le rire… · conscience (1889), de la relation entre l’esprit et le corps dans matière et...

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  • Extrait de la publication

  • Le Rire

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  • Du mme auteurdans la mme collection

    LES DEUX SOURCES DE LA MORALE ET DE LA RELIGIONESSAI SUR LES DONNES IMMDIATES DE LA CONSCIENCEMATIRE ET MMOIRE

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  • BERGSON

    Le Rire

    PRSENTATION

    NOTES

    DOSSIER

    CHRONOLOGIE

    BIBLIOGRAPHIE

    par Daniel Grojnowski et Henri Scepi

    DITION

    tablie sous la direction

    de Paul-Antoine Miquel

    GF Flammarion

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    Extrait de la publication

  • Daniel Grojnowski est spcialiste du comique dans la litt-rature et les arts. Il est lauteur (en collaboration avec Ber-nard Sarrazin) de lanthologie Fumisteries (Omnibus, 2011).Il a notamment publi Aux commencements du rire moderne (Corti, 1997) ; Comique. DAlphonse Allais Charlot (Presses du Septentrion, 2004). Il a prsent plu-sieurs titres de la collection GF, dont se tordre dAllais(2002) et rebours de Huysmans (2004).

    Henri Scepi est professeur de littrature luniversitParis III. Avec Daniel Grojnowski, il a prfac et dit, dansla collection GF, les Moralits lgendaires de Laforgue(2000). Il est galement lauteur de nombreux essais sur laposie et le roman du XIXe sicle, dont Posie vacante (Lyon,ENS ditions, 2008) et Thorie et potique de la prose(Champion, 2012).

    Paul-Antoine Miquel, qui dirige ldition des uvres deBergson dans la collection GF, est professeur de philosophiecontemporaine luniversit Toulouse II-Le Mirail. Il estnotamment lauteur de Bergson et limagination mta-physique (Kim, 2007), de Quest-ce que la vie ? (Vrin, 2007)et de Comment penser le dsordre ? (Fayard, 2000).

    Flammarion, Paris, 2013.ISBN : 978-2-0812-7966-7

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  • NOTE SUR LDITIONDES UVRES DE BERGSONDANS LA COLLECTION GF

    Henri Bergson, lun des plus grands philosophesfranais, na jamais procd autrement quen partantde lanalyse dun problme. Or, quil sagisse parexemple de la question de la diffrence entre dure etespace dans lEssai sur les donnes immdiates de laconscience (1889), de la relation entre lesprit et lecorps dans Matire et mmoire (1896) ou du rapportentre vie et matire dans Lvolution cratrice (1907),ces problmes sinscrivent dans un contexte sp-cifique.

    Dans chacun de ses grands ouvrages, Bergson noueen effet un dialogue direct avec la science de sonpoque. Le concept de dure nat dune analyse cri-tique du temps conu comme une ligne en mcaniqueclassique. La question de la mmoire se pose du faitdes difficults suscites par les assertions de la psycho-logie et de la neurologie, qui veulent traiter les souve-nirs comme des objets susceptibles dtre rangs dansdes botes. Si les sciences de la vie en sont finalementvenues sintresser au problme de lvolution,encore faudrait-il quelles expliquent comment letemps biologique se dissocie du temps de la mca-nique, voire de celui de la thermodynamique clas-sique : qui dautre que Bergson aurait pu oser aborder,

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    en 1907, une question qui na mme pas encore ttraite dans toutes ses dimensions aujourdhui ? En1922, dans Dure et simultanit, il confronte son ana-lyse de la dure aux concepts de la thorie de la relati-vit : quel philosophe se risquerait de nos jours proposer un commentaire critique et mtaphysiquequi prendrait appui sur la thorie des cordes ?Quant aux questions de lorigine de la religion ou dela morale, elles sont ressaisies, dans Les Deux Sourcesde la morale et de la religion (1932), par le biais dunediscussion critique des apports de lcole sociologiquefranaise : ceux de Marcel Mauss, dmile Durkheimou de Lucien Lvy-Bruhl.

    Le geste philosophique, dans chacun de ces cas, estdouble : il sagit pour Bergson de prendre toute lamesure des apports scientifiques aux questions quiont travers lhistoire de la philosophie, et en mmetemps de mettre en lumire le fait que la mtaphy-sique apporte une clart nouvelle chacune de cesnigmes.

