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LE SEUL CHOIX : FUIR, PAROLES D’EXCISÉES

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LE SEUL CHOIX : FUIR, PAROLES D’EXCISÉES

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SOS AFRICAINES EN DANGER !L’association SOS Africaines en Danger est née d’un groupe de parole proposé à de nombreuses patientes excisées et demanderesses d’asile. Elle a pour but de contribuer à l’application effective des droits humains consacrés par la Déclaration Universelle et entreprend l’abandon de l’excision et des mariages forcés en Afrique.Les africaines en danger sont les petites filles de cette première génération d’Africaines qui ont fui en France les crimes subis et qui craignent, en attendant le statut de réfugiées et l’obtention du regroupement familial, de voir au village leur fille excisée et mariée enfant.

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SOMMAIREIntroduction .............................. 04L’excision .................................. 06Le mariage forcé ....................... 12Les procédures de demande d’asile ................... 16

La réparation ............................ 21Le Collectif est né : EXCISION, PARLONS-EN ! ....... 24Les soutiens financiers ............. 26

LE SEUL CHOIX : FUIR, PAROLES D’EXCISÉES

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INTRODUCTION Il est des coutumes qu’il est plus honorable d’enfreindre que de suivre.Hamlet (1601) William Shakespeare

Les mutilations sexuelles féminines sont une catastrophe dont je n’ai

pu saisir l’ampleur que grâce au groupe de parole consacré à ce fléau dans le cadre du centre de soins que je dirige. Je ne soupçonnais pas l’ampleur des dégâts occasionnés par cette coutume barbare.

Le premier des drames est bien le silence.

J’avais décidé de tenter une expérience de «thérapie de groupe» avec ces femmes qui avaient répondu à la proposition de se retrouver pour mettre des mots sur leur souffrance.

En effet par ma pratique j’ai acquis la certitude qu’il est préférable pour les victimes de ne pas parler des traumatismes graves en groupe. Mais j’ai tenté l’expérience avec cette coutume inimaginable qui se déroule «en groupe», rite initiatique de l’horreur.

Alors que je pensais que les femmes venues assister seraient intéressées par les technique de reconstruction, à ma grande surprise, le premier

bénéfice de ces réunions fut de permettre aux femmes qui étaient présentes, (puis ensuite aux hommes qui se sont joints à elles), d’échanger sur le pourquoi, le comment des mutilations génitales.

Il est tout de suite apparu qu’elles n’en parlaient pour ainsi dire jamais avec qui que ce soit, et pensaient souvent que cela avait été, sans doute, moins grave pour les autres. Je fus très surpris de voir la grande majorité du groupe «effrayée» à l’audition d’une participante expliquant qu’elle s’était faite exciser deux fois, la première fois n’ayant pas été «satisfaisante».

Un point, par contre faisait l’unanimité, le rejet de l’idée même des rapports sexuels. Son corollaire suivant rapidement : le dégoût des hommes, avec, accolé, la conviction que quand il fallait y passer, autant que cela aille le plus vite possible.

Faire confiance aux hommes, comment imaginer cela après un mariage forcé, un viol conjugal, et de toute façon, comment faire confiance à qui que ce soit d’ailleurs, quand votre propre mère, votre grand-mère, une tante vous a dit que vous alliez chez le coiffeur, ou à une fête, pour vous attirer dans le guet-apens de l’excision, piège de l’atroce douleur?

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L’idée que cela pouvait se «réparer» était, chez les très rares femmes qui connaissaient la possibilité, que l’on allait enlever un morceau ici ou là pour remplacer le clitoris ou, et, les lèvres arrachées. L’explication du mode opératoire devait entraîner des surprises chez ces femmes martyrisées. Mais un nombre important d’entre elles eurent la volonté et le courage de se faire «réparer».

Quel changement dans l’atmosphère des séances, nous avons pu vivre, quand certaines de ces femmes, peu après l’opération, expliquaient le changement qu’elles ressentaient, (pour celles qui ont bien voulu en parler, pour d’autres le silence était encore et toujours la règle, il n’est pas simple d’enfreindre une coutume!). Les loyautés invisibles restent chez certaines très opérantes.

Mais quelle émotion quand ces femmes, courageuses, volontaires et déterminées m’ont demandé lors d’une réunion du groupe de parole, ce qui serait faisable pour faire entendre leur voix, leur combat à l’extérieur. Que leur révolte soit portée en France et aussi dans leur pays. L’idée qui me vint fut une association.

C’est comme cela, au détour d’un groupe de parole que naquit SOS Africaines en danger. Une fois cette structure en place, je la dissociais du groupe de parole.

Ce combat pour que cessent ces mutilations sexuelles est indispensable, il doit continuer, et arriver à la disparition de cette horreur.

Il peut sembler surhumain ce combat… Mais combien d’autres idées semblaient utopiques, impossibles à atteindre, avant que de devenir une évidence. La peine de mort a été abolie, aidons-les à abolir cette variante de la mort que représente l’excision.

C’est un beau rêve qui doit devenir réalité… et vite!

Docteur Pierre DUTERTEMédecin Directeur du centre de soins Parcours d’Exil. Soutien aux victimes de torture.

À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide mais le couvert est mis. René Char

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L’EXCISION

L’excision c’est l’ablation partielle ou totale des organes sexuels externes de la femme.Chaque année, 3 millions de filles de moins de 15 ans risquent l’excision.

Elles vivent en France, en Afrique et partout dans le monde.

On considère qu’il y a au moins 125 millions de femmes excisées, principalement dans 25 pays africains.

Selon le droit international, l’excision est qualifiée de traitement inhumain et dégradant et équivaut à de la torture. Chacun a le droit de conserver son intégrité physique et psychique.

En France l’excision est un crime passible de la Cour d’assises pour les exciseuses et parents de fillettes excisées.

