le pouvoir de déstabilisation des hedge funds : évaluation

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1 Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation empirique sur les indices boursiers Franck Martin, T.b. Ngoc Tran, Jean-Sébastien Pentecôte, Guillaume Queffelec CREM, UMR CNRS 6211, Université des RENNES 1 26èmes journées d’Economie Monétaire et Bancaire Université d’Orléans, 25-26 juin 2009 Résumé : Ce papier cherche à évaluer la capacité des hedge funds de type global macro à influencer l’évolution à court terme des marchés actions. Il repose sur l’hypothèse que la forte expertise d’une partie de ces gérants et leurs stratégies opportunistes avec effets de levier sont de nature à enclencher des stratégies de suiveur de tendance de la part d’autres investisseurs moins sophistiqués. L’évaluation empirique est établie à partir de l’estimation de plusieurs jeux de modèles VAR bi-variés incluant les rentabilités quotidiennes (période 2003-2008) des marchés actions de places de pays développés ou émergents (indices Datastream) et celles des fonds global macro (indice HFR). Les tests de causalité (à la Granger) réalisés à partir d’estimations glissantes des modèles VAR sur des sous périodes de 60 jours montrent qu’il existe de nombreuses périodes où la causalité entre marchés et hedge-funds est bien réciproque, contrairement à ce que suppose implicitement la littérature empirique traitant de l’exposition des fonds de gestion alternative aux facteurs de risque de marchés. Mots clés : Hedge Funds global macro, Pouvoir de déstabilisation, Modèle VAR, Causalité.

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Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds :

évaluation empirique sur les indices boursiers

Franck Martin, T.b. Ngoc Tran, Jean-Sébastien Pentecôte, Guillaume Queffelec

CREM, UMR CNRS 6211, Université des RENNES 1

26èmes journées d’Economie Monétaire et Bancaire

Université d’Orléans, 25-26 juin 2009

Résumé :

Ce papier cherche à évaluer la capacité des hedge funds de type global macro à influencer

l’évolution à court terme des marchés actions. Il repose sur l’hypothèse que la forte expertise

d’une partie de ces gérants et leurs stratégies opportunistes avec effets de levier sont de nature

à enclencher des stratégies de suiveur de tendance de la part d’autres investisseurs moins

sophistiqués. L’évaluation empirique est établie à partir de l’estimation de plusieurs jeux de

modèles VAR bi-variés incluant les rentabilités quotidiennes (période 2003-2008) des

marchés actions de places de pays développés ou émergents (indices Datastream) et celles des

fonds global macro (indice HFR). Les tests de causalité (à la Granger) réalisés à partir

d’estimations glissantes des modèles VAR sur des sous périodes de 60 jours montrent qu’il

existe de nombreuses périodes où la causalité entre marchés et hedge-funds est bien

réciproque, contrairement à ce que suppose implicitement la littérature empirique traitant de

l’exposition des fonds de gestion alternative aux facteurs de risque de marchés.

Mots clés : Hedge Funds global macro, Pouvoir de déstabilisation, Modèle VAR, Causalité.

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Introduction

Depuis près de vingt ans, les questions liées au fonctionnement des hedge-funds et à leurs

impacts sur les marchés et plus généralement sur les systèmes financiers constituent peu à peu

un champ d’étude à part entière, riche d’une abondante littérature. L’implication de ces fonds

dans la crise financière actuelle, principalement par le recyclage des produits dérivés de

crédits, n’est finalement qu’une ligne supplémentaire au sein d’une liste déjà longue

d’évènements engageant de manière explicite où implicite la responsabilité de ces fonds

spéculatifs : sortie de la livre du SME en 1992, crise de change des émergents asiatique à

partir de 1997, faillite et sauvetage du fonds LTCM en septembre 1998…

S’ils sont appréciés pour leur rôle supposé bénéfique quant à l’efficience et à la liquidité des

marchés financiers, la quasi-faillite du fonds LTCM, il y a dix ans, a révélé les enjeux

d’importance systémique liés à l’existence de ces fonds spéculatifs. En effet, leurs stratégies

opportunistes à forts effets de levier constituent potentiellement une menace pour la stabilité

financière, compte tenu des multiples relations qu’ils entretiennent avec les banques. La

faiblesse des dispositions réglementaires en matière d’endettement des fonds leur permet un

recours presque illimité à la vente à découvert ainsi qu’aux actifs complexes, tels que les

contrats à terme et les produits dérivés. Le problème des leviers est donc central lorsqu’on

aborde la question des hedge funds, car bien que ceux-ci ne représentent encore qu’une faible

part du montant des transactions sur les marchés financiers, leur endettement, parfois excessif,

peut constituer un risque de faillites en cascade de nature à provoquer de véritables crises

financières. De ce point de vue, leur rôle déstabilisant a pu être mis en lumière suite à

l’incident LTCM dans le rapport intitulé « Report of The President’s Working Group on

Financial Markets : Hedge funds, Leverage, and the Lessons of Long-Term Capital

Management » (1999).

Ainsi, de nombreux auteurs réinterprètent l’histoire financière récente par le prisme des hedge

funds, cherchant à identifier des corrélations entre leurs positions et les violentes perturbations

qu’ont connus les marchés financiers ces vingt dernières années. Dans leur article « Do Hedge

funds Disrupt Emerging Markets ? », Fung W., David A., Hsieh A. et Tsaronis K. identifient

effectivement la présence des Hedge funds sur les marchés des devises frappées par la crise

asiatique de 1997.

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La question des leviers d’endettement dépasse cependant le cadre strict des faillites bancaires

et des crises financières. L’endettement excessif peut avoir pour autre conséquence d’offrir

aux hedge funds la capacité d’influencer les marchés de manière quotidienne via

l’impressionnante quantité de fonds qu’ils sont capables de mobiliser sur une classe de titres

spécifique et sur un laps de temps très court. On imagine dans ce contexte qu’ils sont en

mesure d’entraîner le marché sur des tendances dont ils sont à l’origine, profitant des

comportements irrationnels des spéculateurs mal informés pratiquant le mimétisme, que la

littérature théorique qualifié de « noise traders ». Cette approche du pouvoir déstabilisant,

attribué aux hedge funds, est pourtant peu envisagée par la littérature et reste encore

particulièrement pauvre en matière d’évaluation empirique. Ainsi nous proposons ici de

vérifier cette hypothèse à l’aide d’une modélisation VAR en étudiant l’impact de la rentabilité

des hedge funds adoptant des stratégies dites « Global Macro » sur les marchés actions de

pays développés ou émergents. L’étude porte sur des données quotidiennes couvrant la

période janvier 2003-novembre 2008.

L’article est organisé de la manière suivante. Dans un premier temps (section 1), nous

revenons sur les motivations de cette recherche en discutant du rôle des hedge funds vis-à-vis

de la stabilité des systèmes financiers, de la liquidité et de l’efficience des marchés. Nous

proposons en particulier une lecture du rôle des hedge funds de type global macro comme

acteur du modèle théorique de Delong, Sheifer, Summers et Waldmann (2000-b). Ils

apparaissent alors comme un investisseur sophistiqué qui contrairement aux autres

fondamentalistes du marché cherchent à manipuler le comportement des noise traders

suiveurs de tendance, ce qui leur permet d’anticiper « le comportement de la foule avant la

foule » et de sortir de l’impasse des excès de volatilité liés à la présence des noise traders

(Delong, Sheifer, Summers et Waldmann (2000-a). Dans ce contexte l’activité d’arbitrage

redevient profitable mais au prix d’une volatilité encore accrue. La section 2 est consacrée aux

évaluations empiriques et aux tests de causalité effectués à partir des modèles VAR estimés

sur des périodes glissantes. La conclusion enfin permet de résumer les résultats obtenus et

d’évoquer les voies d’approfondissement ultérieures.