    Nous avons choisi dans cette dition de procder sa manire. Plutt que de nous livrer une simpleexgse ou un commentaire interne, nous avonsdabord voulu mettre son uvre en perspective en laresituant dans le contexte scientifique de son poque,qui fournit les cls indispensables pour comprendresa philosophie. Nous avons galement souhait proc-der dune manire vritablement critique, en nousinterrogeant certes sur sa rception immdiate, maisaussi, et surtout, sur le rle quelle joue aujourdhuiencore.

    Cest au prsent donc, et en tournant sans complai-sance notre rflexion vers le futur, que nous souhai-tons nous adresser au lecteur. Tel est lesprit desappareils critiques que nous proposons dans les diff-rents volumes de la collection GF consacrs aux

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    uvres de Bergson : ils entendent moins viserlexhaustivit et lrudition que faire surgir les ques-tions en montrant quel point elles sont encorevivantes, tant pour la philosophie que pour lessciences de notre temps.

    Paul-Antoine MIQUEL

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  • un journaliste qui linterrogeaitsur le rire et le comique, Pierre Dacrpondit : Je ny suis pour Bergson.

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    Faut-il sen tonner ? Les vnements dramatiqueset les pleurs semblent sinscrire dans la trame de lexis-tence humaine. On en prend acte, sans sinterroger leur sujet, comme sil sagissait daccidents redoutablesmais attendus. En revanche, le rire apparat inopinautant quirrationnel. son propos, les philosophesparlent volontiers d nigme ou de mystre : illeur pose une difficult apparemment insoluble.

    Souvent programm dans le cadre des divertisse-ments proposs sur les scnes ou sur les crans, il sur-vient aussi limproviste, tout moment et toutpropos (galement hors de propos) dans la vie quoti-dienne. En rsultent dtonnants effets physiologiquesqui vont des glapissements et des contorsions du visageou du corps entier aux larmes et aux relchements vis-craux. Parce que ces phnomnes concernent tout unchacun, les penseurs se sont attachs en rendre comptedans des Traits du ris dont les parutions successivesattestent la difficult de donner une rponse satisfai-sante au phnomne. Il revient alors chaque essayisteou philosophe de le porter son crdit et nouveauxfrais, en repartant de zro, comme si rien navait jamaist accompli avant lui. Ce quaffirme lun de ceux quiont cherch rsoudre le problme :

    La multitude des disputes qua suscites la matire queje traite, et les erreurs sans nombre o sont tombs les

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    sages mmes qui lont voulu approfondir, nous avertissentquil nest, [] dans ce flux et reflux dopinions qui sedtruisent, quune seule boussole suivre : celle de lexp-rience et du sentiment intime 1.

    Lorsque Bergson dcide daborder son tour laquestion, il prend le relais dinnombrables prdces-seurs, le plus souvent oublis. Dans la gnration quile prcde, des jeunes gens ont voulu rompre avec lepessimisme ambiant : au Quartier latin, le groupe deshydropathes ; sur la butte Montmartre, les habitusdes cabarets dont ceux du Chat noir, le plus clbredentre eux. Par ailleurs, de nombreuses tudes, publi-cations ou enqutes rpondent la demande dunpublic impatient dentrer de plain-pied dans la Bellepoque . On mentionnera pour mmoire les tudesdArsne Alexandre (LArt du rire et de la caricature),de Marcel Schwob (Le Rire), les interviews de JulesHuret dans Le Figaro ( Le Rire franais ), les tra-ductions des contes de Mark Twain en France, destudes comme celle de Gabriel de Lautrec surlhumour, sans oublier de multiples gazettes de diver-tissement : Le Petit Journal pour rire, Le Journal amu-sant, Le Sourire, La Vie drle, etc. ou encore louvragede Coquelin cadet, Le Rire, illustr par Sapeck, hritierdAndr Gill et prince des Fumistes , de douze ansantrieur celui de Bergson 2. Tous participent au

    1. Louis Poinsinet de Sivry, Trait des causes physiques etmorales du rire (1768), d. William Brooks, universit dExeter,1986, p. 7.

    2. Louvrage dArsne Alexandre date de 1892 ; ltude deMarcel Schwob parat dans Lcho de Paris du 17 juin 1894 ; ayantservi de prface au roman de Georges Courteline, Messieurs lesronds-de-cuir, elle a t reprise dans Spicilge ; lenqute de JulesHuret a paru dans Le Figaro, de dcembre 1892 janvier 1893 ;Gabriel de Lautrec prsente une Dfinition de lhumour dansle Mercure de France (1900), sujet quil traite galement dans saprface des Contes choisis de Mark Twain parus la mme anne

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    regain dintrt dun pays traumatis, dsireuxdoublier les sombres heures de la dfaite de la Francedu Second Empire au terme de la guerre contre laPrusse en 1870 et de la guerre civile qui a mis fin laCommune de Paris.

