le pont d'avignon : combien de piles ?

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LE PONT D’AVIGNON : COMBIEN DE PILES ? Sommaire Avant-propos 1. Les piles Dans les textes ............................................................................................................... 4 Dans l’iconographie ........................................................................................................ 9 2. Les relevés modernes................................................................................................... 30 3. Combien de piles ? ....................................................................................................... 43 4. Illustrations .................................................................................................................... 44 5. Annexe .......................................................................................................................... 77 Michel BERTHELOT - UMR 3495 MAP Révision du 17 février 2014

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Page 1: LE PONT D'AVIGNON : COMBIEN DE PILES ?

LE PONT D’AVIGNON : COMBIEN DE PILES ?

Sommaire

Avant-propos

1. Les piles Dans les textes ............................................................................................................... 4 Dans l’iconographie ........................................................................................................ 9

2. Les relevés modernes ................................................................................................... 30

3. Combien de piles ? ....................................................................................................... 43

4. Illustrations .................................................................................................................... 44

5. Annexe .......................................................................................................................... 77  

Michel BERTHELOT - UMR 3495 MAP

Révision du 17 février 2014

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 2/80

En couverture “Panoramique du point ruiné“ - BnF VA 30 (6) FOL cliché H122509/510/511

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 3/80

 

Avant-propos Les connaissances sur le pont Saint Bénezet, ses châtelets, ses piles, sa chapelle et même le fleuve en Avignon, sont parcellaires et inégalement réparties dans le temps et dans l’espace, le plus souvent, sous une forme qui ne permet pas de les faire migrer facilement dans un espace virtuel en trois dimensions. Faire un bilan est donc un préalable indispensable à la construction d’une maquette numérique de l’ouvrage d’art dans son paysage fluvial médiéval, un des objectifs du programme de recherche PAVAGE1.

Dans le domaine des connaissances “floues“, aussi étrange que cela puisse paraître, le nombre de piles du pont d’Avignon n’est pas une donnée incontestée. L’absence d’une fouille archéologique étendue qui n’a pas eu lieu quand cela était encore possible laisse la porte ouverte à beaucoup d’incertitude.

Aujourd’hui, le niveau du Rhône étant régulé par les ouvrages de la CNR dans une toute petite plage de variation, hors crue, des investigations subaquatiques dans une des plus grande voie d’eau navigable d’Europe ne sont plus raisonnablement envisageables2 et ne sont que très partiellement suppléées par les techniques modernes. Il reste encore des potentialités limitées de fouille dans le secteur de la Barthelasse mais les éventuels vestiges des substructions des piles ne sont pas d’un intérêt patrimonial suffisant, sans doute, pour engager un tel chantier. Par ailleurs, sans localisation précise, il est difficile de proposer d’ouvrir un chantier sur la Barthelasse qui permettrait aussi sans doute de trancher la question de l’âge de ces piles : sont-elles de l’antiquité tardive ou non ?

Les publications que nous allons passer en revue dans ce mémoire montre que les auteurs se sont le plus souvent attachés à répondre à la question “Quelles piles pour quel pont ?“ plutôt qu’à la question “Combien de piles ?“ qui semble du coup bien modeste. C’est donc prioritairement l’examen de l’iconographie qui pourrait nous renseigner sur le nombre et la position de ces piles, tout en rappelant qu’il s’est écoulé près de 300 ans entre l’ouverture au trafic médiéval de 1185 et une première représentation du pont d’Avignon, ce qui laisse beaucoup de temps pour d’éventuelles remises en cause constructives, et les bâtisseurs ne s’en sont pas privés, mais il est peu vraisemblable que de telles modifications aient concerné le nombre de piles fixé par les premiers constructeurs.

Il faut donc repérer dans les textes, l’iconographie et les relevés de terrain récents les éléments qui permettront de converger vers l’hypothèse la plus crédible en ce qui concerne le nombre et la position de ces éléments indispensables pour tout pont, les piles.

On adoptera dans la suite de ce mémoire les conventions de numérotation suivantes : • la numérotation en chiffre arabe s’incrémente de la rive gauche à la rive droite ; • on attribue définitivement à la pile de la chapelle le numéro 2 ; • la numérotation est mise entre parenthèse quand il s’agit d’une numérotation explicite

interne propre à un texte ou à un dessin ; • on utilise les chiffres romains pour numéroter les piles à partir de la rive droite quand

la vue ne permet pas de voir la totalité du pont.

                                                                                                               1 Programme ANR 2010 BLAN 2012 2 Bien que les fouilles annuelles dans le Rhône à Arles attestent que cela est possible

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 4/80

1. Les Piles Les données de départ : • les quatre arches et piles sauvegardées qui constituent aujourd’hui une représentation

symbolique de la ville d’Avignon, tronquant involontairement le pont dans l’idée que l’on peut s’en faire ;

• un autre point d’appui dans l’île de la Barthelasse, le seul dans les 750 mètres à vol d’oiseau qui séparent l’extrémité du pont actuel du socle de la tour-porte3 de son châtelet de la rive droite. Accolé à un pavillon moderne (fig. 10 p. 46), occupé aujourd’hui par un hôtel, on peut apercevoir, derrière un rideau de bambous, un gros bloc de béton4, sans doute médiéval, attribuable à une pile ;

• les relevés des vestiges de cinq piles du bras de Villeneuve que l’on examinera en détail au chapitre II.

1.1. Dans les textes

Nous n’allons pas reprendre ici toutes les sources déjà identifiées ou en rechercher de nouvelles qui nous permettraient d’affiner nos connaissances sur le pont mais simplement exploiter textes et ouvrages de synthèse sur l’histoire d’Avignon qui contiennent une description du pont en essayant d’expliciter et de tracer, si c’est possible, les arguments des auteurs en ce qui concerne le nombre de piles et leurs positions respectives. Nous abordons les ouvrages dans un ordre chronologique afin de respecter l’enchaînement de la transmission éventuelle des arguments d’une publication à une autre.

1686 – 22 mars - Vauban

Vauban se penche sur le projet de détournement du Rhône lors de sa tournée de 1685-1686. Son mémoire5 nous apprend que la chaussée projetée au travers de la Barthelasse est réalisée, plantée d’arbres et en bon estat. Les bacs projetés par l’ingénieur Ponce Alexis de La Feuille sont également établis. Le bord du fleuve est revestu de pierre seiche en glacis, partie en jettée au hazard et partie à la main en forme de pavé. « (Vauban recommande de ne) qu’il ne faut point toucher aux trois arches du pont […] qu’il avoit esté resolu d’abatre par ce que l’ouvrage en est d’angereux et de dépense, et que par les sondes et visites que j’en ay faites, il ne parois pas qu ‘elles soient en danger, n’y qu’il y ait aucune fraction dans les arches , n’y dans le corps de ce bout de pont qui doivent donner lieu de craindre, au contraire mon avis est que la pile 18 soit chargée de dix huit a vingt toises de maçonnerie afin d’augmenter la pesanteur de la butée, sur le haut delaquelle on pourra mesme bastir un corps de garde qui pourra servir en temps et lieu pour empécher que les bateliers n’abusent du passage en y mettant de petites pieces de canon, ce lieu n’ayant d’accez que par la tour du pont qui est une forteresse tres aisée a maintenir quoy qui arrive, et cela chargera d’autant la pile et la rendra plus ferme ».

La mention de ce corps de garde à bâtir sur la pile (IV) est à retenir. Dans plusieurs devis de réparations de la fin du XVIIe siècle et du courant du XVIIIe, cet ouvrage reparaîtra quelquefois sous des dénominations diverses, comme en 1693, où elle est désignée sous le nom de “chambre“. Les dessins examiné dans la deuxième partie de ce mémoire, permettront peut être de l’identifier.

Vauban fournit ensuite quelques mesures extrêmement utiles :

                                                                                                               3  coord.Lambert93 = 844286,2346 / 6319378,002 / alt = 27,315 m NGF-IGN69 (relevé J. Fleury 8/2/13)  4  coord.Lambert93 = bas 844671,6128 / 6319188,304 / alt = 18,87 m / 21,69m NGF-IGN69  5  Archives départementales de l’Hérault 34 C 4641  

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 5/80

« …que les arcades de ce pont ont dix sept toises et demy d’ouverture et la plus avancée dans la riviere trente six pieds d’eau sous le milieu, et la 2e trente, l’une et l’autre fort nettes et aisées a enfiller par les batteaux, la 3e en aura du moins douze quand elle sera plus décombré et achevée de nettoyer».

Vauban apporte aussi quelques indications utiles à la restitution du pont : « …le pont d’Avignon n’ayant que douze pieds de large entre deux gardes foux, cinq cens toises de long sans liaison n’y decharge au dessus, n’estoit nullement propre a y faire passer les charrois n’y les gros fardeaux, qui est l’une des plus grandes fautes qui se puisse commettre a ces sortes d’ouvrages ».6

Enfin, Vauban recommande qu’il soit procédé chaque année à la confection d’une carte du cours du fleuve « géométriquement comme le plan d’une place » à vérifier et corriger régulièrement en vue d’évaluer les changements du lit du cours d’eau et de la ligne des berges.

Ce mémoire de Vauban fait référence à un plan Ce plan c’est indubitablement le plan aquarellé de Mr. de Montaigu, daté du 15 janvier 1685 [20].

1953 – Le pont Saint Benezet, T. 1 – D.-M. Marié

Il s’agit du seul ouvrage moderne publié et entièrement consacré au pont Saint Bénezet. Un tome 2 aurait dû traiter plus spécifiquement de la chapelle et de la tour Philippe-le-Bel, il ne fut jamais publié. La plupart des ouvrages postérieurs exploitent peu ou prou les sources citées dans cette publication de référence. Cet ouvrage bien sûr traite toutes les questions que l’on se pose sur ce pont. Nous nous contenterons d’y rechercher les éléments qui nous permettront de déterminer le nombre et la position des piles.

M. Marié cite tout d’abord (p.70) l’ingénieur des ponts et chaussées Emiland Marie Gauthey (1732-1807)7 :

«…le pont se trouvant alors composé de 21 arches d’environ 33 mètres d’ouverture et sa longueur totale était de 900 mètres ». Pour un pont qui aurait été construit depuis les deux rives.

De ces chiffres nous déduisons la présence de 20 piles pour une longueur développée de 693m (21 x 33m). Pour respecter la longueur totale du pont qui est d’environ 900 mètres d’un châtelet à l’autre, selon un tracé que l’on sait sinueux, les piles devraient avoir une largeur d’environ 10 m ce qui semble nettement surévaluée comparé aux quatre piles restantes dont la largeur moyenne est de 7m.

« ..On voit encore du côté de Villeneuve, une rampe très rapide qui servait à y monter et dont la pente est de plus de 0 m.33 par mètre. Sa largeur (du pont) n’est que de 4 mètres entre les parapets qui n’ont que 0 m. 32 d’épaisseur ».

M. Marié cite ensuite (p.71) le Marquis de Fortia (1756-1843) :

« Le pont avait vingt-deux arches un peu plus grandes que celles du pont Saint-Esprit. Il y avait de plus trois autres arches qui en joignait les deux parties, une île en occupant le milieu. Sa largeur était de plus de cinq pas, c’est-à-dire plus de huit mètres et sa longueur d’environ 1200 pas ou 1949 mètres. Il n’était pas construit en ligne directe… »

                                                                                                               6    12 pieds de large = 3,90 m ; 17,5 toises = 34 m environ ; 500 toises de long = 974 m  

7  Gauthey. Traité de la Construction des Ponts. 2e édition. Paris 1832. T. I, p.48  

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M. Marié met en évidence la confusion entre pieds et pas et la valeur de ceux-ci. Simple erreur d’échelle. Mais quid du nombre d’arches (22 ou 25), donc de piles ?

M. Marié cite ensuite Viollet-le-Duc (p.73-77) en distinguant deux publications : le Tome III des archives de la Commission des monuments historiques et le dictionnaire de l’architecture, à l’article Pont. Dans la première, son texte accompagne le plan du châtelet de la rive droite. Dans la seconde, abondamment illustrée, Viollet le Duc représente “un pont théorique“ composé de deux segments rectilignes portés par 17 piles et angulés au niveau de la pile 14. Il écrit :

« Pour résister au courant du Rhône et aux débâcles des glaces, les piles ont 30 mètres d’une extrémité à l’autre et se termine en amont comme en aval, par un éperon très aigu. Les arches du pont Saint-Bénézet avaient de 20 à 25 mètres d’ouverture et étaient au nombre de dix-huits ».

M. Marié a relevé les invraisemblables caractéristiques du pont théorique décrit par Viollet-le-Duc.

M. Marié cite ensuite Henri Rèvoil (p.81), chargé d’étudier la restauration de la chapelle du pont. Ce dernier dans son rapport du 24 décembre 1874 aborde essentiellement la question de la chapelle :

« En effet, en examinant attentivement la pile sur laquelle repose cette chapelle, j’ai reconnu que ses appareils étaient liés avec les appareils à assises croisées de l’arche d’un pont différant essentiellement de celui de Saint Bénézet et qu’il a du trancher pour faire passer les grands arcs de sa construction gigantesque conçue sur les données du pont du Gard. On distingue parfaitement quatre assises de ce pont primitif ; en mesurant l’arc de cercle, courbe directrice de ces quatre assises, on arrive à établir assez exactement que deux arches réunissaient cette pile (2) de la chapelle au rivage ; sur ce rivage on retrouve les traces d’une culée de la chapelle au rivage ; sur ce rivage on trouve les traces d’une culée de même appareil et, en sondant dans le fleuve au milieu de la distance qui sépare ces deux vestiges, on trouve, à quatre mètres de profondeur un sol ferme tandis qu’à droite et à gauche, le lit est plus profond. De plus en rétablissant les courbes directrices de ces deux arches par une travée, on voit que le tablier de ce pont arrivait au niveau du sol de la chapelle ».

Pour faire cadrer cette observation, Henri Révoil admettait une pile intermédiaire entre la pile-culée actuelle et la pile de la chapelle.

M. Marié cite M. Lefort qui se réfère (p.85) à l’ingénieur des ponts et chaussées Gauthey et plus précisément à son rapport du 11 thermidor an XIII (30 juillet 1805) :

« …un examen attentif des lieux (la pile de la chapelle) le portait a croire que la chaussée du pont de Saint Bénézet a été d’abord établie au niveau du pavé de la chapelle romane où ce saint fut enseveli. C’est au XIIIe siècle que l’on aurait construit de nouvelles arches sur les anciennes fondations, mais en plaçant les naissances à un niveau plus élevé pour faciliter la circulation sur le pont et pour assurer l’accès de la ville d’Avignon, même pendant les crues du Rhône ».

M. Marié cite M. Rochetin à propos de la pile N° 5 (p.122-123) :

« Lorsqu’en 1884, l’administration des Ponts et Chaussées fit approfondir le lit du Rhône au moyen d’un bateau-cloche, on constata l’existence d’un arrière-bec à dix mètres environ en aval des arrières-becs (sic) du pont Saint-Bénézet (1). »

(1) voir le procès-verbal de l’affouillement du lit du Rhône dans les archives des Ponts et Chaussées d’Avignon. Note de M. Rochetin.

« Cet arrière-bec fut arrasé (sic) à deux mètres au-dessous de l’étiage. Les blocs qui en furent extraits mesuraient de 1m. 20 à 1m. 50 de longueur sur 0m. 80 de hauteur. Les

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parements présentés des bossages. Les lits…. »

Fort de cette analyse très fouillée des documents anciens et des nombreuses hypothèses contradictoires se répondant au fil du temps, D-M. Marié ouvre un chapitre XI sur la “Réalité“ en s’appuyant sur de nombreuses mesures in situ. Il s’intéresse particulièrement à la pile N° 4 qui présente de nombreux détails originaux par rapports aux trois autres piles (p.134). M. Marié propose de voir la pile N° 4 comme le point de rencontre de deux ouvrages. Cela doit nous inciter à scruter de façon encore plus approfondie les documents graphiques où cette pile N° 4 est représentée.

Dans les notes de M. Maurette rapportées page 135 et 136, on peut lire:

« Enfin la 5e (arche) et dernière arche écroulée au commencement de la Révolution, à en juger par les restes de la 5e pile qui se remarquent encore sur les bords de l’île de la Barthelasse, devait avoir environ 32 mètres. »

M. Maurette avance l’idée suivante : « tandis que les arches vont en augmentant d’ouverture, les piles vont au contraire en diminuant d’épaisseur, toujours à compter d’Avignon en allant à Villeneuve. »

Ces considérations fondées sur moins d’un quart des arches et piles semblent pour le moins péremptoires.

Concernant les arches et leur parement, D-M. Marié laisse la parole (p. 136) à deux ingénieurs qui ont vu des arches détruites sur l’île de la Barthelasse. M. Tournillon en a laissé une description8.

