le roman de l'espionnage · 2015. 8. 24. · castelot. le roman de la russie insolite, 2004....

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  • LEROMANDEL'ESPIONNAGE

    DUMÊMEAUTEUR

    AUXÉDITIONSDUROCHER

    LeRomandeTolstoï,2010.LesRomansdelaRussieéternelle,2010.LeFantômedeStaline,2007;prixduDroitdeMémoire.LeRomandel'Orient-Express,2006;prixAndré-Castelot.LeRomandelaRussieinsolite,2004.DiaghilevetMonaco,2004.LeRomanduKremlin,LeRocher/MémorialdeCaen,2004;prixLouis-Pauwels,prixduMeilleurDocumentdel'année.LeRomandeSaint-Pétersbourg,2003;prixdel'Europe.L'HistoiresecrètedesBalletsrusses,2002;prixdesÉcrivainsfrancophones.LesTsarines,2002.

    CHEZD'AUTRESÉDITEURS

    NapoléonetAlexandre,Alphée,2010.LesAmoursdelaGrandeCatherine,Alphée/Jean-

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  • qui ne se demandaient pas spécialement comment il se leprocurait.

    Dimitridonnaunenouvelledimensionauxescapadesd'EugèneetMarie.IlconnaissaitleTout-Parisetavaitdesidéessurtout.Iln'avaitpassonpareilpourorganiseruneséanced'essayagederobesoudechapeaux,faisanttournerenbourriquemodistesetcouturièresparsesexigences.Ilentraînamêmesesamisdanslessalons de Mademoiselle Chanel, vantant le génie naissant decette femme étrange et obstinée à délivrer ses semblables ducarcandesconvenancesvestimentaires.

    À vrai dire, ce jeune homme énigmatique faisait tout pourséduire son entourage. Mais à la différence d'Eugène,visiblement sous le charme, Marie le regardait froidements'agiter et discourir, insensible à ses allures anguleuses etinspirées qui, habituellement, impressionnaient tant lesdemoiselles.

    IlsparlaientsouventdelaRussieetdel'Occident,del'art,del'amour...

    «Entre laRussieet la liberté,quechoisirais-tu?,demandaitimpromptuEugèneàDimitri.

    –LaRussie,toujours!»,s'écriaitcedernieravecpassion...

    Constamment entre deux mondes, entre deux factions, entredeux idées, Dimitri entreprenait de disculper la terreur rougesous prétexte que les bolcheviks avaient su sauvegarderl'essentiel:l'Empire.Mi-Rouge,mi-Blanc,alors.

    «Serviteurdedeuxmaîtres?,persiflaitMarie,sansindulgence

  • pourleserrementsd'unepenséeaussivoltigeuse.

    –Ouserviteurdedeuxmaîtresses?», reprenait-il,changeantbrusquementdeconversation.

    Sesamisbuvaient leur thé,Dimitrisefaisaitservirduvin,etils parlaient jusqu'à ce que Marie titubât de sommeil et priâtEugène de la raccompagner chez elle. Quand elle s'éveillaitquelquesheuresplustarddanssonlitbateaudejeunefille,ellelaissait, rêveuse, son regard se perdre dans le ciel de l'alcôvetendue de soie bayadère jaune et bleue. Elle percevait quel'amitiéquiunissaitEugèneetDimitriprenaitimperceptiblementuneautre tournure,pluspolitique ; et elle se sentait excluedecettenouvellecomplicité,encoreindéfinissable.

    Lelendemain, ilsseretrouvaientpouruneviréedansleParisrusse et canaille de Boulogne et de Billancourt. Les deuxfaubourgs accueillaient nombre de leurs compatriotes. Lephilosophe Nicolas Berdiaev habitait Clamart ; la poétesseTsvetaïeva, Meudon ; Nina Berberova vivait à Billancourt...Quant à la communauté des vieux ritualistes, héritiers desfidèles orthodoxes qui refusèrent les réformes liturgiquesintroduites par le patriarche Nikon auXVIIe siècle, elle s'étaitinstalléeàNoisy.

    Boulogne possédait un bois et un champ de courses. On yaccédait par une large avenue bordée d'arbres et de pelouses.Billancourt abritait les usinesRenault ; des tavernes russes etpauvresbordaientuneruecommerçantelaideetsale.Parfois,lesjeunes gens se rendaient dans des quartiers plus prestigieux,chezl'écrivainmystiqueMerejkovskietsonépouse,lapoétesseHippius.

  • Ceux-cirecevaientdecinqàsepttouslesdimanches,au2bisde l'avenue du Colonel-Bonnet, dans le XVIe arrondissement,dansun appartement acheté avant laguerre.En s'y installant ànouveau après la révolution bolchevique, ils avaient eu la joied'y retrouver leur bibliothèque et leurs bibelots.Assis au boutd'unegrandetable,l'écrivainprésidait,telunsultan.Perchéesurle bras du fauteuil de son auguste époux, la poétesse pérorait,faisant et défaisant les conversations. Elle croisait haut sesjambesetportaitavecaudacelestenueslesplusprovocantesdecesAnnées folles. Ses cheveux étaient coupés à la garçonne ;une émeraude pendait sur son front, entre ses sourcils de jais.Unmaquillagecharbonneuxluiassombrissaitl'œiletsesongleslaqués de rougemaniaient son fume-cigarette comme une finearmedepoing.

    Le maître de maison animait les débats d'idées, tandis queZinaïdaHippius s'entourait d'un cercle de jeunes poètes parmilesquelselleaimaitàexercersoninfluence.Cefutd'ailleursaucours d'un de ces cinq à sept qu'un écrivain avait proposé, en1934,deréunirlescentvingt-quatreauteursqu'ilavaitrecensés(on lui reprocha aussitôt de nombreux oublis) en une«Académielittérairede laRussiehorsfrontières»–académiedivisée en trois sections : les « aînés », qui avaient uneréputationassisedèsavantlarévolution;les«candidats»,quiavaient tout juste débuté avant l'exil ; les « jeunes pousses »,commeEugène,dont lavocation littéraire s'étaitmanifestéeoupréciséedansl'émigration.Cetteacadémienevitjamaislejour,mais, endépitde sesambiguïtés, laclassificationproposée futretenue. À la vérité, la vie des écrivains était difficile etinconciliable avec ces constructions académiques quelque peuartificielles.

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  • n'étaient pas non plus étrangers à ce climat de terreur. Desurcroît, selon ledictateur rouge,devant lamontéedes risquesde conflitmondial, toute opposition réelle ou supposée devaitêtremuselée.

    Les grands procès de Moscou, commencés dès 1936,représentent un des aspects les plus spectaculaires de larépressionstaliniennequiatteindrasonapogéeen1937.

    Danscetteatmosphèredélirante,personnenesesentaitàl'abrid'une arrestation, car chaque bourg avait ses accusés. Ladélation,engendréeparlacrainte,fournissaitauxhommesdelapolicesecrèteleurscargaisonsdevictimes.

    Au cours de l'instruction, le procureur général faisait avoueraux inculpés qu'ils étaient liés à d'« autres criminels », puisdemandait d'ouvrir une nouvelle enquête sur la « conspirationfomentée par les personnes citées ». La chute d'un hiérarqueentraînaitalorsnécessairementdescentainesdesesfidèles.Desrelations familiales ou amicales avec une personnalité soudaindésignée comme « ennemi du peuple » rendaientautomatiquement suspect. La responsabilité collective desfamilles,ycomprisdesenfants,futlégalisée,etlapeinedemortdevintapplicableàpartirdel'âgededouzeans!

    C'est dans ce contexte que Dimitri Bystroletov fut installédansunimmeublesurlequaidelaMoskova.L'ambianceyétaitdéprimante.Ilnerestaitplusdanslebâtimentquedesfemmesetdesenfants,parcequetousleshommesavaientétéarrêtés.«Etparfoismêmedesgossestoutseuls»,sedisaitDimitri.

    Il arrivait que les hommes reviennent pour quelques jours,

  • semaines oumois, puis repartent définitivement.Du reste, il yavait tant de gens qui arrivaient on ne savait d'où, restaientquelquetempsetdisparaissaientàjamais.L'atmosphèreétaitàlaméfiance. Personne ne se considérait comme un « ennemi dupeuple»,mais levoisin, lui, l'étaitpeut-être...Dessacsétaientpréparéspour laprison.Lesplussagesprévoyaientunplanderepli pour que leurs enfants puissent être envoyés loin deMoscou,aucasoùilsseraientarrêtés.

    Dimitri essayait de s'évader le plus souvent possible de cequotidien délétère et déambulait dans les stations du métrorécemment inauguré par Staline. À l'époque, les Soviétiquesvivaientd'unemanièretrèsprécaireetcesstationsrehausséesdemarbre, de bronze, parfois même d'or, impressionnaient lapopulation. Le dictateur rouge n'affirmait pas par hasard à sabelle-sœurque lepeupleavaitbesoind'idolesetdesplendeursornementales. D'ailleurs, il choisissait lui-même ces décors,comme le marbre cramoisi de la station Maïakovskaïa ou lesstatuesdel'arrêtPlace-de-la-révolution.

    Unmoisàlacampagne

    Finalement,Dimitridemandaàsessupérieursdel'envoyerunmois à la campagne, dans une datcha située à une centaine dekilomètresdelacapitale.

    Les procès des traîtres à la patrie occupaient la une desjournaux. Le jeune homme avait beau se dire qu'il n'était pasconcerné,personnenes'estimaità l'abridespurgessuccessivesqui décimaientmême les rangs des héros soviétiques.Dimitri,fataliste, pensait que les grandes révolutions ne pouvaient se

  • fairesansvictimes.Lefaitd'avoirréussidesmissionsàl'étrangern'étaitpasunegarantie,etilvoyaitdisparaître,lesunsaprèslesautres, les gens qu'il connaissait. Régulièrement, il étaitconvoquéparleNKVD9.