    Lessai de Bergson est donc bien de son temps. Par-venu sa maturit (il est alors g de quarante ans),il dfie son tour la nvrose fin de sicle qui paratrgner sur les lettres et les arts. Par son succs durable,Le Rire marque un coup de matre. Un quart de sicleaprs sa parution, il en est sa vingt-troisime di-tion ; aprs un demi-sicle, sa cent troisime. En1973, son diteur indique sur la couverture : 303e dition . Suivant la pente de sa renomme, ilest devenu un ouvrage de rfrence, passage oblig dequiconque sintresse aux multiples facettes ducomique. Sa fortune tranche avec les uvres dun phi-losophe qui sadresse dordinaire des amateurs. Ence sens, le prestige du prix Nobel de littrature (1927)cautionne une tude allgre, dun usage pdagogiqueimmdiat, qui sadresse au plus grand nombre : unessai qui associe la rflexion thorique la culture des honntes gens .

    crit dans une langue aussi claire que possible, LeRire se prsente sous une forme particulirement acces-sible : trois grands chapitres dune importance gale,dont le deuxime et le troisime illustrent les prmissesdu premier ; une argumentation maille dexemplesplaisants, qui ne dconcertent pas le lecteur parce quilsse rfrent un rpertoire familier et quils accordentune place dcisive la morale commune ; une loi de

    chez lditeur du mme nom. Le Rire de Coquelin cadet date de1887. Bien quon ne souhaite pas allonger outre mesure cette liste,on signalera la fondation dun hebdomadaire de longue dure :Le Rire, en novembre 1894 (qui disparatra vers 1979).

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    prime abord expose, que vrifient toutes sortes dillus-trations littraires ritres la manire des bonsmatres qui enfoncent le clou. Dans la veine dessayistesde premier ordre, Bergson a publi lun des chefs-duvre du genre, la mesure de ceux qui viendront sa suite, comme Le Mythe de Sisyphe dAlbert Camus,sur le suicide, ou La Chambre claire de Roland Barthes,sur la photographie.

    Tout en faisant uvre de philosophe, Bergson tireparti de son savoir de professeur et de confrencier. Ilse fait galement tour tour psychologue, sociologue,mais aussi smiologue avant la lettre, quand ildgage les invariants qui provoquent la drlerie. Sonessai invite une lecture non seulement philosophique,mais aussi historique et littraire, tout la fois admira-tive et rflchie, qui incite adopter la posturequAdorno propose ses lecteurs : Je tiens pour unemthode parfaitement impossible de comprendrequelque chose la philosophie sans en mme tempsla critiquer 1.

    LE RIRE ET LE CONTINUUM PHILOSOPHIQUE

    LES TRADITIONS DU COMIQUE

    La publication du Rire dans La Revue de Paris(1er fvrier-15 mars 1900) correspond un momentparticulier de la carrire philosophique de Bergson.Lanne 1900 apparat en effet plus dun titre commeun millsime faste, qui marque sinon une forme deconscration, du moins lclosion dun succs public.Le 17 mai 1900, Bergson est lu la chaire de philoso-

    1. Theodor Adorno, Mtaphysique. Concept et problmes (1965),trad. Chr. David, Payot, Critique de la politique , 2006, p. 107-108.

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    phie ancienne du Collge de France (vacante depuis lamort de Charles Lvque). Le 26 mars 1901, il fait sonentre lAcadmie des sciences morales et politiques.Cette mme anne, Le Rire. Essai sur la signification ducomique parat en volume chez Flix Alcan. Commelcrivent Philippe Soulez et Frdric Worms, leXXe sicle concide donc pour Bergson avec le dbutde la grande notorit 1 . Sil est incontestable queMatire et mmoire (1896) est le livre qui devaitdfinitivement imposer Bergson comme un philosophede premier plan 2 , nul doute cependant que louvrageintitul Le Rire nait pour sa part contribu asseoircette notorit et valoir son auteur une audiencelargie au plus vaste public. Cet essai sinscrit dansun continuum philosophique qui emporte avec lui unethorie de la connaissance, un mode de questionne-ment et une orientation mthodologique solidementtablis. En semparant du rire comme dun fait social,Bergson entendait se situer au croisement de deux tra-ditions philosophiques, qui se sont appliques cernerle phnomne du rire, sa nature, ses causes et ses effets.