Pour M. Marié la pile N° 3, dite pile de la Croix9 est “visiblement biaise“ (p.138-139).

M. Marié conclut son premier tome (on sait que le second ne sera jamais publié) en avançant l’hypothèse suivante :

« …une chapelle bâtie sur une pile d’un pont ruiné …alors que le pont primitif est d’origine romaine, qu’il était en plein cintre et qu’il prenait appui sur les mêmes piles que le pont actuel et que le niveau de son tablier était plus élevé que celui du pont construit sous le Pape Clément VI. »

De ce fait D-M. Marié réfute catégoriquement l’idée d’un tablier de pont primitif au niveau du sol de la chapelle inférieure.

1930 – La Tour du Pont (Annales d’Avignon et du Comtat) – Dr. Pierre Pansier

p. 25, « Un plan dressé en 1681 nous montre dans quel état il se trouvait alors. En plein Rhône les trois arches voisines de l’ancienne ile d’Argenton étaient abattues. Sur l’ilot 4 arches étaient debout, mais elles n’étaient reliées à rien car il y avait ensuite, dans une lone existant entre l’ilot l’ile (sic) des Chartreux, un vide correspondant à quatre arches dont il ne restait plus trace.

Pour traverser le Rhône on prenait alors le bac à la porte du Limas (porte de l’Oulle) ; il vous transportait dans l’île des Chartreux. Là, par une chaussée moitié en terre, moitié sur pilotis, on arrivait à une arche en pierre. Il manquait ensuite trois arches qu’on avait remplacées par une passerelle en dos d’âne sur pilotis ; on arrivait ainsi à la branche de Villeneuve sur laquelle quatre arches en pierre permettaient d’atteindre la tour Philippe-le-Bel ». Ce plan de 1681 c’est le document [9] que l’on analysera plus loin.                                                                                                                8  Archives Nationales 14 940. Notes 85 et 86

9  travaux en 1575 puis 1578, voir mémoire de M. Pansier  

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1958 - Evocation du Vieil Avignon – Joseph Girard

p. 25, allusion à la construction de 1177 à 1185. Pas d’indications sur l’ouvrage d’art.

p. 351, « Ainsi que nous pouvons nous le figurer par les vestiges et par les estampes anciennes, le pont reconstruit comptait en tout vingt-deux arches et mesurait environ 900 mètres… Du côté d’Avignon, il aboutissait au châtelet construit dès 1348 pour protéger l’entrée de la cité ; du côté du Royaume, il débouchait au pied de la tour que Philippe-le-Bel fit élever à la fin du XIIIe. Sur la deuxième pile, la chapelle dédiée à Saint Nicolas… cette chapelle supérieure fut consacrée en 1411 et augmentée d’une abside en 1513. »

p.352 « Quatre arches sont écroulées, l’une du côte d’Avignon depuis le 15 mars 1603, les trois autres du côté de Villeneuve depuis le 26 janvier 1605… ».

p.353 « En 1669 on cessera d’entretenir le pont et sa ruine se précipitera. Un plan de cette époque (1681 ?) montre l’état dans lequel il se trouvait alors. En plein Rhône, les trois arches voisines de l’île d’Argenton étaient abattues. Sur l’île d’Argenton quatre arches étaient debout, mais elles n’étaient reliées à rien ; car il y avait ensuite dans une lone existant entre l’île d’Argenton et l’Île des Chartreux (îles dont la conglomération a formé la Barthelasse), un vide correspondant à quatre arches dont il ne restait plus trace. Pour traverser le Rhône on prenait alors le bac un peu en amont de la porte de l’Oulle pour se rendre dans l’île des Chartreux. Là une chaussée moitié en terre, moitié sur pilotis, aboutissait à une arche de pierre. Il manquait ensuite trois arches qu’on avait remplacées par un pont sur pilotis en dos d’âne ; on arrivait ainsi à la branche de Villeneuve sur laquelle quatre arches en pierre permettaient d’atteindre la tour Philippe-le-Bel.

Cette description correspond à un pont de 23 arches. Ce dernier texte de Joseph Girard est donc en contradiction avec le précédent sur le nombre d’arches !

Un autre plan dressé vers 172110 nous montre que dans la Barthelasse il ne restait plus que deux arches debout et une seule sur la branche de Villeneuve, celle attenant à la tour. … Le tablier du pont était surélevé par rapport au sol de la ville et aboutissait au premier étage de la “tour du pont“. On descendait dans Avignon par une rampe en pente douce figurée sur le plan de 1618 ; elle était comprise entre deux murs et pavée d’une calade. Cette descente avait été réparée pour la dernière fois en 1662 ; elle fut supprimée en 1728 ; elle était si solide qu’il fallut 58 livres de poudre et faire jouer la mine pour arriver à la disloquer. »

2011 – Le pont Saint Bénezet in Les ponts routiers en Gaule romaine – Jean-Louis Paillet

Dans un ouvrage récent consacré aux ponts romains, Jean-Louis Paillet revient sur l’existence possible d’un pont antique avant le pont médiéval dont il reste quatre arches très fortement remaniées par les restaurations du XIXe puis XXe siècles. J-L Paillet n’apporte pas de précisions sur le nombre de piles qui est la question centrale de ce mémoire mais, clairement, il valide les arguments de D.M- Marié qui mettait déjà en lumière les constatations de M. Rochetin sur les substructions de la pile N° 5.

                                                                                                               10    Nous n’avons pas identifié ce document. Dominique Carru dans un mémoire de 1985 fait également référence à un plan de 1721.  Ce plan conservé à la Bibliothèque Ceccano (Est. Alt. 104/10), acquis par le musée Calvet en 1875 comme cela est stipulé dans un de ses cartouches, est en fait à dater selon Michel Chazottes, entre 1758 et 1769, en rapport avec les armoiries du pape Clément XIII qui figure en haut à gauche. Mais ce plan représente Avignon intra muros et nullement le pont jusqu’à sa branche de Villeneuve.  

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1.  2. Dans l’iconographie

[1] - 1480 – Le retable des Peruzzi

C’est la première représentation connue du pont. Le peintre a représenté un pont de pierre au tracé ondulant comportant 23 piles visibles. Bien que l’ordonnancement général de sa peinture, dont le pont n’est pas l’objet principal, amène l’auteur à couper le pont a peu près en son milieu par une représentation de la Sainte croix, il n’a pas omis de représenter un “accident“ sur cet ouvrage d’art : la rupture d’une arche (XIV), remplacée par une passerelle de bois. À droite de la Sainte Croix, 13 piles, à gauche 10 piles. Entre les deux, une zone d’incertitude. Sur la rive droite, la tour-porte, équipée de mâchicoulis, est accolée à la tour de Philippe-le-Bel. Sur la rive gauche, le pont abouti à la tour du châtelet d’Avignon dans laquelle on identifie clairement une porte à hauteur du tablier. Il n’y a pas d’île sous les piles du pont mais les cinq dernières en rive droite sont représentées sur la terre ferme.

[2] - 1572 – Le plan dit « aux personnages »

C’est l’un des deux plans les plus anciens d’Avignon. Le pont est représenté suivant un tracé légèrement ondulant avec 20 piles. La pile (2) porte la chapelle St Nicolas sur son avant-bec. Une construction sur l’arrière-bec est visible, de même que l’édicule et sa croix sur la pile (3). Il existe une certaine ambiguïté dans le dessin au débouché du pont sur Avignon car dans cette vue cavalière la tour du châtelet est nettement décalée à droite, amenant le tablier du pont a avoir une longueur “étirée“ correspondant, à l’échelle du dessin, à trois arches ce qui est invraisemblable. Il s’agit donc bien d’un artefact de cette représentation cavalière de la ville d’Avignon et de son pont.

Le Rhône est représenté avec un bras principal, large, du côté d’Avignon et un bras secondaire, très étroit, du côté de Villeneuve. Ce dernier se sépare même en deux au niveau de la pile (20). Les piles (15 à 19) sont sur la terre ferme.

La ville de Villeneuve est représentée de façon totalement théorique dans un condensé graphique associant, le quartier de la tour, la ville basse et le fort Saint André.

Peut-on déduire de ce plan que le pont est (encore) complet et en pierre sur toute sa longueur en 1570 -1572 ?

[3] - 1575 – Le plan de Belleforest

C’est le deuxième plan le plus ancien d’Avignon. Le pont est représenté suivant un tracé marqué par trois inflexions et soutenu par 17 piles. La pile (2) porte la chapelle, légendée St Nicolas, sur son avant-bec. Une construction sur l’arrière-bec est visible, de même que l’édicule et sa croix sur la pile (3). Comme pour le plan de 1572, il existe une certaine ambiguïté dans le dessin au débouché du pont sur Avignon car la tour du châtelet et nettement décalée à droite, amenant le tablier du pont a avoir une longueur “étirée“ correspondant, à l’échelle de ce dessin, à deux arches ce qui, on l’a vu précédemment, est incorrect. Il s’agit donc bien là aussi d’un artefact de la représentation cavalière de la ville d’Avignon et de son pont.

Les inflexions du tablier sont graphiquement marquées au niveau des piles (5) et (11) et au niveau de l’arche (8).

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 10/80

Le châtelet de la rive droite est représenté de façon nettement plus vraisemblable que dans le plan de 1572. Certes, le cadre du dessin exclut la représentation de Villeneuve et du fort Saint André mais on peut cependant clairement identifier la tour-porte distincte de la tour Philippe-le-Bel. Reprenant les grandes lignes du plan de 1572 (copie ?), le Rhône est représenté avec un bras principal large, du côté d’Avignon, et un bras secondaire très étroit, du côté de Villeneuve. Ce dernier se sépare même en deux au niveau de la pile (17). Les piles (12 à 16) sont sur la terre ferme.

***************

Les plans de 1572 et 1575 sont très similaires dans leur objet (Avignon intra muros) et dans leur facture. L’écart de seulement trois ans entre leur date de parution incite à penser que le plus récent s'est fortement “inspiré“ du plus ancien. Par contre, l’écart de trois unités dans le nombre des piles confirme que ce n’est pas l’ouvrage d’art que l’on a cherché à décrire ou à reproduire. Ces deux plans, au mieux, laissent imaginer que le pont est complet et en pierre autour de 1570. Pour déterminer le nombre de piles il faudra rechercher d’autres sources.

[4] – (1580-1585) – La fresque du Vatican d’Ignatio Danti (1536-1586)

Cette grande fresque du Comtat Venaissin est agrémentée d’un petit carton dans le coin bas droit où la ville d’Avignon est représentée avec son pont.

La reproduction utilisée est de mauvaise qualité, néanmoins on peut distinguer, selon un tracé très rectiligne marqué par une seule inflexion au niveau des piles 14-15, un pont soutenu par 19 ou 20 piles. L’incertitude est engendrée par le manque de détails au niveau du débouché du pont sur Villeneuve. Le pont traverse le fleuve sans passer par des îles. Dans sa partie médiane et en aval du pont, le fleuve est traité dans une teinte de bleu plus claire qui, s’il ne s’agit pas d’une dégradation localisée de la peinture, peut être interprétée comme la zone de moindre profondeur qui permettra plus tard de relier les îles en amont et en aval.

Le débouché du pont du côté d’Avignon est aussi difficilement interprétable, néanmoins on identifie une construction qui dépasse du tablier au niveau de la pile 2 et que l’on qualifiera de chapelle. Un tout petit détail semble également indiquer la présence d’une construction sur ce qui serait l’arrière-bec de la pile mais qui n’est pas identifiable en tant que tel.

[5] - 1608 – La vue panoramique d’Etienne Martellange

Cette vue panoramique du védutiste Etienne Martellange constitue la première représentation complète et précise du pont. Il faut néanmoins tempérer notre enthousiasme car, en 1608, l’état du pont est déjà fortement délabré et le point de vue choisi par le dessinateur laisse des “angles morts“. En effet, on identifie de façon certaine 11 piles depuis la rive gauche et 5 piles depuis la rive droite, auxquelles il faut ajouter la pile N° 1, probable, qui est masquée par le tout premier plan, et la pile (6) que l’on a du mal a individualiser dans le dessin de Martellange, soit 17 piles.

Mais l’examen de la vue en contre-champ réalisée l’année suivante [6] nous permet de lever certaines ambiguïtés et de proposer, raisonnablement, que c’est bien l’arche 7 qui est représentée effondrée. En effet, on comprendrait assez mal que ce frère jésuite assez rigoureux puisse se tromper de façon aussi marquée en aussi peu de temps. Selon Joseph Girard, cette arche serait tombée le 15 mars 160311.

                                                                                                               11  source à rechercher

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 11/80

En revanche, l’arche 13, représentée en place sur le dessin [6] réalisé l’année suivante n’est pas identifiable sur ce dessin de 1608, ce qui est étrange, mais cela correspond à un changement de direction du pont qui peut dissimuler visuellement cette arche depuis le point de vue du dessinateur. La brèche ouverte dans le pont sur le bras de Villeneuve correspondrait donc à une seule arche abattue (14) si on se reporte au dessin de 1609. Situation qui est en contradiction avec ce qu’écrit Joseph Girard pour qui 3 arches sont tombées dès le 26 janvier 1605 dans le bras de Villeneuve. L’examen du dessin daté de 1617 [7] montre aussi que la rupture de l’arche 7 n’a pas entraîné dans cet intervalle de huit années une reconstruction ou la pose d’une passerelle en bois. Au contraire, on constatera sur d’autres dessins plus tardif, que la brèche s’élargira jusqu’à concerner trois arches (5, 6 et 7).

Le dessinateur se tenant certainement sur le rocher des Doms en arrière de la tour des chiens, la pile 2, dans les premiers plans, est traitée dans le détail. On identifie la face amont supérieure de la construction bâtie sur son arrière-bec. À ce niveau, le tablier du pont semble légèrement s’élargir vers l’aval car, on le sait, la chapelle supérieure empiète sur la partie amont du tablier. En revanche pas d’arceau au-dessus du passage sur le tablier.

Etienne Martellange a représenté l’édicule bâti sur l’avant-bec de la pile 3 et une trompe sur l’avant-bec de la pile 4.

Côté Villeneuve, on identifie la tour porte qui semble équipée de mâchicoulis mais pas de construction sur l’avant-bec de la pile (18) ou (17). La plupart des piles sont représentées avec une ouïe axiale.

Le tracé ondulant, écrasé par la perspective, semble néanmoins indiquer une inflexion vers le nord au niveau de l’arche 7 effondrée puis vers le sud au niveau de l’arche 10. La portion totalement effondrée entre la dernière pile identifiable (12) et la pile (14) de la section villeneuvoise marque une nouvelle inflexion vers le sud pour rejoindre la tour-porte sous la tour Philippe-le-Bel.

[6] - 1609 – La vue panoramique d’Etienne Martellange

Cette vue panoramique depuis la rive droite est pratiquement un contre champ de la vue de 1608. Elle est réalisée l’année suivante depuis un point d’observation en aval du pont, à partir d’une position relativement élevée sur les hauteurs de la rive droite. Ce dessin est centré sur Avignon intra muros et sur un Palais des Papes qui domine la ville.

Le dessinateur a représenté, à partir du châtelet d’Avignon, 13 piles régulièrement espacées sauf après la pile11, détail que l’on relèvera également sur le plan de 1618 [8] et sur le plan de l’ingénieur Montaigu de 1685 [20]. Constat relevé par Thomas Platter12 en 1596. Les arches 7 et 14 sont effondrées. La chapelle est représentée de façon très sommaire sur la partie amont de la pile 2. Des “gribouillis“ sur l’arrière bec de cette pile 2 marquent sans doute la présence d’une construction non identifiable. Seules les piles 8, 9 et 10 sont munies d’ouïes axiales. La pile 6, limite du tablier venant d’Avignon puisque l’arche 7 est effondrée, semble présenter sur sa face aval une sorte d’échafaudage qui pourrait être un escalier de bois permettant d’atteindre le niveau du Rhône.

Le dessinateur a représenté, en amont du pont, un bac à traille en pleine traversée du bras d’Avignon pour rejoindre l’île de la Barthelasse, et, en aval, plusieurs bancs de sable au milieu du fleuve.

                                                                                                               12    Le Voyage de Thomas Platter – 1595-1599, Emmanuel Le Roy Ladurie, 1968, p. 160-161  

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[7] - 1617 – Vue d’Avignon d’Etienne Martellange

Ce dessin d’Avignon intra muros saisie depuis un étage élevé d’un édifice de la ville, peut être un clocher, permet de voir pratiquement la totalité du pont dans l’arrière plan.

On peut identifier 15 piles (n° 4 à 18), 12 arches en place et 4 arches abattues.

