Le processus de couverture de tam-tam Ou Kɛnìà hùè Adjépole Kouamé Université de Bouaké, Côte d’Ivoire

1. Introduction Le processus de couverture de tam- tam ou kɛnɩa hùè en agni est une œuvre qui requiert une compétence et une adresse particulière. Dans ce travail nous présentons les différents éléments du tam-tam et le processus de mise ensemble ou de montage d’un tam-tam. Ceci est le résultat d’une étude que nous avons menée dans la région d’Aboisso, précisément dans le village d’Akressi S/P d’Ayamé.

Pour parvenir à ce résultat, nous avons pris contact avec monsieur Ngouan Ayébié, notable dans le dit-village. Il avait en sa compagnie le premier jour des amis notables de villages voisins (Ebikro et Diby). Monsieur Ayébié est réputé pour son habileté dans la sculpture des supports bois des tam-tams. Il est par ailleurs le responsable d’un groupe de danse appelé kɔtɔkɔ savɛ d’Akressi.

Le tam-tam est un instrument de percussion. Il fait partie des instruments de musique agni. Il y a plusieurs types de tam-tams dans la culture musicale agni. L’instrument qui fait l’objet de notre présent travail est le tam-tam annonceur ou le Kɛnɩa nzìnı.

Le Kɛnɩa nzìnı est un instrument certes, mais il est un prestigieux élément dans la cosmologie culturelle des agni en général et du sanwi en particulier. Depuis toujours il sert de moyen de communication dans les communautés agni qui en font l’usage.

Il y a plusieurs types et différentes formes de tam-tam. En pays sanwi, il y a deux instruments à savoir l’àtùmgbala et le kɛnɩa nzìnı qui font office de grands tam-tams. Car, l’un (l’àtùmgbala) apparaît seulement lors des intronisations et autres grandes cérémonies. Et l’autre (kɛnɩa nzìnı) apparaît en toutes circonstances et passe pour être l’instrument qui appelle aux grandes rencontres ou réunions dans les villages.

Nous avons aussi les moyens et petits tam-tams dont le kpàsùɛ, le tàmàlè…etc.

Tous les tam-tams ont le même mode de couverture. Ci-dessous, nous présentons les différentes composantes du tam-tam et le processus de couverture. Nous avons pris pour model la couverture d’un ‘tam-tam annonceur ou Kɛnɩa nzìnı.

Le kɛnɩa-nzìni ou le ‘tam-tam annonceur’ est l’un des prestigieux instruments de la culture musicale agni. Le support (voir image 1 à gauche) est sculpté d’un bois particulier appelé “èhùnè”. C’est un bois au centre duquel il y a un vide. L’écriteau que l’on lit sur le support est :

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“a do wo nan” à savoir, à ndʋ wɔ na, signifie : tu n’as pas trouvé ton aïeul. Pour dire, si tu l’avais trouvé, il t’aurait appris beaucoup de choses. Le kɛnɩa-nzìni se fait passer ici l’aïeul pour t’ouvrir l’exprit sur certaines ignorances.

Image 1. kɛnɩa-nzìnı or ‘tam-tam annonceur’

Nous présentons ci-dessous deux supports bois décoiffés. Nous faisons remarquer que ces dernières années, il est difficile de trouver de nouveaux supports bois sculptés. Car, il est de plus en plus difficile sinon rare d’avoir cette espèce de bois servant à sculpter le support.

Cependant, l’idée ingénieuse que les fabricants ont eue est de changer les peaux usées ou percées sous l’effet de l’usage et de la pression des baguettes. Nous avons donc, deux supports dont les vieilles peaux ont été enlevées.

2. Le support bois et la peau usée Nous avons dans les images 2(a) à 2(d) ci-dessous, deux supports et leur couverture enlevée. En effet, ces couvertures ne vont plus servir. Elles seront simplement jetées. Mais, les supports eux seront réutilisés.

Image 2. Images de supports et peaux

(a) peau déchirée

(b) peau usée

Couverture de tam-tam

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(c) ancien support bois

(d) ancien support bois

Ces peaux désormais vieilles et enlevées peuvent servir pendant trois ans et plus. Il faut aussi, aux dires du dépositaire tenir compte de l’entretien. Plusieurs éléments rentrent dans la fabrication d’un tam-tam. Nous avons comme indiqué plus haut l’élément central qui est le support bois. Ensuite, viennent les autres éléments que nous définissons ci-dessous.

