des champs du design à se mettre en retrait, se mettre entre parenthèses, se camoufler, et enfin, à suspendre leur cours dans le temps et dans l'espace. qu'est-ce qu'un corps suspendu et comment est-il représenté ? que peut-on extraire de ces suspens (fragments de temps dans l'espace) ? qu'est-ce qu'un environnement hors du temps réel ? peut-on créer de nouveaux espaces-temps dans l'image ? La phase suivante réside dans l'observation d'objets existants et issus des différents champs du design permettant d'identifier les principaux types d'activations, qu'ils soient cycliques ou program-més, ou liés à des usages, le spectateur étant dans le premier cas principalement spectateur et dans le second cas acteur.

L'analyse est conclue par l'énonciation des enjeux majeurs du mode “slash” : l'économie/écologie du regard qui permet un regain de précision critique, et la possibilité d'interagir plus consciemment avec notre environnement, d'avoir le choix quant à la gestion et à l'organisation de notre environnement quotidien et de revenir ainsi à des dispositifs favorisant davantage l'aspect humain. enfin, la dernière partie présente les thématiques et principaux contextes propices à des applications potentielles dans l'optique de la réalisation des projets et du macro-projet.

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Lorsque mes filles ont créé avec jubilation leur première adresse e-mail, j'ai bien observé ce qui s'est passé. Au début, ce fut comme un mince filet d'eau : elles s'envoyaient seulement des mails entre elles. Puis, c'est devenu un ruisseau : leurs amis s'étaient joints au flux de communication. Et aujourd'hui, un déluge de mes-sages, d'e-cards et d'hyperliens s'abat sur elles quotidiennement.

« La simplicité c'est sain », extrait de De la simplicité, ouvrage de John Maeda, 2006.

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illustration, collectif Eboy, 2006.

Communication City

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Les valves sont ouvertes, le robinet de l’information fuit à grosses gouttes et le phénomène ne semble que s’amplifier de jour en jour. Cette métaphore si représentative permet de pointer du doigt la densification toujours croissante des flux ininterrompus qui traversent nos environnements au quotidien. Ces flux sont consti-tués de données de natures très diverses, de signes, de messages, de visuels… et véhiculés par la multitude de plateformes d’échanges que sont les blogs ou les nombreux réseaux sociaux, plus ou moins spécialisés. La constance du flux, et donc des contenus générés permet d’être dans un état de communication, de connection per-manente avec notre environnement, le flux rss, par exemple, est un fichier dont le contenu est produit automatiquement en fonction des mises à jour d’un site Web. Les flux rss sont souvent utilisés par les sites d’actualité ou les blogs pour présenter les titres des dernières informations consultables en ligne. Du point de vue matériel, tous ces flux sont donnés à voir au travers de supports de plus en plus nombreux et prégnants dans notre quotidien. en matière de multimédia notamment, on trouve un marché particulièrement florissant d’objets communicants et porta-tifs. qu’il s’agisse du smartphone qui nous accompagne en perma-nence, de l’ordinateur portable ou encore de la tablette tactile qui nous permet de recevoir de l’information à peu près n’importe où et à n’importe quel moment, les flux ne cessent de circuler autour et à travers nous, abaissant par là même la frontière entre sphère publique et privée (ou l’importation de notre espace privé au sein de l’espace public). Mais cette communication constante n’apparaît pas exclusivement dans le domaine du web. en effet, on trouve également sur des supports imprimés comme les journaux gratuits qui proposent plusieurs éditions quotidiennes, ce même désir d’alimenter le lecteur en informations. ainsi, chaque intervalle de temps libre est comblé : Direct Matin est distribué aux usagers des transports en

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à partir de l’apparition du web 2.0, qui a permis à chacun de géné-rer, de publier ou encore de partager des contenus simplement et de les rendre accessibles au monde entier, le “top départ” à été donné à une communication constante, toujours plus dense et dépourvue (en apparence) de limites, tant sur le plan spatial, physique, que sur la teneur des contenus eux-mêmes. La conséquence de cette pro-duction perpétuelle de contenus est bien évidemment l’abondance. et avec l’abondance, une offre incroyable de données très diverses : s’informer sur le monde, obtenir des renseignements… par bien des aspects, internet nous offre aujourd’hui un grand confort de vie, et ce, jusqu’à une forme de dépendance. on constate chez les dernières générations un bouleversement de la logique basée sur l’apprentissage et la mémorisation des informations. en effet, des analystes se sont penchés sur les nouveaux modes de pensée des générations z et Y – dont les membres peuvent également être qualifiés de “natifs numériques” (ou “digital natives” en anglais),

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commun pour combler les cinq ou trente minutes qui relient leur domicile à leur destination, et Direct Soir permet de “tenir le coup” entre le lieu de travail et la maison. serions-nous devenus à ce point boulimiques face à l’information ? et, abreuvés en permanence de cette manne bruissante de contenus, sommes nous encore capables d’en saisir l’essence ?

Surabondance

des contenus

générés

surabondance

des contenus

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T c onstat / flux de données ininterrompus

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et certaines conclusions tendent à faire penser que ces générations et les futures se délivreront du traditionnel apprentissage “par coeur” puisque internet permettra d’agir comme une mémoire uni-verselle externe et infaillible, comme l'explique John Brockman, l’éditeur de The Edge : « Le cerveau collectif externalisé est désormais le cerveau que nous partageons tous ! Cela ne concerne pas l’informatique. Ni ce que signifie d’être humain – en fait, cela défie nos hypothèses préférées sur ce point précis. Cela concerne ce que nous pensons. » 1. Ce propos est d'ailleurs repris dans le dernier ouvrage de Michel serres Petite poucette : « Ces enfants habitent donc le virtuel. Les sciences cognitives montrent que l'usage de la Toile, la lecture ou l'écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipédia ou de Facebook n'excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l'usage du livre, de l'ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni n'intègrent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n'ont plus la même tête. » 2. quel sera donc le nouvel atout intellectuel de ces futures généra-tions ? La réponse réside peut-être dans la capacité à synthétiser. encore une conséquence de l’abondance des contenus, les généra-tions à venir devront s’adapter à ce nouvel enjeu capital, basant leur intellect sur des aptitudes à la recherche (et notamment à la façon de cibler nos recherches, comme le font les instituts de veille straté-gique) et à la synthétisation de l’information. Cette abondance de données nous apporte donc une grande stabilité au quotidien, un refuge pour nos éventuelles lacunes, un terrain de jeu et d’apprentissage, de socialisation… au-delà de la seule sphère du web, le fait d’évoluer au sein d’un environnement si “com-menté”, signalisé, nous offre de nombreux points de repère et nous permet de gagner du temps dans toutes nos démarches. et la ques-tion du temps aujourd’hui et particulièrement de la rentabilisation du temps est une des questions centrales de notre société. un flux d’informations constant est-il compatible avec des journées de 24h ? La rapidité et la permanence des flux semblent rentrer en effet en contradiction avec les lois de la physique établies par nos ancêtres.

1. « Comment l’internet transforme-t-il la façon dont vous pensez ? » (La grande question annuelle posée par la revue the edge), article de hubert guillaud publié sur Pearltrees.com le 9 Février 2010. 5 Lien : www.pearltrees.com

2. Petite poucette, ouvrage de Michel serres, 2012.

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habitués à cette actualisation constante de l’information, la plupart des personnes ancrées dans l’usage intensif des nouveaux médias se retrouvent confrontés à une quête aussi infinie que l’est le réseau de l’information ; la quête de la nouveauté. pour en revenir aux nouvelles générations, georges nurdin, directeur de Paris School Of Business aborde cette tendance très affirmée à l’hyper-réactivité chez les 18-23 ans, aussi appelés « Génération Z » en la décrivant comme : « Une génération fragmentée, ancrée dans l’instantanéité et l’éphémère ; formidable-ment créative, certes, mais aussi experte dans l’art du contournement dès lors que se profile une contrainte. Ces jeunes qui, d’ici peu, voudraient bien envahir le marché du travail, entraî-nant un renouvellement de la population active et, avec lui, certaines “inadéquations”. À commencer par celle liée au rapport au temps, celui des futurs acteurs du marché obéissant aux logiques d’hyper-ré-activité en vigueur sur le Web et celui des entreprises restant ancré dans la durée. (...) » 3. nous finissons donc par nous accoutumer à la nouveauté, à l’actualisation perpétuelle de l’information, sans pour autant prendre le temps de se questionner sur ce qui est ou ce qui a été, et non pas sur ce qui sera (comme c’est le cas selon georges nurdin chez les 18-23 ans).

3. « nous sommes face à une génération de confort… », article de georges nurdin publié sur Lenouveleconomiste.fr le 16 Mai 2012.

5 Lien : www.lenouveleconomiste.fr

« Ce qui retient leur attention un temps parce que c’est nouveau et dans

l’instant, cesse de les intéresser la seconde d’après parce que, pour eux,

cela relève déjà du passé. Des poissons rouges, en quelque sorte. » 1

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il semble donc que l’un des inconvénients majeurs de cette suren-chère perpétuelle de données soit un pesant manque de recul vis à vis de ces contenus, et par voie de conséquence, une perte d’acuité du regard. trop obnubilés par le nombre, nous ne nous permettons plus de nous arrêter, de nous intéresser particulière-ment et profondément aux faits, aux images ou encore aux objets qui nous entourent. Les deux graphistes qui vont être cités par la suite abordent la nécessité de ré-adopter un point de vue critique sur ce qui nous est donné à voir, expliquant que l’absence de jugement, additionnée à la surchage, contribue fortement à la déperdition qualitative des contenus. tous deux ont répondu à la question « Quels sont, selon

Il a trop de versions du même monde. Il n’existe pas de devise culturelle commune ‒ les canaux sont bien trop nombreux, encom-brés chacun par bien trop d’indivi-dus actifs. Internet a, par bien des aspects, généralisé la diffusion des commentaires faciles et incom-pétents émis par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent. C’est la dévaluation par dilution. Il faudrait réintroduire la machine à écrire, ralentir les choses. D’une manière ou d’une autre, nous devons collectivement éditer toutes les âneries qui sont déversées dans le monde chaque jour. 4

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4. interview de hamish Muir publiée dans le magazine étapes : n°198 et n°200, p.48, 2012.

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vous, les principaux défis auxquels les arts et le design graphique auront à faire face au XXIe siècle ? Quel progrès pourraient être envi-sagés ? » posée par le magazine d’arts graphiques étapes:. hamish Muir, designer graphique et enseignant à Londres qualifie cette perte qualitative au sein de l’information massive de « dévaluation par dilution » et insiste sur la nécessité de ralentir nos trains de vie. enfin, astride stavro, directrice artistique à Barcelone, explique la manière dont la surcharge vient créer un bruit visuel qui altère aussi bien le jugement du graphiste que celui du spectateur. La prise de recul et la critique sont indispensables à un bon dévelop-pement futur du domaine des arts graphiques, et de beaucoup d’autres d’ailleurs : « (...) l’omniprésence de ces médias modernes nous réduit à un état de saturation permanent face à la surcharge d’infor-mations reçues. Nous sommes cernés par un flux d’informations et de contenus à plusieurs niveaux, qui nous sont communiqués de manière dynamique et gratuite sur tous les supports qu'il nous convient d’uti-liser. Les traditionnelles “lois de la simplicité”sont mises à mal par la surcharge sensorielle de la réalité interactive et hypertextuelle dans laquelle nous vivons. Au beau milieu de ce bruit visuel, nous avons de plus en plus besoin d’un discours critique. Nous devons résister aux choix, aux possibilités et aux stimuli surabondants, en apprenant à rester immobile. Nous devons inciter les designers graphiques à se poser des questions sur leur travail ; à s’interroger sur le pourquoi et le comment de leurs actions ; à fournir de nouveaux points de vue cri-tiques et à partir desquels considérer cette discipline dans un contexte social et culturel plus large. » 3.

Dans ces deux réponses, on retrouve la même nécessité de ralentir ce flux, hamish Muir propose de « réintroduire la machine à écrire, ralentir les choses », voyant peut-être là une manière de prendre le temps de retourner en arrière, voir « ce qui a été » – pour rejoindre le propos de georges nurdin. astride stavro quant à elle, parle plus radicalement de résistance, apprendre à se questionner sur nos choix et à apprendre à « rester immobile ».

5. interview de astride stavro publiée dans le magazine étapes : n°200, p.44, 2012.

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Mais pourrions-nous envisager, comme le propose la graphiste astride stavro, de résister, de rester immobile, de s’y astreindre et d’interrompre ainsi tout flux ? si, dans une volonté de changement radical, nous décidions d’éradiquer tout signe, symbole et image de notre environ-nement, quel serait l’effet produit ?

Le plasticien allemand Josef schulz s’est penché sur cette question au sein de l’espace public avec la réalisation de plusieurs séries pho-tographiques dont Sign Out et Sachliches. Dans la première série, il photographie un ensemble de panneaux signalétiques ‒ objets porteurs d’informations permettant de s’orienter dans un environ-nement, et en retire tout signe. amputés de leur usage initial, ces objets sont réduits à leur seul aspect formel, plus ou moins abstrait, à de simples sculptures urbaines. quant à la seconde série intitulée Sachliches (le terme sachlich signifie neutre, sobre en allemand), elle s’attache à supprimer les enseignes des grandes structures industrielles, ne laissant plus apparaître que d’énormes blocs à l’as-pect stérile, presque surréalistes et incongrus. Les images produites par l’artiste révèlent finalement un étrange sentiment de malaise. en effet, cette suppression, cette désactivation des images et des signes, sur des supports de l’espace public habituellement habités, vient créer une considérable perte de repères.

6. L’inquiétante étrangeté, essai de sigmund Freud, 1919 – titre original Das Unheilmliche traduit en français par Marie Bonaparte.

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Ci-dessous : Sachliches, à gauche : Sign Out, séries de photographies de Josef schulz.

• Comment interrompre le flot sans perdre tout repère ?

• Existe t-il un compromis à ces deux tendances extrêmes ? {{

il semble en effet émerger de ces images un sentiment d’inquié-tante étrangeté, ou Das Unheimliche comme le désignait s. Freud dans son essai paru en 1919 6, concept qu’il définit comme le malaise né d’une rupture dans la rationalité rassurante de la vie quotidienne. Cet ensemble de signes et d’images serait donc ancré et indispensable à notre quotidien, ils instaurent des repères stables et rationalisent notre environnement tant dans la sphère privée qu’au sein de l’espace public.

ayant à présent établi, d’une part une forme de nécessité à se libé-rer de la permanence des flux, d’autre part le confort et la stabilité indispensables qu’apporte la présence de ces flux dans nos environ-nements quotidiens, des questions s’imposent :

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X_

Page 43: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
Page 44: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
Page 45: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

?

SLaSHsLasH

partie iii

Page 46: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
Page 47: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

2orientation

_

Page 48: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

« Fonction esthétique et société », par edith heurgon extrait de Le design : essais sur des théories et des pratiques, ouvrage théorique placé sous la direction de Brigitte Flamand, 2006.

« Avec la mondialisation se développe une conception du temps fondée sur la vitesse et un fonctionnement continu 24h/24h. Les conséquences en sont, pour les entreprises, un fonctionnement en continu (circulation moné-taire, rythme accéléré des produits, inflation des nouveautés),et, pour les individus une tension interne (...). Des tensions apparaissent aussi entre les rythmes du système productif et les rythmes des individus : faut-il accélé-rer ? Faut-il ralentir (faire avec Pierre Sansot l'apologie de la lenteur) ? S'agit-il de recher-cher une éthique du bon tempo par alternance de rythmes différents comme le suggère Francis Godard ? »

Page 49: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

{ { TX

vers des sup-

ports iNtermit-

teNts ?

verS deS Sup-

pOrtS iNtermit-

teNtS ?

Page 50: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

{

Ci-dessus : Numeriflash installé dans la gare saint-Lazare située à paris.

52

s’opposer à La

permaNeNce

S’opposer à la

permanence

l’aspect quantitatif, c’est sa constance qui donne au flux son caractère insaisissable. en se concentrant, non pas sur l’arrêt mais plutôt sur une mise entre parenthèses, sur une rupture ponctuelle, peut-être trouverons nous enfin une forme de compromis. par opposition à une permanence univoque, les environnements ou supports visuels qui nous entourent pourraient-ils devenir impermanents, éphémères ou encore intermittents (c’est-à-dire qu’ils aient la capacité de s’arrêter et de reprendre par intervalles) ? Dans notre univers quotidien, nous sommes déjà confrontés à des objets ou interfaces permettant ce type de modularité dans leur usage. Dans l’espace urbain par exemple, les nouvelles technologies ont permis de développer des supports publicitaires et informatifs tactiles qui s’activent en fonction des besoins des passants. Dans la gare parisienne saint-Lazare par exemple, on trouve désormais des écrans Numériflash qui donnent aux voyageurs le choix de

Comme nous l’avons précédemment évoqué, il est impossible de stopper totalement les flux de données qui transitent sans cesse, trop nombreux et trop réactifs pour être contenus. Car au-delà de

Page 51: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

53

? p

ar

tie

iii : SLA

SH /

orien

tation

consulter l’information, si besoin, sans imposer en permanence des visuels publicitaires. Le concept de “mise entre parenthèses” existe également sur le web. on peut citer comme exemple l’extension Inbox PAUSE qui fonctionne avec Chrome et Gmail et qui permet de mettre en pause une boîte de réception. Dans un article publié sur le siteGraphisme.fr présentant cette extension, goeffrey Dorne revient sur cette nécessité de rester le plus possible maître du flux. Car même si nous ne pouvons en contenir la masse, nous pouvons essayer de le modérer selon nos propres besoins : « L’important aussi dans la vie c’est de choisir… Et avec inbox pause, vous choisissez le moment de vous faire submerger de mails. » 7. sans aller aussi loin que les exemples qui viennent d’être cités, il existe dans notre univers quotidien un système au fonctionne-ment très simple qui permet de résumer ce principe d’intermit-tence : il s’agit de l’interrupteur. Fonctionnant en on/oFF (allumé/éteint), il permet d’agir en un seul geste sur l’état de l’appareil électrique ou électronique auquel il est relié.

après avoir pris connaissance de l’existant, on peut poursuivre le questionnement en s'interrogeant sur ce que seraient des supports ou des environnements intermittents. pourrait-on par exemple imaginer des supports de types variés fonctionnant sur le principe de on/oFF ?

7. extrait de l’article de goeffrey Dorne « utilisateurs de gmail ? Mettez votre boîte mail sur pause » publié sur Graphism.fr le 7/09/2012.

5 Lien : http://graphism.fr/

Page 52: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

54

{

1. “on” : supports actifs.

2. “oFF” : supports éteints, inactifs.

3. et 4. “/” : supports latents, en attente.

1

2

4

3

“on off”“on/off”

Page 53: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

55

Description

d’un Système en

trois temps

fin de mieux saisir les enjeux du système on/oFF, il convient d’en isoler chaque particule et d'en dégager les spécificités. tout d’abord le “on”, désigne le sys-tème à l’état actif : (r)éveillé, (ré)activé.

apparaît ensuite le signe “/”, qui marque l’entre deux temps, une sorte d’état latent entre l’éveil et le sommeil (on peut l’imager avec des scénarios comme l’endormissement, l’état de somnolence, ou encore un mouvement de vacillement) et qui sera plus largement défini par la suite comme correspondant à l’état de veille. enfin, le dernier composant, le “oFF” désigne le système à l’état de pause : inactif, immobile, en retrait. Cet ensemble on/oFF – étant résolument considéré au-delà de son modèle électroniquement basique, se compose donc bien de trois temps, de trois niveaux d’activation. Des cas concrets permettent de comprendre ce fonctionnement au sein de notre environnement quotidien. il est par exemple possible, d’après la définition qui vient d’être donnée, d’établir que les panneaux publicitaires sont des supports de communication fonctionnant sur le principe du on/oFF. sur les images apposées, on constate en effet trois états distincts. ainsi, la scène 1 affiche de grands panneaux publicitaires en mode “on”, en état d’acti-vité donc, puisque ces panneaux affichent un contenu accessible, directement lisible par les passants. sur l’image 2 en revanche, les panneaux sont vidés de tout contenu. Vidés de leurs informations et de leurs sens, à la manière des panneaux de la série Sign Out de Joseph schulz, ces supports publicitaires sont totalement désac-tives : ont peut alors dire qu’ils sont en mode “oFF”.

aa

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tie

iii : SLA

SH /

orien

tation

Page 54: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

56

2 orientation on / oFF : description d'un système en trois temps

enfin, il apparaît un troisième type de panneaux. possédant les mêmes caractéristiques formelles que ses prédécesseurs des scènes 1 et 2, les panneaux présents sur les deux dernières images (3 et 4) ont une particularité au niveau de leur contenu. en effet ils ne sont ni vides, ni pleins : s’ils ne contiennent aucun affichage publicitaire ou informatif ils ne sont cependant pas dépourvus de tout contenu.

