le retrait empêché du béton. prédiction selon l'eurocode 2 et

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Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 1 CT GROS ŒUVRE Avec 12 millions de mè- tres cubes coulés sur chan- tier en 2007, le béton est un matériau de construc- tion dont le succès est indiscutable. Si l’on peut louer ses nombreuses qualités – résistance mécanique, résistance au feu, inertie thermique, isolation acoustique, etc. –, il souffre néanmoins d’un défaut que de nom- breux chercheurs se sont évertués à gommer depuis son invention : son retrait. ? B. Parmentier, ir., chef de la division 'Structures' V. Pollet, ir., chef adjoint du département 'Matériaux, Technologies et Enveloppe' G. Zarmati, ir., chercheur, laboratoire 'Structures' Le retrait du béton est une déformation volu- mique de celui-ci sous l’action de phénomènes physico-chimiques liés à l’hydratation de la pâte de ciment et au séchage. Etant donné que le taux d’humidité relative du béton coulé s’élève initialement à 100 % et que le milieu ambiant est généralement caractérisé par une humidité relative plus faible ( 1 ), le retrait du béton est souvent assimilé à une réduction de volume. Ce phénomène est d’autant plus important qu’il est responsable de nombreuses patho- logies sur les ouvrages en béton lorsque cette déformation est entravée ( 2 ). On parle alors de retrait empêché et le concepteur aura pour tâche de maîtriser celui-ci pour éviter toute fissuration ou déformation excessive préjudi- ciable à la durabilité et aux performances de l’ouvrage (stabilité, étanchéité, etc.). Comme nous le verrons dans cet article, l’en- trepreneur pourra, lui aussi, collaborer pour pallier, dans une certaine mesure, ce défaut souvent considéré comme le talon d’Achille d’un matériau de référence. L’Eurocode 2 permet désormais de prédire la valeur du retrait total du béton, y compris sa composante spécifique endogène. Cette adaptation était nécessaire étant donné la prise en compte des bétons à haute résistance (> C50/60) dans les méthodes de calcul. Comme cette nouvelle norme remplacera bientôt la NBN B 15-002 ( 3 ), il nous a paru intéressant d’attirer l’attention, d’une part, sur les différents changements apportés aux modèles de prédiction, notamment en ce qui concerne le retrait endogène, et, d’autre part, sur l’impact des méthodes d’exécution sur la maîtrise du retrait empêché. Cet article est une mise à jour des informations présentées dans une précédente publication de CSTC-Revue [14]. 1 LE RETRAIT DU BÉTON Le retrait (total) d’un élément en béton pré- sente, principalement, deux composantes : le retrait endogène et le retrait de séchage ( 4 ). Ces deux types de déformations concomitan- tes peuvent être calculées suivant la nouvelle norme NBN EN 1992-1-1 ‘Eurocode 2. Calcul des structures en béton. Partie 1-1 : règles gé- nérales et règles pour les bâtiments’ [4] et son annexe nationale ANB [5]. 1.1 RETRAIT DE SÉCHAGE Le béton est un matériau fabriqué au départ d’un liant hydraulique bien connu : le ciment. La part d’eau nécessaire aux réactions d’hy- dratation est d’environ 23 % de la masse de ciment, soit un rapport eau/ciment (E/C) de 0,23 [10]. La quantité d’eau découlant de ce rapport s’avère cependant nettement insuffi- sante pour la mise en œuvre du béton dans des conditions normales. On a traditionnellement recours à des rapports E/C de l’ordre de 0,45 à 0,65 combinés, généralement, à des (super) plastifiants. Pour des bétons à haute ou très haute résistance, une composition spécifique combinée à l’utilisation d’un cocktail d’adju- vants permet de descendre à des rapports E/C proches de 0,30 (essentiels pour conférer une microstructure compacte et atteindre ces hautes performances) sans problème majeur d’ouvrabilité. Ces compositions ne représentent cependant pas la majorité du marché. Pour les bétons courants, l’excédent d’eau utilisé en surplus du minimum nécessaire à l’hydratation n’est pas lié chimiquement et peut donc, si l’humi- dité relative ambiante est inférieure à 100 %, s’évaporer de la matrice cimentaire via les po- res capillaires. Le retrait de séchage du béton (aussi appelé re- trait hydraulique ou retrait de dessiccation) ré- sulte du séchage de la masse du béton [1]. Cette évaporation, qui peut s’étaler sur plusieurs an- nées, crée des tensions de surface à l’interface des grains de ciment hydratés qui génèrent à leur tour des déformations macroscopiques de l’élément, à savoir un raccourcissement. Les valeurs du retrait de séchage du béton sont d’environ 0,1 à 0,8 mm/m (100 à 800 µm/m). Le retrait de séchage est d’autant plus élevé que : la proportion de pâte de ciment dans le mé- lange est élevée (la présence des granulats plus rigides limite la déformation) le rapport E/C est élevé l’humidité relative est faible la quantité de ciment est élevée le rayon moyen de la section de l’élément ( 5 ) ( 1 ) Hors mise sous eau. ( 2 ) En 2007, les problèmes de fissuration du béton représentaient 12 % de l’activité de la division des avis techniques du CSTC. ( 3 ) Basée sur la norme NBN ENV 1992-1-1, la précédente version de l’Eurocode 2. ( 4 ) Le présent article ne traite pas du retrait thermique découlant de l’élévation de température due aux réactions exothermiques d’hydratation. ( 5 ) Le rayon moyen h 0 représente le rapport volume/surface en contact et vaut 2 A c /u où A c représente l’aire de la section du béton et u le périmètre de la partie de la section exposée à la dessiccation. Dans le cas des dalles sur sol, h 0 = 2.h (2 fois l’épaisseur de la dalle). Le retrait empêché du béton Prédiction selon l' Eurocode 2 et maîtrise via les techniques d'exécution Fig. 1 Retrait d'un voile en béton libre aux extrémités et encastré en base.