La position de l’observateur ménage un angle-mort assez important au débouché du châtelet d’Avignon. Bien que sur le dessin, la première arche effondrée semble être la quatrième visible, nous proposons de l’identifier comme l’arche 7. Pourquoi ? La chapelle est bâtie sur la pile N° 2 mais l’excroissance de la construction sur son arrière-bec peut masquer l’arche n° 3. Cette hypothèse est cohérente avec les dessins de 1608 et 1609 du même auteur. Ce choix serait également cohérent avec le panneau A/2 du plan de 1618 [8].

Par ailleurs, on retrouve sur l’arrière-bec de la dernière pile (6 ?) avant la brèche cette construction de bois (?) dont nous proposons qu’elle soit vue comme un escalier “provisoire“ permettant de rejoindre le fleuve depuis le tablier.

Le dessin représente ensuite 4 arches (8, 9, 10 et 11) encore debout jusqu’à la pile 11. L’arche 10 et la pile 10 semblent néanmoins équipées de pièces de bois. Est-ce une passerelle ? C’est à tout le moins une rambarde au niveau du parapet aval. Le dessinateur a ensuite représenté 3 arches (12, 13 et 14) totalement effondrées, soit deux de plus (arches 12 et 13) que dans le dessin de 1609 [6] du même auteur. Joseph Girard a écrit que ces trois arches étaient effondrées depuis le 26 janvier 1605 ce qui est en cohérence avec ce dessin de 1617 mais pas avec ceux de 1608 et 1609. Les piles ruinées (12) et (13) sont représentées. A partir de la pile (14) et jusqu’à son châtelet de la rive droite, le tablier du pont est en place avec ses arches de pierre. Les détails du débouché du pont en rive droite sont masqués par des frondaisons.

Etienne Martellange s’est attaché à dessiner avec beaucoup de minutie les toitures de la ville et, à partir de ce point de vue, il a estimé pouvoir dessiner avec un certain niveau de détail la chapelle et l’édifice qui lui fait face, bâtie sur l’arrière-bec de la pile 2. Le dessinateur a donné à cette construction une hauteur qui semble légèrement supérieure au fronton de la chapelle qui lui fait face, il l’a également représentée avec un élargissement sommital sur consoles (?), couvert d’une toiture à trois pans. Le dessinateur n’a pas représenté d’arc enjambant le tablier au niveau de ces deux façades supérieures. On peut également remarquer une certaine maladresse dans le traitement graphique du tablier au niveau de l’arche 4 qui rend sa géométrie complètement improbable.

***************

Ces trois dessins d’Etienne Martellange de 1608, 1609 et 1617 ne font pas toute la lumière sur le débouché du pont côté Villeneuve, en effet, le décompte de 18 piles laisse penser qu’il existerait encore au moins trois arches avant de toucher la rive droite du Rhône. Ce qui, à l’échelle du dessin, semble difficile à imaginer même si le dessinateur a masqué cette incertitude derrière un bouquet de végétation qui semble imposant mais que l’on ne retrouve pas sur les dessins, comme ceux de l’album Laincel [14] [15], par exemple. Nous proposons de considérer ce traitement comme une “facilité“ de l’auteur qui n’a pas voulu ou pu dessiner les dernières arches du pont, l’éloignement de l’ordre d’un kilomètre ne facilitant pas leur représentation, même avec une lunette. Par ailleurs, les dessins d’Etienne Martellange sont en contradiction avec les descriptions de Joseph Girard concernant la brèche dans le bras de Villeneuve.

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[8] - 1618 – Le plan d’Avignon de Marco Antonio Gandolfo

Joseph Girard dans son ouvrage sur le vieil Avignon décrit assez précisément cette vue cavalière en huit panneaux d’Avignon intra muros où figure de manière assez détaillée le pont, à cheval sur les deux panneaux supérieurs de gauche. Page 80 de son ouvrage, la légende du premier panneau où le pont figure est rédigée comme suit : « Le pont (les deux arches qui manquent s’étaient écroulées en 1605)… ». Le problème, c’est qu’il y a 3 arches effondrées dans le bras de Villeneuve !

Joseph Girard attribue le nom de Barthelasse à l’île représentée sous les piles (5) à (10). C’est une vision « moderne » de l’état des îles du Rhône à cette époque. L’île de la Barthelasse est encore située en amont du pont à cette date. La note de la page 80 donne à l’île présente sous les piles le nom d’île d’Argenton, toponyme qui est en décalage aussi avec le grand plan de Montaigu de 1685 [20].

On peut dénombrer 22 piles, mais la chapelle est représentée sur la troisième pile (!), ce qui pose problème puisque à cette époque les remparts du XIVe sont érigés et que le pont abouti au châtelet, reconstruit en 1414 puis surélevé en 1489-149013, encore présent aujourd’hui sur la rive gauche. Nous ne voyons donc qu’un « caprice » de dessinateur pour avoir “décalé“ la chapelle sur cette troisième pile (et l’édicule avec la croix sur la quatrième) afin qu’elle n’entre pas en conflit avec le blason dessiné au-dessus. Si nous retranchions une pile “surnuméraire“ nous aurions bien un pont sur 21 piles, mais un décalage persiste sur la branche villeneuvoise si on se base sur la brèche de la 7eme arche. La réalisation de ce dessin en plusieurs panneaux peut être la source de ce décalage. Nous proposons cette lecture car, contrairement à ce que l’on a vu dans les plans de 1572 et 1575, le dessinateur a bien représenté le détail, ténu, d’une première arche au débouché du châtelet de la rive gauche. La deuxième pile a déjà les pieds dans l’eau, ce qui aujourd’hui est encore une réalité, la berge ayant très peu évolué à cet endroit. Nous savons que seule la première pile, carottée par la CNR en 1965, est au ras de la berge. Par ailleurs, on a vu en examinant les dessins de 1608, 1609 et 1617 d’Etienne Martellange que c’est bien l’arche 7 qui est effondrée à cette époque. Il y a donc cohérence entre des auteurs très différents pour ces dates de 1608, 1609, 1617 et 1618.

Le dessinateur n’a représenté que sept ouïes de très petite taille au niveau des piles 8, 9, 11, 12, 17, 18 et 19. On remarque un autre détail ténu, un escalier dans la pile 7 permettant de passer du niveau du tablier à celui de l’île. Le tracé du pont, tout en conservant la forme générale d’un arc, présente une “pliure“ ou une suture au niveau de la pile 10 et la deuxième brèche (arches 14, 15 et 16 effondrées) semble correspondre à un important changement de direction du pont.

On remarque que les arches 12 et 13 ont une ouverture plus réduite, ce qui est cohérent avec le récit de Thomas Platter en 1596, le dessin de Martellange de 1609 [6] et le plan de l’ingénieur du Roi de 1685 [20]. En revanche, la brèche dans le bras de Villeneuve qui concernent les arches 14, 15 et 16 est en décalage de 2 intervalles par rapport au dessin de Martellange de l’année précédente [7] et au “Profil en long“ [9] plus tardif. Il y a là une erreur manifeste. Nous pensons que ce dessin compte au moins une pile “surnuméraire“.

En rive droite, la pile 22 est sur la berge. La tour-porte est identifiable comme le logis du gouverneur. Le nombre de baies (3) au dernier étage de la tour est fantaisiste.

*************** Il existe une autre vue cavalière d’Avignon, datée de 1635, mais ce n’est qu’une reprise du plan de 1618. Le nombre de piles est identique et les arches effondrées sont strictement les mêmes, donc avec la même “erreur“. Ce plan n’apporte aucune information complémentaire.

                                                                                                               13 La tour du pont d’Avignon, Dr. Pierre Pansier in Annales d’Avignon et du Comtat, 1930

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[9] - (∼1680) – Profils en long du pont

Ce document issu des archives communales d’Avignon déposées aux AD 84 était sans doute destiné à étayer une action en justice à propos des îles du Rhône en phase de formation et des chicanes à propos de ces nouvelles terres cultivables fortement soumises aux caprices du fleuve et pour lesquelles le pont, partiellement ruiné, constituait une source de conflit. La date incertaine de ce document est à situer dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Le Dr Pansier l’a publié dans son article sur la tour du pont14 en le datant « vers 1680 » ; Joseph Girard15 a repris son texte in extenso.

C’est la première fois que l’on dispose d’un dessin “technique“ du pont. La représentation s’apparente à, ce que l’on appelle aujourd’hui un “profil en long“. Le dessinateur s’est affranchi d’une vue en perspective qui déforme le pont en prenant le parti d’une projection dans son plan axial. Le paysage fluvial s’en trouve légèrement déformé mais pour notre objectif, cela n’a pas d’importance.

En partant d’Avignon, le pont est représenté par : • 4 arches de pierre portées par les piles 1, 2, 3, et 4. La pile 2 porte la chapelle, la pile

3 porte l’édicule avec croix. La pile 1 est à la limite de la berge ; • une coupure légendée dans le document comme correspondant à 3 arches

effondrées. La piles 5, très fortement ruinée, et la pile 6 sont isolées dans le fleuve; • 4 arches de pierre portées par les piles (7) à (11) au dessus d’une île en formation ; • une deuxième coupure, dont le nombre d’arches abattues n’est pas précisé dans la

légende, mais qui est commentée par son incidence sur la direction du courant ; • une arche en pierre, isolée, sur une île : l’île des pères Chartreux ; • une troisième coupure de longueur inconnue, franchie par une passerelle en bois

portée par une forêt de poteaux directement plantés dans le lit du fleuve ; • 4 arches de pierre portées par les piles (I), (II), (III) et (IV) jusqu’à la tour porte du côté

de Villeneuve. La pile (II) porte une construction, sans doute implantée sur son avant-bec, dotée d’une toiture à deux pans.

Les deuxième et troisième coupures en partant d’Avignon posent question : à combien d’arches effondrées correspondent-elles ? Le dessinateur a représenté dans la deuxième coupure la rampe en bois qui permet de monter ou descendre du tablier de pierre. Malgré la régularité des dimensions des arches encore en place on peut, avec précaution, proposer un nombre d’arches effondrées dans ces intervalles.

La deuxième coupure correspondrait à 4 arches effondrées (12, 13, 14, 15) en sachant que les arches 12 et 13 sont beaucoup plus étroites que les autres (cf. [20]).

La troisième coupure, franchie par une longue passerelle de bois, correspondrait également à 3 arches effondrées. Dans cette brèche, les piles 17 et 18 ne sont pas identifiables.

Comme ses derniers vestiges nous l’ont montré (cf. figure 11 page 46), la maçonnerie de la pile 17 a été remaniée (à quelle époque ?) pour accueillir, au moins sur sa face villeneuvoise, autre chose qu’une arche en pierre dont on aperçoit encore l’ancienne amorce. Probablement une passerelle de bois, sans doute celle qui figure dans ce dessin. Cette pile 17 aurait donc “survécu“ jusqu’en 1969 alors que ses voisines ont été totalement arasées avant même les travaux de la CNR. Ce qui est étrange, c’est que l’autre face de cette pile 17 ne semble pas comporter la même reprise, comme si, du côté avignonnais, une arche venait encore s’y appuyer. Une telle hypothèse ne serait pas en cohérence avec ce dessin.

                                                                                                               14    Annales d’Avignon et du Comtat (1930), p.25  15    Evocation du vieil Avignon, p. 352  

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La pile 21 possède sur son avant-bec une construction. Le pont est représenté avec une vingt-deuxième pile.

On note par ailleurs dans la légende “(qu’)il ne passe que fort peu d'eau“ sous les arches côté Villeneuve alors que Vauban donnera en 1686 une hauteur de 36 pieds (11,52m) d’eau sous la troisième, 30 pieds (9,6m) sous la deuxième et seulement 12 sous la première assez encombrée.

***************

Nous avons vu plus haut que Joseph Girard a donné une description de la traversée du Rhône après 1669 en citant un plan de cette époque16. Cette description est cohérente pour la troisième brèche, franchie par une passerelle de bois, correspondant à 3 arches effondrées. La description de Joseph Girard pour la deuxième coupure décrit 4 arches effondrées ce qui est conforme avec notre lecture rapprochée du plan Montaigu [20].

La confrontation avec les documents [8] et [20] et la prise en compte d’un acte de baptême17 du 8 mai 1633 de Marthe Mourillyri qui rapporte la chute le même jour des “deux arches les plus proches de la tour“ de Villeneuve, nous amène à proposer une date nettement postérieure à 1633 (il a fallu du temps pour remonter ces arches effondrées le 8 mai) et antérieure à 1685, d’ou la date proposée de 1680.

(∼1670) – L’album Laincel18

Cet album rassemble 292 dessins presque tous du même auteur anonyme. Dans ce portefeuille, seuls trois dessins sont datés de 1671 ce qui nous amène à proposer pour les autres dessins une date qui ne peut être antérieure à 1660.

Une constante dans ces dessins : ils sont vides d’activité humaine, en particulier aucune représentation de la batelerie. Le débouché du pont en rive droite est traité dans quatre dessins, deux vues depuis l’aval et deux vues depuis l’amont.

Le débouché du pont en rive gauche est également traité dans quatre dessins, deux vues depuis l’aval et deux vues depuis l’amont. Cette symétrie de traitement n’est peut-être pas fortuite.

Ces deux séries de dessins ont été très probablement réalisées à des périodes très rapprochées peut être même dans les mêmes journées pour la rive gauche d’une part et la rive droite d’autre part. On peut aussi imaginer une première campagne et une seconde quelques mois ou quelques années plus tard.

L’examen des autres plans du dessin permettrait sans doute d’estimer si ces deux séries de dessins peuvent avoir été réalisées au cours de deux campagnes distinctes, distantes dans le temps.

Cependant on constatera dans l’examen des dessins qui nous intéressent que l’auteur prend beaucoup de liberté avec la réalité, ce qui rend difficile l’appréciation des détails qu’il se donne la peine de restituer. Néanmoins, sa “vision“, datée de la deuxième moitié du XVIIe siècle, est utile à notre compréhension de l’ouvrage d’art et on trouve, au passage, des détails intéressant d’autres éléments du dispositif de traversée du Rhône.

                                                                                                               16   Il s’agit sans aucun doute du plan publié par le Dr Pansier dans son article sur la tour du pont. 17  Archive municipales de Villeneuve, Série GG, registre 9 folio 11 18 il faut remercier la Fondation Calvet d’avoir pris la décision de numériser, dans l’intérêt du projet PAVAGE, l’ensemble de l’album permettant ainsi une analyse approfondie de ses dessins sans mettre en péril l’original.

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Le débouché du pont en rive gauche du Rhône.

[10] – « Palais d‘Avignon » (2)

Le dessin, focalisé sur le Palais des Papes, représente 7 piles plus la culée orientale contre la tour du châtelet d’Avignon. Alors que le Palais des Papes est traité avec un niveau de détail assez fin (…) la porte d’accès à la ville n’est pas représentée et le pont débouche sur une tour aveugle ! Ce qui est très étrange dans ce dessin et inexplicable, c’est l’absence d’arche N°1.

Dans le respect de notre convention de numérotation (pile de la chapelle = n° 2), ce dessin représente les piles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 ; une 9e pile étant à peine esquissée au niveau du bord gauche du dessin. Sur la pile 2, on peut distinguer sur l’arrière-bec une construction, couverte d’une toiture, qui ne semble pas ruinée. Les piles 3, 4, 5, 7 et 8 sont munies d’une ouïe axiale.

L’arche de pierre n°6 est effondrée. Elle est remplacée par une passerelle de bois soutenue sur toute la longueur par un ensemble de poteaux verticaux directement plantés dans le lit du fleuve, ce qui n’est plus le cas dans le dessin du même auteur vu depuis l’aval [11] !

Sur la base des dessins de Martellange que l’on a examinés plus haut [5] [6] [7] et du “Profil en long“ [9], on peut avancer l’hypothèse que la première brèche dans la section du pont sur le bras d’Avignon a commencé par la chute de l’arche 7 (15 mars 1603), remontée entre 1628 et 1633 selon J. Girard19. A une date postérieure à 1633, cette brèche s’est donc de nouveau ouverte jusqu’à intéresser aussi les arches 6 puis 5. C’est une époque où les arches de pierre effondrées ne sont plus systématiquement remontées, au mieux, elles sont remplacées par des passerelles en bois. Cependant, comme on relève beaucoup d’incohérences dans les autres dessins du probable même auteur (voir ci-dessous), on ne recherchera pas dans cet ensemble de dessins les informations manquantes sur le nombre de piles du pont Saint Bénezet.

Par ailleurs, il n’y a pas d’île sous le pont. Tout au plus un premier plan laisse imaginer que le dessinateur se tenait sur la terre ferme mais il s’agit d’un détail présent dans tous les dessins de l’album Laincel et qui n’a sans doute aucun lien avec la réalité du point d’observation. Néanmoins, l’angle de vue et le niveau de détail sur le Palais des Papes laissent à penser que le dessinateur se tenait, non pas sur la rive droite du Rhône, mais plus sûrement sur une île en aval du pont, peut être l’île des pères Chartreux.

