le regard de jacqueline st jean

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L’ŒIL explore d’étranges architectures labyrinthes de métal créatures géantes épouse leur élan leur mouvement écoute l’espace vibrer à travers les formes traverser les corps les orbites les bouches suit les courbes les torsions les entrelacs retrouve vive la frappe des couleurs tourne autour s’enroule se perd touche les nœuds les creux les sutures déchiffre des alphabets nomades de lune de source et de pistes venus de lointains déserts joue à travers les replis les tamis les grilles les hublots les boucles se déplace multiplie les perspectives les lumières les métamorphoses L’ŒIL change imagine La vision intérieure anime LA MAIN puissante qui enfante le futur des matières pierre acier bois béton cuivre terre verre résine découpe accouple soude hisse « voit grand avec des fragments » écoute « les contraintes qui font sens » impulse élance rythme plante dans le béton ses oiseaux ses planètes érige ses tours ses généalogies ses emblèmes ses chemins ouverts aux quatre vents

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L’ŒIL explore d’étranges architectures labyrinthes de métal créatures géantes épouse leur élan leur mouvement écoute l’espace vibrer à travers les formes

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Page 1: Le regard de Jacqueline St Jean

L’ŒIL explore d’étranges architectures

labyrinthes de métal créatures géantes

épouse leur élan leur mouvement

écoute l’espace vibrer à travers les formes

traverser les corps les orbites les bouches

suit les courbes les torsions les entrelacs

retrouve vive la frappe des couleurs

tourne autour s’enroule se perd

touche les nœuds les creux les sutures

déchiffre des alphabets nomades

de lune de source et de pistes

venus de lointains déserts

joue à travers les replis les tamis

les grilles les hublots les boucles

se déplace multiplie les perspectives

les lumières les métamorphoses

L’ŒIL change imagine

La vision intérieure anime LA MAIN puissante

qui enfante le futur des matières

pierre acier bois béton cuivre terre verre résine

découpe accouple soude hisse

« voit grand avec des fragments »

écoute « les contraintes qui font sens »