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1. Hedge-funds, stabilité financière et efficience des marchés

Le caractère atypique des hedge funds a suscité beaucoup d’interrogations quant aux

conséquences de leur activité sur les marchés financiers. Les rôles positifs qu’on leur attribut

sont relativement bien identifiés. Ainsi il est admis qu’ils participent, par la découverte de

bons prix d’équilibre, à une plus grande efficience des marchés, qu’ils contribuent de manière

importante à fournir de la liquidité, et qu’enfin ils ont permis de développer les dérivés de

crédit permettant un meilleur partage du risque. Cependant, certains auteurs pointent

également du doigt leur utilisation excessive des effets de levier, pouvant être à l’origine de

risques systémiques, mais également la source de déformation de prix d’actifs et leur

implication dans la création de bulles spéculatives (Brunnermeier et Nagel (2004)).

1.1. L’apport des hedge-funds

Sur un marché efficient, les prix d’actifs représentent la juste valorisation d’un titre, c'est-à-

dire sa capacité à générer des flux de richesse dans le temps. On associe généralement les

déséquilibres de prix à des erreurs d’anticipation des agents quand aux fondamentaux du titre

concerné. Ces erreurs naissent des asymétries d’informations qui conduisent les agents à

adopter des comportements irrationnels tels que le mimétisme. Les mauvaises valorisations de

titres trompent les investisseurs conduisant à une mauvaise allocation des ressources, qui

affecte potentiellement la croissance de long terme. La présence d’investisseurs

fondamentalistes pratiquant l’arbitrage s’avère donc nécessaire au bon fonctionnement des

marchés. Ceux-ci fondent leurs prises de position sur une analyse fine des fondamentaux d’un

titre ou d’un marché et sont donc capables d’identifier des déséquilibres de prix. Leur

stratégie d’arbitrage, qui consiste à adopter des positions vendeuses sur des titres surévalués et

inversement, contribue à la découverte des justes prix. On estime donc que les hedge funds,

en tant qu’investisseurs sophistiqués profitant des opportunités d’arbitrage, contribuent à

l’efficience des marchés.

Un autre argument récurrent dans la littérature est leur rôle actif dans la liquidité sur les

marchés. Dans un premier temps il faut s’entendre sur la définition de ce qu’on appelle

liquidité qui est étroitement lié au contexte. Ici il est question de liquidité de produits

financiers ou du marché dans son ensemble et non de la liquidité des agents. On ne parle

évidemment pas de liquidité au sens bancaire par exemple. Le refinancement des agents en

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manque de cash ne fait pas partie de l’activité des hedge funds même s’il leur arrive

certainement de rendre service à l’occasion. Un actif liquide est un produit financier qui peut

être transformé en monnaie avec un minimum de perte de valeur. Généralement, on y associe

également des temps de transaction extrêmement courts. Un marché est dit liquide lorsqu’il

est capable d’accueillir un volume de transaction élevé sans distorsion de prix. En effet,

lorsqu’un marché connaît un choc de liquidité, le prix des actifs tend à dévier de sa valeur

fondamentale car les agents doivent supporter un risque d’illiquidité qui vient s’ajouter au

risque intrinsèque du titre. Le rôle positif supposé des fonds d’investissement du point de vue

de la liquidité est parfaitement intuitif, et est d’ailleurs fréquemment mis en avant par les plus

fervents défenseurs d’absence de régulation. Le fait même d’adopter en majorité des positions

courtes sur des actifs risqués constitue en soit un argument. En effet, les hedge funds ne sont

pas réputés pour immobiliser du capital sur des postions longues, ce qui pourrait nuire à la

fluidité du marché. De plus, ceux-ci pratiquent une gestion de portefeuille particulièrement

active couplée à des effets de levier importants.

Cependant au regard de la part du volume de transaction que représentent les hedge funds à

l’heure l’actuelle1, on peut légitimement douter du caractère indiscutable de cet apport.

L’aspect positif de leur action en matière de liquidité est très certainement limité à certains

segments du marché où l’on trouve un nombre très limité d’agents. Le meilleur exemple étant

le marché des obligations convertibles qui fait preuve d’une sous-évaluation structurelle et

qui, sans les hedge funds ferait l’objet de crises de liquidité chroniques2. On estime que seuls

de tels investisseurs sophistiqués sont capables d’intervenir sur ce type de marché compte

tenu de la complexité des produits qui y sont négociés, notamment du point de vue des

techniques de couverture qu’il faut mettre en place. La possession d’un convertible nécessite

en effet de se couvrir non seulement du risque de taux et de contrepartie mais aussi du risque

lié aux évolutions de prix du sous-jacent. Toutefois, il faut garder à l’esprit ce que

représentent les hedge funds sur ce marché, soit 89% du volume de transaction. Au regard de

ce seul chiffre, il semble évident qu’ils jouent un rôle dans la liquidité des obligations

convertibles puisqu’ils font l’essentiel du marché.

L’argument, peu justifié dans la littérature, parait donc un peu faible et nécessiterait d’être

plus abondamment étayé en analysant leur rôle sur d’autres marchés.

1 Selon King et Maier (2007), ils représenteraient à peine 1% du volume total des transactions effectués sur les marchés mondiaux en 2005. 2 Dans leur article « Liquidity Provision in the Convertible Bond Market: Analysis of Convertible Arbitrage », Agarwal V., Fung W., Loon Y. et Naik N. (2007) font la preuve du rôle important en matière de liquidité des Hedge funds sur ce marché.

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Les hedge funds ont certainement joué un grand rôle dans le développement des dérivés de

crédits permettant un meilleur partage du risque. La titrisation des créances donne la

possibilité aux banques de sortir des bilans une partie des créances douteuses de nature à

augmenter le risque de leur portefeuille. Cette technique a pour principal avantage de contenir

la croissance des provisions en fonds propres qu’elles doivent réaliser. Ces provisions

réglementées ont pour objet de garantir la solvabilité des banques en cas de défaut de

paiement des emprunteurs et d’éviter les faillites bancaires et les crises systémiques qui

peuvent en résulter. Les titres sur créances permettent donc de transférer des banques vers les

marchés financiers le risque de contrepartie associé à ces crédits très risqués. Les fonds

spéculatifs, étant par essence preneurs de risques, se sont rapidement engouffrés dans ce

marché garantissant de fortes rentabilités. Du point de vue du marché du financement dans sa

globalité, c'est-à-dire banques et marchés financiers, ces produits ont permis un meilleur

partage des risques entre agents, ce qui est un des attributs fondamentaux des marchés

financiers.

1.2. Les risques liés aux hedge-funds

L’opacité qui règne autour des hedge funds, la quasi absence de réglementation, et leur

utilisation excessive des effets de levier ont généré de grandes inquiétudes, et de fait, une

importante littérature. Celle-ci cherche à comprendre quels peuvent être les risques liés à leur

action du point de vue de la stabilité financière. On trouve principalement deux grands

champs d’investigation. Premièrement, la manière dont ils peuvent être à l’origine de risques

systémiques en raison de leurs interactions avec les grandes institutions financières telles que

les banques commerciales et d’investissement. Dans un second temps, on soupçonne de leur

part une capacité à perturber les marchés financiers sur plusieurs thématiques, comme des

excès de volatilité ou la déformation de prix d’actifs

1.2.1. Le risque systémique

Avant d’étudier de quelle manière ces fonds peuvent être à l’origine d’un risque systémique, il

convient d’en donner une définition. Ici nous considérons le risque systémique comme étant

le risque de voir se propager de la sphère financière à la sphère réelle des chocs financiers. De

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ce point de vue il faut donc s’intéresser aux canaux de transmission par lesquels un tel choc

est susceptible de se diffuser.