    Unevoiturenoirevenaitleprendrepourl'emmeneràMoscou.Une ombre passait alors sur le front de Léna, sa logeuse, unejeune et jolie veuve, lui rappelant qu'il pouvait à toutmomentêtre la cible d'une nouvelle épuration. Il y avait de bonnesprobabilités pour que le NKVD l'ait chargée de le surveillerdiscrètement.MaisDimitrines'enplaignaitpas:elleavaitprissa tâche très à cœur et était devenue pour lui une amanteattentive.

    Unsoir, alorsque le tic-tacdespendules rythmait le silence,Dimitri avait vu Léna semettre à genoux sur une chaise pourfaire avancer les aiguilles d'un cartel. Il avait regardé avecinsistance ses cheveuxnoirs remontés en chignon, ses sourcilsabondants et sa poitrine moulée sous un chandail marron. Sesentant observée, Léna s'était retournée et l'avait fixé d'unemanière étrange. Attiré soudainement par ce corps puissant etces yeux bleus bordés de longs cils, Dimitri s'était approchéd'elleetl'avaitembrasséeavecpassion.Puisilluiavaitproposédeboireunverre.

    « Buvez à ma santé, répliqua-t-elle en se détachant de sonétreinte,jevaismelaver.»

    Sans prononcer un mot, Dimitri lui avait emboîté le pas etl'avaitaccompagnéedanslesbainsrusses.Ilnequittaitpasdesyeux la jeune femme, troublépar sanudité, lacourburede seshanches et le triangle anthracite surplombant ses jambes

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  • bivouac.Nonloindelà,deshommesdudjebelvivaientdansdescabanesdebambous et depaille. Ils avaient irrigué la terre et,tout autour de leur village, l'eau de la montagne courait dansd'étroits fossés. Les femmes portaient des amulettes et descaleçons de cuir, leur longue chevelure s'étirait dans leur dosjusqu'à terreet ressemblait à lacrinièred'uncheval.Quelques-unes broyaient de la farine. Un forgeron, assis sur le sable,frappait unmorceaude cuivre ; à côté de lui, un gros souffletétait fixéàdespierreset,de tempsàautre, il tiraituncordeaupouractiverl'instrumentquiranimaitlefeu.

    CettescènerappelaàMariel'ambianceàlacampagne,chezsesparents. Et elle commença de parler de son enfance... SeulMorsini, fumant négligemment une cigarette à l'écart, semblaitattentif à ce curieux rapprochement. Elle sentit qu'elle parlaitpour lui. Son profil avait quelque chose d'obsédant, de mêmeque son attitude générale. Il se tourna, ce qui déclencha, chezMarie, les mécanismes complexes de la mémoire. Elle attrapasoncrayonet sonblocet semitàdessiner,unsourireaucoindeslèvres:«Tiens»,dit-elleenluitendantlecarnet.

    Souslemasqueabsurdequ'onluiavaitmodelécontresongré,Marieavaitretrouvéentroiscoupsdecrayontoutcedontilétaitautrefoissifier:lespommetteseffacées,lesjouescreuses,l'arcdunez,etsurtoutsesyeux.«Tesyeuxaumoinsnechangerontpas»,avaitpressentiLéna...

    «Dimitri,c'estbientoi?»,interrogeaMariedansunmurmure,sesgrandsyeuxbleusfouillantderrièrelevisageinconnupouryretrouverlestraitsdel'amidetoujours.

    Ilacquiesça,incapabledeproféreruneparole...

  • Quandenfinilfutàmêmedeparler,assisàsespieds,sanslaregarder, il se livra pendant plus d'une heure. Une confessionminutieuse, complète, queMarie écouta, horrifiée. L'aveu d'unagentsecretaguerri.

    Il raconta comment, jeune officier, il avait compris que lescivilisationssontmortelles.Ils'étaitassociéauxSovietsdansuneffort désespéré pour sauver la Russie. Il avoua qu'il s'étaittrompé.

    « Je regrette une chose, Marie. C'est d'avoir recruté Eugènedansceréseauquivousmèneratousdeuxàvotreperte.

    «Vousvousrappelezl'affairedeLausanne?C'estIgnaceReissqui fut assassiné, ce jour-là, sur la route. C'était un hommehonnête. Comme vous aujourd'hui, j'étais sourd, alors, à sesprotestations : ilm'avait pourtant prévenu que Staline était demèche avec Hitler. D'ailleurs, le pacte qu'il a conclu avecMolotov et Ribbentrop a confirmé la véracité de cesaccusations.»

    Il décrivit encore les êtres brisés qu'il avait croisés dans lestribunaux de Staline. Il la supplia de cesser de confondrel'UnionsoviétiquestalinienneaveclaRussiedesesrêves.

    «N'oubliezpas,Marie, jevousenconjure : “Rienn'estplustriste que d'évoquer les temps heureux quand on est dans lamisère”,disaitDante.Nevousmartyrisezpasavecdessouvenirsqui ne sont plus. Je suis au désespoir de vous avoir entraînés,Eugèneetvous,danscetenfer.»

    Lajeunefemmel'interrompitavecviolence.Ellenecomprenait

  • pas.Ouplutôt,ellecomprenait tropbien,etcela l'effrayait.Cequirevenaitaumême.ElleinvoqualagrandeurdelaRussie,safoienlarésurrectiondesvaleursanciennesquifaisaientl'âmedeleurpatrie.Dimitriluifaisaitpeur.Oubienildisaitlavérité,etc'était affreux.Ou bien – en bon agent secret –, il prêchait lefauxpoursavoirlevrai.Peut-êtreétait-ilentraindemettresonpatriotismeetsafidélitéàl'épreuve?Ilyavaitdudangerpartoutdans ce qu'il disait. Jamais il ne les persuaderait, ni elle niEugène,derenonceràleurrêvederevenirenRussie.Elleavaitassez de foi pour déplacer des montagnes ! Les obstacles nel'arrêteraient pas.Dimitri n'aurait pas dû revenir si c'était pourtenirunpareildiscours.Iln'avaitqu'àalleraudiable11!

    Dimitriattenditpatiemmentqu'elles'apaiseunpeu.

    « Pardon,Marie. Je voulais seulement vousmettre en garde.Maisn'yrevenonsplus,dit-ilcommeelleouvraitlabouchepourprotesterencore.Jedoispartiràprésent.Loin.Trèsloin.

    «Faites-moiunepromesse:siunjourvousavezbesoind'aide,allezvoirdemapartlepèreAlexandrequi,àPrague,représentel'ÉgliserussefidèleàMoscou.»

    Il avait mis une telle force et une telle solennité dans sademandequ'ellepromit,grave,elleaussi. Il l'embrassapour luidire adieu, bouleversé de la voir si fragile devant le mondeinflexible qui l'attendait. Et comme autrefois dans le train deMarseille, elle le regarda s'éloigner, malheureuse de le voir siaffligé, incapable de faire un geste pour le retenir, sans savoirqu'il emportait comme un précieux viatique le signe de croixqu'ellevenaitdetracersursonfront.

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  • «Voilàquiestclair»,grondaEugèneendressantlepoingversle ciel comme le faisaient autrefois les républicains espagnols.« Il n'y a pas d'autre alternative. Entre Hitler et Staline, nouschoisissonsStaline.Tuesbiend'accord?»

    Safemmehochadoucementlatête,pâled'émotion.

    « Tu dois être consciente que cette résolution implique desdangersetdessacrifices.Mais tudoissavoiraussiquec'est lavoiequej'aichoisiedèsledébut.Pendanttoutescesannées,j'aidûmebattredans l'ombrepournotrecause.L'heureviendradelivrerbatailleaugrandjour!

    – La vie même est dangereuse, mon amour. Nous sommesmariéspourlemeilleuretpourlepire,ajouta-t-elle,nel'oubliepas...»

    Dans ce contexte dramatique, Eugène continua à informerMoscoudesmouvementsmilitairesqui sedéroulaient soussesyeux.Lescombatsfaisaientragedansledésert,auxportesdelacapitaleégyptienne.LesAllemandsetlesBritanniquesmenaientuneluttesansmercipourcontrôlerlarouted'Alexandrie.TantôtlemaréchalRommelétaitrepousséjusqu'àBenghazi, tantôt lesarmées anglaises, à nouveaumises en échec, reculaient sur lescôtes alexandrines, car Montgomery avait dû céder du terrainsous la pression allemande. En juin 1942, la bataille de BirHakeim amena Rommel à moins de soixante kilomètres de laville.

    En apparence, Eugène semblait un amateur de fêtesdécadentes, un habitué de la cour du roi Farouk et un hommeléger qui ne pensait qu'à s'amuser. Mais à Moscou, ses

  • supérieursprenaientdeplusenplusconsciencedelavaleurdesrenseignementsqu'ilétaitenmesuredefournir.Desimpleagent,ildevint l'hommeduNKVDauCaire.Ilutilisaleréseauet lesrelaismisenplacelesannéesprécédentes.Cesvoiesdétournéespermettaient à Beria en personne d'acheminer ses instructionschiffréesentoutesécurité.

    Eugène recevait également d'importantes sommes ennuméraire, dont l'emploi était soigneusement détaillé. Il se liad'amitiéavecuncoupled'opérateursradioquitenaientunepetitebijouterieàcôtédel'aubergedesPyramides.

    Au furet àmesureque lesAlliésprenaient l'avantage, le tondesordresvenusdeMoscouchangeait.Eugènefutchargéd'unemission délicate : il s'agissait de semer la zizanie entrel'AngleterreetleroiFarouk.Ilinventauneintrigueretentissante,laissantentendreàsesnombreuxinterlocuteursque, lasséedesinfidélitésdesonépoux,lareineavaitprisàsontourunamant.Ces bruits ne tardèrent pas à venir aux oreilles du roi et àdéclencherunefollecrisedynastique.

    D'aucuns affirmèrentdès lorsqueFarida avaitmis aumondeunfilsdontFaroukn'étaitpaslevéritablepère.Larumeurenfla.Onchuchotaitqu'ils'agissaitd'uncomplotdesAnglaispourquel'enfantusurpe lacouronnesous la tutellede samère,pousséeparLondresàexercerlarégenceduroyaumeégyptien.

