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1 Résumé Sebastião Ribeiro Salgado est en 1944 au Brésil. Après des études d’économie à l’Université de Sao Paolo, il entame une carrière d’hommes d’affaires qu’il arrête brutalement pour se consacrer exclusivement à la photographie. Pendant plus de quarante ans, il parcourt le monde entier, voyageant dans plus d’une centaine de pays pour photographier l’espèce humaine. Aujourd’hui, il est sans doute l’un des photographes les plus connus dans le monde. Le film témoigne de l’admiration de Wim Wenders pour Salgado. Retraçant sa vie et son travail, le cinéaste explique qu’il a voulu comprendre cet homme et son œuvre. Le photographe commente son propre travail et revient sur quelques-uns de ses travaux qui l’ont marqué. Il nous est présenté par lui- même mais aussi par le cinéaste et par son propre fils, Juliano Ribeiro Salgado. Côtoyant de près la détresse humaine, Salgado a voulu montrer les conflits, les exodes, les famines... Nous apprenons comment ses reportages l’ont marqué mais aussi comment ils auraient pu le détruire. Le photographe a désormais trouvé un moyen de se libérer de toute cette souffrance humaine dont il a été le témoin. C’est la terre qui a guéri son désespoir, nous explique Wenders. En 2004, accompagné par son fils, il débute son dernier projet photographique en date, intitulé « Genesis ». Salgado part à la rencontre de la faune et de la flore sauvage et s’intéresse aux territoires encore préservés de notre planète. Il continue désormais son travail photographique en rendant hommage aux beautés naturelles de la terre. Le film se termine au Brésil, à Aimores, là ou Wenders a découvert ce qu’il considère comme l’autre vie des Salgado : leur engagement écologique. Grâce à « L’instituto Terra », l’association fondée par le photographe et sa femme, plus de deux millions d’arbres ont déjà été replantés. (Photo ci-dessus © Wim Wenders / Filmcoopi Zürich AG) ___________________________________________________ Commentaires Regard d’un cinéaste sur un photographe Il y a trente ans, Wim Wenders remportait la Palme d’or avec Paris, Texas, son film qui a marqué l’histoire du cinéma mondial. En 2014, le cinéaste allemand revient au Festival de Cannes et remporte le prix spécial de la sélection « Un certain regard » avec Le sel de la terre. Lors de la présentation du film, Wim Wenders a commente : « C’est un film dédié aux images d’un autre. L’un des plus grands photographes d’aujourd’hui. Je suis ému de le présenter avec son propre fils Juliano. C’est un film modeste ». Titre original : The Salt of the Earth Long métrage documentaire, Brésil, France, Italie 2014 Réalisation : Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado Scénario : Juliano Ribeiro Salgado, Wim Wenders, David Rosier Directeur de la photographie : Hugo Barbier, Juliano Ribeiro Salgado Montage : Maxine Goedicke, Rob Myers Musique : Laurent Petitgand Distribution : Filmcoopi Zürich Version originale française et portugaise, sous-titrée français/anglais Durée : 1h49 Public concerné : Âge légal : 10 ans Âge suggéré : 14 ans http://www.filmages.ch/films/detail /items/9063.html Sélection "Un Certain Regard" Festival de Cannes 2014 Prix Spécial Un Certain Regard Fiche pédagogique Le sel de la terre Un voyage avec Sebastião Salgado Sortie en salles 13 novembre 2014 (Suisse alémanique) 15 octobre 2014 (Suisse romande)

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Résumé

Sebastião Ribeiro Salgado est né en 1944 au Brésil. Après des études d’économie à l’Université de Sao Paolo, il entame une carrière d’hommes d’affaires qu’il arrête brutalement pour se consacrer exclusivement à la photographie. Pendant plus de quarante ans, il parcourt le monde entier, voyageant dans plus d’une centaine de pays pour photographier l’espèce humaine. Aujourd’hui, il est sans doute l’un des photographes les plus connus dans le monde. Le film témoigne de l’admiration de Wim Wenders pour Salgado. Retraçant sa vie et son travail, le cinéaste explique qu’il a voulu comprendre cet homme et son œuvre. Le photographe commente son propre travail et revient sur quelques-uns de ses travaux qui l’ont marqué. Il nous est présenté par lui-même mais aussi par le cinéaste et par son propre fils, Juliano Ribeiro Salgado. Côtoyant de près la détresse humaine, Salgado a voulu montrer les conflits, les exodes, les

famines... Nous apprenons comment ses reportages l’ont marqué mais aussi comment ils auraient pu le détruire. Le photographe a désormais trouvé un moyen de se libérer de toute cette souffrance humaine dont il a été le témoin. C’est la terre qui a guéri son désespoir, nous explique Wenders. En 2004, accompagné par son fils, il débute son dernier projet photographique en date, intitulé « Genesis ». Salgado part à la rencontre de la faune et de la flore sauvage et s’intéresse aux territoires encore préservés de notre planète. Il continue désormais son travail photographique en rendant hommage aux beautés naturelles de la terre. Le film se termine au Brésil, à Aimores, là ou Wenders a découvert ce qu’il considère comme l’autre vie des Salgado : leur engagement écologique. Grâce à « L’instituto Terra », l’association fondée par le photographe et sa femme, plus de deux millions d’arbres ont déjà été replantés. (Photo ci-dessus © Wim Wenders / Filmcoopi Zürich AG)

