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Le quartier de Barbès CONTINUITÉ D’USAGE ET ÉVOLUTION D’UNE CENTRALITÉ MARCHANDE PARISIENNE Kim Tzarowsky

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Le quartier de

Barbès

Continuité d’usage et évolution d’une

Centralité marChande parisienne

Kim Tzarowsky

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Le quartier de

Barbès

Continuité d’usage et évolution d’une

centralité marchande parisienne

Du grand magasinaux ateliers-boutiques

Sous la direction deDenyse Rodriguez Tomé

Kim Tzarowsky

Rapport d’étude- école de La Ville et de Territoires à Marne-La-Vallée-Licence 3-2013-2014Fig.1-En couverture-KTL’enseigne du Tati-Barbès depuis la station de métro Barbès Rochehourat

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Sommaire

Introduction p.6

1-Un grand magasin populaire en héritage : les galeries Crespin-dufayel (1890-1939) p.10

Naissance d’un type

Un grand magasin au pied de la butte Montmartre

“Le plus grand magasin du monde”

Le lieu des innovations techniques

L’évolution du modèle

2-Une image de marque pour le quartiertati-Barbès (depuis 1948) p.22

L’aventure d’un homme

Un magasin qui tire profit de l’identité du quartier

Stratégie commerciale

Acquisition progressive et diversification

Un quartier redevable

3-Un quartier en voie de gentrification ?de la boutique bazar à la “rue de la mode” p.32Un agregat de boutiques bazar

Une politique de rénovation urbaine

Des ateliers boutiques rue des Gardes

Une nouvelle Zac de nouvelles mobilités

Conclusion p.48

Bibliographie p.44

2-Nicolas Moulin, vider Paris in Grau architecte, Rez de ville rez de vie, Pavillon de l’Arsenal, Exposition 05/2013, 176 pages

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Introduction

Les abords de la station de métro Barbès-Rochechouart, souvent qualifiés de populaires, sont fréquentés majoritairement pour l’attrait de leurs boutiques à bas prix. Une ambiance singulière émane dès la sortie du métro où le passant se voit offrir des portables volés, des parfums contrefaits ou de paquets de cigarettes de contrebande tandis que ceux qui rejoignent les rames sont chargés de sacs.

Le quartier de Barbès n’est pas un quartier au sens administratif du terme, ses limites se dessinent selon l’étendue d’un commerce bon marché. Le XVIIIème arrondissement de Paris se découpe en quatre entités administratives (le quartier des Grandes Carrières, de Clignancourt, de la Goutte d’or et de la Chapelle) qui déterminent le rayonnement d’un commissariat. Barbès se trouve à cheval entre le quartier de la Goutte d’or et celui de Clignancourt. Au pied de la butte Montmartre, il se délimite à l’est par le faisceau ferroviaire de la gare du nord. Au nord, la station de métro Château-Rouge marque l’entrée d’une centralité africaine plutôt spécialisée dans la vente de produits alimentaires. Au sud , le boulevard de Rochechouart, scindé en deux par les voies du métro aérien, le longe (Fig.13).

L’offre commerciale à Barbès se caractérise en partie par un commerce textile qui profite de l’attrait du marché Saint-Pierre et du magasin de vêtements à bas prix  : Tati. L’enseigne Tati occupe un tronçon du boulevard Rochechouart qui marque une entrée au quartier. Alors que le marché Saint-Pierre constitue la limite à l’ouest entre le quartier de Barbès et celui de Montmartre. Entre les deux, se déploie une multitude de bazars, le plus souvent tenus par des immigrés. Beaucoup de ces bazars vendent des tissus africains comme de la wax ou du bazin. On peut aussi observer la présence de boutiques de mariage et de solderies.

Le quartier de Barbès offre une vision locale de la variété des stratégies commerciales parisienne. En effet, Paris se constitue d’un ensemble de polarités commerciales dans le secteur de la confection toutes différentes et spécialisées. Par exemple, Le triangle d’or, délimité par les avenues Montaigne, George-V et l’avenue Champs-Elysées propose un commerce orienté vers le luxe. La rue de Rennes offre quant à elle un commerce de franchises internationales à prix accessible. Enfin les Halles proposent le même type d’offre commerciale mais selon une forme très différente, qui se rapproche de celle d’un centre commercial.

Barbès représente le maillon final de la chaine que forment ces polarités. Elles se complètent afin de proposer une offre diversifiée. C’est ainsi que dans une solderie de Barbès on pourra retrouver les vêtements invendus de la rue de Rennes. On peut aussi à l’inverse supposer que les collections luxueuses que proposent les boutiques de l’avenue Montaigne sont confectionnées avec du tissu acheté au marché Saint-Pierre. Les collections luxueuses s’inspirent aussi parfois directement de la mode de la rue.

Avant de devenir un pole du commerce textile, Barbès était un quartier populaire ponctué de commerces de proximité. Depuis son annexion à Paris en 1860, cet ancien faubourg a toujours été commerçant et animé. Avant que Barbès ne soit contenu par l’enceinte de Thiers de 1848, les terrains étaient exploités pour leurs vignes et leur carrière de gypse. La Goutte d’or aurait été le nom d’un vin produit dans le quartier de Barbès.

En 1855, Zola choisis le quartier de la Goutte d’or comme décor pour son roman L’Assommoir qu’il qualifie lui-même de « premier roman sur le peuple »1 . Il y dépeint un quartier ouvrier qui foisonne de commerces de proximité (marchand de vins, charcutiers, boulangers) et dont les immeubles en mauvais état regorgent d’ateliers d’artisans et de « petits métiers  » alors pratiqué en «  chambre  »2. Mais le quartier est aussi associé à ses débits de boissons et cabarets dans lesquels le peuple parisien se réunit pour oublier les labeurs du travail ouvrier. Ces bals et fêtes populaires sont encore décrits par Henry de Montherlant, dans son roman Les célibataires, écrit en 1932, et dont la scène finale prend place dans la fête foraine du quartier Barbès3.

Aujourd’hui le sens populaire que l’on donne au quartier se traduit par la concentration d’une population immigrée qui le fréquente, ainsi que la sociabilité engendrée par les échanges marchands qui y sont pratiqués. C’est cette sociabilité que Claire Lallement, ethnologue, décrit dans son livre La ville marchande enquête à Barbès, dans lequel elle affirme  : « Les commerces constituent (…) des lieux d’expérimentation d’une dimension fondamentale de la ville, à savoir la différence dans la proximité. »En effet ces espaces sociaux de rencontres, qui composent la ville font que celle-ci peut exister.

1 Zola émile, L’Assommoir, Paris, G. Charpentier, 1876 ; Paris, GF Flammarion, 2009 , préface de l’auteur2 Ibid.p983 Montherlant Henry de, Les Célibataires, Paris, Grasset, 1934.

Les abords de la station de métro Barbès-Rochechouart, souvent qualifiés de populaires, sont fréquentés majoritairement pour l’attrait de leurs boutiques à bas prix. Une ambiance singulière émane dès la sortie du métro où le passant se voit offrir des portables volés, des parfums contrefaits ou des paquets de cigarettes de contrebande, tandis que ceux qui rejoignent les rames sont chargés de sacs. Le quartier de Barbès n’est pas un quartier au sens administratif du terme, ses limites se dessinent selon l’étendue d’un commerce bon marché. Le XVIIIème arrondissement de Paris se découpe en quatre entités administratives (le quartier des Grandes Carrières, de Clignancourt, de la Goutte d’or et de la Chapelle) qui déterminent le rayonnement d’un commissariat. Barbès se trouve à cheval entre le quartier de la Goutte d’or et celui de Clignancourt. Au pied de la butte Montmartre, il se délimite à l’est par le faisceau ferroviaire de la gare du nord. Au nord, la station de métro Château-Rouge marque l’entrée d’une centralité africaine plutôt spécialisée dans la vente de produits alimentaires. Au sud , le boulevard de Rochechouart, scindé en deux par les voies du métro aérien, le longe.L’offre commerciale à Barbès se caractérise en partie par un commerce textile qui profite de l’attrait du marché Saint-Pierre et du magasin de vêtements à bas prix  : Tati. L’enseigne Tati occupe un tronçon du boulevard Rochechouart, et marque l’ entrée du quartier quand le marché Saint-Pierre constitue la frontière occidentale , séparant Barbès de Monmartre Entre les deux, se déploie une multitude de bazars le plus souvent tenus par des immigrés. Beaucoup de ces bazars vendent des tissus africains comme de la wax. On peut aussi observer la présence de boutiques de mariage et de solderies.

Le quartier de Barbès offre une vision locale de la variété des stratégies commerciales parisiennes. En effet, la capitale se constitue d’un ensemble de polarités commerciales dans le secteur de la confection chacune spécifique et spécialisée. . Par exemple, Le triangle d’or, délimité par les avenues Montaigne, George-V et l’avenue Champs-Elysées propose un commerce orienté vers le luxe. La rue de Rennes offre quant à elle un commerce de franchises internationales , à prix accessible. Enfin, les Halles proposent le même type d’offre commerciale déployée selon une approche voisine ducentre commercial.Barbès représente le maillon final de la chaine que forment ces polarités. Elles se complètent afin de Diversifier l’offre. Ainsi pourra-t-on retrouver dans une solderie de Barbès les vêtements invendus de la rue de Rennes. On peut aussi à l’inverse supposer que les collections luxueuses que proposent les boutiques de l’avenue Montaigne sont confectionnées avec du tissu acheté au marché Saint-

Pierre. Il arrive par ailleurs que les tendances du haut de gamme puisent eur inspiration de la mode de la rue.

Avant de devenir un pole du commerce textile, Barbès était un quartier populaire ponctuéde commerces de proximité. Depuis son annexion à Paris en 1860, cet ancien faubourg a toujours été commerçant et animé. Avant que Barbès ne soit contenu par l’enceinte de Thiers de 1848, les terrains étaient exploités pour leurs vignes et leur carrière de gypse. La Goutte d’or aurait été le nom d’un vin produit dans le quartier de Barbès. En 1855, Zola choisit le quartier de la Goutte d’or comme décor pour son roman L’Assommoir, qu’il qualifie lui-même de « premier roman sur le peuple »1 . Il y dépeint un quartier ouvrier qui foisonne de commerces de proximité (marchand de vins*, charcutiers, boulangers) et dont les immeubles en mauvais état regorgent d’ateliers d’artisans et de « petits métiers » alors pratiqués en « chambre »2. Mais le quartier est aussi associé à ses débits de boisson et cabarets dans lesquels le peuple parisien se réunit pour oublier les labeurs du travail ouvrier. Ces bals et fêtes populaires sont encore décrits par Henry de Montherlant, dans son roman Les célibataires, écrit en 1932, et dont la scène finale prend place dans la fête foraine du quartier Barbès3.

Aujourd’hui le sens populaire que l’on donne au quartier se traduit par la concentration d’une population immigrée qui le fréquente, ainsi que la sociabilité engendrée par les échanges marchands qui y sont pratiqués. C’est cette sociabilité que Claire Lallement, ethnologue, décrit dans son livre La ville marchande enquête à Barbès  : « Les commerces constituent (…) des lieux d’expérimentation d’une dimension fondamentale de la ville, à savoir la différence dans la proximité. »En effet ces espaces sociaux de rencontre, qui composent la ville font que celle-ci peut exister.Et le commerce en compose une donnée fondamentale. La ville ne peut exister sans commerce, comme le démontre la série de photos intitulé vider Paris produite par l’artiste Nicolas Moulin. Dans ses clichés, il représente une ville dont les rez-de-chaussée sont emmurés et les rues désertes.

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Et le commerce en compose une donnée fondamentale. La ville ne peut exister sans commerce comme le démontre la série de photos intitulé vider Paris produite par l’artiste Nicolas Moulin (Fig.2). Dans ses clichés il représente une ville dont les rez-de-chaussée sont emmurés et les rues désertes.

A Barbès tous les types de marchandises mais aussi tous les types de personnes se côtoient dans l’acte commun d’achat. Apparemment anodin, cet acte permet de rencontrer des personnes, même pour un bref moment, et d’avoir un contact « informel » avec des individus que l on ne connaît pas. La centralité immigrée que constitue Barbès permet aussi parfois des retrouvailles fortuites entre des personnes qui s’y rencontrent après avoir quitté le même pays à des moments différents. Les échanges marchands se font généralement dans le cadre d’un magasin mais s’étendent ici à tout un quartier et colonise l’espace public de la rue dans laquelle la foule se presse. La fréquentation des commerces dans Paris intra-muros est étroitement liée aux déplacements piétons et par conséquent avec l’espace public.

Les commerces de proximités et les petits métiers ont disparu petit à petit. Ils n’ont très certainement pas pu résister à la concurrence d’un grand magasin aujourd’hui tombé dans l’oubli, les galeries Crespin-Dufayel. Les locaux en sont aujourd’hui occupés par une agence de la banque BNP Paribas. L’implantation d’un grand magasin d’une nouvelle génération va ensuite profondément modifier le quartier. Il s’agit du magasin Tati, né sur le boulevard Rochechouart pour s ‘étendre ensuite en France et à l’international. Enfin les opérations de rénovation urbaine lancées depuis 1983 afin d’assainir le quartier ont apportée avec elles un nouveau type de magasins : Les ateliers-boutiques.

Comment s’est fabriqué, sur plus d’un siècle et demi, cet espace marchand singulier ? Et comment évolue-t-il aujourd’hui alors que les quartiers de Paris subissent une gentrification progressive ?

Afin d’exposer les différentes stratégies urbaines et commerciales qui se sont établies dans le quartier, nous commencerons par étudier l’influence des grands magasins Dufayel, qui campe une architecture comme image de marque développée par les architectes au XIXème siècle. Puis nous aborderons les modifications qu’ont engendrées l’implantation des grands magasins Tati sur un patrimoine bâti insalubre et un quartier alors mal fâmé ; Dans un troisième temps nous analyserons de quoi se composent les locaux qui s’agrègent autour de l’enseigne et comment se muent-ils aujourd’hui.

3-KT, carteshistoriques

a- Deux villages hors de Paris

Carte de Cassini XVIII ème siècle

b-Apparition du chemin de fer

Carte d’Etat Major1820-1866

c-Densification à l’intérieure de l’enceinte de Thiers et début d’un découpage par quartier.Apparition des grands magasins Crespin-Dufayel ( 1890 )

Carte de Topographie1906

Village de

Montmartre Village de

La Chapelle

Enceinte des fermiers généraux

Butte

Montmartre

Goutte

d’Or

Grande

carrières

À Barbès tous les types de marchandises mais aussi tous les types de personnes se côtoient dans l’acte commun d’achat. Apparemment anodin, cet acte provoque la rencontre, même rapide, et un contact «  informel  » avec des individus inconnus. La centralité immigrée que constitue Barbès permet aussi parfois des retrouvailles fortuites entre des personnes qui s’y rencontrent après avoir quitté le même pays, à des moments différents. Les échanges marchands se font généralement dans le cadre d’un magasin mais s’étendent ici à tout un quartier et colonise l’espace public de la rue, dans laquelle la foule se presse. La fréquentation des commerces dans Paris intra-muros est étroitement liée aux déplacements piétons, et par conséquent à l’espace public. Les commerces de proximité et les petits métiers ont disparu petit à petit. Ils n’ont très certainement pas pu résister à la concurrence d’un grand magasin aujourd’hui tombé dans l’oubli, les Galeries Crespin-Dufayel. Les locaux en sont aujourd’hui occupés par une agence de la banque BNP Paribas. L’implantation d’un grand magasin d’une nouvelle génération va ensuite profondément modifier le quartier. Il s’agit du magasin Tati, né sur le boulevard Rochechouart pour s’étendre ensuite en France et à l’international. Enfin les opérations de rénovation urbaine et d’assainissement du quartier lancées en1983 ont apporté un nouveau type de magasins : les ateliers-boutiques.

Comment s’est fabriqué, sur plus d’un siècle et demi, cet espace marchand singulier ? Et comment évolue-t-il aujourd’hui alors que les quartiers de Paris subissent une gentrification progressive ?