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Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 1

CT Gros Œuvre

Avec 12 millions de mè-tres cubes coulés sur chan-tier en 2007, le béton est un matériau de construc-tion dont le succès est indiscutable. si l’on peut louer ses nombreuses qualités – résistance mécanique, résistance au feu, inertie thermique, isolation acoustique, etc. –, il souffre néanmoins d’un défaut que de nom-breux chercheurs se sont évertués à gommer depuis son invention : son retrait.

? B. Parmentier, ir., chef de la division 'Structures'V. Pollet, ir., chef adjoint du département 'Matériaux, Technologies et Enveloppe'G. Zarmati, ir., chercheur, laboratoire 'Structures'

Le retrait du béton est une déformation volu-mique de celui-ci sous l’action de phénomènes physico-chimiques liés à l’hydratation de la pâte de ciment et au séchage. Etant donné que le taux d’humidité relative du béton coulé s’élève initialement à 100 % et que le milieu ambiant est généralement caractérisé par une humidité relative plus faible (1), le retrait du béton est souvent assimilé à une réduction de volume.

Ce phénomène est d’autant plus important qu’il est responsable de nombreuses patho-logies sur les ouvrages en béton lorsque cette déformation est entravée (2). On parle alors de retrait empêché et le concepteur aura pour tâche de maîtriser celui-ci pour éviter toute fissuration ou déformation excessive préjudi-ciable à la durabilité et aux performances de l’ouvrage (stabilité, étanchéité, etc.).

Comme nous le verrons dans cet article, l’en-trepreneur pourra, lui aussi, collaborer pour pallier, dans une certaine mesure, ce défaut souvent considéré comme le talon d’Achille d’un matériau de référence.

L’Eurocode 2 permet désormais de prédire la valeur du retrait total du béton, y compris sa composante spécifique endogène. Cette adaptation était nécessaire étant donné la prise en compte des bétons à haute résistance (> C50/60) dans les méthodes de calcul.

Comme cette nouvelle norme remplacera bientôt la NBN B 15-002 (3), il nous a paru

intéressant d’attirer l’attention, d’une part, sur les différents changements apportés aux modèles de prédiction, notamment en ce qui concerne le retrait endogène, et, d’autre part, sur l’impact des méthodes d’exécution sur la maîtrise du retrait empêché.

Cet article est une mise à jour des informations présentées dans une précédente publication de CSTC-Revue [14].

1 Le reTrAiT du béTon

Le retrait (total) d’un élément en béton pré-sente, principalement, deux composantes : le retrait endogène et le retrait de séchage (4). Ces deux types de déformations concomitan-tes peuvent être calculées suivant la nouvelle norme NBN EN 1992-1-1 ‘Eurocode 2. Calcul des structures en béton. Partie 1-1 : règles gé-nérales et règles pour les bâtiments’ [4] et son annexe nationale ANB [5].

1.1 RetRait de séchage

Le béton est un matériau fabriqué au départ d’un liant hydraulique bien connu : le ciment. La part d’eau nécessaire aux réactions d’hy-dratation est d’environ 23 % de la masse de ciment, soit un rapport eau/ciment (E/C) de 0,23 [10]. La quantité d’eau découlant de ce rapport s’avère cependant nettement insuffi-sante pour la mise en œuvre du béton dans des conditions normales. On a traditionnellement recours à des rapports E/C de l’ordre de 0,45 à 0,65 combinés, généralement, à des (super)plastifiants. Pour des bétons à haute ou très haute résistance, une composition spécifique combinée à l’utilisation d’un cocktail d’adju-vants permet de descendre à des rapports E/C proches de 0,30 (essentiels pour conférer une microstructure compacte et atteindre ces hautes performances) sans problème majeur d’ouvrabilité.

Ces compositions ne représentent cependant pas la majorité du marché. Pour les bétons courants, l’excédent d’eau utilisé en surplus du minimum nécessaire à l’hydratation n’est pas lié chimiquement et peut donc, si l’humi-dité relative ambiante est inférieure à 100 %, s’évaporer de la matrice cimentaire via les po-res capillaires.

Le retrait de séchage du béton (aussi appelé re-trait hydraulique ou retrait de dessiccation) ré-sulte du séchage de la masse du béton [1]. Cette évaporation, qui peut s’étaler sur plusieurs an-nées, crée des tensions de surface à l’interface des grains de ciment hydratés qui génèrent à leur tour des déformations macroscopiques de l’élément, à savoir un raccourcissement.

Les valeurs du retrait de séchage du béton sont d’environ 0,1 à 0,8 mm/m (100 à 800 µm/m). Le retrait de séchage est d’autant plus élevé que :• la proportion de pâte de ciment dans le mé-

lange est élevée (la présence des granulats plus rigides limite la déformation)

• le rapport E/C est élevé• l’humidité relative est faible• la quantité de ciment est élevée• le rayon moyen de la section de l’élément (5)

(1) Hors mise sous eau.(2) En 2007, les problèmes de fissuration du béton représentaient 12 % de l’activité de la division des avis techniques du CSTC.(3) Basée sur la norme NBN ENV 1992-1-1, la précédente version de l’Eurocode 2.(4) Le présent article ne traite pas du retrait thermique découlant de l’élévation de température due aux réactions exothermiques d’hydratation.(5) Le rayon moyen h

0 représente le rapport volume/surface en contact et vaut 2 A

c/u où A

c représente l’aire de la section du béton et u le périmètre de la partie

de la section exposée à la dessiccation. Dans le cas des dalles sur sol, h0 = 2.h (2 fois l’épaisseur de la dalle).

Le retrait empêchédu béton

Prédiction selon l'Eurocode 2 etmaîtrise via les techniques d'exécution

Fig. 1 Retrait d'un voile en béton libre aux extrémités et encastré en base.