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Commentaires Regard d’un cinéaste sur un photographe

Il y a trente ans, Wim Wenders remportait la Palme d’or avec Paris, Texas, son film qui a marqué l’histoire

du cinéma mondial. En 2014, le

cinéaste allemand revient au Festival de Cannes et remporte le prix spécial de la sélection « Un certain regard » avec Le sel de la terre. Lors de la présentation du film, Wim Wenders a commente : « C’est un film dédié aux images d’un autre. L’un des plus grands photographes d’aujourd’hui. Je suis ému de le présenter avec son propre fils Juliano. C’est un film modeste ».

Titre original : The Salt of the Earth Long métrage documentaire, Brésil, France, Italie 2014

Réalisation : Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado Scénario : Juliano Ribeiro Salgado, Wim Wenders, David Rosier Directeur de la photographie : Hugo Barbier, Juliano Ribeiro Salgado Montage : Maxine Goedicke, Rob Myers Musique : Laurent Petitgand Distribution : Filmcoopi Zürich Version originale française et portugaise, sous-titrée français/anglais Durée : 1h49 Public concerné : Âge légal : 10 ans Âge suggéré : 14 ans http://www.filmages.ch/films/detail/items/9063.html Sélection "Un Certain Regard" Festival de Cannes 2014

Prix Spécial Un Certain Regard

Fiche pédagogique

Le sel de la terre

Un voyage avec Sebastião Salgado

Sortie en salles 13 novembre 2014 (Suisse alémanique) 15 octobre 2014 (Suisse romande)

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Au début du "Sel de la terre", il explique clairement son but : rendre hommage au travail photographique de Salgado. Après son dernier film documentaire consacré à la danseuse contemporaine Pina Bausch ("Pina", 2011), il s’intéresse au travail photographique d’un artiste qu’il admire depuis longtemps. Le film est un dialogue entre deux artistes, le regard d’un grand cinéaste sur un grand photographe.

© Donata Wenders / Filmcoopi Zürich AG

Le travail de Salgado

Sebastião Salgado a toujours travaillé en argentique même si aujourd’hui, il mélange l’argentique et le numérique. Toujours en noir et blanc, son travail photographique repose sur les contrastes. Avec ses reportages photographiques, Salgado a couvert de nombreux évènements qui ont marqué l’Histoire. Il s’est rendu dans les quatre coins du monde. Niger : 1973, Équateur : 1982, Nordeste (Brésil) : 1981-83, Mali : 1985, Ethiopie : 1986, Mine de Serra Pelada (Brésil) : 1986, Koweït : 1991, Tanzanie : 1994, Rwanda : 1994, Ex-Yougoslavie (Croatie, Bosnie) : 1994-1995, Îles Galápagos : 2004, Amazonie, État du Pará (Brésil) : 2009, Papouasie occidentale (Indonésie) : 2011, Île Wrangel, Sibérie : 2011. Avec « Genesis », sa dernière exposition, présentée notamment à Rio, à Toronto, à la Maison Européenne de la photographie à Paris et au Musée de l’Elysée à Lausanne, Salgado explique qu’il a axé son projet sur «les sanctuaires de la planète qui n’ont pas été abîmés par l’homme». Un engagement écologique critiqué

Lorsque Salgado a hérité de la ferme de son père, il n’a pas souhaité

continuer son travail d’éleveur de bétail. Quelque temps plus tard, poussé par l’initiative de sa femme, Lélia, il décide de reboiser les terres de l’exploitation détruites par la sécheresse. Grâce à leur pépinière, le couple cultive des jeunes pousses d’arbres qu’ils plantent ensuite sur les 600 hectares du domaine. Parce qu’il ne peut sauver l’espèce humaine, Salgado se consacre désormais à réparer la nature. Un article paru dans le journal Le Monde, (13 décembre 2013), révèle les critiques faites à son engagement écologique. On apprend qu’en plus de la vente des tirages de ses photos, Salgado se tourne maintenant vers différents sponsors pour financer ses projets. Le photographe a été notamment financé par le groupe privé brésilien Vale, deuxième entreprise minière du monde, dont les pratiques ont de graves conséquences environnementales selon certaines ONG. L’entreprise a payé plusieurs de ses voyages ainsi que ses expositions, ce que le film ne mentionne pas. Une utilisation discutable de la beauté et de la misère

Certains reprochent à Salgado son utilisation commerciale de la misère humaine. L’écrivaine Susan Sontag lui reproche de construire sa reconnaissance et son succès sur le dos des personnes qu’il photographie. Selon elle, il y a chez Salgado une « inauthenticité du beau ». Certaines des photos de Salgado jouent sur la compassion du spectateur mais n’amènent pas à une vraie réflexion. Dans le dossier de presse du film, Wenders défend le photographe en valorisant la dimension ethnographique de son travail. Il explique que Salgado passe du temps avec les personnes qu’il photographie et qu’un lien se crée entre eux. Dans le film, Salgado explique l’un de ses secrets lui assurant la réussite de ses photographies : « On ne fait pas un bon portrait seul. C’est celui qui est photographié qui vous offre la photo ». Serait-ce là la preuve d’une réelle proximité entre le photographe et ses sujets ?