Les banques représentent le principal « tampon » entre les marchés financiers et l’économie

réelle, c’est donc par le canal du crédit et plus particulièrement par le canal du crédit au sens

large, que se propagent les chocs financiers. En effet, les chocs financiers ont généralement

comme effets directs une baisse brutale des prix d’actifs qui servent de collatéraux pour les

emprunteurs. Aux lourdes pertes auxquelles sont confrontés les agents détenant des actifs,

s’ajoute l’incapacité de lever de nouveaux fonds. L’exposition des banques aux hedge funds

représente donc la question centrale. Celles-ci y sont exposées principalement via leur activité

de prime brokers et de d’intermédiaires sur les marchés de gré à gré. Les prime brokers sont

les bureaux des banques d’investissement qui offrent de multiples services aux fonds, comme

l’intermédiation pour des actes de ventes ou d’achats, l’offre de prêt à très court terme qu’on

appelle aussi security lending, ainsi que divers services en matière administrative et de gestion

de portefeuille. Globalement, le risque que supportent les banques est un risque de

contrepartie. Si un fond vient à faire faillite, il peut alors entraîner dans sa chute toutes les

institutions financières à qui il doit de l’argent, sans parler du fait que certaines grandes

banques placent également des fonds dans des hedge funds. De plus l’aspect oligopolistique

du marché des brokers, 60% du marché étant détenu par seulement trois « dealers »,

favoriserait la propagation rapide du choc.

Ainsi, outre des propositions en matières prudentielles, la littérature insiste grandement sur la

nécessité de mettre en place une véritable gestion du risque de contrepartie (counterparty risk

management) spécifique aux fonds spéculatifs.

Leurs stratégies à forts effets de levier peuvent également être à l’origine de graves

perturbations sur les marchés financiers, notamment en termes de prix d’actifs mais aussi du

point de vue de la liquidité des marchés. Le principal problème lié aux stratégies à effets de

levier provient du fait qu’elles ne sont pas soutenables dans la durée. Pour un investisseur qui

ne placerait que ses fonds propres, une erreur d’anticipation sur l’évolution d’un prix n’est pas

dramatique en soit. Celui-ci n’est pas obligé de liquider sa position et peut attendre un

renversement de tendance tant qu’il a la capacité financière d’honorer les appels de marges.

Dans le cas des hedge funds, si on considère qu’ils sont déjà lourdement endettés, une petite

variation du prix mal anticipée peut les obliger à fermer immédiatement leur position, en

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liquidant massivement leurs actifs les plus liquides. Au-delà des pertes réalisées par le fond en

question, l’impact à la baisse sur les prix d’actifs peut être extrêmement violent et contaminer

d’autres compartiments du marché. Ces perturbations soudaines peuvent alors créer des excès

de volatilité momentanés de nature à augmenter l’incertitude et conduire à des crises de

liquidité. Les leviers ont donc pour principale conséquence de fragiliser les fonds qui

deviennent beaucoup plus sensibles aux perturbations du marché. Une simple perturbation

peut être amplifiée par les hedge funds pour devenir un véritable choc sur les marchés

financiers.

1.2.2. Le pouvoir de déstabilisation des hedge-funds

Au-delà de l’importance systémique des hedge funds en cas de choc financier, il semble

important de discuter de leur potentiel déstabilisant à l’œuvre quotidiennement. Nous avons

présenté plus haut les arguments en faveur d’un rôle plutôt positif des fonds sur la stabilité

financière. Pourtant plusieurs arguments contrebalancent l’analyse précédente en insistant sur

leur propension à générer des excès de volatilité. Les études empiriques étant encore peu

nombreuses, il est ici principalement affaire d’intuition.

D’une part on soupçonne leur recomposition incessante de portefeuille de perturber

l’information disponible. Du point de vue des investisseurs qui subissent fortement les

asymétries d’information, leur stratégie est certainement peu lisible et peut probablement

augmenter le degré d’incertitude ambiant. De ce fait, la variance de la rentabilité des actifs

peut être amenée à augmenter, ainsi que les primes de risques éloignant les prix de leur valeur

fondamentale. D’autre part les leviers employés sont susceptibles d’impacter la volatilité des

titres car ils permettent aux hedge funds de compter pour deux à trois fois ce qu’ils

représentent véritablement en termes de demande et d’offre de titres. Peut être sont ils

capables de renverser à eux seuls les tendances sur de petits marchés ?

Enfin on ignore encore quel type de stratégie fondamentale guide le timing de leur prise de

position. En matière d’arbitrage, on identifie généralement deux type de stratégies qui peuvent

s’avérées payantes dans la durée. Premièrement il est possible de pratiquer ce que l’on appelle

le « market timing » qui consiste à évoluer à contre courant du marché. Cette stratégie est

basée sur l’hypothèse d’un retour des prix à leur valeur fondamentale au fil du temps. Si on

admet cette hypothèse alors il ne faut jamais s’engouffrer dans les hausses et attendre que le

marché corrige. En clair, il s’agit de vendre lorsque le marché vient de monter ou acheter

Page 9: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

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après la baisse. Le problème de ce type de stratégie est qu’il nécessite un horizon de

placement lointain car si effectivement les prix ont tendance à rejoindre leur moyenne (ou

trend) de long terme, des déséquilibres peuvent persister tels que les bulles. Les arbitragistes

sont donc amenés à supporter le risque associé à l’espace que se créé les noise traders, en

entretenant par exemple, la hausse d’un titre par des anticipations de rendement déconnecté de

la réalité économique.

L’autre type de stratégie consiste à rassembler le maximum d’information disponible sur les

croyances des noises traders et d’anticiper les tendances, voir de les provoquer afin de profiter

du comportement moutonnier des investisseurs qui pratiquent le « positive feedback ». Ceux-

ci adossent leur stratégie aux mouvements du marché et sont à l’origine d’anticipations auto

réalisatrices. Une stratégie envisageable pour les hedge funds est donc de détecter le moment

auquel il faut persuader la foule que le marché se retourne et profiter du rééquilibrage des

prix, sans se laisser entraîner trop loin dans la hausse. Ainsi, on comprend en quoi les

arbitragistes peuvent être à l’origine de forte déviation des prix d’actifs. Ceux-ci profitent de

l’ignorance des noise-traders pour pousser les prix au-delà de leur juste valorisation. Cette

stratégie est modélisée par Delong, Shleifer, Summers et Waldman (2000-b) et

retrospectivement les deux articles théoriques publiés par ces auteurs en 1990 permettent de

donner du sens aux stratégies développées par les hedge-funds. Ils apparaissent alors comme

des investisseurs sophistiqués qui contrairement aux autres fondamentalistes du marché

cherchent à manipuler le comportement des noise traders suiveurs de tendance, ce qui leur

permet d’anticiper « le comportement de la foule avant la foule » et de sortir de l’impasse des

excès de volatilité liés à la présence des noise traders (Delong, Sheifer, Summers et

Waldmann (2000-a). Dans ce contexte l’activité d’arbitrage redevient profitable mais au prix

d’une volatilité encore accrue.

1.3. Que dit la littérature empirique ?

Actuellement il existe principalement trois domaines vers lesquels la recherche s’oriente pour

apporter des réponses aux questions liées aux hedge funds. Premièrement on trouve un

nombre conséquent d’articles sur la réglementation prudentielle des fonds. Les auteurs

discutent de la réglementation optimale à mettre en place à savoir s’il faut mieux axer la

législation sur les banques afin de les obliger à adopter des comportements plus sécurisants

vis-à-vis du risque systémique ou s’il faut au contraire plus de réglementation au niveau des

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fonds eux même. La question de la limitation des leviers est bien sur au cœur de tous les

débats. Le numéro spécial hedge funds de La revue de la stabilité financière de la Banque de

France publié en avril 2007 constitue de ce point de vue une très bonne entrée en matière.