▲▲ ▲

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 2

CT Gros Œuvre

est faible• le type de ciment est rapide.

Par ailleurs, le retrait de séchage sera d’autant plus rapide que le rayon moyen de l’élé-ment (h

0) sera petit.

1.2 RetRait endogène

Le retrait endogène du béton (aussi appelé re-trait d’auto-dessiccation ou retrait chimique) est une déformation qui résulte du fait que le volume des produits de l’hydratation est plus petit que le volume des réactifs en présen-ce [1]. Cette déformation est présente même sans échange hydrique avec l’environnement. Il s’agit donc d’une dessiccation interne du béton. Par opposition au retrait de séchage, celle-ci sera d’autant plus grande que le bé-ton présentera un rapport E/C faible, souvent synonyme d’une quantité de ciment élevée et par conséquent d’une grande résistance méca-nique (bétons à hautes résistance ou HSC (6)). Les valeurs du retrait endogène sont d’envi-ron 0,025 à 0,200 mm/m (25 à 200 µm/m) en fonction du type de béton. En pratique, on ne tiendra compte de cette déformation que pour des bétons de classe de résistance supérieure à C35/45 ou pour les éléments particulièrement massifs.

Une étude réalisée au CSTC a permis de met-tre en évidence, sur la base de mesures expé-rimentales, l’effet du facteur E/C, mais aussi du type de ciment, en ce qui concerne entre autres sa proportion de laitier ou de cendres volantes [12].

1.3 RetRait plastique

Le retrait plastique résulte d’un séchage rapide du béton en phase plastique. Le retrait plas-tique n’est ni plus ni moins que le retrait de séchage qui se déroule lorsque le béton n’a pas encore durci. L’ampleur du retrait plastique est influencée par la quantité d’eau qui s’évapore en surface, qui est elle-même fonction de la température, de l’humidité relative ambiante et de la vitesse du vent. Si la quantité d’eau éva-porée est beaucoup plus importante que l’ap-port provenant du ressuage du béton, il peut en résulter des fissures dues à des contraintes de traction en peau supérieures à la résistance du béton. Cette fissuration dépend non seulement de la vitesse d’évaporation en surface, mais aussi de la rigidité et de la résistance précise du béton à ce moment. Les fissures de retrait plastique sont généralement espacées de 15 à 50 cm et peuvent être très profondes (cf. fi-gure 2).

Si certaines se referment pendant la mise en

(6) High Strength Concrete par opposition au Normal Strength Concrete (NSC).

place du béton (lors du talochage des sols in-dustriels, p. ex.), elles restent néanmoins des lieux de faiblesse d’où peuvent partir préféren-tiellement d’autres types de fissure.

Finalement, le retrait plastique sera d’autant plus important que la quantité de ciment du mélange est importante et que le rapport E/C est faible.

2 Le modèLe de L’euroCode 2

Les déformations de retrait peuvent être cal-culées à l'aide de l’Eurocode 2, publié en 2005 par le Bureau de normalisation et qui reprend, dans les grandes lignes, le modèle déjà intro-duit dans la norme NBN B 15-002. Cependant, ce dernier modèle ne faisait pas de distinction entre les deux composantes du retrait et les intégrait dans une seule valeur. La version ac-tuelle de l’Eurocode 2 formule de manière plus détaillée le calcul du retrait endogène. Cette formulation permet de prendre en compte ce phénomène plus correctement, surtout pour les bétons à haute résistance.

2.1 RetRait total

Comme présenté plus haut, la déformation de

retrait totale (εcs) se compose de deux parties.

La première est liée au retrait de séchage (εcd

) et la deuxième au retrait endogène (ε

ca). Le

retrait de séchage évolue lentement car il est fonction de la migration de l’eau au travers du béton durci. La déformation du retrait endo-gène se développe au cours du durcissement du béton : elle se produit dès lors en majeure partie durant les premiers jours qui suivent le coulage. La déformation totale de retrait peut être calculée par la relation suivante :

cs cd caε = ε + ε (1)

où :• ε

cs = la déformation totale de retrait

• εcd

= la déformation due au retrait de sécha-ge

• εca

= la déformation due au retrait endogène.

Notons par ailleurs que le retrait s’exprime en en µS ou en µm/m (10-6 m/m).

2.2 pRédiction du RetRait de séchage

Les valeurs de l’expression (1) dépendent de nombreux paramètres, parmi lesquels, bien entendu, le temps. L’évolution du retrait de séchage est donnée par l’expression suivante :

cd,

cd ds s h cd,0(t) (t, t ) k

∞ε

ε = β ⋅ ⋅ ε

(2).

où :• β

ds (t, t

s) = une fonction qui traduit l’évolu-

tion dans le temps du retrait de séchage (βds

vaut 1 pour le calcul de la valeur finale du retrait). Cette fonction dépend de h

0 tandis

que ts représente la durée de la cure et (t-t

s)

le temps de séchage (cf. figure 3, p. 3)• k

h = un coefficient dépendant du rayon moyen

h0, conformément à la figure 4 (p. 3)

• εcd,0

= la valeur nominale du retrait de sé-chage. L’influence du type de ciment sur le retrait de séchage est présentée à la figu-re 5 (p. 4). Notons que la classe de résistan-ce du ciment peut induire une augmentation de près de 60 % du retrait en fonction de la résistance. Les valeurs du retrait de séchage sont données dans le tableau ci-dessous pour

Fig. 2 Fissuration sévère due au retrait de séchage (1) et au retrait plastique (2) d’un sol industriel.