En Afrique, le Protocole de Maputo (2003) demande aux Etats de prendre des mesures législatives assorties de sanctions pour interdire toutes formes de mutilations sexuelles féminines.

C’est ainsi que cette pratique barbare est interdite par la loi au Sénégal, Burkina-Faso, Togo et Côte d’Ivoire.

Mais elle perdure en toute impunité.

Les jeunes femmes, réfugiées en France, témoignant dans ce recueil de l’enfer qu’elles ont vécu, sont la première génération depuis des millénaires à dire stop et à refuser que leurs petites filles subissent les tortures qu’elles ont endurées au nom de traditions qui doivent être abandonnées.

Maître Danielle MERIANPrésidente de SOS AFRICAINES EN DANGER

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Madissou COULIBALY, Côte d’Ivoire

j’ai 4 frères et soeurs : Makaba l’aînée a deux filles. Makaba est excisée, ses 2 filles également. Chata, la deuxième a 2 filles, excisées comme leur mère. Je suis venue en France pour protéger mes filles de l’excision. C’est à 8 ans que l’on m’a excisée. Nous sommes 35, on ne nous dit rien. On nous emmène sous un arbre pour nous exciser. On nous fait dormir ensuite 2 nuits dans un hangar dans la forêt. De nombreuses filles saignaient beaucoup. 3 jeunes filles saignaient plus que les autres. Elles sont emmenées dehors. Les femmes sont revenues sans elles. Elles nous disent qu’elles sont décédées. 30 jours plus tard nous rentrons dans notre famille. S’ensuit une grande fête au village. Je n’ai pas le coeur à la fête. J’ai eu de nombreuses douleurs et infections par la suite. Ma mère me conseille de mettre du beurre de karaté. Aucun résultat. Les relations sexuelles ne sont pas du tout agréables. Lors des deux accouchements j’ai cru que j’allais mourir. Après mon mariage on me soigne avec des décoctions. Cela ne fait qu’empirer. Lorsque j’urine, les douleurs sont également présentes. De manière générale, cela me gratte beaucoup. Ma famille est très stricte sur l’excision. La police n’écoute pas les personnes qui viennent porter plainte.

Zénab S. , Guinée Conakry

Ma grande soeur est morte de l’excision.J’avais sept ans quand j’ai été excisée. Ça se passe la nuit. Ils regroupent les filles de 4, 5, 6 ans. Ils disent que ça ne fait pas mal. Ils disent que c’est une initiation. De bonne heure ils nous ont emmenées dans la brousse. On était 7 ou 8. Les femmes chantaient et dansaient. J’ai failli mourir parce que je saignais beaucoup. Mon oncle médecin est venu me chercher au village. Mon oncle m’a sauvée. Ma cousine n’a pas fait une hémorragie, mais ils l’ont cousue pour qu’elle ne fasse pas l’amour avant le mariage. Le jour du mariage ils ont ouvert. Elle s’est mariée à 14 ans avec un homme qui avait déjà 2 femmes et elle est morte le jour de l’accouchement. Ma soeur est morte, ma cousine aussi. J’ai décidé de ne pas excisée ma fille. Ma première fille a été excisée, c’était en mon absence. Notre seconde fille est réfugiée ici. J’ai eu des règles très douloureuses avec beaucoup de contractions. Je n’ai pas de plaisir sexuel. J’ai connu deux filles qui ont eu le tétanos : une est décédée, l’autre a eu des séquelles avec des problèmes psychiatriques. En Guinée la loi ne punit pas.

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Salimatou B, Guinée Conakry

J’ai vécu l’excision à l’âge de huit ans. J’étais avec les personnes de ma famille. Ma famille te prenait et te forçait pour l’excision. Aujourd’hui, j’ai toujours des problèmes de santé à cause de ça. C’est mon père qui décidait qu’on se fasse exciser. C’est grave de faire l’excision.

Koumba SOW, Guinée Conakry

Ma mère est morte à ma naissance. Mon père quand j’avais 7 ans est décédé. On est allé chez mon oncle. Il avait 3 femmes et 21 enfants. À 12 ans je leur ai dit que je n’étais pas excisée. Mon oncle a dit «on est en train de manger avec une chienne». L’excision, je ne savais pas que ça faisait autant mal. Vers 5 heures du matin ils m’ont dit qu’on allait chez le tailleur, on est allé chez l’exciseuse. L’exciseuse m’a dit de la suivre dans les toilettes. J’ai dit que je ne voulais pas qu’on m’excise. J’ai été excisée. J’ai beaucoup saigné et j’ai eu des infections par la suite. Je ne pouvais pas m’asseoir, j’étais tout le temps couchée.

Karidiatou KARAMOKO, Côte d’Ivoire

Ma mère m’a raconté avoir été excisée à 16 ou 17 ans juste avant d’être mariée à mon père. Ses soeurs ont également été excisées. Sept de mes nièces ont été excisées le même jour à l’initiative de ma belle-mère. J’ai subi l’excision à l’âge de 13 ans dans la brousse : une petite cabane… une dizaine de jeunes filles… dix minutes environ. Trois femmes m’attendaient à l’intérieur, celle qui pratiquait l’excision avait le visage voilé. Les deux autres femmes m’ont attrapée, j’ai tenté de fuir et de lutter. L’une s’est assise sur mon torse, l’autre bloquait la partie haute de mon corps. Je ne pouvais plus bouger et ça s’est passé. Je sais qu’en Côte d’Ivoire l’excision est interdite par la loi. On ne dénonce pas ses parents à la police.