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Disciplines et thèmes concernés : Arts visuels :

S’imprégner de divers domaines et cultures artistiques en comparant différentes œuvres et en identifiant le sujet, sa forme, sa technique (A24 AV)

Comparer et analyser différentes œuvres artistiques en analysant le sujet, le thème, la technique, la forme et le message d'une œuvre (A 34 AV) Français :

Travailler l'argumentation à partir du discours d’un film Histoire/géographie :

S’approprier, en situation, des outils pertinents pour traiter des problématiques des sciences humaines et sociales… en se repérant sur des représentations graphiques diverses (cartes, tableaux,…) (SHS 23)

S’approprier, en situation, des outils et des pratiques de recherche appropriés aux problématiques des sciences humaines et sociales… (SHS 33) Formation générale MITIC, éducation aux media :

Exercer des lectures multiples dans la consommation et la production de médias et d'informations… en distinguant différents types de messages et en en comprenant les enjeux et …en analysant des images fixes et animées au moyen de la grammaire de l'image (FG 31)

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Objectifs pédagogiques

S’interroger sur la profession de photojournaliste, sur la posture et le rôle de photographe/reporter et sur son lien avec les sujets photographiés. Introduire les notions d’humilité et de dignité.

Questionner le rapport à l’altérité et l’approche ethnographique

Réfléchir aux représentations de la beauté et à l’esthétisme

S’interroger sur la transmission de l’information par l’image

Travailler l’analyse d’une œuvre d’art et plus particulièrement une œuvre photographique

Travailler ses connaissances géographiques

Sensibilisation à l’écologie et à la sauvegarde de la planète.

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Pistes pédagogiques

1. Les grands événements mondiaux montrés par la photographie

Salgado explique qu’il souhaite montrer les réalités de ce monde. Quels sont les grands évènements mondiaux que Salgado a couverts ? Demander aux élèves de lister les évènements photographiés par Salgado et mentionnés dans le film, puis compléter la liste, si besoin. Ensuite, par petits groupes de quatre, les élèves prennent un atlas modial et notent ces évènements sur la carte du monde fournie en annexe. (Famines au Sahel, Mali, 1985, Ethiopie 1986 ; Guerre du golfe, 1991 Koweït, génocide au Rwanda 1994, guerres en ex-Yougoslavie (Croatie, Bosnie), 1994-1995. Possibilité de compléter la liste de ces évènements avec les autres pays où Salgado s’est rendu (voir la liste dans les commentaires du film).

2. La figure du photographe aventurier

S’interroger sur les motivations qui poussent Salgado à se rendre dans des contrées si lointaines pour photographier ces populations ? Un goût pour l’aventure ? La connaissance du monde ? Le besoin de faire connaître les réalités du monde ? (Scène du début lorsqu’on le voit contempler les montages et dire : « Je voulais voir au-delà de ces montagnes. Je voulais connaître »).

Est-ce une profession qui semble attrayante ou repoussante ? Interroger les élèves sur les avantages et les inconvénients d’une telle profession (danger, précarité, inconfort, éloignement avec les proches, par opposition à aventure, liberté, plaisir de la découverte, reconnaissance). Avec les élèves, essayez d’identifier les thèmes chers à Salgado à travers ses grandes séries de photographies présentées dans le film. (Les sociétés traditionnelles encore à l’écart de la modernité ; la détresse humaine ; le travail des hommes ; les paysages encore peu touchés par la civilisation ; la vie animale qu’il compare souvent avec la vie humaine). 3. Le style Salgado

Qu’est-ce que Salgado recherche dans ses photos ? Comment les paysages apparaissent-ils dans le film ? Demander aux élèves de décrire la photo 1 en annexe de ce

dossier. Le photographe est-il désireux de faire ressortir la beauté de ce monde ? Demander aux élèves d’essayer de définir le style de Salgado en s’appuyant sur les photographies en annexe. En quoi ses photographies sont-elles reconnaissables ? (Jeu sur les contrastes, sur les ombres grâce à l’utilisation du noir et blanc, composition des cadres très soignée). Wenders filme à plusieurs reprises le photographe en plein travail.