Afin d’exposer un constat des différentes stratégies urbaines et commerciales qui se sont établies dans le quartier, nous commencerons par étudier l’influence des grands magasins Dufayel, qui campe une architecture fondée sur l’ image de marque développée par les architectes du XIXème siècle. Puis nous aborderons les modifications qu’ont engendrées l’implantation des grands magasins Tati sur un patrimoine bâti alors insalubre et un quartier alors mal fâmé. Dans un troisième temps nous analyserons de quoi se composent les locaux qui s’agrègent autour de l’enseigne et comment se transforment-ils aujourd’hui.

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Les galeries Dufayel, aujourd’hui disparues, ont constitué ce premier « temple de la consommation » dans lequel, de la batterie de casserole au mobilier, les ménages ouvriers pouvaient, à crédit,

acquérir toute sorte de biens de consommation courante.4 

Dufayel donne à Barbès son atmosphère « grande braderie4

Eugène Boucicaut invente en 1868 un nouveau modèle de commerce qui fait pendant aux moyens de production massive, tout juste diffusés par la révolution industrielle. Le grand magasin s’inspire fortement du modèle des passages parisiens qui regroupent déjà plusieurs commerces sous un même toit. Le créateur du Bon Marché bouleverse le visage d’un Paris alors constitué de petites boutiques spécialisées dans lesquelles le client marchande les prix .Le grand magasin propose des prix fixes et possèdent de larges stocks qui permettent la rotation rapide des marchandises. De plus il offre la possibilité de remboursement et d ‘échange des articles achetés. Cette nouvelle façon de faire du commerce a des conséquences sociales, urbaines et architecturales. En effet, il modifie profondément les habitudes de consommation. Le grand magasin donne l’occasion aux femmes de la bourgeoisie de s’émanciper. Il leur fournit une raison de sortir seule de chez elles5. La découverte de leur pouvoir d’achat va cependant provoquer chez certaine une forme d’aliénation. Le grand magasin permet aussi à des femmes célibataires de milieux modeste de travailler comme vendeuses, à une époque où nombre d’entre elles tombent souvent dans la prostitution. De plus les cathédrales du commerce révolutionnent le secteur de la confection. En effet, le grand magasin réunit tous les articles qui constituent une toilette dans un même lieu, quand les femmes des milieux aisés avaient pour habitude de faire coudre leurs tenues par des artisans, chacun spécialisé dans un secteur précis comme la confection de chapeau, de robes ou de chaussures.

4 Lallement Emmanuelle , La ville marchande, enquête à Barbès, Paris, Tétraèdre , 2010, p.915 Le Goff Christine, Aitken Sally, Au Bonheur des Dames, l’inven-tion du grand magasin, Documentaire fiction 52 min., TELFRANCE/ESSENTIAL MEDIA/Entertainment ARTE France, 2011.

Un grand magasin populaire en héritage:les galeries Crespin-dufayel (1890-1939)

Fig.4-Emprise des grands magasins Dufayel

“Les grands magasins Dufayel à la fin du XIXème siècle ,forment un quadrilatère délimité par le boulevard Barbès, les rues de la Nation, de Christiani et de Clignancourt.”

Publicité- in De Andia Bétrice, Les cathédrales du commerce parisien,p81

Eugène Boucicaut invente en 1868 un nouveau modèle de commerce qui fait pendant aux moyens de production massive, tout juste diffusés par la révolution industrielle. Le grand magasin s’inspire fortement du modèle des passages parisiens qui regroupent déjà plusieurs com-merces sous un même toit. Le créateur du Bon Marché bouleverse le visage d’un Paris alors constitué de petites boutiques spécialisées, dans lesquelles le client marchande le prix .Le grand magasin propose des prix fixes et possède une profondeur de stock favorisant une rapide rotation des marchan-dises. De plus, il offre la possibilité de remboursement et d’échange des articles achetés. Cette nouvelle façon de faire du commerce a des conséquences sociales, urbaines et architecturales. En effet, il modifie profondément les habitudes de consommation. Le grand magasin donne l’occasion aux femmes de la bourgeoisie de s’émanciper. Il leur fournit une raison de sortir seule de chez elles6. La découverte de leur pouvoir d’achat va cependant provoquer chez certaines une forme d’aliénation. Le grand magasin permet aussi à des femmes célibataires de milieu modeste de travailler comme vendeuses, à une époque où nombre d’entre elles tombent souvent dans la prostitution. De plus, les cathédrales du commerce révolutionnent le secteur de la confection. En effet, le grand magasin réunit tous les composants d’une toilette dans un même lieu, à l’inverse d’une pratique bourgeoise de la confection sur mesure, réalisée par divers artisan, chacun spécialisé dans un secteur précis – confection de chapeau, de robes ou de chaussures.

Si ces habitudes sont au départ difficiles à modifier, le grand magasin va « rendre accessible les vêtements à la mode pour permettre aux classes inférieures d’imiter les classes supérieures. »7. Et c’est sur l’accessibilité de ses produits à des classes ouvrières que les galeries

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Si les habitudes de la bourgeoisie sont au départ difficile à modifier, Le grand magasin va « rendre accessible les vêtements à la mode pour permettre aux classes inférieures d’imiter les classes supérieures. »6. Et c’est sur l’accessibilité de ses produits à des classes ouvrières que les galeries Crespin-Dufayel vont faire leur fond de commerce. Grâce à un système de vente à crédit, qui permet aux catégories intermédiaires voire populaires d’exercer leur pouvoir d’achat. A l’instar des autres grands magasins il propose une gamme très diversifiée d’articles dont des meubles, des tableaux mais aussi des bijoux des vêtements ou du tissu.

Un grand magasin populaire au pied de la butte Montmartre:

C’est dans un quartier déjà populaire que le grand magasin propose ses articles à crédit. Les grands magasins Crespin-Dufayel ont la particularité de s ‘être implantés au nord de Paris alors que la plupart des autres enseignes se sont installées sur les rives de Seine (Fig. 8) et dans le centre de Paris.

Le magasin se situait à proximité de l’actuelle place Saint-Pierre, place principale de l’ancien village de Montmartre avant que celui-ci ne soit annexé à Paris en 1860. Mais aussi ancien lieu stratégique,en effet la butte Montmartre constituait un point haut afin de protéger Paris. C’est sur la place Saint-Pierre que Léon Gambetta pris un ballon, « l’Armand-Barbès »7 afin d’organiser la défense de Paris lors du siège qui précéda la Commune en 1870.

Jusqu‘en 1838, les alentours de la rue d’Orsel constituait un village à part entière. Il en était de même pour le hameau de la Chapelle. C’est de la fusion de ces deux villages qu’est né le XVIIIème arrondissement.Dès la fin du XIXème siècle on peut remarquer la présence d’un commerce textile dans les environs de la place Saint-Pierre. En effet en 1879, les deux familles cousines Dreyfus et Moline ouvrent leur premier magasin de tissus au mètre à Levallois-Perret. Les deux familles procèdent alors à de fastidieux allers-retours « en charrette à bras »8 entre leur boutique et la Halle Saint-Pierre située au pied de la butte Montmartre. En 1920, les Moline finissent par installer un petit entrepôt dans la loge d’une gardienne à proximité de la Halle Saint-Pierre.

Puis en 1930, profitant de l’urbanisation, la famille investit les pieds des immeubles nouvellement construits par de petites boutiques. Le succès des familles Dreyfuss et Moline « attirent rapidement d’autre commerces qui en font rapidement une place de la mode et du tissu au mètre »9.

6 De Andia Béatrice de, François Caroline, Les cathédrales du commerce parisien : grands magasins et enseignes, Paris, Action Artis-tique de la Ville de Paris, 2006, p1467 Colson Jean, Gouarnay, Birgitte, Lamy-Lassalle, Colette, Vie et histoire du XVIIème arrondissement, Paris, Hervas, 1986,p388 « Moline mercerie : Histoire », 2011, (consulté le 15/05/2014), http://www.moline-mercerie.com/histoire.html9 Van de Walle Francis, « La petite histoire du marché Saint-Pierre », 9/05/2009, (consulté le 15/05/2014), http://www.maison.com/decoration/marques/petite-histoire-marche-saint-pierre-98/

Fig.5- Vues Intérieure des grands magasins Dufayel

a- “Le grand escalier placé au croisement des différentes galeries,ses paliers franchissent un espace de 14m sans points d’appui ( construction métallique Roussel) “

b-”Le grand Hall” et Ses cariatides

Gravures et textein Marrey Bernard, Les Grands magasins : des origines à 1939

Crespin-Dufayel vont faire leur fond de commerce, grâce à un système de vente à crédit qui permet aux catégories intermédiaires, voire populaires, d’exercer leur pouvoir d’achat. A l’instar des autres grands magasins, il propose une gamme très diversifiée d’articles, meubles, tableaux mais aussi bijoux, vêtements, ou encore tissu.

Un grand magasin populaireau pied de la butte Montmartre:

C’est dans un quartier déjà populaire que le grand magasin propose ses articles à crédit. Les Grands Magasins Crespin-Dufayelont la particularité de s’être implantés au nord de Paris alors que la plupart des autres enseignes se sont installées sur les rives de Seine (fig. 1) et dans le centre de Paris.

Le magasin se situait à proximité de l’actuelle place Saint-Pierre, place principale de l’ancien village de Montmartre, avant que celui-ci ne soit annexé à Paris en 1860. Lieu stratégique, la butte Montmartre constit-uait le mirador de Paris. C’est sur la place Saint-Pierre que Léon Gam-betta pris un ballon, « l’Armand-Barbès »8 afin d’organiser la défense de Paris, lors du siège qui précéda la Commune en 1870.

Jusqu‘en 1838, les alentours de la rue d’Orsel constituaient un village à part entière. Il en était de même pour le hameau de la Chapelle. C’est de la fusion de ces deux villages qu’est né le XVIIIème arrondissement.Dès la fin du XIXème siècle on peut remarquer la présence d’un com-merce textile dans les environs de la place Saint-Pierre. En effet en 1879, les deux familles cousines Dreyfus et Moline ouvrent à Levallois-Perretleur premier magasin de tissus au mètre . Les deux familles procèdent alors à de fastidieux allers-retoursallers retours « en char-rette à bras »9 entre leur boutique et la Halle Saint-Pierre, située au pied de la butte Montmartre. En 1920, les Moline finissent par installer un petit entrepôt dans la loge d’une gardienne à proximité de la Halle Saint-Pierre.

Puis en 1930, profitant de l’urbanisation, la famille investit les pieds des nouveaux immeubles de petites boutiques. Le succès des familles Dreyfuss et Moline « attirerapidement d’autre commerces qui en font rapidement une place de la mode et du tissu au mètre »10.

La boutique Reine est ouverte en 1930 à l’emplacement d’un garage par le futur fondateur de la marque Bouchara – Reine est le prénom de sa fille.A partir du début de la Deuxième Guerre mondiale, l’activité de vente

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La boutique Reine est ouverte en 1930 à l’emplacement d’un garage par le futur fondateur de la marque Bouchara – Reine est le prénom de sa fille.A partir du début de la Deuxième Guerre mondiale l’activité de vente de tissus cesse à la Halle Saint-Pierre. Construite en 1868, le bâtiment est ensuite utilisé comme gymnase et est aujourd’hui , aussi investi par un musée d’art naïf.

Si l’implantation du grand magasin semble au départ saugrenue au regard de la concentration des autres enseignes parisienne, elle est très certainement confortée par la préexistence d’une activité textile mise en place à la halle Saint-Pierre, et par les familles Moline et Dreyfus.

Le grand magasin Crespin-Dufayel propose des achats à crédits dans un quartier qui a toujours possédé une âme populaire. Il a même certains autres grands magasins comme clients. La naissance des galeries Dufayel a été provoquée par la fin d’une collaboration entre Ernest Cognacq-Jay, fondateur de la Samaritaine, et son second, Jacques François Crespin. Ce dernier décide de répondre à cette mésentente par la construction « d’un magasin populaire monstre »10. Il déclenche alors une vague de travaux colossaux dirigés par l’architecte mondain Auguste Rives. Celui-ci construit entre autres pour Jacques François Crespin ,«  le dôme de Clignancourt (…) symbolisant les bienfaits de la vente à crédit »11 et la monumentale porte que l’on peut encore voir aujourd’hui rue de Clignancourt au sortir de la rue André Del Sarte (Fig.7-a).

10 Marrey Bernard, Les Grands magasins : des origines à 1939, Paris, Picard, 1979, p.10511 « Causerie : l’architecture au salon des Champs Elysée », La Construction moderne, 1894, n°18, p.362

l’ilot qu’occupait l’ancien grand magasin se lit encore dans le tissu urbain. Il est aujourd’hui investit par le siège de la Bnp, des logements et des commerces

Rue des

Poissoniers

et de la Goutte

d’or.

vers le quartier

de la goutte d’or

Rue de La

Chapelle

vers le métro

stalingrad

Boulevard de Rochachouart

Boul

evar

d Ba

rbès

Rue

de C

ligna

ncou

rt

Boulevard de

Rochechouart

vers le métro

anvers

et pigalle

Rue André Del

Sarte

vers le

montmartre et

le marché saint-

pierre

Parties du grand magasin conservées

Magasin Tati

Fig 6-Influence de l’ancien grand magasin sur le tissus urbain aujourd’hui.

KT-D’après photo aérienne

de tissu cesse à la Halle Saint-Pierre. Construiten 1868, le bâtiment est ensuite utilisé comme gymnase et est aujourd’hui investi par le musée d’art naïf.

Si l’implantation du grand magasin semble au départ saugrenue au re-gard de la concentration des autres enseignes parisiennes, elle est très certainement confortée par la préexistence d’une activité textile mise en place par la halle Saint-Pierre, et les familles Moline et Dreyfus.

Le grand magasin Crespin-Dufayel propose des achats à crédits dans un quartier qui a toujours possédé une âme populaire. Il a même cer-tains autres grands magasins comme clients. La naissance des galeries Dufayel a été provoquée par la fin d’une collaboration entre Ernest Cognacq-Jay, fondateur de la Samaritaine, et son second, Jacques François Crespin. Ce dernier décide de répondre à cette mésentente par la construction « d’un magasin populaire monstre »11. Il déclenche alors une vague de travaux colossaux dirigés par l’architecte mondain Auguste Rives. Celui-ci construit entre autres pour Jacques François Crespin ,«  le dôme de Clignancourt (…) symbolisant les bienfaits de la vente à crédit »12 et la monumentale porte que l’on peut encore voir aujourd’hui rue de Clignancourt au sortir de la rue André Del Sarte.

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« Le plus grand magasin du monde »12

Comme le décrit Emile Zola dans Au bonheur des dames, les grands magasins se constituent souvent par acquisition progressive de foncier. Il y relate l’expansion du nouveau grand magasin Au Bonheur des dames créé par Octave Mouret dans le roman. L’homme est alors décrit par les petits commerçant comme : « Un homme à idées, un brouillon dangereux qui bouleversera le quartier, si on le laisse faire ! ( …) Bref, il l’a décidé à acheter la maison de gauche puis la maison de droite  ; et lui-même, quand il a été seul, en a acheté deux autres  ; de sorte que le magasin a grandi, toujours grandi, au point qu’il menace de nous manger tous maintenant ! ».13

C’est de cette manière que Jacque-François Crespin fait d’abord construire un immeuble de rapport par les architectes Alfred et Stéphan Le Bègue. Le père et le fils, tout deux issus de l’Ecole des Beaux art, sont à l’origine de la monumentale salle de vente du grand magasin Crespin-Dufayel caractérisée par la présence d’énormes cariatides et atlantes, elles-même exécutées par le sculpteur Etienne Leroux (fig.5-b) . Le magasin s’implante sur le Boulevard Barbès, percé sous les ordres du préfet Haussmann en 1867. C’est en 1874, que Crespin fait construire par les architectes un premier immeuble au n°11 du boulevard. Il en profite pour faire agrandir les immeubles déjà construits en 1872 au n°13 – 15 du même boulevard.

Ces locaux sont ensuite occupés par le grand magasin « Crespin ainé » aux niveaux inférieurs et sont loués en partie supérieure. Crespin entreprend ensuite de grands travaux aux niveaux des rues de la Nation (actuelle rue de Sofia), de Clignancourt et de Christiani.

