le potentiel des systèmes agroforestiers sur les fronts ... · tema agroforestal, ganadería...

13
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2002, N° 272 (2) 75 SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR… Le potentiel des systèmes agroforestiers sur les fronts pionniers d’Amazonie brésilienne La plantation d’arbres à bois sur les pâturages constitue un moyen prometteur pour stabiliser le développement des fronts pionniers en Amazonie brésilienne, où l’exploitation forestière cède rapidement la place à l’élevage bovin, les ressources en bois devenant insuffisantes. Pâturage de Brachiaria bryzantha en cours de dégradation, par l’invasion de plantes adventices arborées, arbustives et herbacées. Une conséquence des systèmes très extensifs de gestion du couvert fourrager et de conduite des troupeaux. Brachiaria bryzantha grazing land undergoing degradation by the invasion of arboreal, shrubby and herbaceous adventitious species. A consequence of very extensive fodder cover and herd management systems. Photo J.-F. Tourrand. Marie-Gabrielle Piketty Cirad-amis 45 bis, avenue de la Belle-Gabrielle 94736 Nogent-sur-Marne Cedex France Jonas Bastos Veiga Embrapa Amazônia Oriental TV éneas Pinheiro s/n, 66095-100 Belém-PA, Brésil René Poccard-Chapuis Cirad-emvt Campus de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France Jean-François Tourrand Cirad-tera Campus de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France

Upload: ngohuong

Post on 09-Nov-2018

219 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 75SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

Le potentiel des systèmesagroforestiers sur les fronts

pionniers d’Amazoniebrésilienne

La plantation d’arbres à bois sur les pâturages constitue unmoyen prometteur pour stabiliser le développement des fronts pionniers enAmazonie brésilienne, où l’exploitation forestière cède rapidement la place àl’élevage bovin, les ressources en bois devenant insuffisantes.

Pâturage de Brachiaria bryzantha en cours de dégradation, par l’invasion de plantes adventices arborées, arbustives et herbacées. Une conséquence des systèmes très extensifs de gestion du couvert fourrager et de conduite des troupeaux. Brachiaria bryzantha grazing land undergoing degradation by the invasion of arboreal, shrubby and herbaceous adventitious species. A consequence of very extensive fodder cover and herd management systems.Photo J.-F. Tourrand.

Marie-Gabrielle PikettyCirad-amis45 bis, avenue de la Belle-Gabrielle 94736 Nogent-sur-Marne Cedex France

Jonas Bastos VeigaEmbrapa Amazônia OrientalTV éneas Pinheiro s/n, 66095-100 Belém-PA, Brésil

René Poccard-ChapuisCirad-emvtCampus de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

Jean-François TourrandCirad-teraCampus de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

76 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

RÉSUMÉ

LE POTENTIEL DES SYSTÈMESAGROFORESTIERS SUR LES FRONTSPIONNIERS D’AMAZONIEBRÉSILIENNE

Chaque année, les pionniersd’Amazonie brésilienne sont respon-sables du défrichement de vastesétendues de forêts pour mettre enplace des pâturages et des culturespérennes ou annuelles, dans descycles peu durables d’un point de vueécologique et social. Cet article pro-pose une réflexion sur les potentielsdes systèmes agroforestiers (SAF) surles fronts pionniers d’Amazonie brési-lienne au sein de l’agriculture fami-liale et des grandes exploitationsd’élevage bovin pour la viande. Lesavantages et les contraintes quiinfluencent l’adoption des SAF sontanalysés à partir d’entretiens réaliséssur le terrain, en soulignant les carac-téristiques propres des fronts pion-niers, qui conduisent à favoriser l’im-plantation de pâturages au détrimentde toutes les espèces boisées. Il res-sort que, si l’implantation d’arbressur les pâturages est une alternativequi permettrait de stabiliser certainsacteurs (agriculteurs, forestiers), lesconditions d’un développement desSAF réussi à long terme dépassent lescontraintes microéconomiques desagents. La prise en compte des équi-libres entre les forces centrifuges (quitendent à pousser ces acteurs vers denouveaux massifs forestiers) et lesforces centripètes (qui tendent à sta-biliser les régions déjà déforestées)est un élément majeur pour définirles mesures susceptibles d’accélérerle développement de ces systèmes etde réduire, ainsi, les conséquencesnéfastes de la déforestation.

MMoottss--ccllééss :: déforestation, systèmeagroforestier, élevage bovin, frontpionnier, Amazonie, Brésil.

ABSTRACT

THE POTENTIAL OF AGROFORESTRYSYSTEMS ON PIONEER FRONTS INBRAZILIAN AMAZONIA

Every year, pioneers in BrazilianAmazonia are responsible for clearingimmense tracts of forest to introducegrazing land and permanent andannual crops, in cycles that are notvery sustainable from an ecologicaland social viewpoint. This article putsforward some thoughts about thepotential of agroforestry systems(AFS) on pioneer fronts in BrazilianAmazonia as part of family farmingand large cattle farms raising live-stock for beef production. The advan-tages and restrictions which have aneffect on the adoption of AFS areanalysed on the basis of interviewsconducted in the field, stressing thefeatures peculiar to these pioneerfronts, which tend to encourage theestablishment of grazing land to thedetriment of all the woodland and for-est species. What emerges is that, ifthe establishment of trees on grazingland is an alternative that wouldmake it possible to stabilize certainpersons involved (farmers, foresters),the conditions for successful, long-term AFS development go beyond themicro-economic restrictions of thoseinvolved. Consideration of the bal-ances between the centrifugal forces(which tend to push these personstowards new forested areas) and thecentripetal forces (which tend to sta-bilize the regions already forested) isa major factor when it comes to defin-ing measures likely to speed up thedevelopment of such systems, andthus reduce the adverse conse-quences of deforestation.

Keywords: deforestation, agro-forestry system, cattle raising, pio-neer front, Brazilian Amazonia.

RESUMEN

POTENCIAL DE LOS SISTEMASAGROFORESTALES EN LOS FRENTESPIONEROS DE LA AMAZONIABRASILEÑA

Cada año, los pioneros de laAmazonia brasileña son responsablesde la roza de vastas extensiones debosque para introducir pastos y culti-vos perennes o anuales, en ciclospoco sostenibles desde un punto devista ecológico y social. Este artículopropone una reflexión sobre laspotencialidades de los sistemas agro-forestales (SAF) en los frentes pione-ros de la Amazonia brasileña dentrode la agricultura familiar y las gran-des explotaciones de ganaderíabovina de carne. Se analizan las ven-tajas e inconvenientes que influyenen la adopción de los SAF a partir deentrevistas efectuadas sobre elterreno, subrayando las característi-cas propias de los frentes pioneros,que conducen a favorecer la implan-tación de pastos en detrimento detodas las especies forestales. Sededuce que, si la implantación deárboles en los pastos es una alterna-tiva que permitiría estabilizar a algu-nos actores (agricultores, forestales),las condiciones de un desarrollo delos SAF exitoso a largo plazo superanlos inconvenientes microeconómicosde los agentes. El considerar los equi-librios entre las fuerzas centrífugas(que tienden a empujar a estos acto-res hacia nuevos macizos forestales)y las fuerzas centrípetas (que tiendena estabilizar las regiones ya defores-tadas) es un elemento esencial paradefinir las medidas que puedan ace-lerar el desarrollo de estos sistemasreduciendo, así, las nefastas conse-cuencias de la deforestación.