[11] - « Petit Palay et pont Avignon »

Le dessin est centré sur le châtelet d’Avignon, à droite le Petit Palais, à gauche les piles 2, 3, 4 et 5. L’arche n° 6 est effondrée mais il n’y a pas de passerelle de bois. Doit-on en déduire que ce dessin est antérieur au précédent et/ou à la construction de la passerelle ou que la passerelle a été emportée, ou encore que le dessinateur ne s’est pas donné la peine de représenter ce “détail“ ? En revanche, c’est une des rares vues représentant la construction élevée sur l’arrière-bec de la pile 2. Des petites baies sont suggérées par le dessinateur. Il semble également que, de ce point de vue, le fronton de la chapelle dépasse le faîtage de la construction bâtie sur l’arrière-bec. Sur la berge, la pile N° 1 est traitée par le dessinateur comme une culée. Il ne représente pas d’arche N°1 comme dans le dessin précédent [10]. Les piles 3, 4 et 5 présentent chacune une ouïe axiale. Même remarque que précédemment pour le tout premier plan.

                                                                                                               19  Evocation du vieil Avignon, p. 352  

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[12] - « Roque de Doms et St Martin» (19)

Ce dessin depuis l’amont est centré sur le rocher des Doms avec le pont à droite. L’auteur a représenté le châtelet et les piles 1 et 2. Seule la culée contre la tour du châtelet est sur la berge, la première pile a les pieds dans l’eau. La deuxième pile, certes sur le bord du dessin, ne porte pas de chapelle sur son avant-bec ! Une rampe assure la communication entre le chemin de berge et le pont à l’extérieur des remparts. Les piles présentent chacune une ouïe axiale (ce n’est pas possible sur la pile 2 portant la chapelle).

Ce dessin semble confirmer malheureusement la “fantaisie“ du dessinateur. En effet ce dessin comporte deux incohérences, interne – il n’y a pas de chapelle sur au moins une de ces piles – et externe – même remarque que sur le document [11].

[13] - « Roque de Doms et St Martin» (20)

Ce dessin est presque identique au précédent mais la position du dessinateur est remontée vers le nord en se rapprochant de la rive gauche ce qui a entraîné la disparition, dans le dessin, du châtelet d’Avignon masqué par l’avancée du rocher des Doms. De ce fait le dessinateur ne peut plus représenter qu’une pile dans son cadre. L’analyse du dessin précédent nous amène à penser qu’il s’agit de la pile N°1, selon le dessinateur, donc incohérente avec son dessin [11]. La pile (2) est hors champ. La pile 1 présente une ouïe axiale, décalée en hauteur par rapport à l’avant-bec.

Le débouché du pont en rive droite du Rhône.

[14] - « Tour de Villeneuve» (49)

Ce dessin, focalisé sur le quartier des tuileries en rive droite du Rhône, est une vue depuis l’aval du châtelet villeneuvois. L’angle de vue ne permet pas de comprendre précisément comment le pont abouti sur la berge. Il semble qu’une pile puisse prendre place sur la berge avant que le tablier n’atteigne le niveau de ce qui pourrait être la tour-porte. De ce fait, nous conviendrons qu’il s’agit d’une pile notée I et donc que le dessin représente la pile II et l’amorce de la pile III sur le bord droit du dessin. Le dessinateur a représenté sur la pile II une construction prenant appui sur son avant-bec (cette disposition sera confirmée par l’analyse de la planche suivante). Cette construction est couverte d’une toiture à deux pans. Il s’agirait donc de la pile 21.

[15] - « Tour de Villeneuve » (50)

Ce dessin, focalisé sur le châtelet bâti au pied de la tour Philippe-le-Bel a été très souvent utilisé pour illustrer les ouvrages sur le pont. C’est une des vues les plus diffusées de l’album Laincel. L’angle de vue laisse supposer que le dessinateur est sur une île en aval du pont, à la rigueur sur un bateau ou un moulin amarré à la berge. Deux piles sont représentées, une troisième est suggérée par l’arche coupée sur le bord droit du dessin. La première pile ne semble pas être sur la berge car elle est dotée au moins d’un arrière-bec. En conséquence, la distance restante pour atteindre le relief calcaire de la berge semble très courte pour laisser le passage à un chemin de berge. On relève, d’une part, que la première arche semble tronquée ou écrasée (maladresse du dessinateur ?) et, d’autre part, que ce que nous avons noté pile II ne présente pas de construction sur son avant-bec mais une sorte de contrefort sur son arrière-bec. Le tablier du pont abouti à ce qui est sans doute la tour-porte. Celle-ci semble être couronnées de hourds par comparaison avec des mâchicoulis qui couronneraient le logis attenant du gouverneur.

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Les premiers mètres du tablier semblent couvert par un auvent. Sur la pile I des baies (3 ?) de tailles diverses sont représentées. Aucune de ces baies ne possède les proportions d’une ouïe de décharge. Le tracé du chemin de berge n’est pas identifiable dans ce dessin a contrario des toits du quartier de la tour traités avec grand soin. Les latrines en encorbellement du 2e niveau de la Tour Philippe le Bel semblent bizarrement placées entre les deux derniers niveaux si on se réfère aux baies dans les façades est et sud. Plus intéressant, le dessinateur a représenté au-dessus des latrines une baie de forme allongée verticalement. Cette baie, bouchée à une date inconnue, est parfaitement identifiable à l’intérieur de la tour, même si on ne distingue plus dans le parement extérieur les traces de son obturation qui serait donc postérieure à 1650 environ.

[16] - « La Tour du pont d’Avignon veüe depuis l’isle de la Barthelasse » (43)

Ce dessin est focalisé sur la tour Philippe-le-Bel et l’imposant massif calcaire du “Rocher de Saluces“. Sur cette vue depuis l’amont, deux piles sont représentées de façon complète et une troisième est en partie tronquée, sur le bord gauche du dessin. Les frondaisons de la rive droite laissent supposer la présence d’une autre pile avant l’aboutissement du tablier sur le flanc de la colline dominant la berge. Ce débouché en rive droite pose, semble-t-il, un problème de perspective mal maîtrisé par le dessinateur. La tour-porte n’y figure pas alors que, a priori, rien ne peut la masquer sous cet angle de vue. Par ailleurs, sur l’avant-bec de la pile II, le dessinateur a représenté une construction qui conserve sa forme d’étrave jusqu’au niveau supérieur, dépassant le niveau du tablier et de son parapet. La construction ne semble pas (plus) posséder de toiture. La pile III n’a pas d’ouïe.

[17] - « Tour de Villeneuve » (51)

Cette vue est focalisée sur le versant fluvial du quartier de la tour. La position du dessinateur, sans doute sur l’île de la Barthelasse, donne une bonne représentation du châtelet du XVIIe siècle où la tour-porte semble encore équipée de hourds (?). La tour-porte est représentée mais, là encore, la perspective utilisée par le dessinateur ne fait pas aboutir le tablier sur la tour-porte ! Le dessinateur a représenté 3 piles et ce qui pourrait être la culée en rive droite. Sur la première pile, la construction bâtie sur l’avant-bec dépasse la hauteur du tablier et semble couper ce dernier. Il s’agirait de la pile 21. Cette construction ne peut pas être celle souhaitée quelques années plus tard par Vauban sur la “quatrième pile“ avant Villeneuve. Une ouïe de décharge est esquissée sur la pile deuxième pile.

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Ces deux séries de quatre dessins sont loin d’être cohérentes. Alors que ces vues selon “champ“ et “contre-champ“ devraient permettre de lever certaines ambiguïtés à propos des lieux représentés, au contraire, le “laxisme“ du dessinateur et un manque certain de maîtrise de la perspective entre les vues amont et aval, ne fait qu’ajouter de la confusion dans la lecture visuelle du site.

En rive gauche, il est difficile de comprendre pourquoi le dessinateur ne représente jamais la première arche ou la chapelle sur la pile 2. En rive droite, il est tout aussi difficile de comprendre si la pile qui supporte une construction sur son avant-bec est la pile I ou la pile II.

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[18] - 1654 – La tour Philippe-le-Bel par Israël Silvestre

Le point d’observation du dessinateur est en aval du pont, sans doute sur la berge du port des tuileries. La section représentée du pont comporte quatre arches, les trois premières en pierre, avec un profil en anse de panier (?). La quatrième est constituée d’une passerelle de bois en appui sur des consoles en bois. Ce dernier détail est évident du côté de la troisième pile c’est moins évident pour son autre extrémité puisque étant sur le bord du dessin on ne peut certifier qu’il s’agit s’une console accolée sur la quatrième pile ou un pilier intermédiaire en bois. Cette représentation, cohérente avec les plans plus tardifs [20], [20bis] et [21], indiquerait que les deux arches tombées le 8 mai 1633 auraient été remontées avant 1654.

Les arrière-becs semblent monter presque jusqu’au niveau du tablier. Pas de construction visible sur les avant-becs des piles (II) ou (III). Le chemin de berge est ni marqué, ni identifiable. A gauche de la tour un « soutènement » étrange qui ne correspond a rien de connu.

[19] - 1654 – Le Petit palais par Israël Silvestre

Le point d’observation du dessinateur est toujours en aval du pont, sans doute sur une île du Rhône ou sur un bateau. La portion de pont représentée comporte 3 arches de pierre complètes et l’amorce d’une quatrième arche coupée par le cadre du dessin. Les arches sont de même facture que dans la vue de Villeneuve analysée ci-dessus. On remarque bien sûr l’absence très énigmatique de la chapelle sur la pile 2. Comme pour la vue précédente, l’artiste s’est ingénié à représenter du trafic sur le tablier du pont, essentiellement des piétons mais on distingue également un animal tirant une charrette.

L’absence du Palais des Papes et la prolongation exagérée et incongru, à droite du Petit Palais, du plateau du Rocher des Doms achève de décrédibiliser le dessin.

Il est évident que ces deux dessins d’Israël Silvestre n’ont pas beaucoup d’intérêt en ce qui concerne les détails constructifs des piles ou des arches. Tout au plus pourra-t-on retenir qu’en 1654 il y aurait, au moins 4 arches de pierre du côté d’Avignon et 3 du côté de Villeneuve.

[20] - 1685 – Plan de l’ingénieur Montaigu

C’est un document d’une très grande valeur informationnelle conservé au Archives Nationales (G7/300). Il est daté du 15 janvier 1685 et signé par l’ingénieur du Roi, Jean François de Montaigu Il a été numérisé par les Archives Nationales, à la demande du programme PAVAGE, avec un dispositif pour grand format à plat (Metis DRS A0 - CCD 8K). Il porte une orientation, nord en haut, légèrement basculé d’environ 30° vers l’Est, sous la forme d’une boussole représentée en axonométrie. Le document de 510mm par 1180mm porte deux échelles en toises (1 toise = 1,95 m) ; 1/1553 env. pour les deux cartons ; 1/7546 env. pour le plan général.

Ce document, richement coloré, légendé abondamment, est focalisé sur le Rhône. Il correspond au projet de détournement du flot du Rhône pour créer un port en rive droite concurrençant le port d’Avignon qui serait alors privé d’eau. Il a été réalisé du point de vue des ingénieurs du Roi de France et il est complémentaire du mémoire de Vauban du 22 mars 1686.

Les bâtiments du bourg de Villeneuve-les-Avignon sont dessinés presque exhaustivement, et la ville d’Avignon qui pourrait figurer dans les limites du document, n’est représentée que

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par ses remparts du XIVe siècle ; la légende principale occupe dans le document l’espace de la ville intra-muros.

Le dessinateur s’est attaché à représenter le pont et les légendes, nombreuses, renseignent sur les berges et les travaux d’aménagement de celles-ci. Un rabat dans la partie centrale permet de connaître la configuration du terrain (avec indication du dénivelé en pieds) et l’aménagement projeté (allée arborée).

Un détail de ce document des Archives Nationales a été publié par Sournia et Vayssettes20, mais fortement recadré sur le pont, il ne permettait pas d’en révéler toute la richesse. C’est sans doute un document de communication et de travail (référence à l’adjudication) élaboré pour argumenter sur ce projet de détournement du Rhône et les travaux rattachés.

En partant d’Avignon, le pont est représenté par un tracé ondulant composé de : • une première section de 4 arches en place ; • une deuxième section ruinée de 3 arches ; • une troisième section de 4 arches en place au-dessus d’un ensemble de bancs de

sable qui permettra plus tard d’assurer la jonction entre l’île de la Barthelasse en amont et l’ile de Piot en aval ;

• une section de 8 (voir ci-dessous) arches ruinées ; • une dernière portion de 3 arches en place aboutissant à la tour-porte.

Le tracé ondulant s’appuie donc sur 21 piles identifiables, hors culées.

L’arche 12 est représentée effondrée mais on ne peut pas qualifier de façon indiscutable l’élément dessiné au-delà de la pile 11. Est-ce un élément de tablier ou les arches 12 et 13 sont-elles plus étroites ?

On se reportera au document [8] pour conforter cette hypothèse corroborée également par le récit que faisait Thomas Platter en 1596. Ce plan est à rapprocher du “Profil en long“ [9], sans aucun doute légèrement plus ancien, puisque ce dernier représente une arche (16) encore débout et isolée sur l’île des pères Chartreux.

Cette dernière section du côté de Villeneuve pose néanmoins question. En effet, dans son rapport de 1686, Vauban parle de la quatrième pile

qu’il conviendrait de charger pour l’empêcher de basculer, mais le plan ne représente “que“ trois arches. On ne peut donc parler d’une quatrième pile que si on prend en compte une pile de culée, avant la tour-porte (cf. le schéma page 41). Dans ce cas on aurait bien, en plan, 3 arches et 4 piles. Cette hypothèse rendrait homogène le rapport de Vauban et le plan Montaigu qui sont intimement liés puisque le rapport renseigne certaines marques graphiques du plan.

Le plan Montaigu permet également de lever l’ambiguïté sur la construction prenant place sur l’avant-bec de la pile 21. En effet le cartouche supérieur du plan (« Figure première ») est explicite. Cette construction est aussi visible sur les documents [9], [14], [16], [17], [27] et [30], mais absente sur certains dessins : Laincel [15], Silvestre [18].

[20bis] – Plan du pont d’Avignon (copie ou brouillon du précédent ?)

C’est un document d’origine inconnue conservé au département Cartes et Plans de la BnF (VA 84 Tome 3 - cliché H 159245). Il ne porte pas de date mais peut néanmoins être daté aux environs de 1685 car il a de très fortes similitudes avec le document précédent [20],

                                                                                                               20 B. Sournia, J-L Vayssettes "Villeneuve-lès-Avignon, histoire artistique et monumentale d'une villégiature pontificale", édition du Patrimoine, 2006, p. 284

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daté du 15 janvier 1685. La superposition des documents [20] et [20bis] est quasi parfaite sur tous les éléments bâtis. Il n’est pas signé mais dans son coin supérieur droit, figure un nom, peut être abrégé, « Fouq. » qui peut correspondre à celui du dessinateur Il a été numérisé par la BnF, à la demande du programme PAVAGE, avec un APN (Haselblad CF-39MS- 39 Mpix – objectif HC 120). Il porte une orientation, nord en haut, légèrement basculé d’environ 30° vers l’Est. Les dimensions originales sont : 391 x 592 mm. Il porte une échelle en toises.

Une première vérification, démontre que cette échelle est fausse. En effet, la distance réel entre les châtelets de la rive gauche (Tour d’Avignon) et de la rive droite (Tour-porte au pied de la Tour Philippe-le-Bel) est d’environ 870m à “vol d’oiseau“ soit environ 446 toises (pour 1 toise = 1,95m). Sur le document et selon l’échelle qui y figure, cette distance serait égale à 86 toises. Cette énorme erreur, couplée aux autres défauts décrits ci-après, doit nous inciter à écarter ce document puisqu’il n’apporte pas d’information supplémentaire. L’échelle réelle est d’environ 1/3350

Ce document semble avoir été réalisé d’un point de vue villeneuvois. En effet, les bâtiments du bourg de Villeneuve-les-Avignon sont dessinés presque exhaustivement, alors que la ville d’Avignon, qui pourrait figurer dans les limites du document, n’est représentée que par une partie de ses remparts du XIVe siècle.

Le dessinateur s’est clairement attaché à représenter le pont, c’est du reste le titre figurant dans le cartouche en haut à gauche.

En partant d’Avignon, le pont est représenté par un tracé ondulant composé de : • une première section de 4 arches en place ; • une deuxième section ruinée de 3 arches ; • une troisième section de 4 arches en place au-dessus d’un ensemble de bancs de

sable (île des Chartreux ?) qui permettront plus tard d’assurer la jonction entre l’île de la Barthelasse en amont et l’ile de Piot en aval ;

• une section de 6 arches ruinées dans laquelle l’intervalle entre la pile 11 et la pile 12 est beaucoup plus important que la moyenne des ouvertures d’arche ;

• une dernière portion de 3 arches en place aboutissant à la tour-porte.