A sa mort, c’est à l’échelle d’un îlot entier que les travaux sont engagés. Mais c’est Georges Dufayel qui fera du grand magasin un «  des plus considérable du monde »14 . Dufayel va mener une carrière de parvenu comme celles décrite par Maupassant dans Bel-ami15, mais surtout encore Zola dans le roman précédent Au Bonheur des Dames, Pot-Bouille16. Il débute dans le magasin « Crespin ainé » en 1871 et en est promu directeur dix ans plus tard. Vers 1890 le magasin devient les «  galeries Crespin-Dufayel », malgré quelques difficultés rencontrées avec la femme de Jean-Jacques Crespin.

12 De Andia Béatrice de, Op.cit., p.8313 Zola Emile, Au bonheur des dames, Paris, G. Charpentier, 1883 ; Paris, GF Flammarion, 2009, p.7214 De Andia Béatrice de, Op.cit., p.8315 Maupassant Guy de, Bel-ami, Paris, Ollendorf, 1885 ; (consulté le 32/05/2014) http://abu.cnam.fr/cgi-bin/go?belami216 Zola Emile, Pot-Bouille, Paris, G. Charpentier, 1882 ; Pot-Bouille, Lire en ligne, (consulté le 32/05/2014) http://lirenligne.net/livre/Emile%20ZOLA%20/Pot-Bouille/51

Fig 7- Les fragments d’un grands magasin aujourd’hui disparu.

a- Ancienne porte des grands magasins Dufayel dessinée par l’architecte Auguste Rives

KT photo prise depuis la rue André Del Sarte

b- Dôme en zinc,colonnes et extrait de la façade à ossature métalliqueLe rez-de-chaussée de l’ancien grand magasin aujourd’hui occupé par l’enseigne Gibert Joseph.

KT, photo prise depuis la rue Christiani

« Le plus grand magasin du monde »12

Comme l’énonce Emile Zola dans Au bonheur des dames , les grands magasins se constituent souvent par acquisition progressive de fon-cier. Il y relate l’expansion du nouveau grand magasin Au Bonheur des dames créé par Octave Mouret dans le roman. L’homme est alors décrit par les petits commerçant comme : « Un homme à idées, un brouillon dangereux qui bouleversera le quartier, si on le laisse faire ! ( …) Bref, il l’a décidé à acheter la maison de gauche puis la maison de droite ; et lui-même, quand il a été seul, en a acheté deux autres ; de sorte que le magasin a grandi, toujours grandi, au point qu’il menace de nous manger tous maintenant ! ».14

C’est de cette manière que Jacques-François Crespin fait d’abord con-struire un immeuble de rapport par les architectes Alfred et Stéphan Le Bègue. Le père et le fils, tous deux issus de l’école des Beaux-Arts, sont à l’origine de la monumentale salle de vente du grand magasin Crespin-Dufayel, caractérisée par d’énormes cariatides et atlantes, elles-même exécutées par le sculpteur Etienne Leroux.

Le magasin s’implante sur le Boulevard Barbès, percé sous les ordres du préfet Haussmann en 1867. C’est en 1874que Crespin fait construire par les architectes un premier immeuble au n°11 du boulevard.

Il en profite pour étaler les immeubles déjà construits en 1872 jusqu’au n°13 – 15 du même boulevard. Ces locaux sont ensuite occupés par le grand magasin « Crespin ainé » aux niveaux inférieurs et sont loués en partie supérieure. Crespin entreprend alorsde grands travaux au niveau des rues de la Nation (actuelle rue de Sofia), de Clignancourt et Christiani.

À sa mort, c’est à l’échelle d’un îlot entier que les travaux sont engagés. Mais c’est Georges Dufayel qui fera du grand magasin un « des plus considérable du monde »15 . Dufayel va mener une carrière de parvenu, comme celles décrite par Maupassant dans Bel-ami16, mais surtout Zola dans le roman précédent Au Bonheur des Dames, Pot-Bouille17. Il débute dans le magasin « Crespin ainé » en 1871 et en est promu directeur dix ans plus tard. Vers 1890, le magasin devient les « galer-ies Crespin-Dufayel », malgré quelques difficultés rencontrées avec la femme de Jean-Jacques Crespin.

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Le lieux des Innovations techniques:

Le grand magasin bâti avec les nouvelles techniques, comporte l’air conditionné et l’éclairage électrique alterné avec un éclairage au gaz. L’ossature est entièrement en fer , «  elle est supporté par 30 poteaux de 13m50 de hauteur en forme de caisson de 0m50 de coté, formant des colonnes creuses dans l’intérieures desquelles on à disposé les tuyaux de descente des eaux pluviales, des conduites d’air chaud (…), les tuyaux de gaz (…). »17. De plus les locaux comprennent des bureaux dépourvus de cloisons et des écuries afin de permettre au personnel de livrer les clients à chevaux.

Crespin dépose plusieurs brevets d’invention ; « machines à tuyauter et à plisser, appareils de chauffage pour couler la lessive et chauffer les bains, appareil pour chauffer les fers à repasser et faire la cuisine »18. Et c’est sous la gigantesque verrière du grand magasin que se tient «  l’exposition du cycle et de l’automobile » en 1903. Celle-ci permet de « se tenir au courant des perfectionnement apportés par l’industrie moderne à nos moyens de locomotion d’avenir »19. Le spectacle est colossal, l’auteur décrit une foule compacte et George Dufayel n’hésite pas à faire de cet évènement un spectacle, il organise un feu d’artifice dans le magasin, ce qui peut donner une idée de l’ampleur de « notre verrière nationale »20 . Mais l’entreprise est aussi innovante dans les moyens de communication qu’elle utilise. En effet elle produit une publicité massive. On peut encore retrouver quelques-unes de ces nombreuses publicités murales sur un pan découvert de Paris. Ceci s’explique par le rachat par le grand magasin de l’entreprise affichage national et international Hanser et Cie, en 1887, par laquelle Georges Dufayel entre dans les magasins Crespin ainé cette année-là.

La devise « travail, crédit, confiance » du grand magasin illustre une politique paternaliste, à l’instar des Boucicaut et des Cognacq-Jaÿ. L’entreprise possède même « une société HBM “professionnelle” » 21 du nom de   l’amicale du dôme. Celle-ci propose des prêts afin que les employés de l’enseigne puissent se procurer un logement à loyer modéré.

Les galeries Crespin-Dufayel vont connaître un énorme succès du fait de leur installation près des faisceaux ferroviaires des gares du Nord et de l’Est construits en 1840. L’arrivée du train est alors accusée de perturber « l’ordre social » entre la campagne et la ville car « les mêmes facilités qui permirent au paysan de visiter les villes, lui offrirent l’occasion de comparer la vie rurale à la vie urbaine. (…) En même temps, cette

17 « Etablissement Crespin Dufayel », La Construction moderne, 1892, n°13, p27018 De Andia Béatrice de, Op.cit., p8219 Nachbaur Albert, « l’ouverture du salon du cycle et de l’auto-mobile », La Construction moderne, 1903, n°51, p.14020 Ibid.21 « Habitation à bon marché », La Construction moderne, 1922, n°3, p122

Notre Dame

Montpar-nasse

étoile

TourEiffel

Sacré-Coeur

Opéra Belleville

Z

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h M B a

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C

E

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Fig 8- KT-Implantation des grands magasins à Paris D’après schéma in Les Grands magasins par Bernard Marey

A-Bazar de l’Hotel de VilleB-Belle JardinièreC -Bon marchéD -Dufayel *E -Felix Potin Rennes*F -Félix Potin Réaumur*G -Galeries LafayettesH-Louvre*J- Magasins réunis-RépubliqueK- Magasins réunis NielL-PrintempsM-SamaritaineN- Samaritaine de luxe

O- Aux trois quartiersX- l’egalitaire*Y-La Bellevilloise*Z-L’alliance des travailleurs

Les magasins suivis d’un* sont ceux dont l’organisation n’existe plus,au moins à cet emplacement mais dont les bâtiments existent encore.

Le lieu des Innovations techniques :

Le grand magasin bâti avec les nouvelles techniques, comporte l’air conditionné et l’éclairage électrique alterné avec un éclairage au gaz. L’ossature est entièrement en fer , « elle est supporté par 30 poteaux de 13m50 de hauteur en forme de caisson de 0m50 de coté, formant des colonnes creuses dans l’intérieures desquelles on à disposé les tuyaux de descente des eaux pluviales, des conduites d’air chaud (…), les tuyaux de gaz (…). »18. De plus les locaux comprennent des bureaux dépourvus de cloisons, et des écuries afin de permettre au personnel de livrer les clients à cheval.

Crespin dépose plusieurs brevets d’invention ; « machines à tuyauter et à plisser, appareils de chauffage pour couler la lessive et chauffer les bains, appareil pour chauffer les fers à repasser et faire la cuisine »19. Et c’est sous la gigantesque verrière du grand magasin que se tient «  l’exposition du cycle et de l’automobile » en 1903. Celle-ci permet de « se tenir au courant des perfectionnement apportés par l’industrie moderne à nos moyens de locomotion d’avenir »20. Le spectacle est colossal, l’auteur décrit une foule compacte et George Dufayel n’hésite pas à en accentuer l’effervescence, par feu d’artifice lancé dans le magasin, ce qui peut donner une idée de l’ampleur de « notre verrière nationale »21 .

L’innovation de l’entreprise réside par ailleurs dans les moyens de communication qu’elle déploie. elle produit en effet une publicité massive. On peut encore retrouver quelques-unes de ces nombreuses publicités murales sur un pan découvert de Paris. Ceci s’explique par le rachat par le grand magasin de l’entreprise affichage national et inter-national Hanser et Cie, entreprise par laquelle Georges Dufayel intègre les magasins Crespin ainé en 1887.

La devise « travail, crédit, confiance » du grand magasin illustre une politique paternaliste, à l’instar des Boucicaut et des Cognacq-Jaÿ. L’entreprise possède même «  une société HBM “professionnelle” » 22 du nom de  l’amicale du dôme. Celle-ci propose des prêts afin que les em-ployés de l’enseigne puissent se procurer un logement à loyer modéré.

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comparaison provoqua en lui ce complexe d’infériorité, qui persiste toujours, et qui l’incita à copier le citadin dans la façon de s’habiller, de se meubler, de bâtir sa maison. (  …) Le paysan se débarrassa de son mobilier traditionnel pour lui substituer du Dufayel ou du Levitan. »22. Le grand magasin est aussi victime de critique dans les revues d’architecture de l’époque, où Dufayel devient un synonyme de la vulgarité d’une architecture, du mauvais goût dans L’Esprit Nouveau de Le Corbusier qui reproche le style surfait du magasin. Enfin dans un article écrit par Frantz Jourdain (l’architecte de la Samaritaine) on apprend que Charles Garnier avait été pressenti pour la construction du grand magasin. Dufayel lui a préféré Auguste Rives pour réaliser l’image de marque de son grand magasin.

22 Cassan Urbain (inspecteur général de l’urbanisme), « chemins de fer, géographie physique et urbanisme », Urbanisme, 1943, n°095, p.207-208

L’évolution du modèle :

Au XXème siècle beaucoup de grands magasins peinent à se maintenir, et beaucoup d’entre eux ne résistent pas aux grandes évolutions économiques. Ils ne peuvent plus alors se contenter d’être dirigés par des dynasties familiales et sont souvent rachetés par des filiales internationales. Le Bon marché est racheté par le groupe LVMH en 1984 au même titre que la Samaritaine trente ans plus tard. De l’immense « vaisseau » Dufayel, il ne subsiste aujourd’hui que la porte dessinée par Auguste Rives. Le magasin ferme ses portes en 1939.

Aujourd’hui les locaux, après une réhabilitation lourde, sont occupés par une agence de la BNP-Paribas ainsi que des logements. Le rez-de-chaussée a cependant conservé sa nature commerciale d’origine, et est occupé par deux enseignes qui descendent en quelque sorte du grand magasin. Gibert Joseph, un « grand magasin de la culture » s’y est tout juste installé en décembre 2014 à la place du Virgin mégastore. L’enseigne connaît un franc succès.

Le directeur du magasin Olivier Sinson affirme que « La clientèle du quartier est au rendez-vous. Je crois que les gens nous attendaient vraiment. Il y a une vraie demande culturelle dans l’arrondissement. A nous, maintenant, de rayonner sur les IXème et du Xème tout proches. »23. Alors que l’autre partie du rez-de-chaussée est occupé par toy’s rus un «  grand magasin de jouet  ». Tout deux marquent une «  évolution du modèle »24 du grand magasin.

23 Beaulieu Cécile, « Gibert Barbès réussit son pari », Le Pari-sien, Publié le 29.01.2014, (consulté le 05/03/2014), http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/gibert-barbes-reussit-son-pari-29-01-2014-3536877.php 24 De Andia Béatrice de, Op.cit., p197

Les galeries Crespin-Dufayel vont connaître un énorme succès du fait de leur installation près des faisceaux ferroviaires des gares du Nord et de l’Est construits en 1840. L’arrivée du train est alors accusée de perturber « l’ordre social » entre la campagne et la ville car « les mêmes facilités qui permirent au paysan de visiter les villes, lui offrirent l’occasion de comparer la vie rurale à la vie urbaine. (…) En même temps, cette comparaison provoqua en lui ce complexe d’infériorité, qui persiste toujours, et qui l’incita à copier le citadin dans la façon de s’habiller, de se meubler, de bâtir sa maison. ( …) Le paysan se débar-rassa de son mobilier traditionnel pour lui substituer du Dufayel ou du Levitan. »23. Le grand magasin est aussi victime de critiques dans les re-vues d’architecture de l’époque, où Dufayel devint un synonyme de la vulgarité d’une architecture,et du mauvais goût dans L’Esprit Nouveau de Le Corbusier qui dénonce le style surfait du magasin. Enfin dans un article écrit par Frantz Jourdain (l’architecte de la Samaritaine) on apprend que Charles Garnier avait été pressenti pour la construction du grand magasin. Dufayel lui a préféré Auguste Rives pour réaliser l’image de marque de son grand magasin.

L’évolution du modèle :

Au XXème siècle beaucoup de grands magasins peinent à se mainte-nir, et beaucoup d’entre eux ne résistent pas aux grandes évolutions économiques. Ils ne peuvent plus alors se contenter d’être dirigés par des dynasties familiales et sont souvent rachetés par des filiales inter-nationales. Le Bon marché est racheté par le groupe LVMH en 1984 au même titre que la Samaritaine trente ans plus tard. De l’immense « vaisseau » Dufayel, il ne subsiste aujourd’hui que la porte dessinée par Auguste Rives. Le magasin ferme ses portes en 1939.

Aujourd’hui les locaux, à la suite d’une lourde réhabilitation sont occu-pés et par une agence de la BNP-Paribas et par des logements. Le rez-de-chaussée a cependant conservé sa nature commerciale d’origine, et est occupé par deux enseignes qui descendent en quelque sorte du grand magasin. Gibert Joseph, un « grand magasin de la culture » s’y est tout juste installé en décembre 2014 à la place du Virgin megastore. L’enseigne connaît un franc succès.

Le directeur du magasin Olivier Sinson affirme que « La clientèle du quartier est au rendez-vous. Je crois que les gens nous attendaient vraiment. Il y a une vraie demande culturelle dans l’arrondissement. A nous, maintenant, de rayonner sur les IXème et du Xème tout proches. »24. Alors que l’autre partie du rez-de-chaussée est occupé par Toy’SRus un « grand magasin de jouet ». Tout deux marquent une « évolution du modèle »25 du grand magasin.

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De fait les grands magasins sont aussi de grands bazars, qui mènent une vie rude aux boutiquiers traditionnels25.

L’enseigne Tati représente l’une de ces évolutions du modèle original du grand magasin. Et à l’instar des galeries Crespin-Dufayel, propose de articles destinés à une clientèle populaire.