Mayara FATIGA, Côte d’Ivoire

Un mardi matin de bonheur, et alors que j’avais 10 ans, j’ai été excisée avec 9 autres filles de la famille. Il y a eu des complications et j’ai été emmenée à l’hôpital. Ma mère m’a demandé pardon. J’ai eu deux époux. Mes deux premières filles ont 14 et 15 ans. La famille de leur père voulait les exciser mais tout le temps où j’étais en Côte d’Ivoire j’ai pu les protéger. Avec mon second conjoint

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j’ai eu un fils qui a 12 ans et une fille qui a 6 ans. La famille de Monsieur était obstinée à exciser ma fille. Mon conjoint ne protégeait pas sa famille. Je me suis séparée de lui et suis partie avec mes enfants afin de protéger une fois pour toute ma fille. Ils ne l’exciseraient pas. Ils ne l’exciseraient pas! J’avais confié mes deux grandes filles à mon frère. Il est lui aussi contre l’excision et ses filles ne sont pas excisées. Mes filles ont été excisées par la famille de leur père qui a profité d’une absence de

mon frère. Dans l’endroit d’où je viens, aucune femme ne s’oppose à l’excision de leur fille. Je suis la première de la famille et peut-être même du village. Aujourd’hui c’est moi qui choisis ma vie. C’est pourquoi j’ai été opérée il y a bientôt deux ans. Ici je suis amie avec des dames qui ne sont pas excisées et elles m’acceptent. Ici j’ai ma place. Personne ne me maudit. En Côte d’Ivoire «normalement» l’excision est interdite. Les gens quittent la capitale pour aller dans les villages exciser leurs filles la nuit.

Marième NIANG, Mauritanie

Je suis mauritanienne et j’ai environ 60 ans. Mes filles ne sont pas excisées. En Mauritanie, les femmes sont excisées dans trois quart des cas au moins. J’ai vécu l’excision quand j’étais petite je ne sais pas quand. Je me rappelle juste de ma grand-mère, on est parti avec elle chez une autre grand-mère. On m’a fait entrer dans les toilettes du village. Je me suis évanouie. Je ne me rappelle plus. J’avais environ 5-6 ans. En 1984 j’ai quitté la Mauritanie. J’y retournais régulièrement. En 2010, les oulémas se sont mobilisés pour dire que l’excision ne respecte pas l’islam. Certaines ONG disent que les imams ne veulent pas de l’excision. Le gouvernement est obligé de respecter ce qu’il a signé à l’ONU. Les gens continuent à exciser. Si une femme n’est pas excisée, elle

n’est pas propre. Il y a beaucoup de femmes qui excisent, c’est leur travail. Je n’ai jamais vu une femme exciser sa fille. Il faut leur donner un travail de remplacement pour qu’elles puissent vivre si elles n’excisent plus. Pendant 13 ans j’ai caché que mes filles n’étaient pas excisées. Mes parents ne savaient pas que mes filles n’étaient pas excisées. En France, ils attendent que l’enfant grandisse et sorte de la PMI (Protection Maternelle Infantile). Ils peuvent faire exciser leurs filles en les emmenant en vacances au pays. Si les occidentaux leur parlent, il ne le reconnaisse pas comme légitime. Il faudrait organiser des colloques avec les PMI, parler avec les hommes… Il y a des femmes qui ont peur de faire de la prison. Elles font peur à leur fille pour ne pas qu’elle porte plainte. Certains refusent que leur fille fasse l’excision mais il faut tout le temps mentir. Je n’ai pas fait la réparation. J’ai voulu attendre. Le combat c’est les filles de ma fille, il continue.

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Fatoumata Binta DIOP, Guinée Conakry

J’ai grandi en Basse Guinée. J’ai 12 frères et soeurs, mon père est polygame. J’ai des jumeaux, une fille et un garçon qui ont 6 ans. J’ai laissé mes enfants. Je ne sais pas si ma fille est excisée. Réfugiée, je fais la procédure de regroupement familial. J’ai des contacts téléphoniques avec ma mère, mais mon père refuse d’avoir des contacts. J’ai vécu l’excision à 6 ans, ma petite soeur en avait 3. Ma mère nous a emmenées chez l’exciseuse qui a commencé par ma petite soeur et je l’ai entendue pleurer. Il y avait 10 filles, ma mère nous avait dit que ça ne ferait pas mal. Rentrée à la maison, ma mère a dit que ça n’était pas propre parce qu’il restait une partie du clitoris. Elle m’a emmenée une seconde fois chez l’exciseuse qui a coupé tout ce qui restait. A ce moment là j’ai fait une hémorragie, mais personne ne m’a emmenée à l’hôpital. Ils ont utilisé du miel comme médicament. Chez nous, tout le monde le fait. Ils nous ont excisées au village, jusqu’à 200 filles avec le même couteau. Normalement quand on excise on dit d’écarter les pieds, mais chez nous ils ont une coutume, ils disent de fermer les pieds. Ils font ça car on peut vérifier si la fille couche avant le mariage. On fait l’excision pour ne pas tomber enceinte avant le mariage. Quand j’étais jeune, je connaissais une fille non excisée et elle ne jouait pas avec les autres filles, elle était exclue. J’ai eu ma réparation

le 6 décembre 2013 avec le Docteur FOLDES. La réparation prend six moisà cicatriser. Ça a complètement changé ma vie Il faut aborder l’Etat guinéen car ce n’est pas interdit. En France, c’est la prison quand on excise sa fille. J’ai fait un stage en tant qu’assistante maternelle, les parents savent que les enfants racontent tout à leur maîtresse.C’est un crime l’excision. J’ai été la première au sein de l’association à parler lors des conférences : notamment à Genève le 7 février 2014 avec Global Alliance. J’ai fait une autre conférence à Chambéry avec des étudiantes. Je veux faire un roman sur l’excision et le mariage forcé.

Ma mère […] m’a emmenée une seconde fois chez l’exciseuse qui a coupé tout ce qui restait […] j’ai fait une hémorragie […] ils ont utilisé du miel comme médicament.Quand j’étais jeune, je connaissais une fille non excisée et elle ne jouait pas avec les autres filles, elle était exclue.