Deuxièmement c’est la mesure du risque des portefeuilles qui constitue un domaine de plus en

plus documenté. Partant du principe que les seuls niveaux des leviers représentent une

mauvaise approximation du risque des portefeuilles, beaucoup d’auteurs tests des modèles de

value at risk afin de juger de la bonne capitalisation des fonds. Cette littérature fait largement

appel aux modèles GARCH afin de rendre compte de la volatilité des rentabilités,

représentative du risque associé au portefeuille. Contrairement à ce qu’on l’on pourrait penser

les résultats empiriques plaident plutôt en faveur du bon comportement des fonds en matière

d’exposition au risque. A titre d’exemple on pourra citer l’article de Monteiro (2004) qui

s’inscrit parfaitement dans le cadre de cette démarche.

Enfin la littérature qui nous concerne le plus, s’intéresse principalement à l’exposition des

hedge funds en matière de marchés et de produits financiers. Beaucoup cherchent à vérifier

l’implication des fonds d’investissement dans les crises financières qu’a connue l’économie

mondiales depuis les années quatre vingt dix, et plus particulièrement les crises de changes

La méthodologie reste assez simple et consiste généralement à régresser à l’aide d’un modèle

statique, un indice de fonds sur des indices de marché. Ainsi l’exposition des Hedge funds aux

devises asiatiques en 1997 a pu être démontrée par Fung, Hsieh et Tsatsaronis dans leur

article « Do Hedge funds Disrupt Emerging Market ? » (2000). Dans un autre article intitulé

« Measuring the market impact of Hedge funds » (2000), les mêmes auteurs, sur la base d’une

analyse en composante principale, identifient des corrélations entre les rentabilités des fonds

et certaines crises financières comme la crise affectant la Livres Sterling en 1992 qui fut

obligée de quitter le SME, ou encore la crise du Peso mexicain de 1994.

Bien que ces études permettent de vérifier la présence des hedge funds sur certains marchés

pendant les crises, les méthodologies employées ne permettent pas de mettre en cause leur

responsabilité puisqu’il est impossible de tester le sens de causalité. Ainsi la seule chose que

l’on peut affirmer est que la rentabilité des fonds peut être expliquée par l’évolution des

marchés. Le renversement de causalité ne peut être alors envisagé que par le biais de modèles

dynamiques à équations simultanées.

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2. Le pouvoir déstabilisant des hedge funds sur les marchés

Cette section vise à mettre en évidence l’impact des Hedge funds sur les marchés financiers à

l’aide de plusieurs VAR bivariés. L’étude porte plus particulièrement sur les fonds qui

adoptent une stratégie de type global macro. Ces derniers semblent en effet présenter les

caractéristiques idoines pour étudier l’incidence potentiellement déstabilisante sur les prix

d’actifs financiers sur les marchés.

Il ne fait aucun doute que ceux-ci sont des investisseurs fondamentalistes puisque la base de

leur stratégie consiste à étudier les sous-jacents macroéconomiques des titres sur lesquels ils

investissent et de profiter d’erreurs de valorisation. De surcroît, les fonds global macro sont

souvent considérés comme étant particulièrement bien informés et donc capables d’anticiper

et, le cas échéant d’accentuer, les tendances futures du marché. Enfin, ces organismes de

gestion alternative peuvent recourir massivement à l’effet de levier par l’endettement. Etant

donné l’ampleur de leurs prises position sur les titres, ils sont capables de produire des

pseudo-signaux en ayant un impact suffisamment significatif sur les prix d’actifs. Ils peuvent

ainsi entraîner dans leur sillage les chasseurs de tendance sur les marchés, ce qui amplifie les

variations de prix d’actifs.

En raison du nombre très limité de travaux sur ce sujet, à notre connaissance, nous

privilégions une approche agnostique à partir d’une représentation économétrique dynamique

suffisamment générale. Le cœur du travail empirique consiste à confronter un indice de

rentabilité des fonds global macro, à celui du marché actions américain. Le choix de ce

dernier se justifie par les fortes rentabilités qu’il affiche malgré les secousses dont il est

parfois victime. Il apparaît aussi légitime au regard de la large gamme de produits financiers

que propose le marché américain, ce qui en fait en principe l’un des plus complets.

2.1. Les données

L’étude des phases d’instabilité des marchés s’inscrit dans le très court terme. On considère

donc les déviations momentanées de la rentabilité du marché par rapport à sa moyenne de

long terme. Par hypothèse, les prix d’actifs sont supposés rejoindre leur moyenne attendue sur

la longue période suivant le principe de retour à la moyenne (mean reversion).

Afin d’étudier ces phénomènes, nous disposons des données journalières, soit en moyenne

cinq jours de cotation par semaine.

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Les séries retenues comprennent :

• L’indice HFRMACRO : Le modèle économétrique doit rendre compte de l’impact de

l’activité des fonds de gestion alternative « global macro » sur le marché. C’est

pourquoi nous considérons l’indice de performance des fonds de cette catégorie. Cet

indicateur provient de Hedge funds Research3, extrait de la base de données

Datastream©.

Cet indice est en réalité un agrégat des valeurs liquidatives des actifs possédés par les

Hedge funds figurant dans l’échantillon. Les observations couvrent la période du 31

mars 2003 au 16 janvier 2008, en base 100 en début de période.

• L’indice TOTMKUS : Cet indice provient de la même base. Il est censé appréhender

les évolutions de l’ensemble du marché américain des actions. Celui-ci est donc

composé d’un ensemble d’actifs exprimés en termes de prix (price index), c'est-à-dire

à leur valeur de négociation sur le marché. L’acronyme signifie en réalité « TOTal

MarKet United States ».

Les séries doivent être préalablement transformées puisque notre approche conduit à retenir

les rentabilités à un jour des indices. Dans cette perspective, on forme les différences

premières des logarithmes de chaque série. Cette pratique usuelle présente l’avantage de

travailler directement sur les rentabilités des indices et non sur leurs niveaux, rendant

l’interprétation des résultats plus aisée. Par ailleurs, les tests usuels de non-stationnarité

conduisent à ne pas rejeter l’hypothèse d’intégration unitaire pour les indices de prix dans la

plupart des cas. Le graphique 1 ci-après conforte cette idée.

3 www.hedgefundresearch.com

Page 13: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

13

2003 2004 2005 2006 2007720

800

880

960

1040

1120

1200

1280

1360

1440

TOTMKUS

HFRMACRO

Graphique 1 : Evolution en niveau des indices

Premièrement les deux séries affichent des tendances globalement haussières sur toute la

période. Ce phénomène est parfaitement classique dans ce domaine. L’aspect le plus

intéressant est cependant que globalement les deux variables semblent évoluer de concert.

Surtout, les décrochages brutaux observés à partir de 2005 surviennent au même instant. Cela

laisse supposer que les deux indices puissent répondre à des chocs communs. Seule la fin de

période, c'est-à-dire fin 2007/début 2008, montre au contraire une certaine désynchronisation

des indices.

Les variables considérées dans la suite de l’étude sont donc respectivement R1HFRMACRO

pour la rentabilité à un jour de l’indice global macro et R1TOTMKUS pour la rentabilité à un

jour de l’indice du marché actions américain.

A ce stade, il est utile de rappeler les principaux écueils liés à l’utilisation d’indice de

rentabilité sur des fonds de gestion alternative.