Mais ce contenu n’étant pas directement lisible par les passants, ces supports non-informatifs et non-publicitaires semblent s’apparenter davantage à des œuvres abstraites. On peut donc attribuer à ces pan-neaux un état intermédiaire, ni actif, ni en état de pause : il s’agirait donc de supports latents, de supports en attente.

Cette thématique du support non-publicitaire a d’ailleurs fait l’ob-jet d’une production plastique d’envergure par Les Graphiquants, qui ont réalisé en 2010 une série d’affiches disposées dans 900 gares snCF et ratp, présentant un contenu non-publicitaire, jouant sur la plasticité plutôt que sur la valeur informative des contenus affichés. sur le modèle de ces grandes zones bleues ou vertes qui composent les espaces latents du métro parisien, Les Graphiquants sont venus créer des affiches fonctionnant en “/” : ni vides, ni fonctionnelles en tant que support d’information, ces panneaux d’affichages deviennent des objets, des surfaces à contempler, des bribes d'espaces publiques mises entre parenthèses. Le système on/oFF permet de nommer des systèmes de supports et d’environnements intermittents qui permettent de créer des ruptures temporaires, que la rupture soit contrôlée par l’usager (comme dans le cas de l’interrupteur) ou non (dans le projet des Graphiquants par exemple), avec la densité d’information que l’on côtoie. on a notamment pu constater que l’une des particules du on/oFF offre des avantages qui la distingue. En effet, le “/” qui désigne un support en état de veille, ne crée pas une réelle rupture, mais reste en veille, donc en vigilance permanente, tout en ayant la capacité de se mettre en retrait.

Page 55: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

57

{

série d’affiches non-publicitaires par Les Graphiquants. Diffusion : 2010.

Floating

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iii : SLA

SH /

orien

tation

L’étude qui va suivre va donc se concentrer sur cet état de veille afin de mettre en avant ses spéci-ficités et son habilité à se distancier de la perma-nence des flux sans la rompre totalement.

Page 56: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
Page 57: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

0positionneMent

_

Page 58: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

{

Page 59: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

T

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L'état de veiLLe :

eNtre

L ateNce &

vigiL aNce

L'état de veiLLe :

eNtre L ateNce & vigiL aNce{

{

Page 60: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

1)1)

Page 61: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

définition

& fonc-

tionne-

ment de

l'état de

veille

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iii : SLA

SH / P

ositionn

emen

t

définition & fonc-tionne-ment de l'état de veille

63

Page 62: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

La veille se situe aux frontières

du sommeil et de l’éveil. c’est

ainsi que naturellement, cet état

intermédiaire se positionne et

jongle entre deux temps.

64

Page 63: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

état de veille fonctionne comme un va et vient. il se compose de deux phases distinctes : une phase de latence, que l’on peut associer directement à l’état de veille, dont la posture physique est souvent proche de la pause. Cette état est systématiquement suivi d’une

phase d’éveil, souvent brusque ou, du moins, instantanée. L’état de veille s’applique dans de nombreux domaines et comprend ainsi de nombreux enjeux et modes de latence et d’éveil. La phase de latence n'implique donc pas nécessairement un assoupissement mais peut, au contraire être un moyen de camouflage, un moyen de se soustraire à l’environnement. L’exemple le plus évident pour illustrer ce phénomène est très certainement celui des oiseaux de proie nocturnes. Dans ce cas précis, la veille est associée directe-ment à la vigilance, à la surveillance et à la concentration aiguë. Le but, qui est alors la chasse, nécessite à la fois une extrême discrétion et une intense concentration, pour repérer sa proie sans être repéré lui même. Cela confère à l’oiseau en état de veille sa posture figée, avec une mise en pause de son corps entier. une fois la proie ciblée, l’oiseau sortira de sa veille en une fraction de seconde avec une extrême précision et une extrême rapidité. un autre exemple, totalement différent du précédent, est celui de la mise en veille en informatique ou en électronique. en effet, si la posture figée se rapproche de celle des oiseaux de proies nocturnes, les enjeux qui incombent à la veille informatique sont tout autres. Le but n’est plus l’obtention d’une chose, mais plutôt de se sous-traire à une chose : la consommation d’énergie. il s’agit d’un but

L'état de veille :

fonctionne-

ment en deux

temps

L'état de veiLLe :

FoNctioNNe-

meNt eN deux

temps

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iii : SLA

SH /

Position

nem

ent /

i ) Définition &

fonctionnement de l'état de veille

65

lL’

Page 64: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

66

purement économique, et, par voie de conséquence, d’une volonté de préservation à visée écologique. Le système mis en veille est ainsi moins “gourmand” en énergie, mais toujours accessible de manière instantanée : un mouvement de souris sur l’écran de notre ordinateur, un clic de télécommande en direction d’un appareil électrique, et ce dernier s’éveille de manière quasi-immédiate. si les enjeux des deux exemples cités peuvent paraître éloignés et incompatibles, ils seront pourtant des éléments centraux de ma réflexion créative à venir. La discrétion de la chouette, immobile, invisible mais vigilante, observatrice sur son environnement, rejoint un des enjeux forts que je souhaite aborder : entre la persis-tance et la mise en retrait. enfin, dans le but de la mise en veille des systèmes informatiques et électroniques, l’économie est un terme important, plus simplement d’énergie électrique, mais phy-sique, l’économie du regard du spectateur sur son environnement. Dans l’économie et la réduction des supports visuels, du flux conti-nuel de messages que nous rencontrons quotidiennement se trouve peut-être la clef d’un nouveau regard : un regard d'une qualité supérieure, plus critique vis-à-vis de notre environnement.

afin d'étayer cette définition spécifique de la veille, il convient de dresser ses différentes typologies, car si la vigilance et l'économie sont des enjeux clefs, nous allons voir que la veille a aujourd'hui un rôle central dans nos environnements personnels et professionnels, permettant de dégager de nouveaux enjeux de plus en plus straté-giques et amenant le designer graphique à des questionnements et des propositions de nature prospective.

0 Positionnement / L'état de veille : fonctionnement en deux temps

Page 65: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

67

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iii : SLA

SH /

Position

nem

ent /

i ) Définition &

fonctionnement de l'état de veille

Page 66: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

2)

Page 67: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

Les typo-

logies

& enjeux

de la

veille

69

Les typo-logies & enjeux de la veille

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iii : SLA

SH / P

ositionn

emen

t

Page 68: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

70

La veille stratégique est une méthode de surveillance ayant pour but de

s'informer sur des sujets pré-définis, originalement développée par les

entreprises, elle s'étend aujourd'hui – en partie grâce sa définition pre-

mière de veille comme nous le verrons dans la partie suivante consacrée

à l'humain au cœur de la veille, à l'ensemble de la population (notamment

aux usagers de l'internet), et ce, dans de très nombreux domaines. La

définition donnée par l'aFnor (association Française de normalisation)

présente la veille stratégique comme une « activité continue en grande

partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement tech-

nologique, commercial,… pour en anticiper les évolutions » a. en effet,

comme l'expliquent les spécialistes du domaine Fabrice Fontaine a et

patrick Cuénot b, la veille stratégique s'applique à de nombreux domaines

'

anaLYse De

La veiLLe

stratégique :

surveiLLaNce &

aNticipatioN

regards croisés sur la veille 8 est un ouvrage publié uniquement sous

le format de livre numérique (e-book) présentant la veille

stratégique, la définissant et en expliquant clairement les enjeux,

les objectifs et les méthodes. présenté sous la forme de témoignages, il

regroupe les propos de nombreux acteurs du domaine de la veille

stratégique, des réseaux sociaux, de l’économie ou encore du conseil en

image. aussi bien sur le plan économique que sur le plan humain,

l’ouvrage apporte de nombreuses références qui vont permettre d’étoffer et

d’appuyer les propos suivants.

La veiLLe

Stratégique :

SurveiLLaNce &

aNticipatiON

Page 69: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

71

et connaît de multiples typologies : la veille peut ainsi être de type concur-

rentielle ou commerciale, mais il existe également de la veille marketing,

d'image, d'e-réputation, d'opinion, ou encore, de la veille juridique ou

sociétale. si chaque veille comprend ses propres finalités, elle peut être

associée à un autre type de veille afin d'obtenir un plus haut degré d'étude

d'un produit ou service. L'ensemble des types et des outils de veille usités

forme la stratégie de veille : « Une stratégie de veille pertinente permettra de

maintenir et de renforcer sa capacité à innover tout en cherchant de nouvelles

tendances marketing à appliquer (design, prix, etc.) » c. Finalement, il est

possible d'établir un schéma circulaire qui permet de saisir le fonctionne-

ment global de la veille stratégique (schéma ci-dessus).

ExprEssion dEs bEsoins

• Détecter

Action & diffusion

• Actions ciblées• E-influence

AnAlysE & trAitEmEnt

• Cerner le problème• Anticiper les évolutions (menaces / opportunités)

T

c

ô

cycLe de La

VeiLLe strat.

survEillAncE

• Identifier les sources• Prendre des renseignements

{ Mise en place d'outils de veille

rss S

• Alerte mail• Outils de surveillance

• Agrégateurs

a. article de Fabrice Fontaine intitulé « Le cycle de la veille : principes, limites et alternative, quatre étapes composent le cycle de la veille » publié sur Weka.fr, p.5.

b. article de patrick Cuénot intitulé « un chargé de veille exploite les réseaux sociaux », p.6 et 7.

c. extrait du chapitre i/2 : « Comment définir son plan de veille ? » par Marie armand, p.9 et 10.

8. Les citations usitées dans cette partie sont extraites d'ouvrages, d'articles ou d'interviews, tous regroupés dans l'e-book Regards croisés sur la veille, ouvrage numérique coordonné par anne-Laure raffestin, Camille alloing, Flavien Chantrel & terry zimmer, 2011.

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ar

tie

iii : SLA

SH /

Position

nem

ent /

ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

Page 70: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

72

0 Positionnement / La veille stratégique : surveillance & anticipation

“ T outE vEillE Est chronophAgE”

« Faire de la veille sur Internet gratuitement ou presque n’a

jamais été aussi simple. Les outils à notre disposition se sont

multipliés et les flux RSS ont permis une industrialisation de la surveillance

des contenus numériques. (...) Toute veille est chronophage (il y aura toujours

plus d’informations que nous pouvons en traiter) (...), le système n’est jamais définitive-

ment stabilisé. » d.

La veille se trouve directement confrontée à l'instabilité du milieu qui

la préside, là encore, les témoignages abondent pour pointer du doigt la

problématique de l'augmentation constante du nombre des données dispo-

nibles depuis l'ouverture du web à tous les usagers. en une dizaine d'années

seulement, les veilleurs et re-distributeurs de contenus se sont démultipliés.

on constate cependant que certaines plateformes sont particulièrement

représentatives du phénomène. Car si « toute veille est chronophage » comme

l'énonce Christophe Deschamps, il existe des type de veille spécifiques par-

ticulièrement touchés par cette problématique. C’est le cas de la veille au

travers des médias sociaux que décrit amal Belkamel dans son article Le

processus de veille des médias sociaux : « C’est le même processus de la veille

sur les médias sociaux, sauf qu’il y a de nouveaux paramètres à prendre en

compte, notamment :

– l’énorme volumétrie et la diversité des données (conversations + docu-

ments + images + vidéos…) qu’il faut collecter, trier, stocker et analyser.

– l’instantanéité des conversations exige une veille opérationnelle permanente

pour une réactivité en temps réel.

– l’analyse des informations en vue d’éclairer les processus de décision et d’ac-

tion des décideurs doit se faire avec un concours de l’humain et de l’outil. » e.

Mais si les contenus sont toujours plus nombreux, il n'en va pas de même

“T

La veille correspond donc ici à une surveillance active d'un panel

de sujets pré-définis dans le but d'anticiper des évolutions et/ou d'éviter

d'éventuelles erreurs stratégiques. Mais dans son souci documentaire,

la veille stratégique se trouve directement confrontée à la problématique

de l'affluence constante de l'information et à son appauvrissement par

effet de dilution.

d. extrait de l'ouvrage de Christophe Deschamps intitulé Le nouveau management de l’ information paru en 2009, p.16.

e. article de amal Belkamel intitulé « Le processus de veille des médias sociaux », p.17.

Page 71: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

73

pour leur qualité qui elle, tend à décroître. Comme cela a tenté d'être

démontré dans la première partie de cet exposé, le veilleur d’image

Fabrice Frossard évoque une nouvelle fois la problématique du « bruit

généré par les milliards de messages postés » et la nécessité absolue de s'en

dégager : « Au fil des ans et de l’extension du haut-débit, la diffusion de

l’information a accéléré à l’aune de l’industrialisation et de la professionna-

lisation du web. Peu circulante auparavant, une nouvelle se répandait alors

en moins de 12 heures autour de la planète. A cette accélération se couplait

un enrichissement massif des données accessibles, sur tous les sujets. (...) Avec

“le temps réel”, la veille et la collecte sont devenues une course à l’armement.

twitter, Facebook, les multiples réseaux sociaux professionnels ou verticaux,

les médias sociaux ont mis à l’épreuve les méthodologies des veilleurs, obligés

de s’adapter à ce nouvel afflux de signaux et d’outils pour séparer le bon grain

de l’information discriminante de l’ivraie, de l’ivresse, du bruit généré par les

milliards de messages postés sur un web en expansion exponentielle. » f.

au milieu de ces “signaux forts”, comme les désigne Fabrice Frossard, un

veilleur efficace doit donc savoir trouver des moyens de dégager l'essence

de l'information, les contenus originels et capter les signaux faibles avant

qu'ils ne deviennent des signaux forts – ce qui est par ailleurs l'un des

principaux objectifs de la veille stratégique. Car malgré l'afflux perma-

nent, le nombre de contenus “originaux” est en réalité infime : « Malgré la

multiplication des contributeurs sur quelque domaine que ce soit, on retombe

toujours sur cette même loi des 1% de créateurs de contenus, 9% de “réplica-

teurs” et 90% de spectateurs. » f (cf. annexe #01 : schéma illustrant la

règle des 1/9/90). C'est dans le but d'améliorer les conditions de la veille,

qu'ont été mis en place un ensemble d'outils : logiciels, plateformes…

de plus en plus perfectionnés et destinés à repérer, filtrer, trier, voir même

redistribuer l'information.

• lEs outils dE vEillE : rEtour vErs l'EssEncE dE l'informAtion

grâce à ces outils de veille (cf. exemple de Yahoo ! Pipes ci-après), il est

donc possible d'opérer une sélection, de choisir et de trier très précisément

des types de contenus. si la veille subit, comme nous venons de le constater,

le problème de l'instabilité des données, les professionnels du domaine

f. extrait du chapitre ii/2 : « L’humain au cœur de la veille » par Fabrice Frossard, p.29-30.

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iii : SLA

SH /

Position

nem

ent /

ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

Page 72: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

74

0 Positionnement / La veille stratégique : surveillance & anticipation

ont su développer un panel d'outils permettant de dégager le signal faible,

cœur du contenu, au sein du signal fort, envoyé et reçu par tous, comme

l'explique antoine Dupin, chargé de communication internet et journa-

liste web : « Sur la toile, au milieu des médias traditionnels ont émergé des

diffuseurs spécialisés, souvent constitués de professionnels ou de journalistes.

Ces derniers créent de ce fait une abondance d’informations spécifiques à des

secteurs d’activités. Il faut ajouter à cela la propension dantesque d’une démo-

cratisation de “veilleurs-diffuseurs”, constituée de passionnés ou d’étudiants,

ne cessant de croître. L’ensemble de ces acteurs crée une masse d’informations

redondantes mais également en surabondance. Parmi ce brouhaha, l’inter-

naute devra donc mettre en place un système de filtres pertinents sur des

sujets spécifiques s’il veut pouvoir être à même d’appréhender avec succès les

évolutions de son secteur. Bâtir une veille est donc vitale, voir salvateur. Cela

passe par l’identification de sources et d’acteurs clés évoluant dans le temps

(ne pas rester sur ses acquis), selon une ligne éditoriale définie en amont, et

par l’utilisation d’outils dédiés, comme Netvibes ou Google Reader. » h.

T ExEmplE d’outil dE vEillE : Yahoo ! PiPes.

il existe à l'heure actuelle de nombreux outils de veille, parmi eux Yahoo !

Pipes, plateforme gratuite dont l'objectif est de réduire le nombre de flux, de

trier les données afin de concentrer au maximum l’information. terry zimmer

en explique le fonctionnement : « L’idée est de mettre à disposition une interface

graphique simple permettant de faire de la programmation grâce à des pipes.

“un pipe (tuyau) est un canal de communication entre deux programmes,

reliant la sortie de l’un à l’entrée de l’autre. L’idée étant de réaliser des tâches

complexes en chaînant une succession de programmes simples”. Le service

permet de faire communiquer différents éléments en permettant de les combiner,

les trier, les conditionner pour arriver à un flux unique. (...) Les éléments mis à

disposition sont très variés. Citons en particulier, le flux RSS, élément principal

de Pipes. Mais on trouve aussi des données XML, du Regex, des modules de

recherche, des champs de saisie, des boucles, des compteurs, des modules de tra-

duction, la possibilité de géolocaliser les informations…

Le tout compose une plateforme de gestion des flux. Les possibilités de combiner

plusieurs pipes entre eux ainsi que de les partager ou bien d’utiliser des pipes

créés par un autre utilisateur en font un outil très puissant. » g.

g. Description de l'outil Yahoo ! Pipes par terry zimmer, p.51 et 52.

h. extrait du chapitre iV/6 : « La veille au service de sa réputation numérique » par antoine Dupin, p.77.

Page 73: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

75

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iii : SLA

SH /

Position

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ent /

ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

Page 74: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

76

L'actioN

de veiLLer :

de La survie

à L'outiL

de créatioN

L'action

de veiller :

de la survie

à l'outil

de créationsi la veille stratégique

apparaît en premier

lieu comme une

méthode essentiellement liée au management

destinée aux entreprises, où la surveillance est

un moyen d'orienter des évolutions et les inves-

tissements, les outils qui se développent autour

d'elle agissent comme un moyen d'orienter et

de saisir la pertinence des flux en en filtrant

les contenus. au-delà des enjeux économiques,

on découvre dans les outils de la veille une

méthode efficace de vigilance et d'observation

“silencieuse” de notre environnement.

Page 75: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

77

“information = survie” déportAtion historiquE : du réflExE AnimAl à lA structurAtion sociAlE humAinE

« De tout temps l'homme a veillé… ». Derrière cette phrase convenue se cache une caractéristique inhérente à la condi-tion de l'homme : guetteur et acteur de son monde. si initialement, cette caractéristique ne lui est pas totalement propre et que le règne animal est également dépendant de cette loi du guet, l'homme s'en détache en franchissant un niveau supérieur dans l'observa-tion et l'adaptation au monde qui l'entoure. L'histoire de l'homme de la préhistoire à nos jours, de son animalité vers sa “condition d'homme moderne”, retrace la place toujours centrale qu'a tenue la veille dans son évolution.