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Safiatou DENE, Burkina-Faso

Je suis burkinabée. Au Burkina l’excision est interdite depuis 1996. Cela se fait moins en ville, mais toujours beaucoup dans les villages. Mon père a eu 3 épouses et toutes les femmes de la famille sont excisées. Une de mes soeurs est décédée des suites de son excision. Comme la première s’était mal passée, elle a subi une deuxième opération, elle a eu une hémorragie qui lui a été fatale. J’ai été excisée très jeune, aux alentours de 3 ans. Les femmes adultes envoient les fillettes chercher de la nourriture dans une case, mais à l’intérieur elles trouvent l’exciseuse qui les attend. Je n’avais pas de sensations pendant les rapports avec mon mari. A cause de l’excision j’ai eu des complications lors de mon premier accouchement. La sage-femme m’a expliqué que la cicatrice s’est rouverte, et j’ai dû être recousue. Suite à cela j’ai eu des douleurs pendant des mois et je ne pouvais pas m’asseoir normalement. Même mon mari, qui ne voulait pas non plus faire exciser notre fille, ne pouvait le dire à ses parents. Un jour Imane s’est fracturé le pied.

Comme mon mari travaillait en Italie nous sommes parties le rejoindre en disant que c’était pour soigner Imane. Je crois qu’ils m’ont crue sur le moment. J’aimerais beaucoup aller faire de la sensibilisation dans les pays concernés. C’est la place des femmes dans notre monde qui est en question ici. Je pense que tant que les sociétés refuseront de considérer les femmes comme égales des hommes, et tant que ces mêmes sociétés refuseront de remettre en question leurs traditions, alors les femmes resteront dominées et victimes. Se battre contre l’excision, c’est protéger nos filles mais aussi se battre pour les droits des femmes en général.

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LE MARIAGEFORCÉ Le mariage forcé1 est « le fait d’être marié à une personne connue ou inconnue contre son gré ».Il s’agit d’une discrimination à l’encontre des femmes particulièrement pratiquée en Afrique et en Asie, notamment dans les pays de tradition musulmane.

Le mariage forcé est interdit dans de nombreux pays. Toutefois, cette pratique coutumière existe encore et d’après l’UNICEF (2014)2, 700 millions de femmes dans le monde ont été victimes de mariage forcé et une sur trois l’a été alors qu’elle n’avait pas 15 ans.

«Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux». Article 16 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

1 Définition d’Amnesty international2 Source : http://goo.gl/QdHIKX

«Le consentement des futurs époux doit être manifesté librement. Dans le cas contraire, le mariage est nul et tout acte sexuel sera considéré comme violence sexuelle». Déclaration de Bamako des Ministres africains pour la protection de l’Enfance du 29 mars 2001

«Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement». Article 146 du Code civil français.

D’après l’UNICEF3, le mariage forcé/précoce a des conséquences néfastes sur la santé (hausse du taux de mortalité maternelle et infantile), l’éducation (les personnes mariées ne vont souvent plus à l’école) ou encore la maltraitance des filles mariées contre leur gré (violences conjugales).

Madame Noémie RAMPAChef de projets pour les actions de lutte contre l’exclusion à l’Ordre de Malte

3 Source : http://goo.gl/EtQvyJ

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Zenab S. , Guinée Conakry

Je me suis mariée à l’âge de 19 ans. À ce moment-là, je n’avais pas le choix. Ma maman était inquiète parce que j’étais âgée. J’ai rencontré mon mari, mais dans mon pays tu ne peux pas sortir avec la personne avant le mariage. Je sortais avec un gars, je l’aimais bien. Mais c’était en cachette, mes parents ne savaient pas. Heureusement j’ai trouvé quelqu’un. Je me suis dit que j’allais tenter ma chance. Moi j’ai été excisée, ma sœur en est morte ; j’ai été à l’école, j’ai vu en biologie pourquoi elle est morte. Ma cousine aussi est morte de ça. J’ai décidé de ne pas exciser ma fille. Je l’ai expliqué à mon mari. Je lui ai dit que si on avait une fille, elle ne serait pas excisée. Maintenant mon mari a accepté ma décision. J’ai eu un garçon, une fille puis une autre.

Marieme Niang, Mauritanie

Ma première fille ne connaissait pas son fiancé, elle l’a vu une fois avant le mariage. Chez nous on a des mariages d’arrangement. Si nos enfants ne se marient pas entre eux, on risque de perdre le lien de parenté. Il faut garder le lien parental. Les filles sont obligées d’accepter cela. Certaines femmes

arrivent à combattre cela. Souvent la fille peut divorcer, elles arrivent à en sortir. Les femmes travaillent - certaines se marient très jeunes, elles continuent leurs études en faisant des enfants. Certains hommes aident leur femme. Certains demandent à leur femme d’arrêter leurs études. Même les jeunes garçons se marient de manière forcée. Le mariage forcé, c’est pour les filles mais aussi pour les garçons.

Madissou Coulibaly, Côte d’Ivoire

À 22 ans, je refuse de rencontrer l’homme que mes parents ont choisi pour moi. Je ne connais pas l’homme en question. Je ne l’avais jamais rencontré. Suite à ce refus, ma famille s’emporte. Je n’avais pas le choix, de toute façon. Un dimanche, mon père m’enferme dans une chambre. Je n’en suis sortie que le jeudi. L’après-midi, une cérémonie est organisée pour célébrer l’union. Le soir, j’ai ma 1ère relation sexuelle, avec ce mari que je viens de rencontrer. Les raisons données par mes parents sont ainsi : c’est la tradition, c’est obligatoire pour une femme musulmane que de se soumettre aux volontés du père et par la suite du mari. Les relations sexuelles ne sont pas du tout agréables. Au mieux, je ne ressens rien.