Au total 19 piles, mais un doute sur la représentation après la pile 11. Pourquoi le dessinateur n’a-t-il pas représenté “quelque-chose “ entre les piles 11 et (12), au niveau du petit îlot situé à égale distance des deux piles ? A l’échelle du dessin, les piles 11 et 13 sont séparées de plus de 80m soit deux fois l’intervalle moyen entre les piles. La logique impose au moins une pile “intermédiaire“ voire deux qui du reste figure sur le document [20].

Pour distinguer le Rhône de la terre ferme, le dessinateur a aquarellé le fleuve. On distingue donc immédiatement que l’aquarelliste n’a pas su interpréter certains traits. En effet, les deux trailles doubles installées dans les bras d’Avignon et de Villeneuve ne sont pas aquarellées. L’aquarelliste n’est pas le dessinateur, il ne connaît pas le terrain et n’a pas compris ce que représentait ces traits coupant le fleuve. Par ailleurs, il n’a pas su interpréter la ligne pointillée dans le bras de Villeneuve qu’il traite comme une berge sur toute sa longueur entraînant la création d’une zone d’incertitude en amont du pont du côté de Villeneuve.

Le dessinateur a représenté la partie urbaine de Villeneuve-lès-Avignon (Le Bourguet) avec un niveau de détail qui permet de reconnaître le système viaire. Il a esquissé les reliefs en périphérie de la ville et on peut identifier le Puy Andaon, la Montagne (devenue la colline des Mourgues) et l’éminence de Beauvoir.

En rive gauche, il a dessiné quelques traits loin de pouvoir évoquer le relief escarpé du rocher des Doms mais a assez bien détaillé les quais en amont et aval du châtelet. De

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même, les remparts comportent les différentes tours, portes et poternes mais avec un assez fort degré de simplification : la tour des chiens, octogonales, est représenté par un rectangle.

L’analyse globale de ce document met donc en évidence une piètre finition. C’est peut être un document inachevé ou bien c’est le document préparatoire d’une version plus élaborée, dans un autre format, ou bien encore c’est une copie non terminée. L’analyse du plan Montaigu [20], parfaitement réalisé et finalisé, nous incite à considérer ce document comme un travail de préparation non terminé ou une copie non achevée.

[21] - 1693 – Plan de St André de Villeneuve (Recueil des places du royaume)

Ce plan issu du “Recueil des places du royaume“ est d’un grand intérêt car il est de très bonne facture. De plus, son état de conservation est particulièrement bon. Sa conservation dans un recueil relié ne permet pas encore de disposer d’une numérisation à plat de l’ensemble du document autorisant son géo-référencement. Cependant, la présence d’une échelle et le fait que la partie du pont ne soit pas déformée par la reliure permet d’envisager certaines mesures de distances, dès ce stade de l’analyse iconographique. Contrairement au document précédent [20bis], l’échelle portée sur le document est réaliste puisque la distance à vol d’oiseau entre les deux châtelets serait de l’ordre de 420 toises (814 m).

Le pont est représenté par 20 piles nettement identifiables.

En partant d’Avignon, le pont comporte : • une section de 4 arches (c’est la partie conservée) ; • une coupure correspondant à 3 arches effondrées ; • une deuxième section de 4 arches portées par 5 piles au-dessus d’une île en

formation en aval du pont ; • une coupure de 7 arches effondrées ; • une troisième et dernière section de 3 arches menant jusqu’à la tour-porte

villeneuvoise.

On note que l’anomalie d’écartement des piles 11, 12, 13 visible dans le plan de 1618 et dans la représentation de 1685, a disparu, ce qui entraîne la “disparition“ d’une pile.

C’est surprenant puisque ce plan est établi pour le même commanditaire, la Maison Royale, que le plan Montaigu [20] plus jeune de huit années seulement. Il est même probable qu’il se fonde sur les mêmes sources. En effet, si on concentre notre attention sur les « amers » (courtines, tours et constructions) communs à ces trois documents [20], [20bis] et [21], on constate une superposition quasi parfaite.

On note également la matérialisation d’une rampe, à l’extérieur des remparts, au niveau du châtelet d’Avignon, vue également sur un dessin de l’album Laincel [12].

[21bis] – (1695) – Plan de Villeneuve, du fort St André et de la tour

Ce petit dessin en Noir & Blanc de 125 x 180 mm n’est pas daté. La représentation du pont nous permet cependant de le rapprocher du plan précédent daté de 1693. L’échelle en toise semble correcte puisque la distance entre les deux châtelets est à peu près conforme à la réalité. Le pont, qui n’est pas le sujet principal du dessin, est représenté avec peu de précision puisque le tablier venant de la rive gauche ne semble pas atteindre la pile 4 alors qu’à cette époque l’arche 4 n’est pas ruinée. Le pont semble avoir 21 piles mais certains intervalles semblent très réduits et au milieu un intervalle (arche 9) semble dépasser les 70m à l’échelle du dessin. Ces prises de mesures doivent être prise avec précaution. On note la présence de la rampe en rive gauche pour accéder au pont hors les murs. Le rocher des Doms est très bizarrement représenté.

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[22] - 1700 – Peinture de Pierre Bonnart

Cette très belle toile (500 x 1300mm) de Pierre Bonnart, visible au Musée Calvet, donne à voir un pont très ruiné. Depuis Avignon, une première section de 4 arches, celles qui seront définitivement conservées, puis une brèche qui ne permet pas de statuer de façon certaine sur le nombre d’arches effondrées. En effet, il semblerait que Pierre Bonnard ait représenté un morceau de tablier effondré au niveau de l’arche 5. Mais en rapprochant cette peinture du “Profil en long“ [9], dûment légendé, on peut proposer qu’il s’agit bien de trois arches effondrées : 5, 6 et 7. Puis une arche qui semble isolée mais qui ne l’est peut être pas à cette date, les éventuelles arches suivantes étant hors du cadre de la toile. L’analyse du tableau de Claude-Joseph Vernet [29] confirmera cette hypothèse. Le détail le plus intéressant dans cette représentation, c’est bien sûr l’édifice bâti sur l’arrière-bec de la pile 2.

[23] - (1720) – Plan de Villeneuve

Ce magnifique plan aquarellé de Villeneuve-lès-Avignon et du Fort St André est assez fantaisiste à propos du pont. En effet le pont se réduit symboliquement aux piles, au nombre de 19 (!), mais il semble manquer une pile du côté d’Avignon où la distance séparant la première pile représentée et les remparts est de l’ordre du double de la distance moyenne entre les piles. Ce qui amènerait le nombre de piles à 20, un chiffre conforme avec celui des plans de 1685 et 1693. Néanmoins, ce document n’apportera pas d’informations nouvelles à propos du pont et de ses piles.

[24] 1750 – Vue de la tour depuis la tour des chiens

Bien datée, cette vue d’artiste de Villeneuve depuis un point de vue légèrement en hauteur (on voit le massif calcaire de Villeneuve au dessus de l’arche), nous montre en premier plan une arche isolée, entourée d’une végétation abondante témoin de la présence déjà ancienne de l’île. On distingue également, au delà de cet arc, un élément bâti difficile à caractériser. La végétation ne permet pas de statuer sur une éventuelle connexion avec d’autres arches ou piles. Compte tenu de la date du document, il ne peut pas s’agir de l’arche 16, isolée sur l’île des pères Chartreux [9]. Plus sûrement, il s’agit d’une des arches de la section de pont franchissant l’île de la Barthelasse comme dans le tableau de Vernet [29] peint en 1756 - 1757. On peut noter que les avant-becs sont invisibles, déjà dérasés ou noyés dans la végétation et un niveau de sol assez élevé.

Les points remarquables en arrière plan (tour Philippe-le-bel, massif calcaire du bord du Rhône, clocher de la collégiale Notre-Dame) permettent de tracer trois axes de visée concourants (voir ci-contre). Sur cette base, on peut proposer qu’il s’agit de l’arche 11, vue depuis la tour des Chiens avec une pile 10 très complexe en premier plan. Les dernières arches du côté villeneuvois, effondrées, sont invisibles de même que les piles qui pourtant n’ont été abattues qu’en 1779 conformément au devis de l’ingénieur Grangeant du 15 avril 1778 et qui sont encore visibles dans le tableau de Vernet [29] daté de 1756-1757.

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[25] – (vers 1750) – Plan de Villeneuve, du fort St. André et de la tour du pont d'Avignon

Centré sur Villeneuve, ce plan aquarellé ne représente pas la totalité du pont, la ville d’Avignon est hors cadre. Le dessin représente 15 piles. Seules les trois premières arches de la rive droite sont représentées en place, avec des entraxes inégaux. On relève un resserrement (?) après la neuvième pile en partant de l’ouest. Ce plan ne représentant pas le pont dans sa totalité il est délicat de numéroter les piles, néanmoins en partant d’une hypothèse de 21 piles, les piles resserrées au milieu du passage seraient les piles 11, 12 et 13. Justement celles que l’on a déjà pointées dans le plan de 1618 [8] et aussi dans la représentation du plan de 1685 [20]. Le dessinateur n’a pas dessiné un reste de tablier effondré émergeant du fleuve, entre les piles (IX) et (X) mais une pile avec avant-bec et arrière-bec. Ce détail graphique doit être évalué avec prudence car le dessinateur s’est clairement abstenu de traiter le reste du pont de façon précise, a fortiori dans les parages du bord du cadre, car d’une part il aurait du représenter au moins une pile supplémentaire et, d’autre part, il donne à la première section visible du pont ruiné une orientation en totale contradiction avec tous les documents examinés jusqu’à présent. Le pont n’était visiblement pas au centre de l’intérêt du dessinateur.

Ce document n’apporte pas d’informations nouvelles à propos du pont et de ses piles et augmente la confusion. Nous proposons de dater prudemment ce dessin vers 1750 en s’appuyant sur le tableau de Vernet qui en 1757 a bien vu que la section villeneuvoise est déjà entièrement effondrée, mais qui voit encore des arches isolées sur la Barthelasse alors que l’auteur de ce plan les ignore. Plus sûrement le dessinateur s’est totalement désintéressé de la représentation du pont en se concentrant sur les espaces urbains.

[26] 1754 – Plan géométral du projet de Jean-Pierre Franque

Plan géométral, établi en 1754, d’un projet de remise en service d’une traversée du Rhône utilisant la partie conservée du pont Saint Bénezet. Il est réalisé par l’architecte de la ville. L’intérêt de ce document réside dans la mise en évidence dans l’île de la Barthelasse de 9 des anciennes piles du pont. On est en droit d’attendre de ce type de document une certaine exactitude dans les côtes, même si il s’agit d’un plan de présentation et non d’un plan d’exécution.

La distance réelle à “vol d’oiseau“ entre les deux châtelet est de 875m soit environ 448 toises. À l’échelle portée sur ce plan, la distance entre les châtelets serait de 437,6 toises environ. Soit un écart de 2,4% qui peut être mis en partie sur le compte des approximations dans les prises de mesures sur un tirage réduit. On détecte néanmoins une erreur de près de 4% sur la partie conservée du pont : 165,10m pour la CNR (en 1965) contre 171,67m pour le plan de M. Franque et cet écart de 12m n’est pas négligeable quand on cherche à localiser les substructions des piles dans l’île de la Barthelasse.

Le nombre de piles sur l’île de la Barthelasse, définitivement reliée à l’île de Piot, est peut être conforme à la réalité (présence de vestiges encore apparent ?) mais, d’une part, JP Franque n’a pas représenté la ou les arches encore en place, et d’autre part il n’a pas retranscrit sur ce plan les deux arches plus étroites après la pile 11. Les arches 12 et 13 d’ouverture plus réduite sont représentées avec des entraxes très proches des autres. Il semble bien que JP Franque ne se soit pas attaché à représenter avec exactitude les éventuels vestiges.

En 1750, on sait qu’il existe au moins deux arches encore en place sur l’île de la Barthelasse (voir document [29]) en plus des quatre arches sauvegardées du côté avignonnais, non représentées, ce qui peut être interprété comme un parti pris.

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Les distances entraxe des piles 8, 9, 10 et 11 présentent des anomalies similaires à celles rencontrées dans les plans de 1685 [20] et [20bis] (voir tableau et graphique page 69).

Jean-Pierre Franque a positionné la pile N° 5 sur la berge de la Barthelasse de l’époque, comme l’a située M. Maurette cité par D.-M Marié (cf. p.5). En revanche, il l’a dessiné plutôt en amont de l’axe des 4 premières arches alors que selon M. Rochettin, les vestiges de cette pile ont été retirés du Rhône en 1884 à « dix mètres en aval des arrière-becs du pont Saint Bénézet ». On note également que les piles 5, 6 et 7 sont fortement désaxées.

[27] - (1750) – Vue panoramique d’Avignon depuis Villeneuve

Le dessinateur de ce grand format exploite un point de vue très singulier dans l’iconographie connue sur le pont ce qui confère au dessin un certain intérêt malgré ses graves incohérences internes et ses imprécisions. Tout d’abord la facture générale du dessin évoque plutôt un dessin du XVIIIe ou du XIXe siècle. Il se pourrait tout simplement que ce dessin soit une tentative de restitution du pont à une date “imaginaire“. Le dessinateur s’inspirant de dessins anciens pour “recréer“ un pont déjà ruiné.

On note en effet que : • le pont s’infléchit de façon très marquée vers le nord au niveau de la pile 2 ce qui est

contraire à la réalité d’hier et d’aujourd’hui ; • le pont est représenté avec une section de six arches de pierre encore debout depuis

Avignon, ce qui daterait cette représentation vers le début du XVIIe siècle, avant les dessins de l’album Laincel notamment et même avant la vue cavalière d’Avignon de 1635, mais à cette époque la partie Villeneuvoise ou sur la Barthelasse est encore globalement en place ; pas d’arche isolée (16) sur la Barthelasse comme représentée après 1650 [20] et encore en 1750 [24]

• par contre la section du pont dans le bras de Villeneuve est très fortement ruinée, sans aucune passerelle de bois, supposant un abandon déjà ancien ;

Pour les 6 premières piles de la rive avignonnaise, le dessinateur n’a pas représenté les arrière-becs qui devraient pourtant être visibles compte tenu de son point d’observation. Les ouïes sont démesurément allongées. Le dessinateur a représenté ce qui peut être interprété comme une végétation basse sur toute la zone franchie par quatre des six arches de pierre. Seule l’arche 2 franchirait de l’eau libre, l’arche 1 ayant toujours franchi la berge. L’observation est-elle faite en période de crue ce qui expliquerait la submersion des arrière-becs ? En revanche, les 6 piles depuis la rive villeneuvoise sont parfaitement cohérentes avec celles figurant dans le document [28] que nous avons daté d’avant 1750. Cette hypothèse confirme la « fantaisie » du dessinateur pour la représentation du pont du côté avignonnais.

Les deux piles les plus proches de Villeneuve attirent l’attention : • l’une (21) a été transformée et une construction est visible : toiture à deux pans avec

souche de cheminée, baie ; l’instabilité des fondations de la pile est manifeste puisque l’ensemble de la construction est fortement incliné ;

• l’autre (20), dans son assiette normale, porte encore une section de tablier et ses deux parapets.

On note également que la Tour Philippe-le-Bel n’a pas sa visette cylindrique surplombant la tourelle carrée desservant sa terrasse supérieure.

Ce dessin globalement incohérent ne nous permet pas de confirmer ou d’infirmer des hypothèses.

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[28] (1750) – Panoramique du pont ruiné, vue de l’aval

Ce dessin au format inhabituel est exceptionnel par son contenu car son auteur, inconnu, a souhaité représenter tous les éléments visibles, piles ou arches. En revanche, le dessinateur n’a pas représenté le fleuve ni les îles et leur possible couvert végétal. Il a fait abstraction des niveaux du sol et du Rhône, seuls sont esquissés de façon très légère quelques arbres, dont le cyprès, véritable “totem“ du châtelet de la rive droite, et les quais de la rive gauche.

La tour Philippe le Bel a été traitée avec plus de détail que le châtelet de la rive gauche. Le pont possède encore deux arches non ruinées en dehors des quatre de la rive gauche conservées jusqu’à aujourd’hui. En se fondant sur d’autres documents représentants les îles, on peut situer ces arches (9 et 11) sur l’île de la Barthelasse.