« Touff de la tribu des Görzg grimpa sur une colline. Trois jours que sa tribu et lui n’avaient rien mangé. Tous les matins, les chasseurs partaient explorer la région avec de grands cris mais revenaient bredouilles chaque soir sous les lamentations des femmes et les pleurs des enfants. Mais Touff avait décidé de changer de stratégie. Assis en haut de son promontoire, il observait l’horizon. Soudain il vit les cercles aériens décrits par les vautours fauves. En courant, il se dirigea vers l’origine de cette agitation aérienne : un cadavre de jeune gazelle encore frais. Il effraya les vautours à grands cris et mouve-ments de lance, puis récupéra l’animal mort. Ce soir la tribu ne

“i

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tie

iii : SLA

SH /

Position

nem

ent /

ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

Page 76: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

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0 Positionnement / L'action de veiller : de la survie à l'outil de création

mourra pas de faim. » (Histoire naturelle des peuples Zhürg, tome 4) Cyril rimbaud introduit ainsi son article « Demain tous veilleurs – La veille comme art de vivre du futur ». il aborde alors la veille comme moyen de survie dans une démarche simple : la surveillance apporte l'information, l'information permet de survivre, donc l'information = survie. Comment ne pas faire le lien entre cette théorie initiée à l'âge de pierre et notre rapport actuel à l'informa-tion ? L'auteur poursuit avec l'hypothèse que la veille, au-delà de son rôle actuel au sein des entreprises – que nous avons développé précédemment, est en train de devenir une caractéristique fonda-mentale de l'homme issu de web 2.0, qui a lui-même su développer ses propres outils de modération et de classement de l'information : « L’homme s’est transformé en même temps qu’internet envahissait sa vie. Il s’est en effet retrouvé petit à petit noyé dans de l’information brute ou transformée. Car sur Internet, tout y est information ou données, que ce soient les textes, les images, les vidéos, ou les agrégats protéiformes que ces différents éléments peuvent composer. L’homme a donc petit à petit créé des stratégies opérationnelles pour « survivre » dans l’environnement informationnel digital. Ses stratégies pouvant aller de la sélection fine de sa page de démarrage de navigateur jusqu’à l’ajout d’un filtre anti-spam pour ses e-mails en passant par une gestion plus ou moins fine de ses bookmarks. Une adaptation progressive qui s’est accompagnée par la construction de stratégies mentales souvent inconscientes. » 8.

Ce qui n'était initialement qu'un réflexe reptilien permettant aux êtres doués de vie et de mouvement de survivre, qu'ils se trouvent au plus haut comme au plus bas de la chaîne alimentaire, est devenu, en plusieurs millions d'années, une stratégie indispensable à notre confort social. Ce grand écart s'explique encore une fois par la densification de l'information qui fonde notre quotidien. il ne s'agit plus de guetter des proies ou de se prémunir face à la menace de prédateurs, il s'agit de rester en phase, face à une société qui est en mouvement permanent : les flux constants doivent

8. « Demain tous veilleurs ‒ La veille comme art de vivre du futur », article de Cyril rimbaud publié dans Regards croisés sur la veille, 2011 (Cf. annexe #02).

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être interceptés et "traités" afin d'être assimilés. C'est de cela que dépendrait, selon Cyril rimbaud, notre nouvelle (et surtout future) condition sociale : « La veille va devenir vitale pour l’être humain, car sans ces données, point de salut. Vous ne pourrez pas vous intégrer dans une société ultra-connectée. L’homo-digitalus, the wired man sera connecté ou désocialisé. Il ne s’agira plus de se demander pour-quoi veiller, mais comment veiller le plus efficacement possible, com-ment s’y retrouver dans ce déferlement d’informations en tout genre, comment avoir l’information la plus juste, la plus fraîche. » 8.

Démarches prospectives : lA nécEssité dE lA vEillE dAns lA créAtion : cAptEr lEs signAux fAiblEs qui fEront lE mondE dE dEmAin.

pour en revenir plus particulièrement à nos domaines de compétences, il est essentiel de rappeler que le métier de graphiste, au même titre que tous les métiers de la création et du design, est absolument lié à cet état de veille permanent. on peut citer les cabinets de tendances et la prospective, dont le rôle est précisément de guetter, de repérer aujourd'hui ce qui fera le monde de demain. savoir repérer les tendances liées aux besoins futurs serait donc l'une des caractéristiques, sinon l'une des com-pétences majeures des créatifs. Le rôle de guetteurs, de “veilleurs de tendances”, nous incombe donc à tous en tant que designers graphiques et influera directement les orientations de notre travail et de nos questionnements. Car, au-delà de l'idée de “mode” (ten-dance brève et souvent cyclique), il s'agit bien de capter les signaux faibles qui fonderont nos véritables besoins futurs. afin de s'écarter de certaines conceptions remettant en cause le rôle majeur du design dans notre société, il est indispensable de rappeler que la démarche du designer, quel que soit son domaine d'intervention doit s'interroger sur le point suivant : « À quoi et à qui cela sert-il et qu'est ce que cela ajoute à la vie en général ? », écrit

a, b. Chapitre i : Histoires des objets industriels, « agir sur le monde », par arlette Despond-Barré, p.70 et 71.

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ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

Les citations a, b, c, d, e et f sont extraites de l'ouvrage Le design : essais sur des théories et des pratiques 9, ouvrage théorique placé sous la direction de Brigitte Flamand, 2006 :

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0 Positionnement / L'action de veiller : de la survie à l'outil de création

arlette Despond-Barré dans l'ouvrage « Le design : essais sur des théories et des pratiques » a. il s'agit, selon elle, dans un premier temps de ré-introduire l'homme au cœur du processus de création et de s'interroger davantage sur le monde “réel” :

Le design a donc un rôle à jouer dans notre rapport au monde, edith heurgon le qualifie même de « miroir sur l'évolution de la société » (« Démarche globale, inductive, [le design] développe une culture du regard et exerce une fonction de miroir sur l'évolution de la société. » c).

en écho à cette définition du design, l'auteur cherche ensuite à cerner la notion de prospective : « Démarche de connaissance pour l'action, la prospective, plutôt que d'apporter des solutions à des problèmes souvent mal formulés, s'efforce de poser les bonnes ques-tions. » d. on retrouve dans la prospective cette nécessité d'observa-tion et d'interrogation constante de notre environnement. « La prospective explore deux phénomènes : les tendances lourdes et les signaux faibles. Les tendances lourdes, c'est ce qui, majoritaire-ment se développe et auquel il convient de se préparer même si l'on n'en maîtrise pas les rythmes. Les signaux faibles sont des émer-gences, des germes de futur qu'on ne voit pas nécessairement mais qui, dès lors qu'on sait les détecter, peuvent constituer des faits por-teurs pour l'avenir. » e.

c, d. Chapitre iV : Fonction esthétique et société, « Le design et la prospective » par edith heurgon, p.215 et 216.

e, f. Chapitre iV : Fonction esthétique et société, « De nouveaux rapports au temps » par edith heurgon, p.216 et 217.

{« Le design doit devenir un outil novateur, hautement créateur et

pluri-disciplinaire, adapté aux vrais besoins des hommes (...). Dans son acception contemporaine, le design devrait interroger le devenir du monde, du monde réel, dans ses aspects sociaux, politiques, indus-triels, économiques, environnementaux. Et le design pour un monde réel se doit alors, d'être « signifiant » ce qui le dispense de la lourde

charge sémantique d'expressions telles que beau, laid (...). » b {

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edith heurgon, dans le même ouvrage, tente donc d'établir une relation entre prospective et design, soit, allier la recherche à la démarche appliquée que propose le design : « Et si le design, avec la prospective, pouvait développer une capacité raisonnée et sensible à voir l'invisible “déjà là” dans les comportements des “gens ordi-naires”, pour co-construire des futurs souhaitables qui ouvrent à de nouvelles manière d'être au monde ? » f. La sensibilité du design et la prospective pourraient bien être un couple permettant d'identifier les signaux faibles (« voir l'invisible “déjà là” ») afin de répondre à des besoins qui seront les nôtres dans l'avenir (« pour co-construire des futurs souhaitables »).

Dans une autre perspective, les cabinets de tendances utilisent également la prospective pour aller toujours en avant des tendances actuelles. Le bureau de conseil en innovation et création NellyRodi créé en 1985, se positionne clairement comme un organisme recouvrant un maximum de domaines d'expertise, dans un monde sur-investi de données dont le but est de décrypter aujourd'hui les tendances de demain dans les domaines de l'esthétique et des arts de vivre. son fonctionnement est défini de la manière suivante : « Nourrir votre inspiration à partir des signes émergents qui sur-gissent à tout moment à travers tous les continents. Sur tous les fronts. Désirs, pratiques, attentes des créateurs et des consommateurs ? Le monde pétille d’innovations sociologiques et esthétiques. De talents et d’envies. Autant de signes préfigurant le futur et réclamant d’être recueillis. Méthodiquement filtrés et mis en perspective. Éclairés pour ne pas se tromper d’avenir. NellyRodi, c’est surtout une internationale de talents connectés en permanence à tout ce qui bouge, se réfléchit et se crée sur la planète. Un réseau cosmopolite de trendsetters, d’experts, de têtes chercheuses et pensantes balayant tous les champs du savoir et toutes les industries de la création contemporaine. À l’affût de tout ce qui, dès aujourd’hui, donne une longueur d’avance. » 10.

10. Bureau de conseil en innovation et création NellyRodi : http://nellyrodi.com/

8. Citation de terry zimmer extraite de Regards croisés sur la veille, p.51.

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ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

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veille

portée éco-

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mique de la

veille

EillEr pour s'oriEntEr sur un mArché : économiE finAncièrE

Dans le domaine de la veille stratégique, le but est de récolter des renseignements qui doivent être « transfor-

més en informations qui éclaireront sur les menaces ou les opportuni-tés. Ces informations n’ont de valeurs que si elles amènent à des prises de décision qui induisent des actions ou des changements de la part de l’entreprise. » 8. Cela place donc l'aspect économique au centre de cette typologie de veille.

• misE En vEillE dE systèmEs : économiE dE tEmps Et d'énErgiE

La plupart des appareils électroniques ou électriques possèdent aujourd'hui un mode “veille” permettant de réaliser une économie de temps sur la mise en route du système, l'instantanéité de mise en route grâce au mode “veille” annulant le temps d'allumage d'un appareil éteint (“oFF”). Mais le principal bénéfice théorique de ce mode intermédiaire réside dans sa fonction d'économiseur éner-gétique. Dans le cas des téléphones portables par exemple, la mise en veille permet d'économiser la batterie de l'appareil et ainsi d'en

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espacer les différents temps de rechargement. on rencontre par ailleurs des systèmes de plus en plus performants comme le sys-tème Start & Stop dans le domaine de l'automobile, qui permet de mettre en veille le moteur afin de limiter la consommation de carburant dans des situations d'arrêts ponctuels du véhicule (feux tricolores par exemple). La mise en veille de systèmes électroniques ou électriques permet de réaliser une économie de temps et d'énergie. Ce mode s'inscrit donc, par extension, dans une volonté écologique, plus respectueuse en terme de consommation énergétique.

• économiE du rEgArd

enfin, la veille permet, nous l'avons vu, avec des outils comme Yahoo ! Pipes ou encore grâce au système des flux rss, d'opérer un tri dans notre environnement informatif et visuel. Les affiches non-publicitaires des Graphiquants présentées plus haut qui permettent d'inclure dans l'espace public des temps de latence créent un soulagement de l’œil, stimulé de manière per-manente dans ce type d'espace. elles instaurent donc une forme d'économie du regard.

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ii ) Les typologies &

enjeux de la veille

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“veiLLe” : trois

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typologies de

“veille” : trois

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Dans le cycle animal, la veille constitue à la fois un système de protection et un mode de chasse. Être vigilant, c'est donc à la fois savoir repérer les éventuels prédateurs, et guetter son futur repas. Dans tous les cas de figure, il s'agit d'instincts de survie. La stratégie de chasse des oiseaux de proies, comme nous l'avons évoqué précédemment, suit le schéma de la définition première de la veille établie ici comme un “objet” latent dont la réactivation peut s'effectuer de manière instantanée. en effet, durant la phase de surveillance, au cours de laquelle l'oiseau repère et observe son environnement afin de dénicher sa future proie, sa stature reste figée. Cette cessation de mouvement doit lui permettre de devenir invisible au yeux de son environnement : la vigilance, l'observation et la discrétion sont ses principales armes. L'immobilité du corps est enfin directement suivie, au moment propice, d'un éveil soudain durant lequel l'oiseau fond sur sa proie afin de s'en saisir.

La mise en veille d'un système électrique ou électronique permet d’économiser du temps au moment de la mise en route de l'appareil et d'en réduire la consommation énergétique. L'appareil mis en état de “veille” est donc plongé dans une phase de “semi-sommeil” et reste accessible de manière constante pour l'usager, qui n'a généralement qu'un geste à faire et peu de temps d'attente pour le réactiver, comme dans le cas de la mise en veille d'un ordinateur où un mouvement de souris suffit à “réveiller” l'intégralité du système.

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enfin, la veille dans les domaines du design et de la prospective, au même titre que la veille stratégique, très employée par les entreprises et autres professionnels, est un processus qui implique l’utilisation de renseignements accessibles au public afin d’ap-prendre diverses choses sur son environnement (ses concurrents, ses partenaires, ses fournisseurs, son cadre législatif, les innovations technologiques, les évolutions sociétales,…) afin d'extraire parmi les signaux forts, ceux, plus faibles qui permettront d'aller en amont et d'être en adéquation avec les besoins à venir des consom-mateurs et des usagers. L'enjeu de cette typologie de veille réside donc dans le fait de rester de manière constante en contact avec l’actualité, avec les flux, qui agissent comme une trame de fond à notre travail et à notre pensée.

si les trois typologies de veille citées répondent à des enjeux bien distincts, elles laissent tout de même apparaître un trait caractéristique commun. en effet, à partir de ces définitions, on peut établir qu'un “support” en état de veille correspond à un “support” présent de manière permanente, mais qui possède la capacité de se mettre en retrait.

Ces deux termes : permanent mais en retrait, forts de la mise en tension qu'ils font émerger, feront l'objet de mon positionne-ment principal énoncé dans la partie subséquente.

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enjeux de la veille

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Le mode “SLaSH” : latence et perma-nence

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ous venons d'identifier les enjeux de l'action de veille : d'un côté, la dis-crétion, l'économie, la stature en état d'arrêt, la mise en retrait qui caracté-rise l'état latent dans l'état de veille.

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De l'autre, l'extrême vigilance et le contact permanent appellent le caractère permanent compris dans l'état de veille. Ce couple d'états qui définit le mode “/” dessine un phénomène de mise en tension de deux grandes notions : la latence et la permanence. ainsi, un support ou un contenu en état de veille se caractériserait par une capacité à se soustraire, malgré une présence constante.

L'objectif des projets relatifs à cette démarche globale serait donc de concevoir des supports ou environnements intermittents qui auraient la capacité de se mettre en retrait malgré leur perma-nence et qui pourraient s’éveiller instantanément (en fonction de modes d’activation pré-définis, comme nous le verrons dans une quatrième partie). Le temps fait partie des principaux concepts que chacun souhaite, un jour ou l'autre, pouvoir maîtriser, stopper ou ralentir mais qui, par son caractère constant est absolument inaltérable. L'artiste et designer harc Lee propose avec son projet

VerS DeS SupportS

& contenuS

permanentS miS

en retrait

caractériStiqueS

du mOde “/”

caractéristiques

du mode “/”

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Time Switch Wall Clock une horloge à interrupteur, matérialisant ce fantasme humain du pouvoir de contrôler le temps. Le temps est certes toujours présent, permanent, mais l'usager peut exer-cer une forme de contrôle en décidant ou non de l'afficher. en effet, l'affichage de l'heure est notre façon de constater le temps qui s'écoule or, si tout signal de cet écoulement est soustrait, son impact semble moins prégnant et moins oppressant. on retrouve donc bien à travers cet exemple le schéma cité précédemment : si le temps continue perpétuellement de s'écouler, il est soudain, lorsque l'interrupteur est placé en mode “oFF”, physiquement plongé en état latent, il est mis en retrait. L'auteur et artiste numérique John Maeda est également coutumier du subterfuge qui vise à masquer le temps, il va même jusqu'à qualifier cette absence comme un moyen d'“économiser” le temps. aussi se sentir libéré physiquement du temps permettrait de s'en affranchir en partie psychiquement et donc de se consacrer plus sereinement aux travaux en cours : « Une façon d’“économiser” du temps consiste à masquer son passage en retirant de l’environnement ce qui indique l’heure. J’ai ainsi cessé de porter une montre il y a des années lorsque, comme beaucoup de gens, j’ai découvert que, de cette manière, je ne me sentais jamais pressé. Toutefois, même si je n’ai plus de montre, mon portable me donne encore l’heure qu’il est sans que je lui demande. J’aimerais beaucoup pouvoir éteindre l’écran du téléphone… » 11.

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Time Switch Wall Clock, horloge à interrupteur par le designer harc Lee, 2009.

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11. Citation extraite de la troisième loi : « temps » dans l'ouvrage De la simplicité, par John Maeda, p.61.

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otre rapport aux objets a considéra-blement évolué au cours des der-nières décennies. Leur nombre global dans notre environnement quotidien ainsi que le nombre des fonctions et

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attéNuer &

masquer

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liSibil ité DeS contenuS

et une meilleure

relation aux objetS

11. Les citations a, b, c, d, e, f, g et h sont extraites de De la simplicité, ouvrage pratique et théorique de John Maeda, éditions Payot & Rivages, 2009 (première parution en 2006 au Mit).

usages proposés par ces objets a fortement augmenté. aussi, si dans les années 50 chaque nouvel appareil entrant dans un foyer faisait l'objet d'une étude approfondie (prise en main détaillée, notices lues en intégralité…), l'usager d'aujourd'hui attend d'un objet ou d'une interface nouvelle qu'elle se livre à lui de la manière la plus intuitive possible. L'artiste numérique et désormais célèbre professeur au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de Boston John Maeda aborde dans son ouvrage De la simplicité 11 paru pour la première fois en 2006 dix lois dont le but est de simplifier le quotidien, les pratiques et les objets proposés par les designers. au travers de cette œuvre pratique et théorique, John Maeda aborde la complexifica-tion constante des objets et interfaces, de plus en plus performantes et complètes certes, mais également de plus en plus difficiles à appréhender. si l'approche de l'usager est progressive et suit les

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avancées technologiques à mesure que cette technologie complexi-fie les objets et interfaces, les designers mettent constamment en place de nouveaux moyens visant à atténuer ou masquer une part des fonctionnalités dans le but d'apporter aux usagers un meilleur confort de lecture et de compréhension des objets : « Ces évolutions sont commandées par un marché qui exige de l’innovation et est prêt à payer cher des solutions intelligentes pour masquer la complexité. » a. au sein de la première loi intitulée Réduction, l'auteur expose donc la manière dont un objet ou une interface peut être simplifiée, ren-due plus accessible via une réduction concrète ou apparente de ses fonctionnalités : « Première loi : Réduction “Pour atteindre la simpli-cité, le mieux est de procéder par réduction méthodique” ». Dans cette réduction méthodique, John Maeda distingue deux phases Atténuer, puis Masquer. Dans la première phase de la réduction, l'atténua-tion à pour enjeu de minimiser l'objet, passant souvent par une réduction du format, de la taille et du poids de l'objet : « Tout design soucieux de légèreté et de minceur donne l’impression d’être plus petit et plus humble. La compassion porte au respect quand l’objet a plus de valeur qu’on ne le pensait d’emblée. Toute une gamme de technologies fondamentales visent à rendre les choses plus petites. C’est le cas des nanotechnologies, dont l’art est de construire des machines tenant entre le pouce et l’index. Le fait d’atténuer l’inévitable tendance à la complexification qui va de pair avec ces technologies peut passer pour une façon de tromper les gens – et c’en est une. » b. un objet diminué inspirerait, selon John Maeda, une plus forte proximité, une plus forte émotion chez l'usager. nous porterions donc davantage d'at-tention, voir de compassion pour un objet de petite taille : « Un objet miniaturisé n'est pas nécessairement meilleur qu'un autre, mais nous avons tendance à adopter à son égard une attitude plus souple. Un objet gigantesque exige un respect légitime, mais un objet minuscule peut mériter notre compassion. » c. Le processus de miniaturisation des objets, pressenti en 2006 par l'auteur, s'est aujourd'hui large-ment installé. L'apogée des smartphones, notebooks et tablettes numériques, dont l'ambition est de “compiler”, sur un minimum

a. première loi. « réduction : Masquer », p. 29 et 30 (Cf. annexe #03).

b, c. première loi. « réduction : atténuer », p. 24 à 26.