    Cette machination, qui fut rapportée à l'Intelligence Service,inquiétasérieusementlegouvernementdeChurchill.C'étaitunerumeur absurde, mais comme toutes les rumeurs, elle couraitplus vite que la vérité. Tandis que le roi était de plus en plussoupçonneux à l'égard de Londres, la reine se glaçait, outrée

  • qu'ilpuisseaccordercréditàd'aussiinvraisemblablesragots.

    Mais bientôt les événements prirent une tournure inattendue.La bijouterie des opérateurs radio fut cambriolée et sespropriétaires tués. La police ne tarda pas à découvrir tout unarsenaldechiffresetd'émetteurs.LesliensétroitsdesjoailliersavecEugènen'étaientunsecretpourpersonne.Ilenjoignitdoncsafemmedepréparerdesbagageslégerspourelleetsafille.Ilsdevaientpartirimmédiatement.Detoutefaçon,Eugèneluiôtaitdepuislongtempstouteillusiondelibrechoix.

    Quandonvintl'interroger,lagrandemaisonétaitvide.Moscouluiavaitintimél'ordredequitterLeCairedetouteurgencepourserendreàPrague.Iln'yavaitpasd'alternative.Ilfallaitobéir,etvite.Unenouvelleviecommençaitpourlecouple.

    Sorge,virtuosedel'«orchestrerouge»

    Aucoursdecettepériode, leKremlinmultiplia lesstructuresd'espionnage,montantunvéritable«orchestrerouge»composéde virtuoses du renseignement. Parallèlement aux servicessecretsd'État,l'Internationalecommuniste(Komintern)fondaundépartement organisant le travail des émissaires « illégaux » àtraverslemonde.

    Savaient-ils,cesmilitantsduKomintern,quelesinformationsqu'ils transmettaient étaient destinées aux services secretsmoscovites ? La question est purement théorique, car pourl'écrasantemajoritédescommunistesde l'époque, lecombataunomdelarévolutionetladéfensedel'Unionsoviétique,«patrieincontestéedusocialismeréel»,seconfondaient.

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  • pouvait en effet accéder facilement aux milieux dirigeantsantirépublicains.

    «MablessureenEspagne,affirmera-t-ilplustard,mefacilitaénormément le travail, tant pour le journalisme que pour lerenseignement.»

    Stalineabandonnatoutefoissonprojetde«liquider»Franco.Il fautdireque,depuis leprintemps1937,Moscouconcentraitson attention sur les affrontements internes du camp desrépublicains et surtout sur l'éliminationdes trotskistes.Vers lafindecetteannée,enUnionsoviétique,latraquedes«ennemisdupeuple»pritlepassurlacollectederenseignements.

    Pendant les purges, les talents exceptionnels des « cinq deCambridge»demeurèrentensuspens.Enlisédanslaparanoïadela Grande Terreur, Staline suspectait la plupart de ses agentssecrets.

    Latensioninternationaleétaitàsoncomble.Le30septembre1938furentconcluslesaccordsdeMunich.Tandisqu'àLondresChamberlainétaitaccueillienhéros,brandissantunefeuilledepapier sans valeur contresignée par Hitler, à Paris, ÉdouardDaladierfaisaitégalementunretourtriomphal.

    Choqués par la « lâcheté des dirigeants occidentaux », les« cinq de Cambridge » étaient à mille lieues d'imaginer que,moinsd'un anplus tard,Staline signerait unpacte avecHitler.Poureux,Munichconfirmaitlajustessedeleurengagement.

    À l'époque, Staline en conclut que le renseignement enGrande-Bretagne était « fondé sur des sources douteuses

  • contrôlées par des ennemis du peuple, et donc extrêmementdangereux ». Il rompit tout contact avec les « cinq ». Certes,leurs informations étaient enregistrées,mais le dictateur rougene s'y intéressaitguère.Paradoxalement, cemanqued'attentionn'entama nullement l'ardeur de ces derniers. Burgess devintl'assistantd'unparlementaireetseconstruisitunesortedesous-réseau personnel, s'appuyant largement sur ses relationshomosexuelles.À tel point queBeria commença à surnommerles«cinqdeCambridge»,«monHomointern»!

    Lespectaclequ'offritStalinebuvantàlasantéduFühreravecJoachim von Ribbentrop, ministre allemand des Affairesétrangères, lors de la signature du pacte de non-agressiongermano-soviétique, le 23 août 1939, bouleversa les agentsbritanniques. Cependant, ils continuèrent de remplir leurmission.

    Durant l'été 1940, Burgess parvint à faire embaucher KimPhilby à la section D du MI6. Celui-ci fut alors chargé del'«instructionpolitiquedessaboteursdestinésàêtreenvoyésenEurope».Pourtant,Moscoudemeuraméfianteàsonégard.Elles'étonnait notamment des informations selon lesquelles laGrande-Bretagne n'envisageait pas d'envoyer des saboteurs enURSS.

    Dansl'intervalle,Philbygrimparapidement leséchelonspouraccéder, quatre ans plus tard, à un poste clé : celui deresponsable de la section de surveillance des activitéssoviétiquesetdespartiscommunistesdumondeentier.Queljeude dupes ! Cet agent de Staline, intelligent, charmeur, parlantcinq ou six langues, était chargé de coordonner la lutte desBritanniquescontrelesespionsduKremlin!

  • Audébutdumoisd'avril1942,Moscouprocédaàuneanalyseexhaustive des dossiers communiqués l'année précédente parPhilby. Les conclusions lui furent défavorables. Le Kremlinrefusa d'admettre que les services spéciaux britanniques, alorspresqueentièrementvouésàl'effortdeguerre,attachaientmoinsd'importanceàl'espionnagecontrel'URSS.

    Encoreunparadoxedel'histoire:les«cinqdeCambridge»,qui passeront plus tard pour les plus grands agents secrets deMoscou,nebénéficiaientplusalorsd'aucuncrédit,parcequ'ilsavaient échoué à apporter la preuve d'une vaste conspirationcontrel'Unionsoviétique.Complotévidemmentimaginaire,maisauquelStalinecroyaitfermement...

    Enoctobre1942,ledictateurrougeécrivitàsonambassadeuràLondres:

    «ÀMoscou,nousavonstousl'impressionqueChurchillviseladéfaitede l'URSSpourpouvoirpactiseravec l'AllemagnedeHitlerauxdépensdenotrepays.»

    Le25octobre1943,MoscouinformalarésidencedeLondresqu'il ne faisait désormais plus de doute que les « cinq deCambridge » étaient des agents doubles travaillant pour lesservices secrets britanniques ! Ces informateurs ne servaientdoncqu'àintoxiquerleKremlin.

    Le rapportdePhilby (selon lequel laGrande-Bretagnen'étaitalors nullement engagée dans des opérations contre l'Unionsoviétique)futqualifiéparMoscoude«manifestationévidentede désinformation ». Cette théorie du complot expliquaitcependantmalpourquoiles«cinq»parvenaientàlivrertantde

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  • aimaitparticulièrement.

    Le pèreAlexandre avait gardé pour la fin la grande nouvellequ'ilapportaitàEugène:avantderepartirpourPrague,ilavaitété convoqué par Beria qui lui avait demandé de regagnerMoscou pour de bon. Son interlocuteur lui avait proposé deprendreavecluisesplusbrillantscollaborateurspraguois.

    «Chersamis,dit-illesyeuxbrillantsdejoie,vousrentrezenRussie.VousvenezmerejoindreàMoscou!»

    IlleurcachasoigneusementquelapremièreréactiondeBeriaavaitététrèsdéfavorable:

    «Quoi? Ils sontencoreenvie !C'estunmiracle,monpère.Vousêtessûrdeteniràcesgens-là?Ilsonttoujoursmenéunedoublevie!»

    Puis il avait ajouté avec un haussement d'épaules que,puisqu'ils y tenaient tellement, Eugène et sa femme seraientautorisésàrevenirenUnionsoviétique.

    Cefutuneexplosiondejoie.Mariebaisamillefoisl'icônedelaSainteFamille.Lepopeessayadetempérersesillusions:ellene retrouverait pas lepaysdont elle rêvait.Peu importait.Ellerentraitchezelle,danssapatrie.C'étaitlafindel'exil.

    Ils refirent leurs bagages. Tous trois quittaient laTchécoslovaquie.DirectionMoscou.

    LesminaretsdeSamarkand

  • Quand le haut-parleur annonçaOujgorod, le bourg ukrainienquimarquaitlafrontièreentrelaTchécoslovaquie,laPologneetlaRoumanie,Marieblêmit.

    Le contrôle se passa sans incident. Leurs papiers étaient enrègle.LepèreAlexandreavaitveilléà tout.Ledouaniersévèreavaitfeuilletélespasseports,maisellen'avaitpasétérefouléedupaysqu'elle avait fui autrefois, commeelle l'avait tant redouté.Elle venait de réaliser son rêve, le rêve de tout exilé. Rentrerchezelle.

    Mariedistribuaàsonépouxetàsafillelesfleursqu'elletenaitserrées sur sapoitrineet tousdeux jetèrent leurbouquetavantque le train ne reprît de la vitesse. Une pluie de couleurstourbillonnantess'égailladélicatementsurlaterregorgéed'eau.

    Envahis par l'émotion, Eugène et Marie commencèrent àchanter. Ils ne quittaient pas du regard les paysages quidéfilaientderrière lesfenêtres, l'herbeneuveetvive, lesfiguresgracieusesdescoucousdansleciel...

    Commeunepromessetenue,lavierecommençait.Cela,Marieycroyaitdetoutessesforces.Soncœurbattaitàexploser;ellese représentait les visages de ses parents,mêlait les souvenirsauxvisionsdel'avenir.Elleétaitfièred'êtrealléeauboutdesonrêve. Enfin, les coupoles dorées des églises moscovites luiapparurent.

    Justeavantd'arriveràMoscou, le trains'immobilisaquelquesinstants,puisrepartit.Maries'enétonna.

    «Ilsontdûnousfairechangerdevoiepourlaisserpasserun

  • trainplusrapide,larassuraEugèneensereplongeantdanssonlivre.