Sur la partie inférieure du document, depuis la rive gauche, on identifie 11 piles et 2 amas maçonnés. On peut remarquer que l’édifice bâti sur l’arrière-bec de la pile 2, semi circulaire sur trompes, ne ressemble à aucun des autres dessins parvenus jusqu’à nous [5] [8] [10] [11] [22]. Le châtelet d’Avignon semble posséder 3 blasons sur sa façade (un cliché moderne de Charles BARTESAGO le confirme) ; il n’y a pas de pont levis. Le tympan aval de la pile 4 présente des encorbellements, visibles également sur la pile 8. L’arche 9 est debout, les piles 8 et 9 présentent chacune une ouverture voutée axiale importante. L’arche 10, ruinée, est représentée par un morceau de tablier effondré. L’arche 11 est debout, les piles 10 et 11 présente chacune une ouverture voutée axiale importante et la pile 10 est traitée de façon plus complexe laissant supposer une construction sur l’arrière-bec avec une trompe au niveau du tympan aval. Cette “anomalie“ était déjà repérable sur le dessin d’E. Martellange [5] et le plan de 1618 [8] où elle semble correspondre clairement à un changement de direction. Elle est également très visible dans le tableau de Vernet [29].

Le dessinateur a ensuite représenté un élément ruiné différent des autres et a priori difficilement interprétable comme une pile. En effet, cette portion du dessin, traité à une échelle nettement plus grande que dans le reste du document, permet d’identifier clairement plusieurs voussoirs orientés dans des directions opposées Le dessin pourrait correspondre assez bien avec le résultat d’un effondrement médian d’une arche, mais nous serions en contradiction avec les documents [8] et [20] et la description de Thomas Platter (1596).

En interprétant cette partie du dessin comme une pile très spéciale séparant deux arches nettement plus étroites, on reste cohérent avec plans de 1618 [9] et de 1685 [20].

La partie supérieure du document représente neuf amas plus ou moins déstructurés qui ne peuvent pas être tous identifiés de façon certaine comme des restes de pile. On peut néanmoins avancer que c’était le parti pris du dessinateur. L’écartement très régulier entre ces amas est par contre assez peu probable, mais l’étroitesse des arches 12 et 13 ne peut être mise en évidence puisque le dessin est réalisé en deux parties disjointes.

Dans le cas où il s’agirait bien exclusivement de piles, alors le pont serait représenté avec 21 piles, et deux culées ce qui est cohérent avec le document le plus « fiable » de notre corpus, le plan Montaigu de 1685 [20].

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 28/80

La pile (17) présente, tourné vers la rive droite, ce glacis très particulier reconnu sur le vestige de la pile portant le n° 6, dans la numérotation CNR partant de la rive droite (voir plan pages 75-76), avant son dérasement en 1969 (voir en Annexe). La pile 20 présente dans sa partie supérieure un faciès assez proche de celle de la vue du document [27].

La pile 21 est représentée avec une construction éventrée qui pourrait également être rapprochée de son traitement dans le document [27].

Si on rapproche ce dessin du document [24] qui ne représente qu’une seule arche isolée en 1754, du tableau de Vernet [29] de 1756-1757 et du commentaire de Joseph Girard sur le plan “introuvable“ de 1721, alors ce dessin devrait être daté vers 1750.

[29] 1757 – Peinture de Claude-Joseph Vernet

Cette très belle vue panoramique d’Avignon depuis le pied de la tour sur la rive villeneuvoise est d’une très grande richesse informationnelle, pas seulement pour les piles du pont. Le centre d’intérêt du peintre c’est Avignon dominé par le Palais des Papes mais l’ensemble du pont, ou ce qu’il en reste, est dans le champ du tableau sous un angle de vue original côté villeneuvois.

Depuis la rive gauche on distingue : - les 4 arches sauvegardées avec la chapelle et l’édifice de l’arrière-bec sur la pile 2. La

pile 1 possède un arrière-bec bien identifiable ; - une première coupure correspondant, semble-t-il, à 4 arches (cf. [9] et [28]) où on

reconnaît la forme encore caractéristique à cette époque de la pile 6 ruinée ; - une arche isolée (9) où on reconnaît le bloc de tablier effondré de l’arche suivante (10)

comme dans le document [28] ; - une deuxième brèche correspondant à l’arche 10 ; - un ensemble complexe, partiellement masqué par des arbres qui ne permettent pas de

distinguer s’il y a deux arches dont une avec une ouverture très nettement plus petite ; néanmoins un rapprochement avec le document [28] permet de confirmer que la pile 10, complexe, n’est pas une pile “standard“. ; elle comporte sans doute une ouverture de décharge particulièrement importante qui peut être assimilable par un observateur lointain comme une “petite“ arche ; l’arche 11 est la dernière en place ;

- une troisième brèche, importante, dans laquelle on ne distingue pas de vestiges (tous arasés pour la mise en culture ?) et où circule un attelage composé de 6 paires de chevaux halant un convoi fluvial composé de trois embarcations ;

- enfin une dernière section aux arches totalement ruinées où on individualise 5 piles dont deux encore assez élevée ; la pile la plus haute peut correspondre à la pile 16 dans le document [28] et deux autres fortement basculées.

- L’angle de vue du peintre dérobe la toute dernière section aboutissant à la tour porte. - Au premier plan à gauche, l’échauguette de l’angle sud-est de la terrasse du logis du

gouverneur.

Cette peinture fourmille de nombreux détails pittoresques sur la vie du fleuve (remous, bateaux, moulins, etc.), le paysage et les personnages (bateliers, pêcheurs, promeneurs, etc.) animant la rive villeneuvoise au premier plan. La comparaison avec les documents [27] et [28] laisse supposer que deux piles (20 et 21 étaient masquées au regard de Claude-Joseph Vernet quand il a peint son tableau.

******************** Si l’hypothèse que nous faisons à propos de la pile 10 est retenue, on s’étonne que les ingénieurs du roi n’aient pas reporté cette “singularité“ sur le plan de 1685 [20] dans lequel toutes les piles sont traitées graphiquement de la même manière avec une “largeur“ notoirement exagérée (de l’ordre de 12 à 14m) quand on la compare à celle des piles 1 à 4 sauvegardées (de l’ordre de 7 à 8m).

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 29/80

[30] (1750) – Panoramique de Villeneuve

Ce grand panoramique non daté donne une vue saisissante de toute la rive Villeneuvoise. Ce qui nous intéresse ici c’est la vue du châtelet ruiné de la rive droite et surtout les deux piles encore dressées et fortement basculées.

Indéniablement, bien qu’elles soient vues de l’amont, ces deux piles correspondent dans les détails à celles représentées dans le document [28].

[31] 1833 – Peinture d’Isidore Dagnan

Cette très belle vue des 4 arches restantes ne nous renseigne pas sur le nombre total de piles. Néanmoins elle a de l’intérêt pour la vision qu’elle donne de la pile N° 4 que D.M Marié considère comme une pile reliant “deux ouvrages“. Cette vue de la pile N° 4, avant les nombreuses restaurations qu'elle a connues, ne nous permet pas de déceler clairement ce “changement de direction“.

On peut également observer les ruines de la construction élevée jadis sur l’arrière-bec de la pile N° 2 et il apparaît clairement qu’il n’y a pas encore d’ouïe débouchant sur la face aval, même après les importantes restaurations de 1826-1827. Ne subsiste que la partie pleine du soubassement de l’édifice, la partie creuse correspondant au niveau de la travée basse de la chapelle est totalement effondrée. On distingue nettement un “coup de sabre“ témoin probable d’une édification en plusieurs étapes sur cet arrière-bec.

[32] 1721 – Le plan inconnu dont parle Joseph Girard

Il est cité par le Dr Pansier dans son article sur la tour du pont (p. 26) et Joseph Girard reprend in extenso son texte : « … il ne reste plus que deux arches dans la Barthelasse et une seule sur la branche de Villeneuve : celle attenant à la tour. », en plus des 4 arches conservées jusqu’à aujourd’hui.

A rechercher

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 30/80

2. Les relevés modernes

1962 - 1969 – Compagnie Nationale du Rhône

Les aménagements des chutes d’Avignon puis de Vallabrègues et enfin des digues du bras de Villeneuve ont permis de conduire dans les années 60 des investigations dans les bras de Villeneuve et d’Avignon.

En rive gauche du côté d’Avignon, il s’agit essentiellement de carottages dans les piles conservées et en rive droite, d’études des vestiges avant dérasage dans le bras de Villeneuve.

Le dossier de la CNR de février 197021 précise dans l’introduction de sa notice :

« La présente notice se donne pour but de fournir une description des vestiges du Pont St Bénézet subsistant encore dans le bras de Villeneuve, elle est illustrée et complétée par divers relevés et photographies et résume les investigations pratiquées en Décembre 1969. Ces documents sont rassemblés dans le dossier ci-joint.

Antérieurement à ces investigations , les divers témoins visibles avaient fait en Novembre 1962 l’objet d’un relevé topographique dont le report est porté au plan AV 2184 (Pièce 1).

Les ruines qui se situent dans le bras de Villeneuve et peu en amont de la Tour Ph. Le Bel ne sont pour la plupart visibles que par très basses eaux du Rhône. Elles se répartissent sur 200m environ de longueur et dans la demi largeur Est du bras de Villeneuve. Le dernier témoin apparent se trouve à 240m environ de la Tour (voir photo 1 à 7).

Le report sur le fond de plan au 1/2000e du levé de 1962 précise la situation relative des ruines par rapport à la Tour Philippe Le Bel où l’ouvrage aboutissait et aux arches du Pont St Bénézet subsistant dans le bras d’Avignon.

Ce report donné en pièce 2 est complété par la figuration d’un témoin de pile visible dans l’île de la Barthelasse, témoin engagé dans une petite construction signalée sur d’anciens documents topographiques sous le nom de “Petite Gardette“. (1)

Un examen attentif des ruines permet de distinguer ce qui parmi les blocs de maçonnerie plus ou moins déversés peut passer pour les substructions d’anciennes piles. L’identification des autres vestiges est plus délicate et la plupart du temps impossible. On peut penser toutefois que certains blocs laissant apparaître des parements parallèles traités en petit appareil de moellons peuvent correspondre à des fractions effondrées d’arches ou de tablier.

L’orientation de ces blocs est telle toutefois qu’elle ne laisse pas voir de faces pouvant correspondre à des intrados de voutes.

Les Pièces 1 et 2 rendent compte d’une tentative d’identification des vestiges.

- - - - - - - - -

(1) Il n’est pas impossible qu’à l’occasion du rescindement de la berge, rive droite du bras d’Avignon, exécuté par le Service du Rhône en 1959, des vestiges d’une ancienne pile aient pu être dérasées. Les documents conservés par le Service du Rhône ne permettent cependant pas une identification et un positionnement certain de cet éventuel témoin.

- - - - - - - - -

Le positionnement sur plan des témoins de piles (5 au total) fait apparaître que leurs entre-axes devaient être de l’ordre de 40m, distances homogènes à celles qui peuvent être relevées sur les travées existantes sur le bras d’Avignon. On note en outre que les distances qui séparent les témoins extrêmes de la Tour Philippe Le Bel d’une part, de la dernière pile du bras d’Avignon d’autre part, sont à peu près multiples de 40m.                                                                                                                21  CNR_DRA0509_00232  

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 31/80

C’est cette observation qui nous a conduit pour la commodité de leur repérage à numéroter de 6 à 10 les cinq éléments de pile reconnus. »

Les mesures sur la portion conservée en rive gauche et les notes de Vauban en 1686 relatives à la rive droite (cf. p. 5) valideraient l’hypothèse avancée par la CNR d’intervalles entre les piles d’environ 40m d’entraxe.

Et dans cette hypothèse le pont aurait 22 piles, 2 culées et 23 arches.

Le relevé topographique dans le bras de Villeneuve a été accompagné en décembre 1969 d’une couverture photographique des vestiges des piles. Seule la pile 6, selon la CNR, présentait encore à cette date des éléments importants en élévation : arrière-bec, avant-bec et noyau central, pour partie séparés, mais nettement identifiables. Cette pile qui constituait le dernier vestige important du pont ruiné a été photographiée par Charles Bartesago en 1913, 1936, 1939, 1946 et 1949. La pile 7, selon la CNR, était par contre déjà complètement arasée mais on distingue nettement la base de l’arrière bec, le noyau central et un peu moins distinctement car déjà fortement érodé, l’avant-bec (cf. p. 39). Les autres vestiges sont des amas de maçonneries complètement déstructurés difficilement interprétables mais qui permettent de localiser approximativement les piles auxquelles ils devaient appartenir, quand ils n’ont pas été identifiés comme des portions de tabliers

L’identification assez claire des piles 6 et 7 permet donc, en alignement avec l’axe médian de la tour-porte de la rive droite, de tracer l’axe de la section occidentale présumée du pont.

Juin 2011 – Bathymétrie

Dans le cadre du programme ANR PAVAGE, le CEREGE a procédé en juin 2011 à une prospection bathymétrique dans les deux bras du Rhône, notamment sur le tracé présumé du pont. Ce recueil de données sur la profondeur du chenal a été accompagné d’un relevé par caméra acoustique pour tenter de caractériser la nature des éléments en élévation au fond du chenal.

Dans le bras d’Avignon, les données recueillies dans la zone de la pile 5 vont dans le même sens que les constatations de M. Rochetin (cf. page 5) qui situait un arrière-bec une dizaine de mètres en aval de l’alignement des arrière-becs des piles 2, 3 et 4. Cependant il faut tempérer cette constatation car la pile 5 est une pile ruinée assez tôt de façon très importante et les éléments les plus volumineux de cette pile ayant été sans doute retirés du fleuve dès 1884. Ce qui est encore “visible“ aujourd’hui avec la caméra acoustique appartient forcément à des éléments moins volumineux, très fractionnés, provenant peut être du tablier effondré ou des petits bloc chargés de renforcer le pied de pile pour lutter contre l’affouillement dû au courant. De plus, constatant sur l’iconographie que la pile n° 5 a été très gravement ruinée avant toute les autres, ses matériaux ont donc subit sur une plus grande période l’action du courant pouvant expliquer cette diffusion marquée vers l’aval.

Cette information pose quand même la question de la direction du tablier au-delà de la première section portée par les piles 1 à 4 (Figure 1) puisque le tablier s’infléchirait alors vers l’aval alors que toutes les représentations du pont montrent, après une première portion quasiment rectiligne, une inflexion vers l’amont ; c’est notamment le cas d’une des représentation les plus fiables, la vue panoramique [4] réalisée par E. Martellange en 1608.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 32/80

Figure 1 – Les données de la caméra acoustique pour la zone de la pile 5

comparées à l’axe de la première section du pont

Dans le bras de Villeneuve, les données recueillies sur les piles 15 à 17 (selon notre convention de numérotation d’est en ouest) confirment les constatations effectuées hors d’eau en 1969 par la CNR et pour lesquelles nous disposons d’un relevé topographique et d’une assez bonne couverture photographique.

Les vestiges des piles 9 et 10 (selon la CNR), photographiés en 1969, sont désormais inclus dans la Barthelasse, conséquence du rescindement de la berge, rive gauche du bras de Villeneuve. Les relevés bathymétrique et par caméra acoustique ont fourni de nouvelles données sur d’autres vestiges, non visibles en 1969, mais sans doute dégagés partiellement par l’augmentation du courant dans ce bras du Rhône devenu navigable et/ou par les dragages de la CNR.

Figure 2 – Les données de la caméra acoustique dans le bras de Villeneuve,

comparées à l’axe présumé de la dernière section du pont

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 33/80

Il est néanmoins impossible de caractériser de façon certaine les éléments repérés par la caméra acoustique. Ayant une connaissance assez détaillée des vestiges des piles 6, 7 et 8 par les relevés et les photographies de 1969 de la CNR, on peut estimer que les autres amas correspondent aux vestiges des piles 17 et 18 et/ou à des fragments de tablier.

Mars 2012 – Tomographie de résistivité électrique (TER)

Dans le cadre du programme ANR PAVAGE, l’équipe du CEREGE a procédé en mars 2011 à une prospection par profils électriques sur l’île de la Barthelasse. Le profil PAV04 correspond au tracé présumé du pont.

#0#0

#0

#0#0

#0

#0

#0

Pt-D4

Pt-D3

Pt-D2Pt-D1

Pt-C

Pt-B

Pt-A

PAV 04

0 10 205 Mètres

Légende#0 Carotage11042013

Secteur Avignon/VilleneuveSecteur

Barthelasse

Fort Saint André (secteur Labadie)

Figure 3 – Profil TER sur le tracé présumé du pont sur l’île de la Barthelasse

La palette des résistivités est comparable avec les autres profils de même résolution. De la base vers le sommet, on distingue :

• un bloc résistif (>100 Ωm) dont le toit se situe à 5-6m de profondeur, mais avec une forte hétérogénéité et une grande épaisseur ;

• une très forte résistivité entre 16 et 50m, puis au-delà de 100m ; • une résistivité moindre dans la partie centrale ; • une couche conductrice (en bleu) plus ou moins affleurante.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 34/80

Ce relevé qui n’a pas permis en son temps de repérer de structures pouvant être attribuées aux substructions des piles du pont sur l’île de la Barthelasse devra être rapproché des forages aux résultats positifs qui ont été effectués en avril 2013 (voir ci-dessous).