Tati nait en 1948, sous l’impulsion de Jules Ouaki, un immigré juif tunisien tout juste arrivé à Paris, qui ouvre un premier magasin boulevard de Rochechouart. Des Galeries Dufayel, il ne reste que quelques bâtiments, quand l’enseigne Tati ouvre ses portes, puisque le grand magasin a cessé son activité en 1939. Georges Dufayel et Jules Ouaki ont en commun leur carrière de self made man. Jules Ouaki brillera par la suite dans l’économie française, grâce à cette image « d’immigré parti de rien ». Quand il arrive à Paris, il tisse un réseau de fournisseur et de client grâce à des connaissances. Il profite de la «  liberté d’entreprendre  »26 qui caractérise souvent l’entrain des populations immigrées à faire du commerce afin de s’intégrer dans la société qu’ils rejoignent. De plus « le secteur de la confection » représente « un secteur économique d’accès facile, qui nécessite à la fois peu de capital et un savoir-faire relativement rapide à acquérir,qui est privilégié par les étrangers nouvellement arrivés dans un pays d’accueil. »27.Cette activité ne réclame pas de locaux particuliers puisqu’elle peut se pratiquer en appartement, en atelier ou en boutiques et assure des demandes qui se renouvellent à chaque saison, au gré de la consommation qu’a institué la mode. Mais l’enseigne ne se contente pas de proposer du textile, elle invente un nouveau système commercial de production et d’achat à « bas prix », qui marque le début de l’ère discount. Et ce, avant même que ce principe ne soit diffusé en France par les hypermarchés.

25 Berdet Marc, Fantasmagories du capital : L’invention de la ville marchandise, Paris, Zone, 2013, p.6726 Zalc Claire, « Tati ou l’invention du maxi-discount textile (1945-année 80) », Revue Européenne des migrations internationales, vol 28, n°4,2012 (migration et confection)27 Ibid.

De fait les grands magasins sont aussi de grands bazars, qui mènent une vie rude aux boutiquiers traditionnels.25

Une image de marque pour le quartier.tati-Barbès (depuis 1948)

Fig.a-Boulevard de La Chapelle,1936

Vue vers la rue de Chartres et de la Goutte d’orAu premier plan un hotel, puis de petites boutiques

Photo René Jacques in Paris des faubourgs

L’enseigne Tati représente l’une de ces évolutions et propose, à l’instar des galeries Crespin-Dufayel, des articles destinés à une clientèle populaire.

Tati nait en 1948, sous l’impulsion de Jules Ouaki, un immigré juif tu-nisien , qui, tout juste arrivé à Paris,ouvre un premier magasin boule-vard de Rochechouart. Des Galeries Dufayel, il ne reste que quelques bâtiments, quand l’enseigne Tati ouvre ses portes, puisque le grand magasin a cessé son activité en 1939. Georges Dufayel et Jules Ouaki ont en commun leur carrière de self made man. Jules Ouaki brillera par la suite dans l’économie française, grâce à cette image « d’immigré parti de rien ». Quand il arrive à Paris, il tisse un réseau de fournisseur et de client grâce à des connaissances. Il profite de la « liberté d’entreprendre »26 qui caractérise souvent l’entrain des populations immigrées à faire du commerce, afin de s’intégrer dans la société qu’ils rejoignent. De plus « le secteur de la confection » représente « un secteur économ-ique d’accès facile, qui nécessite à la fois peu de capital et un savoir-faire relativement rapide à acquérir, est privilégié par les étrangers nouvellement arrivés dans un pays d’accueil. »27. Cette activité ne réclame pas de locaux particuliers puisqu’elle peut se pratiquer en appartement, en atelier ou en boutique et assure des demandes qui se renouvellent à chaque saison, au gré de la consom-mation qu’a institué la mode. Mais l’enseigne ne se contente pas de proposer du textile, elle invente un nouveau système commercial de production et d’achat à « bas prix », qui marque le début de l’ère dis-count. Et ce, avant même que ce principe ne soit diffusé en France par les hypermarchés.

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L’activité commerciale de Tati débute par l’acquisition d’une petite boutique de 75m2 puis s’étend au fur et à mesure. Aujourd’hui un tronçon entier du boulevard de Rochechouart, qui s’étend de la rue de Clignancourt au boulevard Barbès, est dédié à l’enseigne. Le grand magasin ne suscite, à priori, pas d’intérêt architectural particulier mais l’enseigne est indéniablement enracinée dans l’image que tout un chacun se fait de Barbès. Et son implantation a en réalité profondément modifié le quartier. Mais comment, sous l’impulsion d’un homme, l’enseigne a-t-elle permis une forme de rénovation urbaine issue d’une initiative privée ?

Un magasin qui tire profit de l’identité du quartier

De même que les grands magasins parisiens apparus au XIXème siècle, l’enseigne Tati mène une stratégie d’expansion et de développement spectaculaires. Les locaux sont acquis de manière progressive en fonction des opportunités immobilières. L’intégrité du grand magasin se voit ensuite assurée par la pose du fameux bandeau bleu surmonté de l’enseigne rose et blanche qui se répète au pied des immeubles. Ceux-ci sont entrecoupés pour épouser le dénivelé du boulevard. Chaque magasin de l’enseigne propose un type de marchandise différente (Tati Homme, Tati femme, Tati beauté, etc.). Le commerce occupe les rez-de-chaussée mais aussi les étages par de l’activité de vente, des locaux techniques ainsi que le siège social de l’entreprise comme le montre les Permis de Construire déposés de 1963 à 1979.

L’enseigne textile ne s’installe pas à Barbès de façon fortuite. La proximité du marché Saint-Pierre ainsi que la présence de tailleurs sur le boulevard permet au « tonton fringueur »28 d’installer son magasin dans un quartier déjà fortement marqué par le secteur de la confection. En effet, l’immeuble du 20 boulevard Barbès constituait le fond de commerce d’un tailleur juif polonais immigré du nom de Schatz29. En 1927, L’architecte-voyer André Mesnager dépose une demande à la Mairie de Paris afin de modifier la devanture de l’immeuble dans le but d’installer le commerce du tailleur. Cette boutique sera ensuite acquise par Tati, qui occupe d’abord le rez-de-chaussée de l’immeuble. La façade de style art déco. du tailleur composée de modénatures sérigraphiées sur du verre et de panneaux de marbre et de métal perforé va être remplacée par le bandeau en plastique bleu de Tati.

A partir de 197830 l’enseigne s’installe dans les étages du bâtiment, jusqu’alors occupés par un ancien « hôtel meublé » dont le boulevard de Rochechouart était emplis.

28 Pringle Colombe, « les 50 ans d’un tonton fringueur », L’express, 05mars 1998, (consulté le 03/2014), http://www.lexpress.fr/informations/les-50-ans-d-un-tonton-fringueur_627685.html29 PC, Schatz, A. Mesnager architecte voyer, 20 boulevard Barbès et 2 rue Belhomme, 20 juin 1927, cote VO11 /3090, AD de Paris30 PC, 1178W/2317 et 35302/78, Ouaki Jules société Fabien Marceau 25 blvd Rochechouart, 10 janvier 1979, cote 1178W/2317 et 35302/78, AD de Paris.

Stratégie commerciale

Cependant c’est au 22 du boulevard que Jules Ouaki ouvre sa première boutique en 1948, Il occupe alors 75m2 au rez-de-chaussée de cet immeuble à R+6. . Ce premier espace est l’occasion de mettre au point une nouvelle technique commerciale, le « cash flow », c’est-à-dire l’achat de stocks entiers payés comptant. Tati propose à ses débuts du linge de maison . « Les prix bas » sont permis par un achat de marchandise en très grande quantité directement au fournisseur. Les marges sont très faible puisqu’il n’y a pas ou peu d’intermédiaires entre l’achat du produit par l‘enseigne et son acquisition par le client. Les marchandises sont ensuite stockées dans de grands entrepôts en banlieue parisienne. De même l’enseigne abolit toutes les barrières entre l’article et l’acheteur dans le magasin. Les clients sont non seulement inviter à toucher la marchandise mais aussi à fouiller dans de grands bacs pour trouver l’article qui leur convient (Fig.9-b)

Forte de son succès, l’enseigne colonise les étages de du 22, boulevard Barbès, presque quinze ans après l’ouverture de la première boutique31. Des locaux commerciaux sont installés dans les étages ainsi que des bureaux aux derniers niveaux. L’immeuble aussi occupé par un ancien hôtel, est alors totalement remanié de la façon la plus rapide et efficace afin de pouvoir y faire du commerce promptement. Les espaces des anciennes chambres, simplement délimités par des cloisons sont aisément réaménagés en commerce. Les cloisons sont abattues au premier et deuxième étage afin de servir de plateau de vente. Les maçonneries de façade sont réduites à des poteaux plus fins qui permettent d’offrir plus de lumière. Le troisième étage est dédié au personnel et certaines cloisons sont conservées. Un escalier est maintenu dans son état initial, d’autres originalement situés en façade sont remplacés par de nouvelles circulations en périphérie (Fig 9-a), ce qui offre plus de surface à la vitrine. Afin d’assurer le confort des consommateur, l’immeuble est équipé d’un système de ventilation et de chauffage.

31 PC, 8245/63, Société textile diffusion, 22 boulevard Barbès et 1 rue Belhomme, 30 octobre 1963 (relevés de l’existant effectué en mai 1962 par E.&H. Prud’Homme architecte), société « Tapitex », cote 1069w/1073, AD de Paris.

L’activité commerciale de Tati débute par l’acquisition d’une petite bou-tique de 75m2 puis s’étend au fur et à mesure. Aujourd’hui, un tronçon entier du boulevard de Rochechouart, qui s’étend de la rue de Clignan-court au boulevard Barbès, est dédié à l’enseigne. Le grand magasin ne suscite, à priori, pas d’intérêt architectural particulier mais l’enseigne est indéniablement enracinée dans l’image que tout un chacun se fait de Barbès. Et son implantation a en réalité profondément modifié le quartier. Mais comment, sous l’impulsion d’un homme, l’enseigne a-t-elle permis une forme de rénovation urbaine issue d’une initiative privée ?

Un magasin qui tire profit de l’identité du quartier

De même que les grands magasins parisiens apparus au XIXème siècle, l’enseigne Tati mène une stratégie d’expansion et de développement spectaculaires. Les locaux sont acquis de manière progressive en fonc-tion des opportunités immobilières. L’intégrité du grand magasin se voit ensuite assurée par la pose du fameux bandeau bleu surmonté de l’enseigne rose et blanche qui se répète au pied des immeubles. Ceux-ci sont entrecoupés pour épouser le dénivelé du boulevard. Chaque magasin de l’enseigne propose un type de marchandise différente (Tati Homme, Tati femme, Tati beauté, etc.). Le commerce occupe les rez-de-chaussée mais aussi les étages par de l’activité de vente, des locaux techniques ainsi que le siège socialde l’entreprise comme le montre les Permis de Construire déposés de 1963 à 1979.

L’enseigne textile ne s’installe pas à Barbès de façon fortuite. La proximité du marché Saint-Pierre ainsi que la présence de tailleurs sur le boulevard permettentau « tonton fringueur »28 d’installer son magasin dans un quartier déjà fortement marqué par le secteur de la confection. En effet, l’immeuble du 20 boulevard Barbès constituait le fond de commerce d’un tailleur juif polonais immigré du nom de Schatz29. En 1927, L’architecte-voyer André Mesnager dépose une demande à la Mairie de Paris afin de modifier la devanture de l’immeuble dans le but d’installer le commerce du tailleur. Cette boutique sera ensuite acquise par Tati, qui occupe d’abord le rez-de-chaussée de l’immeuble. La façade de style art déco. du tailleur composée de modénatures sérigraphiées sur du verre et de panneaux de marbre et de métal perforé va être rem-placée par le bandeau en plastique bleu de Tati.

A partir de 197831 l’enseigne s’installe dans les étages du bâtiment, jusqu’alors occupés par l’un des anciens « hôtels meublés » qui abon-daient sur le boulevard de Rochechouart

Stratégie commerciale

Cependant, c’est au 22 du boulevard que Jules Ouaki ouvre sa premi-ère boutique en 1948, Il occupe alors 75m2 au rez-de-chaussée de cet immeuble à R+6. . Ce premier espace est l’occasion de mettre au point une nouvelle technique commerciale, le « cash flow », c’est-à-dire l’achat de stocks entiers payés comptant. Tati propose à ses débuts du linge de maison. « Les prix bas » sont permis par un achat de march-andise en très grande quantité directement au fournisseur. Les marges sont très faible puisqu’il n’y a pas ou peu d’intermédiaires entre l’achat du produit par l’enseigne et son acquisition par le client. Les marchan-dises sont ensuite stockées dans de grands entrepôts en banlieue par-isienne. De même, l’enseigne abolit toutes les barrières entre l’article et l’acheteur dans le magasin. Les clients sont non seulement invités à toucher la marchandise mais aussi à fouiller dans de grands bacs pour trouver l’article qui leur convient

Forte de son succès, l’enseigne colonise les étages de du 22, boule-vard Barbès, presque quinze ans après l’ouverture de la première boutique31. Des locaux commerciaux sont installés dans les étages ainsi que des bureaux aux derniers niveaux. L’immeuble aussi occupé par un ancien hôtel, est alors totalement remanié de la façon la plus rapide et efficace, afin de pouvoir y faire du commerce promptement. Les espaces des anciennes chambres, simplement délimités par des cloisons sont aisément réaménagés en commerces. Les cloisons sont abattues au premier et deuxième étage afin de servir de plateau de vente. Les maçonneries de façade sont réduites à des poteaux plus fins qui permettent d’offrir plus de lumière. Le troisième étage est dédié au personnel et certaines cloisons sont conservées. Un escalier est con-servé dans son état initial, d’autres originalement situés en façade sont remplacés par de nouvelles circulations en périphérie, ce qui offre plus de surface à la vitrine. Afin d’assurer le confort des consommateurs, l’immeuble est équipé d’un système de ventilation et de chauffage.

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Fig.9- Tati, rénove d’anciens hotels de passe en grand magasin.

a- Plan du magasin n°1 rue Belhomme.Les cloisons sont détruites et un escalier reconstruit

b- Coupe sur le magasin n°2 rue Belhomme.L’enseigne colonise les locaux mais aussi l’espace de la rue .Installation de bacs et exploitation totale de la surface de vente.

zones d’exposition de marchandise

KT- D’après Permis de construire.

Plan existant Plan du Projet

acquisition progressive et diversification

De la même manière, en 1977, le magasin du 18, boulevard Rochechouart est agrandi par l’acquisition d’un hôtel alors désaffecté au 4, rue Belhomme32. Un accès supplémentaire est alors créé. Le magasin s’étend du rez-de-chaussée jusqu’au deuxième étage de l’immeuble. Le reste du bâtiment sert de bureaux et de locaux de service. Toutes ces acquisitions induisent aussi des ravalements complets des façades.

Afin d’assurer la circulation entre les magasins du 3, rue Belhomme a la boutique du 4 de la même rue, Jules Ouaki fait construire en 1978 une passerelle. Celle-ci, peinte en rose, surgit au-dessus de la rue Belhomme (Fig 10-b). La marque colonise aussi le trottoir grâce aux bacs disposés le long du boulevard aux portes d’entrées du magasin. Ceux-ci invitent le client à entrer et crée un effet de seuil. La vitrine est alors dématérialisée. La boutique reprend les codes des bazars à ciel ouvert que l’on peut trouver dans les souks du Magreb. Le client est invité à toucher la marchandise avant même de rentrer dans la boutique. Les prix à virgules sont affichés clairement au-dessus des bacs et font impression d’une grande transparence (Fig.9-b).

Au fur et à mesure l’offre se diversifie. Et Tati finit par représenter un titan de l’économie française dans le secteur de la confection, puisqu’«  au début des années 1980 : près d’un fabricant textile en France sur quatre travaille alors pour Tati »33. Au départ «  Tati, c’est une marque sans produits.»34, et les clientes affluent pour dénicher des articles de marques dégriffés. Aujourd’hui l’enseigne vend sa propre ligne de prêt-à-porter bon marché. A son apogée, l’enseigne invite même des couturiers à conçevoir des collections temporaires. A l’instar des grandes filiales de prêt-à-porter internationales. C’est de cette manière qu’Azzedine Alaia dessine la collection printemps-été de la marque en 1992, il réinterprète alors le motif en vichy rose et blanc de la marque, très certainement inspiré par Brigitte Bardot dans les années soixante.

De même que les galeries Dufayel, l’enseigne Tati va adapter un système commercial au contexte populaire dans lequel il s’inscrit. Ces systèmes s’exportent ensuite à travers Paris et la France. Le génie de Jules Ouaki se traduit par une nouvelle façon de vendre du textile, à un endroit déjà marqué par ce secteur d’activité. Chez Tati les prix sont bas et la quantité prime sur la qualité. Les vêtements sont achetés au milieu des articles d’hygiène ou de maison. Cette abondance rappelle l’image du bazar et s’inspire certainement de la vente de tissus au mètre.