Palabras clave: deforestación, sis-tema agroforestal, ganadería bovina,frente pionero, Amazonia, Brasil.

Introduction

Cet article propose une réflexionsur l’évolution des fronts pionniers enAmazonie orientale brésilienne, en yrecherchant les facteurs intervenantdans l’adoption potentielle des sys-tèmes agroforestiers (SAF) par les dif-férents acteurs1. Cette réflexion faitsuite à un travail de terrain conduitpar une équipe pluridisciplinaire dansle cadre de différents projets derecherche2. Nous évoquerons, dansun premier temps, la situation au seinde l’agriculture familiale puis celledes grands propriétaires, avantd’analyser le potentiel et les facteurslimitants des SAF en Amazonie orien-tale brésilienne.

En Amazonie brésilienne (carte 1),de vastes surfaces forestières dispa-raissent chaque année du fait de l’im-plantation de pâturages pour l’élevagebovin et, en plus faibles proportions,de cultures vivrières et pérennes (rizpluvial, manioc, cacaoyer, poivrier,caféier). Le maintien ou le rétablisse-ment progressif des équilibres écolo-giques, tels que les cycles de nutri-ments ou la conservation des sols,sont nécessaires pour garantir la stabi-lité dans le temps de ces nouveauxmodes d’utilisation de la terre, qui suc-cèdent à la forêt. L’agroforesteriedésigne « les systèmes d’utilisationdes terres dans lesquels on fait pous-ser des arbres ou des arbustes enassociation avec des cultures, despâturages ou du bétail, et dans les-quels existent des interactions à la foisécologiques et économiques entre lesligneux et les autres composantes »(Young, 1995). Une pratique agrofores-tière est un arrangement caractéris-tique de composantes dans l’espace et

dans le temps. Un système agrofores-tier est un exemple local spécifiqued’une pratique, caractérisé par l’envi-ronnement, les espèces et l’arrange-ment des végétaux, le mode de gestionet le fonctionnement économique etsocial. Les arbres peuvent être volon-tairement introduits par les agricul-teurs, provenir spontanément dessemences présentes dans les sols oud’un défrichage sélectif de la parcelleanciennement couverte de forêts.Caractéristique essentielle de ces sys-tèmes, l’agriculteur cultive et soigneles espèces arborées, car il y trouve unintérêt pour l’ensemble de son exploi-tation. Au sein des SAF, on peut distin-guer les systèmes sylvopastoraux,associant des arbres aux pâturagespour l’élevage, les systèmes agrosylvo-pastoraux, qui y associent égalementdes cultures, et les systèmes agrofo-restiers, sans composante élevage.

En théorie, des complémentaritésentre ces différents types d’activitéspeuvent augmenter de manière signifi-cative l’efficacité de l’utilisation desressources naturelles sur les frontspionniers amazoniens. Ainsi, en zonetropicale, l’intégration de l’arbre dansles pâturages pour l’élevage bovintente de reproduire en partie les équi-libres écologiques fournis par les éco-systèmes forestiers naturels, contri-buant à diminuer les conséquencesécologiques néfastes de la déforesta-tion (Payne, 1985) ; par exemple, enpermettant une plus grande rétentiond’humidité dans les sols, l’implanta-tion d’arbres peut augmenter la pro-ductivité des pâturages, notammenten saison sèche. Cependant, les pra-tiques d’utilisation de la terre mises en

œuvre sur les fronts pionniers ne tien-nent guère compte de cette réductiondu stress thermique et des gains deproductivité liés à un meilleur ombrage(Veiga, Veiga, 2000). Le maintien inten-tionnel d’arbres, isolés ou en bos-quets, s’observe donc rarement surces territoires. D’autant plus que lestechniques les plus simples et lesmoins coûteuses pour l’implantationet l’entretien des pâturages sont fon-dées sur l’usage du feu. Or celui-ci estincompatible avec la croissanced’arbres sur la parcelle, sauf pourquelques rares espèces. Cet exemplemontre que la problématique des SAFsur les fronts amazoniens est bien celled’une activité potentiellement intéres-sante mais dont le développementpose encore de nombreuses questionsà la recherche.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 77SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

1 Il ne s’agit pas de présenter dans cet article l’ensemble des bénéfices potentiels que lesagriculteurs pourraient tirer de systèmes agroforestiers bien conçus mais plutôt d’analyser, dansle contexte dynamique de l’Amazonie orientale, les principaux facteurs qui semblent pouvoirintervenir dans l’adoption des SAF.

2 « Cattle Ranching and Land Use in Amazon Region », financé par l’IAI (Inter American Institute ) ;« Uso da terra, dinâmica da paisagem e construção do espaço na Amazônia brasileira : análisecomparativa e metodologia de monitoramento em área de fronteira agrícola », financé par lePPG7 (Programme pilote du Groupe des sept pour la conservation des forêts du Brésil) ;« Sustentabilidade da pecuária leiteira na agricultura familiar da Amazônia oriental », financé parl’Embrapa (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária) ; « Pesquisa-Desenvolvimento paradinamizar a produção leiteira no Pará », financé par l’État du Pará.

Pâturage de Brachiaria brizantha en association avecdes châtaigniers du Brésil hérités de la forêt primaire.Épargné de la coupe, le châtaignier ne peut semaintenir que dans des systèmes d’entretien desprairies prohibant l’usage du feu. Uruara (Pará, Brésil),août 2000. Brachiaria bryzantha grazing land in association withBrazilian chestnut trees bequeathed by the primaryforest. Spared from felling, the chestnut can only bemaintained in systems of grassland upkeep where theuse of fire is banned. Uruara (Pará, Brazil, August 2000.)Photo J.-F. Tourrand.

Une faibleprésence des SAF

sur les frontspionniers : le casde l’agriculture

familiale

La communauté scientifique etles bailleurs de fonds de la rechercheont toujours montré un grand intérêt àpromouvoir la définition et l’implanta-tion de SAF adaptés aux milieux phy-siques et humains d’Amazonie.Plusieurs projets ont vu le jour depuisle début des années 1990, liés à larecherche d’alternatives à la défores-tation et à la dégradation des sols cul-tivés sur les fronts pionniers. Lesfinancements du PPG7 ont, à ce titre,été mobilisés pour mettre en placedes projets pilotes sur des parcellesexpérimentales ou au sein même desexploitations agricoles par le biais dela recherche participative. Malgrécela, il s’agit encore d’un sujet relati-vement nouveau et complexe danscette région, et peu de propositionspratiques avaient réellement fait leurspreuves en Amazonie brésilienne au

milieu des années 1990 (Van Leeuwenet al., 1995). En outre, les efforts pourétablir des SAF dans les zones tam-pons pour contenir la déforestation etsur les terres dégradées ont connugénéralement peu de succès danscette région (Vosti et al., 1998).