    –Maisnon!,s'écria-t-elle.Ons'éloigne!Quesepasse-t-il?»

    Incrédule, elle se laissa choir sur labanquette.Àcet instant,quelqu'unfrappaàlaporteducompartiment.MarieallaouvriretsetrouvanezànezavecunofficierduMVD–l'organequiavaitsuccédéauredoutableNKVD–enuniformebleuauxépaulettesdorées.

    «Jedoisvoustransmettreunmessagedenossupérieurs,dit-il.Il a été décidé que vous devrez passer quelque temps enOuzbékistan, àSamarkand.Voici les ordres écrits.Vous aimezl'Orient, n'est-ce pas ? Et la vodka ! », ironisa-t-il en leurremettant unemusette contenant du saucisson, du pain noir etunebouteilledevodkacommeuniqueboisson.

    Marie ferma les yeux et semit à pleurer en silence. Eugènebaissalatête.Iln'yavaitrienàajouter.Ilsavaienteul'espoirderentrerchezeux ; àprésent, ilsyétaient sansyêtre.Marieneprononça pas une parole durant l'interminable voyage qui, debifurcation en bifurcation, les emmena à travers leKazakhstanjusqu'en Ouzbékistan. Elle se sentait bafouée. D'une certainemanière,Eugèneretrouvaitunfoyer : retournervers l'Orientnepouvaitqueluiplaire...

    ÀlagaredeSamarkand,lesgensduMVDn'eurentaucunmalà reconnaître le couple. Ils semblaient débarquer d'une autreplanète : Eugène en costume prince-de-galles, Marie dans unélégant tailleur de tweed acheté lors de son dernier séjour àParis.

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  • travaux à Samarkand et à Boukhara. «Moscou vaut bien unemesse!»,conclut-ilenbonfrançais.Etjusqu'àlafindesavie,ileutdroitàcesdeuxmoisannuelssouslesoleilouzbek.

    Marie reçut la nouvelle avec effusion. Elle allait enfin vivredans lacapitaledupays.DeuxansetdemienOuzbékistan luiavaient paru deux siècles. Ils refirent une nouvelle fois leursbagages...

    Dans leur logisdesbordsde laMoskova,d'où l'onavaitunevueimprenablesurleKremlin,lavieducoupleprituntourtrèsagréable. Leur foyer, qui gardait le parfum de Paris, attiraitcomme autrefoismusiciens et écrivains. Les paysages d'Orientpeints par Marie et les pièces d'archéologie rapportées deSamarkandparEugèneapportaientunetoucheexotique.

    Marie avait repris seshabitudes fantasques, sespique-niquesimproviséssursongrandtapispersan,sesconcertsimpromptus,ses fameuses « nuits blanches » où l'on parlait passionnémentmusiqueetpoésiejusqu'àcequel'aubeblanchîtlesfenêtres.

    À cette époque, le rideau de fer fut entrouvert. On vit àMoscou Yves Montand et Simone Signoret ; des hommesd'affairesetmêmequelquestouristesallèrentjusqu'àLeningrad.Maislecouplen'avaitpasledroitdefréquenterdesétrangers:ilétaittoujoursprisaupiège,étroitementsurveilléetécoutéparleKGB.CarsiEugènen'appartenaitplusàproprementparlerauxservices secrets, il était souvent l'invité des officiers duKGB,dont il fréquentait les datchas des environs de Moscou pourd'informelles séances de réflexion où ses talents d'analysteétaientappréciés.

  • Lespremiersmoisd'hiver ledéprimaient toujours. «Manquede soleil ! », déplorait-il. Mais le moment de son expéditionannuelle à Samarkand arrivait et il s'impatientait. Il partiraitaprèslenouvelan.

    Àvraidire,àMoscou,Eugènen'avaitpasperdul'habitudedemenerunedoublevie.Ainsipouvait-onlevoir,chaquesamedi,s'absenterdechezlui,unepetiteserviettesouslebras.Ildisaitàsa femme qu'il se rendait à la piscine. Mais en sortant de lastation de métro Dynamo, il remontait en direction del'hippodrome. Les habitués du champ de courses leconnaissaient bien. L'honorable professeur, avec sa barbicheargentéeetsaserviettenoire,jouaitgrosjeu.IlavaitcontractéenOrientunevéritablepassionpourleschevaux.

    Jamais lapègrede l'hippodromene s'intéressa à lui, endépitdessommesimportantesqu'iltouchait.Quandlesjeunesvoyousdemandèrentauparrainduquartierpourquoiilétait interditdetaxercejoueur,laréponsefutclaireetdéfinitive:onnetouchepasaux«sosied».

    C'est ainsi que les Russes « avertis » avaient coutume denommer les gens des services de sécurité.Un terme qui venaitdes années 1920, du temps où le commissariat du peuple auxAffaires étrangères résidait au centre de Moscou. Ses voisinsétaient les«proches»,membresdelaGPU,l'ancêtreduKGB,qui avait ses bureaux place Loubianka. Il y avait aussi les« voisins lointains » du commissariat du peuple à laDéfense,quidemeuraientplusàdistance27.

    «Etquandbienmêmecene seraitpasunagent secret, avaitajoutél'escroc,ilnefautpasytoucher.C'estunvéritablejoueur,

  • comme il n'en existe plus. Il suffit de l'entendre parler deschevaux arabes.Ce camarade est une encyclopédie vivante descoursesetunpoèmeàlagloiredujeu!Lepremierquil'ennuieauraaffaireàmoi!»

    Ilsseletinrentpourdit.

    Eugène fréquentait aussi les orientalistes de Moscou ets'offraitchaquemoisunebeuverie«entreespions»àladatchade Kim Philby, le plus célèbre agent soviétique, dont il avaitautrefois croisé le père enÉgypte.La boisson avait longtempsétéunedesespassions,mais,endehorsdecesséancesavecsesvieuxcamarades,ilavaitpratiquementcessédeboire.

    Pendantcessoiréesbienarrosées,Philbyévoquaitsouventsafuite pour Moscou. Il était surtout fier d'avoir tenu bon silongtemps face aux accusations des services secrets et desmédiasbritanniques.

    En effet, en 1951, la presse occidentale ayant révélé queBurgess et MacLean se trouvaient bel et bien en Unionsoviétique, un parlementaire britannique demanda au PremierministredeSaMajestécombiendetempslegouvernementavaitl'intention de couvrir les activités douteuses du « troisièmehomme»,dénomméPhilby.

    LaréponseduPremierministrefutclaire:

    «Nousn'avons aucune raisonde conclurequeM.Philby aitjamais trahi sonpaysouqu'onpuisse l'identifieràunéventuel“troisièmehomme”,pourautantqu'ilyenaitjamaiseuun.»

    Officiellement blanchi, Kim Philby put donc déclarer, lors

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  • Pendant quelquesmois, il réussit notamment à convaincre laCIA que la rupture de l'URSS avec la Chine (qui futauthentique),audébutdesannées1960,étaituncoupdebluffdu Kremlin à l'intention de l'Ouest ! Golitsyne aurait mêmeaffirméquelePrintempsdePraguede1968–cetélannettementperceptible du peuple tchécoslovaque vers la liberté – n'étaitqu'une « astuce communiste » ; ou encore que le Premierministre britannique, Harold Wilson, avait été un agent duKGB31.

    LesapproximationsdeGolitsyneposèrentbiendesproblèmesauxservicessecretsaméricains.Lafiabilitédesrenseignementsd'un agent double est si difficile à évaluer... L'Occident en futdonc réduit à prendre ces informations pour argent comptant,avec tous les risquesd'intoxicationquecela impliquait.Ce futuntempsdesuspiciongénéralisée.Danscetteambiancefuneste,personnenesesentaitàl'abri.

    En France, cependant, les répercussions furentparticulièrement importantes. Au printemps de 1962, John F.Kennedy en personne rédigea une lettre qu'un envoyé spécialremitenmainspropresauchefde l'État français, legénéraldeGaulle.Cettemissiveultra-secrète,baséesurles«confidences»deGolitsyne,mettaitencauselesservicesfrançaisetlecabinetmêmedugénéral,quisemblaientavoirété«pénétrés»pardesagentssoviétiques.

    John F. Kennedy expliquait sans ambages pourquoi il avaitpréféré faire parvenir ce pli directement : « Les canaux de ladiplomatienesontplussûrs!»Leprésidentaméricaintenaitsessources à la disposition de tout émissaire « fiable » que legénéraldeGaullejugeraitdignedeconfiancepourêtredélégué

  • auxÉtats-Unis.UnventdepaniquesouffladanslespalaisdelaRépubliquefrançaise.

    De Gaulle choisit personnellement son homme « digne deconfiance », le général de Rougemont, directeur du 2e bureau(renseignements) de l'état-major de la Défense nationale. Unesemaineplustard,cetenvoyétrèsspécialserenditàWashingtondans le plus grand secret. Ni le SDECE, ni la DST, nil'ambassadedeFranceauxÉtats-Unisn'avaientété informésdecettevisite.

    Dans la capitale américaine, le haut fonctionnaire interrogeaGolitsyne pendant presque dix heures, en présence dedignitairesaméricains.D'abordcirconspect, ilsaisitrapidementlecaractèreexplosifdesrévélationsmettantendangerlasécuritéde l'État français. Non seulement Rougemont ajouta foi auxallégations du transfuge, mais il demanda qu'une cellulespécialisée du contre-espionnage fût immédiatement à piedd'œuvre pour recueillir des indices sur les agents soviétiquespostés en France. Une équipe mixte de six experts (SDECE-DST)seconstitua.

    Les audiences de Golitsyne allaient se prolonger des mois,voiredesannées.Toutesfurentévidemmentenregistrées.Danslafoulée, plusieurs spécialistes du contre-espionnage firent lanavetteentreParisetWashington,afindesoumettreautransfugedevolumineuxdossierscorrélésàsessoupçons.