32 PC, 34150/77, Société Fabien Marceau, Philippe Duprat archi-tecte, 28 décembre 1977, cote 1178w/2161, AD de Paris.33 Zalc Claire, Op. cit.34 Ibid. Rue Belhomme Trottoir Magasin

Passerelle

Enseigne

Prix

Bac

acquisition progressive et diversification

De la même manière, en 1977, le magasin du 18, boulevard Rochech-ouart est agrandi par l’acquisition d’un hôtel alors désaffecté au 4, rue Belhomme31. Un accès supplémentaire est alors créé. Le magasin s’étend du rez-de-chaussée jusqu’au deuxième étage de l’immeuble. Le reste du bâtiment se compose de bureaux et delocaux de service. Toutes ces acquisitions induisent également des ravalements com-plets des façades.

Afin d’assurer la circulation entre les magasins du 3, rue Belhomme à la boutique du 4 de la même rue, Jules Ouaki fait construire en 1978 une passerelle. Celle-ci, peinte en rose, surgit au-dessus de la rue Bel-homme. La marque colonise aussi le trottoir grâce aux bacs disposés aux portes d’entrée du magasin, tout le long du boulevard . Invitant le client à entrer elles créent un effet de seuil. La vitrine est alors déma-térialisée. La boutique reprend les codes des bazars à ciel ouvert que l’on peut trouver dans les souks du Magreb. Le client est invité à palper la marchandise avant même de rentrer dans la boutique. Les prix à virgules sont affichés clairement au-dessus des bacs et font impression d’une grande transparence.

Au fur et à mesure l’offre se diversifie. Et Tati finit par représenter un titan de l’économie française dans le secteur de la confection, pu-isqu’« au début des années 1980 : près d’un fabricant textile en France sur quatre travaille alors pour Tati »33. Au départ « Tati, c’est une marque sans produits.»34, et les clientes affluent pour dénicher des articles de marques dégriffés. Aujourd’hui l’enseigne vend sa propre ligne de prêt-à-porter bon marché. À son apogée, l’enseigne invite même des couturiers à concevoir des collections temporaires, àl’instar des grandes filiales internationales de prêt-à-porter . C’est de cette manière qu’Azzedine Alaia dessine la collection printemps-été de la marque en 1992 ; il réinterprète alors le motif en vichy rose et blanc de la marque, très certainement inspiré par Brigitte Bardot, qui le popularise dans les années soixante.

De même que les galeries Dufayel, l’enseigne Tati va adapter un système commercial au contexte populaire dans lequel il s’inscrit. Ces systèmes s’exportent ensuite à travers Paris et la France. Le génie de Jules Ouaki se traduit par une nouvelle façon de vendre du textile, à un endroit déjà marqué par ce secteur d’activité. Chez Tati les prix sont bas et la quantité prime sur la qualité. Les vêtements sont achetés au milieu des articles d’hygiène ou de maison. Cette abondance rappelle l’image du bazar et s’inspire certainement de la vente de tissus au mètre voisin.

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Fig 10- Tati-Barbès, les marqueurs d’un grand magasin parisien

a- Un escalier permet de relier les immeubles du 6 et du 8 boulevard de Rochechouart

KT, photo prise depuis l’intérieure du magasin Tati.

b- La passerelle construite au dessus de la rue Belhomme, en 1978 relie les magasins du 3 et du 4 de la rue Belhomme

KT, photo prise depuis le boulevard Rochechouart.

c- Escalier construit en 1962 par l’architecte Philippe Duprat. Ils remplacent les escaliers en façade.

KT, photo prise depuis le magasin du 6 boulevard de Rochechouart.

Un quartier redevable :

«  Le roi du boulevard »35 a reçu la médaille de l’Ordre national du Mérite en 1972 pour avoir assaini le quartier. Il reçoit ensuite la légion d’Honneur en 1976. En effet l’acquisition par l’enseigne des immeubles marque leur rénovation. Les anciens hôtels de passe, hauts lieux de la prostitution parisienne, chantés par Maurice Chevalier avec Prosper (yop la boum), un proxénète qui a son harem, Qui de Clichy à Barbès, Le jour et la nuit sans cesse, Fait son p’tit business36, deviennent des commerces. Ainsi l’activité de prostitution nocturne se substitue à une activité commerciale diurne.

Car c’était avant l’installation de Tati, un quartier interlope. La station Barbès-Rochechouart était désertée et les usagers préfèrent descendre à Anvers pour faire des achats au marché Saint-Pierre et profiter de la butte Montmartre. «  Je voyaient que deux personnes sur dix descendait à Anvers et deux à Barbès » confie Fabien Ouaki à Claire Lallement, en répétant les propos de son père  :  « je me suis dit, il faut trouver un moyen de les faire dévier. Au début les gens allaient à la halle Saint-Pierre et venaient faire un tour chez Tati, maintenant c’est le contraire et huit personnes sur dix descendent à la station Barbès »37 .

Le magasin Tati bénéficie de la présence du métro, et va dynamiser de façon spectaculaire la fréquentation de la station Barbès-Rochechouart au fur et à mesure de son succès. La vue depuis le métro est aujourd’hui complètement associée à la présence de l’immense enseigne de la marque qui fabrique un signal d’entrée au quartier de Barbès.De plus « C’est en fédérant autour de lui un certain style de commerce que Tati a conféré sa forme au Barbès que nous connaissons encore aujourd’hui  »38. En effet d’autres structures ouvrent sur le boulevard de Rochechouart comme Darty ou des concurrents direct comme Vanoprix, installé dans un ancien bal du boulevard et victime d’un incendie en juin 2011. Mais le système économique Tati s’adapte aussi à des magasins de vente de tissus à bas prix comme Toto Soldes, qui fait la synthèse entre les échoppes du marché Saint-Pierre et utilise les techniques de vente « discount » de Tati.

Le magasin ouvert rue de Rennes en 1978 rencontre au départ un franc succès du fait de l’activité commerciale intense de cette rue et de la proximité de la gare Montparnasse, . Ce magasin est le premier ouvert hors Barbès, il ferme cependant ses portes en 1999, alors que l’entreprise connaît des difficultés dues à la concurrence des grandes enseignes internationales de textile. Ainsi qu’aux stratégies de diversification excessives menées par le fils de Jules Ouaki, Fabien Ouaki qui a pris la tête de l’enseigne après la mort de son père. « L’entreprise familiale » dépose le bilan en 2003 et est rachetée en 2004 par le groupe VETURA, filiale du groupe Eram.

35 Pringle Colombe, Op. cit.36 Prosper (yop la boum), paroles : Géo Koger et Vincent Telly, musique : Vincent Scotto, créée par Maurice Chevalier, 193537 Lallement Emmanuelle, La ville marchande, enquête à Barbès, Op. cit., p.9338 Ibid.p.97

Un quartier redevable

« Le roi du boulevard »35 a reçu la médaille de l’Ordre national du Mérite en 1972 pour avoir assaini le quartier. Il reçoit ensuite la légion d’Honneur en 1976. En effet, l’acquisition des immeubles par l’enseigne marque leur rénovation. Les anciens hôtels de passe, hauts lieux de la prostitution parisienne, chantés par Maurice Chevalier avec Prosper (yop la boum), un proxénète qui a son harem, Qui de Clichy à Barbès, Le jour et la nuit sans cesse, Fait son p’tit business36, deviennent des commerces. Ainsi l’activité de prostitution nocturne se substitue à une activité commerciale diurne.

Car c’était avant l’installation de Tati, un quartier interlope. La station Barbès-Rochechouart était désertée et les usagers préfèrent descendre à Anvers pour faire des achats au marché Saint-Pierre et profiter de la butte Montmartre. «  Je voyais que deux personnes sur dix descendait à Anvers et deux à Barbès » confie Fabien Ouaki à Claire Lallement, en ré-pétant les propos de son père : « je me suis dit, il faut trouver un moyen de les faire dévier. Au début les gens allaient à la halle Saint-Pierre et venaient faire un tour chez Tati, maintenant c’est le contraire et huit personnes sur dix descendent à la station Barbès »37

Le magasin Tati bénéficie de la présence du métro, et va dynamiser de façon spectaculaire la fréquentation de la station Barbès-Rochechouart au fur et à mesure de son succès. La vue depuis le métro est aujourd’hui complètement associée à la présence de l’immense enseigne de la marque qui fabrique un signal d’entrée au quartier de Barbès.De plus « C’est en fédérant autour de lui un certain style de commerce que Tati a conféré sa forme au Barbès que nous connaissons encore aujourd’hui »38 . En effet d’autres structures ouvrent sur le boulevard de Rochechouart comme Darty ou des concurrents direct comme le Vano-prix, installé dans un ancien bal du boulevard et victime d’un incendie en juin 2011. Mais le système économique Tati s’adapte aussi à des magasins de vente de tissus à bas prix comme Toto Soldes, qui fait la synthèse entre les échoppes du marché Saint PierreSaint-Pierre et utilise les techniques de vente « discount » de Tati.

Le magasin ouvert rue de Rennes en 1978 rencontre le succès par l’intensité de l’activité commerciale de cette rue et de sa la proximité avec de la gare Montparnasse, . Ce magasin est le premier ouvert hors Barbès, il fermera cependant ses portes en 1999, alors que l’entreprise connaît des difficultés dues s à la concurrence des grandes enseignes internationales de textileainsi qu’aux stratégies de diversification exces-sives menées par le fils de Jules Ouaki, Fabien Ouaki, qui a pris la tête de l’enseigne après la mort de son père. « L’entreprise familiale » dépose le bilan en 2003 et est rachetée en 2004 par le groupe VETURA, filiale du groupe Eram.

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Fig 10- KT-Implantation des magasins Tati en region parisienneD’après http://www.tati.fr/nos-magasins.php

A-Tati or et Tati BarbèsB-Tati ClichyC -Tati or St LazareD -Tati St Elisabeth (Rue du Temple 75003)E -Tati gaitéF -Tati Italie IIG -Tati Kremlin BicetreH-Tati cc.Bercy(Charenton le pont)I-Tati or IvryJ- Tati diderot(75012)

Notre Dame

TourEiffel

Sacré-Coeur

Opéra Belleville

Kétoile

Montpar-nasse

F

aB

C

D

E

g

h

I

j

Aujourd’hui Tati reste fidèle à son image populaire. Les magasins Tati sont situé autour de gares comme le magasin rue de Rennes mais surtout dans les quartiers périphériques de Paris (fig.10).Quand ils sont installés au coeur de Paris les magasins Tati propose seulement de la bijouterie sous la marque Tati Or. Il est interessant de remarquer que l’enseigne parfois s’installe souvent à proximité d’un d’un ancien grand magasin comme c’est le cas à Barbès (Fig.8)Illustration d’une certaine prospérité, l’enseigne s’apprête à ouvrir à l’été 2014 un magasin en Arabie Saoudite et planifie de conquérir les émirats arabes.39

39 Le figaro.fr avec Afp, « Tati aura des magasins en Arabie saou-dite » Le Figaro, 05/05/2013, (consulté le 23 mai 2014), http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/03/05/97002-20140305filwww00100-tati-aura-des-magasins-en-arabie-saoudite.php

Aujourd’hui Tati reste fidèle à son image populaire. Les magasins Tati sont situés aux alentours de gares, comme le magasin de Montpar-nasse, rue de Rennes, mais surtout dans les quartiers périphériques de Paris. Illustration d’une certaine prospérité, l’enseigne s’apprête à ouvrir a à l’été 2014 un magasin en Arabie Saoudite, et planifie de conquérir les émirats arabes.39

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  Ce quartier pose la question du patrimoine et de la valeur qu’on lui porte. Et-ce que patrimoine, protection veut dire monument historique. Est-ce que l’âme d’un quartier peut être inscrite au patrimoine et préservée ? 40

Des boutiques bazars 

L’enseigne Tati ne constitue pas tant une menace pour les bazars qui s’agrègent autour de l’enseigne. A l’inverse du grand magasin décrit dans Au bonheur des dames, l’enseigne sert de «  locomotive  » aux commerçants du quartier. A la manière d’un hypermarché dans une zone périurbaine, les petits magasins de tissus (Toto), les solderies (Guerisolde ou Kata chaussure) et les bazars profitent de la clientèle attirée par les marchandises bon marché vendues par Tati. Ces commerces se greffent sur un chemin qui relie Barbès au marché Saint-Pierre. Quelles sont ces échoppes et comment évoluent-elles aujourd’hui ?

La spécificité du commerce à Barbès est la faible représentation des grandes franchises internationales, à l’inverse des autres centralités commerciales parisienne comme la rue de Rennes. Les commerces sont tenus depuis longtemps par des immigrés qui sont arrivés par vagues dans le quartier. Les Belges, les Italiens et les juifs d’Europe de l’est dès 1890, les juifs d’Afrique du Nord et les Maghrébins à partir de 1954 (guerre d’Algérie) puis les populations d’Afrique subsaharienne depuis 1968. Ces populations ont alors profité des loyers peu élevés des hôtels pour célibataires qui louaient de petites chambres, souvent insalubres.

Ces commerces sont fréquemment qualifiés de  commerces « ethnique », faits pour et par les immigrés, ces boutiques sont caractérisées par l’abondance des marchandises qu’elles proposent et la désorganisation qui semble y régner (Fig 11-a-b). Les articles spécifiques qui y sont vendus comme la wax ou le bazin qui servent à confectionner les tenues traditionnelles africaines, s’adressent à un type de population ethnique en particulier. Ces boutiques semblent s’agréger les une à côté des autres sans logique apparente.

40 Breitman Marc, Culot Maurice, La Goutte d’or, faubourg de Paris, Paris, Hazan, 1988, p.25

Ce quartier pose la question du patrimoine et de la valeur qu’on lui porte. Et-ce que patrimoine, protection veut dire monument

historique. Est-ce que l’âme d’un quartier peut être inscrite au patrimoine et préservée ? 40 

de la boutique bazar à la “rue de la mode”Un quartier en voie de gentrification ?Fig.C- 96 logements PLa rue des gardes

Vue de la rue après travaux( les commerces à rez-de-chaussée ne seront livrés qu’en 2001 )

Photo J.M.Monthiers in Paris des faubourgs

Des boutiques bazars 

L’enseigne Tati ne constitue pas tant une menace pour les bazars qui s’agrègent aux alentours du commerce. A l’inverse du grand magasin décrit dans Au bonheur des dames, l’enseigne sert de « locomotive » aux commerçants du quartier, à la manière d’un hypermarché dans une zone périurbaine, Les les petits magasins de tissus (Toto), les solderies (Guerisol ou Kata chaussure) et les bazars profitent de la cli-entèle attirée par les marchandises bon marché vendues par magasin Tati. Ces commerces se greffent sur un chemin qui relie Barbès au marché Saint Pierre. Qu’elles sont ces échoppes et comment évoluent- elles aujourd’hui ?La spécificité du commerce à Barbès est la faible représentation des grandes franchises internationales, à l’inverse des autres centralités commerciales parisiennes comme la rue de Rennes. Les commerces sont tenus depuis longtemps par des immigrés qui sont arrivés par vagues dans le quartier. Les Belges, les italiens et les Polonais juifs d’Europe de l’est dès 1890, les juifs d’Afrique du Nord et les Maghrébins à partir de 1954 (guerre d’Algérie) et enfin les populations d’Afrique subsaharienne dès1968. Ces populations ont alors profité des loyers peu élevés et des hôtels pour célibataires, où ils louaient de petites chambres, souvent insalu-bres, à des prix très faibles.

Ces commerces sont fréquemment qualifiés de  commerces « eth-niques », faits pour et par les immigrés. Ils s sont caractérisées par l’abondance des marchandises qu’ils proposent et la désorganisa-tion qui semble y régner. Les articles spécifiques qui y sont vendus – comme la wax nécessaire à la confection des tenues traditionnelles africaines –, s’adressent à l’origine à un type de population ethnique particulier. Ces boutiques semblent s’agréger les unes à coté côté des autres sans logique apparente.