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Qu’apprend-on sur ses pratiques de photojournaliste ? Demander aux élèves de commenter la scène sur l’île Wrangel en Sibérie lorsque Salgado explique à son fils comment réaliser une belle photographie. Quelle est sa recette ? Est-ce qu’il réfléchit beaucoup à la composition de l’image ? (Il cherche l’arrière-plan qui lui permettra de réaliser une belle photo. Il est à la recherche d’un certain esthétisme). Est-ce que Salgado travaille de la même manière avec les êtres humains qu’avec les animaux et les paysages ? Demander aux élèves de commenter ses différentes approches en se basant sur la première scène, au début du film, lorsque l’on voit Salgado en Papouasie (voir photo en page 5) et lorsqu’il est en Sibérie avec son fils. En Papouasie, il essaye d’être immersion avec les gens qu’il photographie, comme nous le montre la photo. Il noue une relation de proximité. Avec l’ours polaire et les animaux, il essaie plutôt de se fondre dans le paysage, d’être discret. 4. Une dimension ethnographique

Comment apparaissent les populations photographiées par Salgado ? Si l’on se base sur les images seulement, peut-on apprendre beaucoup sur les sujets photographiés ? Est-ce qu’un commentaire est nécessaire ? Demandez aux élèves de commenter les photographies en annexe. Selon eux, témoignent-elles de la réalité de la vie de ces populations ? Après avoir expliqué brièvement en quoi consiste une approche ethnographique, demander aux élèves si l’on peut dire qu’il y a une dimension ethnographique dans le travail du photographe. Salgado semble-t-il connaître les sujets qu’il photographie ? Est-ce qu’il semble proche d’eux ? Pour chaque photographie, se demander s’il s’agit d’une scène que Salgado a pu observer telle quelle ou si le photographe a procédé à une mise en scène de ses sujets. Demander aux élèves de commenter les photographies annexées à ce document. Comment apparaissent les personnes ? Ces photos sont-elles valorisantes ou au contraire dévalorisantes ? Après avoir expliqué les notions d’humilité et de dignité, lancer un petit

débat sur l’approche de Salgado. Certains observateurs critiques lui ont reproché d’utiliser la misère et la souffrance humaine pour faire de belles photos. Que pensez-vous de ces accusations ? Est-ce que l’on peut faire de l’art à partir de la souffrance des autres ? 5. La présence de Wenders

Comment Wenders apparaît-il dans "Le sel de la terre" ? S’interroger sur le rôle de la voix off de Wenders dans le film. Sa présence est-elle très marquée ? A quels moments intervient-il ? Comment nous raconte-t-il le photographe et son travail ? Quel est le processus mis en place par Wenders dans le film ? Soit Wenders laisse parler les images par elles-mêmes, soit c’est Salgado qui les commente. Les photographies sont projetées sur un écran dans une sorte de chambre noire. Salgado est assis en face de ses clichés et la caméra le filme en train d’observer et de commenter ses propres photographies. Le résultat est assez surprenant, on entend la voix off de Salgado commenter ses clichés et parfois son visage en noir et blanc ressort de ses images. Quelles sont les possibilités qu’amène ce dispositif? (Salgado nous raconte des anecdotes sur son travail, il se livre à nous de manière intime et l’on en apprend plus sur son travail et sur sa vision du monde). 6. La beauté du monde

Demander aux élèves s’ils ont été marqués par les photographies de Salgado. Laquelle ou lesquelles en particulier ? Salgado est-il à la recherche de la beauté du monde ? Si oui, quelles formes de beauté ? (Une beauté originelle, primitive, un monde préservé de la vie humaine moderne). Ses photographies sont-elles représentatives du monde moderne ? Comment Salgado perçoit-t-il l’humanité ? Se détache-t-il de ce film une vision plutôt positive ou au contraire plutôt négative du monde ? Réfléchir à cette phrase de Salgado : « On est violent, on est un animal féroce ». Interroger les élèves sur cette citation en essayant de comprendre ce qui a amené le photographe à penser

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ceci. Leur demander leurs avis sur la question. Comment Salgado peut-il penser cela ? (Possibilité de partir sur une petite dissertation). Pourquoi Salgado a-t-il désormais décidé de se consacrer à la nature

plutôt qu’à l’espèce humaine ? (Rôle salvateur de la nature). Quels effets positifs pourraient avoir le travail de Salgado sur l’écologie et l’environnement ? Que pensez-vous de son travail de reboisement ?

Salgado au travail, extrait du film Le sel de la terre, 2014. © Juliano Ribeiro Salgado / Filmcoopi Zürich AG

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Pour en savoir plus

Agence de presse se consacrant au travail de Salgado : http://www.amazonasimages.com/

Le dossier de presse du film : http://www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/le-sel-de-la-terre/ Entretiens de Clap.ch avec Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado : https://www.youtube.com/watch?v=qELE2E_dJzk https://www.youtube.com/watch?v=KOnaU9yy3s8 Quelques photos de l’exposition Genesis commentées par Salgado : http://www.telerama.fr/scenes/sebastiao-salgado-dans-mes-photos-j-essaie-de-montrer-que-la-planete-forme-un-tout,102747.php La page wikipédia en français consacrée au photographe : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sebasti%C3%A3o_Salgado Biopic consacré au photographe de guerre américain James Nachtwey. War Photographer, FREI Christian, 2001. Fiche pédagogique e-media.