    À l'appui de ses indications, de nombreuses personnalitéssuspectées par Paris furent passées en revue. Aucun corps del'État français n'était épargné. Des policiers, d'honorablesdéputés,deshautsfonctionnaires,desdiplomates,desofficiers

  • supérieursetmêmedesministres,tousfurentfichésetleurvie,leursdispositions,leurstravers,disséqués.Lesaffaireslesplusintimesfurentexaminéesàlaloupe.Delongsmoiss'écoulèrent,mais aucune sanctionne fut prise, aucune arrestation signalée.Cela produisit l'angoissante impression que les gouvernementsoccidentauxprotégeaient« leurspropres taupes» (toutcommel'establishment britannique lors de la mémorable fuite dePhilby).

    En attendant, à Moscou, l'évaluation de la mésaventureGolitsyne donna lieu à une de ces litanies habituelles dans lapuretraditiondelalanguedeboisduKGB:

    Le cas du traître Golitsyne, ambitieux et vaniteux, est l'exemplemêmed'unreprésentantdelafamilledescarriéristes.Aumilieudesannées1950,ilaréagidouloureusementàunerétrogradation:ilnetoléra pas que ses fautes et ses impairs fussent mis en évidence.Soulignant ses qualités exceptionnelles, il se dit que seule lamalchance l'avait empêché de réussir à devenir officier supérieursous Staline, alors qu'il le méritait amplement. À la fin de l'année1961,Golitsyneatouttentépourconnaîtrelecontenudel'évaluationnégativerédigéeàsonsujetàl'intentiondeMoscou.LarésidenceduKGBd'Helsinkiaacquislaconvictionqu'ilafiniparenapprendrelateneur et que, la sachant, il pouvait s'attendre à une dégradation...Alors,ils'estréfugiéauxÉtats-Unis.

    Commeauxautrestransfuges,leKGBluiattribuaunnomdecode péjoratif, « le Bossu ». Cherchant à le discréditer, onpersuada un contrebandier répondant au pseudonyme de«Mustapha » de dénoncer la participation de Golitsyne à untraficàlafrontièrefinlandaise.

    Enréalité,leKGBn'étaitpasdupemaisparfaitementavisédufait que Golitsyne avait livré à la CIA une somme de

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  • KGB.

    «Qu'ilsaillentaudiable–cesontdesvieillardsaujourd'hui,déclara Andropov. Trouvez-moi des traîtres plus récents etj'approuveraileurexécution.»

    En décembre 1975, un agent double travaillant pour lesAméricains45 fut embarqué dans une voiture après avoir étéattiréenAutrichepardesofficiersopérationnelsdelarésidencede Vienne ; ils devaient l'exfiltrer à Moscou afin qu'il y fûtinterrogé.Maislesédatifinjectéautransfugepourl'empêcherdese débattre sur la banquette arrière était si puissant qu'il enmourut...

    Pendant la guerre froide, un officier du KGB en poste àWashington se vit confier une unique mission : localiser lestransfuges.Enguisedecouverture, iloccupait lesfonctionsdechef adjoint du département consulaire, ce qui lui donnait unexcellent prétexte pour enquêter au sein des servicesd'immigrationetdenaturalisationoudescabinetsdejuristes.

    Bien plus tard, en 1992, le transfuge le plus éminent fut lecolonel Ochtchenko qui avait été délégué à Paris sous lacouverture diplomatique de conseiller de la représentation del'URSSàl'Unesco.RecrutéparleMI6dix-septansauparavant,ilfutdiscrètementexfiltréenGrande-Bretagne.Ilappartenaitaurenseignement scientifique et technique. Ochtchenko devaitbénéficier d'une promotion à l'issue de samission à l'étranger,qui touchait à sa fin. Le transfuge, désenchanté par laperestroïka de Gorbatchev, laissa entendre qu'il s'était lié auxservicesbritanniquespourmenerun«combatidéologique».Parlasuite,cependant,undesesofficierstraitantsprétenditquesa

  • motivationavaitétépurementlucrative...

    L'agent qui trahit ainsi sa centrale prend un grand risque etdoit faire preuve de beaucoup d'habileté. Il se retrouve un peudans la peau d'un schizophrène : il lui faut continuer à secomporter en parfait officier de renseignements pour ne paséveillerlessoupçonsdesonserviceetsatisfaireenmêmetempsauxexigencesdesesmanipulateurs.Àcerégime,pasétonnantquecertainscraquent!

    Les alliés de Moscou au sein du bloc soviétique, et plusparticulièrement les Bulgares, se montraient beaucoup moinsprudentsqueleKremlin.Lezèleaveclequelceux-citraquaientles«traîtres»quis'étaientréfugiésàl'étrangerdevaitbeaucoupà l'exaspération du dictateur bulgare, Todor Jivkov, qui nesupportaitpaslescritiquesetlesrailleriesdesexpatriés.Lepluscélèbre auteur de l'émigration, Georgi Markov, se livraitrégulièrementàdescommentairessurlacorruptionetlesexcèsdurégimedeSofiasurl'antennebulgareduWorldServicedelaBBC et sur Radio Free Europe. Il ridiculisait volontiers leleader communiste, lui reprochant son médiocre sens del'humour, sa brutalité de « policier de village », son penchantpourles«phrasespompeuses»etsaprétentionàêtreungrandchasseur.

    Audébutde1978, leministrede l'IntérieurbulgaredemandaauKGBde l'aider à liquiderGeorgiMarkov.Cette requête futexaminée lors d'une réunion présidée parAndropov, à laquelleassistaient ses deux adjoints et Oleg Kalouguine, le chef ducontre-espionnage. Peu enthousiaste à l'idée de prendre desrisques pour les Bulgares, Andropov se rendit finalement àl'argument selon lequel un refus constituerait un affront

  • intolérablepourleurdirigeant.

    «Mais, insista-t-il, iln'yaurapasdeparticipationdirectedenotrepart.DonnezauxBulgarescedontilsontbesoin,montrez-leur comment s'en servir et envoyez quelqu'un à Sofia pourformerleurshommes.Unpointc'esttout.»

    LeKGBmit à leur disposition les ressources du laboratoireultrasecretdepoisons46.L'armeducrimefutdissimuléedansunparapluieaméricainfaisantpartied'unlotachetéparlarésidencedu KGB à Washington. La pointe du parapluie avait ététransformée en pistolet à silencieux. Cette arme tirait deminuscules plombs contenant une dose létale de ricine, unpoisonextrêmementviolentextraitdesgrainesdericin.

    Le7septembre1978,alorsqueMarkovattendaitàunarrêtdebussurWaterlooBridge,iléprouvaunelégèrepiqûreàlacuissedroite. Se retournantmachinalement, il aperçut derrière lui unhommedeboutquiavait laissétombersonparapluie.L'étrangers'excusa,ramassal'objetets'engouffradansuntaxiquiattendaitàproximité.Markovneressentitaucuneffet immédiat.Mais iltomba gravement malade le lendemain et mourut à l'hôpital.L'autopsie permit de retrouver un tout petit plomb dans sacuisse.Laricine,conformémentauxprévisionsduKGB,s'étaitdécomposée.

    L'assassinat de Markov attira l'attention d'un autre émigrébulgare,VladimirKostov,quiavaitétévictime,le26août,d'uneétrange agression à Paris. Près d'un mois plus tard, le25 septembre, un plomb en acier dumême type que celui quiavaittuéMarkovfutextrait,encoreintact,dudosdeKostov47.

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  • achevéedelaconscienceprofessionnelle(c'estledevoirdetoutespion que de connaître intimement l'adversaire), une attitudemachiavéliqueouunnon-conformismeréel?

    Son ton courtois, son curieux sourire inspiraient à sesinterlocuteurs une sorte demalaise ; il semblait vouloirmettreautrui en confiance, sanspour autant répondre auxéventuellesinterrogations. Ses yeux étaient tout aussi inquiétants ; ilschangeaientsoudaindecouleuretl'oncroyaityvoir,derrièreseslunettes,uneflammeglaciale.

    Cette réputation libérale ou moderniste du chef du KGBreposaitégalementsurdesfaits tangibles.Ilavaitété,audébutdesannées1950,l'undesartisansdu«compromisfinlandais»:le maintien d'une Finlande semi-indépendante, « bourgeoise »mais « neutre », fonctionnant comme un sas étanche entrel'URSSetl'Occident.

    Ambassadeur en Hongrie, il avait certes dû diriger larépressionaprèsl'insurrectiondel'automne1956etsacrifieraupassage des hommes sur lesquels il avaitmisé (comme le chefdesréformistes,ImreNagy),maisilparvintfinalementàmettreenplaceungouvernementàlafoisrelativementmodéréetloyalàl'URSS.

    Plustard,àlatêtedudépartementducomitécentralchargédesrelationsavec lespartis socialistesetouvriers55, il approfonditcesméthodesenencourageantnotammentdes«partisfrères»àse réclamer d'un marxisme hybride, métissé, selon le cas, de« libéralisme bourgeois », de nationalisme ou même dereligiositéchrétienneouislamique.

  • «JenesaispassiAndropovcroyaitausocialisme,meconfieraYakovlev, futur idéologue de la perestroïka, mais il fut unnéostalinienconvaincu.»

    Le nouveau KGB, tel qu'Andropov le remodela à la fin desannées 1970, était plus proche de l'Okhrana tsariste56 que duNKVD des grandes purges ; un instrument de contrôle plutôtque de terreur, même s'il habillait ce choix d'une citationambiguëdeStaline:«L'importantn'estpasquelepoingfrappe,mais qu'il soit toujours suspendu au-dessus de chacun... » Ilsoutiendrait les réformistes « désireux de travailler au sein dusocialisme », mais briserait les autres, qui n'étaient que « desdissidentsetdestraîtres»...

    Andropov raisonnait en termes tranchés.D'un côté, il y avaitl'URSS,leparti,«lespayset lespartisfrères».Del'autre, lesÉtats-Unis, l'Occident, l'impérialisme. Et entre les deux, il nepouvait imaginer qu'une lutte de tous les instants. Ce quin'excluaitpas,bienentendu,lesoucidel'efficacité...