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Fig 11- abondance des marchandises etoccultation des vitrines sur les modèle de l’enseigne Tati et du Marché Saint Pierre.

a-Un bazar de tissus Africain du quartier de la Goutte d’or

b-Un bazar de tenues orientales maghrébines du quartier de la Goutte d’or

c-Les étales du marché Saint Pierre, ici la boutique Reine.

KT- Photos prises sur place

Les commerces « ethniques » sont aujourd’hui divisés en deux parties qui correspondent à deux origines ethniques différentes. Au nord entre la rue Ordener et la rue Myrha les commerces sont majoritairement tenus par des africains. Ces commerces se concentrent autour de la station de métro Château-Rouge. Au sud les commerces sont majoritairement tenus pars des Maghrébins. Sur les boulevards de La Chapelle et de Rochechouart ces commerces vendent des bijoux et des tenus de soirées41. Ces micros centralité ethniques constituent en fait un agrégat homogène, puisqu’elles ont en commun de s’adresser à une clientèle spécifique, souvent constituée d’immigrés venus de banlieue. Et cultivent une image de bazar qui se traduit par l’abondance des marchandises et les faibles prix qui y sont pratiqués (Fig.11).

La première génération d’immigrés s’insère souvent dans leur ville de destination par le bais du commerce. Ils cultivent un savoir qu’ils exportent, à l’image de la restauration dans le quartier chinois de Paris. Les deuxièmes générations saisissent l’occasion de faire des études et occupent ensuite une place différente dans la société. A Barbès les commerces tenus par des immigrés ne constituent pas un patrimoine familial comme l’explique le vendeur d’un bazar de Barbès : Juste au-dessous des premiers étages des ces immeubles qui bordent le boulevard Barbès, quelques enseignes défraichie, des stores délavés, dont quelques-uns sont en lambeaux, d’autres ayant disparu pour ne garder qu’une armature métallique, laissent apparaître les noms de boutiques d’antan  : bonneterie, meubles… ces traces d’activités commerciales remontant aux années 1950 et 1960 ne semblent pas retenir l’attention des passants et des clients. Parfois même les nouveaux occupants des lieux affichent une certaine indifférence quant à ce passé révolu. ” Avant moi, il y avait un bazar et avant ce bazar, un autre bazar, je crois bien, je loue juste les murs. Alors pour vous dire ce qu’il y avait bien avant, je peux pas. C’est pas mon problème” avoue le patron peu bavard d’un bazar, surnommé monsieur Guy.42.

Le plus souvent les personnes qui tiennent ces commerces n’habitent pas Barbès. Quant aux clients, ils viennent majoritairement de banlieues. Il existe de plus un tourisme spécifique : certaines familles venues d’Algérie ou d’Afrique pour voir leur famille, viennent à Barbès faire leurs achats avant de repartir chez eux. Claire Lallement oppose deux logiques de flux qui entrent en conflit dans le quartier de Barbès. Une logique résidentielle qui serait « centripète ». Les habitants peuvent regretter à juste titre le manque de commerce de proximité et les nuisances produites par la fréquentation massive de ceux-ci. Et une logique « centrifuge »43 des commerces qui s’adressent en effet majoritairement à des personnes extérieures au quartier.

41 Chaperon Anne, « communautarisme à Barbès », In Mangin David, Paris / Babel : une mégapole européenne, Paris, La Villette, 2013. p.13442 Lallement Emmanuelle, Op. cit., p44.43 Ibid. p.224

Les commerces « ethniques » sont aujourd’hui divisés en deux parties qui correspondent à deux origines ethniques différentes. Au nord entre la rue Ordener et la rue Myrha les commerces sont majoritairement tenus par des africains. Ces commerces se concentrent autour de la sta-tion de métro Château-Rrouge. Au sud, les commerces sont majoritairement tenus pars des Maghrébins. Sur les boulevards de La Chapelle et de Rochechouart, on trouve bijoux et des tenues de soirée41. Ces micros centralités eth-niques constituent en réalité un agrégat homogène, puisqu’ elles ont en commun de s’adresser à une clientèle spécifique, souvent constitu-ée d’immigrés venus de banlieue., et cultivent une image de bazar par l’abondance des marchandises et les faibles prix qui y sont Appliqués.

La première génération d’immigrés s’insère souvent dans leur ville de destination par le bais du commerce. Ils cultivent un savoir qu’ils exportent, à l’image de la restauration dans le quartier chinois de Paris. Les deuxièmes générations saisissent l’occasion de faire des études et occupent alors une place différente dans la société. à Barbès, les commerces tenus par des immigrés ne constituent pas un patrimoine familial comme l’explique le vendeur d’un bazar de Barbès : “(…) Juste au-dessous des premiers étages des ces immeubles qui bordent le boulevard Barbès, quelques enseignes défraichies, des stores délavés, dont quelques-uns sont en lambeaux, d’autres ayant disparu pour ne garder qu’une armature métallique, laissent apparaî-tre les noms de boutiques d’antan : bonneterie, meubles… ces traces d’activités commerciales remontant aux années 1950 et 1960 ne sem-blent pas retenir l’attention des passants et des clients. Parfois même les nouveaux occupants des lieux affichent une certaine indifférence quant à ce passé révolu. « “Avant moi, il y avait un bazar et avant ce bazar, un autre bazar, je crois bien, je loue juste les murs. Alors pour vous dire ce qu’il y avait bien avant, je peux pas. C’est pas mon prob-lème” avoue le patron peu bavard d’un bazar, surnommé monsieur Guy”42.

Le plus souvent, les personnes qui tiennent ces commerces n’habitent pas Barbès. Quant aux clients, ils viennent majoritairement des ban-lieues. Il existe, de plus, un tourisme qui lui est spécifique. En effet : certaines familles venues d’Algérie ou d’Afrique pour voir leur famillevi-ennent à Barbès pour faire leurs achats avant de repartir chez eux. Claire Lallement oppose deux logiques de flux qui entrent en conflit dans le quartier de Barbès. Une logique résidentielle qui serait « cen-tripète ». Les habitants peuvent regretter à juste titre le manque de commerce de proximité et les nuisances produites par la fréquentation massive de ceux- ci. Et une logique « centrifuge »43des commerces qui s’adressent en effet majoritairement à des personnes extérieures au quartier.

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Les commerces « ethniques » sont répartis dans tout le quartier mais le boulevard Barbès marque une limite entre l’ouest de Barbès et le quartier de la Goutte d’Or. Celui-ci se compose d’un tissu urbain très différent, les rues y sont rues plus étroites et forment des X afin de s’adapter à la topographie (cf. rue de Chartres et rue Charbonnière). Les commerces y sont juxtaposés à des écoles ou des mosquées. Cependant on y trouve toujours du tissu au mètre. C’est cette partie du quartier qui est vouée à changer rapidement puisqu’elle est concernée par des opérations de rénovation urbaine depuis 1983.

Une politique de rénovation urbaine

Deux phases de rénovation urbaine caractérisent les transformations de Paris depuis les années soixante. Une première phase dans les années 1960-70 inspirée des Modernes est impulsée par le plan directeur soumis par Raymond Lopez en 1957. L’avant-propos du plan Lopez affirme qu’ « Il est exact de dire que, si nous n’y prenons garde, dans vingt-cinq ou trente ans, alors que Londres, Berlin et les autres capitales européennes, qui ont subi, au cours de la guerre, de si cruels dommages, se seront reconstruites, Paris, pour qui le miracle se sera accompli de lui permettre de sortir presque intacte de la tourmente, sera devenue la capitale la plus arriérée. »44 . Les préceptes modernes de l’urbanisme prône la table rase afin de permettre la reconstruction à neuf de quartiers entiers.

La deuxième phase dans les années 1980-90 remet en cause la première et se caractérise par une plus grande prise en compte du tissu urbain préexistant. C’est cette deuxième phase qui est appliquée aux opérations de rénovations urbaines engagées dans le quartier de la Goutte d’Or. Le Paris des faubourgs se voit désindustrialisé et les immeubles construits trop rapidement afin de loger les ouvriers de la révolution industrielle deviennent obsolètes. Les logements sont qualifiés d’indigne et comportent souvent une surpopulation.De plus la concentration de population immigrée représente un problème pour la Ville de Paris qui qualifie le quartier de la Goutte d’or de « Ghetto ».

De plus l’image du quartier s ‘est souvent vu ternie, depuis l’alcoolisme des ouvriers décrit par Zola dans L’assommoir, jusqu’aux mafias Italienne qui ont pris place dans le quartier ou encore des problèmes liés à la drogue et aux conflits sociaux.

Les opérations de rénovations urbaines sont lancées en 1983 et accélérées par une DUP (Déclaration d’Utilité Publique) qui facilite l’expropriation des logements insalubres.

44 Lucan Jacques, « Généalogie du regard sur Paris », Paris Projet n° 13-14 (consulté le 23/05 /2014), http://www.culture2000.tee.gr/paris/textes/apur0.htm

Depuis 1997, la Goutte d’Or est classée en Zone Urbaine Sensible au même titre que certains grands ensembles de la banlieue parisienne. Le quartier est associé à une banlieue alors que le blason du Paris intra-muros a besoin d’être redoré, et ce afin de pouvoir concurrencer les autres métropoles européennes.

Cette classification est justifiée par le fait que le quartier «  connaît le taux de chômage le plus important de la capitale  » (23% en 2007)45 . De plus beaucoup de ménage connaissent des difficultés financières (basé sur le taux de personnes qui touchent le RMI) enfin le taux des non diplômés y est très important (25% en 2007).46

Le plan de rénovation a pour but la construction de logements sociaux neufs et la requalification de l’espace public qui est décrit comme inadapté par rapport à sa fréquentation intensive. De plus le rapport de l’ANRU (Agence nationale pour la Rénovation Urbaine créée en 2004) dénonce l’accès difficile au quartier dû à l’enclavement du réseau viaire, du fait des « coupure urbaine » créée par les voies de chemin de fer. Elle a aussi pour finalité la construction d’équipements publics alors insuffisants.47

Les opérations de rénovation urbaine provoquent à leur début de vives réactions de la part des associations d’habitant du quartier dont «  l’appel des cents » lancé en 1984 est le plus emblématique. Le quartier est divisé entre certains habitants qui regrettent le manque de commerce de proximité, tandis que d’autres disent que le quartier n’est pas « une extension plus africaine du marché Saint-Pierre, au pied de la Butte Montmartre. Ce qui fait la rentabilité de ces commerces, c est leur complémentarité et l’ambiance qui émane du quartier, de ses rues, de ses échoppes. » 48. De même l’association Paris Goutte d’or est créée en 1983 afin notamment de « favoriser l aménagement du quartier en maintenant son caractère multiculturel  »49. Les habitants craignent un embourgeoisement du quartier et une profonde modification de sa population. De plus la rénovation fait peur aux commerçants. Ils demandent des indemnités et ceux qui le peuvent réinvestissent ailleurs. Le plan de rénovation urbaine prend cependant en compte la dimension sociale du quartier et prévoit la relocalisation des centres sociaux dans des locaux plus adaptés. Et ce pour des associations à but social, mais aussi éducatif (aide à l’alphabétisation), ou de loisir (école de musique).

Le plan de rénovation prévoit aussi la construction de logements sociaux, de logements étudiants et de résidence sociale. Ainsi que le relogement d’un maximum de familles expropriées. Le ministère du logement a mis en place des prêts afin de faciliter la construction de ces nouveaux logements.

45 Mairie de Paris, Convention ANRU, ZUS Goutte d’or, Paris 18ème, Avril 200746 Ibid.47 Ibid.48 Breitman Marc, Culot Maurice, Op. cit., p.10649 Ibid.

Les commerces « ethniques » sont repartis répartis dans tout le quarti-er mais le boulevard Barbès marque une limite entre l’ouest de Barbès et le quartier de la goutte Goutte d’Or. Celui-ci se compose d’un tissu urbain très différent, les rues y sont rues plus étroites et forment des X afin de s’adapter à la topographie (cf. rue de Chartres et rue Charbon-nière). Les commerces y sont juxtaposés à des écoles ou des mosquées. Cependant on y trouve toujours du tissu au mètre. C’est cette partie du quartier qui est vouée à changer rapidement puisqu’elle est concernée par des opérations de rénovation urbaine depuis 1983.

Une politique de rénovation urbaine

Deux phases de rénovation urbaine caractérisent les transforma-tions de Paris depuis les années soixante. Une première phase dans les années 1960-70 inspirée des Modernes est impulsée par le plan directeur soumis par Raymond Lopez en 1957. L’avant- propos du plan Lopez affirme qu’ « Il est exact de dire que, si nous n’y prenons garde, dans vingt-cinq ou trente ans, alors que Londres, Berlin et les autres capitales européennes, qui ont subi, au cours de la guerre, de si cruels dommages, se seront reconstruites, Paris, pour qui le miracle se sera accompli de lui permettre de sortir presque intact de la tourmente, sera devenue la capitale la plus arriérée. »44 .Les préceptes modernes de l’urbanisme prônent la table rase pour permettre la reconstruction de quartiers entiers.

La deuxième phase dans les années 1980-90 remet en cause la premi-ère, et se caractérise par une plus grande prise en compte du tissu urbain préexistant. C’est cette deuxième phase qui est appliquée aux opérations de rénovations urbaines engagées dans le quartier de la Goutte d’Or. Le Paris des faubourgs se voit désindustrialisé et les im-meubles construits trop rapidement afin de loger les ouvriers de la révolution industrielle sont désormais obsolètes. Les logements sont qualifiés d’indignes et sont souvent surpeuplés.Par ailleurs, la concentration d’une population immigrée représente un problème pour la Ville de Paris qui qualifie le quartier de la Goutte d’or de « Ghetto ». De plus l’image du quartier s’est souvent vue ternie, depuis l’alcoolisme des ouvriers décrit par Zola dans L’assommoir, jusqu’aux mafias italiennes qui ont pris place dans le quartier, ou en-core des problèmes liés à la drogue et aux conflits sociaux.

Les opérations de rénovation urbainessont lancées en 1983 et ac-célérées par une DUP (Déclaration d’Utilité Publique) qui facilite l’expropriation des logements insalubres.

Depuis 1997, la Goutte d’Or est classée en Zone Urbaine Sensible au même titre que certains grands ensembles de la banlieue parisienne. Le quartier est associé à une banlieue alors que le blason du Paris intra-muros a besoin d’être redoré, et ce afin de pouvoir concurrencer les autres métropoles européennes.

Cette classification est justifiée par le fait que le quartier « connaît le taux de chômage le plus important de la capitale » (23% en 2007)46

Le plan de rénovation a pour but la construction de logements sociaux neufs et la requalification de l’espace public , inadapté à sa fréquenta-tion intensive. De plus, le rapport de l’ANRU (Agence nationale pour la Rénovation Urbaine créée en 2004) dénonce l’accès difficile au quartier dû à l’enclavement du réseau viaire, du fait des « coupures urbaines » dessinées pat les voies de chemin de fer. Elle a aussi pour finalité la construction d’équipements publics alors insuffisants.47

Les opérations de rénovation urbaine provoquent à leurs début de vives réactions de la part des associations d’habitants du quartier dont « l’appel des cents » lancé en 1984 est le plus emblématique. Le quarti-er est divisé entre certains habitants qui regrettent le manque de com-merces de proximité, tandis que d’autres disent que le quartier n’est pas « (…) une extension plus africaine du marché Saint-pierrePierre, au pied de la Butte Montmartre. Ce qui fait la rentabilité de ces commerc-es, c’est leur complémentarité et l’ ambiance qui émane du quartier, de ses rues, de ses échoppes. » 48. De même, l’association Paris Goutte d’or est créée en 1983, afin notamment de « favoriser l’aménagement du quartier en maintenant son caractère multiculturel »49. Les habit-ants craignent un embourgeoisement du quartier et une profonde modification de sa population. De plus, la rénovation fait peur aux commerçants. Ils demandent des indemnités et ceux qui le peuvent réinvestissent ailleurs. Le plan de rénovation urbaine prend cependant en compte la dimen-sion sociale du quartier et prévoit la relocalisation des centres sociaux dans des locaux plus adaptés, à la fois à des aassociations à but social, mais aussi éducatif (aide à l’alphabétisation), ou de loisir (école de musique).

Le plan de rénovation prévoit la construction de logements sociaux, de logements étudiants et de résidences sociales, ainsi que le relogement d’un maximum de familles expropriées. Le ministère du logement a mis en place des prêts afin de faciliter la construction de ces nouveaux logements.