1

22

2

fck/fck,cube (mPa)

Humidité relative (%)

20 40 60 80 90 100

20/25 0,62 0,58 0,49 0,30 0,17 0

25/30 0,58 0,55 0,46 0,29 0,16 0

30/37 0,55 0,52 0,43 0,27 0,15 0

35/45 0,51 0,49 0,41 0,25 0,14 0

40/50 0,48 0,46 0,38 0,24 0,13 0

50/60 0,43 0,41 0,34 0,21 0,12 0

60/75 0,38 0,36 0,30 0,19 0,10 0

80/95 0,30 0,28 0,24 0,15 0,08 0

90/105 0,27 0,25 0,21 0,13 0,07 0

Valeurs nominales (en ‰) du retrait de dessiccation non gêné εcd,0 pour du béton composé de ciment CEM de classe N (42,5 N ou 32,5 R).

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 3

CT Gros Œuvre

Rayon moyen h0

50 mm100 mm200 mm300 mm400 mm500 mm600 mm

1

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0

100 101 102 103 104 105

t-ts [jours]

β ds

Fig. 3 Coefficient βds en fonction du rayon moyen h0. La durée d’expo-sition (t-ts) représente la durée de séchage, c.-à-d. la période postérieure à la cure.

1,2

1

0,8

0,6

0,4

0,2

0

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000h0 [mm]

k h

1

0,85

0,750,70 0,70

Fig. 4 Valeur de kh en fonction du rayon moyen h0.

* CalCul détaillé de εcd,0 et βds

Le calcul détaillé de εcd,0 est le suivant : . Dans cette formule :

• 3

RH0

RH1,55 1

RH

β = ⋅ −

• fcm = la résistance moyenne en compression du béton (MPa)• αds1 = un coefficient qui tient compte du type de ciment : ce coefficient vaut 3 pour les ciments lents (classe S : 32,5 N), 4 pour les

ciments normaux (classe N : 32,5 R – 42,5 N) et 6 pour les ciments rapides (classe R : 42,5 R – 52,5 N – 52,5 R)• αds2 = un coefficient qui tient compte du type de ciment : ce coefficient vaut 0,13 pour les ciments de classe S, 0,12 pour les ciments

de classe N et 0,11 pour les ciments de classe R• RH = l’humidité relative ambiante (%)• RH0 = l’humidité relative ambiante de référence (100 %).• h0 = le rayon moyen de la section. Celui-ci est égal à 2Ac/u, où Ac représente l’aire de la section de béton et u le périmètre de la par-

tie de la section exposée au séchage.

L'évolution dans le temps du retrait de séchage se traduit par la formule suivante : où :• t = l’âge du béton à l’instant considéré (jours)• ts = l’âge du béton (jours) au début du retrait de séchage (ou gonflement). Normalement, ceci correspond à la fin de la cure.

( )( )

sds s 3

s 0

t t(t, t )

t t 0,04 h

−β =

− +

( ) 6cmcd,0 ds1 ds2 RH

f0,85 220 110 exp 10

10− ε = ⋅ + ⋅α ⋅ −α ⋅ ⋅ ⋅β

h0 = 600 mm

h0 = 50 mm

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 4

CT Gros Œuvre

700

600

500

400

300

200

100

10 20 30 40 50 60 70 80 90fck [MPa]

ε cd,

0/βR

H [µS

]

Classe R

Classe N

Classe S

3

RHRH

1,55 1100

β = ⋅ −

Fig. 5 Valeurs de εcd,0/βRH en fonction de la résistance en compression.

200

180

160

140

120

100

80

60

40

20

0

10 20 30 40 50 60 70 80 90fck [MPa]

ε ca(∞

) [µ

S]

Fig. 6 Valeur finale du retrait endogè-ne εca(∞) en fonction de la résistance en compression fck.

un ciment normal (classe N). Il s’agit de valeurs moyennes déduites d’un très grand nombre de résultats d’essais caractérisés par un coefficient de variation d’environ 30 %. Le calcul de ε

cd,0 et de β

ds est détaillé dans

l'encadré à la page 3.

2.3 pRédiction du RetRait endogène

La déformation due au retrait endogène peut

quant à elle se calculer par l’expression sui-vante (cf. figure 6) :

ca as ca(t) (t) ( )ε = β ⋅ε ∞ (3)

où :• ε

ca(∞) = 2,5 . (f

ck – 10) . 10-6 (cf. figure 6)

• βas(t) = 1 – exp(-0,2 . t0,5), avec t exprimé en

jours.

Le retrait endogène est d’autant plus grand que le facteur E/C est faible et donc que sa résis-tance en compression f

ck est élevée (7). Cette

influence est exacerbée pour les bétons pré-sentant un haut dosage en ciment. Alors que le rapport E/C réel n’est pas toujours connu du concepteur, la résistance en compression du béton est quant à elle un choix du bureau

(7) fck

représente la résistance caractéristique en compression du béton, mesurée sur cylindre de 150 mm de diamètre et de 300 mm de hauteur à 28 jours.

Classe R

Classe N

Classe S

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 5

CT Gros Œuvre

d'étude. C’est ce dernier paramètre, pragmati-que, qui permet de prédire la valeur finale du retrait endogène selon l’Eurocode 2.

On notera également que le retrait endogène est indépendant de l’humidité relative ambian-te (HR) et des dimensions de l’élément (h

0).

Par conséquent, ce type de déformation est homogène dans la masse et ne génère pas de contraintes résiduelles par retrait différentiel si les conditions de support sont les mêmes pour toutes les faces de l’élément.

2.4 illustRation des facteuRs d’influence du RetRait

Reprenons quelques cas de figures pratiques permettant de quantifier les facteurs d’influen-ce du retrait sur quelques exemples communs.

Comme nous l’avons dit, le rapport E/C et la quantité de ciment sont deux facteurs dé-terminants pour situer l’ampleur du retrait total du béton. L’influence de ces facteurs est illustrée à la figure 7. On y constate qu’à

rapport E/C (‘wcf’) constant, le retrait est d’autant plus élevé que la quantité de ciment est grande et cette influence est elle-même d’autant plus grande que le rapport E/C est élevé. Ceci est dû au fait qu’une plus grande quantité de pâte de ciment hydraté est respon-sable du retrait. Néanmoins, pour une ouvra-bilité donnée, c'est-à-dire une quantité d’eau approximativement constante, le retrait est peu affecté par la quantité de ciment.