2.2. Les problèmes liés aux indices de performance des Hedge funds

Le manque d’information au sujet des Hedge funds rend difficile la construction d’indices de

performance. Plusieurs sources biais peuvent ainsi en résulter (Lhabitant (2006)). On en

Page 14: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

14

recense habituellement deux catégories distinctes : les premiers tiennent à la constitution de la

base de données, tandis que les seconds sont liés à la construction des indices.

En premier lieu, la collecte des données sur la performance des fonds se révèle être une tâche

particulièrement délicate. D’une part, il faut composer avec la bonne volonté de certains fonds

de divulguer leur performance. D’autre part, les gérants de fournisseurs d’indices doivent

faire des choix qui peuvent déformer la réalité qu’ils tentent de représenter. Dans ce contexte,

l’information que renvoie un indice est bien souvent partielle.

De ce point de vue, le biais d’auto-sélection est le plus important. De fait, tous les fonds ne

souhaitent pas rendre publics leurs résultats. Quant à ceux qui acceptent de les diffuser, leurs

motivations peuvent être diverses et fausser parfois d’autant la base de données.

Pour que l’indice soit vraiment représentatif du secteur, il conviendrait que les fonds pris en

compte aient atteint une certaine maturité. Pourtant, ceux-ci ne sont pas incités à

communiqueer car leur réputation est établie. Ils n’ont ainsi pas besoin de publicité. Au

contraire, les jeunes fonds sont davantage prompts à rendre compte de leur performance afin

d’acquérir plus de visibilité et d’attirer des capitaux.

Les opinions divergent cependant sur cette question. Le taux de défaillance des fonds

alternatifs étant particulièrement élevé les premières années, il est raisonnable de penser que

les fonds les plus jeunes attendent de faire leurs preuves avant de divulguer leur rentabilité.

Pour pallier ce problème, les fournisseurs d’indice mettent généralement en place des critères

de sélection des fonds : montant minimum des encours, durée de vie du fonds d’au moins

deux ans. Ces critères sont censés rendre la base plus homogène et représentative, mais ils

conduisent incidemment à l’exclusion de nombreux fonds.

Etant donné le taux de mortalité plutôt élevé pendant les cinq premières années d’activité des

fonds, le traitement des fonds alternatifs disparus est à l’origine du biais du survivant. La

pratique la plus répandue consiste à supprimer le fond qui disparaît de l’historique. Dans ce

cas, l’indice surestime la rentabilité effective du secteur puisqu’il ne comprend que les fonds

affichant les performances vraisemblablement les plus solides (Carlson et Steinman (2007)

pour une étude des facteurs de mortalité des fonds alternatifs).

Le biais d’histoire instantanée peut enfin fausser un indice synthétique sur des hedge funds.

Quand un fond accepte en effet de figurer dans une base, celui-ci a le choix de fournir

également tout l’historique de ses performances. Il s’ensuit tout d’abord que tous les

organismes de gestion alternative ne diffusent pas systématiquement cette information.

Ensuite, cette pratique biaise également les indices à la hausse, car seuls les fonds qui peuvent

se prévaloir de résultats antérieurs satisfaisants, fournissent leurs historiques.

Page 15: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

15

A supposer que les problèmes énumérés plus haut soient résolus, les choix opérés afin

d’améliorer la lisibilité de l’information, comme la classification en catégories, s’avèrent eux

aussi à l’origine de zones d’ombre (Gallais-Hamonno et alii (2007) pour une réflexion sur

l’impact des corrections d’indice sur l’analyse de la performance des fonds alternatifs).

Puisqu’un indice est un échantillon qui se veut être le plus représentatif possible d’une

population, il faut procéder à un tri pertinent. Le risque est pour le gestionnaire de l’indice de

commettre un biais de sélection. Après avoir collecté le plus d’informations possibles, le

gestionnaire doit encore choisir les fonds qui figureront effectivement dans son indice. Les

critères de sélection étant aussi nombreux qu’il existe de fournisseurs d’indices, il ressort des

comparaisons que la réalité saisie peut être nettement différente d’un indice à l’autre.

Si un fonds vient à disparaître, il est fréquent de le retirer complètement de la base de

données. Tout ce qui pourrait constituer une preuve de la piètre performance des hedge funds

est alors évacué purement et simplement des historiques. C’est le biais des fonds disparus

Dans la plupart des cas, la construction d’un indice suppose de pondérer les fonds présents

dans l’échantillon en fonction de leur taille relative, exprimée ici en terme d’encours. Les

fournisseurs d’indices équipondèrent pourtant leur base de données. Cela évite d’obérer le

poids des plus gros fonds. Il est cependant permis de s’interroger sur la représentativité de tels

indices quant au profil de rentabilité des gérants en moyenne.

Pour finir, tous les indices sont sujets à un biais de classification. Celui-ci tient aux difficultés

de dresser une typologie claire des fonds selon les stratégies qu’ils mettent en œuvre. Les

sociétés qui diffusent les indices doivent bien souvent s’en remettre aux déclarations des

gérants des hedge funds. Cependant de plus en plus de transgressions de cette classification

par les fonds eux-mêmes sont constatées (Brown et Goetzman (2001)). Ceux-ci tendent à

changer régulièrement de stratégie en fonction des opportunités offertes par le marché (style

drift). De ce fait il devient très compliqué d’identifier le style de gestion de portefeuille que

pratiquent effectivement les gérants de hedge funds. La signification de l’indice peut dès lors

être mise en doute.

2.3. Le rôle ambigu des fonds alternatifs sur les marchés financiers

Les graphiques 2 et 3 présentent dans l’ordre, la rentabilité à un jour de l’indice global macro

et celle de l’indice du marché boursier.

Page 16: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

16

2003 2004 2005 2006 2007-0.04

-0.03

-0.02

-0.01

0.00

0.01

0.02

R1HFRMACRO

Graphique 2 : Rendement de l'indice des fonds global macro

2003 2004 2005 2006 2007-0.06

-0.05

-0.04

-0.03

-0.02

-0.01

0.00

0.01

0.02

0.03

R1LOGTOTMKUS

Graphique 3 : Rendement de l'indice de marché américain

En regardant plus particulièrement l’indice de hedge funds sur la période atypique identifiée

plus haut sur les graphiques 2 et 3, la variabilité nettement plus forte de la rentabilité semble

être associée à une baisse de la rentabilité des fonds d’après le graphique 1.

Le plus frappant est la volatilité des rendements, surtout en fin de période alors que les

inquiétudes se font jour au sujet des prêts hypothécaires immobiliers. L’un des éléments les

plus frappants est que l’indice de marché semble plus volatile que l’indice de fonds : prise en

valeur absolue, l’amplitude des variations de rendements au jour le jour de l’indice de marché

américain dépasse de 50% celle des fonds global macro courant 2007.

Page 17: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

17

Cette observation peut recevoir deux interprétations. D’un côté, on peut supposer que les

stratégies de gestion alternative des fonds global macro jouent un rôle stabilisant en

amortissant les soubresauts du marché parce que leurs décisions d’investissement reposent en

principe sur les déterminants fondamentaux des titres. Cela conforterait ainsi l’idée d’une

relative neutralité des performances du marché sur les résultats des fonds alternatifs global

macro (Patton 2008). D’un autre côté, on peut émettre l’hypothèse suivant laquelle les gérants

de fonds alternatifs font partie des investisseurs les plus avisés du marché. Par conséquent,

leur information et leur expertise peuvent leur permettre de devancer les tendances du marché.

Cela peut contribuer à l’emballement des prix sur un marché financier où une asymétrie

prononcée prévaut entre différentes catégories d’investisseurs. Dans cette éventualité, les

comportements des gérants de fonds alternatifs pourraient être à l’origine d’une vague

spéculative déstabilisante. Cette idée trouve d’ailleurs soutenue par Brunnermeier et Nagel

(2004) pour expliquer la contribution des fonds alternatifs à l’éclatement de la bulle boursière

des nouvelles technologies au tournant des années 2000.