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Les bailleurs, associations ou particuliers peuvent bénéficier de Prêt Locatif Social (PLS), PLA (Prêt Locatif Aidé) ou d’un PLI (Prêt Locatif Intermédiaire) afin de rénover ou construire des logements dans le but qu’ils soient loués en catégorie social, très social ou en intermédiaire.

Le quartier se voit profondément modifié dans sa morphologie par des opérations de démolition-reconstruction des immeubles déclarés insalubres. Les immeubles reconstruits respectent les gabarits des immeubles alentours mais l’échelle du tissu urbain a été profondément modifiée. Ces démolitions entrainent la disparation de venelles qui caractérisent les lotissements construits pour la plupart entre 1830 et 1870. On peut encore observer la forme que prenaient ces ruelles dans les lotissement Chartre-Charbonnier ou la villa Poissonnière dont les voies ont cependant dû être fermées par une grille pour cause de problèmes de sécurité. Des chantiers sont encore en cours dans le quartier. Dont beaucoup d’entre eux comprend des centre de la culture de l’Islam.

Or «  Les logements sociaux de droits qui sont construits ne compensent pas en effet les logements sociaux de fait qui sont détruits. Ainsi, à la Goutte d’or, 1400 logements ont été détruits par l’opération de rénovation et 800 logements sociaux ont été construits. »50 Beaucoup d’habitants n’ont donc pas été relogés et ont dû quitter le quartier. Les opérations de rénovation urbaine provoquent de profonds changements sociaux résultant des prix des loyers et du nombre insuffisant de logements construits.

Au contraire des opérations menées par Jules Ouaki, qui, en installant ses magasins, a impulsé sans le vouloir une rénovation du bâti, ainsi qu’un changement en profondeur de l’activité alentours.

Les opérations de rénovation urbaine menées par la ville de Paris se font souvent au prix de modifications brutales, qui ont pour conséquence un embourgeoisement des quartiers populaires de Paris. Comme ce fut le cas à Belleville ou Rue du Faubourg-Saint-Antoine, une des lectures possibles de l’entrée en action de la rénovation publique « consiste à l’associer à la perte d’utilité du “logement social de fait “. Dans une ville comme Paris qui achève sa désindustrialisation et dont les nouveaux secteurs de production tertiaire ne requièrent plus le recours à une main d’œuvre prolétaire, il devient inutile de maintenir les fameuses ”réserves des classes populaires”. Quand la centralité s’étend à l’ancienne périphérie, la “ relégation “ cherche de nouveaux espaces pour se déployer. » 51

50 Barthélémy Fabrice, Michelangeli et Alain Trannoy, « La rénovation de la Goutte d’or est-elle un succès ? Un diagnostic à l’aide d’indices de prix immobiliers », Economie et prévision, 2007, n°180-181, p.107-126 cité in Clerval Anne, Paris sans le peuple : la gentrification de la capitale, Paris, La Découverte, 2013, p.4451 Patrick Simon, La société partagée. Relation interethniques et interclasse dans un quartier en rénovation : Belleville (Paris 20ème), thèse de doctorat en sociologie sous la direction de Hervé Le Bras, EHESS, Paris, 1994 cité in Anne Clerval, Ibid., p.47

Des ateliers-boutique rue des gardes

La brutalité de ces opérations se traduit, dans le quartier de la Goutte d’or, par l’installation de commerces totalement déconnectés du reste de l’activité du quartier. Ainsi, dans un ensemble d’immeubles commandité par l’Opac (ffice HLM de la Ville de Paris) se sont installés en 2001 des ateliers boutique en pied d’immeuble et ce, entre autre, afin d’ « aider les jeunes créateurs pour lesquels les baux commerciaux à Paris sont inaccessibles.»52. Un accord est passé entre la ville de Paris, l’Opac et la fédération du prêt-à-porter. L’opération de rénovation prévoit l’installation de 10 boutiques aux rez-de-chaussée des immeubles nouvellement construits rue des Gardes, au centre du quartier de la Goutte d’or. De grande envergure par rapport à l’échelle originelle du parcellaire du quartier cet ensemble compte 96 logements PLA et a été conçu par l’architecte Christian Girard.

L’opération se divise en plusieurs plots verticaux afin d’épouser la topographie de la rue des Gardes, dès lors surnommée la «  rue de la mode ». Les 10 boutiques ont été dessinées par l’agence Baudoin Bergeron architecte et comprennent une large surface vitrée. Au contraire des boutiques qui caractérisent le quartier, la vitrine est mise en valeur comme lieu d’exposition des marchandises. Les commerces comprennent aussi une arrière-boutique dans laquelle les créateurs peuvent exercer les métiers de la confection (fig.12-b).

Le rapport de L’ANRU met en avant le fait que les boutiques font « office de show room plus que de boutique à forte chalandise afin d’animer l’espace publique sans pour autant augmenter la pression sur l’espace publique déjà très sollicité »53 .Il est bien affirmé ici le caractère singulier de l’implantation de ces nouvelles boutiques dans le quartier.

Les ateliers-boutiques de la rue des Gardes profitent de l’attrait textile du quartier et de la proximité avec le marché Saint-Pierre qui offre les matières premières pour la confection. Le président de la fondation du prêt-à-porter nous indique les critères de sélection des différents stylistes : « Nous avons proposés à l’Opac, le bailleur, un certain nombre de candidats répondant à plusieurs critères, explique Jean Valigny, conseiller du président de la Fédération. Ce sont de jeunes maisons de mode, constituées d’un styliste et d’un gestionnaire, créant des produits originaux en petite série, la plupart de fabrication française. Nous avons retenu des entreprises qui ont déjà deux ou trois ans d’expérience et un petit capital.

52 Hubin Florence, « Les créateurs de mode s’installent à la Goutte-d’Or », Le parisien,14/12/2000, (Mars 2014) (consulté le 23/05/2014), http://www.leparisien.fr/paris/les-createurs-de-mode-s-installent-a-la-goutte-d-or-14-12-2000-2001825292.php53 Mairie de Paris, Op.cit.

Les bailleurs, association ou particuliers peuvent bénéficier de Prêt Locatif Social (PLS), PLA (Prêt Locatif Aidé) ou d’un PLI (Prêt Locatif Intermédiaire) afin de rénover ou construire des logements dans le but qu’il soit loué en catégorie sociale, très sociale ou en intermédiaire.

Le quartier se voit profondément transformé dans sa morphologie par des opérations de démolition-reconstruction des immeubles déclarés insalubres. Les immeubles reconstruits respectent les gabarits des im-meubles alentours mais l’échelle du tissu urbain a été profondément modifiée. Ces démolitions entrainent la disparation de venelles qui caractérisent les lotissements construits pour la plupart entre 1830 et 1870. On peut encore observer la forme que prenaient ces ruelles dans les lotissement Chartre-Charbonnier ou à la villa Poissonnière, dont les voies ont cependant dû être fermées par une grille par sécurité. Des chantiers sont d’ailleurs encore en cours dans le quartier.

Or «  Les logements sociaux de droits qui sont construits ne com-pensent pas en effet les logements sociaux de fait qui sont détruits. Ainsi, à la Goutte d’or, 1400 logements ont été détruits par l’opération de rénovation et 800 logements sociaux ont été construits. »50 Beau-coup d’habitants n’ont donc pas été relogés et ont dû quitter le quartier. Les opérations de rénovation urbaine provoquent de pro-fonds changements sociaux résultant des prix des loyers et du nombre insuffisant de logements construits.

La situation est alors aux antipodes des opérations menées par Jules Ouaki, qui, en installant sa boutique impulsé sans le vouloir une rénovation du bâtit, ainsi qu’un changement en profondeur des com-merces de l’activité alentours. Les opérations de rénovation urbaine menées par la ville de Paris ont pour but de redorer l’image de la capitale afin de pouvoir concur-rencer les autres métropoles européennes. Et cela se fait souvent au prix de modifications brutales, qui ont pour conséquence un em-bourgeoisement des quartiers populaires de Paris. Comme de ce fut le cas à Belleville ou Rue du Faubourg- Saint- Antoine, « (…) une des lectures possibles de l’entrée en action de la rénovation publique (…) ’consiste à l’associer à la perte d’utilité du « logement social de fait ». Dans une ville comme Paris qui achève sa désindustrialisation et dont les nouveaux secteurs de production tertiaire ne requièrent plus le recours à une main d’œuvre prolétaire, il devient inutile de maintenir les fameuses « réserves des classes populaires ». Quand la centralité s’étend à l’ancienne périphérie, la « relégation » cherche de nouveaux espaces pour se déployer »51.

Des ateliers-boutique rue des gardes

La brutalité de ces opérations se traduit, dans le quartier de la Goutte d’Or, par l’installation de commerces totalement déconnectés du reste de l’activité du quartier. Ainsi, dans un ensemble d’immeubles com-mandité par l’Opac (office HLM de la Ville de Paris) se sont installés en 2001 des ateliers boutique en pied d’immeuble et ce afin d’ « aider les jeunes créateurs pour lesquels les baux commerciaux à Paris sont inaccessibles.»52. Un accord est passé entre la ville de Paris, l’Opac et la fédération du prêt-à-porter. L’opération de rénovation prévoit l’installation de dix boutiques aux rez-de-chaussée des immeubles nouvellement construits rue des Gardes, au centre du quartier de la Goutte d’or. De grande envergure par rapport à l’échelle originelle du quartier, cet ensemble conçu par Christian Girard compte 96 loge-ments PLA.

L’opération se divise en plusieurs plots verticaux afin d’épouser la topographie de la rue des Gardes, dès lors surnommée la « rue de la mode ». Les dix boutiques ont été dessinées par l’agence Baudoin Bergeron architecte et comprennent une large surface vitrée. Au contraire des boutiques qui caractérisent le quartier, la vitrine est mise en valeur comme lieu d’exposition des marchandises. Les commerces compren-nent aussi une arrière-boutique dans laquelle les créateurs peuvent exercer les métiers de la confection.

Le rapport de L’ANRU met en avant le fait que les boutiques font « office de show room plus que de boutique à forte chalandise afin d’animer l’espace public, sans pour autant augmenter la pression sur l’espace public déjà très sollicité »53 .Est alors affirmé le caractère sin-gulier de l’implantation de ces nouvelles boutiques dans le quartier.

Les ateliers-boutiques de la rue des Gardes profitent de l’attrait textile du quartier et de la proximité avec le marché Saint-Pierre, qui offre les matières premières pour la confection. Le président de la fondation du prêt-à-porter nous indique les critères de sélection des différents stylistes : « Nous avons proposés à l’Opac, le bailleur, un certain nombre de can-didats répondant à plusieurs critères, explique Jean Valigny, conseiller du président de la Fédération. Ce sont de jeunes maisons de mode, constituées d’un styliste et d’un gestionnaire, créant des produits orig-inaux en petite série, la plupart de fabrication française. Nous avons retenu des entreprises qui ont déjà deux ou trois ans d’expérience et un petit capital.

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Fig 12- Rue des gardes des ateliers-boutiques en pied d’immeuble

a-Vue générale de la “rue de la mode”, Les ensei-gnes sont harminisées par un bandeau rouge

b-Une boutique de bijoux, La vitrine est dégagée. La partie occultée sert d’atelier

c-Des chaussures de confection artisanale.

KT- Photos prises sur place

Beaucoup sont des stylistes français avec des origines familiales internationales, qui sont arrivés en France depuis une dizaine d›années pour apprendre les métiers de la mode à Paris. Ils ont créé une mode à la fois parisienne et internationale, d’où l’intérêt pour eux de venir s›installer à la Goutte-d’Or ».54 .Le président de la Fédération du prêt-à-porter insiste bien ici sur le caractère multiculturelle des origines des créateurs. Et certains commerces en collaboration avec des associations permettent à des jeunes de faire de la réinsertion via l’apprentissage des métiers de la confection.

Cependant à la suite de l’intervention de 2001, la possibilité avait été émise afin que d’autres opérations du même types se reproduisent dans les immeubles neufs alentours. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et cette proposition reste toujours très marginale dans le quartier. Les prix et les marchandises proposés ne sont pas en accord avec la demande locale. Mais on peut imaginer que la situation est sur le point de changer alors que la Zac Pajol vient d’être livrée de l’autre côté du faisceau ferroviaire de la gare du Nord.

Aujourd’hui le quartier change et le boulevard Barbès est maintenant investi par des filiales européennes de textile qui ont en commun de proposer des prix bas (Undiz, Promod). Beaucoup d’immeubles ont été reconstruits à neuf. Et certains chantiers en cours indiquent que le quartier n’a pas terminé sa mutation.

Une nouvelle ZaC, de nouvelles mobilités

L’enseignet Gibert Joseph tout récemment implantée boulevard Barbès profite déjà de l’attrait du nouvel Eco quartier de Zac Pajol ainsi que de l’installation d’une annexe de la Sorbonne rue de Clignancourt. En effet  :« Nous avons pesé, influé, pour que le dossier de Gibert soit retenu, souligne le maire (PS) du XVIIIe, Daniel Vaillant, parce que cette entreprise a parfaitement sa place au cœur d’un quartier populaire en passe de devenir, également, un pôle universitaire »55 .

De plus la réouverture, depuis 2013, du cinéma Le Louxor amène aussi un nouveau type de personnes dans le quartier et propose un loisir culturel jusqu’ici absent et qui connaît un franc succès. Edifié en 1920 dans un style néo-égyptien par Hanri Zipcy, le cinéma, dont l’activité avait cessé dans les années 1980, a lui-même été vendu en 2003 par Fabien Ouaki à la mairie de Paris alors que l’entreprise faisait faillitePour répondre à la récente ouverture du cinéma la mairie de Paris a délivrée en 2011, un permis de construire afin que le rez-de-chaussée de l’ancien Vanoprix soit occupé par un « bistro tendance »56. L’installation de ce café pose la question de la gentrification du quartier.

54 Hubin Florence, Op.cit.55 Gibert Joseph s’installe à Barbès56 « Le magasin Vanoprix détruit par le feu va céder sa place à une brasserie »,10 /10/2012, (consulté le 23/05/2014) http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/le-magasin-vanoprix-detruit-par-le-feu-va-ceder-sa-place-a-une-brasserie-10-10-2012-2219161.php,

Beaucoup sont des stylistes français avec des origines familiales inter-nationales, qui sont arrivés en France depuis une dizaine d’années pour apprendre les métiers de la mode à Paris. Ils ont créé une mode à la fois parisienne et internationale, d’où l’intérêt pour eux de venir s’installer à la Goutte-d’Or ». 54Le président de la Fédération du prêt-à-porter insiste bien ici sur le caractère multiculturelle des origines des créateurs. Et certains commerces en collaboration avec des associations permettent à des jeunes de faire de la réinsertion via l’apprentissage des métiers de la confection.

Cependant à la suite de l’intervention de 2001, la possibilité avait été émise afin que d’autres opérations du même types se reproduisent dans les immeubles neufs alentours. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et cette proposition reste toujours très marginale dans le quartier. Les prix et les marchandises proposés ne sont pas en accord avec la demande locale. Mais on peut imaginer que la situation est sur le point de changer alors que la Zac Pajol vient d’être livrée de l’autre côté du faisceau ferroviaire de la gare du Nord.

Aujourd’hui le quartier change et le boulevard Barbès est maintenant investi par des filiales européennes de textile qui ont en commun de proposer des prix bas (Undiz, Promod). Beaucoup d’immeubles ont été reconstruits à neuf. Et certains chantiers en cours indiquent que le quartier n’a pas terminé sa mutation.

Une nouvelle ZaC, de nouvelles mobilités

L’enseignet Gibert Joseph tout récemment implantée boulevard Barbès profite déjà de l’attrait du nouvel Eco quartier de Zac Pajol ainsi que de l’installation d’une annexe de la Sorbonne rue de Clignancourt. En effet  :« Nous avons pesé, influé, pour que le dossier de Gibert soit retenu, souligne le maire (PS) du XVIIIe, Daniel Vaillant, parce que cette entreprise a parfaitement sa place au cœur d’un quartier populaire en passe de devenir, également, un pôle universitaire » .