    On distinguera dabord la famille des penseurs qui,depuis lAntiquit jusquau XXe sicle, ont considrle rire comme lexpression dune attitude violemmentcontestataire et transgressive. Si lironie socratiquesapparente un effet torpille , qui neutraliseladversaire et fige pour ainsi dire ses arguments, lerire dun Dmocrite est la marque de lesprit le pluspntrant 3 et fait voler en clats les ides reues, lescertitudes et les dogmes. Le rire philosophique

    1. Philippe Soulez et Frdric Worms, Bergson, PUF, Qua-drige , 2002, p. 83.

    2. Denis Forest, Introduction Bergson, Matire et mmoire,GF-Flammarion, 2012, p. 5.

    3. Yves Hersant, Prface Hippocrate, Sur le rire et la folie,Payot & Rivages, Petite Bibliothque Rivages , 1989, p. 19.

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    emprunte volontiers les voies de la provocation et duscandale, ainsi que les habits de la folie. Dans tous lescas, il sagit de dnoncer les ruses et les artifices duneraison fonde sur le srieux du concept. De Diogne,pre du cynisme, Nietzsche, hraut du nihilismemoderne, en passant par rasme, une communaut depenseurs a confr au rire un vritable statut philoso-phique en lui assurant une fonction critique qui per-turbe la belle ordonnance des systmes. Dans sesCarnets, Joseph Joubert relve cette fonction dmysti-ficatrice : Ce rire trompe la raison. [] Un clat derire a dissip tous ces prestiges, dconcert lillusion,dcontenanc limposture, dtromp la crdulit 1. Dou dune indniable force critique, le rire est linstru-ment dun dvoilement. Dans le fragment 333 du GaiSavoir, Nietzsche lui reconnat une vertu dintelligenceet une capacit de connaissance. En effet, retournant laformule de Spinoza Non ridere, non lugere, nequedetestari, sed intelligere ( ne pas rire, ne pas compatir,ne pas maudire, mais comprendre ) , il affirme quetout intelligere, toute comprhension, est la rsul-tante de ces tendances contradictoires au rire, lapiti, la maldiction 2 .

    Bergson, pour sa part, nenvisage pas le problmedu rire et de sa signification sous cet angle. Il sembleregarder bien plus du ct de la ligne des philosophesclassiques qui, depuis Aristote (auteur suppos dunlivre entirement consacr la comdie, et qui se seraitperdu), ont assign dabord le rire au domaine ducomique, et partant au rgne infrieur de linconve-nance, du vice et de la laideur, pour ensuite lappro-

    1. Joseph Joubert, Carnets, anne 1791, d. A. Beaunier, Galli-mard, 1994, t. I, p. 147.

    2. Nietzsche, Le Gai Savoir, trad. A. Vialatte, Gallimard, Ides , 1978, p. 267.

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    cher comme une des manifestations spontanes de lavie humaine. Dans le chapitre V de la Potique, onpeut lire en effet : Le comique tient [] un dfautet une laideur qui nentranent ni douleur ni dom-mage 1. Il sagit en somme dune imperfection oudune irrgularit constate qui nengendre aucuneconsquence pnible, tant dnue de toute gravit.Do le rire de la comdie, cens sanctionner ainsi untravers, quil se propose sinon de corriger, du moinsdadoucir. Cette fonction minente illustre elle seulela porte sociale du comique. Si Bergson affirme quil ny a pas de comique en dehors de ce qui est propre-ment humain (p. 62) rappelant au passage laclbre sentence de Rabelais selon laquelle le rire estle propre de lhomme , cest qu ses yeux la dimen-sion anthropologique du phnomne importe moinsque sa signification sociale . Fidle cette idedirectrice , lessai accrdite la thse classique et sou-ligne de faon explicite lart avec lequel le pote peintles caractres, afin de nous faire si bien connatre cevice, de nous introduire, nous spectateurs, tel pointdans son intimit, que nous finissons par obtenir delui quelques fils de la marionnette dont il joue (p. 70). Lide essentielle qui se dgage dune telleapproche rside dans le fait que le comique, loin de secirconscrire un objet abstrait ou idal, envisag subspecie ternitatis, est tout au contraire insr dans unsystme de relations, un rseau trs dense dattitudes,dobservations et de ractions. Il obit dabord desrgles immanentes et rpond aux lois de lexprience.