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de surface physique, les fonctionnalités et la puissance de calcul de machines de bureaux auxquelles nous avons été initialement confrontés en est un exemple troublant. La seconde phase de la réduction méthodique consiste à masquer la complexité : « Lorsqu’on enlève tout ce qui pouvait l’être et qu’un pro-duit a été rendu fin, léger et mince, il est temps de passer à une autre méthode : MASQUER la complexité par des moyens plus brutaux. Exemple classique : le couteau suisse. Seul l’outil que vous voulez utili-ser est exposé ; les autres lames et tire-bouchons demeurent cachés.» d. John Maeda met en exergue dans cette partie une volonté finale-ment ancienne qui consiste à pouvoir mettre en retrait une partie des fonctions dans le but de rendre objets et contenus plus lisibles. Cette mise entre parenthèse donne l’illusion de la simplicité et permet donc un meilleur confort et une meilleure appréhension de l'objet par l'usager. suivant cette théorie, apparaissent aujourd'hui de nouveaux objets et interfaces plus intuitives et plus modulables pour l'usager. si le couteau-suisse est exemplaire, John Maeda liste l'arrivée progressive sur le marché des années 90 à nos jours de ce modèle, et son basculement de l'univers électronique vers les inter-faces numériques. après le système du couteau-suisse, l'auteur cite l'apparition dans les années 90 de télécommandes à “clapet” dont le but était de masquer les fonctions les moins utilisées afin de mettre en valeur les fonctions d'usage courant, puis l'arrivée de ce système dans le milieu de la téléphonie : « Le style et la mode étant devenus des forces qui pèsent lourd sur le marché des téléphones cellulaires, les fabricants de combinés ont été poussés à découvrir le bon équilibre entre l’élégance liée à la simplicité et la surabondance complexe des fonctions. Aujourd’hui, le clapet représente l’exemple le plus avancé en design pour masquer les fonctionnalités tant qu’on n’en a pas vraiment besoin. » e. John Maeda met ensuite en avant le passage de ce système de masque physique, matériel, dans l'univers numérique. Lorsqu'est apparu le premier “bureau” d'ordinateur, les designers ont choisi de transposer le concept de bureau physique en version numérique,

0 Positionnement / Vers une meilleure lisibilité des contenus et une meilleure relation aux objets.

d, e. première loi. « réduction : Masquer », p. 30 et 31 (cf. annexe #03).

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dans le but de rendre le système accessible aux usagers, de ne pas totalement chambouler leur habitudes en introduisant des repères connus : le bureau, les dossiers, la corbeille… il en va de même pour le système de mise en retrait et de révélation des contenus utilisé à l'origine dans le domaine de l'objet. L'auteur utilise donc l'interface de l'ordinateur comme exemple clé pour décrire la capacité des informations et contenus à se mettre en retrait : « (...) il n’est pas de meilleur exemple de cette méthode que les interfaces d’or-dinateur. La barre de menu située en haut cache les fonctionnalités de l’application. Les trois autres côtés de l’écran contiennent d’autres menus sur lesquels il faut cliquer pour les révéler et des palettes qui semblent se multiplier à mesure que les ordinateurs gagnent en puissance. L’ordinateur a une capacité infinie de MASQUER afin de créer l’illusion de simplicité. » f. Ce type de système visant à masquer ou révéler des fonctions par rapport à des besoins spécifiques, nous amène directement à l'enjeu principal de ce qui est défini ici comme état latent : permanent mais en retrait, qui est de permettre à l'usager de choisir, d'être décision-naire des usages qu'il fait d'un objet : « Atténuer la taille d’un objet réduit nos attentes ; masquer ses complexités permet au propriétaire de gérer lui-même ses attentes. » g.

il s'avère, tel que l'avait pressenti John Maeda lorsqu'il évoquait le principe des menus déroulants « sur lesquels il faut cliquer pour les révéler et des palettes qui semblent se multiplier à mesure que les ordinateurs gagnent en puissance (...) », que ce jeu de révélation numérique est actuellement en plein essor dans le domaine des supports tactiles et du web en général. Dans son article « analyse du nouveau Myspace et des codes du design web contemporains »

publié le 25 septembre 2012 sur Graphisme.fr, Joeffrey Dorne décortique les tendances du web contemporain à travers le nou-veau design de la plateforme sociale spécialisée MySpace. il aborde notamment l'émergence actuelle du volet déroulant issu de la manipulation sur écran tactile – manipulation elle même

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f, g. première loi. « réduction : Masquer », p. 30 et 31 (cf. annexe #03).

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0 Positionnement / Vers une meilleure lisibilité des contenus et une meilleure relation aux objets.

empruntée, comme nous l'avons vu précédemment au système archaïque du couteau-suisse ou du clapet – le principe de panneaux déroulants au sein des interfaces web est de plus en plus utilisé. Le modèle ancestral du menu déroulant cède désormais sa place au profit de panneaux toujours plus nombreux et sophistiqués : « L’importance de présenter des panneaux qui semblent élastiques et qui se superposent est triple : Cela permet de mettre plus de contenu sur une même page, ensuite cela permet également de rajouter de la matérialité à notre page web. Toute plate, toute simple, elle offrira une impression de profondeur, de papier, de couches superposables. Pour cela il y a les ombres portées et la transparence. Enfin, le plaisir de masquer/dévoiler du contenu est assez intéressant pour l’utilisateur. » 12. au-delà de l'aspect fonctionnel et des valeurs plastiques ajoutées, Joeffrey Dorne achève son exposé sur le “plaisir” éprouvé par l'usager : le plaisir de choisir et de gérer son espace interactif, mais également, comme l'avait lui même évoqué John Maeda, la satisfaction de se sentir maîtriser cet environne-ment et d'interagir avec lui : « Le “clic” que l’on entend à l’ouverture

h. première loi. « réduction : Masquer », p.30 et 31 (cf. annexe #03).

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Ci-dessus : Twitter sur tablette. « La “pensée tactile”, l’exemple de l’élasticité », sous partie de l'article de goeffrey Dorne 12.

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d’un téléphone cellulaire Motorola ou l’animation cinématique que l’on voit sur le visuel affiché à l’écran du Mas OS X d’Apple pro-duisent un sentiment de satisfaction : on a l’impression de posséder le pouvoir de produire de la complexité à partir de la simplicité. La complexité devient alors un interrupteur que le propriétaire peut choisir d’actionner à sa guise et non pas en fonction du désir de son appareil. » h.

si le fait de mettre de côté un contenu agit finalement comme une illusion, une manière détournée de simplifier notre environne-ment visuel, le résultat de l'opération semble quant à lui positif du côté des usagers. La sensation de maîtrise ainsi que la simplicité d'appréhension et de manipulation d'un objet contribue à créer une relation de satisfaction vis-à-vis de cet objet. aussi, comme les pro-pos de John Maeda et l'évolution des interfaces web le démontrent, les usagers ressentent de plus en plus le besoin de simplifier leur environnement visuel. Le système de mise en retrait de supports permanents qui est proposé ici trouve, après considération d'un tel contexte, une forme de légitimité.

12. « analyse du nouveau Myspace et des codes du design web contemporains », article de geoffrey Dorne publié sur Graphisme.fr le 25/09/2012. 5 Lien : http://graphism.fr/

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il ne s'agit pas uni-

quement d'atténuer

et/ou de masquer

certains contenus omniprésents dans l'espace

visuel, il s'agit aussi de les mettre en “suspens/

suspense”, peut-être également de concevoir

des supports et des environnements

changeants, de créer une sorte de

“météo” propre aux environne-

ments, à leurs usages, voire à leurs

humeurs. mais comment détermi-

ner et susciter des “phénomènes

météorologiques” propres à activer

des environnement visuels ?

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suspens(e)

mettre en

suspens(e)

{

Le Saut dans le vide : « 5, rue gentil-Bernard, Fontenay-aux-roses, octobre 1960 ». action artistique d’Yves Klein.

Page 95: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

97

i- EntrE “météorologiE” dEs usAgEs & misE En hAlEinE du spEctAtEur.

Dans notre société du zapping et de l'obsolescence instantanée, tout ce qui nous oblige à attendre devient

absolument insupportable : Cette page internet met plus de 20 secondes à s'afficher ? Je la ferme. Je passe à autre chose. Mais il existe aujourd'hui encore des temps de latence que nous sommes en mesure d'accepter. parmi ceux-là, la notion de suspens(e), qui est une notion centrale dans de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques parce qu'elle permet de donner du relief à une narration et de garder l'attention du spectateur à son paroxysme. Le suspense donne ce côté exaltant à l'histoire : une curiosité mêlée d'appréhension, qui a pour effet de déconnecter totalement le spec-tateur du monde réel qui l'entoure, ce dernier reste ainsi littérale-ment absorbé dans l'image jusqu'au dénouement de la scène. il s'agit donc d'un procédé qui possède naturellement une capacité de mise en suspens du temps : du temps de l'histoire au même titre que du temps réel. imaginons maintenant un tel procédé, trans-féré dans l'espace public, dans des lieux d'attente par exemple (à un arrêt de bus, devant un feu rouge, dans une salle d'attente…). Le but n'est pas cette fois la distraction pure et dure du spectateur, mais uniquement une mise en suspens du temps et une manière de le “soustraire” temporairement au réel. il s'agirait donc uniquement de mettre en intense éveil l'attention du spectateur sur un point, sans même qu'il n'y ait de “chute”, de dénouement pourtant tant attendu. Mais qu'est ce qui pourrait alors nous “obliger”, nous tenir suffisamment en haleine pour que ne puissions nous défaire, ne puissions détourner notre regard d'un dispositif ? quel dispositif égal à celui utilisé par les metteurs en scène et écrivains pourrait suspendre notre esprit hors du temps réel dans lequel nous évoluons ?

i-

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ie iii : SL

ASH

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ositionn

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t / iii ) Le m

ode “slash” : latence et perm

anence

Page 96: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

98

0 Positionnement / mettre en suspens(e) ‒ partie ii

{

Judith décapitant Holopherne, œuvre de Le Caravage, 1598. huile sur toile, 145 × 95 cm.

ii-ii-

La notion de suspens inclut une interruption du processus habituel du temps, une trajectoire particu-lière et une représentation choisie pour montrer un

moment précis, une façon donc d'opérer un choix narratif. ainsi en peinture par exemple, Le Caravage choisit de représenter Judith le couteau au milieu de la gorge d'holopherne et inscrit ainsi la scène dans une boucle infinie, un mouvement en cours au sein d'une œuvre achevée. Des années plus tard, la technique photographique permet d'emprisonner des fragments d'action, comme le montre Yves Klein dans une action artistique où il est photographié sus-pendu dans le vide. il y a donc une notion de temps illimité dans le suspens : aucune limite et aucune fin. quant à l'avant et l'après, ils restent des paramètres instables puisque le spectateur n'y aura jamais concrètement accès.

Page 97: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

99

Le suspens n'est en aucun cas une notion qui touche au tangible comme au perceptible et appartient davantage à un état de temps, voire à une qualité de temps. Le paradoxe de la flèche, formulé par zénon d'Élée pendant l'antiquité décortique le temps en le fragmentant et définit ainsi cette notion de qualité de temps : « Une flèche lancée est toujours immobile : en effet, tout corps est soit en mouvement soit en repos quand il se trouve dans un espace égal à son volume ; or la flèche se trouve à chaque instant dans un espace égal à son volume. Imaginons une flèche en vol. À chaque instant, la flèche se trouve à une position précise. Si l'instant est trop court, alors la flèche n'a pas le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Maintenant, pendant les instants suivants, elle va rester immobile pour la même raison. La flèche est toujours immobile et ne peut pas se déplacer : le mouvement est impossible. Ce paradoxe traduit toute la difficulté conceptuelle liée à la notion de vitesse instantanée. Toute vitesse nécessite d'associer un déplacement à un intervalle de temps. Si cet intervalle de temps est nul, il ne peut y avoir de déplacement, ce qui rend apparemment impossible le calcul d'une vitesse. » (source : http://fr.wikipedia.org). Ces paradoxes signent également le carac-tère indissociable de l'espace et du temps (le temps qu'il faut pour parcourir une distance) dans la société occidentale.

Cette manière de fragmenter le temps, et donc d'en retirer des instants figés – ici appelés “suspens”, s'inscrit dans le processus d'interruption du flux, voire de remise en cause du flux lui-même puisqu'il s'agit à la fois d'un arrêt permanent et d'un temps infini. Le suspens dans le flux internet pourrait peut-être ainsi, par exemple, correspondre à un “bug” au cours d'un chargement entraînant un défaut de fluidité qui donnerait à voir une image grossière et pixelisée. Ces suspens peuvent donc faire émerger des images impromptues ou invisibles dans le temps réel et continu.

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t / iii ) Le m

ode “slash” : latence et perm

anence

Page 98: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

100

0 Positionnement / mettre en suspens(e) ‒ partie ii

{

une des chronophotographies des mouvements de l'air réalisées de 1899 à 1901 par Étienne-Jules Marey.

{

extrait de Vieillard et tourbillons d’eau, dessin à la plume ( fac-similé) de Léonard De Vinci, vers 1513.

• lA stAsE commE moyEn dE révélEr l'invisiblE

La stase correspond à l'état du temps marqué par l'immobilité. selon ce qui a été défini comme “qualité de temps”, la stase serait donc le qualificatif qui correspondrait le mieux au suspens. Cette stase, comme nous venons de le voir, peut permettre de donner à voir ce qui n'est pas directement visible dans le réel. ainsi, au XVie siècle déjà, Léonard de Vinci mentalise ce concept en donnant une vision interrompue de fluides, phénomène absolument impossible dans le réel. il rend visible la confrontation d'un courant avec une force solide, des méandres et remous, faisant émerger une lecture graphique propre à un fragment de temps. au XXe siècle Étienne-Jules Marey, après s'être largement intéressé à la décom-position du mouvement grâce à ses chronophotographies, s'attaque à son tour à la représentation des fluides, déjouant ainsi le cours du temps. pour suivre les mouvements de l'air, Étienne-Jules Marey se sert de filets de fumée qui, aspirés comme l'air lui-même par l'action d'un ventilateur, pénètrent, sans vitesse propre, dans un tube à parois de glaces. Les filets de fumée cheminent parallèle-ment à l'intérieur du tuyau tant que le courant ne rencontre pas

Page 99: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

10114. Voir l'ouvrage Mouvements de l'air : Étienne-Jules Marey, photographe des fluides de georges Didi-huberman et Laurent Mannoni, 2004.

15. Voir l'article sur l'exposition L’homme qui marchait dans la couleur au musée d'art contemporain de sérignan, 2012.

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ode “slash” : latence et perm

anence

d'obstacle 14. on remarque rapidement que le graphisme obtenu par les traces laissées par ce dispositif n'est pas sans analogie avec les représentations de Léonard de Vinci des siècles plus tôt, comme si la photographie, évolution technologique, avait permis de concré-tiser ce qui n'était alors que la projection mentale d'un phénomène physique constaté dans le réel.

• CréAtion dE nouvEAux EspAcEs-tEmps dAns lE réEl Et dAns l'imAgE

Depuis la fin des années soixante, les installations de James turrell, appelées aussi « environnements perceptuels », sont réali-sées à partir d'un seul matériau : la lumière, naturelle ou artificielle. La recherche de James turrell s'inscrit dans le prolongement des œuvres issues de l’art cinétique et surtout lumino-cinétique qui tend à créer des environnements dans lesquels le spectateur est immergé dans un espace de lumière et couleur. aussi, dans son ins-tallation lumineuse Red Eye réalisée en 1993, le spectateur pénètre un cube blanc pour faire l’expérience de l’immatérialité dans l’obs-curité d’un espace d’où se détache un rectangle coloré. Cet environ-nement perceptuel sollicite nos sens et trouble notre rapport avec la réalité physique. Cette expérience de James turrell n’a donc pas pour vocation de jouer sur la palette des couleurs mais davantage, semble-t-il, de nous faire pénétrer dans un “entre-deux” où notre perception de l’espace, de la lumière et de la couleur revisite nos repères connus 15. James turrell parvient donc, à travers ses dispositifs, à créer une parenthèse dans le temps et dans l'espace réel, à plonger le specta-teur dans un autre monde où le temps et l'espace sont suspendus. C'est ce que je désignerai comme de nouveaux espaces-temps dans le réel. si ce phénomène est envisageable grâce à des dispositifs spa-tiaux, on peut imaginer qu'il puisse s'inclure dans une image afin de créer de (nouveaux) espaces-temps dans l'image : c'est-à-dire des “zones” pouvant détourner l'espace et le cours habituel du temps.

Page 100: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

102

Red Eye

{

installation de Jamesturrell, 1992.

Page 101: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

103

Ce qui est énoncé ici comme dispositif, support, image… placé en mode “slash” est entendu ici comme objet ayant la capacité de se mettre en retrait malgré sa permanence. il existe différentes façons de s'opposer au flux constant, en l'atténuant et/ou en masquant des contenus pour en privilégier d'autres comme le prône John Maeda. Cela permet une meilleure lisibilité des contenus et une meilleure relation entre l'usager et son environnement “d' objets”. Mais il ne s'agit pas uniquement de placer des contenus en arrière-plan. en effet, la notion de “parenthèse” déjà évoquée inclut une suspension dans le temps – comme dans la phrase. Les termes de mise en sus-pens et de suspense évoquent une tension et une interruption plus ou moins réversible par rapport au temps réel et à l'espace physique du spectateur.

Le suspense Hitchcockien, au même titre que le geste figé de Judith au milieu de son acte violent, sont des représentations qui opèrent une distorsion de la trajectoire linéaire du temps et donc des flux d'information. Considérer le suspens revient à considérer un temps fragmenté, et, par extension, un espace fragmenté, comme nous l'avons vu avec le paradoxe de la flèche énoncé par zénon d'Élée : par tranches et par extraits.

au travers des dispositifs spatiaux de l'ordre des installations de James turrell, ou au sein même des images, il est possible d'in-clure de nouvelles qualités d'espace-temps, extraites de ces frag-ments de temps et d'espaces autres et permettant de s'opposer à la permanence du flux informationnel.

0 Positionnement / mettre en suspens(e) ‒ Conclusion partielle?

par

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iii : SLA

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Position

nem

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e mode “slash

” : latence et permanence

Page 102: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

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Page 103: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

étude de différents types d'activa-tion des environ-nements “slash”

105

étude de

différents

types

d'activa-

tion des

environ-

nements

“slash”

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SH / P

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Page 104: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

106

dans la partie précédente, nous avons déjà eu l'occasion d'évo-

quer la question des modes d'activation des divers environnements.

maintenant que les concepts de latence et permanence sont concrè-

tement définis, il convient de se pencher sur la question du fonction-

nement pratique des environnement et contenus en mode “slash”.

ces modes d'activation, réfléchis en amont permettent, quand ils sont

placés sur des supports publicitaires par exemple, d'agir sur le texte

ou l'image afin de contribuer au message. mais nous verrons égale-

ment l'exemple d'une œuvre en mode “slash” qui se relève à travers

un usage précis. À travers cette liste non-exaustive de modes d'acti-

vation, nous distinguerons notamment deux types de supports : ceux

suivant des cycles aléatoires ou programmés (relatifs aux heures du

jour, à des laps de temps définis, aux conditions météorologiques, aux

saisons …), et ceux réagissant à des usages spécifiques. ces usages

12h 12h01

ONoN

OFFOFFoFF

peuvent être tactiles, c'est-à-dire répondant au

corps de l'usager (au toucher, à des manipula-

tion plus ou moins précises…). mais ils peuvent

également réagir à d'autres paramètres comme

un éclairage, un son particulier, ou encore, aux

mouvements de notre corps.

Page 105: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

107

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iii : SLA

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Position

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tude de différents types d'activation des environnements “slash

activatioNs

cycLiques &

programmées

activations

cycliques &

programmées

• ACtivAtion CyClique d'une imAge ou d'un messAge

Comme nous avons déjà pu le constater précédemment, la question du temps et de sa représentation est très prégnante chez les artistes et designers. si harc Lee utilisait le modèle de l'interrupteur comme mode de désactivation du temps, le designer Constantin Boym dans son horloge Mona Lisa Clock utilise – à l'inverse, le temps comme mode d'activation. il s'agit donc d'une activation cyclique, programmée “par défaut” puisqu'elle suit le mécanisme temporel. L'aiguille des minutes sur laquelle est imprimé l’œil droit de la célèbre madonne peinte par Léonard de Vinci se balade sur la toile de minute en minute. Chaque jour à midi et minuit – c'est-à-dire une minute toute les douze heure, l'image complète se reforme. Durant ce court laps de temps, l'image complète de l’œuvre est activée. Le reste de la journée, le visage de Mona Lisa est marqué par une pièce manquante et une autre mutilante.

12h0017h50 12h59

Mona Lisa Clock

{

horloge par Constantin Boym, 2006.