Novembre 2012 – Carottages

Dans le cadre du programme ANR PAVAGE, l’équipe du CEREGE a procédé en novembre 2012 à des carottages sur trois sites : étang de Pujaut, chemin de l’avion à Villeneuve-lez-Avignon et camping de la Barthelasse sur le tracé présumé du pont. L’INSU du CNRS a pu ainsi évaluer en action une foreuse CompactRotoSonic CRS-VS mise en œuvre par la société royale hollandaise SONIC SAMP DRILL.

Figure 4 – Localisation des forages de novembre 2012

Sur ce dernier site de forage, l’objectif était d’obtenir des données profondes (jusqu’à 20m en principe) afin de disposer d’une stratigraphie rendant compte de l’évolution du régime fluvial dans cette zone. La localisation du sondage pouvait permettre de rencontrer les substructions d’une pile. Le forage a été arrêté à -16m après avoir rencontré la roche en place.

Un deuxième forage a été réalisé à 20,53m du premier. Après avoir traversé les mêmes couches supérieures, ce deuxième forage a été arrêté à -6m en n’ayant pas rencontré de substruction de pile.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 35/80

Un premier essai de restitution des piles

Au cours de l’été 2012, M-A Vella (CEREGE), privilégiant l’hypothèse CNR à 22 piles, a proposé un positionnement relatif des entraxes dans le tableau ci-dessous (colonnes 1 à 4).

On constate : • des écarts entre les chiffres reportés dans le tableau ci-dessous et les mesures de

terrain (Plan CNR N° 643 du 10/11/1965) sur les piles existantes (colonne 5) ; • une concordance avec les indications de Vauban lors de sa visite de 1686 pour les

trois arches de la rive droite qui, si on retient une largeur moyenne de pile de 8,00m, nous donnent 42m d’entraxe moyen (34m + 8m).

• une section entre les arches 5 à 19 où les entraxes ne correspondent pas à ceux mesurés sur les plans comme on le verra plus loin.

1 2 3 4 5

N° de pile E (m) N (m) Distance inter-piles

Direction du tablier

relevé terrain ou Vauban

Culée RG 844929 6318776 0,00 N325° 0,001 844902 6318816 48,00 N325° 39,702 844881 6318848 37,00 N325° 40,203 844858 6318877 39,00 N325° 38,404 844832 6318913 44,00 N325° 42,805 844807 6318945 40,00 N325°6 844784 6318977 40,00 N325°7 844761 6319009 40,00 N325°8 844739 6319046 43,00 N335°9 844722 6319083 39,00 N335°10 844706 6319116 38,00 N335°11 844689 6319149 38,00 N325°12 844669 6319181 38,00 N325°13 844643 6319218 45,00 N319°14 844613 6319252 44,00 N319°15 844589 6319281 38,00 N285°16 844556 6319294 36,00 N285°17 844522 6319303 35,00 N285° 41,0018 844481 6319312 41,00 N285°19 844439 6319324 44,00 N285°20 844399 6319333 41,00 N285° 42,0021 844357 6319344 43,00 N285° 42,0022 844318 6319356 41,00 N285° 42,00

Culée RD 844267 6319375 45,00 N285° 42,00

Total 937,00

rele

vé C

NR

Vaub

an

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 36/80

Figure 5 – Hypothèse à 22 piles de M-A VELLA (été 2012)

Avril 2013 – Carottages sur la Barthelasse

Après géo-référencement du plan de 1685 de l’ingénieur Montaigu [20], le MAP a réalisé du 8 au 12 avril 2013 un programme de forages. Les points de forage ont été positionnés sur 4 piles (7, 8, 9, et 10). Ces piles sont les seules aujourd’hui a être encore potentiellement accessibles (terrain du Camping du Pont d’Avignon) dans une zone assez peu remaniée, sur un terrain non bâti avec très peu d’équipement urbain mais deux terrains de tennis.

Elévation

Point Pile Nord Est NGF/IGN69

A 10 6319146,340081 844699,853091 17,41

B 9 6319098,899574 844717,350573 17,23

C 8 6319045,424829 844736,169772 17,47

D1 7 6319011,940081 844756,496158 17,81

D2 7 6319014,987807 844755,832485 17,61

D3 7 6319020,840390 844760,550794 17,46

D4 7 6319012,839494 844761,319219 17,95

Coordonnées RGF 93

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 37/80

Les opérations ont été réalisées avec une foreuse SEDIDRILL du C2FN22 de l’INSU du CNRS. Les contraintes locales (lignes électriques enterrées) ont entraîné des décalages très limités par rapport aux points-cibles choisis. Les forages ont été réalisés à la tarière (Ø 102 et 152 mm) jusqu’à rencontrer un point dur à partir duquel un carottier a été mis en place pour remonter des échantillons des couches traversées.

Figure 6 – Localisation des forages d’avril 2013 sur le fond de carte Montaigu (1685)

Les carottages sur les piles 9 et 10 présumées ont permis de remonter des échantillons de maçonnerie, de blocs calcaire et sans doute du caisson de bois situé au plus bas des fondations, à NGF 10,62 m et 10,57 m. Sous cet étage bois, on a remonté des galets et du sable. Les échantillons de bois ont été datés du milieu du XIIIe siècle par l’analyse du C14. Frédéric GUIBAL de l’IMBE a identifié le bois comme étant du sapin.

Sur la pile 8, le forage à la tarière n’a pas rencontré de point dur jusqu’à -6,94 m (NGF 10,53 m). La configuration locale, en limite du terrain de tennis clôturé, n’a pas permis de déplacer le forage pour étendre la recherche de cette pile.

Sur la pile 7, le forages D1 à la tarière a rencontré un point dur à -4,00 m et le carottage qui a suivi jusqu’à -6,75 m n’a remonté que du galet ; le forage D2 à la tarière a rencontré un point dur à -4,37 m et le carottage qui a suivi jusqu’à -6,00 m n’a remonté que du galet ; le forage D3 à la tarière n’a pas rencontré de point dur et a remonté du sable entre -5,00 m et -6,40 m ; le forages D4 à la tarière a rencontré un point dur à -4,10 m et le carottage qui a suivi jusqu’à -7,33 m n’a remonté que du galet.

Cette campagne de forage a donc permis de localiser deux piles (9 et 10). Elle va permettre de réexaminer les résultats de l’ERT effectué en mars 2012 (cf. page 33).

                                                                                                               22 équipe : Laurent Augustin et Alan Demoya du  Centre de Carottage et de Forage National de l’INSU, Luigi Ardito du Bureau de Recherches Géologiques et Minières, Michel Berthelot du MAP-UMR3495.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 38/80

3. Combien de piles ?

Avant de construire une hypothèse crédible après confrontation des informations extraites des textes et dessins examinés et des relevés récents, il faut avoir à l’esprit deux choses :

• il s’est écoulé trois siècles entre la “mise en service“ médiévale de 1185 et la première représentation en 1480 de ce pont de pierre [1] ; sur ces trois siècles, nous ne connaissons rien de précis en ce qui concerne le nombre de piles et la nature de ses tabliers successifs ;

• il s’est écoulé ensuite deux siècles jusqu’à la représentation insérée dans le “Recueil des places fortes du Royaume“ de 1693, époque où le pont est déjà abandonné depuis au moins 25 ans ; sur cette période les informations techniques sont partielles et non cohérentes entre elles.

Il faut se rendre à l’évidence, les informations anciennes et récentes que nous venons d’examiner ne convergent pas de façon indiscutable, mais l’incertitude tourne autour 21 piles. Ci-contre un récapitulatif sur les documents que nous avons examinés plus haut.

On aurait pu penser que le calage topographique de la CNR pour les vestiges des 5 piles du bras de Villeneuve permettrait de répondre aisément à la question « Combien de piles ? » puisqu’on dispose alors d’informations de localisation sur près de 50% des piles du pont (4+1+5). Mais cela n’a pas été aussi simple.

Des entraxes à peu près réguliers de l’ordre de 40m permettent de passer d’une rive à l’autre en 22 ou 23 arches. On note que les ingénieurs du Roi ont bien “vu“ en 1685 ce pont fortement ruiné sur 21 piles (hors les deux culées) avec des intervalles 11-12-13 très resserrés.

Les documents que nous retenons plus particulièrement pour notre raisonnement sont : le “Profil en long“ [9], le “Plan Montaigu“ [20] et le panoramique du pont ruiné [28]. Les autres documents sont souvent entachés d’erreurs manifestes ou privilégient un point de vue “artistique“ trop marqué ou encore se focalisent sur un autre sujet (Palais des Papes, Avignon, Villeneuve, etc.).

Les documents [20] et [28] sont d’accord entre eux mais ne sont pas cohérents avec l’hypothèse de la CNR. Le plan de 1618 [7] et [8], riche en détails, mais focalisé sur la ville d’Avignon intra muros et le “Profil en long“ [9]

sont les seuls documents a être en cohérence avec l’hypothèse toute théorique de la CNR de 22 piles également avancée par Joseph Girard 23 mais en s’appuyant sur des représentations non identifiées du pont qui, on vient de le constater, sont loin d’être convergentes. Joseph Girard donnant lui-même deux descriptions contradictoires (cf. p. 8 ci-dessus).

Sur le plan théorique on imagine mal les concepteurs-bâtisseurs des piles, peut être antiques, se permettre de les espacer de façon très irrégulière. On constate cependant que

                                                                                                               23  Evocation du vieil Avignon, p. 351

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 39/80

les entraxes des 4 premières piles du pont varient de plus de 11%, avec des piles le largeur très proche (de l’ordre de 7,50m), ce qui est très faible par rapport à ce que l’on rencontre à Pont Saint-Esprit24. On doit donc s’attendre à retrouver éventuellement des écarts de cet ordre, au moins, entre les piles dont on ne connaît pas la localisation exacte. Nous notions dans l’analyse du “Profil en long“ [9] ou du panoramique du pont ruiné [28] que leur dessinateur avait respecté des intervalles réguliers entre les piles, sauf au niveau de cette arche isolée (16) sur l’île des pères Chartreux qui est, visuellement, près de 50% plus large que les autres. Est-ce une approximation graphique ou une constatation pertinente du dessinateur ?

Le ratio entre la largeur d’une pile (culée) et l’ouverture d’une arche est, à cette époque, au maximum de ¼. Cette règle est respectée à Pont St Esprit. Des arches de 40m d’ouverture, ou plus, nécessiteraient selon les règles de l’art de l’époque des piles d’au moins 10m de large, soit 33% de plus que ce que l’on constate sur les 4 piles sauvegardées. Aucune des représentations que nous avons examinées et qui s’étagent sur au moins deux siècles n’ont permis de mettre en évidence un tel différentiel mais, localement, plusieurs documents représentent la pile 10 comme assez différentes des autres. A contrario, le rapprochement de plusieurs documents ([8] [9] [20]) et le récit de Thomas Platter en 1596 accréditent des arches plus étroites, au moins au niveau des arches 12 et 13.

Il n’y a pas de motif géologique avéré pour avoir recherché un ou plusieurs points d’appui rocheux dans cette traversée du Rhône. Le système de fondation qui semble avoir été adopté (pieux + ponton flottant + caisson de blocs appareillés) ne permet pas un positionnement très précis au moment de l’immersion du ponton, mais il permet assurément d’obtenir un calage à moins de deux mètres près. Etant donné le nombre de piles nécessaires pour franchir ces 900m, les erreurs de positionnement se sont forcément réparties de part et d’autre d’une position théorique pour, finalement, approcher la largeur moyenne de l’intervalle souhaité par les constructeurs.

L’édification du pont aurait pu être menée depuis les deux rives. Dans ce cas la maîtrise des avancées respectives des deux tronçons pouvait aboutir à un intervalle de jonction nettement différent de l’intervalle moyen. Cette situation aurait pu amener les constructeurs à édifier une pile “supplémentaire“ si la “dernière“ distance à franchir avait été trop importante. Mais les données historiques ne valident pas une hypothèse de construction du pont par ses deux extrémités. Par ailleurs, le pont de Pont-Saint-Esprit, de longueur similaire et sur le même fleuve, a lui aussi été construit entièrement à partir de la rive gauche.

Fig. 7 - Pile 7-CNR (cliché AV.177 CNR 16/12/1969) Fig. 8 - Pile 6-CNR (cliché AV.162 CNR 4/12/1969)

Un seul intervalle peut être estimé sur la base des relevés de 1962 de la CNR (voir plan page 75-76), c’est l’entraxe entre les piles 6-CNR et 7-CNR (clichés ci-dessus).

                                                                                                               24 les largeurs de piles varient de 8,50m à 11,54m et les ouvertures d’arche varient de 23,40m à 34,55m in “Pont Saint Esprit gothique“ – A. Girard, 2009

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 40/80

Pour la pile 7-CNR, les vestiges arasés du socle de la pile et de son arrière-bec permettent d’estimer la position de son axe. Pour la pile 6-CNR, le noyau central de la pile, légèrement basculé, est encore en élévation. L’entraxe est de 41m environ, donc très proche de la valeur moyenne de 40m.

On constate pour trois des quatre premières arches de la rive gauche que les ouvertures d’arche varient de 30,50m à 34,50m25, mesures cohérentes avec les valeurs données par Vauban dans son rapport de 1686 (cf. page 5) pour les dernières arches non ruinées en rive droite.

La prise de mesures sur le plan Montaigu [20] géoréférencé donne les résultats présentés dans le tableau ci-dessous. Ces valeurs doivent être examinées avec une très grande prudence compte tenu de la nature du document source. L’échelle du document (1/7546 environ) et sa réalisation graphique ne permettent pas d’en extraire des données indiscutables sur la largeur des piles et donc sur l’ouverture des arches mais l’ “anomalie“ doit être examinée avec prudence.

Le graphique ci-dessus met en évidence les anomalies au niveau des arches 9, 10, 11 puis des arches 12 et 13 et enfin au niveau du débouché en rive droite. Le total cumulé des entraxes 9-10-11 est de 159,84m soit 3 fois 53,28m ce qui suggère à ce niveau un “accident“ dans l’homogénéité des ouvertures d’arches et/ou des largeurs des piles.                                                                                                                25 on ne peut pas statuer sur l’ouverture de l’arche N° 1 compte tenu du niveau de la chaussée de la voie sur berge

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 41/80

En effet, pour quelles raisons les bâtisseurs auraient-ils brutalement augmenté les ouvertures d’arches de près de 25% alors que, plus tard, les constructeurs du Pont St Esprit n’ont jamais été au-delà de 34,50m ?

Aucun des dessins que nous avons examinés ne laisse apparaître cette caractéristique, au contraire, les arches 12 et 13 sont représentées plusieurs fois comme plus étroite d’ouverture. L’île qui colonisera plus tard cette zone (vers 1700-1720) n’est pas encore définitivement constituée, les terres ne sont donc pas encore exploitées, ce qui aurait pu entraîner un dérasement total faisant disparaître les vestiges aux yeux des arpenteurs. C’est le cas, par exemple, dans le tableau de Vernet en 1757 [29] ou le peintre ne représente pas de vestiges entre la pile 11 et la pile 16.

Le document [9] “Profil en long“, certes non daté, est forcément antérieur au plan de 1685. Entre les deux dates, quatre arches se sont effondrées : les arches 8, 10, 15 et 19. On ne comprend pas pourquoi la longueur d’environ 242m de la section entre les piles 8 et 13 suggère l’existence de 6 arches s’appuyant sur 7 piles d’environ 40m d’entraxe (ouverture de 34m et pile de 9m de large) alors que l’ingénieur auteur de ce plan n’a représenté “que“ 5 piles.

Cette hypothèse permettrait de retomber sur un pont à 21 piles et 22 arches, hors culées, cohérent avec le “Profil en long“ [9] et le “Panoramique du pont ruiné“ [28].

Dans le tableau de la page précédente on remarque la mesure élevée entre l’axe de la dernière pile côté rive droite et la tour-porte (70m). Cette mesure est nettement en dehors de la plage de variation possible de l’ouverture d’une arche. Cette mesure au niveau du tablier peut correspondre à une configuration qui n’a jamais pu être totalement confirmée dans l’iconographie et/ou dans les textes mais qui semble probable (cf. croquis ci-dessous).