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Fatoumata Binta Diop, Guinée Conakry

J’ai été mariée à 15 ans à un homme plus âgé que mon père, il avait environ 50 ans. Il m’a violée et j’ai eu beaucoup de saignements. Mon mari me violait tous les jours. J’étais en 4ème quand j’ai été mariée de force et j’avais demandé à mon père de continuer à étudier, mais mon père a dit qu’une femme ne doit pas étudier. Mon père m’a choisi comme mari quelqu’un de sa famille, mon oncle qui avait déjà une femme et des enfants.

Mon mari est mort dans un accident de voiture. A ce moment-là, on m’a imposé de me remarier avec son grand frère. J’ai dû me remarier avec le grand frère - aussi, j’ai vécu le mariage forcé deux fois. Ça se fait beaucoup en Guinée, le mariage forcé. Les filles sont mariées à 14/15/16 ans. Ils n’attendent pas forcément qu’on ait nos règles, dès qu’il y a un peu de poitrine c’est bon. Il y a des gens non polygames, mais 80% de la population est polygame. Le mariage forcé c’est une cause qui conduit les filles à avoir des comportements à risque. Il n’existe pas de centres pour les femmes, pas d’orphelinat, rien pour les femmes ayant quitté leur domicile conjugal en Guinée.La seule solution est de quitter le pays. Certaines tombent dans la prostitution.

Koumba Sow, Guinée Conakry

Quand j’ai eu 15 ans et mon bac, mon oncle m’a donné en mariage à un homme d’une quarantaine d’années. Il avait déjà une autre épouse de 25 ans environ. Le mariage n’a pas été facile, car je ne voulais pas me marier. On m’a trompée pour le mariage, je ne savais pas que je devais me marier ce jour-là. Je n’avais jamais vu mon mari avant le mariage. Un jour en rentrant de l’école, j’ai vu des gens dans la cour chez mon oncle. J’ai demandé au voisin ce qu’il se passait. Il m’a dit qu’il pensait qu’une des filles de mon oncle se mariait. Ma tante m’a dit d’entrer dans sa chambre et je l’ai suivie. Il y avait deux dames dans la chambre. Ils ont fermé la porte à clé et ils ont gardé la clé avec eux. Ils m’ont mis la tenue du mariage. Je n’ai pas voulu dire le rituel du mariage. Ils me giflaient pour que je le fasse. Je ne pouvais pas résister, elles étaient trois. J’ai crié, et personne n’est venu m’aider. C’est la première fois que je voyais le mari. Il avait donné de l’argent à mon oncle. Ils m’ont pris et ils m’ont ramené chez lui. Il savait que je ne l’aimais pas. Quand il est entré dans la chambre, j’ai commencé à l’insulter et à le frapper. Je lui ai dit que je ne l’aimais pas. Après, il a voulu qu’on fasse l’amour, mais je n’ai pas du tout voulu. Les tantes et les épouses de mon oncle étaient derrière la porte pour vérifier si j’étais vierge. Je ne voulais pas, j’ai commencé à me débattre.

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Le mari est sorti, ils sont entrés dans la chambre et ils m’ont attachée. Il m’a violée toute la nuit. Après, il a sorti le drap et montré que j’étais vierge. Il a continué, toute la nuit. Le lendemain, mes tantes sont venues. Après, je suis tombée enceinte. C’était tout le temps la même chose, il me battait tout le temps. J’ai plein de cicatrices et de traces de cigarettes.

Karidiatou Karamoko, Côte d’Ivoire

En 2010, ma mère m’a appris qu’elle avait pris la décision de me marier à un homme de mon village. J’étais contre et j’ai beaucoup pleuré. Je voulais me marier avec un homme que j’avais choisi et je ne voulais pas de l’homme et de la famille de l’homme qu’on m’avait choisi. Je les connaissais déjà et je n’aimais pas sa mère. Elle parlait très mal à tout le monde et je savais qu’elle était autoritaire et méchante. A cette époque, j’ai tenté de m’enfuir mais je n’ai pas réussi à trouver assez d’argent pour partir. Lorsque je me suis rendue à la fête organisée dans mon village, j’ai été piégée. J’ai appris que j’étais fiancée et que mon mariage était programmé. Coincée dans le village, je ne pouvais plus repartir. Pour cette raison et parce que je ne voulais pas porter le déshonneur sur ma famille, j’ai accepté à contre cœur de me marier. Durant la période de vie commune, j’ai été très malheureuse. Ma belle-mère comme je m’y attendais était méchante avec moi. J’étais sa bonne personnelle et elle me parlait très mal. Je devais faire toute les tâches de la maison et elle me disait que j’étais une mauvaise belle-fille, une bonne à rien.

Ma mère m’a appris qu’elle avait pris la décision de me marier […] j’ai tenté de m’enfuir mais je n’ai pas réussi à trouver assez d’argent. […] à la fête organisée dans mon village, j’ai été piégée, je ne voulais porter le déshonneur sur ma famille, j’ai accepté de me marier.Ma belle-mère […] j’étais sa bonne personnelle.

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LESPROCÉDURESDE DEMANDE D’ASILE Judith CORONEL-KISSOUSAvocate au Barreau de Paris

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Les femmes et l’asile en France11

Pour toutes celles qui sont confrontées à des violences

graves à leur encontre, en raison de leur opposition à l’excision de leurs filles ou du risque d’excision sur elles-mêmes, et qui ne peuvent pas être protégées contre ces violences ou cette mutilation dans leur pays, elles n’ont souvent pas d’autres choix, pour y échapper, que de partir, le plus loin possible, et prendre l’exil pour ne pas être retrouvées.

L’excision est une mutilation reconnue par la France qu’elle a qualifiée de crime dans sa loi et qu’elle punit en tant que tel.

Mais elle a également prévu la protection des femmes et fillettes étrangères venues se réfugier en France pour échapper à la menace de l’excision.

Comment ? En appliquant ce que prévoient les dispositions sur le droit d’asile et sur le droit des réfugiés.