Page 106: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

108

ctivAtion progrAmméE d'unE fonction

Le designer français Mathieu Lehanneur a conçu en 2006 une série d'objets “intelligents” destinés à

améliorer notre confort quotidien. parmi ces objets, dB, une sorte de ballon bienveillant et producteur de bruit blanc que le designer décrit de la manière suivante : « Sensiblement proche de l'animal domestique, dB se déplace à la manière d'un ballon qui roule. Il capte en permanence le niveau sonore de l'habitat et dès qu'il estime que le volume sonore acceptable est dépassé, il se déplace pour se position-ner au plus proche de la source sonore, qu'il s'agisse d'un enfant qui pleure ou de la télévision. Il peut aussi se placer à côté d'une fenêtre s'il juge le bruit extérieur trop fort. Dans tous les cas de figure, il émet en continu ce son fabriqué qu'on appelle bruit blanc et qui est la somme de toutes les fréquences audibles par l'oreille humaine portées à la même intensité. Si le bruit est une cause de perturbation, l'intérêt du bruit blanc consiste à ce qu'il crée un bandeau sonore

{

objet intelligent par Mathieu Lehanneur. VIA, Carte Blanche, 2006.

dB

0 Positionnement / activations cycliques & programmées

aa

--

Matériaux : aBs, mini haut-parleurs, moteur, chargeur. Dimension : Ø 18 cm.

Page 107: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

109* Description du dispositif dB à consulter sur le site du designer Mathieu Lehanneur : http://mathieulehanneur.fr/

dont l'intensité moindre permet au cerveau de se caler sur lui et de ne plus être importuné par des nuisances extérieures. Ce n'est pas un hasard si certains estiment dormir très paisiblement à côté d'une cascade d'eau, le bruit qu'elle produit s'approche de près de celui du bruit blanc. » *. il s'agit donc d'un objet discret et vigilant qui va s'éveiller dès lors qu'apparaissent les conditions pour lesquelles il est programmé. son activation est spontanée et dépendante de l'environnement de l'usager. L'objet se positionne donc naturellement en retrait lorsque son usage n'est pas nécessaire.

• ACtivAtion d'un messAge en fonCtion de vAriAbles environnementAles

en plus de ces activations cycliques et programmées, il est égale-ment possible de citer des variables d'ordre naturel et environne-mental. nous avons déjà évoqué le facteur temporel qui rythme nos vies, mais il y a beaucoup d'autres paramètres qu'il est possible de prendre en compte. sera distingué dans ces dénommées "variables environnementales", ce qui touche à l'environnement terrestre pur, régi par des cycles temporels, et ce qui représente ce qui nous environne, en terme d'objets, de véhicules, de populations. on peut ainsi citer un ensemble de variables d'ordre naturel et terrestre : les saisons, les conditions météorologiques, les marées, les éclipses, le jour et la nuit, le lever et le coucher du soleil, l'apparition et la dis-parition de la lune, la fonte des glaces… Ces données sont généra-lement quantifiables, prévisibles, connues et étudiées par l'homme même s'il ne possède aucun contrôle sur elles.

Mais on peut aussi considérer des variables liées aux environne-ments dans lesquels nous évoluons comme la population, la circu-lation de véhicules ou de personnes, qui sont donc des activations relatives à des valeurs de fréquence et de fréquentation.

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iii : SLA

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Position

nem

ent /

iV ) É

tude de différents types d'activation des environnements “slash

Page 108: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

110

activatioNs Liées

à des usages

activations Liées

à des usages

• activAtion d'un mEssAgE ou d'unE imAgE pAr l'usAgE dE lA lumièrE

La perception que nous avons de notre environnement peut être altérée, modifiée de manière très simple en fonction de la lumière ou de l'éclairage. Le principe de la synthèse additive nous montre que l'addition de différentes teintes lumineuses active et annule une partie des autres teintes lumineuses existantes. aussi, l'addition deux à deux des lumières colorées dites “primaires” permet d'ob-tenir des lumières dites “secondaires” : le rouge et le vert donnent le jaune, le rouge et le bleu donnent le magenta et le bleu et le vert donnent le cyan. C'est sur ce principe même que s'appuie le projet RGB : Color est e pluribus unus de Carnovsky, duo d'artistes et designers basé à Milan composé de Francesco rugi et silvia quintanilla, dans lequel des motifs imprimés en CMJ : Cyan, Magenta, Jaune, sont révélés en fonction d'éclairages aux teintes rVB : rouge, Vert, Bleu (RGB en anglais : Red, Green, Blue). Ce dispositif donne à voir différents états d'une même image par la division en couches colorées. Le spectateur perçoit donc l'extinction et l'activation de différents niveaux d'information sur l'image, mais jamais du support dans son intégralité. en effet, le dispositif “au repos”, dans une ambiance lumineuse naturelle, affiche une image latente, confuse, résultante de la superposition des trois couches colorées cyan, magenta et jaune. Demian Conrad, dans sa campagne pour le Lausanne Underground Film Festival (“LuFF”) a utilisé le phénomène optique inverse (la synthèse soustractive) pour réaliser un série de visuels à double lecture. grâce à une paire de lunettes à filtre rouge, les portraits révèlent ainsi “le monstre qui sommeille en chacun”.

{

Campagne du Lausanne Underground Film Festival (“LuFF”) par Demian Conrad.

Page 109: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

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Reflective Billboard par l'agence Cossette Vancouver pour McDonald's ©.

{

RGB : Color est e pluribus unus, papiers peints et dispositifs lumineux, par Carnovsky, 2011.

Dispositif en journée. {

Dispositif de nuit éclairé par des phares de voiture.

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WaDoor écran-objet pour la maison et les espaces publics par l'agence Nodesign (Jean-Louis Fréchin et uros petrevski), 2008.

{

Campagne publicitaire de la revue The Economist.

{

WaElice, système interactif de modules lumineux par NoDesign, 2012.

I 0OFFoFF

ONoN

Modification des paramètres via une interface tactile.

{

Page 110: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

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iii : SLA

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tude de différents types d'activation des environnements “slash

enfin, dans une campagne visant à attirer une clientèle nocturne, les créatifs de l'agence Cossette Vancouver ont imaginé, pour la firme internationale McDonald's ©, des panneaux publicitaires réflé-chissants dont l'activation du message fonctionne par réflexion de la lumière produite par les phares des voitures. La lumière apparaît donc ici, comme un moyen de séquencer la lecture d'un message ou d'une image, la différer, la provoquer… en utilisant des phénomènes optiques et physiques simples, il est donc possible d'inclure différentes lectures d'un même objet et/ou d'en hiérarchiser la lecture, en fonction de paramètres divers tels que, nous l'avons vu, l'heure (le jour ou la nuit) ou grâce à des dispositifs réglables et manipulables (choix d'un éclairage, application d'un filtre…). à la manière de James turell, des dispositifs comme celui mis en place par Carnovsky viennent ré-interroger les notions de surface, de profondeur, et donc d'espace et de temps dans lequel nous nous mouvons.

• ACtivAtion d'un messAge ou d'une imAge pAr le Corps de l'usAger

Le tactile est passé au cours de ces dernières années du domaine de la science-fiction à celui de notre réalité quotidienne. Du smart-phone, ordinateur de poche, au NumériFlash, mobilier de communi-cation numérique déployé dans le métro-rer parisien qui permet de personnaliser l'information sur un lieu donné, le tactile s'affiche aujourd'hui comme un moyen humain et intuitif, utilisant le contact humain comme mode d'accès à des contenus de tous ordres. Jean-Louis Fréchin et uros petrevski, parmi d'autres designers agissant dans le domaine de la prospective, ont créé une série de supports personnalisables dont le WaDoor, surface tactile à échelle humaine sur laquelle chacun peut écrire un message ou réaliser des schémas simples. on peut également citer, parmi les modes d'activation utilisant la présence corporelle de l'usager, les systèmes de détec-tion de mouvement. Dans le cadre d'une campagne publicitaire la revue The Economist a mis en place un panneau interagissant ainsi directement avec son environnement, puisque c'est ici, le passant arrivant au niveau de l'ampoule qui active le message.

0 Positionnement / activations liées à des usages

Modification des paramètres par contact direct avec les modules.

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• ACtivAtion d'un messAge viA une interfACe externe

nous avons abordé dans la première partie, la multiplication des supports de communication, mais on peut également souligner qu'au-delà de sa fonction de distribution d'information, ce panel de nouveaux outils peut parfois agir directement sur notre environ-nement, comme “interrupteur” entre le monde des données et le monde physique. Les designers s'interrogent ainsi sur les ponts qui peuvent résider entre ces deux états de surface et de réalité. Le sys-tème des qr codes, par exemple, permet de capter un morceau de réel pour le retraduire en données, grâce à des interfaces présentes dans nos smartphones (ou autre), afin d'accéder à un des contenus annexés au support “flashé”. C'est donc l'interface de notre télé-phone qui entre en communication avec une image présente dans le réel, pour conduire l'usager vers une nouvelle source.

NoDesign a également largement investi cette idée d'interface acti-vatrice et “passerelle” notamment au travers d'objets du mobilier comme dans le projet WaElice : « Waelice est un système interactif de modules lumineux. Reliés entre eux au sein d’un réseau informa-tique, tous les éléments de la constellation sont dotés d’une adresse IP. L’utilisateur peut intervenir sur chacun d’eux afin d’en modifier l’in-tensité lumineuse et la couleur et ainsi créer des combinaisons uniques

{

WaElice, système interactif de modules lumineux par NoDesign, 2012.

Page 111: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

* Description du projet WaElice à consulter sur le site de NoDesign. 5 Lien : www.nodesign.net/portfolio/waelice

0 Positionnement / activations ‒ Conclusion partielle

113

ans les cycles aléatoires et programmés, l'utilisateur ou le passant est davantage spectateur et le moment de latence lui est “imposé”. en revanche, lorsqu'il s'agit d'activation répondant à un usage, la place de l'utilisateur est centrale : il est acteur et sa volonté

vis-à-vis de l'objet est prédominante. si le second type de disposi-tif semble mieux s'inscrire dans la démarche du mode “slash” : permanent mais en retrait, puisqu'il y a un phénomène d'ac-tivation, de “réveil”, phase qui, comme nous l'avons expli-cité, est indissociable de l'état de veille, Floating le projet des Graphiquants autour des affiches non-publicitaires (voir p.55-56) montre que la passivité du spectateur peut également être pro-pice à une réflexion sur l'image et donc à un phénomène d'éveil naturel du regard (au travers cette fois de la contemplation et de l'interrogation du support).

et poétiques. Cette action peut se faire à distance via un smartphone ou directement par une simple commande gestuelle, le luminaire étant équipé de capteurs permettant de lire les mouvements. » *. ici, il s'agit d'un double mode d'activation : ce dispositif permettant à la fois d'agir directement sur notre environnement via un système de détection du mouvement (cf. point précédent : « activation d'un message ou d'une image par le corps de l'usager »), ou à distance, via une interface externe sur smartphone ou sur tout autre support pouvant lire l'application.

Dans la totalité des cas de ces activations liées à des usages, l'utili-sateur ou le spectateur devient acteur. qu'il soit passif ou actif, son intervention est indissociable du fonctionnement des dispositifs et du déclenchement de leurs messages.

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tude de différents types d'activation des environnements “slash

Page 112: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
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enJeuX

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Page 114: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence
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pour uNe

écoLogie du

regard

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écOLOgie du

regardM

-

Page 116: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

118

économie /

“écologie”

du regard

économie /

“écologie”

du regard

« Savoir regarder une image,

ce serait, en quelque sorte, se rendre

capable de discerner là où elle brûle,

là où son éventuelle beauté réserve

la place d'un “signe secret”, d'une

crise non apaisée, d'un symptôme.

Là où la cendre n'a pas refroidi. »

– gEorgEs didi-hubErmAn.

Page 117: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

119

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iii : SLA

SH /

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jeux

UnE misE En rEtrAit dE l'informAtion pour un rEgAin d'Acuité visuEllE

De manière globale et comme cela à été évoqué à plusieurs reprises, la mise en place de supports ou

d'environnements possédant la capacité de se mettre en retrait, malgré leur permanence, serait un moyen d'alléger notre univers visuel et informatif, tout en conservant les repères et la stabilité qui constituent l'atout majeur de notre environnement actuel. réduire la quantité de données visibles de manière permanente pourrait être une façon de rendre le public plus disponible, plus réceptif et donc moins superficiel dans sa manière d'appréhender l'information ; de façon très simple, il s'agit de réduire la quantité afin de regagner en qualité. Cette forme d'économie, voir d'éco-logie du regard, porte donc comme enjeu primordial un gain de précision, d'acuité du regard permis par le recul, la distance et la réflexion, qui ne peuvent exister que si on prend le temps de s'arrêter sur les environnements proposés.

• une nouvelle éCologie du regArd pour une meilleure AdéquAtion EntrE l'hommE Et son EnvironnEmEnt visuEl

pour aller plus loin et employer le terme “écologie du regard”, il convient de s'intéresser aux différentes définitions du mot “écologie” qui ont considérablement évolué, et ce, en miroir avec notre société. Dans la préface de son ouvrage L'écologie des images, paru en 1983, ernst gombrich définit l'écologie de la manière suivante : « Ce mot d'écologie, dont on a beaucoup usé, voire abusé, ces derniers temps, vient des racines grecques oikos, la maison ou

U

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120

l'habitat, et logos, parole, discours ou, comme ici, étude. Ainsi le petit Larousse définit-il l'écologie comme la “Partie de la biologie qui étudie les rapports des être vivants avec leur milieu naturel.” C'est la complexité de ce “rapport” qui rend cette étude si intéressante. Le sol et le climat influencent évidemment le type de végétation qui à son tour, influence le climat et, à long terme, la nature du sol.(...) L'espèce homo sapiens s'est efforcée, au moyen des techniques, de dépendre de moins en moins du milieu naturel ; la crainte que suscite ce rapport unilatéral entre l'homme et la nature explique l'apparition de ce terme d'écologie dans les débats récents. On pourrait affirmer qu'il y a une parfaite analogie entre l'écologie des êtres vivants et le milieu social des images. » 16. on constate qu'il existe un lien très fort entre le terme d'écologie dans sa première définition : « Étude des milieux où vivent les êtres vivants ainsi que le rapport de ces êtres entre eux et avec le milieu » *, tel qu'il est décrit par ernst gombrich, et son second sens, très commun aujourd'hui : « Mouvement visant à un meilleur équilibre entre l'homme et son environnement naturel ainsi qu'à la protection de celui-ci. » *. en effet, comme le précise ernst gombrich en 1982 – et cela ne cesse de se confirmer et se présente aujourd'hui comme une nécessité, l'écologie est devenue une manière pour l'homme de “rééquilibrer” la balance entre son milieu naturel et la manière intensive dont il l'exploite. travailler autour d'une écologie de l'image serait donc, par analogie, une manière de rééquilibrer notre intense exploitation de l'image.

* Définition du terme “écologie” extraite de Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2009. nouvelle édition du Petit Robert de paul robert, texte remanié et amplifié sous la direction de Josette rey-Debove et alain rey.

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16. L'écologie des images, ouvrage de ernst gombrich, éditions Flammarion, 1983.

M enjeUx économie / “écologie” du regard

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enVironnement

« Après tout, la journée n’a que vingt-quatre heures. Pouvoir choisir sur quoi concentrer ses efforts, on le voit, permet de mener une vie efficace et accomplie. » 11

Le fait de pouvoir activer des supports ou des environnements à loi-sir permet aux usagers d'apporter plus de liberté quant à l’organisa-tion de notre environnement quotidien. nous avons déjà évoqué les travaux de l'agence NoDesign qui s'attachent à créer des environne-ments et des supports publics et privés personnalisables comme le FabWall, papier peint intelligent fonctionnant grâce au principe de qr codes et qui permet de contenir et d'organiser de l'information, ou encore le WaElice, étudié précédemment, dispositif lumineux dont on peut moduler en direct ou à distance les paramètres en fonc-tion de nos besoins. rendre les objets plus modulables, plus adaptables à nos besoins permettrait-il de revenir à un fort niveau de satisfaction de nos objets – perte de satisfaction que déplore John Maeda ? aller vers des systèmes qui prennent en compte nos besoins et notre indivi-dualité, et, donc, aller vers des objets plus proches de l'humain ou, du moins, utilisant davantage nos paramètres sensoriels pour-rait être la clé du design de demain, comme le défend arlette Despond-Barré dans l'ouvrage Le design : essais sur des théories et des pratiques : « Il est possible de modifier l'ordre des priorités dans le domaine de l'innovation afin de placer l'homme avant les

11. Citation extraite de la troisième loi : « temps » dans l'ouvrage De la simplicité, par John Maeda, p.60.

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1239. Chapitre i : Histoires des objets industriels, « agir sur le monde », par arlette Despond-Barré, p.70 et 72. extrait de l'ouvrage Le design : essais sur des théories et des pratiques, ouvrage théorique sous la direction de Brigitte Flamand, 2006.

développement technologiques et faire en sorte que les générations à venir soient mieux traitées que les ordinateurs. Ce qui semble être l'inverse aujourd'hui. » 9. il pourrait ainsi s'agir de retrouver une forme de plaisir dans la manipulation : qu'il s'agisse d'interfaces multimédia ou de supports papier, l'usager éprouve une forme de plaisir dès lors qu'il doit révéler, découvrir, toucher… (tourner une page, dérouler un menu, marquer une page en la cornant ou encore activer un contenu en tirant une languette). Ce besoin de surprise, d'aventure pour un regain de satisfaction de l'objet révèle peut-être une saturation via-à-vis de ce monde surchargé d'objets et d'informations : masquer le contenu, le rendre moins accessible pourrait-il le rendre plus intéressant ? plus précieux ? La curiosité naturelle des hommes pourrait-elle s'oppo-ser – dans notre société constamment à la frontière du “burn-out” informationnel, à la frontalité de l'image ? peut-on dire que mon-trer moins peut engendrer des réactions plus impliquées, des regards plus accrus sur les choses ?

es enjeux de cette démarche s'inscrivent clairement autour de la réintroduction d'un temps de lecture de l'image, et d'un temps réservé à la réflexion sur cette même image. Voir l'image, saisir l'information, c'est avant tout savoir s'en emparer plastiquement comme sémantiquement.

L'information devrait pouvoir se détacher de la surface lisse à laquelle elle est aujourd'hui reliée et de la qualité de temps linéaire et constante qui la rend si difficile à saisir. pouvoir avoir le choix de dire « Stop ! », et ce, à tout moment. rompre le rythme du flux pour enfin s'en emparer : le rendre plus accessible et plus adaptable. Le but est donc de concevoir des “objets” ayant la capacité de créer en nous un temps d'interrogation et ainsi d'inclure dans notre espace vital, celui que nous choisissions et non pas par défaut, celui que nous devons suivre à tout prix sous peine de perdre nos repères cardinaux, temporels, sociaux et personnels.

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macro-projet

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qu'est ce qu'une image latente ? comment faire

émerger un contenu ? Par quel(s) moyen(s) et

dans quel contexte signifier que l'activation

d'un contenu peut-être potentielle ?… autant de

questionnements s'inscrivant dans le cadre de

ma démarche autour de l'idée du mode “slash”

et auxquels je vais devoir m'attacher.

dans cette partie, je donne à lire une trame

de thématiques découlant directement de ma

démarche de projet, toutes liées à des structures

d'applications concrètes ou théoriques.