Nous avons vu que le facteur E/C indiquait,

1,4

1,2

1

0,8

0,6

0,4

0,2

0

150 200 300 400 500 600 700Quantité de ciment dans le béton [kg/m³]

Ret

rait

[mm

/m]

wcf 0,70 wcf 0,60 wcf 0,50

wcf 0,40

wcf 0,30

250 l

225 l

200 l

175 l

150 l

125 l

100 l

Fig. 7 Influence de la quantité de ciment sur la valeur de retrait total (wcf = facteur E/C) [15].

Quantité d'eau en l/m³ de béton

C190/105

C70/85

C50/60

C45/55

C35/45

C25/30

C12/15

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Ret

rait

[µS]

Fig. 8 Influence de la résistance en compression du béton sur le re-trait total (CEM 42,5 N – cure = 5j – HR = 60 % – h0 = 100 mm).

C90/105

C12/15

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 6

CT Gros Œuvre

implicitement, la quantité d’eau non liée dans le béton et, ainsi, le potentiel de retrait de ce-lui-ci. Dans la pratique, c’est la résistance en compression du béton, paramètre connu du concepteur et directement proportionnelle au facteur E/C, qui sera utilisée pour quantifier le retrait total. L’influence de la résistance en compression sur la valeur du retrait total est illustrée à la figure 8. On y distingue claire-ment la différence significative entre un béton de faible résistance (C12/15) et un béton à haute résistance (C90/105). Notons toutefois que cette différentiation dépend du temps de séchage. En effet, au jeune âge, un béton à haute résistance peut présenter un retrait total plus important qu’un béton de résistance plus

faible étant donné un retrait endogène plus important (cf. plus loin). Après 30 à 40 jours, cette tendance s’inverse avec, au final, un re-trait total du HSC plus faible.

La proportion de retrait endogène par rapport au retrait total est présentée à la figure 9 pour un béton normal (à gauche) et un béton à haute résistance (à droite). Pour ces deux types de bé-ton, la valeur du retrait total final est la même, soit environ 500 µm/m. Cependant, comme on peut le constater, la proportion de retrait en-dogène (courbe rose) est totalement différente puisqu’elle vaut, au final, près de 50 % pour le HSC contre moins de 10 % pour le béton normal. Ceci est illustré plus particulièrement

à la figure 10 (courbes en trait continu). No-tons également que le retrait total atteint plus de 90 % de sa valeur finale à 1 an pour les deux bétons. Ceci est dû principalement à la faible valeur de h

0 (100 mm) prise dans cet exemple.

La classe de résistance du ciment (durcisse-ment lent, normal ou rapide) est également plus importante qu’on ne l’imagine parfois. Sur la figure 11 (p. 7), on peut observer que la différence entre les ciments s’accentue avec le temps pour finalement atteindre une valeur du retrait final jusqu’à 60 % plus élevée pour un ciment rapide que pour un ciment lent.

On a déjà relevé que plus l’élément était mas-

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Prop

ortio

n du

ret

rait

[%]

HSCProp. retrait = 94 %

NSCProp. retrait = 91 %

Béton à hauterésistance (HSC)

Fig. 10 Proportion du retrait endogè-ne en fonction du temps par rapport au retrait total pour deux types de béton (CEM = 42,5 – cure de 5 jours – HR = 60 % h0 = 300 mm).

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

100 101 102 103 104 105 106

Âge [jours]

Ret

rait

[µS]

C25/30CEM 42,5 N

Fig. 9 Evolution des différentes composantes du retrait en fonction du temps (cure de 5 jours – HR = 60 % –h0 = 100 mm).

Ret

rait

[µS]

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

C90/105CEM 52,5 R

Retrait endogène (AS) Retrait de séchage (DS) Retrait total (TS)

100 101 102 103 104 105 106

Âge [jours]

Béton normal (NSC)

365

Retrait total / retrait total final

Retrait endogène / retrait total

AS

DS

TS

AS

DS

TS

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 7

CT Gros Œuvre

sif, plus le retrait était faible. Sur la figure 12, on constate que la valeur finale du retrait total est d’autant plus faible que le rayon moyen h

0 est élevé. A la figure 13 (p. 8), on observe

qu’après un an et pour une humidité relative ambiante de 60 %, l’ampleur du retrait total d’un élément en béton C25/30 dont le rayon moyen h

0 est de 100 mm s’élève à 91 % de la

valeur finale, tandis que ce pourcentage tombe à 58 % (un peu plus de la moitié seulement) pour un rayon moyen de 400 mm.

La vitesse de développement du retrait joue un rôle prépondérant lors de la formation de fissures dans des éléments ‘bi-couche’, c'est-à-

dire composés à partir d’un béton jeune coulé sur un béton ancien. Les déformations rela-tives entre les deux couches de béton seront d’autant plus importantes que le béton plus an-cien a déjà fait une grande partie de son retrait final et s’est donc déjà stabilisé.

L’humidité relative est une des conditions li-mites établissant l’équilibre hygrique et déter-minant également en grande partie l’amplitude du retrait de séchage et donc du retrait total. Ce paramètre est illustré à la figure 14 (p. 8) pour un béton normal et un rayon moyen de 300 mm. La valeur de 50 % est typique d’une ambiance intérieure normale tandis que celle

informations utiles

Afin de faciliter l'utilisation de l'Euro-code, un module interactif ShInt© a été développé par l'Antenne Normes 'Eurocodes'. Il peut être téléchargé gratuitement à l'adresse suivante : www.normes.be/eurocodes, rubrique 'Normes/Modules de calcul'.

i

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Ret

rait

[µS]

32,5 S / 32,5 N (classe S)

32,5 R / 42,5 N (classe N)

42,5 R / 52,5 N / 52,5 R (classe R)

Fig. 11 Retrait total en fonction du type de ciment (C25/30 – cure = 5j – HR = 60 % h0 = 300 mm).

de 80 % reflète davantage des conditions exté-rieures (cela dépend en fait de la saison).