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Zoé Deuel, rédactrice e-media. Octobre

2014

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Annexes 1 Photo 1

© Sebastião SALGADO / Amazonas images

Le Pacte, distributeur français du film, a autorisé la reproduction de cette image

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Photo 2 Genesis, 2013

© Sebastião SALGADO / Amazonas image Le Pacte, distributeur français du film, a autorisé la reproduction de cette image

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Photo 3 Tribu sud américaine, 2013, Genesis

© Sebastião SALGADO / Amazonas images

Le Pacte, distributeur français du film, a autorisé la reproduction de cette image

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Photo 4 Femme aveugle, Mali 1985, Sahel: l'Homme en Détresse

© Sebastião SALGADO / Amazonas images Le Pacte, distributeur français du film, a autorisé la reproduction de cette image

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Annexe 2: carte du monde

Source : http://www.cartograf.fr/monde/grande-carte-monde-pays-vierge-blanche.php

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PRIX JEAN RENOIRDES LYCÉENS 2014-2015

Le Sel de la terreWIM WENDERS ET JULIANO RIBEIRO SALGADO

Entrée en matièrePour commencer Trois hommes, un film. Le premier, Wim Wenders, chef de file de la Nouvelle Vague allemande des années 1970, est aujourd’hui un cinéaste d’envergure internationale, tant pour ses lieux de tournage, son renom, que ses influences, notamment américaines. Âgé de 69 ans et auteur d’une trentaine de longs métrages, fictions et documentaires confondus, il s’est fait connaître avec des œuvres dont le motif prend appui sur la tradition germanique du Bildungsroman ou roman d’initiation (voir le triptyque Alice dans les villes, Faux Mouvement, Au fil du temps). L’errance, à mi-chemin du road-movie étasunien et du voyage initiatique (Paris, Texas, Palme d’or 1984), constitue la figure matricielle de son art aux accents parfois méta phy-siques (Faux Mouvement ; Les Ailes du désir). Attentif aux vicissitudes du monde moderne, Wenders n’a jamais cessé également de s’inquiéter de l’omniprésence des systèmes de surveillance et de la prolifération des images et des sons. Des films tels que The End of Violence ou The Million Dollar Hotel fustigent les dérives d’une civilisation qui fait de l’image une puissance « souveraine absolue ».

Juliano Ribeiro Salgado (né en 1974 à Paris), le coréalisateur du Sel de la terre, est un journaliste-reporter, sorti de la London Film School en 2003, et auteur de documentaires pour la télévision française et brésilienne. Fils du célèbre photographe Sebastião Salgado qu’il accompagne depuis le début de son dernier projet Genesis en 2004, il est à l’initiative d’un film qui mêlerait ses propres images à celles de son père, film qui témoignerait à la fois de la méthode de travail de ce dernier et de l’histoire de sa vie. Il songe alors à Wenders, ami de son père et photographe lui-même, pour apporter un regard extérieur et la distance nécessaire au projet. Le cinéaste allemand est en effet familier de l’œuvre de Salgado depuis qu’il a acquis quelques-uns de ses tirages et assisté à l’une de ses premières expositions au début des années 1990. Des rencontres, et des discussions, ont lieu entre les deux hommes. Une expédition commune est même envisagée avant que Wenders y renonce pour des raisons de santé. « À la place, j’ai commencé à me concentrer sur le patrimoine photographique de Sebastião », se souvient le réalisateur, « et nous avons alors enregistré plusieurs conversations à Paris. Mais plus j’avançais, plus j’avais de questions à lui poser, et plus la nécessité de plonger dans ses archives s’est imposée. »

Synopsis Le photographe Sebastião Salgado (né au Brésil en 1944) porte sur le monde qu’il parcourt depuis une quarantaine d’années un regard mêlé de fascination et d’effroi. Aujourd’hui, la somme de son œuvre témoigne des heurts et malheurs des sociétés humaines, mais aussi de la beauté du travail des hommes et de la planète qu’il habite. Le Sel de la terre lui rend hommage en essayant de comprendre la portée de son engagement artistique et politique.

Fortune du film Retenu dans la sélection Un certain regard du Festival de Cannes 2014, Le Sel de la terre a été récompensé par le prix spécial UCR. Le public de la Croisette lui a réservé, quant à lui, une standing ovation de plusieurs minutes au terme de sa projection. Le film, promis à une belle carrière, est sorti en exclusivité sur une combinaison de 77 copies.

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PRIX JEAN RENOIRDES LYCÉENS 2014-2015

Le Sel de la terreWIM WENDERS ET JULIANO RIBEIRO SALGADO

ZoomTour de Babel ? Édification des pyramides d’Égypte ? Mines du roi Salomon ? Autant de questions que la voix off de Wenders affecte de poser et qui correspondent à ce que cette photographie en noir et blanc de Sebastião Salgado lui évoque de colossal, de folie épique, d’ampleur biblique.