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e l'archivage à l'ActivAtion dE donnéEs / dE rEssourcEs

Le stock et l'archivage, sont en premier lieu des sys-tèmes à visée économique permettant le bon fonction-

nement d'une entreprise. il s'agit de contenir un ensemble de ressources ou de marchandises en cas de besoin, comme l'indique l'une des premières étymologies du mot datée de 1843 qui définit le stock comme une « réserve de marchandises » *. on retrouve donc l'idée de mise en retrait et d'activation d'un contenu, même s'il ne s'agit pas là de supports mais de ressources mises en retrait, stoc-kées, archivées qui seront activées dès lors que cela sera nécessaire. Le stock est un élément central pour de nombreuses structures, commerciales bien sûr, comme les épiceries, les pharmacies ou les stations services, mais pas uniquement ; en effet, le stock est égale-ment inhérent à de nombreux services administratifs et culturels. L'archivage détient par exemple une place centrale dans l'admi-nistration car elle permet une traçabilité sur toute action passée. enfin, les bibliothèques, médiathèques, ludothèques… contiennent un stock de ressources indispensables à leur bon fonctionnement, il s'agit même dans ces cas précis de structures qui s'articulent autour de deux types de services : des contenus actifs (ressources à emprun-ter) et des contenus latents (ressources en attente de consultation). Les musées et les galeries d'art de manière générale possèdent éga-lement ce type de double service avec une collection permanente et des ressources archivées, stockées (des ressources dormantes), qui sont réactivées à l'occasion de rétrospectives par exemple. La question de l'occasionnel, du “au cas où” est évidemment cen-trale lorsqu'on aborde la notion de stock, et cette question, nous y sommes personnellement confrontés dans notre environnement quotidien. en effet, dans la vie de tous les jours, nous sommes entourés d'une multitude d'objets et parmi eux, il est possible de

* source : www.cnrtl.fr/etymologie/stock

La gestioN

de stock

La gestion

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La potentialité de • l'ActivAtion dE “cEllulEs dormAntEs”

La menace est un signe par lequel se manifeste l'imminence d'un danger : « La menace provient de l'éventualité d'un événement fâcheux » * donc, comme nous venons de le voir, de la potentialité de “l'activation” d'un événement dangereux. Le schéma du terroriste – dont la menace est très présente dans le monde actuel notamment avec la montée en puissance progressive et constante des islamistes radicaux, rentre lui aussi en adéquation avec le mécanisme de mise en retrait et d'activation potentielle. en effet, l'une des force du terrorisme réside dans ses cellules dor-mantes, dissimulées parmi les populations et qui peuvent s'activer, “s'éveiller” à tout moment en cas de besoin. Ce sont des cellules

La meNace &

Le secret

La menace &

Le secret

distinguer sommairement ceux d'usage courant (utilisés quotidien-nement ou hebdomadairement), et ceux d'usage occasionnel. Dans tout “l'attirail” de nos objets, il en existe donc une certaine partie présents “au cas où”. et bien souvent, tout aussi indispensables que ceux d'usage courant. aussi, si l'on réalisait un inventaire de la fréquence d'usage des objets contenus à l'échelle d'une maison par exemple, quel serait le pourcentage d'objets occasionnels ? une image parlante : le parapluie repliable. son usage est aléatoire et incertain, mais il est toujours présent dans mon sac à main dès lors que la pluie menace de tomber. Cette idée de menace est également très importante pour saisir le mécanisme puisqu'elle se définit comme la potentialité du surgissement d'un événement négatif, inquiétant ou envisagé avec crainte.

T aPPLications / La gestion de stock

* source : www.cnrtl.fr/definition/menace

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13117. Psychanalyse des contes de fées, essai de Bruno Bettelheim, 1976.

vigilantes, toujours prêtes à intervenir. Des mesures sont également mises en place pour contrer ces attaques éventuelles ou imminentes. Le plan Vigipirate par exemple propose un certain nombre de mesures préventives, plus ou moins importantes en fonction de la prégnance de la menace en cours.

• pErcEr à jour lE sEcrEt

Mais l'activation de “cellules dormantes”, métaphoriquement par-lant, n'incombe pas exclusivement au terrorisme. en effet, d'autres mécanismes comme les contes de fées ou certaines œuvres picturales utilisent des messages cachés, comme moyen d'activer d'autres messages, d'autres contenus, des sortes de contre-formes du récit, présentes dans l'histoire mais lisibles uniquement postérieurement ou après maturation, “digestion” de l'information et du contenu initial. Dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées 17 paru en 1976, Bruno Bettelheim fait de ces messages latents sa thèse principale. au travers les contes de fées les plus célèbres, il élabore une typo-logie et un mode de fonctionnement propres à ce type d'histoire. selon Bruno Bettelheim, le conte de fée contient forcément un dénouement optimiste et sans portée moralisatrice, cette typologie particulière permet de différencier les contes de fées des mythes et des fables, sa fin nécessairement heureuse étant un moyen pour l'enfant de trouver des réponses aux problèmes existentiels auxquels il est confronté. Dans le récit linéaire du conte se trouve systématiquement un message latent dont l'activation réside dans la répétition à plusieurs reprises de la même histoire jusqu'à ce que le message, en faisant écho à des problèmes et questionnements présents dans l'inconscient de l'enfant, se révèle. L'imaginaire mis en place dans le conte de fée est un moyen de simuler l'inconscient de l'enfant, aussi, l'adulte dont le raisonnement fonctionne sur le principe de réalité (alors que l'enfant lui, suit le principe de plai-sir) ne peut saisir les situations des contes de fées qu'il juge souvent comme absurdes.

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panneau latéral gauche. « La tentation

de st antoine ».132

T aPPLications / La menace & Le secret

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Dans l'article « Crucifier en peinture » 18 publié dans Aparté : revue ouverte de théâtre, andré gunthert aborde la question du secret et de la mise en scène de sa révélation à travers le Retable d’Issenheim peint à la renaissance par Matthias grünewald (vers 1515) et représentant la Crucifixion.

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Retable d’Issenheim, réalisé par Matthias grünewald vers 1515. panneau de 330 × 590 cm.

panneau latéral droit. « La visite de st antoine à st paul ».

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18. « Crucifier en peinture », article de andré gunthert publié dans Aparté : revue ouverte de théâtre, hiver 84-85.

Ce retable aux dimensions particulières composé de huit faces et de deux ouvertures agit comme une scé-nographie picturale : « La peinture en morceaux (en volets) invente une scénographie de son propre espace pour montrer et dissimuler l'essentiel. » 18.

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T aPPLications / La menace & Le secret

C'est dans la manipulation des volets que se dessine petit-à-petit la scène du meurtre, dans une sensation fugitive de perception, comme dans les contes de fées d'après Bruno Bettelheim dont la révélation, liée absolument à l'inconscient reste insaisissable dans sa totalité : « Ce qui fonde ce tableau se joue proprement dans l'entre-deux du secret constamment dévoilé, constamment recouvert. Insaisissable dans son exposition – insaisissable parce qu'exposé. Ce que Grünewald invente pour son retable, c'est la dynamique du secret (...). On ouvre, on ferme – on rouvre, on referme. Ça s'est toujours déjà passé. Mais ça n'arrête pas. » 18, ces dernières phrases ne sont pas sans rappeler la notion de suspens évoquée précédemment.

utour d'un objEt En dEvEnir / En construction

« ESQUISSE, subst. fém : “Ébauche, premier crayon de quelque ouvrage qu'un peintre médite de faire”. » a.

L'esquisse est un objet d'étude intéressant puisqu'elle représente un ouvrage en devenir, imparfait, interrompu et qui demande à être poursuivi. Comme nous l'avons évoqué précédemment avec la notion de suspens, il s'agit d'un objet figé dans sa représentation, donc d'un fragment de temps infini, sans avant ni après, à l'image de Judith dans la toile du Caravage qui n'arrête jamais de décapiter holopherne. L'esquisse c'est la trace laissée par l'artiste au moment de la construction de son œuvre, la projection (tant en terme de geste que de concept, comme nous l'indique son étymologie à cheval entre l'idée de projeter, issue du terme emprunté à l'italien schizzo « ébauche d'un dessin, etc. », et l'image de quelque chose qui jaillit : « tache que fait un liquide qui gicle », déverbal de schizzare « jaillir, gicler » b) d'un objet en devenir sur un support.

L'esquisseL'esquisse

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a. académie, iVe édition : www.cnrtl.fr/definition/academie4/esquisse

b. source : www.cnrtl.fr/definition/esquisse

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La parenthèse dans le réel : • lE suspEns spAtio-tEmporEl

L'hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée Des espaces autres : « Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme une cabane d'enfant ou un théâtre. Ils sont utilisés aussi pour la mise à l'écart, comme avec les maisons de retraite, les asiles ou les cimetières. Ce sont donc des lieux à l'intérieur d'une société qui en constituent le négatif, ou sont pour le moins en marge. » 19. Comme pour la théma-tique de l'esquisse, l'hétérotopie renvoie au suspens car elle agit comme une parenthèse au sein l'espace réel, physique concret. Car en effet, Michel Foucault définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie. Le terme hétérotopie vient du grec topos, le “lieu”, et hétéro, “l'autre” : le “lieu autre” (rupture avec l'espace réel au sein même de cet espace réel). enfin, l'auteur utilise également le terme hétérochronie (chronos et hétéro : le “temps autre”) pour signifier une rupture avec le temps réel.

il définit ainsi différentes structures hétérotopiques « dans lesquelles on place les individus dont le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée. Ce sont les maisons de repos, les cliniques psychiatriques ; ce sont aussi les prisons et il faudrait sans doute y joindre les maisons de retraite. » selon Michel Foucault, « l'hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompa-tibles. » ainsi le théâtre est-il une forme d'hétérotopie, ou le jardin traditionnel des persans (de même que les tapis, qui étaient à l'ori-gine des reproductions de jardins) : « Le jardin, c'est, depuis le fond de l'Antiquité, une sorte d'hétérotopie heureuse et universalisante (de là nos jardins zoologiques). » en outre, les hétérotopies sont souvent liées à des « hétérochronies », là où les hommes sont en rupture par rapport au temps traditionnel. ainsi les bibliothèques et les musées,

L'hétérotopie :

l'autre lieu

L'hétérotopie :

l'autre lieu

19. « Michel Foucault. Des espaces autres. hétérotopies. », texte intégral de Michel Foucault Des espaces autres, conférence au Cercle d'études architecturales, 1967.

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qui, par leur accumulation d'objets et de livres de tous les temps, constituent un « lieu de tous les temps qui soit lui-même hors du temps ». il y a aussi les hétérotopies non pas éternelles, mais éphé-mères : les foires ou les centres de villégiature. il y a donc, au sein de ces hétéroptopies, une mise en suspens du cours du temps habituel, une nouvelle qualité de temps qui génère des espaces autres. on peut peut-être ici penser ré-investir la notion d'espaces-temps dans l'image. enfin, les lieux qui accueillent des périodes d'attente peuvent peut-être également s'inscrire comme “micro-hétérotopies”.

T aPPLications / L'hétérotopie : l'autre lieu.

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edward hopper, 1928. new York, Museum of Modern art.huile sur toile, 73,7 × 86,4 cm.(une « maisons around the corner »).

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13720. « edward hopper ou les interstices de la vie », article de pierre Fresnault-Deruelle publié dans le magazine étapes : n°211, p.39. Janvier & Février 2013.

* il est à noter le rapprochement qui s'établit entre la définition que fait andré gunthert dans article son « Crucifier en peinture », de ce qu'il nomme « la dynamique du secret » comme évé-nement s'étant « toujours déjà passé. » 18, et la manière dont pierre Fresnault-Deruelle définit chaque œuvre d'edward hopper comme « un objet spécifique générique, “toujours déjà là”. » 20.

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• vErs un “suspEnsE-suspEndu” ?

Mais ces lieux d'attente sont interrompus par l'arrivée de l'événe-ment attendu. or, certains lieux comme les prisons ou les maisons de retraite décrites par Michel Foucault ne sont pas toujours associées à une attente particulière et l'événement attendu y est parfois incertain. Le peintre edward hopper, dont les œuvres mettent en scène et figent les événements de la vie “ordinaire”, utilise le processus de la « ségrégation des lieux » 20 comme un outil de composition à part entière et semble ainsi voir dans la figure du carrefour une sorte de matérialisation de cette forme d'attente insatiable, comme le défend pierre Fresnault-Deruelle : « Hopper voit dans les maisons around the corner des articulations où pourraient (mais pourraient seulement) se manifester des rencontres ou plus générale-ment des conjonctions. Mais chez Hopper, rien n'arrive. Au vrai son art permet la récitation, seule, mais pas le récit, la narrativité mais pas la narration. D'où ce sentiment d'inachevé qui partout pré-vaut. » 20. que peuvent générer ces lieux de l'attente infinie ? est-ce un mécanisme qui correspond à celui du suspens : sans avant ni après, latent, situé dans une boucle permanente ? * ne peut-on pas qualifier ces attentes insolvables “d'anti-suspense”, voir un “suspense-suspendu”, sans aucune forme de résolution, par opposition au suspense Hitchcockien qui induit un aboutissement ?

si c'est la question du lieu qui est abordée ici, on peut évidemment associer l'hétérotopie, espace-temps suspendu, dans le domaine du graphisme, à l'image et à lecture. on peut ainsi imaginer de mettre en évidence, de donner corps aux temps de lecture qui sont des temps, donc des “objets” immatériels et physiquement impercep-tibles, malgré leur prégnance et leur importance.

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l se pose, au sein de notre société hyper-réactive face à l'information, un souci concernant la légitimité des conte-nus, dont seulement, selon la règle des 1/9/90 (Cf. : schéma AnnExE #01), 10% sont originaux et les 90% restant sont uniquement des redistributions. Cette façon d'émettre et de

distribuer compulsivement l'information intervient sur la qua-lité même de cette information et des contenus qu'elle porte en contribuant à leur appauvrissement. enfin, leur présence massive et permanente créée un mouvement continu qui oblige le “consom-mateur” d'information à aller toujours au devant de celle-ci sans jamais prendre le temps de la remettre en question. on constate alors une déperdition générale du jugement et de la qualité de l'in-formation, une incapacité de plus en plus importante des usagers à porter un regard critique sur les contenus auxquels ils sont quoti-diennement confrontés. De nombreux témoignages de professionnels de l'image, du design et de sociologues ont permis d'établir ce constat autour de la permanence des flux et des difficultés qu'elle engendre. on retrouve, dans un certain nombre de ces interventions, la formu-lation plus ou moins directe de la nécessité de ralentir ce flux afin de remettre en avant le regard critique. aussi, hamish Muir parle de « réintroduire la machine à écrire, ralentir les choses », quand georges nurdin propose de retourner légèrement en arrière afin de saisir « ce qui a été ».

Mais, pour autant, la permanence des flux n'étant pas absolument négative, leur interruption totale et la passivité absolue vis-à-vis d'eux ne feraient qu'engendrer une perte de repère déstabilisante et marginalisante alors que nous vivons dans une société extraordinai-rement concentrée en information.

L'hypothèse serait de parvenir à créer des ralentissements dans un flux en y incluant des “parenthèses” afin d'opérer une rupture partielle et temporaire en opposition à la permanence de ce flux.

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Le système “on/oFF” utilisé pour définir l'état d'activité d'un flux comme état soit allumé (“on”), soit éteint (“oFF”), soit les deux, c'est-à-dire en état de veille (“/”), permet de dégager ce point et de considérer la mise en veille, en analogie avec la mise entre parenthèse d'un flux. ainsi, le mode “/”, en ne créant pas de réelle rupture puisqu'il correspond à un état intermédiaire à la frontière entre sommeil et vigilance constante, possède naturelle-ment une habilité à se distancier de la permanence des flux sans la rompre totalement. L'étude de trois grandes typologies de veille (animale, électronique et stratégique) révèle des enjeux communs mettant encore davantage en avant cette aptitude. en effet, ces trois typologies de veille incluent à la fois une vigilance permanente et discrète sur leur environnement, ainsi qu'une capacité à s'éveiller de manière instantanée. Ce constat nous permet donc d'établir qu'un “objet” en état de veille correspond à un “objet” présent de manière permanente, mais qui possède la capacité de se mettre en retrait. Ce qui est énoncé comme “objet” placé en mode “slash” est donc entendu ici comme objet ayant la capacité de se mettre en retrait malgré sa permanence. on peut citer différentes façons de mettre un flux ou une partie d'un flux en retrait, en l'atténuant et/ou en masquant des contenus pour en privilégier d'autres comme le prône John Maeda. Cela permet une meilleure lisibilité de ces contenus et une meilleure relation entre l'usager et son environne-ment “d' objets”. Mais il ne s'agit pas uniquement de placer des éléments en arrière plan. en effet, la parenthèse, dans sa convention typographique, permet d'inclure également un temps différent dans la phrase. ainsi entre en compte la notion de suspens, spatial et temporel : les termes de mise en suspens et de suspense évoquant une tension et une interruption par rapport au temps réel et à l'espace physique du spectateur. Le suspense au cinéma ou en littérature, au même titre qu'un geste peint comme figé sur une toile de maître, sont des représentations qui opèrent une distorsion de la trajectoire linéaire du temps et donc des flux d'information perçus.

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Considérer un suspens revient à considérer un temps d'une autre qualité que l'aspect linéaire qu'on lui prête généralement : un temps fragmenté composé d'un ensemble de tranches, d'extraits. au travers des dispositifs spatiaux de l'ordre des installations réalisées par James turrell, ou au sein même des images, il est possible d'inclure de nouvelles qualités d'espace-temps, extraites de ces fragments de temps et d'espaces autres et permettant de s'opposer à la permanence du flux informationnel. au travers de procédés existants issus des différents champs des arts plastiques et appliqués, il est possible de repérer deux principaux types de fonctionnement d'objets en mode “slash”. on peut ainsi distinguer les “objets” fonctionnant selon des cycles aléatoires et programmés, de ceux fonctionnant selon des usages particuliers. Dans le cas des cycles aléatoires et programmés l'utilisateur ou le passant est davantage spectateur et le moment de latence lui est “imposé”. en revanche, lorsqu'il s'agit d'activation répondant à un usage, la place de l'utilisateur est centrale : il est acteur et sa volonté vis-à-vis de l'objet est prédominante. si le second type de dispositif semble mieux s'inscrire dans la démarche du mode “slash”, perma-nent mais en retrait, puisqu'il y a un phénomène d'activation, de “réveil”, il est à noter que la passivité du spectateur peut également être propice à une réflexion sur l'image et donc à un phénomène d'éveil naturel du regard, au travers cette fois de la contemplation et de l'interrogation du support.

enfin, l'ouverture vers la concrétisation d'un projet et la recherche de contextes d'applications s'établit à partir de deux grands axes, dont le premier, qui comprend “La gestion de stock” et “La menace & Le secret”, s'oriente vers l'idée de révélations et de potentiels dormants. Le second axe autour de “L'esquisse” et de ce que Michel Foucault a nommé “L'hétérotopie”, aborde quant à lui davantage les notions de suspense et d'attente en eux-même, sans révélation évidente, et des nouveaux espace-temps dans l'image ainsi générés.

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Ma propre réflexion s'arrête sur la proposition d'opérer un choix pour une écologie du regard et dont l'objectif est d'aller vers une maturité du regard. C'est par cette forme “d'éducation” du regard que l'information et l'image pourront regagner à terme en qua-lité. Mais cette possibilité de choisir nos environnements et d'en tempérer la fréquence se fait uniquement au travers des modes de réception des contenus et n'inclut pas d'action sur les sources d'in-formation. or, comment se détourner du schéma de l'information pré-digérée sans intervenir dès la création des contenus ? en effet ces sources non-contrôlées, ces 90% de contenus stériles dupliqués, ne peuvent être “assainis” que si elles sont traitées à leur base. il s'agit là d'un schéma cyclique : opérer un choix sur l'informa-tion à sa source, aiguiser les regards et ainsi regagner en qualité de jugement. Cette boucle amène à un stade ultime et utopique de consommation des contenus : une consommation consciente de l'information et des environnements visuels.

Mais pour l'heure, l'étape de la diffusion appartenant quasi-exclusi-vement au secteur du marketing, ce dernier contrôle les sources et contribue à la distribution massive et inconsidérée de l'information. Mais nous pouvons envisager que les designers deviennent un jour à leur tour acteurs de la diffusion, proposant enfin des solutions novatrices : de nouveaux services, voire de nouveaux médias, plus respectueux des usagers, et en adéquation avec nos besoins “réels”.

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summary(résumé)

SummarY(réSumé)

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Version angLaise

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introdUction

We are living in a visual world, saturated with information. Whether it is on paper or on screen, our vision is always stimulated. More and more media and formats allow us to keep in touch with that content. since the first computer, designers and scientists have never stopped inventing smaller and smaller devices, which follow us everywhere. We have one for each moment and activity : a com-puter for working, a tablet for reading online news, a smartphone for following our favorite fashion website… But in public space we are equally stimulated by posters, flyers and so on. even if you have a little time to spend in the subway, you are given the possibility to read some news with free newspapers like Metro or 20 minutes. But what does this overabundance of media and this “gluttony” for content mean ? Could we live in a world without all this infor-mation ? What role does this densification of familiar and urban landscapes play ? how does it influence our perception, the way we see the world ? What position should we take as graphic designers, creators of visual environments, in a world overfed with pictures and media ? it is the viewer's place as well as the designer’s which are at stake here, and it constitutes the starting point of this thesis : act on the way we “treat” pictures, the way we create them, to ultimately have the possibility to act on the way the viewer receives and per-ceives visual content and its messages.