600 mm

500 mm

400 mm

300 mm

200 mm

100 mm

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Ret

rait

[µS]

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

Fig. 12 Influence du rayon moyen h0 sur le retrait total (C25/30 – CEM 42,5 N – cure = 5j – HR = 60 %).

h0 = 600 mm

h0 = 100 mm

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 8

CT Gros Œuvre

h0 = 100 mmProp. retrait = 91 %

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Prop

ortio

n du

ret

rait

tota

l [%

]

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

h0 = 200 mmProp. retrait = 78 %

h0 = 300 mmProp. retrait = 67 %

h0 = 400 mmProp. retrait = 58 %

365

Fig. 13 Influence du rayon moyen h0 sur la proportion du retrait total en fonction du temps (C25/30 – cure = 5j – HR = 60 %).

3 reTrAiT eT fissurATion

3.1 RetRait libRe

Le retrait libre du béton est communément mesuré suivant la norme NBN B 15-216. Il s’agit de mesures sur prismes conservés dans des conditions contrôlées de tempé-rature (20 ± 1 °C) et d’humidité relative (60 ± 1 %).

Ces mesures concernent le retrait total du bé-ton une fois celui-ci décoffré. Si l'on souhaite

quantifier les proportions spécifiques de re-trait endogène et de séchage, il faut dédoubler les échantillons dont une série sera isolée de l’ambiance extérieure au moyen de film alu-minium (pour la mesure du retrait endogène), tandis que les autres serviront à la mesure du retrait total.

Pour rappel, le retrait endogène est initié dès le contact entre l’eau et le ciment. Par consé-quent, si on souhaite évaluer son ampleur du-rant les premières heures, des dispositifs parti-culiers de mesure seront utilisés [12].

100 %

90 %

80 %

60 %

30 %

0 %

100 101 102 103 104 105 106

Age [jours]

Ret

rait

tota

l [µS

]

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

-700

-800

Fig. 14 Influence de l’humidité relative ambiante sur le retrait total (C25/30 – cure = 5j – HR = 60 %)..

3.2 fissuRabilité

A côté de ce potentiel de déformation, d’autres paramètres exerceront une influence sur le po-tentiel de fissuration du béton. C’est ce qu’on appelle sa fissurabilité. Celle-ci est caractéri-sée par :• sa déformabilité (module d'élasticité)• sa résistance à la traction• son développement thermique lors des réac-

tions exothermiques d’hydratation• son aptitude à relaxer les contraintes (par

fluage en traction).

0 %

100 %

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 9

CT Gros Œuvre

Fig. 15 Exemples d'éléments soumis à du retrait empêché.

A. Sol industriel B. Voile dans une station d'épuration

C. Sol rapporté D. Mortier de réparation

3.3 RetRait empêché

Les déformations dues au retrait ne sont pas forcément négatives. Elles ne le deviennent qu’à partir du moment où elles sont entra-vées car elles génèrent alors des contraintes de traction. Ces dernières, si elles dépassent un certain seuil proche de la résistance en traction, peuvent entraîner la fissuration du béton et tout ce qui s’en suit, à savoir des problèmes de durabilité (corrosion, etc.), d’étanchéité ou encore d’esthétisme. Diffé-rents types d’éléments soumis à un retrait empêché sont illustrés à la figure 15.

La fissuration dépendra du potentiel de re-trait libre, de la fissurabilité du béton, des autres sollicitations concomitantes ainsi que du degré de restreinte de la structure. En ce qui concerne ce dernier point, la norme NBN EN 1992-3 donne certaines informa-tions pour calculer les silos et les réservoirs qui sont des exemples-type d’ouvrages sou-mis à des déformations empêchées [11].

3.4 causes de RetRait empêché

Les déformations empêchées peuvent trou-ver leur origine dans deux causes.

La première, la plus évidente, est l’entrave extérieure qu’entraîne tout encastrement (cf. figure 16) ou frottement. Elle découle de conditions de bord ‘mécaniques’. La secon-de concerne la restreinte ‘interne’. Le retrait de séchage, dont nous avons parlé ci-dessus et qui représente la majorité du retrait total

d’éléments en béton de résistance ‘normale’, est lié à l’évaporation de l’eau par ses surfaces de contact. Ainsi, le retrait d’un volume partiel de l’élément en béton est d’autant plus impor-tant que ce volume est proche de la surface de cet élément, plus propice à sécher rapide-

ment. Il existe par conséquent un gradient de retrait dans la masse du béton. Il s’ensuit ce que l’on appelle des auto-contraintes générées par l’équilibrage des déformations dans cha-que plan de l’élément en béton puisque, hors fissuration, les déformations restent planes (cf. figure 17).

3.5 défoRmabilité avant fissuRation

La déformabilité du béton (son module d’élas-ticité) évolue avec sa maturité et donc son âge. Durant les premières heures, le béton est en-core très plastique (module d’élasticité faible) et peut reprendre des déformations importan-tes. Au fur et à mesure que le béton durcit, son module d’élasticité augmente et la défor-mation qu’il peut reprendre avant fissuration diminue.

A. Retrait non empêché

B. Retrait empêché

après le retrait avant le retrait

aucune liaison

liaison

Fig. 16 Fissuration dans un voile suite à l’encastrement dans le radier [7].

Fig. 17 Fissuration due au retrait empê-ché. Coupe horizon-tale dans un voile.

Déformation réelle

Compression

Section

Déformation imposée (t°, séchage, ...)