3. La peau d’animal ou kpòlò/kplò La plupart des peaux utilisées pour couvrir les tam-tams sont celles de gazelle (ɛwazànɩ / voir image 2-1) ou biche royale (kètèbɔ) en sanvi. La peau de gazelle est par ailleurs la plus prisée. Cependant, en l’absence de ces deux peaux (gazelle et biche royale) l’on peut utiliser les peaux de bœuf ou chèvre. En outre, on a aussi utilisé la peau de mouton ou bien d’autre animal mais hélas. Les sons qui proviennent de ces types de peaux ne sont pas de nature à plaire. En conséquence, seules les peaux de gazelle ou biche royale. Au pire des cas, ce sont les peaux de bœuf ou de chèvre comme indiqué plus haut.

Image 3. La peau quel que soit le type, est immergée dans de l’eau pendant deux semaines (voir image 3b)

(a) peau de Gazelle / ɛwazànɩ kpòlò

(b) ɛwazànɩ kpòlò plongée dans l’eau

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Cette peau une fois sortie de l’eau est directement posée sur le support. Elle ne doit pas sécher.

4. La bague ou kàbà La bague ou kàbà est une sorte de cercle fait de liane très solide, à la taille de la circonférence de la partie supérieure du support. Elle est enrôlée de ficelle (image 4a), et sert à maintenir la peau.

Image 4. La bague ou kábá

(a) Bague en train d’être enrôlée de ficelle

(b) ‘kàbà’ posée sur le support

5. La fourche ou tɔkɔlɛ La fourche ou tɔkɔlɛ est un bois solide taillé avec la tête en forme de fourche (voir image 5b). Elle participe à la consolidation de la peau avec la bague. Elle est introduite dans le support au travers de trous faits comme l’on peut le voir dans l’image 5c.

Image 5. La fourche

(a) la fourche

(b) des fourches taillées

(b) Les fourches mises dans le support

la fourche en train d’être taillée

seules 5 fourches pour un support

Couverture de tam-tam

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6. La corde La corde sert à lier les éléments que sont: la peau, la bague et les fourches (voir image 6). Son rôle est tout aussi important ; car, de sa solidité dépendra du fait que la peau soit bien tendue.

Image 6. Corde jaune tenue et pendante

Cette liaison se fait sous forme de couture. A l’époque, l’on utilisait une espèce de liane ou autres ficelles très solides. Malheureusement aujourd’hui, ces cordes naturelles se faisant rares, l’on utilise des ficelles synthétiques toutes aussi solides.

7. La mise ensemble des différents composants Les images 7a et 7b nous montrent la pose et l’ajustement de la peau et de la bague. Ce sont les deux premiers éléments à mettre sur le support. Ensuite, ce sont les fourches puis la couture à l’aide de file et de lime (dont le bout pointu sert à percer la peau mouillée / voir image 7c à 7i).

En conclusion, nous pouvons dire que nous avons été marqués par cet accueil chaleureux qui nous a été réservé par la grande famille Ayébié, et ceux qui savaient que nous étions dans le village. Mais, surtout des gens enthousiasmés par les raisons de notre présence. Je dis nous, car je me suis fait accompagner dans cette recherche par un étudiant du nom de Ahoigne Alfred natif du village d’Akressi. Nous avons par ailleurs été édifiés par la dextérité et l’aisance avec laquelle monsieur Ayébié aidé de ses enfants a fini par couvrir les deux supports.

La seule insatisfaction est le fait de n’avoir pas pu trouver un individu sculptant un nouveau support pour le tam-tam. Nous espérons cependant, que l’opportunité nous sera offerte lors de notre prochain terrain.

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(a) Pose de la peau/bague

(b) Ajustement de la bague

(c)

(d)

(e) Début de la couture

(f)

(g)

(h)

(i) Le dépositaire ajuste à

l’aide de hache

(j)

(k) Le support couvert

(l) Début du rasage à l’aide d’une lame

Couverture de tam-tam

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(j)

(k) Le processus du rasage des poils

(l) Le Tam-tam prêt