--

part i : “on” • Fact : the constant flow of information.

i started my analysis by raising the issue of the flow of informa-tion : we need to examine all the media around us and the way we consume the news and the visual environment, as we do food

LateNcY & cONStaNcYLateNcy & coNstaNcy

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and other products. With the internet, we are always connected. naturally, there are advantages and drawbacks in these new be- haviors. the upside is that we always feel secure, we never feel lost in our over-informed world. But, unfortunately, having access to such great amounts of data and visual content implies a degrada-tion of the quality of the information and an increasing difficulty for the users to focus. actually, we are in a constant flow of information. it is very exciting and stimulating, it is “a never ending conversation”. Data keeps coming in and flowing on the internet and in the public forum. if we want to keep track of it all we have to be part of this permanent flow. however, at times, we realize we need to put things at a distance to understand them, to understand the real content, and sometimes the hidden message behind it. it is important to take a break, to reflect on all the information on our newsfeed, all these pictures that constantly assail us.

part ii : “oFF” • hypothesis : interrupting all the flow ?

Can we then imagine a stop to all the flow ? Can we imagine turning the information world “off” by interrupting all the visual elements around us ? it is a delusion : we cannot stop the flow of information. on the internet as well as in the public realm. and there are two major reasons for this. Firstly, the flow is permanent, it never ends. Whatever we do to ignore it, it is still working and growing. secondly we need information to survive, to understand the world and to be well integrated in our society. this is why a total rupture would be irrelevant and absolutely impossible. What is the solution, then ? how could we cut off the flow without being totally lost ? is there a compromise to be found between those two extreme points of “on” and “off” ?

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part iii : “sLash”

• orientation : the “on/off” system as a way to interrupt permanence ?

if we cannot stop the flow, could we at least put it on hold in order to create punctual ruptures ? an intermittent system could be a compromise, a system which would have the ability to stop at intervals. it could allow us to choose to put information aside, to select the precise moment when we want to receive the information, if at all. if those systems have already appeared in our everyday life of course, data continues to assail us because we continue to receive it, to ask for it. it is our vision, or behaviors we have to change. using more flexible systems may generate more thought. it could be a way to put the flow on “play” and “stop”, and choose our own rhythm. the toggle switch is a basic system working at intervals : it can be on or oFF, awake or asleep. But we can also define it with a third particle : the “/”, a third functioning state, situated between the on and the oFF, which would add nuance. in fact, it is a state beetwen two states : awakening and sleeping, a kind of drowsiness, a stand-by state. What i choose to call the on/oFF system is a model which allows me to charac-terize a medium and an environment working at intervals to create a temporary rupture with the huge quantity of information received in everyday life, whether it is private or public. But inside the on/oFF system, there is a more favorable particle : the “/”, because it has the advantages of the two endpoints : the “/” is at the same time awake and asleep, permanently vigilant, so never in total rup-ture, having the ability to withdraw in the background.

• positioning : the stand-by state : Latency and constancy.

1) definition and functioning of the stand-by state (« l'état de veille ») the stand-by state, « veille » in French, is situated on the border between two different states : awake and asleep. it is a period of time between two others. two various examples allow us to understand its mechanism : the night bird of prey when it is hunting, and the computer's stand-by mode. the first one is a “night watcher” (« un veilleur nocturne »), physically motionless but constantly aware of its environment, ready to swoop down upon its prey, instantly active. For the bird,

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the frozen posture is indispensable to focus and to merge into the hunting territory, to watch without being watched : it is the mecha-nism of a silent vigilance. the second example, the computer's stand-by mode works somehow in the same way : a computer that is not used, eventually automatically puts itself on “stand-by” (« en mode veille »). the computer is still working, still on, but not totally because all its functions are not active. But it is not off either because, like the bird with its prey, the computer can awaken instantly, if someone merely touches the pad or the mouse. in both examples we have found a couple of recurring elements : continuity and apparent inactiviy.

2) typologies and issues of the stand-by state (« la veille ») an in-depth analysis of several kinds of stand-by state (« des typo-logies de veille »), will allow us to verify the mechanism we have found. technological watch (« la veille technologique ») and strategic surveillance (« la veille stratégique ») are two ways for professionals and more and more, all users to keep in touch with business, the world, the economy and any other important information they need. it is a vigilante and silent way to collect and organise data, sometimes by means of sotfware, or by yourself, visiting websites and receiving rss feeds for example. in the field of design and forecasting, as with strategic surveil- lance, free and accessible information is used to learn more about people's habits and familiar environment. With this social ana-lysis, designers and other forecasters aim at extracting, from the noisier and stronger signals, the lowest signals, which are deeply interesting because they correlate with the future and real needs of consumers and users. this last point is relevant as it allows us to identify close links between the designer's process of creation and the act of waking (« l'action de veille »).

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With these three different typologies, we have also raised three issues : survival, for the night bird of prey, saving resources, for the stand-by mode, and being connected with people's needs, for strate-gic surveillance and trendsetting. there are very different implications in those three cases. however they all have a common feature. according to those definitions, we can say that an entity on stand-by corresponds to a constantly present but also latent medium that has the ability to “hide”.

3) the “slash” mode : Latency and constancy this double state, latent and permanent, characterizes the “/” mode. We can consider then that an “object” or content in “/” mode follows the principle of a system working at intervals with the ability to withdraw from its environment but also to awaken instantly (according to the user, following specific uses or randomly). in The Laws of Simplicity 11, John Maeda questions the state of the link between users and objects with the complexity born from the constantly increasing functionality of those objects. he proposes two different ways to get around this problem, obviously linked with the constantly increasing flow of data. in John Maeda's first law titled “Reduce” he distinguishes the two key principles called “shrink” and “hide”. he explains that small devices appear simpler to us because on the surface it looks as if they cannot contain much complexity as there’s just not enough space. of course this is deceiving because microprocessor technology in today’s phones, laptops or tablets is very complex and powerful, even though the illusion of simplicity can be maintained by making devices smaller. hiding is another great method of making complex appear simple. For example, when using the swiss army Knife you will only really open one knife or tool at a time while the rest remains concealed inside. user interfaces on a computer screen are not constrained by physical space, which means you can hide a lot of stuff in software. secondary features and settings are usually tucked away in the

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menubar. John Maeda expresses here a real need from the user to go back to simpler visual environments, even if it is only an illu-sion of simplicity. therefore he proposed to shrink and hide part of the content, for better readibility and better interaction with objects. those features give more choice to activate content or not, according to the user's actual needs. this is where i agree with John Maeda and it is precisely the point i wish to develop and what i called the “/” mode. But hiding and shrinking are not the only ways to put features and content in the background. the fact of putting the flow between parentheses includes a suspension of time (in the same way as parentheses generate a suspension inside a sentence). the terms of putting on hold and suspense evoke a tension and a more or less reversible interruption from the real time and space of the spectator. in a suspense film where the spectator is waiting for an intense revelation, as in the pictorial representation of an interrupted scene, there is a purely abstract distorsion of the usual linear trajectory of time. suspense then implies a deconstruction of time and space. Finally, we can agree that in spatial devices like those created by the artist James turrell it is possible to include a new quality of time/space, generated by those fragments of time and other spaces that create an opposition to the constancy of the flow.

• issues : for an ecology of vision.

in our visually saturated environment, i aim at creating an eco-nomy of vision, a relieved atmosphere : i dare say it could be a new kind of ecology. its main issue would be to have a closer look and reflexion on the pictures and messages around us, and that is possible only if we take time to stop and ponder : less quantity, for a better quality of reading and perception. according to the first definition of the word “ecology” given by the dictionary

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Le nouveau Petit Robert de la langue française and the one given in 1983 by ernst gombrich in L'écologie des images, ecology is a way for mankind to generate balance between the natural environment and the intense way it is exploited. so, by analogy, working on an “ecology” of vision could aim at finding balance in our intense exploitation and production of images. the second issue is to have more choices as for the organization of our visual environment, to have the possibility to say “Stop !”, to interrupt or activate the flow whenever you want. not to receive it passively anymore but to make it more flexible. the purpose of my approach is to design “objects” having the capacity to raise questions and so to include in our living space the environment that we have chosen, and not one chosen by default : not anymore the one that we have to follow at all costs even if it means losing our temporal, social and personal traces.

--

concLUsion

a lot of professionals in the field of design and images express a deep need to slow down the flow of data and propose a critical vision of the world. they want to take a break to take the time to watch and pass judgement on our visual environment. indeed, the overwhelming presence of pictures prevents us from having the necessary distance. But it does not necessarily mean that this flow is useless. on the contrary, we need it. in fact, images and other graphic languages act like geographical and social landmarks in the public and private spheres. and this is why i have chosen to propose the “slash mode”, a form of stand-by mode for “objects” and visual environments that is situated between total passivity (oFF) and permanent activity (on). With this system, i would like to create pauses, “paren-theses”, in the usually linear time devoted to the perception and interpretation of images.

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We can find two categories of objects in design, architecture or advertising that are passive and latent, never on, never off, always “slash”. in the first case, the spectator will reveal a message, a hid-den content by means of his critical mind. the second kind works with the intervention of the spectator, who becomes by the way, an actor, by touching or putting color filters. But in all cases, formats and objects need at least the spectator's attention to be completed. My related production will follow this analysis. i have selected two main themes for potential applications : the first one which includes “stock management” and “threat & secret”, focuses on the idea of revelation, potential activation and dormant cells. the second one around “sketch” and “heterotopia” (a word used by Michel Foucault to describe places outside society and time, like prisons or retirement homes) is more about the notion of suspense and expectation, without necessarily a revelation.

Finally, the point of this project is to widen the range of visual experience and gain maturity and quality through an ecological approach. indeed the eye must be trained, we must learn how to question what we are given to look at : this critical distance may be illustrated by the viewer himself standing by, in the slash mode.

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sourcesSources

1 Liste

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]

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• énumérAtion dEs ouvrAgEs pAr ordrE d'AppArition :

2. Petite poucette. ouvrage de Michel serres. Éditions Le Pommier, 2012.

6. L’inquiétante étrangeté. essai de sigmund Freud, 1919. titre ori-ginal Das Unheilmliche traduit en français par Marie Bonaparte.

8. Regards croisés sur la veille. e-book, regroupement de témoi-gnages et d’interviews coordonné par anne-Laure raffestin, Camille alloing, Flavien Chantrel et terry zimmer, 2011. 5 Disponible en libre téléchargement : http://fr.slideshare.net/captainjob/ebook-regards-croiss-sur-la-veille

9. Le design : essais sur des théories et des pratiques. ouvrage théo-rique rédigé sous la direction de Brigitte Flamand. Éditions de l'Institut français de la mode, 2006.

11. De la simplicité. ouvrage pratique et théorique de John Maeda. Éditions Payot & Rivages, 2009 (1ère parution en 2006 au Mit).

13. Les Méditations poétiques. recueil de vingt-quatre poésies de alphonse  de Lamartine, 1820.

14. Mouvements de l'air : Étienne-Jules Marey, photographe des fluides. ouvrage de georges Didi-huberman et Laurent Mannoni, 2004.

16. L'écologie des images. ouvrage de ernst gombrich. Éditions Flammarion, 1983.

17. Psychanalyse des contes de fées. essai de Bruno Bettelheim. Éditions Pocket, 1976.

bibLiO-

grapHie

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bibLio-

grapHieó-

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1 L

iste des sources

161

• lEcturEs complémEntAirEs :

ó L’Homme qui marchait dans la couleur. ouvrage de georges Didi-huberman abordant l’œuvre de James turrell. Les éditions de Minuit, 2001 (publié dans la série « Fable du lieu »).

ó Ce que nous voyons, ce qui nous regarde. ouvrage de georges Didi-huberman. Les éditions de Minuit, 1992.

• énumérAtion dEs ArticlEs pAr ordrE d'AppArition :

4. interview de hamish Muir (designer graphique et enseignant à Londres) publiée dans le magazine étapes : n°198 et n°200, 2012.

5. interview de astride stavro (directrice artistique à Barcelone) publiée dans le magazine étapes : n°200, 2012.

18. « Crucifier en peinture ». article de andré gunthert publié dans Aparté : revue ouverte de théâtre, hiver 84-85.

20. « edward hopper ou les interstices de la vie ». article de pierre Fresnault-Deruelle publié dans le magazine étapes : n°211, Janvier & Février 2013.

preSSepresse&-

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162

• énumérAtion dEs liEns pAr ordrE d'AppArition :

1. « Comment l’internet transforme-t-il la façon dont vous pensez ? » The Edge Annual Question, 2010 (La grande question annuelle posée par la revue the edge). article de hubert guillaud publié sur Pearltrees.com le 9 Février 2010. 5 Lien : www.pearltrees.com

3. « nous sommes face à une génération de confort… ». article de georges nurdin (directeur de Paris School Of Business) publié sur Lenouveleconomiste.fr le 16 Mai 2012. 5 Lien : www.lenouveleconomiste.fr

7. « utilisateurs de gmail ? Mettez votre boîte mail sur pause ». article de goeffrey Dorne publié sur Graphism.fr le 7/09/2012. 5 Lien : graphism.fr/utilisateurs-de-gmail-mettez-votre-bote-mail-sur-pause

10. Bureau de conseil en innovation et création NellyRodi : nellyrodi.com

12. « analyse du nouveau Myspace et des codes du design web contemporains ». article de geoffrey Dorne publié sur Graphisme.fr le 25/09/2012. 5 Lien : graphism.fr/analyse-du-nouveau-myspace-des-codes-du-design-web-contemporains

15. « Marcher dans la couleur ». article sur l'exposition L’homme qui marchait dans la couleur au musée d'art contemporain de sérignan publié le 02/07/2012. 5 Lien : imago.blog.lemonde.fr/2012/07/02/marcher-dans-la-couleur1

19. « Michel Foucault. Des espaces autres. hétérotopies. ». texte intégral de Michel Foucault sur les hétérotopies : Dits et écrits 1984, Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984. 5 Lien : foucault.info/documents/heterotopia/foucault.heterotopia.fr.html

Webo-

graphie

Webo-graphie

5-

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• définitions, éthymologiEs :

& Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : www.cnrtl.fr & Wikipédia, encyclopédie libre : fr.wikipedia.org

référencesréférences$-• énumérAtion dEs œuvrEs Et projEts pAr ordrE d'AppArition :

{ Communication city. illustration du collectif Eboy, 2006.

{ Sign Out (2009) et Sachliches (2001 à 2008). séries de photographies par Josef schulz, artiste allemand. 5 site : www.josefschulz.de

{ Floating. série d’affiches non-publicitaires par Les Graphiquants, 2010. 5 site : www.les-graphiquants.fr

{ Time Switch Wall Clock. horloge à interrupteur par le designer harc Lee, 2009. 5 site : www.behance.net/harcLee

{ Judith décapitant Holopherne. Œuvre picturale de Le Caravage, 1598. rome, galerie nationale d'art ancien. huile sur toile, 145 × 95 cm.

{ Le Saut dans le vide. action artistique de Yves Klein, 1960.

1 L

iste des sources

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164

{ Vieillard et tourbillons d’eau. Dessin à la plume (fac-similé) de Léonard De Vinci, 1513. traduction du texte en bas du dessin : « Observe le mouvement de l’eau à sa surface, comme il ressemble à celui d’une chevelure dont un mouvement du poids du cheveu et l’autre l’orientation des boucles ; ainsi, l’eau forme des tourbillons dus, en partie, à l’impulsion du courant principal et en partie aux mouvements incidents du retour. »

{ Chronophotographies des mouvement de l'air réalisées de 1899 à 1901 par Étienne-Jules Marey.

{ Red Eye. installation lumineuse de Jamesturrell, 1992.

{ Mona Lisa Clock. horloge par le designer Constantin Boym, 2006. 5 site : www.boym.com

{ dB. objet intelligent par Mathieu Lehanneur, 2006. 5 site : www.mathieulehanneur.fr

{ RGB : Color est e pluribus unus. papiers peints et dispositif lumineux, par Carnovsky, 2011. 5 site : www.carnovsky.com

{ WaDoor. Écran-objet pour la maison et les espaces publics, 2008. WaElice. système interactif de modules lumineux, 2012. agence NoDesign. 5 site : www.nodesign.net

{ Night Windows. Œuvre picturale de edward hopper, 1928. new York, Museum of Modern art. huile sur toile, 73,7 × 86,4 cm.

1Liste des soUrces / références artistiques et graphiques

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1 L

iste des sources

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annexesannexes{

ó Regards croisés sur la veille / anne-Laure raffestin, Camille alloing, Flavien Chantrel

et terry zimmer, 2011.

{

' AnnExE #01 • Chap. 2 : Pas de veille sans humains : du spécialiste aux tous veilleurs ?

art. 2 : « L’humain au cœur de la veille », par Fabrice Frossard, p.29 et 30.

+ schéma illustrant la circularité, aussi appelée règle des 1/9/90 (p. 23).

{

' AnnExE #02 • Chap. 5 : Enjeux et perspectives d’avenir

art. 2 : « Demain tous veilleurs ‒ La veille comme art de vivre du futur », par Cyril rimbaud, p.85.

ó De la simplicité / John Maeda, 2006.

{

' AnnExE #03 • Première loi. « réduction : Masquer », p.29 à 32.

ó Les Méditations poétiques / alphonse de Lamartine, 1820.

{

' AnnExE #04 • XXe poème : « Le lac ».

X

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Liste

Des

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90 % de Passifs

9 % d’éditeurs ó

10 % d’émetteUrs

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schéma illustrant la règle des 1/9/90.

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exes

au début des années 90, alors

que j’étais journaliste dans une

revue informatique profes-

sionnelle, le web s’est imposé

progressivement dans nos

L’HumaiN

au cœur de

La veiLLe

L’humain

au cœur de

la veille

pratiques, supplantant peu à peu les relations que nous pouvions

avoir avec les canaux classiques de distribution de l’information.

nous passions des heures à surfer. on utilisait alors Altavista,

Yahoo !, Northern Light entre autres moteurs de recherche ;

les premiers agrégateurs de news, Newsdesk, Newshub…mais

surtout la sérendipité avait alors droit de cité. De liens en liens,

navigant au hasard, on tombait sur une pépite, le signal faible

l’était alors vraiment. nos (nombreuses) heures

de surf amenaient sur la rive des informations très peu circu-

lantes et nous donnaient un avantage concurrentiel face aux

journaux concurrents.

un avantage renforcé par une facilité nouvelle à contacter les

acteurs de l’it et il n’était pas rare que l’on fasse des interviews

par iCq ou que l’on trouve le numéro de téléphone d’une person-

nalité caché dans un recoin de site web ou sur un newsgroup.

au fil des ans et de l’extension du haut-débit, la diffusion de

l’information a accéléré à l’aune de l’industrialisation et de la

professionnalisation du web. peu circulante auparavant, une

nouvelle se répandait alors en moins de 12 heures autour de

la planète. a cette accélération se couplait un enrichissement

article

De Fabrice

FroSSarD

'

anneXe #01

ó Regards croisés sur la veille {

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' annexe #01 / L'humain au coeur de la veille, par Fabrice Frossard.

massif des données accessibles, sur tous les sujets. (Certains) journalistes et

veilleurs ont suivi le mouvement. Chacun a alors mis au point des dispo-

sitifs pour traquer le signal pertinent. qui avec une agrégation massive de

flux rss passé sous les filtres de Yahoo Pipes !, injecté dans Google reader

ou autre agrégateur ; qui en se reposant sur les alertes de Google, d’autres

en utilisant la panoplie d’outils payants mis à disposition par les éditeurs

pour sonder les bases de données spécialisées etc. avec « le temps réel »,

la veille et la collecte sont devenues une course à l’armement. Twitter,

Facebook, les multiples réseaux sociaux professionnels ou verticaux, les

médias sociaux ont mis à l’épreuve les méthodologies des veilleurs,

obligés de s’adapter à ce nouvel afflux de signaux et d’outils pour séparer

le bon grain de l’information discriminante de l’ivraie, de l’ivresse, du

bruit généré par les milliards de messages postés sur un web en

expansion exponentielle.

paradoxalement, et je me fonde sur un constat empirique, avec cette circu-

larité et cette richesse du signal, l’information pertinente et poussée sur de

nombreux sujets s’est appauvrie. Dans de nombreux cas liés à des enquêtes

que j’ai pu mener sur divers sujets, assez techniques il est vrai, j’arrivais

très vite à des impasses, une sorte de mur de la « non-information ». un

phénomène que j’explique par trois principales raisons :

– La conscience de nombreux professionnels de l’aspect stratégique

de l’information : divulguer une nouvelle technologie, une tendance

financière, un mouvement professionnel ou autre peut exposer la source

et son entreprise à divers revers, de la perte de part de marché ou d’un

avantage concurrentiel à la chute du cours de Bourse. Ce qui amène à la

seconde raison.