    Or, bien quelle se situe en son temps par rapport une thorie dominante dinspiration naturaliste, psy-chologique, autant que physiologique, la position de

    1. Aristote, Potique, 1449a, d. et trad. M. Magnien, LGF, LeLivre de Poche , 1990.

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    Bergson ne sy rduit pas. Sur le sujet, les thoriessaccumulent sans parvenir dfinir efficacement cedont elles prtendent parler. Dans son essai, Bergsondclare demble, comme pour nous mettre en garde,que ce petit problme [] toujours se drobe sousleffort, glisse, schappe, se redresse, impertinent dfijet la spculation philosophique (p. 61). Le riredemeure un objet insaisissable et toutes les tentativesdarraisonnement philosophique ont t impuissantes tenir son sujet un langage la fois pertinent etconvaincant. Bergson admet, ds 1886, que la notionde comique est aussi obscure que celle desublime 1 . Les brefs commentaires quil rserve aucomique dans son cours desthtique (dispens en1885 et 1886) dmontrent quil est attentif aux argu-ments de ses prdcesseurs, dont il sefforce dexposeravec clart les doctrines, mme sil met les rservesquil lui semble devoir simposer. Parmi ces prdces-seurs, Lon Dumont, dans son ouvrage Des causes durire (1862), avait expos une thorie selon laquelle leffet comique se produirait toutes les fois quunecontradiction est rendue acceptable pour une raisonou pour une autre . Dans la mme tude, il affirmaitque le risible tenait une opposition entre ce quise prsente objectivement nos sens [] et ce quenous concevons subjectivement comme devant tre 2 .Mais il ninsistait pas sur ce point. De cette thorieBergson dit qu elle ne manque pas de profondeur ,mais qu elle choue rendre compte dun trs grandnombre deffets 3. Il prfre carter lgamment cesdfinitions qui tendent faire du comique une rela-

    1. Bergson, Esthtique , leon CII, in Leons clermontoises,d. R. Ragghianti, LHarmattan, 2003, t. I, p. 358.

    2. Lon Dumont, Des causes du rire, A. Durand, 1862, p. 27.3. Esthtique , leon CII, op. cit., p. 359.

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    tion abstraite aperue par lesprit entre des ides,contraste intellectuel, absurdit sensible , autantde justifications qui ne parviennent pas expliquer pourquoi le comique nous fait rire (p. 65).

    Ds lors, aux yeux de Bergson, le problme mritedtre repris sa source, reformul et soumis un nou-veau traitement. Telle est bien la vise, conceptuelle etmthodologique, du Rire. Ayant fait ce constat, il partde la thse propose par Herbert Spencer dans le cha-pitre Physiologie du rire de ses Essais, qui luiconvient davantage :

    Leffet comique se produit toutes les fois que, notreesprit ayant t lanc dans une certaine direction, onarrte brusquement son lan ; le travail de lesprit seconvertit alors en rire comme un mouvement tout couparrt se convertit en chaleur 1.

    Le phnomne ainsi conu vise provoquer parsympathie un tat psychologique . Il nchappe pascependant au mcanisme gnral qui, depuis Aristote,relve du dfaut, de lirrgularit ou de la ruptureinconvenante. Dailleurs, Spencer parle ce proposde discordance :

    Le rire nat naturellement quand la conscience, aprsavoir t occupe de grands objets, est rduite des petits cest--dire seulement dans le cas de ce quon appelleune discordance descendante 2.

    Lexemple rappel par Bergson de lhomme quicourt, trbuche et tombe (p. 66) illustre ce type de dis-cordance : une dviation brusque fait chuter lattentiondun niveau qui serait celui de la norme caract-

    1. Ibid., p. 359. Bergson paraphrase les propos de Spencer.2. Herbert Spencer, Physiologie du rire , Essais de morale, de

    science et desthtique, trad. A. Burdeau, Paris, Germer-Baillire,1877, p. 311.

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    ristique de lhumain un autre, infrieur ou dgrad.Si le philosophe souligne la relation de sympathie quistablit alors entre le fait peru et la conscience qui leperoit reconnaissant du mme coup le rle cldvolu une subjectivit implique, qui la foisobserve et juge , il se dmarque de ses devanciers parlapport de deux lments nouveaux jusque-l ngli-gs : le regard social (quon pourrait ici comparer une instance proche du surmoi freudien) et le principe,logique autant quanalogique, de lautomatisme.