    ÀlatêteduKGBde1967à1982,ilessayaainsidemaintenirlasubversionidéologiqueaupremierrangdespréoccupationsdel'équipe dirigeante. Parfois, son approche devenait carrémentsurréaliste. Pouvaient ainsi atterrir sur son bureau des affairesaussi futiles (selon les critères occidentaux) que les activitésd'un petit groupe de Témoins de Jéhovah au fin fond de laSibérie ou la publication à Paris, sans autorisation, d'unenouvelle d'un auteur soviétique. Les dissidents qui avaientrencontré peu d'écho dans la population occupaient lesdiscussionsduKremlindesheuresdurant.

    Àl'intérieurdupays,commeledépeintavecjustesselaViedes

  • autres, le film primé aux Oscars en 2007, il appartenait auxservices secrets d'enregistrer tout ce qui se murmurait nonseulement au sein des usines, des administrations et desfamilles,maisaussiàl'étranger57!

    Andropov n'était pas enclin à l'indulgence envers sesadversaires.Enmai1981setintunegrandeconférenceduKGB.LechefduKremlin,Brejnev,épuiséparlamaladie,yprononçaundiscoursultra-secretfustigeantlapolitiquedeReagancommeune«gravemenacepourlapaixmondiale».

    Puis Andropov prit la parole et, à la stupéfaction générale,annonça que le KGB et le GRU (le renseignement militaire)allaient pour la première fois coopérer. Le président du KGBexpliquaque l'objetdecetteassociationétaituneopérationderenseignementàl'échellemondiale,l'opération«RYAN58».

    Il s'agissait de collecter des informations sur le projet(parfaitement imaginaire) prêté à l'administrationReagan d'unepremière frappe nucléaire sur l'Union soviétique. Ce fantasmeillustremagistralementl'inaptitudedel'espionnageduKremlinàdéchiffrer la politique américaine, se fourvoyant dans une«théorieducomplot».

    En novembre 1982, Andropov devint le chef du Kremlin,succédant à Brejnev. Mais il garda tout pouvoir sur le KGB.(D'ailleurs, ses visiteurs les plus assidus étaient des officierssupérieurs des services secrets.) Tout au long de son brefmandat,cettechimériqueopération«RYAN»allaitdemeurerlapriorité absolue du Kremlin. Pendant plusieurs années,l'espionnage de Moscou succomba à ce que son propreambassadeur à Washington59 appela une « interprétation

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  • D'ailleurs, le président duKGB,Krioutchkov, confirma danssesmémoiresquelesservicessecretssoviétiquesavaienteuventde cette position : avant la chute dumur de Berlin, Yakovlevs'étaitrenduenRDAafindevoirauprèsdesesinterlocuteurs,entouteconfidentialité,«silaréunificationn'étaitpaslasolutionàlastabilitéenEurope».

    Enattendant,leKGBnecessaitd'alerterGorbatchevdessuitesdel'évolutiondelasituationenRDA,défavorablesauxintérêtsdel'URSS.

    L'histoire aurait pu s'achever bien autrement, dans la guerrecivileetdesflotsdesang.Pourtant,leMuresttombé.

    À l'époque, les discussions furent rudes au Kremlin. Car ilexistaitunplanprécis,misaupointparleKGB,pourstopperladégradationdelasituationenAllemagnedel'Est68.Lesultimesréunions mirent en présence les représentants de la tendancedure(lechefduKGBKrioutchkovetleministredelaDéfenseYazov)et lespartisansde la tendance réformatrice (l'idéologuedelaperestroïkaYakovlevetleministredesAffairesétrangèresChevardnadze),faceàunGorbatchevarbitredesdébats.Etunedivergence se profila – inéluctable – entre les réformisteshumanistesd'unepart, lesconservateursduparti et leKGBdel'autre.

    Ce fut donc précisément au cœur du pouvoir moscovite ques'enracina le « miracle » du démantèlement du Mur le9novembre1989.Yakovlevémitunargumentdécisifàl'adresseduchefduKremlin:

    «Sinousutilisonslaforce,nousdevenonslesotagesduKGB

  • etdel'armée.Ceseraalors lafindesréformesenURSSet,aufinal,nousseronschassésdupouvoir.»

    Gorbatchev trancha. En cela, il restera certainement l'un dessymbolesdecetteépoque.

    OutrelesoutiendesafemmeRaïssa,quifutsaconseillèreetson égérie politique, le facteur économique influença sadécision. Le Kremlin réalisa qu'il n'avait pas les moyens depoursuivrelacourseauxarmementsnila«guerredesétoiles».Lecoûtdel'Allemagneetdespaysdel'Estavaitétéchiffréà40milliards de roubles. S'en débarrasser permettrait de redresserl'économie, de se rapprocher de l'Europe et de recevoir, enéchange,uneaidetechnologiqueconsidérable.

    Plustard,lechancelierallemandHelmutKohlracontaqu'àlasortie d'un dîner bien arrosé, en juin 1989, à Bonn, il avaitdéclaréàGorbatchev,lesyeuxdanslesyeux:

    «Jesaisquelaréunificationdel'Allemagneest trèsdifficile,maisc'estcommenotrefleuve,leRhin,ilnes'arrêtejamais.»

    Après un court instant d'hésitation, il avait ajouté : «On estprêtàpayer.»

    Finalement, ilproposa10milliardsdeMarks.LeKremlinenprit15.Aujourd'hui,Kohlsevanteenassurantque,s'ilavaitdûen payer 50, il l'aurait fait. (Même si, d'après la majorité desgermanistes, le montant total de la réunification versé à laRussie par l'Allemagne de l'Ouest s'élève à 60 milliards deMarks.)

    Cependant,cejeurisquéétaitd'aborddéterminéparunchoix

  • politiqueliéauxsubtilitésdel'espionnage...

    Àl'époque,leKGBpoussaenpremièreligneunmaîtreespionest-allemand, Markus Wolf (nom de code « Mischa »). Cedernierétaitnéen1923etsafamille,d'originejuiveespagnole,était installéeenAllemagnedepuisplusdequatre siècles.Sonpère,Friedrich,médecinetauteuramateurdepiècesdethéâtre,professaitdesidéesd'extrêmegaucheet,envraibonvivant,avaiteubeaucoupdemaîtressesetd'enfantsillégitimes.

    À l'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933, la familleWolf seréfugia en Suisse, puis en Union soviétique. Friedrich, encommuniste convaincu, devint vite une figure marquante del'immigration allemande moscovite. Le jeune Markus profitaalors d'une éducation privilégiée et suivit une scolaritésoviétique complète. En 1942, il adhéra au parti communisteallemand en exil. Formé aumétier d'ingénieur aéronautique, ilrejoignitl'académiedescadresduKomintern–oùilfutsoumisà un entraînement militaire rigoureux, assimila de manièreintensive le léninisme et reçut une initiation soutenue auxtechniquesd'agitation,denoyautageetdeconspiration.

    En1944,MarkusdevintspeakerdelangueallemandeàRadioMoscou, délégué à la propagande à l'adresse des Allemands ;puis rédacteur en chef de Radio Berlin en 1945. Andropovreleva déjà à cette période son intelligence et ses convictionscommunistes.

    AprèslacréationdelaRépubliquedémocratiqueallemandeen1949, sesqualités luivalurentd'êtrenommépremier conseillerdel'ambassadedunouvelÉtatàMoscou.DeretouràBerlin-Est,en1954,ilsevitaffectéaupostederesponsabledudépartement

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  • persécutésparlapolicepolitique,elledétestaitlaviolence...

    Gorbatchev et Raïssa formaient un couple uni etcomplémentaire : lui, plutôt méridional, artiste et adepte duflou ; elle, originaire du Nord, plus froide, plus cartésienne.Raïssas'estimposéecommeinspiratriceetstabilisatriceaucôtéde son mari, qui semblait puiser en elle son énergie. Il luiconfiait tout. Les réformateurs, notamment Yakovlev, faisaientsouventblocavecelle.Orgueilleuse,ellevoulaitquesonépouxentredansl'histoiregrâceàl'ouverture,laperestroïka,l'œuvredeleurvie.

    Encetétéfatidiquede1991, lesGorbatchevauraientputoutsimplement suivre la tradition en s'installant dans l'une desdatchasdeleursillustresprédécesseurs.Depuisdesgénérations,les dirigeants suprêmes de la Russie avaient choisi la CriméepourserefaireunesantéavantderetrouverleursobligationsduKremlin.

    Mais Raïssa préféra faire édifier un nouveau palais à Foros.L'endroit ne payait pourtant pas de mine : un vent terriblesoufflait sur des rochers nus et aucune végétation ne venaitégayerleslieux.Seulelamersemblaitprésenterunintérêt.

    Que faire, sinon dompter cette nature hostile ? Afin de seprotéger de la houle, on creusa les rochers à la dynamite, destonnesdeterrefurentdéverséesauxabordsdelamaisonetdesessencesraresyfurentplantées.Untunnelfutpercé,agrémentéd'escaliersmécaniquespourrelierdirectementladatchaàlamer.

    Ausecondétagedupuissantédifice se trouvaientunbureau,des chambres et une salle à manger pouvant accueillir une

  • douzainedepersonnes.UneterrassesurlaquelleGorbatchevetsafemmeprenaientsouventlethédonnaitsurlamer.Lesmursétaient recouvertsdeboiseries.Unefrisereprésentant lesvillesdeCriméeornait lehautplafond.Au rez-de-chaussée avait étéaménagéunjardind'hiver.Depuisleperrondepierre,l'alléededroitemenaitàlasalledeprojection,celledegaucheconduisaitàlaplage.

    Le 14 août, handicapé par un lumbago,Gorbatchev demandaqu'onfîtvenirunmédecinspécialistedeMoscou75.Le15août,un secrétaire du président téléphona au praticien, le priant departirimmédiatementpourForos.

    Scrupuleux, lemédecin insista auprèsduKGBpour recevoirunordreécrit.C'étaitlarègle.Etl'onneplaisantaitpasavecladiscipline, surtout lorsqu'il s'agissait de la santé du président.Maisl'ordrenevenaittoujourspas.ÀForos,ons'impatientait:« Le président a besoin de vous ! » On ne s'expliquait paspourquoi le KGB tardait à donner son autorisation. Enfin, uncoup de fil très bref donna le feu vert au médecin : « Vouspouvezyaller.»