2. 3. Le modèle économétrique

Dans un cadre strict d’efficience des marchés financiers, la dynamique des prix ou plus

précisément celle de leur logaritme (ici celle des indices) serait donnée par une marche

aléatoire avec dérive, de sorte l’évolution des rentabilités (la différence première du

logarithme des prix) est donnée par la dérive de la marche aléatoire augmentée de son bruit

blanc. D’après la discussion précédente, il peut cependant être utile de retenir une

spécification plus générale afin que le modèle puisse rendre compte éventuellement de

l’interdépendance dynamique entre les rendements des fonds alternatifs et ceux du marché

financier (américain). C’est pourquoi, l’adoption d’une represéntation VAR est retenue ici.

Si les hedge funds sont capables de donner une impulsion au marché, il est évident que ceux-

ci devront également s’ajuster aux réponses du marché qu’ils ont perturbé. Ainsi, chaque

variable dépendra de ses propres valeurs passées ainsi que des valeurs passées de l’autre

variable.

L’écriture générale du modèle VAR dans le cas où tX contient N variables et pour un ordre

de retards p quelconque s’écrit sous forme matricielle :

(1) ( )1

pt t t p tX v X Xβ β ε− −= + + + +L

Page 18: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

18

Avec :

1t

t

N t

x

X

x

=

M et ( )( ) ( )

11 1

( ) ( )

1 ,( ) ( )

1

k kN

k kij i j N

k kN NN

β ββ β

β β≤ ≤

= =

K

M O M

L

Et ν et εt deux vecteurs de dimensions 1×N , le premier de constantes et le second d’aléas

bruits blancs (gaussiens a priori).

Dans le cas précis du modèle bivarié considéré ici (N=2), nous pouvons écrire :

( ) ( )1 11 12 1

1 1

( ) ( )2 21 22 2

1 1

p phf k hf k ust t k t k t

k k

t tus k hf k ust t k t k t

k k

R R R

R R R

ν β β ε

ν β β ε

− −= =

− −= =

= + + + = + + +

∑ ∑

∑ ∑

Choix du nombre de décalages des processus autorégressifs

L’ordre de retard choisi pour le VAR est fixé arbitrairement, même si les critères usuels sont

disponibles en annexe. Nous avons ainsi retenu un cinq retards pour chaque variable parce

que cela correspond à une semaine de transactions. Par hypothèse, un choc sur une des

variables de rendement ne peut pas avoir de répercussion au-delà d’une semaine. Un nombre

réduit de décalages est ainsi pris en compte, étant donné la rapidité des ajustements sur les

marchés financiers. Suivant cette logique, l’attention s’est portée principalement sur la

significativité des paramètres des valeurs retardées des variables en tenant compte également

des résultats des tests de non-causalité à la Granger (présentés infra).

2.4. Estimation du modèle sur la période globale

L’estimation des paramètres du modèle VAR peut être obtenue de manière simple grâce à

l’estimateur des moindres carrés ordinaires, équation par équation. Les résultats sont présentés

dans les tableaux suivants4:

4 ** la variables est significative à 5%, * la variable est significative à 10%.

Page 19: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

19

Tableau 1 : Résultats de l'estimation des paramètres de l'équation 1

Variable Dépendante :

HFRMACRO

Variables Coefficient T-Stat

R1HFRMACRO{1} 0.05989* 2.03

R1HFRMACRO{2} 0.0212 0.72

R1HFRMACRO{3} 0.03842 1.30

R1HFRMACRO{4} 0.0581* 1.97

R1HFRMACRO{5} -0.0121 -0.42

R1LOGTOTMKUS{1} 0.1298** 7.78

R1LOGTOTMKUS{2} 0.0434** 2.53

R1LOGTOTMKUS{3} 0.0209 1.21

R1LOGTOTMKUS{4} 0.0070 0.41

R1LOGTOTMKUS{5} -0.0042 -0.25

Constante 0.00012 0.96

DW 1.999

Page 20: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

20

Tableau 2 : Résultats de l'estimation des paramètres de l'équation 2

Au regard des résultats des estimations nous pouvons retenir l’écriture suivante de notre

système d’équations :

(1) (1) (2)11 1 12 1 12 2 1

(1) (1) (2)2 22 1 21 1 22 2 2

hf hf us ust t t t t

us us hf hft t t t t

R R R R

R R R R

β β β εν β β β ε

− − −

− − −

= + + +

= + + + +

Premièrement, chaque variable est expliquée par sa valeur passée à la période précédente ce

qui confirme l’aspect auto régressif des processus que suivent nos séries. De plus nous

retrouvons dans l’expression de la première équation les résultats mis en évidence dans la

littérature. La rentabilité des fonds est expliquée par les évolutions passées de la rentabilité du

marché actions. Les signes des coefficients sont tous positifs et confirment donc que la

rentabilité des fonds est positivement reliée au marché actions.

Variable Dépendante :

R1LOGTOTMKUS

Variable Coefficient T-Stat

R1HFRMACRO{1} -0.0855* -1.65

R1HFRMACRO{2} 0.0866* 1.67

R1HFRMACRO{3} -0.0439 -0.84

R1HFRMACRO{4} 0.0400 0.77

R1HFRMACRO{5} -0.1821** -3.62

R1LOGTOTMKUS{1} -0.0535* -1.83

R1LOGTOTMKUS{2} -0.0479 -1.59

R1LOGTOTMKUS{3} 0.0325 1.07

R1LOGTOTMKUS{4} -0.0531* -1.76

R1LOGTOTMKUS{5} 0.0369 1.24

Constante 0.00046** 2.07

Dw 1.99

Page 21: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

21

Enfin, l’expression de la rentabilité du marché confirme notre intuition. Il semble que celle-ci

dépende des valeurs passées de la rentabilité des fonds. Cependant les signes des coefficients

associés à l’expression de la rentabilité du marché ne correspondent pas tout à fait à nos

attentes car certains affichent des signes négatifs. Il semblait plus probable, compte tenu des

hypothèses faites sur leur stratégie, de trouver un biais de déformation à la hausse des prix

d’actifs.

Dans un premier temps, le test de non-causalité au sens de Granger est appliqué. S’il conduit à

refuser la significativité des décalages de l’indice de fonds dans l’équation du marché, notre

modèle n’aura aucun pouvoir explicatif en matière de déformation des prix.

Tableau 3 : Tests de non-causalité de Granger

Résultats du test de causalité :

Variable Dépendante :

HFRMACRO

Statistique de Fisher Niveau de significativité

HFRMACRO 2.34 0.04

TOTMKUS 12.86 <0.0001

Résultats du test de causalité :

Variable Dépendante : TOTMKUS

Statistique de Fisher Niveau de significativité

HFRMACRO 3.81 0.002

TOTMKUS 2.58 0.02

Les tests conduisent donc à rejeter l’hypothèse nulle d’absence de non-causalité à la Granger

au seuil de 5%, voire moins. En conséquence, les réalisations passées de l’indice de fonds

global macro influencent la rentabilité présente du marché Outre-Atlantique.

Dans un second temps, on étudie la fonction de réponse du marché associé à une impuslion

(unitaire) sur la rentabilité des hedge funds.Il s’agit en effet d’avoir une idée plus précise des

mécanismes d’ajustements et du signe de l’impact total. Puisque l’intérêt est centré sur les

interactions de rendements à très court terme, le schéma de Cholesky est retenu pour identifier

les innovations « structurelles ».

D’autres modes de décomposition des résidus sont toutefois concevables.