    DE LHOMME SOCIAL LHOMME-MACHINE

    Sil semble partir des postulats de la thse aristotli-cienne, Bergson sen dpart rapidement. L o la tho-rie classique de la comdie validait le principe duneinconvenance manifeste dans lordre des statuts, descomportements et des valeurs, la position bergso-nienne met de prfrence laccent sur un conflit deforces opposes : llan de lhomme qui court vient seheurter une nergie contraire, qui larrte. Mais cejeu de forces ne ressortit pas exclusivement aux mca-nismes antagonistes mis au jour par une psychologiedu mouvement (par exemple la thorie de Spencer).Il participe autant de la dynamique vitale que de ladynamique sociale, dont Bergson rappelle quelles exi-gent de chacun de nous [] une attention constam-ment en veil , mais aussi une certaine lasticit ducorps et de lesprit, qui nous mette mme de nousy adapter . Tension et lasticit, voil deux forcescomplmentaires lune de lautre que la vie met enjeu (p. 71).

    Lharmonie des souplesses, corporelle et psycholo-gique, reflte lidal dune vie en socit fonde surlaccord et lquilibre des membres qui la composentet qui forment, au sens plein du mot, un corps.

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    Lorsque, par une attitude dviante ou excentrique, unde ces membres rompt cette harmonie de principe, ilest immdiatement victime dun rappel lordre.Celui-ci est matrialis par un signal, un geste , ditBergson : Le rire doit tre quelque chose de ce genre,une espce de geste social (p. 72). Toutefois, ce gesterpressif sinscrit dabord dans le champ des comporte-ments, et apparat de ce fait justiciable dune anthropo-logie : quand nous rions, nous usons dune fonction,culturellement dtermine par les codes et les valeursen cours dans notre tat social, fonction qui vise corriger celui dont le comportement est considrcomme divergent. Au sein de la collectivit, le riresanctionne ainsi celui qui tend scarter du centrecommun autour duquel la socit gravite (p. 72). Entransfrant le rire du domaine de lesthtique lespace social lieu de sa ralisation et de son reten-tissement , Bergson le replace parmi les rieurs. Ils nesont pas seulement des spectateurs, occasionnels ouvolontaires ; ils se prsentent aussi comme les garantsdune certaine norme laquelle lunivers social, sesrgles et ses usages doivent se conformer. Certes,lhomme qui rit libre, comme le rappelaient Spencerou Thodule Ribot, un trop-plein dexcitation ner-veuse 1 , lequel anime tous ses muscles et modifie saphysionomie. Mais largument physiologique trahit seslimites, car il nexplique rien tant quil ignore la rela-tion spcifique qui se tisse, dans tous les cas comiques,entre le rieur, celui dont il rit et les conduites dictespar la vie en socit. Ds les premires pages de sonessai, cest cette relation dont Bergson cherche souli-gner la ncessit logique.

    En tant que geste social, le rire intervient galement un autre niveau : celui des reprsentations, puisque

    1. Ibid., p. 293.

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    le comique nat au moment prcis o la socit etla personne, dlivres du souci de leur conservation,commencent se traiter elles-mmes comme desuvres dart , cest--dire, prcisment comme desobjets de reprsentation. Souvre alors une autrescne, zone neutre o lhomme se donne simplementen spectacle lhomme (p. 73). la fonction socialedu rire correspond, en vertu dune mimesis qui estcho et redoublement de la vie, une fonction esth-tique, non moins instructive. Aussi Bergson entrelace-t-il anthropologie, sociologie, philosophie de la vie etphilosophie de lart.

    On comprend mieux dans ces conditions lemploispcifique qui est fait de la notion dautomatisme oude mcanisme. Ni Spencer ni Ribot navaient jug utilede mettre en lumire, dans ltude des causes et deseffets du rire, une catgorie emprunte la pensemcaniste. Car lautomatisme renvoie aussi bien unevision qui assimile lhumain un ensemble de fonc-tions obissant des systmes rflexes et agissant selonun programme sur lequel la volont consciente ninter-vient pas. Si, pour Descartes, lhomme est une orga-nisation corporelle doue dune me qui lanime etdcide librement de ses mouvements, Julien de LaMettrie, en revanche, nhsitera pas parler dhomme-machine, donnant raison, paradoxalement contrelidalisme spiritualiste, aux arguments dun matria-lisme radical. Hritier dune tradition mtaphysique laquelle il nentend pas se soustraire, Bergson se faitainsi lcho des propositions qui fondent la thoriemcaniste au milieu du XIXe sicle, grce notammentaux travaux de Coriolis et aux expriences de Fou-cault. Le premier, sinscrivant dans la continuit destravaux de Joseph Louis Lagrange, notamment de saMcanique analytique (1788), sattache mettre en vi-dence la composition des acclrations. Le second,