De plus la réouverture, depuis 2013 du cinéma Le Louxor appelle un nouveau type de population dans le quartier et propose un loisir culturel jusqu’ici absent, qui connaît dès lors un franc succès .Edifié en 1920 dans un style néo-égyptien par Hanri Zipcy, le cinéma, dont l’activité avait cessé dans les années 1980, a lui- même été vendu en 2003 par Fabien Ouaki à la mairie de Paris alors que l’entreprise faisait faillite.Pour répondre à la récente ouverture du cinéma, la mairie de Paris a délivré en 2011, un permis de construire afin que le rez-de-chaussée de l’ancien Vanoprix soit occupé par un « bistro tendance »56   .Cette frange de la population s’installe dans les quartiers populaires et profi-tent de loyers abordables.

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Ce phénomène se définit par  la « conquête sociale des quartiers populaires par les classes moyennes et supérieures »57 .Cette frange de la population s’installe dans les quartiers populaire et profitent des loyers peu chères. Ils s’établissent parfois dans des locaux atypiques comme des anciens ateliers, Et font fructifier le patrimoine laissé par la révolution industrielle grâce à une rénovation à leurs frais afin de transformer ces locaux en loft. Le cas de la rue du Faubourg-Saint-Antoine est un exemple de cette rénovation privée. Des bars et cafés branchés viennent par la suite profiter de cette nouvelle population.Viens ensuite l’étape de la « boulevardisation »58 , du quartier déjà gentrifié par des bars ou café branché. Celui-ci perd peu à peu de son attrait et les commerces se voient remplacé par des franchises. C’est le cas du bas de la rue du Faubourg-Saint-Antoine aujourd‘hui.

Sous l’impulsion du nouveau cinéma, de la future brasserie et de la nouvelle population de la ZAC Pajol, le boulevard Rochechouart serait il en passe de devenir une nouvelle artère parisienne branchée ?

57 Clerval Anne, « Les dynamiques spatiales de la gentrification à Paris », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 505, 20/07/2010, (consulté le 12/03/2014). http://cybergeo.revues.org/2323158 Clerval Anne, Paris sans le peuple, Op. cit., p.109

Fig 13- Plan de synthèse du quartier

A- Anciens grand magasin DufayelB- Magasin TatiC-Marché Saint Pierre Quartier de la goutte d’or

KT- Carte schématique

Zac

Pajol

Montmartre

Anvers

Gare du Nord

Chateau Rouge

Ca

B

9ème

arrondissement 10ème

arrondissement

19ème

arrondissement

rue ordener

Boulevard derochechouart

Boul

evar

d Ba

rbès

Barbès-

Rochechouart

Ils s’établissent parfois dans des locaux atypiques comme des anciens ateliers, et font fructifier le patrimoine laissé par la révolution indus-trielle grâce à une rénovation à leurs frais, afin, par exemple,de trans-former ces locaux en loft. Le cas de la rue du Faubourg- Saint- Antoine est un exemple de cette rénovation privée. Des bars et cafés branchés viennent par la suite profiter de cette nouvelle population.Intervient ensuite l’étape de la « boulevardisation »57 , du quartier déjà gentrifié par des bars ou cafés branché. Celui- ci perd peu à peu de son attrait et les commerces se voient remplacés par des franchises. C’est le cas du bas de la rue du Faubourg-Saint-Antoine aujourd‘hui. Sous l’impulsion du nouveau cinéma, de la future brasserie et de la nouvelle population de la ZAC Pajol, le boulevard Rochechouart serait il en passe de devenir une nouvelle artère parisienne branchée ?

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ConclusionSaint-Pierre et de Tati ont persisté et évolué avec les innovations et la demande changeante du secteur de la confection, Et plus spécifiquement les changements sociaux qui s’opèrent dans le quartier, Mais aussi à plus grande échelle dans tout le Paris intra muros. C’est ainsi que William Baer le fils de Daniel Moline affirme : « Dans les années 1990, je me suis aperçu que les solderies n›avaient plus d’avenir dans Paris intra-muros (…) Les habitants modestes de l’époque ont laissé place aux «bobos», les bourgeois-bohème. Le Marché Saint-Pierre flirte davantage avec les Abbesses qu›avec Barbès. C’était à contre-courant de proposer des articles de solderie à des gens au pouvoir d›achat élevé. Et puis les éditeurs ne font plus de stock. Maintenant tout est géré en flux tendu. Les métrages se font presque à la demande du client. »59. L’actuel responsable du magasin Moline a en en 2003 «  relooké  » le magasin et a revu l’étendue de son offre. Il propose aujourd’hui des tissus exclusifs dessiné avec la maison d’édition qu’ils ont créés avec sa femme. Ces tissus forment des produits d’appel haut de gamme qui se mélangent aux produits bon marché toujours vendus par la marque.

Cette évolution illustre la gentrification du quartier qui se propage depuis le quartier de Montmartre où les commerces s’adressent déjà à une clientèle branchée. La ZAC Pajol constitue aussi une nouvelle clientèle composée d’étudiants (un IUT de 500 places y est construit) qui a déjà impulsé l’installation de l’enseigne Gibert Joseph, Qui complète un marché de la culture jusqu’alors peu présent dans le quartier avant la réouverture du cinéma le Louxor. Les activités nocturnes de divertissement préexistaient cependant sur le boulevard Rochechouart qui était un axe historique pour les fêtes et bals populaires.

On peut y trouver aujourd’hui les salles de concert très courues du Trianon (Joseph Cassien-Bernard architecte, 1894) et de l’Elysée Montmartre (Edouard Niermans architecte, 1897), cette dernière a été victime d’un incendie en mars 2011. De plus le boulevard se termine sur la station de métro Pigalle aujourd’hui très empreinte d’une vie nocturne. Le boulevard Rochechouart est-il en passe de retrouver sa vie nocturne d’antan ?

Mais la modification de la population du quartier n’est elle pas en grande partie impulsée par les rénovations urbaine menée par la ville de Paris. Anne Clerval dans sa thèse sur la gentrification propose le postulat suivant  : «  on peut considérer les opérations de rénovation urbaine comme favorable à la gentrification dans un premier temps. A plus long terme en revanche, ces politiques ont permis l’accroissement de parc social à Paris, sur lequel se replient aujourd’hui les classes populaires, et parmi elles les familles immigrées qui y ont désormais accès.  »60. La gentrification est freinée par la concentration d’une population immigrée à Barbès.

59 Barral Camille, « MOLINE : La mode au Marché Saint-Pierre », Les Echos.fr, Série Limitée n° 43 (un portraits : une griffe, p21, 14/04/2006, (consulté le 21/05 /2014) http://archives.lesechos.fr/archives/2006/SerieLimitee/00043-006-SLI.htm60 Anne Clerval, Paris sans le peuple, Op. cit.p52

nstallation d’ateliers boutique rue des Gardes, dans le quartier de larGoutte d’or, a pour ambition d’engager un nouveau type d’activité commerciale textile en 14 ans dans un quartier dont l’activité commerciale s’est constituée en plus de 100 ans. Les commerces du quartier de Barbès se sont sédimentés les uns sur les autres, Profitant de l’attrais des premiers pours constituer les seconds tout en faisant disparaître d’autres types d’activité dès lors devenus mineurs.Ainsi Edmond Dreyfus et Armand Moline ont fondé le marchéeSaint-Pierre tel qu’on le connaît aujourd’hui. Grâce à l’installation de leurs boutiques de vente de tissus au mètre à proximité de la halle Saint-Pierre (1920). Ils ont ainsi entrainer l’ouverture de l’enseigne Reine Bouchara (1930) et fédèrent encore aujourd’hui de petites boutiques de tissus autour d’elles. Puis les grands magasins Dufayel ont proposs des vêtementssbon marché, En réunissant tous les articles qui constituaient les toilettes sous un même toit. Le succès de la vente à crédit a permis d’habiller toute une frange populaire de la société et a écrasé les petits boutiquiers spécialisées. Jules Ouaki, a ensuite institué la vente de vêtements selon une technique discount. Grâce à son succès, l’enseigne a sortt le quartier deisa mauvaise réputation. Ces trois enseignes ont constituées un tissu commercial tout autour d’elles, qui forment une constellation de petites boutiques. Ces enseignes de petite envergure, construisent un ensemble tenu successivement par les immigrés de différentes nationalités venus installer leur fond de commerce à Barbès. Ces boutiques évoluent avec les boutiques mères qui les entourent, et proposent en fonction de l’origine des propriétaires des articles spécialisés.

Les «  maisons mères  » sont soit apparues avec le quartier en ce qui concernent les boutiques du marchéeSaint-Pierre. En effet Dreyfus et Moline se sont installes dans les immeubles qui se construisaient autour de la Halle Saint-Pierre aux alentours de 1920. Dreyfus en achète un alors que Moline occupe le rez-de-chaussée d’un autre de ces immeubles. Les magasins Dufayel marquent encore aujourd’hui, le tissu urbain du quartier par leurs ampleurs malgré leurs partielle destruction. Et quelque-unes des façades conservées dévoilent une structure métallique qui témoigne de l’architecture de la révolution industrielle. De même que les dômes aux angles de l’îlot et les modénatures de la façade dessinée par Auguste Rives du côté de la rue André Del Sarre. Enfin l’enseigne Tati a permis par son installation la réhabilitation d’immeubles qui menaçaient de devenir insalubres.C’est sous l’impulsion d’initiative privées et par le biais de l’injection d’une activité commerciale textile que le patrimoine architectural et le dynamisme urbain de la partie ouest de Barbès se sont fondés. L’activité des grands magasins Dufayel a disparus mais celle du marchée

L‘installation d’ateliers boutiques rue des Gardes, dans le quartier de la Goutte d’or a pour ambition d’engager un nouveau type d’activité commerciale textile en quatorze ans, dans un quartier dont l’activité commerciale s’est constituée en plus d’un siècle Les commerces du quartier de Barbès se sont sédimentés les uns sur les autres, profitant de l’attrait des premiers pour constituer les seconds, tout en faisant disparaître d’autres types d’activité dès lors mineurs.Ainsi Edmond Dreyfus et Armand Moline ont-ils fondé le marché Saint-Pierre tel qu’on le connaît aujourd’hui. Grâce à l’installation de leurs boutiques de vente de tissus au mè-tre à proximité de la halle Saint-Pierre (1920), ils ont entrainé l’ouverture de l’enseigne Reine Bouchara (1930) et fédèrent en-core aujourd’hui de petites boutiques de tissus autour d’elles. Puis les grands magasins Dufayel ont proposé des vêtements bon marché, en réunissant sous un même toit tous les articles d’une toilette Le succès de la vente à crédit a permis d’habiller toute une frange populaire de la société et a écrasé les petits boutiquiers spécialisées.

Jules Ouaki, a ensuite institué la vente de vêtements selon une tech-nique discount. Grâce à son succès, l’enseigne a sortit le quartier de sa mauvaise réputation. Ces trois enseignes ont constitué un tissu com-mercial tout autour d’elles, qui forme une constellation de petites bou-tiques. Ces enseignes de petite envergure, construisent un ensemble tenu successivement par les immigrés de différentes nationalités venus installer leur fond de commerce à Barbès. Ces boutiques évoluent avec les boutiques mères qui les entourent, et proposent en fonction de l’origine des propriétaires des articles spécialisés.

Les « maisons mères » sont apparues avec le quartier , dans le cas des boutiques du marché Saint-Pierre. En effet, Dreyfus et Moline se sont installées dans les immeubles qui se construisaient autour de la Saint-Pierre, aux alentours de 1920. Dreyfus en achète un alors que Moline occupe le rez-de-chaussée d’un autre. Les magasins Dufayel marquent, encore aujourd’hui, le tissu urbain du quartier par leur ampleur malgré leurdestruction partielle. Et quelque- unes des façades conservées dévoilent une structure métallique, témoignage de l’architecture de la révolution industrielle, de même que les dômes aux angles de l’îlot et les modénatures de la façade dessinée par Auguste Rives du côté de la rue André Del Sartre. Enfin l’enseigne Tati a permis par son installation la réhabilitation d’immeubles qui menaçaient de devenir insalubres.C’est sous l’impulsion d’initiatives privées et par le biais de l’injection d’une activité commerciale textile que le patrimoine architectural et le dynamisme urbain de la partie ouest de Barbès se sont établis L’activité des grands magasins Dufayel a disparu mais celle du marché aint-Pierre et de Tati ont persisté et évolué avec les innovations et les

mutations de la demande du secteur de la confection ; et plus spéci-fiquement les changements sociaux qui s’opèrent dans le quartier, et a fortiori dans tout le Paris intra muros. C’est ainsi que le fils de Daniel Moline, William Baer affirme : « Dans les années 1990, je me suis aperçu que les solderies n’avaient plus d’avenir dans Paris intra-muros (…) Les habitants modestes de l’époque ont laissé place aux “bobos”, les bourgeois-bohème. Le Marché Saint-Pierre flirte davantage avec les Abbesses qu’avec Barbès. C’était à contre-courant de proposer des articles de solderie à des gens au pouvoir d’achat élevé. Et puis les éditeurs ne font plus de stock. Maintenant tout est géré en flux tendu. Les métrages se font presque à la demande du client. »59. L’actuel responsable du magasin Moline a en 2003 « relooké » le magasin et a revu l’étendue de son offre. Il propose aujourd’hui des tissus exclusifs dessinés par la maison d’édition qu’il a créée avec sa femme. Ces tissus forment des produits d’appel haut de gamme qui se mélangent aux produits bon marché toujours vendus par la marque.

Cette évolution illustre la gentrification du quartier qui se propage depuis le quartier de Montmartre où les commerces s’adressent déjà à une clientèle branchée. La ZAC Pajol constitue aussi une nouvelle clientèle composée d’étudiants (un IUT de 500 places y est construit) qui a déjà impulsé l’installation de l’enseigne Gibert Joseph, complé-ment d’un marché de la culture peu implanté dans le quartier avant la réouverture du cinéma Le Louxor. Les activités nocturnes de divertisse-ment préexistaient cependant sur le boulevard Rochechouart, qui était un axe historique pour les fêtes et bals populaires.

On peut y trouver aujourd’hui les salles de concert très courues du petit Trianon (Joseph Cassien-Bernard architecte, 1894) et de l’Elysée Montmartre (Edouard Niermans architecte, 1897), dont l’activité a cessé à la suite d’un incendie en mars 2011. De plus, le boulevard se termine sur la station de métro Pigalle aujourd’hui très empreinte d’une vie nocturne. Le boulevard Rochechouart est- il en passe de retrouver sa vie nocturne d’antan ?

Pourtant, la modification de la population du quartier n’est elle pas en grande partie impulsée par les rénovations urbaine menée par la ville de Paris. ?Anne Clerval dans sa thèse sur la gentrification propose le postulat suivant : « on peut considérer les opérations de rénovation urbaine comme favorables à la gentrification dans un premier temps. À plus long terme en revanche, ces politiques ont permis l’accroissement de parc social à Paris, sur lequel se replient aujourd’hui les classes populaires, et parmi elles les familles immigrées qui y ont désormais accès. »60. La gentrification est freinée par la concentration d’une popu-lation immigrée à Barbès.

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Et la rénovation de larGoutte d’or comprend un grand parc logements sociaux. Même si ces derniers permettent de loger moins de personnes que les immeubles insalubres qui ont été détruits, le quartier va très certainement tendre vers une plus grande diversité de population. Et l’activité commerciale va se trouver enrichie de nouvelles activités de loisirs.Ici deux manières de faire de la ville ’e sont assorties : une manière privée et spontanée, Qui paraît désorganisée, et une autre publique, qui a plus grand échelle planifie le futur du territoire.

Et la rénovation de la Goutte d’Or comprend un grand parc de loge-ments sociaux. Même si i ces derniers permettent de loger moins de personnes que les immeubles insalubres qu’ils ont remplacés, le quartier va très certainement tendre vers une plus grande diversité de population. Et l’activité commerciale va se trouver enrichie de nou-velles activités de loisirs.Ici deux manières de faire de la ville s’opposent et se complètent  : une manière privée et spontanée, qui paraît désorganisée, et une autre publique, qui, à plus grand échelle, planifie le futur du territoire.

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Le quartier de Barbès

Continuité d’usage et évolution d’une Centralité marChande parisienne

Du grand magasinaux ateliers-boutiques

Sous la direction deDenyse Rodriguez

Tomé

Kim Tzarowsky