Basé sur la Convention de Genève du 28 juillet 1958, le droit des réfugiés protège les fillettes en risque d’excision et les personnes qui s’opposent à la pratique de l’excision au titre de leur appartenance à un groupe social et permet de qualifier

1 À jour de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile

la mutilation sexuelle féminine et/ou les violences graves subies en raison de l’opposition à l’excision comme une persécution de sorte qu’elles sont susceptibles d’être reconnues juridiquement comme des réfugiées.

Concrètement, la personne en recherche de protection doit demander deux choses au même moment : l’asile et la reconnaissance du statut de réfugié.

L’asile est le droit pour un étranger hors union européenne d’être maintenu sur le sol du pays d’accueil sans risquer d’être renvoyé dans son pays d’origine le temps que ce pays d’accueil étudie sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

La demande d’asile est une demande de protection qui ne peut être que temporaire et de courte durée.

La demande en reconnaissance de statut de réfugié est une demande de protection qui a une vocation pérenne et doit se faire, du point de vue administratif, simultanément à la demande d’asile.

La procédure de demande de protectionPour demander l’asile en France, il faut se rendre à la Préfecture du lieu où l’on se trouve, de préférence dans un délai inférieur à 4 mois à compter du jour où l’on est arrivé, et dire que l’on demande l’asile ET que l’on souhaite être reconnu réfugié.

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La Préfecture (ou ses services délégués) enregistrera la demande, proposera un lieu d’hébergement et d’accompagnement qui peut se situer n’importe où en France et qu’il est conseillé d’accepter.

Elle délivrera une «attestation de demande d’asile» qui permettra à l’étranger de séjourner régulièrement mais provisoirement sur le sol français le temps que les autorités du pays d’accueil étudient et se prononcent sur la demande en reconnaissance de statut de réfugié qui devra être faite en même temps que la demande d’asile.

La Préfecture ou ses services délégués délivreront alors un dossier «OFPRA» qu’il conviendra de remplir et de retourner dans les 21 jours de sa délivrance à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides qui est la seule et unique institution administrative compétente pour étudier les demandes d’octroi d’une protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire).

Pour les demandes de protection relatives à un risque d’excision, la Préfecture devra délivrer autant de dossiers OFPRA que de personnes à protéger des risques de mutilations comme des risques encourus en raison de l’opposition à l’excision des fillettes (concrètement, un dossier pour chaque fillette même mineure, et un dossier pour chacun des parents qui l’accompagne).

Outre des informations d’ordre administratif dont il ne faut en aucun cas négliger l’importance (notamment l’adresse où l’on peut être joint et recevoir les courriers que l’OFPRA envoie pour les suites de la procédure, et la langue dans laquelle on est le plus à l’aise pour s’exprimer), ce dossier inclura aussi le récit de vie rédigé en français dans lequel la personne en recherche de protection durable expliquera quel était son problème dans son pays et en quoi elle risquerait d’encourir de très graves dangers si elle devait y retourner.

A la réception du dossier, l’OFPRA envoie un accusé réception de la demande à l’adresse renseignée dans le dossier en lui attribuant un numéro d’enregistrement.

Puis l’OFPRA convoquera la personne à un entretien dans ses locaux à Fontenay-sous-Bois (dans les 6 à 18 mois de l’enregistrement de la demande dans une «procédure normale» et dans les 15 jours dans une «procédure accélérée») pour approfondir les raisons pour lesquelles le demandeur de protection encourt un grave danger en cas de retour dans son pays.

Pour la demande de protection d’une fillette en risque d’excision, l’OFPRA peut demander aux parents de cette enfant qu’elle soit soumise à un examen médical tendant à prouver qu’elle n’est pas excisée et informe les parents que tout refus d’un tel examen sera transmis au Procureur de la République.

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À cet entretien, d’une importance déterminante, la personne doit être assistée d’un interprète que l’OFPRA se charge de convoquer dans une langue de son choix qu’elle comprend et qu’elle parle bien. Elle pourra aussi se faire accompagner par un membre d’une association habilitée ou par un avocat de son choix qui assistera à son entretien et fera, le cas échéant, des observations en fin d’entretien.

Puis l’OFPRA rendra une décision de rejet ou d’admission.

Les effets de la décision de l’OFPRALa décision d’admission indique que l’OFPRA, et donc la France, reconnaît le demandeur d’asile comme étant un réfugié ou un protégé subsidiaire.

Le statut de réfugié donne le droit à la personne d’obtenir une carte de résident de 10 ans renouvelable lui permettant de séjourner et de travailler régulièrement en France pendant toute cette période.

La protection subsidiaire donne le droit à la personne d’obtenir un titre de séjour d’un an renouvelable pour une durée de deux ans autant de fois que le danger perdure dans son pays d’origine et lui permet de séjourner et travailler régulièrement en France pendant la même durée.

La décision de rejet de l’OFPRA est une décision motivée, qui explique pourquoi l’institution refuse de

protéger la personne, soit parce qu’elle estime que les risques graves ne sont pas encourus dans le pays d’origine, soit parce que les motifs pour lesquels elle court un grave danger ne sont pas établis.

Le recours pour contester une décision de rejetIl est alors possible, et conseillé, d’introduire un recours en annulation de la décision de rejet de l’OFPRA en saisissant le juge compétent qui est la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) qui pourra le cas échéant annuler la décision de rejet de l’OFPRA et octroyer une protection internationale.

Le statut de réfugié sera reconnu lorsque la personne appartient à un groupe social établi en jurisprudence, comme par exemple «le groupe social des enfants et des adolescentes non mutilées issues

La personne à un entretien […] doit être assistée d’un interprète.Elle pourra se faire accompagner par un membre d’une association […] ou par un avocat.

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d’une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale» (CE, 21 déc. 2012 n° 332491).

La protection subsidiaire sera quant à elle octroyée lorsque l’appartenance à un groupe social n’aura pas pu être établie mais que des «traitements inhumains et dégradants», comme de très graves violences par exemple, seront reconnues comme un risque encouru en cas de retour dans le pays.