Autocontraintes de traction en surface

ε

σExtéRiEuR ExtéRiEuR

intéRiEuR

▲ ▲

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 10

CT Gros Œuvre

temps

Cont

rain

te

Contrainte de traction

avec fluage

Contrainte théorique

(élastique) de traction

Résistance à la

traction

Fissuration réelle

Fig. 18 Schéma du principe de la fis-suration due au retrait empêché.

Ce principe découle de la loi de Hooke pour les matériaux élastiques. Pour un béton C30/37 dont le module d’élasticité à 28 jours E

cm équivaut à environ 33.000 MPa, la défor-

mation susceptible d’être reprise avant fissu-ration vaut :

ctmfiss

cm

f 2,3

E 33000ε = = (4).

= 0,09 mm/m = 90 µm/m.

Cette relation n’est valable que lorsque l’élé-ment en béton est soumis à des efforts de traction de courte durée. Si la sollicitation est maintenue durant un temps relativement long (des semaines, voire des mois), des phé-nomènes de relaxation des contraintes vont voir le jour. Ceux-ci sont généralement pris en compte en diminuant virtuellement la valeur du module d’élasticité du béton sur la base du coefficient de fluage ϕ (cf. Eurocode 2) par l’expression :

* cmcm

EE

1=

+ ϕ (5).

Le retrait empêché du béton peut être consi-déré comme ce genre de sollicitation qui croît progressivement et génère des contraintes de traction dans la structure. Etant donné que cet-te évolution prend du temps, cette relaxation intervient progressivement.

En pratique, la valeur du coefficient de fluage vaut entre 1,5 et 3,5. Si nous prenons 2 comme valeur d’exemple, ceci implique une valeur de E*

cm = E

cm/3. Dans l’exemple ci-dessus, on peut

ainsi calculer la nouvelle valeur de εfiss

par :

* ctmfiss *

cm

f 2,9

11000Eε = =

(6).

= 0,26 mm/m = 260 µm/m.

Puisque le module d’élasticité est plus faible, les contraintes réelles de traction développées dans l’élément entravé à la suite du retrait seront plus faibles que les contraintes élastiques théoriques. Il s’en suit un décalage de l’âge de fissuration (cf. figure 18). En pratique, en fonction de la cinétique du séchage et du développement des contraintes, un béton C30/37 pourra reprendre des déformations variant de 90 à 260 µm/m.

Si on compare ces valeurs avec les valeurs de retrait calculées sur la base de l’Eurocode 2, on constate que tous les éléments en béton soumis à une restreinte totale dans une am-biance inférieure à 90 % d’humidité relative devraient se fissurer !

Cependant, le cas de la restreinte totale est rare en pratique (mais pas exclu). Il appartiendra donc au concepteur de focaliser son attention sur le degré de restreinte des différentes parties d’un ouvrage en béton et de prévoir différentes

(8) A facteur E/C équivalent, le retrait est d’autant plus élevé que la quantité de ciment ou d’eau est élevée [10, 7]. Une quantité limitée de ciment permet également de réduire le risque de retrait thermique lié au développement de la chaleur d'hydratation.

options pour réduire l’impact de la fissuration potentielle (armatures, etc.).

La fissurabilité du béton peut actuellement être évaluée sur la base du ‘ring test’ que diffé-rentes normes décrivent [2, 3]. A cet égard, la fissurabilité du béton renforcé de fibres fait ac-tuellement l’objet d’une étude au CSTC dans le cadre d’une recherche prénormative.

3.6 maîtRise de la fissuRation

Pour éviter les risques de fissuration, il y aura lieu de jouer sur trois aspects :• limiter le retrait du béton• limiter sa fissurabilité ou les conséquences

de celle-ci• limiter toute restreinte préjudiciable de

(parties de) l’ouvrage.

3.6.1 Limitation du retrait

Il est possible de limiter le potentiel de fissu-ration en suivant plusieurs recommandations visant à diminuer le retrait de séchage du béton :• un volume de pâte de ciment minimal (8)

mais compatible avec les exigences de du-rabilité et de résistance

• une utilisation éventuelle d’adjuvants ré-ducteurs de retrait pour limiter l’apport

Fissuration théorique

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 11

CT Gros Œuvre

tem

péra

ture

Retrait plastique Retrait endogène Retrait de séchage

± 1 jourPlusieurs

jours

Membrane de

mûrissement ou

brumisation

Mûrissement à l'eau

ou brumisation

Film

imperméable

temps

il faut absolument

empêcher l'eau

de s'évaporer.

il faut absolument

tout faire pour que

les capillaires soient

continuellement

remplis d'eau.

il faut ralentir ou

retarder le retrait de

séchage. Par contre,

le retrait endogène se

poursuit au rythme de

l'hydratation.

Fig. 19 Principes de cure idéale [1].

d’eau non nécessaire aux réactions d’hy-dratation

• un fuseau granulométrique adapté, continu, avec une quantité de fines limitée. Des exemples sont donnés dans la Note d’infor-mation technique n° 204 [6] ou encore dans la norme néerlandaise NEN 8005 [9].

Les granulats roulés permettent l’obtention d’un mélange maniable au départ d’une quan-tité d’eau plus faible qu’avec des granulats concassés (ce qui permet de limiter davantage le retrait). Néanmoins, vu les problèmes d’ap-provisionnement, de résistance plus faible à la traction et de coefficient de dilatation plus élevé, ces granulats sont de moins en moins utilisés.

Dans une certaine mesure et pour autant que leur emploi soit justifié sur le plan économi-que, certains nouveaux produits développés peuvent apparaître intéressants pour la maî-trise du retrait, notamment pour les bétons à haute résistance (9). Si ces techniques sont utilisées, il y aura lieu de prendre en compte toute influence sur les autres propriétés (mé-caniques, p. ex.) du béton.

Pour limiter le retrait endogène d’un béton, il faut veiller à ce que les pores capillaires soient continuellement remplis d’eau. Ceci permet de constituer un réservoir dans lequel les réactions chimiques vont puiser sans en-traîner de réduction volumique de la pâte de ciment fraichement créée. Pour ce faire, une brumisation ou un murissement à l’eau peut être réalisé [12].