Les SAF sont souvent considéréscomme une alternative pour éviterque les colons ayant une exploitationde taille limitée (100 ha) se trouventpris dans un cercle vicieux où l’usagepermanent des sols entraîne unedégradation de leur fertilité. Cettedégradation pousserait les exploi-tants à défricher régulièrement denouvelles parcelles de forêt, avec àterme la vente du lot foncier. Écologi-quement et socialement parlant, lesSAF apparaissent plus durables queles systèmes de production fondéssur les cultures annuelles ou péren-nes seules, ou les pâturages. En effet,ils présentent, par rapport à ces der-niers, une biomasse et une densitépermanente de racines plus élevées ;celles-ci favorisent le maintien d’uncapital chimique important dans lessols et un meilleur fonctionnementdes différents cycles des nutriments.De plus, certaines espèces ligneuses

Carte 1.Localisation de la zone de l’étude en Amazonie. Location of the study zone in Amazonia.

Lot familial de 100 ha entièrement en pâturages. Unbosquet a cependant été maintenu dans le secteur leplus encaissé bordant un petit cours d’eau. Des fruitiers(manguiers) ont été plantés à proximité des habitations. 100-hectare family lot, all given over to grazing land. Acopse has nevertheless been kept in the steepest partalong the banks of a small water-course. Fruit trees(mangoes) have been planted close to the dwellings. Photo J.-F. Tourrand.

78 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

fixatrices d’azote permettent deréduire la compétition de leursracines avec les cultures, limitantl’épuisement du sol et mettant davan-tage d’azote à la disposition desplantes associées non fixatricesd’azote. Enfin, si les résultats ne sontpas encore définitifs, les quelquesdonnées existantes confirment queles systèmes agroforestiers peuvent,sous certaines conditions, réduirel’érosion des sols (Young, 1995).Cette meilleure gestion de la fertilitédes sols peut donc se traduire parune plus grande durabilité des sys-tèmes de production familiaux.

Au regard de ces perspectivesprometteuses, un recensement dessystèmes sylvopastoraux existant enAmazonie à la fin des années 1980montre la capacité d’innovation decertains éleveurs dans les zonesd’ancienne colonisation (ribeirinhos,ou Amazonie des fleuves). En effet,dans ces zones, l’interdépendanceentre le maintien de l’homme et celuides ressources naturelles a conduitau développement de systèmes deproduction assez proches des éco-systèmes naturels. La plantationd’arbres sur les terres agricoles serencontre en particulier lorsque lesagriculteurs recherchent des alterna-tives pour récupérer des pâturagesen cours de dégradation (Veiga et al.,1990 ; Veiga, Veiga, 2000 ; tableau I).

Cependant, la situation est biendifférente sur les fronts pionniers oùla logique dominante est la valorisa-tion de la fertilité naturelle de la bio-

masse forestière par le brûlis, based’implantation des systèmes d’éle-vage bovin pour la viande. Un recen-sement, non encore publié, réaliséentre 1994 et 1996 par un consortiumde chercheurs de l’Embrapa, del’UFPA (Université fédérale du Pará)et du Cirad et portant sur environ 800exploitations dans différentes régionsd’Amazonie orientale, montre que laplupart des producteurs familiauxsont peu intéressés par les SAF. Unedes principales justificatications estque l’utilisation du feu rend pratique-ment impossible le maintien d’arbressur les parcelles défrichées. Desexceptions méritent cependant d’êtresignalées. Des producteurs font par-fois un nettoyage manuel et sélectifdes pâturages en laissant se dévelop-per les espèces arborées de meilleurevaleur marchande, comme parexemple l’ipê (Tabebuia serratifolia).Ponctuellement, il existe des cas deproducteurs particulièrement inno-vants qui plantent des espèces arbo-rées à forte valeur marchande commele mogno (Swietenia macrophylla,acajou d’Amérique) et l’ipê (T. serrati-folia), en association avec des cul-tures pérennes, comme le cacaoyer,le poivrier et le caféier.

D’autres enquêtes réalisées surun échantillon d’un peu plus d’unecentaine d’exploitations, entre 1988et 1993, mettent également en évi-dence l’innovation spontanée d’uncertain nombre de petits colons, quiinstallent une parcelle agroforestière(entre 1 et 5 ha) associant des cul-

tures pérennes avec des arbres frui-tiers ou des arbres pour la productionde bois (Smith et al., 1996). Sur 108configurations agroforestières étu-diées, ces auteurs n’ont que très rare-ment rencontré les mêmes associa-tions. Ainsi, l’association la plusfréquente a été relevée cinq fois seu-lement : elle est constituée de poi-vriers et d’orangers ; elle est suiviedes associations cacaoyer-hévéa,cocotier-oranger, manioc-bananier etmanioc-oranger (chacune rencontréeà quatre reprises). Plus de la moitiédes espèces plantées est originaired’autres régions du monde. Pour unemême espèce cultivée, il est égale-ment courant de rencontrer plusieursvariétés, ce qui permet d’augmenterla résilience du système ainsi établi.Enfin, des entretiens qualitatifsrécents confirment de nouveau larareté et le caractère encore expéri-mental des systèmes agroforestiersau sein de l’agriculture familiale(Boulanger, 2001).

Les politiques publiques ontsouhaité combler le fossé entre lesavantages théoriques des SAF et lestaux très bas de leur adoption par lesproducteurs familiaux des frontspionniers. Au début des années 1990,le gouvernement brésilien a mis enplace un programme de crédit, leFonds national d’aide à la région nord(FNO, Fundo Constitucional doNorte), visant à réduire les inégalitésde développement entre les grandesrégions brésiliennes, à apporter unsoutien financier orienté notamment

Nom de l’espèce arborée Espacements Produits/services recherchés

Hévéa (Hevea brasiliensis) 3 m x 7 m Latex, fourrage

Cocotier (Cocos nucifera) 10 m x 10 m Fibre de coco, noix de coco, fourrage

Palmier à huile (Elæis guineensis) 9 m x 9 m Fruits pour l’huile de palme, fourrage

Cajou (Anacardium occidentale) 10 m x 10 m Noix de cajou, fruits de cajou, fourrage

Urucu (Bixa orellana) 5 m x 5 m Fruits et graines pour colorants alimentaires, fourrage

Pin des Caraïbes (Pinus caribaea) 2,2 m x 4 m Fourrage, ombre pour les animaux, esthétique du paysage, bois

Manguier (Mangifera indica) 12 m x 12 m Fruits, fourrage

Noyer du Brésil (Bertholletia excelsa) 15 m x 15 m Noix, fourrage, récupération d’un pâturage dégradé

Teck (Tectona grandis)et paricá (Schizolobium parahiba var. amazonicum) 3 m x 3 m Bois, fourrage, récupération d’un pâturage dégradé

Source : Veiga et Veiga, 2000.