Ce recours doit parvenir à la CNDA dans les 30 jours maximum à compter de la date à laquelle la décision de rejet de l’OFPRA a été remise à la personne concernée. L’attestation de demande d’asile permettant de se maintenir régulièrement sur le sol français sera prolongée jusqu’à ce que la CNDA rende sa décision de justice.

À défaut du respect des délais de recours, plus rien ne peut valablement être contesté, le rejet de l’OFPRA sera définitif. La personne a alors 30 jours pour quitter le territoire français.

En vue de ce recours, il est conseillé d’être accompagné dans cette démarche par une association de demandeurs d’asile et/ou un avocat qui pratique régulièrement le contentieux devant la Cour Nationale du Droit d’Asile.

ConclusionLes femmes et les fillettes victimes de violences graves telles que l’excision, le mariage forcé, l’esclavage domestique et l’absence d’éducation scolaire, de prostitution forcée, de traite des êtres humains, d’enfermement avec absence totale de liberté et violences physiques et/ou morales répétées, de conversion religieuse forcée ou d’engagement politique féministe à haut risque sont toutes susceptibles de demander l’asile en France et d’être protégées au titre du statut de réfugiée ou de la protection subsidiaire.

Nous les aiderons.

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LARÉPARATION

Docteur Pierre DUTERTEMédecin Directeur du centre de soins Parcours d’Exil. Soutien aux victimes de torture.

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Il n’est pas question pour moi de détailler des techniques que

je ne pratique pas, mais dans le cadre du groupe de parole ou des consultations individuelles souvent la chirurgie est un problème qui est abordé. C’est une question importante car très souvent les patientes à qui j’ai pu proposer cette réparation s’imaginaient qu’il s’agissait de la greffe d’une partie prélevée sur leur corps, voire d’un prélèvement effectué sur une «donneuse».

C’est une grande surprise souvent pour ces femmes mutilées de comprendre que même excisées, elles ont toujours un clitoris enfoui, susceptible de leur procurer du plaisir. Cette reconstruction, chirurgie réparatrice inventée par l’urologue français Pierre Foldes, permet de redonner à la femme un clitoris fonctionnel après une excision.

Il est donc important de préciser ici, que, la reconstruction du clitoris se fait en général par résection de la cicatrice, libération de ce qui est appelé « genou » du clitoris, puis du corps du clitoris. Il est bien évidemment primordial de préserver l’innervation pour la sensibilité. Une plastie et une reposition sont ensuite effectuées. Le but étant non seulement de restaurer une anatomie normale mais aussi d’obtenir un organe normalement innervé et si possible fonctionnel pour permettre une vie sexuelle aussi satisfaisante que possible.

La reconstruction ne se limite souvent pas qu’à la remise en place et en fonction du clitoris. Les « techniques » d’excision étant pour le moins rudimentaires, brutales et sans hygiène, les dégâts s’étendent très souvent au delà du clitoris et demandent réparations chirurgicales élargies.

A noter que, souvent, ces réparations lèvent des douleurs que ces patientes ressentaient en urinant, au moment des règles et bien évidemment lors des rapports sexuels, autre bénéfice et non des moindres, la réparation vient permettre des accouchements moins compliqués et moins risqués.Dans certaines parties de l’Afrique les mutilations vont bien au-delà du clitoris.

Il existe trois grands types principaux de mutilations génitales: la circoncision féminine ou «Sunna», emportant le capuchon clitoridien et l’extrémité du gland.

L’excision proprement dite, ou clitoridectomie, qui sacrifie une partie plus complète du gland et tout ou partie des petites lèvres. Et enfin l’infibulation ou grande circoncision pharaonique, qui ferme presque totalement le vestibule par scarification et suture des grandes lèvres, voire suture de la face interne des cuisses. Ici aussi le terme suture est tout à fait « anesthésiant », car il peut s’agir de fermeture avec des fils, mais aussi, avec des brindilles de bois, des épines et on

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peut imaginer la souffrance de ces femmes quand, pour satisfaire le désir du mari, il y a « réouverture » de l’accès à l’appareil génital.

À l’inverse quel « plaisir » d’entendre les femmes qui ont été opérées et qui reviennent en consultation ou au groupe de parole faire part de leur sensation d’être de nouveau « entière », de les entendre témoigner du fait qu’elles ont récupéré une partie importante de leur corps, même souvent avant d’avoir pu éprouver le plaisir sexuel nouveau qui est possible.

En tant que photographe il me serait intéressant de réaliser des portraits « avant » et des portraits « après ». Ces photos permettraient de mettre en évidence, par les traits apaisés du visage, que la réparation n’est pas que chirurgicale…

Avant la chirurgie la parole est empreinte de colère, de rage envers la famille ou les proches qui ont rendu ces mutilations possibles, de honte et de peur face à l’acte sexuel. Après il y a les sourires la joie d’être redevenue entière, de se sentir femme. Je ne mettrais qu’un bémol, il n’est pas forcément simple d’affronter le regard désapprobateur ou pire des compatriotes qui apprenant cette réparation rejettent leurs « amies ».

En conclusion, il me semble important de noter que la réparation des mutilations génitales est loin de n’apporter qu’un soin esthétique, cette opération chirurgicale simple, sans quasiment jamais de complications, donne des résultats aussi quant à la réappropriation d’une identité féminine qui avait pu être émoussée, elle atténue aussi, ou fait disparaître un cortège de douleurs, d’infections urinaires.Quand l’accès à l’orgasme est possible, la défaite des exciseuses ou exciseurs est totale puisque la douleur a cédé la place au plaisir.