Un rapide coup d’œil jeté à l’ensemble étonne en effet, et interroge. La faible intensité lumineuse, le contraste limité, la densité du noir et la grande distance entre le sujet et la prise de vue obligent le regard du spectateur à fouiller l’espace du cadre pour identifier des formes, trouver des repères, comprendre le contenu. La texture un peu granuleuse de l’image (argentique) évoque quelque eau-forte ou dessin au fusain. S’agit-il d’une scène figurative, ou d’une proposition abstraite ? L’œil cherche une accroche, une suite de plans, une profondeur de champ. En vain. Il bute sur une sorte d’à-plat charbonneux que la plongée accentue encore. Plus que des lignes (et ce, malgré le statisme de l’image), c’est un sentiment de mouvement massif qui se dégage de l’ensemble. L’impression de capharnaüm, de fourmillement énorme domine. Seul un grand tirage pourrait nous renseigner rapidement – ce que le film de Wenders se proposera justement de faire : montrer en grand (sur grand écran) pour « mieux voir », et comprendre les détails et les intentions des clichés de Salgado (cf. « Matière à débat »).

Il faut donc ici « tendre le regard ». La palette est sombre, les tracés confus, sinueux. L’anthracite domine la partie inférieure du cadre, un gris sale,

poussiéreux termine la partie supérieure. Des lignes, ou des colonnes (d’insectes sur le dos d’un animal ?) apparaissent en pointillés, suite de points grisâtres sur fond noir, et prêtent une verticalité à l’image, qui en constitue l’axe de lecture (de bas en haut, et sur trois niveaux). De hautes et frêles échelles, comme autre indice de lisibilité ou échelle de l’image, donnent une idée de la (dé)mesure du lieu. D’étranges formes bosselées sur lesquelles elles s’appuient, inquiètent. D’autant que le dégradé de gris dynamise le rendu, lui donne des reflets de cuir « bestial ». L’œil, maintenant exercé, peut déchiffrer les « points » minuscules qui représentent des hommes. Les alentours : une immense excavation (de la taille d’un terrain de football) d’où ils remontent avec, posés sur leur tête, des sacs de terre et d’espoir. D’espoir, car nous sommes au cœur de la tristement célèbre mine d’or à ciel ouvert

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de la Serra Pelada, située dans l’État du Pará au nord du Brésil. Là où, en pleine forêt amazonienne et durant 12 ans (1980-1992), 50 000 garimpeiros (chercheurs d’or) se ruèrent pour creuser la terre (leur tombe pour certains) et faire fortune. Or, l’Eldorado se transforma en enfer de boue et de souffrance, faisant de ces êtres les esclaves volontaires de leur propre fièvre.

Tout grouille donc au pied du photographe. Au fond de la fosse (70 à 90 mètres de dénivelé entièrement creusés à la main), des « hommes-termites » grattent la terre, forment de petites cavités correspondant à autant de concessions de 2 mètres sur 3 (au nombre de 3 000 environ, ces concessions employaient une quinzaine d’individus chacune). Les mineurs, agglutinés et en équilibre précaire sur les échelles, portent ici des sacs pouvant atteindre 60 kilos ; les échelles quasiment vides à gauche de l’image servent à redescendre au fond du trou. Au sommet de la photographie, sur un replat ou zone de tractations, une foule « hyper-organisée dans la folie », selon le mot de Salgado lui-même, s’agite encore.

Extraite d’un reportage intitulé La Mine d’or de Serra Pelada que Salgado réalisa pour le défunt Journal de Genève et qui contribua en 1986 à sa notoriété, cette photo-monstre qui appelle tous les superlatifs est aussi l’une des premières que Le Sel de la terre nous donne à voir. Comme si elle était la marque de fabrique du photographe brésilien, la porte d’entrée dans son grand œuvre, à égale distance du photojournalisme, comme témoignage de l’actualité brute, et d’une approche visuelle relevant de la recherche esthétique.

La mine d’or, où rien ne brille, est ici une gueule géante qui dévore des fourmis humaines. L’écart des proportions affole le regard. Les corps minuscules, couverts de boue, semblent fusionner avec la matière, formant une sorte de magma crasseux de chair et de terre. La plastique de l’image est ici entièrement au service du politique, de l’engagement moral. Son enjeu consiste à dénoncer la disparition de l’humanité, à révéler le scandale de l’exploitation de l’homme par l’homme, à dire l’aliénation de ces paysans sous terre.

Carnet de créationLa pratique de la photographie est au cœur des préoccupations cinématographiques de Wenders. Elle est en vérité présente dans tous ses films, dans le choix de ses cadrages, de la lumière, des « couleurs », dans les sujets mêmes, le rôle et la circulation des images, etc. Nombre de ses héros, comme des doubles du cinéaste, ont eux-mêmes un rapport direct à la photographie (Alice dans les villes ; L’Ami américain ; Paris, Texas).