Tableau I. Quelques systèmes sylvopastoraux implantés en Amazonie,avec une composante arborée plantée.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 79SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

vers les établissements agricolesfamiliaux, et à promouvoir une agri-culture durable (Banco da Amazônia,1998). Parmi les paquets technolo-giques proposés, on trouvait l’asso-ciation de cultures pérennes etd’arbres fruitiers comme le cupuaçu(Theobroma grandiflora) et le coco-tier (Cocos nucifera). À quelquesexceptions près, le programme a fortpeu contribué au développement desSAF, essentiellement pour des rai-sons agronomiques (difficultés decroissance des arbres, manque d’as-sistance technique) et économiques(prix incertain, difficulté de commer-cialisation du fait d’infrastructuresmédiocres et de l’absence de filières)(Arrima, 1998). Le succès du pro-gramme FNO n’est venu qu’avec l’in-troduction d’une composante éle-vage dans ce paquet technologique.Cependant, le programme ne s’estpas traduit par l’adoption de SAF,notamment dans l’État du Pará, ceux-ci étant délaissés au profit de l’éle-vage bovin seul, éventuellementassocié à une monoculture (Sebas-tian, 1996). Un tel résultat est égale-ment lié à la faiblesse des connais-sances techniques et socialesdisponibles sur ces systèmes, mêmeau sein de la recherche, et au fait queles organismes de financement n’ontaccordé que des délais inférieurs àquatre ans, bien en deçà du tempsrequis pour une réelle consolidationet rentabilisation du système.

Il est incontestable que l’adop-tion de SAF peut demander un capitalimportant, notamment dans uncontexte de récupération de parcellesdégradées. De plus, le retour surinvestissement est nécessairementlent. L’accès au crédit est donc fonda-mental, en particulier pour les produc-teurs familiaux. Mais un programmecomme le FNO n’apporte pas uneréponse suffisante3. Cet échec relatifa cependant permis de mettre enlumière plusieurs freins de naturetechnique et commerciale. Outre laprécarité de l’assistance technique etles difficultés d’accès au marché, lefaible intérêt des producteurs pour lesSAF semble également lié au prix peu

élevé du bois payé au producteur et à la durée d’amortissement d’un tel investissement, beaucoup pluslongue que dans l’horizon temporeldu pionnier amazonien. La présencede massifs forestiers encore suffisam-ment proches explique le plafonne-

ment du prix au producteur : à titred’exemple, sur la Transamazonienne,dans la région d’Uruará, les scieurspaient entre 15 et 40 reais seulementun arbre de gros diamètre (soit entre6 et 17 $ E.-U.) (Boulanger, 2001). Aufur et à mesure que les ressources

80 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

3 À ce titre, Smith et al. (1996) indiquent que la plupart des systèmes agroforestiers rencontrésdans leurs régions d’enquête ont été développés de manière complètement spontanée par lesagriculteurs, sans assistance technique ni crédit.

1986

1992

forestières s’éloignent, comme dansle cas des fronts pionniers anciens, lemarché peut devenir plus intéressantpour le producteur agricole. Enfin, ilfaut mentionner la disponibilité enmain-d’œuvre, qui est un facteur limi-tant pour l’agriculture familiale : lesSAF sont des systèmes de productionintensifs en travail, à l’inverse des sys-tèmes d’élevage bovin, alors que ladotation en main-d’œuvre de cesexploitations est limitée aux membresde la famille (Lele et al., 2000).

En plus des producteurs fami-liaux, d’autres acteurs sont candidatspour la mise en place de SAF : ce sontles grands propriétaires fonciers seconsacrant à l’élevage bovin extensif(fazendeiros). Le grand nombre de cesacteurs et leur poids dans les dyna-miques de développement régionalpeuvent être des éléments détermi-nants du succès des SAF en Amazonie.

Cycles decolonisation etstratégies des

grandspropriétaires

Dans plusieurs régions d’Ama-zonie (Redenção, Paragominas,Altamira…), de grands propriétairesfonciers plantent des arbres en mono-culture ou en association avec despâturages, notamment à l’occasion dela réforme d’une parcelle dégradéepar la prolifération des adventicesnon pâturées par les animaux. Pourcomprendre de telles initiatives, il fautreconstituer l’histoire de ces acteurs.Bien souvent, ceux-ci ont été desexploitants forestiers (madeireiros),

ou ils appartiennent à des groupesfamiliaux impliqués dans l’exploita-tion forestière. En effet, l’archétype dufazendeiro4, fréquemment rencontréen Amazonie brésilienne, est souventarrivé sur le front pionnier il y a vingt àtrente ans, avec l’objectif d’investirdans le secteur du bois. Natif desÉtats du Goiás, du Minas Gerais etparfois de São Paulo, ce type de pion-nier est arrivé à l’âge de 25-30 ans etsa famille possède souvent une solideexpérience agricole ainsi qu’une tra-dition d’émigration, au long desgrandes trajectoires migratoires brési-liennes (Nordeste, Sud, Sudeste ouCentre-Ouest). L’établissement etl’administration d’une unité de sciagesur les fronts amazoniens consti-tuaient à cette époque une des princi-pales activités lucratives pour lesentrepreneurs pionniers, qui s’y sontconsacrés en masse, donnant lieu àun « cycle du bois ».

Le bon fonctionnement d’unescierie est basé sur une coordinationefficace de l’approvisionnement engrumes. Cet accès à la matière pre-mière se fait de deux manières. D’unepart, les propriétaires des scieriespeuvent passer des contrats informelsavec les différents acteurs du foncierqui souhaitent défricher une parcelleen forêt ou vendre les essences pré-cieuses de leur réserve forestière5.D’autre part, ils collectent le bois dansdes zones de forêts encore publiques,loin en avant des fronts. Traçant despistes de saison sèche qui s’enfon-cent dans les massifs forestiers deplusieurs centaines de kilomètrespour en retirer les grumes précieuses,les compagnies forestières sont doncl’avant-garde d’un mouvement pion-nier continuellement dynamique.Elles en tirent un énorme avantagequi est le contrôle sur le foncier, enté-riné à terme par l’établissement depâturages. Les forestiers arrivent ainsià accumuler d’immenses domaines,mesurés parfois en centaines de mil-liers d’hectares, qui sont autant deréservoirs pour l’approvisionnementdes scieries.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 81SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

La déforestation vue par satellite, sur le front pionnier de São Félix do Xingú, en1986 (capteur MSS), en 1992 (capteur TM5) et en 1999 (capteur ETM+). Les tonsrosés font ressortir les secteurs déforestés, qui consistent essentiellement en des pâturages, plus ou moins envahis par des ligneux. Deforestation as seen by satellite, on the pioneer front of Sao Felix do Xingu, in1986 (MSS sensor), in 1992 (TM5 sensor) and in 1999 (ETM+ sensor). The pinkareas indicate deforested sectors, which consist on the whole of grazing land,more or less invaded by ligneous species.Photos R. Poccard-Chapuis.