Cette configuration, en positionnant une “22ième pile“ rendrait cohérent le rapport de Vauban (cf. page 4) : il a bien vu en 1686 quatre piles depuis la rive de Villeneuve alors que graphiquement Montaigu n’en a représenté que trois avec avant-bec et arrière-bec.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 42/80

On peut également rapproché cette configuration théorique du récit de Thomas Platter en 1596 : « … le pont également à des arches, au nombre de vingt-deux et demi… »26 C Cette formulation est surprenante mais elle peut désigner, en rive droite, une portion d’arche pour laisser lpasser le chemin de berge

Figure 9 – Schéma interprétatif des vestiges de la “Petite Gardette“

                                                                                                               26    Le voyage de Thomas Platter, op. cité, p. 160

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 43/80

Figure 10 - Détail central interprété du plan Montaigu du 15 janvier 1685

Dans l’ovale rouge, les piles ayant fait l’objet d’une recherche par forage en avril 2013 En bleu, la pile 11 correspondant aux vestiges de la “Petite Gardette“

et la pile 12 victime du rescindement de la berge

En vert, les piles relevées par la CNR en 1969 avant dérasage (13,14,15,16,17 notées 10,9,8,7,6)

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 44/80

Nouvelle conclusion provisoire

Depuis janvier 2013 date de la première version de ce mémoire nous avons fait constamment évoluer nos conclusions en nous fondant sur de nouveaux croisements d’informations contenues dans l’iconographie ou les textes. Nous n’avons pas eu la possibilité d’ouvrir des fouilles, notamment sur l’île de la Barthelasse, pour tenter de répondre aux questions qui se posent dans cette section du pont mais nous avons néanmoins confirmé la position (approximative) des piles 9 et 10 en remontant du bois d’œuvre provenant très probablement des caissons de leur fondation.

La relecture du récit de Thomas Platter de 1596 a été décisif pour comprendre la portion de dessin de l’ingénieur Montaigu après la pile 11. En effet, nous avions cru pouvoir déceler dans le panoramique [28], après la pile 11, les ruines d’une arche effondrée dans sa partie médiane. Cette portion de dessin, réalisé à une autre échelle, permet d’identifier nettement des voussoirs. Vers 1750, époque de réalisation du dessin, cette section du pont est depuis plusieurs années déjà sur l’île de la Barthelasse. Cette accessibilité, liée à la mise en culture des terrains alentours, a probablement entraîné un très fort prélèvement de matériau, rendant le faciès de cette ruine assez peu reconnaissable.

Le récit de Thomas Platter confronté à l’exactitude vérifiée (géo-référencement quasi parfait) du dessin de l’ingénieurs Montaigu bouleverse cette vision. Il ne s’agit pas d’une arche effondrée dans sa partie médiane mais très certainement d’une pile, très différente des autres piles, le pont comportant dans cette section médiane deux arches plus étroites, équivalentes à une arche “normale“. Aussitôt, d’autres rapprochements entre dessins sont devenus cohérents.

Nous pensons détenir enfin la répartition des piles du pont, du moins pour le XVIe et XVIIe siècle, dates des documents qui fondent notre hypothèse. En effet, il n’est pas impossible que cette portion du pont, effondrée à une époque antérieure, ait été reconstruite de façon différente.

En revanche, nous n’avons pas trouvé de réponse pour expliquer trois ouvertures d’arche particulièrement importantes entre les piles 8 et 11. Nous avons une explication partielle seulement pour l’arche 11 puisque nous avons pu mettre en évidence dans plusieurs dessins l’existence d’une pile 10 particulièrement large et complexe. La peinture de Joseph Vernet [29] en dévoile une petite partie, l’autre étant masquée par de la végétation.

Paradoxalement, deux sections du pont restent très mystérieuses : celles des raccordements aux deux châtelets. En effet le déroctage en rive droite et la construction de la digue de la CNR ont fait disparaître les traces de l’arrivée du pont, hormis le seuil de la tour-porte à 27,40 m NGF. En rive gauche, les multiples reprises réfections, restaurations et autre restructurations ont brouillé la vision ne serait-ce que des dernières évolutions du raccordement du pont à la tour après 1414.

MB – 17 février 2014

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 45/80

4. Les illustrations [1] 1480 - Le retable des Peruzzi

[2] 1572 - Le plan d’Avignon dit « aux personnages »

[3] 1575 - Le plan d’Avignon de Belleforest

[4] 1580 – La fresque d’Ignatio Danti au Vatican

[5] 1608 - La vue panoramique d’Etienne Martellange (depuis la rive gauche)

[6] 1609 - La vue panoramique d’Etienne Martellange (depuis la rive droite)

[7] 1617 - La vue d’Avignon d’Etienne Martellange

[8] 1618 – Le plan d’Avignon en huit panneaux de M-A Gandolfo

[9] (1680) – Profil en long du pont

[10] (1650) – Palais d’Avignon – Album Laincel

[11] (1650) – Petit Palay et pont d’Avignon – Album Laincel

[12] (1650) – Roque des Doms et St Martin (19) – Album Laincel

[13] (1650) – Roque des Doms et St Martin (20) – Album Laincel

[14] (1650) – Tour de Villeneuve (49) – Album Laincel

[15] (1650) – Tour de Villeneuve (50) – Album Laincel

[16] (1650) – La tour du pont d’Avignon… (43) – Album Laincel

[17] (1650) – Tour de Villeneuve (51) – Album Laincel

[18] 1654 – La tour par Israël Silvestre

[19] 1654 – Le petit Palais par Israël Silvestre

[20] 1685 – Plan de l’ingénieur Montaigu

[20bis] (1685) – Plan du pont d’Avignon

[21] 1693 – Plan de St André de Villeneuve (Places du royaume)

[21bis] (1695) – Plan de Villeneuve-lès-Avignon, du fore St André et de la tour du pont

[22] 1700 – Peinture de Pierre Bonnart

[23] (1720) – Plan de Villeneuve

[24] 1750 – Vue d’une arche isolée (9 ou 11) depuis la tour des chiens

[25] (1750) – Plan de Villeneuve et du fort St André

[26] 1754 – Plan géométral du projet de Jean-Pierre Franque

[27] (1750) – Vue panoramique d’Avignon depuis Villeneuve

[28] (1750) – Panoramique du pont ruiné, vu de l’aval

[29] 1757 – Peinture de Claude-Joseph Vernet

[30] (1740) – Panoramique de Villeneuve

[31] 1833 – Peinture d’Isidore Dagnan

[32] 1721 – Le plan cité par le Dr Pansier et Joseph Girard, pour le moment introuvable

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 46/80

Figure 10 – Vestiges du pont sur l’île de la Barthelasse – cliché UMR 3495 28/04/2011

coord.Lambert93 = bas 844671,6128 / 6319188,304 / alt = 18,81/21,69m NGF-IGN69

Figure 11 – Le glacis de la pile 17, vu de l’amont – cliché CNR 4/12/1969

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 47/80

[1] 1480 - Le retable des Peruzzi – vue partielle. MET, N-Y 54.195

[2] 1572 - Le plan d’Avignon dit « aux personnages » - vue partielle. Historic City, courtesy of Matt Hessler

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 48/80

[3] 1575 - Le plan d’Avignon de Belleforest - vue partielle. BnF VA 84 Tome 1 cliché H159058

[4] 1580 – La fresque d’Ignatio Danti au Vatican - vue partielle.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 49/80

[5] 1608 - La vue panoramique d’Etienne Martellange (depuis la rive gauche) Ashmolean Museum, Oxford WA.C.Lar.11.103

[6] 1609 - La vue panoramique d’Etienne Martellange (depuis la rive droite) BnF Reserve-UB-9-Bote FT4 - 6937573

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 50/80

[7] 1617 - La vue d’Avignon d’Etienne Martellange - vue partielle

BnF Reserve-UB-9-Boite FT4 - 6937566

Double page suivante : rapprochement et comparatif des trois dessins d’Etienne Martellange.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 51-52

[5] – Panoramique de 1608 [6] – Panoramique de 1609 [7] – Panoramique de 1617

Selon Joseph Girard (Evocation du Vieil Avignon – p. 352), l’arche 7 est tombée le 15 mars 1603 et les arches 12, 13 et 14 le 26 janvier 1605. Cette déclaration n’est pas cohérente avec la brèche du bras de Villeneuve représentée par E. Martellange en 1608 et 1609 qui intéresse au maximum deux arches puisque l’arche 12 est représentée en place en 1608 et que sur le dessin de 1609, les arches 12 et 13 sont en place.

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 53/80

[8] 1618 – Le plan d’Avignon en huit panneaux de M-A Gandolfo – A2/vue partielle

[8] 1618 – Le plan d’Avignon en huit panneaux de M-A Gandolfo – A1/vue partielle

Archives municipales d’Avignon – 120 Fi 159

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 54/80

[9] (vers 1680) Profil en long Archives Municipales d’Avignon, Pintat 75 2453

Transcription de la légende : A. porte ancienne du pont B. Chapelle St. Nicolas C. gravier plus prés de la ville D. arches abbatües et bouchees par la chute du pont et par les palieres et gabions qu'on y a

faicts, lesquels ont fait naistre des isles et graviers qui iettent toute l'eau du costé d'Avignon E. Isle des peres chartereux commenceant auxd. arches bouchees, au bout de laquelle, qui va

200 canes ou environ au dessous des murailles de la ville, on a construit trois palières remplies de pierre de Roche qui ont causé du costé d'Avignon la perte de plus de 100 saumees de terre.

F. Tour de Villeneufve lez Avignon G. quatre arches du pont sous lesquelles il ne passe que fort peu d'eau H. arches bouchées par les Isles et graviers I. la traille pour le bac L. Villeneufve lez Avignon M. le fort St André N. vieux quay le long du Rosne O. quatre arches du pont prés d'Avignon P. trois arches du pont abbatues qui jettent l'eau contre Avignon

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 55-56

[9] – Profil en long, vers 1680

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 57/80

[10] (1650) – Palais d’Avignon – Album Laincel Fondation Calvet

[11] (1650) – Petit Palay et pont d’Avignon – Album Laincel Fondation Calvet

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 58/80

[12] (1650) – Roque des Doms et St Martin (19) – Album Laincel Fondation Calvet

[13] (1650) – Roque des Doms et St Martin (20) – Album Laincel

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 59/80

[14] (1650) – Tour de Villeneuve (49) – Album Laincel

[15] (1650) – Tour de Villeneuve (50) – Album Laincel Fondation Calvet

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 60/80

[16] (1650) – La tour du pont d’Avignon… (43) – Album Laincel Fondation Calvet

[17] (1650) – Tour de Villeneuve (51) – Album Laincel Fondation Calvet

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 61/80

[18] 1654 – La tour par Israël Silvestre Bibliothèque Ceccano, Est-fol 109 - 44

[19] 1654 – Le petit Palais par Israël Silvestre BnF VA Tome 2 cliché H159131

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 62/80

[20] 1685 – Plan de l’ingénieur Montaigu (détail central sur le pont) Archives Nationales G7/300

[20bis] – Plan du pont d’Avignon, vers 1685 BnF VA 84 (3) FOL cliché H159245

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 63-64

[20] – Plan de l’ingénieur Montaigu, 15 janvier 1685

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 65/80

[21] 1693 – Plan de St André de Villeneuve (Places du royaume) - vue partielle BnF Cartes et Plans, GE DD-4585 (2, RES)

[21bis] (1695) – Plan de Villeneuve les Avignon BnF GE DD-2987 (1449)

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 66/80

[22] 1700 – Peinture de Pierre Bonnard – vue partielle Musée Calvet

[23] (1720) – Plan de Villeneuve (MAP-012905) – vue partielle Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, 012905 cote 0082/30/2076

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 67/80

[24] 1750 – Vue d’une arche isolée (9 ou 11) depuis la tour des chiens Bibliothèque Ceccano, Est-alt 13, 181

[25] (1750) - Plan de Villeneuve BnF Cartes et plans, RC-A-50433 cote ARS MS 6444 / planche 275

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 68/80

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 69-70

[26] - Plan Géométral du projet de Jean-Pierre Franque – 1754 Bibliothèque Ceccano, Atlas cote 81/1

Distance à vol d’oiseau entre le châtelet d’Avignon et la tour-porte de Villeneuve = 437,6 toises Soit 853,4 m environ

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 71/80

[27] (17...) – Vue partielle du panoramique depuis Avignon BnF VA 84 (1) FOL cliché H 159077

[28] (1740) – Panoramique du pont ruiné BnF VA 30 (6) FOL cliché H 122509/510/511

Voir page suivante

[29] 1757– Peinture de Claude-Joseph Vernet Collection privée

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 72/80

[30] (1740) – Panoramique de Villeneuve – vue partielle BnF VA 430 – FT6

[31] 1833– Peinture d’Isidore Dagnan Musée Calvet

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 73-74

[28] – Panoramique du pont ruiné – vers 1740 BnF VA 30 (6) FOL

Nouvelle interprétation du dessin au niveau des arches 12 et 13.

Le récit de Thomas Platter en 1596 décrit deux arches dont les ouvertures étroites correspondent à la moitié environ d’une arche “normale“

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 75-76

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 77/80

ANNEXE Légendes de la carte Montaigu du 15 janvier 1685

CARTE Du cours du Rosne depuis le bout de l’Isle de la Bartalasse au dessus de Villeneuve jusqu’au

terroir des Issars au dessous, ou sont designez les ouuvrages faits et à faire dont l’adjudicataire des bacqs de passage dudit Villeneuve a Avignon est chargé pour faciliter la navigation du costé du Languedoc, et y-

attirer et maintenir la Rivière avec une représentation par deux figures en grand. La première de l’Estat auquel estoient les lieux nottez à la Carte par X, V et Y, Z. avant de commencer les ouvrages, Et la

Seconde comme ils doivent estre suivant le devis, cette partie y estant representée comme faite. Comme aussy l’Estat auquel est apresant le chemin au travers de l’Isle cy dessus descripte avec ses abordages,

et sur un papier vollant, celuy auquel estoit auparavant le terrain avec ses creux, et ravines, dont les profondeurs sont marquées chacune en son endroit dans toutes leurs longueurs, Par moy-

Ingenieur du Roy soubzsigné commis par ordonnance de Monsieur Daguesseau Intendant de la Province de Languedoc du vingt neuf Novembre dernier FAIT à Villeneuve d’Avignon le

quinzieme Janvier mil six cent quatre vingt cinq signe MONTAIGU

Ouvrages que le Sr L’insolas n’a point fait I°, La fermeture du courant au haut de la Bartolasse H.I. II° La demolition des 3 arches du Pont, Z, 17, 18 III° La fermeture du courant 2,R Le revestissement S.T. IIII° Le chemin dans l’Isle de Piot Le revestissement M,N V° Cen toiser de reunissement K.

TABLES POUR L’INTELLIGENCE DE LA CARTE

PREMIEREMENT A.B. Les deux trailles et bacqs de passage de Villeneuve à l’Isle de

la Bartalasse C.D. Chaussées d’Abordage E.F. La chaussée qui traverse l’Isle de la Bartalasse servant

de chemin avec les deux allées des arbres plantés suivant le devis

F.G. Trailles et bacqs pour le passage du petit Canal de la ditte Isle au Quay d’Avignon

H.I. Digue à faire pour fermer la brassière du Rosne qui se jette du costé d’Avignon, et se joint à la Rivière de Sorgues

I.K. Revêtissement à faire le long de la ditte Isle L.M. Digue afaire, depuis le bout de l’Isle de la Bartalasse

jusques à l’Isle de Piot M.N. Bord de l’Isle de Piot à revetir le long du Canal St Pierre O.P. Extirpement à faire à l’Isle de Piot Q.R. Courant du Rosne à fermer S.T. Revetissement à faire le long de l’Isle au dessous V.X. Chemin à faire dans l’eau contornant la pointe de la

maison d’Audebourg Y.Z. chemin depuis le Quay de Villeneuve jusqu’au

Pont

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Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 78/80

TABLE POUR LES DEUX FIGURES CY DESSUS

A. La Premiere Figure

X.V… Le Rosne flottant au partour de la pointe de cette maison

Y.& l’Estat du Rocher de Salusse avec ses avances dans la Rivière

&.Z… l’Estat du terrein depuis ledit Rocher jusqu’au pont

A La Seconde

X.V… Le chemin qui contourne cette maison

Y.& Le chemin coupé dans le Rocher

&.Z… Ledit chemin continue jusquau pont

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Autres Légendes et toponymie

Rocher de Pontet Maison d’Audebourg Bauvaix La Luirée Canal des Tuillieres Fort St André Terroir des Angles Terroir de la Motte Terroir d’Avignon

Isle d’Argenton

Manque de l’information sur les légendes numériques :

1, 3, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15

Page 73: LE PONT D'AVIGNON : COMBIEN DE PILES ?

Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 79/80

Documents CNR de 1969 Pile N° 6, selon la CNR (pile N° 17)

Pile N° 7, selon la CNR (pile N° 16)

Page 74: LE PONT D'AVIGNON : COMBIEN DE PILES ?

Le pont Saint Bénezet : combien de piles ? 80/80

AV 165 – Pile 6, en 1969 avant dérasage selon la CNR (pile n° 17)