3.6.2 Limitation de La fissurabiLité ou des conséquences de ceLLe-ci

Pour conférer au béton des propriétés limitant sa fissurabilité, il convient de favoriser :• sa déformabilité au jeune âge• le développement rapide de sa résistance à la

traction (influence de la cure, cf. plus loin)• l'utilisation de quantités raisonnables de

ciment dans la composition du béton pour limiter le retrait thermique et un retrait de séchage important à long terme

• le pontage et la distribution de micros fis-sures par l’utilisation d’armatures de faible diamètre ou par des fibres qui permettront de relaxer davantage les contraintes.

3.6.3 Limitation de La restreinte

En évitant toute restreinte mécanique externe ou interne, on favorise le libre déroulement des déformations de l’ouvrage. Une série de mesu-res concrètes peuvent être prises à cet égard :• éviter les connexions entre parties de

l’ouvrage si ce n’est pas nécessaire mécani-quement

• éviter le frottement entre parties d’ouvrage• éviter les déformations différentielles entre

parties d’ouvrage (coulées, p. ex., à des mo-ments différents)

• éviter tout séchage différentiel de parties d’ouvrage (qui provoquerait un retrait dif-férentiel et, par conséquent, des contraintes de flexion).

3.7 influence de la cuRe

L’influence de la cure n’est pas directement perceptible dans les différents modèles de

(9) Granulats poreux saturés, polymères super-absorbants [12].

antenne normes

Cet article a été rédigé dans le cadre des AN 'Eurocodes' et 'Bétons, mor-tiers et granulats'.

i

Les Dossiers du CSTC – N° 2/2009 – Cahier n° 3 – page 12

CT Gros Œuvre

* BiBliographie

1. Aïtcin P.-C., Acker P. et Neville A.Les différents types de retrait du béton. Paris, LCPC, Bulletin des laboratoires des ponts et chaussées, n° 215, 1998.

2. American Association of State Highway and Transportation OfficialsAASHTO PP 34-99. Standard practice for estimating the cracking tendency of concrete. Washington, AASHTO, 1998.

3. American Society for Testing and MaterialsASTM C 1581-04. Standard test method for determining age at cracking and induced tensile stress characteristics of mortar and concrete under restrained shrinkage. West Conshohocken, ASTM, 2004.

4. Bureau de normalisationNBN EN 1992-1-1 Eurocode 2. Calcul des structures en béton. Partie 1-1 : règles générales et règles pour les bâtiments. Bruxelles, NBN, 2004.

5. Bureau de normalisationprNBN EN 1992-1-1 ANB Eurocode 2. Calcul des structures en béton. Partie 1-1 : règles générales et règles pour les bâtiments. Bruxel-les, NBN, 2007.

6. Centre scientifique et technique de la constructionSols industriels à base de ciment. Bruxelles, CSTC, Note d’information technique, n° 204, 1997.

7. Civieltechnisch Centrum Uitvoering Research en RegelgevingScheurvorming door krimp en temperatuur-wisseling in wanden. Gouda, CUR, Rapport du CUR, n° 85, 1978

8. ERMCOStatistics 2007. Bruxelles, European Ready Mixed Concrete Industry, 2008.

9. Nederlands Normalisatie-instituutNEN 8005 Nederlandse invulling op NEN EN 206-1 ‘Beton. Deel 1 : specificatie, eigenschappen, vervaardiging en conformiteit’. Delft, NEN, 2e édition, 2002.

10. Neville A.Propriétés des bétons. Paris, Eyrolles, 2000.

11. Parmentier B. et Vyncke J.Voiles et dalles en béton pour applications étanches aux liquides. Conception et calcul selon l’Eurocode 2. Bruxelles, Centre scientifique et technique de la construction, Les Dossiers du CSTC, n° 4, Cahier 8, 2005.

12. Piérard J. et Dieryck V.Le retrait au jeune âge des bétons spéciaux. Bruxelles, Centre scientifique et technique de la construction, Les Dossiers du CSTC, n° 2, Cahier 2, 2004.

13. Pollet V. et Jacobs J.La cure des bétons. Bruxelles, Centre scientifique et technique de la construction, Les Dossiers du CSTC, n° 1, Cahier 4, 2004.

14. Pollet V. et Vyncke J.Valeurs de retrait et fluage du béton. Calcul selon la norme NBN B 15-002. Bruxelles, Centre scientifique et technique de la construction, CSTC-Revue, n° 2, 1996.

15. Van Breugel K., van der Veen C., Waalraven J. et Braam C. R.Betonconstructies onder temperatuur- en krimpvervormingen. ’s-Hertogenbosch, Stichting BetonPrisma, Betonpraktijkreeks 2, 1996.

calcul. Des résultats expérimentaux présen-tent des conclusions contradictoires en ce qui concerne la valeur finale du retrait total.

Pourtant, il s’agit d’un facteur essentiel au dé-veloppement de la protection d’un béton. En différant la période à partir de laquelle le béton va sécher, on assure un développement optimal

de la résistance de ce dernier, surtout en peau où le séchage sera maximal. Cette résistance réduira le risque de fissures lorsque la cure sera arrêtée. Celle-ci est par ailleurs d’autant plus nécessaire que les conditions environnantes sont sévères (vent, soleil, gel, etc.). En outre, certaines compositions de béton contenant, par exemple, certains types de ciment sont

particulièrement sensibles à la cure. En atten-dant la parution de la prochaine norme NBN EN 13670 concernant l’exécution des ouvra-ges en béton, le lecteur intéressé trouvera des recommandations sur les durées de cure dans le cahier 4 des Dossiers du CSTC n° 2004/1, ‘La cure des bétons’ [13]. Les principes de la cure idéale sont repris à la figure 19. n