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UN COLLECTIF EST NÉ : EXCISION, PARLONS-EN! La fin de l’excision n’est pas une utopie, c’est un objectif ! Depuis 2010, une série de commandes et des travaux personnels m’ont amené à explorer la thématique des atteintes au corps des femmes -viol, traite, prostitution…- leurs portées symboliques, leurs enjeux… Ma démarche consiste, dans la mesure du possible, à recueillir des récits de femmes victimes et d’actrices mobilisées à leurs côtés. Puis, à mettre en perspective le phénomène en croisant différentes approches : médicales, sociales, géopolitiques, historiques… Ceci permet d’obtenir une vision globale du phénomène.

L’ampleur d’un déniDans ce cadre, j’avais commencé à entendre parler de l’excision, parmi d’autres atteintes, sans toutefois en mesurer l’ampleur, ni la violence, ni l’importance à travers le monde.C’est le chiffre de l’Egypte, un pays où j’étais régulièrement allé, qui m’a alerté : 91 % des femmes entre 14 et 49 ans y sont excisées. Autrement dit : toutes les femmes à l’exception de quelques-unes. Ce chiffre est connu, publié par l’UNICEF, et pourtant je n’en avais jamais entendu parler sur place.

Le fait que ce phénomène reste inconnu relève d’un déni absolu plutôt que d’une méconnaissance. On ne veut pas savoir.

L’Egypte berceau funeste de la pratiqueJe suis donc retourné en Egypte avec l’intention de mieux comprendre le phénomène. Là-bas, j’ai souvent reçu un accueil mitigé des féministes qui me rabrouaient sur un air de : «Pourquoi concentrez-vous vos recherches sur cette pratique alors qu’il y a tant d’autres atteintes aux femmes en Egypte ?» Si je comprenais leur agacement, je leur expliquais que ma démarche se voulait plus globale et pourrait s’ouvrir à une réflexion sur l’excision au niveau mondial, mais que la situation en Egypte me paraissait particulièrement éclairante. En effet, d’une part, selon les historiens, la pratique remonterait à une période pharaonique ; j’allais donc étudier dans son berceau même un phénomène contemporain, pratiqué depuis plus de 2000 ans ! De plus, l’Egypte venait de connaître sa révolution et il était difficile de prédire de l’évolution de la pratique dans ce contexte : diminution ou accroissement ? Enfin, l’Egypte est particulièrement intéressante en ce que l’excision y est pratiquée tant par des

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musulmans que par des chrétiens : plus question, donc, de prétendre qu’il s’agit d’une pratique liée à l’Islam.

La genèse d’Excision, parlons-en !A mon retour, après 3 mois sur place, je rencontrais différentes associations déjà engagées en France et dans le monde sur l’accompagnement des victimes et les actions en faveur de l’abandon. Nous avons décidé, ensemble, d’organiser un événement commun autour du 6 février, journée internationale d’action pour l’abandon de l’excision. Rien n’aurait été possible sans l’implication de la Fédération Gams et de Tostan France. D’autres associations ont rallié ce noyau pour créer Excision, parlons-en !, comme SOS Africaines en danger dont les membres ont aussitôt participé aux différents événements.

Cette première étape a largement mobilisé et dépassé toutes nos projections initiales. Le colloque du 6 février 2014 a rassemblé plus de 350 professionnels, en présence d’expert-e-s du monde entier et de 3 ministres.

Un site internet de référenceLe réseau s’est en suite renforcé avec la création d’un site internet www.excisionparlonsen.org.

Ce site fait désormais référence dans l’univers francophone et au niveau mondial. Excision, parlons-en ! participe d’ailleurs désormais à des programmes au niveau européen. De nombreux autres événements ont été organisés depuis, notamment grâce à la détermination de Marion Schaefer, ex-présidente, désormais déléguée générale de l’association. Ils visent à réfléchir à différentes thématiques spécifiques à l’excision : excision et droit d’asile, comment protéger les petites filles en France et lors de leurs déplacements à l’étranger, le rôle de la diaspora…

Croiser les expertisesLe succès d’Excision, parlons-en ! repose sur une volonté de croiser les différentes champs d’expertise – santé, social, juridique, opérationnel…- sans jamais chercher à se substituer aux acteurs déjà impliqués. Excision, parlons-en ! est une plateforme de ressources et de plaidoyer qui permet de rassembler les énergies et d’avancer vers l’abandon de la pratique.Si notre engagement se confronte à plus de 2000 ans d’histoire et des croyances fallacieuses, nous sommes persuadé-e-s que la fin de l’excision n’est pas une utopie, c’est un objectif ! Nous y parviendrons ensemble.

Louis Guinamard

Initiateur et vice-président d’Excision, parlons-en !

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LES SOUTIENS FINANCIERS

LA FONDATION ACAT POUR LA DIGNITÉ HUMAINE

François WALTER, Président de la Fondation ACAT la lecture des témoignages courageux de ces femmes africaines

excisées provoque émotion et admiration.Je souhaite ardemment que leur combat contribue à sensibiliser

l’opinion publique à l’horreur de ces traitements cruels et dégradants et à inciter les gouvernements des pays concernés

à les interdire et à les réprimer.

MADAME ESTHER BENBASSA, SÉNATRICE EELV

a ouvert le Palais du Luxembourg à un colloque le 21 octobre 2014et a subventionné SOS Africaines en Danger

sur sa réserve parlementaire.

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Mise en page : Julien RiouImpression : xxxxxxxx

Décembre 2015

PAROLES D’ÉSPERANCE

Je suis Koumba. Après toutes les horreurs que j’ai vécues auprès de cet homme

qui m’a épousée de force avec la complicité de mon oncle, aujourd’hui je suis heureuse. J’ai été reconnue comme réfugiée

par l’OFPRA. J’ai un super travail que j’adore. J’ai mon appartement. Je compte faire très bientôt une demande de rapprochement familial afin que ma fille vienne me retrouver,

et seulement à ce moment mon bonheur sera total.

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SOS AFRICAINES EN DANGERà Parcours d’Exil

12, rue de la Fontaine au Roi75011 PARIS