Page 22: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

22

Effects of a Shock to R1HFRMACRO

R1HFRMACRO

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

R1LOGTOTMKUS

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Graphique 4 : Effets instantanés associées à un choc de 1% sur la rentabilité des Hedge funds

Une impulsion sur la variable R1HFRMACO n’a plus d’effets au delà de six périodes, ce qui

correspond ici à six jours. D’ailleurs, la construction d’intervalles de confiance (non-reportés

ici) aboutirait à des conclusions encore plus conservatrices quant à la significativité de ces

réponses. Notre intuition en matière de persistance des chocs paraît alors plutôt satisfaisante

puisque nous avions parié sur un délai n’excédant pas la semaine.

Le choc a pour effet immédiat d’entraîner une hausse de l’indice de marché. Cependant la

croissance des prix ralenti tout au long de la première journée. Ceux-ci finissent même par

connaître une légère baisse en fin de journée par rapport au niveau maximum qu’ils avaient

atteint. Deux séances plus tard, le marché semble corriger cette baisse et pousse de nouveau le

prix à la hausse. Celui-ci stagne approximativement pendant deux jours, pour connaitre une

nouvelle baisse en fin de semaine.

Les graphiques ci-dessous qui présentent les fonctions de réponse en termes d’effets cumulés,

permettent de se faire une idée du signe de l’effet total.

Page 23: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

23

Accumulated Effects of a Shock to R1HFRMACRO

R1HFRMACRO

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 150.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

R1LOGTOTMKUS

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 150.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

Graphique 5 : Effets cumulés associés à un choc de 1% sur la rentabilité des Hedge funds

Il semblerait que les baisses que connaît l’indice de marché durant la période d’ajustement ne

soient pas suffisantes pour compenser l’effet instantané et largement positif du choc initial.

Au total, les marchés seraient donc positivement reliés à la rentabilité des fonds.

Ces résultats mettent en lumière la nature du lien qui peut exister entre les hedge funds et le

marché actions américain. De toute évidence celui-ci n’est pas à sens unique, et on peut

légitimement parler d’interactions entre les rentabilités. La performance des Hedge funds

n’est pas neutre sur l’évolution des prix des actions, et conformément à notre intuition, le

marché répond, au total, positivement aux variations de la rentabilité des fonds.

Toutefois la nature exclusivement positive des variations instantanées n’est pas vérifiée. Pour

des raisons qui restent inconnues, le marché connaît des phases baissières dans son processus

d’ajustement. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées. Premièrement on assiste

probablement à un phénomène de surajustement5. Le choc qui se propage au marché entraine

un processus d’ajustement par tâtonnements dont l’amplitude dépend de l’importance du choc

initial. Ainsi les corrections du marché peuvent aller momentanément au-delà de ce qui est

nécessaire afin de rattraper la rentabilité moyenne de long terme.

Ensuite cette baisse en fin de première journée pourrait être la conséquence de la liquidation

par les Hedge funds de leurs positions. Ceux-ci ne cherchant pas à s’engouffrer trop loin dans

5 DE BONDT W. et THALER R., «Does the Stock Market Overreact? », Journal of finance, Volume 40, Juillet 1985

Page 24: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

24

la hausse, encaisseraient leur plus-value en fin de journée. Ce scénario apparaît assez cohérent

avec leur comportement d’arbitragistes sophistiqués.

Enfin on assiste probablement à la réaction d’un marché qui fonctionnement relativement

bien, c'est-à-dire suffisamment liquide et efficient pour contenir les dérapages trop importants

de prix. Dans ce contexte le pouvoir déstabilisant des hedge funds serait plus limité sur ce

type de marché, notamment en raison de la faible persistance du choc.

2.5. Estimation du modèle en sous périodes

Cette section a pour objectif de renouer avec une vision plus traditionnelle du pouvoir

déstabilisant attribué au hedge funds, qui les envisage plutôt comme des déclencheurs de

secousses financières lors d’épisodes bien particuliers.

Bien que le modèle fasse la preuve de l’implication des hedge funds dans la rentabilité sur la

longue période, il est plus probable que le lien mis en lumière entre marché et fonds se

renforce sur de plus petites périodes de temps.

Afin de vérifier cette hypothèse, le modèle a été réestismé de manière glissante sur des

fenêtres de 60 jours. Bien entendu chaque estimation ne pourra être analysée individuellement

compte tenu de leur nombre trop important. On propose donc ici de réaliser le test de non-

causalité au sens de Granger pour chaque sous période afin de vérifier si dans le très cours

terme les rentabilités des hedge funds permettent d’expliquer celles du marché.

Une telle méthodologie, lorsque qu’on manipule des séries financières à haute fréquence,

nécéssite de porter un regard attentif aux propriétés statistiques des résidus des estimations.

En effet ceux-ci ne sont généralement pas parfaitement Gaussien mais suivent une distribution

leptocurtique faissant apparaître des queues de distributions épaisses. De manière générale on

associe ce phénomène à la présence de valeurs extrêmes dans les rentabilités.

Lorsqu’on pratique une analyse sur une longue période avec un nombre de points suffisament

grand, l’estimateur des moindres carrés ordinaires converge, et le problème de non normalité

peut être surmonté. A contrario, des périodes de 60 jours ne sont pas suffisamment riches en

nombre d’observation pour invoquer les propriétés asymptotiques des estimateurs. D’autre

part le test de causalité de Granger fait explicitement référence à la normalité comme

hypothèse de base sur les résidus des estimations.

Ainsi pour chaque période il faudra s’assurer de la normalité des résidus sans quoi aucune

conclusion ne pourra être faite quant au résultat du test de causalité.

Page 25: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

25

Afin de facilité la lecture des résultats, ceux-ci sont projetés sur un même graphique présenté

ci-dessous.

Sont présentées ici les statistiques du test de normalité de Jarque-Bera et celles de Fisher

associées au test de causalité. Pour que l’on puisse conclure à un impact significatif des hedge

funds sur le marché à court terme, il faut à la fois que les tests conduisent à rejeter l’hypothèse

de non normalité et l’hypothèse de non causalité. Ceci est valable lorsque la courbe constituée

de l’ensemble des niveaux de significativité du test de fisher se situe sous le seuil de 10% ou

de 5% et lorsque dans le même temps la courbe associée à l’ensemble des niveaux de

significativité du test de Jarque Bera se situe au-delà du seuil de 5% ou 10%.

Ainsi on constate que pour un nombre conséquent de périodes les deux conditions sont

satisfaites et permettent donc de vérifier l’influence des fonds global macro sur le marché

action et ceci sur de plus petites périodes. On pourra identifier à titre d’exemple le début

d’année 2003 ou encore le milieu d’année 2004 et enfin de manière claire la fin d’année 2007.

Page 26: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

26

Quel rôle des fonds alternatifs sur les marchés émergents ?

Afin d’apprécier la robustesse des résultats présentés dans la section précédente, les mêmes

estimations et tests sont entrepris avec les indices de rendement d’autres marchés. Dans cette

perspective, on considère des indices de marché actions de pays émergents à un indice de

fonds adoptant une stratégie de type « Globale macro ».

Trois estimations ont été réalisées sur les marchés actions suivants : Amérique latine, Europe

émergente et Asie du sud Est.

La méthodologie est reprise à l’identique en formulant un modèle VAR bivarié comprenant

cinq décalages pour chaque variable exprimée en logarithmes de la rentabilité à un jour. Les

tableaux ci-dessous regroupent les résultats des estimations avec les variables nommées

R1HFRMACO pour l’indice de fonds et R1LOGTOTMKLA l’indice du marché actions

d’Amérique latine, R1LOGTOTMKSE pour l’Asie du Sud Est et R1LOGTOTMKUE pour

l’Europe émergente.