Quand il est contacté par Juliano Ribeiro Salgado, Wenders connaît déjà bien le travail de son père. Le regard, la sensibilité, l’attrait commun pour le noir et blanc, et une amitié vieille de cinq ans lient les deux hommes. Il pense déjà à réaliser un documentaire sur cette œuvre qui le fascine. Outre l’espace cinématographique qu’il entend lui offrir (audience et grand écran), Wenders désire comprendre quel genre d’homme se cache derrière les clichés qui bouleversent tant de gens dans le monde. Il veut découvrir les articulations secrètes qui ont déterminé la trajectoire du photographe, et en particulier ce qui a motivé son œil expert.

Très vite, le cinéaste croule sous l’abondance des images. Non seulement celles du photographe et de ses 40 ans de carrière, mais aussi celles de son fils qui l’a filmé pendant les huit années de gestation de Genesis, l’ultime projet de Salgado à la gloire de la planète. Pour donner de la clarté au portrait, il décide d’adopter une ligne chronologique simple, classique, efficace. Sa puissance dramatique viendra des photos elles-mêmes que Wenders et son auteur choisissent ensemble au cours d’une semaine à passer en revue la carrière du photographe. La sélection des clichés

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Le Sel de la terreWIM WENDERS ET JULIANO RIBEIRO SALGADO

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devra mettre en lumière les principales lignes de force du travail de Salgado, mais aussi son implication militante face aux conflits qu’il prétend dénoncer. Wenders souhaite également souligner l’humanisme chaleureux d’un homme qui, témoin du monde, fait de son œuvre artistique un moyen destiné à alerter les esprits.

Le Sel de la terre repose sur un dispositif minimal. Comme si rien ne devait venir faire obstacle à la lecture des photographies. Deux voix en contrepoint (Juliano Ribeiro Salgado demeurera finalement très en retrait) : celle de Wenders, et celle de Salgado père se livrant à diverses remarques, simples et brèves, sur sa propre production. Les deux hommes sont filmés en noir et blanc afin d’intégrer au mieux les clichés de Salgado dans le continuum des images filmées. Aussi, pour éviter l’écueil du statisme ou de la répétition, Wenders décide d’intercaler au montage quelques extraits des films de son coréalisateur, lesquels offrent un autre angle d’approche, une autre sensibilité, étoffant ainsi le portrait.

L’ultime partie du film est tournée dans la ferme familiale des Salgado à Aimorés (État du Minas Gerais, sud-est du Brésil), là même où le photographe a entrepris dans les années 1990 avec son épouse Lélia de se lancer dans un vaste projet de reforestation, faisant ainsi coïncider son œuvre artistique, Genesis, et l’action écologique. Au final, Le Sel de la terre superpose deux films – l’intime et le professionnel – se nourrissant puissamment l’un l’autre.

Parti pris« Les photos de Salgado pourraient être une scène de Fritz Lang […]. Tout au long du film, l’épopée violente des populations de tous les continents (guerres, exodes, famines) alterne avec la célébration des merveilles de la nature, et l’histoire personnelle de Salgado avec la réflexion sur son travail de photographe. Ce que l’on voit est superbe. Si Wenders a voulu donner à son documentaire une dimension légendaire, on ne s’en plaint pas. La personnalité hors norme du photographe fait un beau héros de fiction. Et le film a ce souffle à la fois intime et cosmique qu’on admire chez un Terrence Malick. »

Marie-Noëlle Tranchant, Le Figaro, 20 mai 2014.

Matière à débatImage fixeEn ouverture du Sel de la terre, Wenders nous rappelle l’étymologie du mot « photographie », du grec phôs, phôtos « lumière », et graphein « écrire », littéra-lement « écriture de la lumière ». Manière pour lui de nous ramener aux enjeux premiers du métier de photographe : capter la lumière pour impressionner la pellicule – et le spectateur – afin de révéler, « faire voir » le monde. La photographie comme miroir de l’humanité où se racontent des histoires en somme.

Le photographe est donc celui qui tend ce miroir aux hommes. Il est un intermé-diaire, un passeur, un regard précieux pour la communauté. Et le regard de Salgado a ceci de particulier qu’il fait de la fixité de son image, la captation de l’instant ou du mouvement, un support nécessaire à l’expression dramatique de son sujet. Comme si ce dernier ne pouvait se révéler que par l’image dans laquelle Salgado le fige. Pour cela, le photographe ne cherche jamais le sensationnalisme (le comble de l’indignité pour un photo-reporter). Il vise toujours, souvent au prix de patients

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efforts en immersion, le contenu informatif, la dramaturgie qui nous parle. Que nous soyons au fond de la mine d’or de Serra Pelada, sur les champs de puits de pétrole en feu d’Irak, en pleine famine au Sahel ou au cœur des forêts congolaises lors du génocide des Tutsis, il y a toujours quelque chose dans l’image – cadrage, lumière, détails – qui, au-delà de tout jugement esthétique, nous alerte ou nous saisit, nous stupéfie ou nous indigne.