– un contrôle accru de la communication online par les diverses parties

prenantes. La communication online s’est professionnalisée et la majorité

des entreprises, des politiques et des institutions ont compris l’importance

de maîtriser le signal envoyé dans la caisse de résonance du web, dans un

sens comme dans un autre : information et désinformation en fonction de

l’effet final recherché.

– La relative étroitesse des champs informationnels sur un secteur donné.

tout veilleur ou journaliste peut le constater. un domaine d’investigation,

170

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exes

quel qu’il soit, possède toujours une limite et se circonscrit finalement

assez vite en termes d’émetteurs et d’acteurs. preuve en est, la plupart des

plateformes de veille vont rarement au-delà des 1500 sources surveillées

activement pour un secteur donné.

– Dernier point pour expliquer cet appauvrissement : la circularité induit

aussi une réplication/modification de l’information. Malgré la multi-

plication des contributeurs sur quelque domaine que ce soit, on retombe

toujours sur cette même loi des 1% de créateur de contenus, 10% de « répli-

cateurs » et 90% de spectateurs. une statistique assez facile à confirmer.

Ces impressions empiriques demanderaient bien entendu à être confirmées

scientifiquement à l’aide d’une métrologie sérieuse. Mais, si le web reste

l’outil indispensable et incontournable pour réaliser une veille sérieuse,

celle-ci doit impérativement être couplée avec un enrichissement et une

prolongation « irL » comme il est dit maintenant, dans la vie réelle.

on ne le rappellera jamais assez : dans le cadre de l’investigation, de

la collecte ou de la veille, l’humain est la source la plus riche. C’est de

l’ordre du truisme, mais, par exemple, mes étudiants à l’École de guerre

economique sont toujours très étonnés quand je leur dis que le meilleur

moyen d’enrichir une information est l’interview, officielle ou non. plutôt

que de l’étonnement, il faudrait sans doute plutôt évoquer la timidité…

pourquoi la source humaine ? au-delà des limites du web, une étude

d’IBM révélait que 60% des informations stratégiques restaient au stade

de l’informel. Difficile dans ce cas de la trouver dans une base de données

ou sur un site. Deuxième raison, les bons veilleurs accèdent à la même

information, disponible pour tous…Votre objectif est bien de trouver

l’information discriminante, celle qui fera sens et vous donnera l’avantage.

selon les secteurs, il y a fort à parier que cet avantage vous sera donné

par les 10% d’informations qui ne sont pas présentes sur le web, mais

par les personnes qui ont accès à tout ou partie de l’information qui vous

permettra de reconstituer le puzzle et visualiser l’image dans son entièreté.

• Chap. 2 : Pas de veille sans humains : du spécialiste aux tous veilleurs ? / art. 2 : « L’humain au cœur de la veille », par Fabrice Frossard, p.29 et 30.

171

Page 170: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

'

anneXe #02

ó Regards croisés sur la veille {

demain

tous veilleurs –

La veille comme

art de vivre du

futur

demain

tous veilleurs –

La veille comme

art de vivre du

futur

ce qui est aujourd’hui un comportement d’ultra-connectés sera

demain la norme si l’on souhaite avoir une vie sociale normale.

Voici un article qui a été publié dans l’excellent e-book : Regards

croisés sur la veille (sur le blog du modérateur), qui fait intervenir plein

de spécialistes pros du digital (et moi-même). un article prospectif qui

m’a donné l’occasion de poser toutes les idées concernant l’évolution de la

veille digitale. Vous excuserez la longueur, cet article est fait pour être

lu sur papier ou tablette.

c

172

Page 171: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' A

nn

exes

« Touff de la tribu des Görzg grimpa sur une colline. Trois jours que sa tribu

et lui n’avaient rien mangé. Tous les matins, les chasseurs partaient explorer

la région avec de grands cris mais revenaient bredouilles chaque soir sous les

lamentations des femmes et les pleurs des enfants. Mais Touff avait décidé de

changer de stratégie. Assis en haut de son promontoire, il observait l’horizon.

Soudain il vit les cercles aériens décrits par les vautours fauves. En courant, il

se dirigea vers l’origine de cette agitation aérienne : un cadavre de jeune gazelle

encore frais. Il effraya les vautours à grands cris et mouvements de lance, puis

récupéra l’animal mort. Ce soir la tribu ne mourra pas de faim. » – histoire

naturelle des peuples zhürg, tome 4.

L’humain possède une curiosité extraordinaire ainsi qu’une faculté d’adap-

tation formidable. plus que les autres animaux, ce sont ces deux qualités

(et ses pouces opposables) qui lui ont permis de survivre et de se développer

sur la planète. La curiosité lui a permis de se mettre debout pour voir plus

loin. en voyant plus loin, il a pu repérer les prédateurs et ses proies. Cette

leçon s’est gravée dans ses gènes : inForMation = surVie.

et cette leçon primordiale a accompagné l’être humain pendant des

millénaires. Les grandes civilisations faisant circuler l’information et le

savoir, pendant que les dictatures et autocraties essaient de les contenir.

L’information est devenue encore plus porteuse de notions de richesse.

information = pouvoir. information = liberté.

et puis, la civilisation s’est confrontée à des territoires d’un genre nouveau :

les territoires digitaux. L’être humain a dû muter pour s’adapter à internet.

il est encore en pleine transformation. et ce n’est pas terminé.

• l’homme veille sAns le sAvoir, une question d’AdAptAtion

L’homme s’est transformé en même temps qu’internet envahissait sa vie.

il s’est en effet retrouvé petit à petit noyé dans de l’information brute ou

transformée. Car sur internet, tout y est information ou données, que ce

soient les textes, les images, les vidéos, ou les agrégats protéiformes que ces

différents éléments peuvent composer.

173

Page 172: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' annexe #02 / demain tous veilleurs – La veille comme art de vivre du futur, par Cyril rimbaud.

L’homme a donc petit à petit créé des stratégies opérationnelles pour « sur-

vivre » dans l’environnement informationnel digital. ses stratégies pouvant

aller de la sélection fine de sa page de démarrage de navigateur jusqu’à

l’ajout d’un filtre anti-spam pour ses e-mails en passant par

µune gestion plus ou moins fine de ses bookmarks. une adaptation pro-

gressive qui s’est accompagnée par la construction de stratégies mentales

souvent inconscientes.

Cette nécessité de veiller (c’est-à-dire l’action de recherche active ou

passive d’informations sur internet) fait ainsi partie de ces nouveaux com-

portements produits par l’immersion dans les territoires digitaux.

et aujourd’hui tout le monde veille sur internet. que vous utilisiez

LinkedIn, Facebook ou Foursquare, que vous regardiez les statuts ou la

localisation de vos amis, vous faites de la veille. « googler » est devenu un

acte naturel et l’on n’y associe même plus la notion d’égocentrisme que ce

comportement sous-tend car c’est de la veille, et donc une adaptation nor-

male à l’environnement digital. La veille s’est donc immiscée dans notre

quotidien mais jusqu’où ?

• l’entreprise initiAtriCe de Ce Comportement

Les entreprises ont été les premières à comprendre (au début des années

2000 pour les plus prévoyantes) qu’il était indispensable de faire de la

veille permanente sur internet. Ce terme « veille » (e-veille, veille digitale,

data-monitoring, etc.) a en effet commencé à être utilisé au début des

années 2000 pour surveiller les sociétés et les marques implantées sur

internet. au début, elles ne faisaient que de la veille sectorielle, technolo-

gique et éventuellement concurrentielle (intelligence économique), mais

petit à petit, elles ont associé cette veille à leur gestion de crise, et depuis

peu à leur communication et marketing.

Dix ans après, la veille est devenue une obligation pour les entreprises

et les marques qui veulent se développer, quelle que soit leur taille, du

boulanger à la multinationale. Ces entreprises comprennent d’ailleurs

174

Page 173: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' A

nn

exes

aujourd’hui que la veille n’est plus forcément un poste à externaliser mais

qu’il peut être plus qu’économique de l’internaliser et de créer un nouveau

poste dédié au sein de l’entreprise. La veille étant reconnue comme l’un

des axes de développement de l’entreprise (amélioration des produits et

services, saV, e-reputation, ressort d’innovation). pour les entreprises et les

individus la veille est donc aujourd’hui un comportement acquis qui ne va

pas s’arrêter de sitôt.

• un futur de données pArtout, tout le temps et une AdAptAtion physiquE inéluctAblE

que ce soit pour les entreprises ou les individus, cette e-veille permanente

n’est donc que notre adaptation à cette nouvelle ère : l’ère de l’informa-

tion. Car même si l’on n’en parle pas à la tV, nous sommes définitivement

entrés dans ce que certains appellent « la 3ème révolution industrielle » (ou

encore « révolution informationnelle ») qui décrit le passage actuel d’une

société à dominante commerciale et industrielle à une société de vente,

d’échange et de partage d’informations. L’information devient donc la

valeur dominante sur internet. Mais en dehors de notre adaptation com-

portementale, nous allons également nous adapter physiquement à cette

ère de l’information.

ainsi, nous utilisons dès aujourd’hui couramment des extensions cyber-

nétiques pour accéder ou échanger des informations. non, n’imaginez pas

forcément des implants cybernétiques branchés à votre cortex cérébral

mais plutôt un smartphone, ou encore un gps de voiture (lisez donc « nous

sommes tous des cyborgs »). Voilà des outils, des extensions physiques exis-

tantes qui nous permettent de transformer des informations virtuelles en

données physiques. De véritables senseurs de données indispensables pour

traiter le flot de données qui va bientôt nous envahir.

175

Page 174: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

176

• veiller quoi ? lA nouvelle typologie des dAtAs

Dans quelques années, il y aura des informations partout et tout le temps.

une prévision facile à anticiper, quand les initiatives « open data » et « link

data » auront montré leur utilité (grâce à des gens comme tim Berners

Lee), quand internet sera devenu sémantique (via XML, la norme rDF

(Ressources Description Framework) qui qualifie les métadonnées ou le

langage oWL (Web Ontology Language). Ces données seront omnipré-

sentes (pour les aspects dangereux, lisez « Data marketing contre l’hu-

manité »). Mais on peut dès à présent les organiser en fonction de leur

proximité avec soi-même :

– Les données concernant notre intimité : qui rentre dans notre sphère

privée ? qui parle de nous ? qui nous recherche ? quelles sont nos infor-

mations visibles sur les territoires digitaux ? notre image renvoyée sur

internet est-elle satisfaisante ? Certains services nous permettront de

récupérer tous les avis sur soi.

– Les données concernant notre cercle de relations intimes ou passion-

nelles : famille et amis proches. Mais aussi les gens que l’on peut détester

– oui vous irez bientôt le plus naturellement du monde stalker vos haters

(si vous ne le faites pas déjà). Ces données pouvant aller de la localisation

géographique, à leurs statuts, leurs anniversaires, les évènements auxquels

ils participent, ou encore leurs situations personnelles et professionnelles.

– Les données concernant nos centres d’intérêts, nos passions (sport, jeux,

musique, média, etc.) ou croyances (politiques, sociales, religieuses, etc.).

qui a gagné le championnat de France de football ? qu’a dit quel politicien

aujourd’hui ? quelles sont les dates de concert de mon chanteur préféré ?

– notre environnement physique proche : la météo, les horaires d’un

spectacle, les lieux géographiques intéressants, des aides à la consommation

immédiate qui nous sont proposées (Br, offres spéciales), etc.

Mais aussi les lieux fréquentés par soi ou sa famille (lycée, collège, ville,

région,… ) ou encore les gens que l’on connaît (amis de classe, diri-

geants,…), les informations sur les cercles que l’on croise ou auxquels on

appartient (associations, clubs, syndicats,… ).

– et enfin l’environnement plus lointain : se passe-t-il quelque chose d’im-

portant dans le monde ? Dans tel domaine de la science ?

' annexe #02 / demain tous veilleurs – La veille comme art de vivre du futur, par Cyril rimbaud.

Page 175: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' A

nn

exes

• Chap. 5 : Enjeux et perspectives d’avenir / art. 2 : « Demain tous veilleurs ‒ La veille comme art de vivre du futur », par Cyril rimbaud, p.85.

177

• ConClusion : 2012, prélude à l’homo-digitAlus

pour gérer toute cette information, réactualisée en permanence, il va être

nécessaire d’inventer de nouvelles interfaces, des extensions cybernétiques

indispensables pour manipuler, traiter, échanger ces données en temps réel.

La veille va devenir vitale pour l’être humain, car sans ces données, point

de salut. Vous ne pourrez pas vous intégrer dans une société ultra-connec-

tée. L’homo-digitalus, the wired man sera connecté ou désocialisé. il ne

s’agira plus de se demander pourquoi veiller, mais comment veiller le plus

efficacement possible, comment s’y retrouver dans ce déferlement d’infor-

mations en tout genre, comment avoir l’information la plus juste,

la plus fraîche.

autour de ces nouveaux enjeux, la société va changer. elle a déjà entamé

sa transformation. Le fameux FoMo (Fear of Missing Out), aujourd’hui

réservé aux ultra-connectés ou ultra-sociaux, va devenir une crainte

« grand public ». Certains ultra-connectés (jeunes ou pas) ne peuvent

déjà plus quitter leur téléphone mobile sans se retrouver perdus, sans vie

sociale (lire à ce propos l’étude Express InfoLab : Without information are

we nothing ?). quant aux entreprises, ce sont celles qui recherchent, gèrent

et font transiter les informations qui sont déjà les plus puissantes de la

planète (Google, Microsoft, Apple et Facebook).

Donc l’être humain va changer et muter, qu’il le veuille ou non. il devien-

dra détecteur, filtre ou créateur d’information permanente.

autant s’y mettre tout de suite non ?

Page 176: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

178

Page 177: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' A

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exes

Lorsqu’on enlève tout ce qui pouvait l’être

et qu’un produit a été rendu fin, léger et

mince, il est temps de passer à d’autre

méthode : Masquer la complexité par des

moyens plus brutaux. exemple classique :

le couteaux suisse. seul l’outil que vous voulez

utiliser est exposé ; les autres lames et tire-

bouchons demeurent cachés.

Vu la foule de touches dont elles sont dotées, les télécommandes des équi-

pements audio ou vidéo sont notoirement une source d’embarras. Dans les

années 1990, une solution répandue consistait à cacher les fonctions les moins

utilisées, comme le réglage de l’heure et la date, derrière un petit volet

tout en maintenant exposées les fonctions principales comme “play”, “stop”

et “eject”. Cette approche n’est plus guère populaire. sans doute est-ce dû

aux coûts de production supplémentaires qu’elle entraîne, ainsi qu’à la

croyance persistante selon laquelle ce sont les caractéristiques visibles (c’est-à-

dire les touches) qui attirent les acheteurs.

Le style et la mode étant devenus des forces qui pèsent lourd sur le marché

des téléphones cellulaires, les fabricants de combinés ont été poussés à décou-

vrir le bon équilibre entre l’élégance liée à la simplicité et la surabondance

complexe des fonctions. aujourd’hui, le clapet représente l’exemple le plus

avancé en design pour masquer les fonctionnalités tant qu’on n’en a pas

vraiment besoin. toutes les touches sont prises en sandwich entre l’écouteur

et le micro, de sorte que lorsque le combiné est fermé il a l’air d’un simple

morceau de savon. Beaucoup de designers sont allées plus loin que le clapet

par

john maeDa

'

anneXe #03

ó De la simplicité {

masquermasquer

179

Page 178: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' annexe #03 / masqUer, par John Maeda.

180 • Première loi. « Réduction : Masquer », p.29 à 32.

et recourent à des mécanismes de coulissage et d’ouverture. Ces évolutions

sont commandées par un marché qui exige de l’innovation et est prêt à

payer cher des solutions intelligentes pour masquer la complexité.

Mais il n’est pas de meilleur exemple de cette méthode que les interfaces

d’ordinateur. La barre de menu située en haut cache les fonctionnalités de

l’application. Les trois autres côtés de l’écran contiennent d’autres menus

sur lesquels il faut cliquer pour les révéler et des palettes qui semblent se

multiplier à mesure que les ordinateurs gagnent en puissance. L’ordinateur

a une capacité infinie de Masquer afin de créer l’illusion de simpli-

cité. Maintenant que les écrans d’ordinateurs sont accolés aux téléphones

portables, aux fours à micro-ondes et à tous les appareils électroniques

courants, la puissance servant à Masquer une quantité incroyable de

complexité est partout.

Cacher la complexité par le biais d’ingénieux volets mécaniques ou de

petits écrans est une forme non déguisée de tromperie. si la supercherie

n’est pas malintentionnée et semble magique, alors les complexités cachées

sont plutôt un bénéfice qu’une nuisance. Le “clic” que l’on entend à

l’ouverture d’un téléphone cellulaire Motorola ou l’animation cinématique

que l’on voit sur le visuel affiché à l’écran du Mac OS X d’Apple produisent

un sentiment de satisfaction : on a l’impression de posséder le pouvoir de

produire de la complexité à partir de la simplicité. La complexité devient

alors un interrupteur que la propriétaire peut choisir d’actionner à sa guise

et non pas en fonction du désir de son appareil.

atténuer la taille d’un objet réduit nos attentes ; masquer ses complexités

permet au propriétaire de gérer lui-même ses attentes. La technologie crée

le problème de la complexité, mais elle autorise aussi de nouveaux maté-

riels et de nouvelles méthodes façonnant notre relation avec ces complexi-

tés qui continueront de se multiplier. susciter de la “compassion” et choisir

le moyen de la “ contrôler” peuvent sembler des façons draconiennes

d’aborder la simplicité. on peut toutefois les considérer sous un jour positif

à cause du sentiment de plaisir qu’elles engendrent.

Page 179: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

' A

nn

exes

181

Page 180: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges

Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,

et près des flots chéris qu'elle devait revoir,

regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre

où tu la vis s'asseoir !

tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,

ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,

ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes

sur ses pieds adorés.

un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;

on n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,

que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

tes flots harmonieux.

tout à coup des accents inconnus à la terre

Du rivage charmé frappèrent les échos ;

Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère

Laissa tomber ces mots :

par

alphonSe De

lamartine

'

anneXe #04

ó Les Méditations poétiques {

le lacle lac

182

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' A

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exes

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !

Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,

gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

au moins le souvenir !

qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,

Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,

et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages

qui pendent sur tes eaux.

qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,

Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,

Dans l'astre au front d'argent

[ qui blanchit ta surface

De ses molles clartés.

que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,

que les parfums légers de ton air embaumé,

que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,

tout dise : ils ont aimé !

« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours !

Assez de malheureux ici-bas vous implorent,

Coulez, coulez pour eux ;

Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;

Oubliez les heureux.

Mais je demande en vain quelques moments encore,

Le temps m'échappe et fuit ;

Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore

Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,

Hâtons-nous, jouissons !

L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;

Il coule, et nous passons ! »

temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,

où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,

s'envolent loin de nous de la même vitesse

que les jours de malheur ?

eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?

quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !

Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,

ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,

que faites-vous des jours que vous engloutissez ?

parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes

que vous nous ravissez ?

• XXe poème : « Le lac », 1820. 183

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Page 183: Le "slash" dans l'image: Latence & Permanence

R

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aux professeurs du lycée des arènes qui ont contribué à la conception de ce mémoire, en particulier : Christine Dubech, Didier Marty, stéphane Mounica et Denis Bernard, ainsi qu'à isabelle Jouanin pour l'élaboration de la version anglaise. à mes collègues et amis de la classe de Dsaa : Camille Boileau, Diane Beaulieu, Jean-Maxime Magri, Clément Marty, Lise armand, sofi azaïs, inès Longevial, Marie-soleil Lépine, Manola Le et simon Fouquet, pour leur attention, leurs conseils et leur soutien.

à pierre gauthier pour sa relecture, son aide dans le développe-ment de certains projets ainsi que pour sa patience quotidienne.

enfin, je dédie ce mémoire à ma mère, pour m'avoir conduite vers ce brillant chemin. Je la remercie pour sa bienveillance et pour la confiance aveugle qu'elle me porte depuis toujours.

8 remerciements / j'adresse d'infinis remerciements…

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marina costanzo

/ Diplôme de Dsaa Créateur-Concepteur,

opt. Design graphique

{ session 2013 }

Mémoire rédigé

et conçu en 2013 par :

--

Lycée des arènes de toulouse.

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