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    connu pour son clbre pendule du Panthon, forma-lise, par lexprience interne quil ralise de la rotationaxiale de la Terre, la notion de systme de rfrence,celle-ci tant le repre par rapport auquel lacclra-tion du mouvement doit tre value. Cest l un pointessentiel, car ds lors quon admet, comme lavait faitdAlembert dans son Trait de dynamique (1743), quela loi de la mcanique est le mouvement, il importe dedterminer avec prcision le point de rfrence partirduquel celui-ci peut tre apprhend et mesur. Mou-vement, acclration, nergie, action, force : tels sontles termes qui viennent sous la plume de Bergson ; ilstmoignent dune affinit logique et thorique delauteur du Rire avec la thse mcaniste et avec lascience mcanique proprement dite. On ne stonnerapas ainsi de ce que, pour lui, la cause du comiquesexplique par un effet de raideur ou de vitesseacquise (p. 66), tout se passant comme si le mouve-ment celui du corps comme celui de lesprit taitvictime dune acclration incontrle et dun capitaldnergie incontrlable. Ici, il sagit bien dapprcierla force dexpansion du comique (titre du premierchapitre, p. 61). Cest pourquoi Bergson prcise : Cequil y a de risible [], cest une certaine raideur demcanique l o lon voudrait trouver la souplesseattentive et la vivante flexibilit dune personne (p. 66). Quand lautomate prend le pas sur la per-sonne, on assiste au triomphe ridicule de lhomme-machine. Tel est bien le leitmotiv de lessai de Bergson :par touches successives et effets de variation, le propospasse selon une gradation calcule de la raideur constate la simple mcanique et en arrive laformulation dune loi gnrale, un carrefour dides etdimages : Du mcanique plaqu sur du vivant (p. 83).Cest l en effet la dfinition condense que tra-ditionnellement nous retenons de lessai de Bergson,

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    ramenant la rflexion sur le rire un principe analo-gique qui soumet lhumain forme perfectionne destats du vivant aux rouages dune machine qui fonc-tionne selon son propre rythme, aveugle et rptitif.

    Cependant, la notion de mcanique , loin de selimiter au champ actuel des forces qui agissent sur lescorps et les mettent en mouvement, donne essor ungeste speculatif pleinement solidaire du questionne-ment philosophique proprement dit. Quest-ce quecette mcanisation du vivant, sinon lacte de synthsepar lequel sagencent les dualits conceptuelles quistructurent le discours dominant de la mtaphysiqueclassique ? Il importe de fait de revenir sur lopposi-tion majeure entre corps et esprit (au centre delanthropologie critique du rationalisme, de Platon Descartes) et sur la faon dont Bergson en renouvellelapproche. Sappuyant sur les suggestions loquentesde la caricature, qui devine, sous les harmoniessuperficielles de la forme, les rvoltes profondes de lamatire (p. 76), le philosophe en vient lexamen duconflit entre le corps et lesprit, entre la matire etlme. Lorsque celle-ci plie sous le poids des figementsdu corps, sous ses lourdeurs ou ses raideurs, avouantainsi sa propre dfaite, alors surgit le comique. Il estpossible par consquent de voir se dgager de cettethse la smiologie suivante : en isolant les signesvisibles du mcanique et les symptmes de lautoma-tisme, lobservateur se donne les moyens de remonteraux causes qui ont produit le phnomne du rire, cir-conscrivant de la sorte le nud du problme. Car lescrispations de la forme pesanteurs et difformits quisont les signes quune simple mcanique est luvre mettent au jour les luttes que le corps engagecontre lesprit pour assurer le triomphe de la matiresur lme. Comme le dit Bergson, la matire rsiste

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    et sobstine . Elle tire elle, elle voudrait convertir sa propre inertie et faire dgnrer en automatismelactivit toujours en veil de ce principe suprieur quest lme (p. 77).

    Dans Matire et mmoire, le philosophe stait djattach reconsidrer les proprits et les ressourcesdu corps dans sa relation avec lesprit, et son effortalors avait consist, contre tout dualisme dogmatique, oprer un rapprochement entre eux 1 . Lessai surle rire met en lumire son tour linteraction de lamatire et de lme, mais sous langle dcisif du mou-vement : la dynamique corps et esprit se dtraque etsappesantit au profit de la matrialit, faisant ducorps moins linstrument dune action que le thtreimmobile dune neutralisation. L o la matirerussit ainsi paissir extrieurement la vie de lme, en figer le mouvement, en contrarier enfin la grce,elle obtient du corps un effet comique (p. 78).Limage du mcanisme permet de rendre compte de cepige qui se referme sur la vie de lme, tout se passantcomme si le principe de vie se voyait rifi, perdant ceque Bergson appelle sa grce . Nous rions toutesles fois quune personne nous donne limpression dunechose (p. 95). En somme, le comique, cest lpreuvecommune de lesprit et du corps en disgrce.