4 Propriétaire d’une fazenda, c’est-à-dire d’une exploitation d’élevage bovin de grande taille (généralement supérieure à 500 ha).

5 La législation environnementale brésilienne oblige tous les propriétaires fonciers à préserver la forêt sur50 % de leur propriété (80 % depuis 2000). Le front de déforestation n’est donc pas rectiligne : denombreux fragments forestiers subsistent, qui constituent des réserves forestières. La loi n’est cependantpas toujours respectée et nombreux sont ceux qui ont déjà défriché plus de 80 % de leurs surfaces.

1999

Malgré tout, après quelquesannées d’exploitation, le stock debois sur pied de forte valeur mar-chande (comme l’acajou) devientinsuffisant, ou trop éloigné, ce quientraîne des coûts de transport prohi-bitifs. La gestion des réserves propreset de celles des autres acteurs dansles zones déjà colonisées devient fon-damentale. En outre, les billes demoindre qualité (diamètre plus fin,essences moins précieuses…) sontprogressivement exploitées. Poursurvivre à la raréfaction de la matièrepremière, le scieur doit ensuite dépla-cer son unité de transformation plusen avant afin d’accéder à de nou-veaux espaces forestiers. S’il n’a pascette souplesse, il doit supporter descoûts de production de plus en plusélevés et des volumes de productionde plus en plus faibles, d’où unesituation de crise que ces entrepre-neurs savent inéluctablement liée àleur profession.

C’est pourquoi la possibilité,grâce au contrôle du foncier, de sereconvertir dans les activités d’éle-vage et de spéculation foncière estconsidérée comme la sortie classiquedes madeireiros dès lors que la res-source bois est trop rare. Ainsi lecycle du bois soutient-t-il naturelle-ment ceux du bœuf et de la terre, lestrois s’imbriquant étroitement dansdes processus d’avancée des frontspionniers et de gestion prédatrice desressources naturelles. L’implantationde pâturages est une conditionnécessaire à l’efficacité de ces straté-gies, car elle présente plusieurs avan-tages :

▪ garantir la propriété de la terreet éviter les risques d’invasion par lespaysans sans terre (qui visent surtoutdes parcelles de forêt) ;

▪ valoriser les surfaces sur lelong terme, puisqu’un hectare depâturages vaut cinq à dix fois le prixd’un hectare de forêt, et que les gra-minées plantées empêchent durable-ment et à moindre coût le retour àdes formations ligneuses (dans lamesure d’une gestion adéquate ducouvert fourrager) ;

82 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

Systèmes sylvopastoraux d’établissements laitiers familiaux. L’un (a) comprend une plantation decocotiers (Cocos nucifera) dans un pâturage de Brachiaria humidicola, alors que, dans l’autre cas(b), le producteur a introduit quelques espèces à ombrage pour le repos des animaux. Silvopastoral systems in family dairy farms. One (a) includes a coconut plantation (Cocos nucifera)in Brachiaria humidicola grazing land, while, in the other case (b), the producer has introduced afew shade-providing species for animals resting.Photos R. Poccard-Chapuis.

a

b

▪ permettre une activité particu-lièrement intéressante sur les frontspionniers car dépourvue de toutrisque financier, à savoir l’élevagebovin ;

▪ accessoirement, faciliter l’ac-cès au crédit en donnant des garan-ties aux prêteurs.

Contrairement à d’autres sys-tèmes de production, les besoins enmain-d’œuvre pour installer des sur-faces en pâturages ne varient pasproportionnellement à la taille del’exploitation, ce qui en fait un moyenpeu coûteux de valoriser de vastessuperficies (Vosti et al., 1998). Enoutre, si le revenu moyen, comprisentre 30 et 100 $ E.-U. par hectare etpar an selon le système mis en place(éleveur naisseur, engraisseur), estpeu élevé par rapport à d’autres sys-tèmes de production comme la cul-ture du poivrier, le risque pris par leséleveurs est pratiquement nul, enparticulier dans les activités d’en-graissement. Cela est lié non seule-ment aux caractéristiques intrin-sèques de ce type d’activité maisaussi à un marché de la viande bovinepeu risqué. En effet, les risques demortalité des animaux sont pratique-ment nuls dans les activités d’en-graissement. On peut ajouter qu’ilsemble exister une plus grande flexi-bilité de gestion des pâturages, quidiminue les risques à long termed’une erreur de gestion, par rapportaux cultures et aux arbres. La durabi-lité d’un pâturage dépend de sonimplantation et de son entretien. Unebonne implantation coûte enmoyenne entre 150-200 $ E.-U. parhectare ; le coût d’entretien annueld’un pâturage bien implanté est com-pris entre 10 et 15 $ E.-U. par hectare.Avec des pratiques de gestion adé-quates, un pâturage ne rentre pas for-cément dans un processus de dégra-dation. On trouve ainsi en Amazoniedes pâturages de plus de vingt ansqui n’ont aucun problème de dégra-dation, tout comme des pâturages demoins de dix ans qui sont au contraireenvahis par les adventices. Enfin, lastabilité du prix de la viande bovine

Systèmes sylvopastoraux pour la production de bœuf à viande et d’arbre pour le bois. Le premier(a) associe le paricá (Schizolobium amazonicum) avec un pâturage de Brachiaria bryzantha. Lesecond (b) associe le paricá et le teck sur B. bryzantha.Silvopastoral systems for beef and timber production. The former (a) associates paricá(Schizolobium amazonicum) with Brachiaria bryzantha grazing land. The latter (b) associatesparicá and teak on Briachiaria bryzantha.Photo a : J.-B. Veiga.Photo b : J.-F. Tourrand.

a

b

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 83SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

est un facteur majeur dans le choix del’élevage bovin, ce qui contraste radi-calement avec les fluctuations impor-tantes des prix des autres produitsagricoles comme le cacao et le poivre.

La sécurisation de la propriétéde la terre et la recherche d’un revenustabilisé expliquent que l’implanta-tion de pâturages soit l’alternative laplus couramment retenue sur lesfronts pionniers. De plus, à l’heure dese lancer dans l’élevage, les annéesd’exploitation forestière ont généréune trésorerie importante, qui permetde couvrir facilement les coûts d’in-vestissement initiaux, prohibitifspour d’autres acteurs (plantation dupâturage, construction de routes, ins-tallation d’un corral, achat du trou-peau…). La bonne valorisation ducapital financier est donc un autreaspect des relations étroites existantentre les activités forestières et lesactivités d’élevage. Cela est confirmépar le fait que, depuis quelquesannées, les exploitants forestierssemblent majoritairement investirdans l’achat de troupeaux plutôt quedans l’achat de matériels de sciagemodernes et performants (Fleury,1999). En fait, l’exploitation forestièreet l’élevage bovin sont deux cyclessuccessifs, le premier permettant ledépart du second, et le second étantla meilleure façon de valoriser le pre-mier, du point de vue des acteurs.