    Sansconfirmationécrite,le«guérisseur»s'envoladoncpourlaCrimée,etparvintàdiminuerlesdouleursduprésident.

    Le spécialiste moscovite était toutefois intrigué par lesmesures de sécurité particulièrement imposantes aux alentoursdeladatcha.Deshersesétaientdisposéesentraversdelaroute,ainsiquedesvéhiculesblindés.

    « J'ai pensé que c'était à cause de la tension en Crimée »,expliqua-t-il plus tard à l'un de ses patients qui rapporta son

  • témoignage.

    Ilremarquaaussilaprésenceinhabituelledenombreuxagentsde sécurité et aperçut au large, avec lesgarde-côtesordinaires,troisbâtimentsdelamarinedeguerre.Ilsesentaitd'ailleurslui-mêmeétroitementsurveillé.

    Unsecondrendez-vousfutprispourlelendemain,18août.Deconcertaveclemédecinpersonnelduprésident,le«rebouteux»fit commander à Moscou certains médicaments introuvables àForos. Ce dimanche 18, Gorbatchev s'allongea sur la table demassageetintimaàson«sauveur»:

    « Tu peux faire tout ce que tu veux, m'enlever un nerf, unevertèbre,unejambe.Maisdemain,jedoisêtreàMoscou!»

    Soulagé par une série d'injections et de manipulations,Mikhaïl finit par s'endormir. Auparavant, il n'avait fait quesongerauxbataillesquil'attendaientauKremlin.Ilpensaitauxjournéescrucialesqu'ilavaitpréparéesdepuislongtempsetquidevaient commencer le 20 août ; celles qui suivraient lasignaturedutraitédel'Union.

    Justeavantdequitterlacapitale,le5août,Gorbatchevl'avaitconfirméaupays:lesdirigeantsdesrépubliquesallaientsigneravecluiunaccorddeprincipepermettantàcettenouvelleUniondeprendrelaplacedesanciennesstructuresdépassées,issuesdela révolution bolchevique de 1917. Certes, beaucoupd'incertitudes demeuraient,maisGorbatchev était parvenu à uncompromis avec Boris Eltsine, son rival élu en juin 1991présidentdelafédérationdeRussie.

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  • néanmoins expulsé deRussie par avion.L'échangeduramoinsd'uneheure.

    Soutyaguine était assis près du hublot.Unofficiel américains'approcha:«Félicitations!Vousêteslibre!», luidit-il.Plusloin, trois autres expulsés s'agitaient, déçus de ne pas trouverdansleurbagagelabouteilledewhiskypromise.

    Maiscepassagern'avaitpaslecœuràlafête,ilnevoulaitpasdecetéchange.Aupointqu'ilavaitbienfaillitoutfairecapoter.Troisjoursplustôt,ilavaitététransféréàMoscou.Onluiavaitcoupé les cheveux différemment. Pas à la manière desprisonniers. Un agent des services secrets russes lui avaitégalementdonnéunecravate.Ledétenuavait alors songéàunnouveau procès. Au lieu de cela, il se retrouva face à deuxRussesduFSB(ex-KGB)ettroisAméricainsdelaCIA.

    À ce moment, il ignorait que le « marché » avait déjà étéconclu entre Washington et Moscou. Les officiels luiprésentèrentunformulaireimpriméàsigner.Ildevaitreconnaîtresaculpabilité,conditionindispensableàl'obtentiond'unegrâceprésidentielle,etàsonexpulsion.

    Mais cet homme récalcitrant se rebiffa et refusa de donnerraison à ses accusateurs en quittant son pays.Une heure, puisdeuxs'écoulèrent.Latensionmontait.

    « Alors, vous signez ? », ne cessaient d'interroger les deuxRusses.

    LesAméricains,euxaussi,perdaientpatience.Ilsfinirentparlâcher,sansambages:

  • « Nous ne vous disons qu'une chose, nous avons deuxlistes...»

    Le prisonnier comprit aussitôt. Il n'avait plus le choix. Ens'obstinant, il risquait de compromettre le sort de plusieursdétenus et de s'exposer à la colère de Poutine. Avant qu'il nes'envole pour l'Europe, ses gardiens l'autorisèrent à revoir sonépouse et ses deux filles pendant quatre heures. Ainsi, cethommeauxyeuxtristesdutsonsalutàuneopérationdignedesgrandesheuresdelaguerrefroide.

    Danslegroupedesespionsrusseséchangés,unebelleroussedevingt-huitansavaitdéjàgagnél'attentiondesmédiasaprèslapublication de photos intimes. Mais Soutyaguine et sescompagnons n'eurent pas le loisir de la voir. « Marchez toutdroitetnedétournezpasleregard»,ordonnaungénéralrusse.

    Les quatre expulsés prirent place dans un bus aux vitresteintéesetrejoignirentleBoeing.Enface,lesdixembarquèrentà bord de l'avion russe. Les deux appareils décollèrent sanstarder.

    Soutyaguine se retrouva ainsi en Occident. Sans travail.Hébergé dans une famille anglaise recommandée par un amirusse.Àsonarrivée,lesautoritésbritanniquesluiremirent3000livres et des vêtements79. Cependant, à Londres, il continua àporterlesbasketsetlachemisebleueàcarreauxdelaprison.Enmanièrededéfi...

    ÀMoscou,l'hommefortdelaRussie,VladimirPoutine,reçutpersonnellement les « illégaux » expulsés avec les fastes duKremlin.Ilpassalasoiréeenleurcompagnieàchanterdesairs

  • patriotiques, et prédit à la belle Anna – la plus jeune desagents–un«brillantavenir»...Defait,àl'occasiondesquatre-vingt-cinq ans du service des renseignements scientifiques ettechniques, le président russe,DmitriMedvedev, leur remettaitlesplushautesdistinctionsnationales.

    Parlasuite,laflamboyanteAnnaChapmanfitdesapparitionsremarquées dans des shows télévisés, posa dévêtue dans unmagazine à grand tirage, alla saluer les cosmonautes àBaïkonour, avant d'être recrutée comme conseillère du P-DGd'une banque de la capitale. Le mouvement de la jeunessepoutinienne en fait désormais son « égérie », la présentantcommeune«héroïnedenotretemps».

    Néanmoins, au Kremlin, le fait que les Américains aient puconfondre des « illégaux » fut vécu comme un affront. « Lestraîtres finissent toujours mal », déclara Poutine d'un tonmenaçant,chargeantsesservicesde«trouverceluiquiavaitfaitsaboterceréseau».Finalement,MoscouidentifiaassezviteuncertaincolonelScherbakov,ex-chefdelasectionaméricainedesservices russes.Ce dernier aurait « vendu » les « illégaux » àWashingtonetsetrouvaitdéjàauxÉtats-Unis.D'ailleurs,selonle journal moscovite Kommersant, « un tueur à gages, unMercader80étaitdéjàsursestraces».

    «Laluttecontinue!»,s'exclamaPoutinehautetclairàlafindelasoiréepasséeavec«sesillégaux».Enleurcompagnie,ilsesentaitàl'aiseetpouvaitmontrersonvraivisage...

    Quand on lui demanda s'il avait pris des décisions qu'ilaimerait corriger,Poutine répondit toutdego :«Non», avantd'ajouter:

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  • Et,combled'ambiguïté,cefutLopoukhinequiallaitporterlaresponsabilitéde ce scandale.Traînédevant le tribunal spécialduSénat,ilfutaccusédenuisancesgravesdurantsonactivitédechefde la police et condamné à la privationde sesdroits et àcinqansdetravauxforcés.Onaffirmamêmepubliquementquece policier aguerri avait appartenu au Parti socialiste-révolutionnaire. (Il fut évidemment gracié par le tsar six moisplustard.)

    À l'étranger (enAllemagne, puis enFrance),Azev faillit êtreexécuté :unepremière foisquand il eut l'audacede rencontrerson accusateur dans un café de Francfort, puis plus tard, lorsd'unrendez-vousàParisavecsonredoutableadjointàlatêtedel'Organisationdecombat83.

    En vrai joueur, l'agent double évoqua pathétiquement saparticipation active à de nombreux attentats, exigeant que l'onpèselepouretlecontredesesactivités:cequ'ilavaitfaitpourla révolution et ce qu'il avait fait pour la détruire.Même soninterlocuteur,untueursansscrupule,neparvintpasàtrancher...

    Sa vie allait désormais être un périple incessant à travers lescapitales et les stations balnéaires les plus prestigieuses.SouventàParispargoût,parfoisàBerlinparobligation,tantôtàBiarritz, tantôt à Monte-Carlo, toujours accompagné de sacorpulentemaîtresse,ilnemanquajamaisd'argent.Leslargessesde la police du tsar et son génie commercial lui permirent devivre confortablement dans un luxueux appartement deWilmersdorf, quartier bourgeois de Berlin, sous un nomd'emprunt – encore un–,AlexandreNeumayer. Il ouvritmêmeun bureau d'agents de change et bénéficia d'une excellenteréputationà laBoursedeNewYork. Ilmourutdansson liten

  • 1916.

    Annexe2L'affaireNoureev

    À l'automne 1987, lorsque j'étais diplomate à l'époque deGorbatchev,jemesuisoccupéduvoyagedeNoureevenURSS,puis de sa tournée triomphale à Saint-Pétersbourg. Cela medonna l'occasion non seulement de le voir régulièrement,maisencore d'exhumer quelques pièces d'archives concernant sonaffaire, dont voici le document essentiel. (Le lecteur mepardonneradereproduirelalanguedeboispropreauxdépêchesduKGB.)