Et c’est précisément là que le documentaire de Wenders intervient, et remplit pleinement sa fonction pédagogique. Égrenant les étapes de la carrière de l’ex-photojournaliste, la caméra s’approche des photographies, recadre souvent un élément, traque un effet, souligne un mouvement, étudie un détail qui nous saute soudain aux yeux par l’effet redoublé du grand écran. La caméra se fait alors proposition de lecture en guidant notre regard. Elle interroge l’immobilité des images, nous dit ce qu’elle raconte du geste arrêté, et ce qu’elle contient de charge émotionnelle.

Montrer la misèreL’enjeu majeur de ce film qui regarde le travail d’un homme qui regarde le monde est finalement de chercher à nous montrer pourquoi nous sommes touchés par les clichés de Salgado. Bien sûr, il y a les sujets, souvent âpres, parfois à la limite du supportable, qui choquent le regard. On pense notamment aux photographies des agonisants du Sahel (clichés-palimpsestes qui nous ramènent aussi aux heures les plus sombres du siècle). Une question éthique se pose alors, qui n’est jamais vraiment formulée et qui traverse tout le film (Wenders est ici hors du jugement) : comment montrer la misère la plus effroyable quand on est photographe ?

Si l’approche de Salgado est frontale et dure, elle n’est jamais vile ; l’homme n’est pas voyeur de son sujet. Voyant plutôt. Il ne se situe jamais dans le pathos, même s’il ne cherche pas à éviter l’émotion. Ses photographies nous disent qu’il ne saurait y avoir d’images taboues dès lors que l’humanité est menacée de destruction et que celles-là peuvent contribuer à la préserver. La valeur esthétique qu’elles contiennent, et que l’on a parfois reprochée à leur auteur (on peut regretter que le film reste muet sur le sujet), participe aussi de cet effort et de la prise de conscience collective. Aussi le choix du noir et blanc n’est pas anodin. Il contribue à un dynamisme des formes inversement proportionnel à sa sobriété. Son rendu particulier évoque une rugosité qui touche, qui a rapport au concret, à la réalité des choses et de la vie. La composition plastique, la recherche de l’effet constituent des moyens destinés à « saisir » le spectateur, à fixer son attention, à véhiculer du sens qui s’adresse à son intelligence pour mieux appréhender les sujets sensibles. La qualité esthétique des clichés de Salgado est précisément ce qui permet de dépasser le sujet brut, de s’approprier un peu de ce qui nous échappe pour y faire face, pouvoir le regarder et l’affronter.

L’acte photographiqueWenders a la politesse de s’effacer derrière les images éloquentes de Salgado. Son but n’est pas de gloser, mais de s’approcher un peu du mystère de la prise de vue, cet acte quasi indéfinissable tant il repose sur la brièveté de l’instant, le hasard d’une intuition, d’un geste, d’une lumière, etc. Pour y parvenir, le cinéaste s’appuie d’abord sur les images de son coauteur Juliano Ribeiro Salgado, où l’on voit le photographe en action, ici sur une plage de l’Arctique en pleine reptation vers une colonie de morses, là dans la forêt amazonienne face à la tribu des Zo’é. Résultat : le bon point de vue est non seulement une question d’angle, d’approche et de relation de confiance avec l’environnement, mais aussi de distance, tant physique que morale.

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Moins anecdotique, Wenders inscrit Salgado lui-même dans son dispositif pour tenter de cerner sa technique de travail. Pour cela, il se sert du cinéma en laissant Salgado seul devant les planches de ses propres photos et dans lesquelles il se reflète, créant ainsi une surimpression naturelle d’images. Salgado se retrouve alors face à lui-même, à son art et dans son art qu’il analyse ou qu’il éclaire d’anecdotes, effectuant un voyage à la fois dans le temps et dans l’espace, commentant le passé dans l’espace du présent, contraint d’aller à la rencontre de lui-même, de puiser dans la mémoire visuelle l’expérience souvent douloureuse du corps d’autrefois. Contrechamp des images, la voix de Salgado offre alors quelques pistes de lecture de son œuvre, mais elle permet aussi de découvrir un homme qui a fini par se détourner des souffrances du monde. Vaincu (après sa couverture du conflit au Rwanda en 1994). Anéanti. Pour renaître, il s’est tourné vers un autre combat, écologique celui-là. Parallèlement à Genesis, vaste projet à la gloire des beautés naturelles, animales et humaines qui l’a mené aux quatre coins de la planète durant huit ans, il s’est lancé dans un ambitieux programme de reforestation, créant à la fois une réserve naturelle et une ONG (Instituto Terra) au service de la restauration de l’écosystème forestier.

EnvoiWar photographer (2001) de Christian Frei. Comment les photojournalistes couvrent-ils les grands conflits mondiaux ? Un portrait de l’un d’entre eux, James Nachtwey, de l’agence Magnum entre 1986 et 2001 (où Salgado travailla aussi de 1979 à 1994), que le réalisateur a suivi pendant deux ans au Kosovo, en Indonésie et en Palestine.