Tout au long de ce processusdynamique d’évolution du front pion-nier, les conditions de vie des exploi-tants forestiers et des fazendeiros ten-dent à s’améliorer, particulièrementdans les centres urbains, avec le déve-loppement des routes et des rues,l’accès à l’énergie, l’émergence desservices… Occupant une positionsociale privilégiée, ils deviennent descitoyens urbains menant une vie relati-vement confortable. L’améliorationdes conditions de vie explique pour-quoi l’ancien exploitant forestier, s’il asu gérer ses activités, n’est plus prêt àrepartir avec sa famille et ses biens enavant sur la « frontière du bois ».L’aboutissement d’une telle trajectoirepourrait favoriser l’adoption de SAF.

Potentiel etfacteurs limitants

des SAF enAmazonie

brésilienne

Les alternatives classiques del’exploitant forestier sont soit d’allerplus en avant sur le front pour se pro-curer de nouvelles ressources enbois, soit d’abandonner le secteurbois pour donner la priorité au sec-teur agricole, avec l’élevage bovin. Laspéculation foncière se pratiquequelle que soit l’alternative retenue,et ce choix dépend d’une multitudede facteurs personnels, familiaux,sociaux et économiques. Cependant,il apparaît que la tradition du groupefamilial auquel le pionnier appartientet la présence de parents capables degérer les différentes filiales de la mai-son mère sont primordiales.

C’est dans ce cadre que la plan-tation d’arbres à bois sur les pâtu-rages peut présenter des avantages,en particulier pour ceux qui sontproches des voies de communicationou qui nécessitent une réforme méca-nisée parce qu’ils sont fortementdégradés. En effet, la plantation peutréduire de manière significative lescoûts de transport grâce à une nou-velle proximité de la matière pre-

mière. De plus, les plantations per-mettent un approvisionnement enbois régulier et contrôlé à moyen oulong terme en fonction des opportu-nités du marché. Un troisième béné-fice peut être la consolidation de lapropriété foncière, s’il est reconnuque la reforestation garantit la pos-session officielle de la terre (confor-mément à la législation environne-mentale). Un avantage supplémen-taire non négligeable est lié à l’imagepositive, sur le plan écologique, quepeut alors offrir l’entreprise et dontelle peut se servir comme argumentcommercial. Enfin, on peut égalements’attendre à ce que ces entrepreneurscherchent à tirer parti des nouveauxinstruments tels que les mécanismesde développement propre (MDP) dela Convention climat, pour obtenirdes financements de leurs nouveaux« puits de carbone », ou des créditsde reboisement. La plantationd’arbres se présente donc commeune troisième voie pour les exploi-tants forestiers. Elle fournit à moyenterme un nouveau souffle aux scie-ries, en substituant une matière pre-mière cultivée à la matière premièrecollectée en forêt naturelle, ce quis’inscrit bien dans les nouvelles ten-dances et politiques de développe-ment durable en Amazonie.

Outre cette nouvelle rentabilitédes scieries, les ressources agricoles

84 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

Système agroforestier, associant l’ananas et diverses essences de bois précieux et semi-précieux (acajou d’Amérique, Swietenia macrophylla, et ipê, Tabebuia serratifolia). Agroforestry system, associating pineapple and various species of precious and semi-precious timber (American mahogany, Swietenia macrophylla, and ipê, Tabebuia serratifolia).Photo J.-F. Tourrand.

peuvent également être améliorées,notamment par la mise en place decultures annuelles ou semi-pérennesentre les lignes d’arbres les premièresannées, le pâturage étant introduit àla cinquième ou sixième année. À par-tir de la septième année, l’exploita-tion forestière peut commencer avecune première coupe de 25 à 30 % destiges, ce qui permet d’accélérer lacroissance des autres arbres. Vers ladixième année, une seconde coupepeut être réalisée, comme le montrel’exemple d’un grand propriétaireayant planté du teck sur ses parcellesà Redenção, dans le sud de l’État duPará. Durant ce laps de temps, desbovins de races améliorées, plus sen-sibles à l’insolation, pourront trouversous les essences plantées unombrage adéquat6.

Certaines contraintes peuventcependant gêner le développementdes SAF. Le temps de retour sur inves-tissement, évoqué précédemment,exige que les pionniers, d’unemanière générale, aient un horizontemporel d’au moins vingt ans. Si laquestion du crédit n’est sans doutepas un problème pour les grandsfazendeiros, elle l’est plus pour l’agri-culture familiale, d’autant que les for-mules actuelles sont inadéquates.Une contrainte supplémentaire, fon-damentale, est le risque de feux acci-dentels qui peuvent détruire enquelques heures un investissementde plusieurs années. Il y a toujours eudes feux en Amazonie mais des tra-vaux récents montrent que ceux-ciont tendance à devenir plus fré-quents, plus étendus et moins contrô-lés ; ainsi, 47 % des surfaces brûléesle seraient accidentellement, à lasuite d’un mauvais contrôle du feu denettoyage dans une parcelle voisine(Nepstad et al., 1999). Ce risque estparticulièrement présent dans lesrégions de transition forêt-savane,lors de saisons sèches plus mar-quées. C’est pourquoi il existe uneforte demande pour des méthodesalternatives d’entretien du pâturage,convergeant avec une demande pourdes espèces arborées résistantes auxfeux accidentels. Enfin, en ce qui

concerne les systèmes qui pourraientse développer au sein des fazendas,on observe surtout un manque deconnaissances techniques spécifi-quement amazoniennes, la rechercheayant plutôt porté sur des petites sur-faces destinées à l’agriculture fami-liale, ou dans d’autres écosystèmes.Façons culturales, variétés utili-sables, associations, rotations, coûts,rentabilité et accès au marché restentà préciser. Pour l’heure, les acteursqui se lancent dans de tels systèmesle font par nécessité de trouver unetroisième voie et construisent peu àpeu leur propre référentiel technique.

Dans le cas de l’agriculture fami-liale, il faut mentionner quelquesaspects spécifiques. En premier lieu,l’agriculture familiale dispose de faibles capitaux financiers etrecherche avant tout une sécurisationdes revenus, actuellement offerte parl’élevage bovin. L’implantationd’arbres sur les parcelles peut certespermettre une diversification desrevenus et ainsi réduire les risquespris, mais uniquement s’il existe unegarantie d’accès au marché dans debonnes conditions. Dans le cas descultures de rente ou des arbres frui-tiers, les fortes fluctuations des prixet l’absence d’unités locales de trans-formation de ces produits sont unfrein puissant au développement deces systèmes7 (Smith et al., 1996 ;Vosti et al., 1998). Leur expansionn’est envisageable que si des unitésde transformation et de commerciali-sation de ces produits sont simulta-nément mises en place, que ce soitpar des entrepreneurs privés ou pardes coopératives contrôlées par lesagriculteurs eux-mêmes.