impulse élance rythme plante

dans le béton ses oiseaux ses planètes

érige ses tours ses généalogies

ses emblèmes ses chemins

ouverts aux quatre vents

Page 2: Le regard de Jacqueline St Jean

PLANETES de métal aux milles

trouées

courbes de tulipes ou de mains levées

célébrant les couleurs primaires

sur la blancheur de brume ou de neige

Géométries de l’imaginaire

Jour et contrejour

Elles tournent dans l’air inconnues

tamis des mondes miroir des leurres

enfance des formes jeux des possibles

Ouvertes comme une question

Page 3: Le regard de Jacqueline St Jean

Et soudain l’homme qui court

enjambe les collines en foulées de sept lieues

les yeux pleins d’air ou d’effroi

tête tournée vers quels poursuivants

La vitesse ou la fuite l’emportent vers

l’horizon

Il fait claquer ses couleurs comme un défi

Et l’espace fou s’engouffre dans la bouche

et le traverse

Page 4: Le regard de Jacqueline St Jean

FENÊTRES insolites déboitées déjetées

dormants rebelles sous leurs hiéroglyphes

Plantée sur tige une fenêtre fleur

où s’enroule la grande interrogation

de l’horizon

Page 5: Le regard de Jacqueline St Jean

Une PORTE d’air s’est ouverte

face aux frontières

une porte à mille fenêtres

Ce qui la tient debout sort de terre

ou du temps du plus profond des racines

anaconda de mémoire enfouie

qui resurgit tellurique

se déroule au soleil se fait chemin

ivre de couleurs et d’espace

Page 6: Le regard de Jacqueline St Jean

La mémoire mère monte dans la main

hisse la matière en ses hauts lignages

Muettes présences ancêtres et totems

tour murmurante des filiations

contes et chroniques magies et mélopées

Osmose millénaire

qui nous pétrit nous interroge

Regards d’air ou de pierre

bouches béantes qui nous hèlent

ou crient du fond du TEMPS

Page 7: Le regard de Jacqueline St Jean

Les pistes s’étreignent se séparent

Rose des vents rebelle échappée de sa roue

ouvrant la cage claire aux quatre vents

aux oiseaux voyageurs aux migrations du regard

Palombe bleue des PASSAGESà travers les plombs les cimes les saisons

Saxophone immense fou d’infini

Souffle qui nous appelle nous illimite

Page 8: Le regard de Jacqueline St Jean

Sans frontière l’Espace peint déploie

sa matrice noire ses roulis ses marées

ses tentures ses lignes de fuite

lait de lune soleil d’encre

lumière de jade ou d’oranger

constellations pluies de couleurs

Source bruissante dans le lit de papier

Chorégraphie des quatre saisons du désir

CORPS qui s’approchent s’étreignent s’affrontent

fuient parades séduction danse du feu

Corps nocturnes lunaires ou solaires

liés ou déliés piégés bâillonnés divisés

printaniers grisés d’horizon rayonnants

Onirique dramaturgie des métamorphoses

Sylphides mauves Amazones lisses Sorcière

Baigneuse de ciel et d’eau sirène d’azur

Femme épineuse à peau de rosier

Bouquet de visages morose désirant renaissant

crânes ras mannequins masques en charpies

gymnastes équilibriste bleu athlètes bondissants

Danse ardente du temps floraisons et blessures

à travers les corps

Page 9: Le regard de Jacqueline St Jean

Les COULEURS claquent s’entrechoquent chantent

primaires solaires ou printanières

fleurissent les seins de myrtilles ou jasmin

feuillissent de saisons mêlées

fuient dans la nuit les galaxies

tombent en pluie coulent des visages

s’étirent se figent grillagent

Ou bien plongent oniriques sur la toile

dans leur creuset de mystère

mauves de songe astre de jade feu d’agrumes

corps lunaires chair crevette ou fuchsia

jaune faune chevelures méthylène

Les couleurs ont leurs secrets

Page 10: Le regard de Jacqueline St Jean

Dehors autour de l’atelier chutes épaves choisies

les métaux attendent suscitent leurs devenirs

fresque de fonderie célébration de la roue

cercles arceaux plaques d’acier où le temps dessine

des portulans de patine et de rouille

La matière rêve

Page 11: Le regard de Jacqueline St Jean

Dedans au milieu des machines

l’atelier plante ses projets ses démiurgies

Tour des Quatre gardiens géants trois aux yeux peints

le quatrième aux yeux caves

qui s’allument s’éteignent sur quatre faces

Deux profils patinés qui se regardent

Une Sentinelle des Spirales de fer un Dolmen étonnant

le Prisonnier le Passage l’Infini

et ce haut visage d’acier aux yeux de marbre

qui nous fixe du fond de l’énigme

Jacqueline Saint-Jean (février 2011)

(Les passages entre guillemets sont extraits d’un entretien avec Christian Aguirre,

quelques titres d’œuvres sont en italique)

Page 12: Le regard de Jacqueline St Jean

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Présentation Jacqueline Saint-Jean

Née dans les Côtes d’Armor, Jacqueline Saint-Jean vit près de Tarbes, au

pied des Pyrénées. Membre du comité de rédaction d’Encres Vives, co-fon-

datrice puis rédactrice de la revue Rivaginaires.

Ecrivain, elle a publié une vingtaine de recueils de poésie et d’autres en-

sembles, nouvelles, articles, notes de lecture, dans de très nombreuses re-

vues et anthologies. Traduite en anglais, bulgare, russe. Prix Poésie-jeunesse

1994 pour Entre lune et loup (Hachette jeunesse Livre de poche). Prix Max-

Pol Fouchet 1999 pour Chemins de bord, préface de Vahé Godel (Le Castor

Astral). Prix Xavier Grall 2007,pour l’ensemble

de son œuvre.

Dernière publication, « La clairière des ombres », roman policier, 2011.

Bibliographie sur les pages des sites de la Maison des écrivains et de la lit-

térature, du Printemps des poètes, du Centre Régional des Lettres de Midi

Pyrénées, de Rivaginaires, de Texture, de La Charte des auteurs et illustra-

teurs.

Adresse : 10 chemin de Pouey Ardoun, 65380 HIBARETTE