Afin de ne retenir que les résultats les plus probants, seules les fonctions de réponses

associées à un choc de 1% sur la rentabilité des fonds seront présentées ainsi que les tests de

non-causalité sur la période dans son ensemble et en sous-périodes de 60 jours.

Effects of a Shock to R1HFRMACRO

R1HFRMACRO

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.16

0.000.16

0.320.48

0.64

0.800.96

1.121.28

R1LOGTOTMKLA

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.160.00

0.16

0.320.48

0.640.80

0.961.12

1.28

Graphique 7 : Effets instantanés associés à un choc de 1% sur la rentabilité des Hedge funds sur le

marché action d'Amérique Latine

Page 27: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

27

Tableau 4: Tests de non-causalité de Granger

Résultats du test de causalité :

Variable Dépendante :

R1LOGTOTMKLA

Statistique de Fisher Niveau de significativité

R1HFRMACRO 2.65734 0.0213

Le test conduit clairement au rejet de l’hypothèse nulle de non-causalité au seuil de 5%.

Page 28: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

28

Effects of a Shock to R1HFRMACRO

R1HFRMACRO

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

R1LOGTOTMKSE

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Graphique 8 : Effets instantanés associés à un choc de 1% sur la rentabilité des Hedge funds sur le

marché action d'Asie du Sud Est

Tableau 5 : Tests de non-causalité de Granger

Résultats du test de causalité :

Variable Dépendante :

R1LOGTOTMKSE

Statistique de Fisher Niveau de significativité

R1HFRMACRO 9.31332 <0.0001

On conclut à la causalité des fonds global macro sur le marché d’asie de sud-est.

Page 29: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

29

Effects of a Shock to R1HFRMACRO

R1HFRMACRO

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

R1LOGTOTMKUE

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

Graphique 9 : Effets instantanés associés à un choc de 1% sur la rentabilité des Hedge funds sur le

marché action de l'Europe émergente

Page 30: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

30

Tableau 6 : Tests de non-causalité de Granger

Résultats du test de causalité :

Variable Dépendante :

R1LOGTOTMKUE

Statistique de Fisher Niveau de significativité

R1HFRMACRO 3.37158 0.00497

Ici, on accepte la causalité de Granger pour les hedge funds sur le marché de l’Europe

Emergent.

Les résultats, dans l’ensemble, sont plutôt satisfaisants et assez similaires à ceux obtenus

précédemment. Les tests de causalités confirment effectivement le rôle actif des hedge funds

dans les mouvements des prix d’actifs. Les délais d’ajustement sont globalement identiques,

n’éxendendant pas la semaine.

La réaction du marché, au choc sur la rentabilité des fonds, est encore plus nette ici car les

marchés n’enregistrent presque jamais de baisse.

Page 31: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

31

L’impact des Hedge funds semble donc plus important sur les marchés émergents. Alors que

le marché américain semblait en mesure de freiner les déviations trop importantes de prix, les

marchés émergents ne corrigent pas à la baisse et absorbent l’intégralité des hausses.

Bien qu’il soit impossible d’en expliquer la raison à l’aide de ce modèle, on pourra toutefois

envisager plusieurs hypothèses. Il est possible qu’en termes de volume de transaction les

Hedge funds représentent une part plus importante sur ces marchés, renforçant leur pouvoir

déstabilisant. D’autre part, on peut imaginer que les agents sont plus touchés par les

asymétries d’information sur les marchés émergents. Dans ce contexte, d’une part, il est plus

difficile de se faire une juste représentation de la valeur fondamentale d’un titre et d’apprécier

les dérapages de prix afin de faire jouer les stratégies d’arbitrage. D’autre part, l’incertitude

pousse certainement les agents à adopter dans une plus large mesure des stratégies de type

positive feedback et de suivre les tendances. Dans ces conditions, les déséquilibres de prix

peuvent être plus importants.

Conclusion

Ce travail de recherche a tenté d’apporter des réponses nouvelles aux questions liées aux

Hedge funds, particulièrement leur capacité à perturber les marchés financiers. De ce point de

vue, les résultats obtenus à l’issue de l’évaluation empirique sont encourageants, au regard de

l’originalité de l’approche proposée dans le domaine.

Ainsi, l’impact de la rentabilité des fonds sur celle du marché a pu être mis en lumière,

confirmant l’hypothèse d’arbitragistes sophistiqués capables de donner des impulsions au

marché. Ce pouvoir déstabilisant a pu être identifié sur le marché actions américain, de même

que sur les marchés émergents, sur lesquels les effets sont plus massifs encore.

Celui-ci semble trouver son origine dans la combinaison de deux facteurs. Premièrement, les

asymétries d’information apparaissent comme l’une des sources de leur « pouvoir de

marché » en favorisant les comportements mimétiques, habilement exploités par les hedge

funds. Deuxièmement les leviers déforment leur poids relatif en termes d’encours de manière

instantané, leur offrant les moyens opérationnels de profiter de l’inefficience des marchés.

Partant de ce constat, il apparaît de manière claire que les régulateurs doivent s’emparer de la

question des leviers. Celui-ci doit mettre en place une régulation directe des fonds en limitant

leur capacité d’endettement, vis-à-vis des banques mais également en ce qui concerne

l’utilisation de la vente à découvert et des produits complexes. Les recommandations de la

Page 32: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

32

littérature, qui plaident en faveur d’une réglementation indirecte via la gestion du risque de

contrepartie6, sont insuffisantes et inefficaces dans ce contexte. D’autre part ces dispositions

réglementaires doivent être discutées au niveau international sans quoi aucune harmonisation

législative ne pourra aboutir, aucun pays n’ayant intérêt à légiférer de manière unilatérale. Les

réflexions actuelles du G20 vont manifestement dans cette direction.

6 Dans leur article “Hedge funds, Financial Intermediation, and Systemic Risk” KAMBHU J., SCHUERMANN T.,

STIROH K., étudient la question de la gestion du risque de contrepartie de manière très détaillée et concluent que celle-ci

serait suffisant afin de contenir les risques systémiques.

Page 33: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

33

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Page 35: Le pouvoir de déstabilisation des Hedge Funds : évaluation

35

Annexe 1 : Statistiques descriptives complémentaires sur les séries

R1HFRMACRO

Nombre d’observations 1252

Moyenne de l’échantillon 0.00023

Variance 0.000021

Skewness -1.43**

Kurtosis 9.87**

Jarque-Bera 5510.9**

Valeur maximale (le 08/08/2007) 0.01986

Valeur minimale (le 16/08/2007) -0.0371

R1LOGTOTMKUS

Nombre d’observations 1252

Moyenne de l’échantillon 0.00041

Variance 0.000062

Skewness -0.61 **

Kurtosis 4.07**

Jarque-Bera 943.4 **

Valeur maximale (le 07/01/2008) 0.02804

Valeur minimale (le 18/09/2007) -0.05893

Nota bene : Niveaux de significativité : ** 5%, * 10%.

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36

Annexe 2 : Tests et résultats complémentaires

Résultats des critères AIC, BIC et tests de Ljung-Box et du multiplicateur de Lagrange :

Indice Global Macro :

Indice du marché US :

Analyse des résidus :

Skewness Kurtosis Jarque

Bera

Ljung-

Box

Multiplicateur

de Lagrange

ARCH

R1HFRMACRO -1.1042 11.4502

3963.5031

(0.0000)

17.9087

(0.0837)

21.1068

(0.1744)

225.3058

(0.0000)

R1LOGTOTMKUS -0.6526 6.5771 753.3267

(0.0000)

5.0298

(0.9297)

11.3782

(0.7856)

136.8281

(0.0000)

AIC 4

BIC 1

Ljung-Box Test 3

Lagrange Multiplier Test 1

AIC 7

BIC 0

Ljung-Box Test 0

Lagrange Multiplier Test 0