Dans le cas des arbres pour laproduction de bois, la situation estplus favorable puisque les scieriessont déjà en place, pour le moment,et manquent de matière première.Cependant, rien ne garantit que ce

sera encore le cas dans une vingtained’années et que le bois pourra êtrevendu à bon prix, sachant que l’agri-culteur n’est pas maître de cette déci-sion puisqu’il n’est pas propriétairedes scieries. Pour stimuler la planta-tion d’arbres à bois, la mise en placepréalable de formes de contrat entrescieries et colons pourrait être uneexcellente initiative. Les scieurs ytrouveraient également un intérêt, enatteignant plus rapidement desvolumes suffisants de matière pre-mière pour faire tourner leur indus-trie8. Un autre facteur peut handica-per l’agriculture familiale, c’est sadispersion géographique qui se tra-duira par des coûts de transport éle-vés pour le scieur. En effet, ce derniera intérêt à collecter du bois en quan-tité importante auprès d’un petitnombre de grands exploitants, plutôtque de traiter avec une multituded’acteurs dispersés. Il y a là un rôleimportant à jouer par les organisa-tions paysannes pour regrouper lesintérêts des petits producteurs dansun bassin donné. Cette même fonc-tion peut également permettre à cesacteurs de bénéficier plus facilementdes mécanismes de développementpropre. Il faut souligner que cette dis-persion est d’autant plus importanteque les SAF sont intensifs en facteurtravail ; c’est pourquoi les agricul-teurs risquent de ne pouvoir dévelop-per ces systèmes de production quesur de petites surfaces (Lele et al.,2000).

Ainsi, si des divergences struc-turelles séparent encore producteursfamiliaux et grands propriétaires, ilest probable que leurs intérêtsdeviennent compatibles pour viabi-liser de nouvelles activités produc-tives, notamment les SAF. On observed’ailleurs de telles complémentaritésdans d’autres filières amazoniennes,notamment la filière viande bovine(Poccard-Chapuis et al., 2001).

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 85SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…

6 Pour une description plus complète des aspects techniques de ces systèmes, on peut se référer àVeiga et Veiga (2000). Un nouveau projet est actuellement mis en place, sous la direction de l’EmbrapaAmazônia Oriental, qui vise à quantifier les gains de productivité potentiels des systèmessylvopastoraux dans les exploitations laitières en Amazonie brésilienne.

7 À ce titre, un grand nombre d’agriculteurs sur les fronts pionniers ont généralement à proximité de leurhabitation des jardins, qui sont en fait des SAF, mais qui couvrent de très faibles surfaces et sontdestinés principalement à l’autoconsommation. Les difficultés d’accès au marché sont une causemajeure de l’absence d’expansion de ces jardins sur de plus grandes surfaces (Smith, 1996).

8 Des enquêtes qualitatives récentes dans le municipe d’Uruará confirment l’intérêt des scieries pour untel scénario (Boulanger, 2001).

Référencesbibliographiques

Conclusion

Au cours d’enquêtes réaliséesen Amazonie brésilienne, il a étéconstaté que certains acteurs com-mençaient à introduire des arbres surleurs parcelles agricoles, comme l’ipê(Tabebuia serratifolia), le mogno(Swietenia macrophylla) ou le teck(Tectona grandis). L’implantationd’arbres pour la production de boissemble actuellement être un moyenenvisageable de stabiliser certainsacteurs des fronts pionniers (indus-triels du bois, forestiers, agricul-teurs), tout en évitant les consé-quences écologiques néfastes de ladéforestation et les réductions mas-sives d’emplois liées à la fermeturedes scieries lorsque l’approvisionne-ment en bois de la région est épuisé.

Il subsiste de puissants freinsau développement de ces systèmes,qui sont souvent liés à l’incertitude età la rapidité des changements quientourent le contexte pionnier. Lessolutions évoquées ici montrent que,au-delà d’un raisonnement micro-économique à l’échelle de l’exploita-tion (disponibilité en main-d’œuvre,en capital), c’est tout un environne-ment régional qu’il faut considérer.Celui-ci est composé de forces centri-fuges (comme la disparition des res-sources en bois, l’accès encore pos-sible à de nouveaux massifsforestiers), poussant les acteurs versde nouveaux espaces forestiers, et deforces centripètes (comme le déve-loppement des industries de transfor-mation qui ont un intérêt à réduire lescoûts de collecte de la matière pre-mière), tendant à stabiliser lesrégions déjà déforestées. Le potentieldes SAF en Amazonie brésiliennedépend des équilibres qui peuvents’établir entre ces différentes forces.Seules des politiques et des actionsde recherche-développement prenanten considération ces différentsaspects sont susceptibles de favori-ser le développement durable de cessystèmes.

ARRIMA E., 1998. Caracterização dospequenos agricultores beneficiariosdo FNO. Belém, Brésil, Imazon, 22 p.

BANCO DA AMAZÔNIA, 1998. Manualde orientação aos beneficiarios dosetor rural. Belém, Brésil, Basa, 28 p.

BOULANGER D., 2001. L’arbre horsforêt sur le front pionnier amazonien :le cas du municipe d’Uruará-PA dansla région de la Transamazonienne(Brésil). Mémoire de fin d’études,Engref, France, 77 p.

FLEURY M. F., 1999. Différents aspectsde la filière bois en Amazonie brési-lienne. Bois et Forêts des Tropiques,259 (1) : 59-65.

LELE U., VIANA V. M., VERISSIMO A.,VOSTI S., PERKINS K., HUSAIN S. A.,2000. Forest in the balance : chal-lenges of conservation with develop-ment. An evaluation of Brazil’s forestdevelopment and World Bank assis-tance. Washington DC, États-Unis,World Bank, Operations EvaluationDepartment, Preliminary Report, 149 p.

NEPSTAD D., MOREIRA A. G., ALEN-CAR A. A., 1999. Flames in the rain for-est : origins, impacts and alternativesto amazonian fire. Brasilia, Brésil, ThePilot Program to Conserve theBrazilian Rainforest, 161 p.

PAYNE W. J. A., 1985 A review of thepossibilities for integrating cattle andtree crop production systems in thetropics. Forest Ecology andManagement, 12 : 1-136.

POCCARD-CHAPUIS R., TOURRANDJ. F., PIKETTY M. G., VEIGA J. B., 2001.Cadeia produtiva de corte e pecuari-zação da Agricultura Familiar naAmazônia Oriental. In IV Encontro dasociedade brasileira de sistemas deprodução, 2001-03-19/2001-03-22,Belém, Brésil, 15 p.