    LA GRCE ET LE VIVANT

    Cette notion de grce , apparemment acciden-telle, concentre un certain nombre des attendus philo-sophiques de Bergson. Elle ordonne des catgoriesopratoires qui jalonnent sa manire de conceptualiserle vivant.

    1. Matire et mmoire, op. cit., p. 91.

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    Dans lEssai sur les donnes immdiates de laconscience (1889), abordant les sentiments esth-tiques , Bergson sattarde sur le plus simple dentreeux, le sentiment de la grce 1 , quil dfinit ainsi :

    Ce nest dabord que la perception dune certaineaisance, dune certaine facilit dans les mouvements ext-rieurs. Et comme des mouvements faciles sont ceux quise prparent les uns les autres, nous finissons par trouverune aisance suprieure aux mouvements qui se faisaientprvoir, aux attitudes prsentes o sont indiques etcomme prformes les attitudes venir 2.

    Ce sentiment rsulte de lapprciation dune aisance suprieure dans les mouvements, la grcereposant sur deux principes physiques et cintiquesqui sont aussi des modalits dynamiques de la vie delesprit. Tout dabord, la continuit dans lenchane-ment entrane une impression de fluidit, de facilit (terme qui voque une espce de naturel dans legeste) ; ensuite, la prvisibilit du mouvement prouveque chaque geste, chaque acte, peut tre reli unautre et sinsrer de la sorte dans un continuum qui estmmoire et projection, pass, prsent et avenir. Cesdeux catgories continuit et prvisibilit sou-tiennent, au nom de la grce, un idal vivant (p. 78). En ngatif, elles supposent la discontinuit etlimprvisibilit, sur lesquelles dailleurs, ds lEssai de1889, Bergson ne manquait pas dattirer lattention,puisquil crivait :

    Si les mouvements saccads manquent de grce, cestparce que chacun deux se suffit lui-mme et nannoncepas ceux qui vont le suivre. Si la grce prfre les courbesaux lignes brises, cest que la ligne courbe change de

    1. Essai sur les donnes immdiates de la conscience, d. E. Pica-vet, GF-Flammarion, 2013, p. 60.

    2. Ibid.

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    direction tout moment, mais que chaque direction nou-velle tait indique dans celle qui prcdait 1.

    Cest donc bien lesthtique de la grce qui, selonBergson, rcuse ce qui est la source mme ducomique : le mouvement saccad et limprvu delaction. Car leffet premier du mcanique plaqu surdu vivant consiste, dans ses principes gnrauxcomme dans les cas particuliers, faire valoir non seu-lement lautomatisme des gestes, des attitudes et despenses, soumis aux saccades du mouvement et auxbrisures de la raideur, mais aussi le caractre imprvudes actions qui les accompagnent. Les diffrents pro-cds du comique examins par Bergson dans ledeuxime chapitre de son essai illustrent et lgitimentla conjonction grce laquelle sarticulent ces deuxmodalits : les images du diable ressort et du pan-tin ficelles (p. 102-108), comme le principe mme dela rptition, quelle soit de mots ou de situations, oucelui de linterfrence des sries, associent le motifanalogique du mcanique aux catgories adjacentes denon-continuit et de non-prvisibilit. Mais la notionde grce et ses rsonances, tant cintiques que psy-chologiques, impliquent dadmettre une libert dans lemouvement, corollaire la libert qui est luvredans les actes et les intentions de lesprit. Harmoniedu corps et de lme, la grce bergsonienne couronnela mobilit souveraine de la personne libre. Aussi lecomique, conu comme leffet dun arrangementmcanique spcial (p. 112), est-il lexprience delalination : prisonnire de la matire, mcanise,automatise, lme, qui a perdu la grce, a galementperdu sa libert.

    Le Rire prolonge et corrobore ainsi la rfutation dudterminisme telle quelle se trouve dj nonce dans

    1. Ibid., p. 60-61.

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  • Mise en pages par Meta-systems59100 Roubaix

    No ddition : L.01EHPN000531.N001Dpt lgal : octobre 2013

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    Le rireNOTE SUR LDITIONPrsentation

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