    RapportduKGBsurlatrahisondeR.Kh.Noureev,artistedeballet.19 juin 1961. Strictement confidentiel. Au comité central. Je vousinformeque,le16juin1961àParis,RudolfKhametovitchNoureev,né en 1938, célibataire,Tatar, sans parti, artiste de ballet au théâtreKirov, a trahi la patrie lors d'une tournée en France. Le 3 juin decette année, des données sont parvenues de Paris, selon lesquellesNoureev enfreignait les principes de conduite des citoyenssoviétiquesàl'étranger,partaitseuldanslavilleetrentraittardlesoirà l'hôtel. De plus, il a lié des contacts proches avec des artistesfrançais, dont certains sont homosexuels. Bien qu'un entretienprophylactiqued'avertissementaitétémenéavecNoureev, iln'aenrienchangésaconduite.

    LeKGB,enaccordaveclacommissiondesvoyagesàl'étrangerducomité central84, a donné, le jour même, l'ordre à son résident àParisdefairerapatrierNoureevenURSS.Le8juindecetteannée,lerésidentduKGBàParisnousainformésqueNoureevavaitmisun termeàsessortiesnocturnesetamélioréson comportement. En conséquence de quoi, l'ambassadeur avaitprisladécisiondesuspendresonrapatriementenURSS.Le16juindecetteannée,lorsdudépartdelatroupepourLondres,à

  • lasuitedesinstructionsduministèredesAffairesétrangèresd'URSSet en accord avec la décision de la commission des voyages àl'étranger,l'ambassadeaprislepartiderenvoyerNoureevenURSS.Arrivéàl'aérodrome,Noureevarefuséderegagnerlapatrie.Ilafaitappel à la police française et a demandé que lui soit accordée lapossibilité de rester dans le pays. Immédiatement, les policiers ontpréparéunedemanded'asilepourNoureevetl'ontinvitéàlasigner,ce qu'il a fait. Arrivé à l'aéroport, le consul soviétique a eu uneconversation avec Noureev, mais celui-ci n'a pas modifié sonintention de trahir. L'ambassade d'URSS a émis à ce propos uneprotestation auministère français desAffaires étrangères. NoureevlaisseenURSS:–mère:retraitéeàOufa;–troissœurs:unevivantàLeningrad,lesdeuxautresàOufa.Noureevsecaractériseparsonindiscipline,sonmanquedepatienceetuncomportementgrossier.Surleplandesesintentionspolitiques,aucun matériel compromettant n'a été trouvé sur lui ou sur lesmembres de sa famille.Noureev s'était déjà rendu plusieurs fois àl'étranger.

    LeprésidentduKGB,A.Chelepine.

    Chronologie1917 15mars AbdicationdeNicolasII.17mars Constitutiond'ungouvernementprovisoire.Juin Offensiverussesurlefrontsud.Échec.24juillet KerenskidevientprésidentduConseil.

    Septembre Tentativecontre-révolutionnairedugénéralKornilov,circonscriteparlagarderouge.14septembreProclamationdelarépublique;Kerenskiàlatêted'undirectoire.

    7novembre Coupd'Étatd'octobre(selon lecalendrier julien)sous ladirectiondesbolcheviks.

    9novembre

    FormationduConseildescommissairesdupeuple,présidéparLénine;décrets«surlaPaix»et«surlaTerre».Aprèslarévolutiond'Octobre,StalineestnommécommissairedupeupleauxNationalités.Ils'affrontedéjàavecTrotski,qu'ilferaassassineren1940.

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  • un de ses éditoriaux en affirmant que la désertion deNoureev n'avait pasporté préjudice à la qualité des représentations du Kirov à Londres. Lacompagnieétaitsiforte,disait-il,qu'ellepouvaitaisémentsurvivreàlaperted'un soliste comme Noureev qui n'était qu'« un danseur complètementdésorienté, passé à l'Ouest d'unemanière irréfléchie, à cause de l'adulationdontilavaitfaitl'objetàParisetquiluiavaittournélatête».

    52. Les autorités soviétiques réitérèrent leur menace de boycott culturelquand,vingt-deuxansplustard,en1983,NoureevfutnommédirecteurdelatroupeduBalletdel'OpéradeParis.

    53. Plus tard, le KGB proposa même à Pouchkine de se rendrepersonnellementàParis,afindeconvaincreRudolfderentreraupays.Maislevieuxprofesseurrefusa:«JenepouvaisriendiredetoutcelaàNoureevlesyeuxdanslesyeux...»

    54. En réalité, la villa lui avait coûté 42 000 dollars, soit 300 000 francsfrançais.

    55.L'organismequiaremplacél'Internationalecommuniste.

    56.Voirl'annexe1.

    57.Enavril1981,parexemple,aprèsunvoyageauxÉtats-Uniseffectuéàlademande duKGB, l'un desmeilleurs spécialistes de ce pays, l'académicienArbatov, envoyait un rapport à Andropov. Lors d'un dîner à la Maison-Blanche, ilavaitpuobserverReaganpendantuneheureetdemie(iln'avaitété qu'à une quinzaine demètres de lui).Arbatov écrivit ses impressions :pour lui, Reagan jouait son rôle de président, mais il le jouait avec uneémotion sincère. Il avait eu les larmesauxyeux lorsqu'onavait apporté lesdrapeaux des quatre armes et lorsqu'il s'était levé, la main sur le cœur,pendantqueretentissaitl'hymnenational.NancyReagannel'avaitpasquittédesyeux.SonattitudeadoratricerappelaitàcereprésentantduKremlincelled'une « teenager soudainmise en présence de sa pop star préférée ». Lediscours de Reagan à l'assemblée de journalistes avait été« exceptionnellement superficiel », mais le président n'en avait pas moinsjoué à la perfection son rôle de « père de la nation » : un grand dirigeantayantgardéhumanité,sensdel'humouretducontact.

    58.L'acronymedeRaketno-YadernoïeNapadenie, qui signifie«attaquede

  • missilesnucléaires».

    59.AnatoliDobrynine.

    60. Les emplacements choisis comprenaient l'arrière d'un distributeurautomatique, unenichedeventilation située sousun évier, le dessusd'unepoutre de bois surmontant des toilettes ou le dessous d'un distributeur deserviettesenpapier.En1985,laCIAdécouvritcescaches«RYAN»,mais,àl'époque, l'opérationétaitenpertedevitesse.Eneffet, lesprojetsd'attaquesterroristes du KGB contre des cibles de l'OTAN avaient été gelés après lamort de leurs deux principaux promoteurs (Andropov, puis le vieuxmaréchalOustinov,ministredelaDéfense).

    61.Letitulaireprécédentétant«monté»àMoscou.

    62.Commetoutapparatchikd'uncertainrang,Gorbatchevavaitéténommémembreducomitécentraldès1971etmembreduSovietsuprêmeen1974.

    63. Gorbatchev et Yakovlev s'étaient connus dans les années 1970, s'étantcroisés àplusieurs reprises aucomité centraloùcedernier s'occupaitde lapresse.

    64.Yakovlevm'alui-mêmerapportélascène.

    65.Institutdesrelationsinternationalesetdel'économiemondiale.

    66.KonstantinTchernenko,baptisé«l'ouvreurdebouteilles»...

    67.Enéchange,GromykoobtintlepostedeprésidentduSovietsuprême.

    68.Comme en témoignèrentYakovlev etChevardnadze, tous deux acteursdesévénements.

    69.VoirHistoiresecrètedelachutedumurdeBerlin,MichelMeyer,OdileJacob,Paris,2009.

    70. En l'occurrence Hans Modrow, le chef du parti de Dresde, qui pritégalement part à la fameuse rencontre du 18 juin 1987. Il n'était pas parhasardlefavorideMoscou.IlétaiteneffetliédelonguedateauxchefsdesJeunesses communistes que furent Chelepine et Semitchastny avant dedevenirprésidentsduKGB.

  • 71. La gestion opérationnelle de ce plan fut l'objet de précautions toutesparticulières. Seuls les agents concernés au sein du département IV desaffairesallemandes–legénéralAnatolyNovikovàleurtête–furentavertis.

    72. Ses appréhensions confinaient parfois au grotesque. Il pensait parexemple que la demeure présidentielle allait être prise d'assaut par lesmilitantsdémocratiquesouencorequ'onallaitenleversespetites-filles.

    73. Ancien résident du KGB à New York œuvrant sous couverturejournalistique,ex-chefducontre-espionnagesoviétique(NDA).

    74.Aprèslachutedurégime,onentrouvalespreuvesauKGB.

    75.LedocteurAnatoliLiev,renommépoursesdonsdeguérisseur.Presquedixjoursaprèssondépartdelacapitale,leprésidentavaiteneffetétéfrappéparunecriseradiculaire lorsd'unepromenadedans lescollines. Ilavaitdûêtresoutenuparsonentouragesurlecheminduretour.

    76.Legardeducorpsd'Eltsine,legénéralKorjakov,expliqualatrahisondePlekhanov par sa haine à 1'égard deRaïssa : « Elle faisait déplacer par cevieillard les énormes lampadaires de bronze du Kremlin ! » Un griefpersonnelpeutparfoisinfluencerlecoursde1'histoire...

    77.Quelques affrontements confus eurent lieu çà et là : troismorts«dansl'accidentdecirculationd'unchar».

    78.Leuradversairedel'époqueétaitlePremierministrePrimakov,venudelanébuleuseduKGB.

    79.VoirlePointdu16décembre2010.

    80. RamónMercader était l'agent secret espagnol de Staline, qui assassinaTrotskien1940auMexique.

    81. Sipiaguine en 1902 et Plehve en 1904 (tombé sous l'effet d'une bombelancéesursavoitureparIgorSazonov,formépersonnellementparAzev).

    82. Comme en témoigna, en 1917, la commission d'enquête dugouvernementprovisoire.

    83. Savinkov, célèbre terroriste et futur ministre de la Guerre du

  • gouvernementprovisoire.

    84. La commission des voyages à l'étranger auprès du comité central a étémiseenplaceàlasuited'unedécisiondupolitburoàlafindesannées1930.Cette commission devait juger – comme nous l'avons vu – du bien-fondédesrecommandationsdonnéesàunprétendantàundéplacementàl'étranger,prendre des mesures pour améliorer la composition des groupes deSoviétiques envoyés hors du territoire national, mener des entretiens etconduiredesstagespourlesspécialistesdétachésenmission.