SEBASTIAN F., 1996. Levantamentodo FNO-Especial no estado do Pará.Belém, Brésil, Federação dos trabal-hadores na agricultura dos estadosdo Pará/Amapá, 54 p.

SMITH N. J. H., 1996. Home gardensas a springboard for agroforestrydevelopment in Amazonia. Inter-national Tree Crops Journal, 9 : 11-30.

SMITH N. J. H., FALESI I. C., ALVIMP. T., SERRÃO E. A. S., 1996.Agroforestry trajectories amongsmallholders in the BrazilianAmazon : innovation and resiliency inpioneer and older settled areas.Ecological Economics, 18 : 15-27.

VAN LEEUWEN J ., COSTA F. C. T. da,CATIQUE F. A. et al., 1995.Agroforestry Technology develop-ment with farmers in CentralAmazonia, Research in progress. InManagement and rehabilitation ofdegraded lands and secondaryforests in Amazonia. Proceedings ofan international workshop, Santarém,Brazil, 18-22, April 1993. Parrota J. A.,Kanashiro M. (éd.), p. 188-190.

VEIGA J. B., FALESI I. C., SERRÃO E. A.S., 1990. Levantamento e caracteriza-ção de sistemas silvipastoris implan-tados na Amazônia, Brasil. In Reuniónde la RIEPT-Amazônia, I, Lima, 1990.Cali, Pérou. CIAT, Documento deTrabalho 75, vol. 2, p. 1101-1103.

VEIGA J. B., VEIGA D. F., 2000.Sistemas silvipastoris na AmazôniaOriental. In Simpósio internacionalsobre Sistemas agroflorestais pecuá-rios na América do Sul : situaçãoatual da pesquisa e da adoção dastecnologias geradas, Anais. Juiz deFora-M-T, Brasil, Embrapa Gado deLeite/FAO, 36 p.

VOSTI S. A., WITCOVER J., OLIVEIRAS., FAMINOW M., 1998. Policy issuesin agroforestry : technology adoptionand regional integration in theWestern Brazilian Amazon. Agro-forestry Systems, 38 : 195-222.

YOUNG A., 1995. L’agroforesteriepour la conservation des sols.Wageningen, Pays-Bas, CTA, 194 p.

86 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 )

FOCUS / AGROFORESTRY SYSTEMS

Synopsis

THE POTENTIAL OF AGROFO-RESTRY SYSTEMS ON PIONEERFRONTS IN BRAZILIANAMAZONIA

M.-G. PIKETTY, J.-B. VEIGA, R. POCCARD-CHAPUIS, J.-F. TOURRAND

When you take up a stance to dowith farming, agroforestry systems (AFS)seem to offer undeniable advantageswhen it comes to stepping up the effectiveuse of natural resources on pioneer frontsin Brazilian Amazonia, associated withpossible ecological and economic bene-fits. Are these advantages being made themost of by pioneers, small farmers, andlarge landowners? What is the potentialand what are the limiting factors of thedevelopment of AFS in these regions?Surveys carried out in several areas on therecent pioneer front show, on the onehand, that these systems are not well rep-resented within the context of family farm-ing. There are, indeed, one or two note-worthy exceptions, but these pioneersinvest their resources mainly in cattle rais-ing alone, and monoculture, despite sev-eral types of incentives designed toencourage the development of AFS. Onthe other hand, large landowners for themost part tend to develop cattle raisingsystems for beef production, which enablethem to make the best use of huge areasat lower cost and without running anyrisks, while at the same time securingtheir land against the risk of invasion bylandless peasants. However, there arealso certain notable exceptions here, too,in particular when these large landownerswere initially madeireiros, i.e. loggers.

AFS advantagesIn the present-day setting, the planting oftimber trees on grazing land represents apromising way of stabilizing the develop-ment of pioneer fronts in BrazilianAmazonia. Logging actually represents aninitial cycle on pioneer fronts which swiftlygives way to the beef cycle, once the timberresources are no longer sufficient to guar-antee cheap supplies for sawmills. Somemadeireiros literally get out of the timbersector to devote their activities to cattleraising, others are forced to turn to newforested areas, and must then often movetheir sawmill. These alternatives thus leadto a wholesale reduction in the number ofjobs once the logging operation has beenwound up. From the farmers’ viewpoint, theadditional resources procured by the saleof timber are such as to improve theirincomes, while at the same time enablingthem to diversify their activities. From theloggers’ viewpoint, the supply of timber forsawmills can then be planned in themedium and long term, and it becomes lesscostly because of its proximity.

Restrictive factorsWhat are the major restrictive factors lim-iting this outlook? There are, needless tosay, many kinds of technical restrictionswhich have already been brought to thefore through several research pro-grammes, and new technical referencesmust be built up and adapted to theAmazonian context. Among them, themost important one would seem to residein the use of fire, for the development ofnewly cleared areas and the upkeep ofgrazing land. The technical avenues envis-aged must therefore shed this practice,either wholly or in part, and all the moreso in regions where accidental fire risksare significant. Uncertainty and the rapiddynamics of change are two other majorfactors. In fact, the quest for a stabilizedrevenue and rendering land safe fromintrusion are major determining factors inthe development of cattle raising. In addi-tion, the turnaround time on investment inthe cultivation of trees means that pio-neers should have a 20-year time frame intheir sights. These factors are particularlyimportant for family farming. So if theplanting of trees may, in due course, make

it possible to increase and diversify rev-enues, farmers still need to have a guaran-tee, which might take the form of con-tracts, to be able to sell their timbertwenty years later at an interesting price.In a more general way, the absence ofguaranteed outlets for timber and otherproducts coming from trees is one of themain reasons explaining the poor develop-ment of the AFS. The credit issue is alsoraised for family farming, even if it doesnot represent an adequate answer.Dispersal and marketing problems areadditional restrictive factors for familyfarming, because they also increase col-lection costs. Here there is a crucial role tobe assumed by farmers’ and peasants’organizations. Lastly, the proximity offorested areas, which, in the short term,permits a supply of forest products at verycompetitive prices is, needless to add, anadditional factor to be taken into accounton recent pioneer fronts.

Its place in regional developmentOver and above the benefits and restric-tions relating to farms, it is therefore thewhole dynamic of regional developmentthat must be taken into consideration toanalyse AFS potential in Brazilian Amazonia.The development of pioneer fronts is typi-fied by a set of centripetal forces, whichtend to stabilize already forested regions,and centrifugal forces, which tend to pushthe persons involved towards new forestedareas. Encouraging the former and discour-aging the latter are necessary conditions forlimiting deforestation processes and pro-moting a sustainable development ofAmazonian pioneer fronts in which theremay be a place for AFS.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 2 , N ° 2 7 2 ( 2 ) 87SYSTÈMES AGROFORESTIERS / LE POINT SUR…