le pied diabétique

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140 Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 2 : 140-141 © Masson, Paris, 2005 SIXIÈMES RENCONTRES NATIONALES DES INTERNES EN ENDOCRINOLOGIE LE PIED DIABÉTIQUE Guillaume Béraud Service d’Endocrinologie et de Médecine Interne, CHRU de Lille. D’après les présentations lors du symposium « The diabetic foot », animé par A.J.M. Boulton (Manchester, UK) et S. Halimi (Grenoble) —18 e Congrès de la Fédération Internationale du Diabète « IDF-Pais 2003 », 24-29 août 2003. CONSENSUS INTERNATIONAL SUR LE PIED DIABÉTIQUE : UN EXEMPLE DE COOPÉRATION GLOBALE (K. BAKKER, HEERNSTEDE, PAYS-BAS) En 1996, la prise de conscience du coût humain et fi- nancier que représente le pied diabétique et ses compli- cations, a été à l’origine de la création d’un comité dont l’objectif était de rédiger un consensus international sur la prise en charge du pied diabétique. L’« International Working Group on the Diabetic Foot » s’est réuni en 1997, et a rédigé un ensemble de recommandations, qui ont abouti en 1998, après réu- nion de 45 experts internationaux (médecins généralis- tes, diabétologues, infirmières, podologues, chirurgiens) à la publication de l’« International consensus on the diabetic foot ». La 3 e édition a été publiée en 1999. Ce groupe de travail remet régulièrement en question ces recommandations, notamment lors de l’« International Symposium on the Diabetic Foot » dont la 4 e session s’est tenue en mai 2003 aux Pays-Bas. Il convient de no- ter que ce consensus a été publié en 17 langues et que 6 traductions sont en cours. On peut commander ce consensus, et connaître l’activité du groupe sur : http://www.diabetic-foot-consensus.com LA PRISE EN CHARGE DU PIED DIABÉTIQUE : SUR PLACE ET À DISTANCE (M. CONSTANTINO, AUSTRALIE) L’augmentation du nombre de diabétiques, et par voie de conséquence de patients avec un pied diabétique, associé à la diminution du nombre de spécialistes, abou- tit à la nécessité de développer des alternatives à la prise en charge traditionnelle. En effet, si la compétence d’un clinicien suffit pour soigner quelques patients, la prise en charge d’un grand nombre de patients, à l’échelle d’une grande ville, voire d’un territoire, nécessite un réseau organisé. Ainsi, un hôpital australien utilise la possibilité que représente In- ternet pour envoyer des images de pieds diabétiques à un centre de référence. Cela repose sur la transmission, via Internet, de photos du pied prises selon des angles standardisés (interne, externe, antérieur, supérieur, infé- rieur et controlatéral). Ces photos, transmises en « pièce jointe » d’un e-mail contenant quelques informations cliniques et biologiques, sont alors consultées par un spécialiste, qui renvoie un diagnostic et une conduite à tenir. Il convient de différencier cette technique, qui ne nécessite qu’un appareil photo numérique et une adresse e-mail, de la vidéotranmission qui utilise un ma- tériel beaucoup plus coûteux (caméra, vidéoprojecteur, connexion haut-débit…). Ce système permet : — d’hospitaliser moins de patients, ce qui est source d’économies ; — de standardiser la prise en charge, ce qui permet de garantir une qualité de soins, et d’avoir des grou- pes de patients comparables pour les protocoles de re- cherche. LES PROGRÈS DE L’AMPUTATION CHEZ LE DIABÉTIQUE : RAPPORT DU GROUPE D’ÉTUDE DE L’AMPUTATION DE L’EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE (R. CANAVAN, ROYAUME-UNI) La constatation de disparités dans les indications d’am- putation de l’extrémité inférieure, a aboutit à la Global Lower Extremity Amputation Study (GLEAS). Elle a pour but de comparer l’incidence, la répartition par âge et par sexe, et les facteurs associés à une amputation de l’extrémité inférieure dans 10 centres à travers le monde (Japon, Taiwan, Espagne, Italie, États-Unis, Angleterre). Les résultats de l’enquête menée entre juillet 1995 et juin 1997 ont montré une variabilité de l’incidence selon les centres, avec le plus haut taux dans un centre Navajo aux États-Unis (43,9/100 000/an pour la première am- putation majeure chez l’homme) et le plus bas à Tochigi au Japon. Dans tous les centres, l’incidence des amputa- tions s’élève rapidement avec l’âge, avec la majorité des amputations survenant après 60 ans. Dans la plupart des centres, l’incidence était plus élevée chez les hom- mes que chez les femmes, et l’incidence des amputa- tions majeures, supérieures à celles des amputations mineures. Le diabète était associé à respectivement, 25 % et 90 % de ces amputations. Par ailleurs, hormis dans le centre Navajo, les différen- ces dans la prévalence du diabète entre les centres ne pouvaient expliquer les différences d’incidences d’am- putation. L’atteinte vasculaire joue probablement un

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Page 1: Le pied diabétique

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Ann. Endocrinol., 2005 ; 66, 2 : 140-141 © Masson, Paris, 2005

SIXIÈMES RENCONTRES NATIONALESDES INTERNES EN ENDOCRINOLOGIE

LE PIED DIABÉTIQUE

Guillaume Béraud

Service d’Endocrinologie et de Médecine Interne, CHRU de Lille.

D’après les présentations lors du symposium « The diabetic foot », animé par A.J.M. Boulton (Manchester, UK) et S. Halimi (Grenoble)—18e Congrès de la Fédération Internationale du Diabète « IDF-Pais 2003 », 24-29 août 2003.

CONSENSUS INTERNATIONAL SUR LE PIED DIABÉTIQUE : UN EXEMPLE DE COOPÉRATION GLOBALE (K. BAKKER, HEERNSTEDE, PAYS-BAS)

En 1996, la prise de conscience du coût humain et fi-nancier que représente le pied diabétique et ses compli-cations, a été à l’origine de la création d’un comité dontl’objectif était de rédiger un consensus international surla prise en charge du pied diabétique.

L’« International Working Group on the DiabeticFoot » s’est réuni en 1997, et a rédigé un ensemble derecommandations, qui ont abouti en 1998, après réu-nion de 45 experts internationaux (médecins généralis-tes, diabétologues, infirmières, podologues, chirurgiens)à la publication de l’« International consensus on thediabetic foot ». La 3e édition a été publiée en 1999. Cegroupe de travail remet régulièrement en question cesrecommandations, notamment lors de l’« InternationalSymposium on the Diabetic Foot » dont la 4e sessions’est tenue en mai 2003 aux Pays-Bas. Il convient de no-ter que ce consensus a été publié en 17 langues et que6 traductions sont en cours. On peut commander ceconsensus, et connaître l’activité du groupe sur :

http://www.diabetic-foot-consensus.com

LA PRISE EN CHARGE DU PIED DIABÉTIQUE : SUR PLACE ET À DISTANCE (M. CONSTANTINO, AUSTRALIE)

L’augmentation du nombre de diabétiques, et par voiede conséquence de patients avec un pied diabétique,associé à la diminution du nombre de spécialistes, abou-tit à la nécessité de développer des alternatives à la priseen charge traditionnelle.

En effet, si la compétence d’un clinicien suffit poursoigner quelques patients, la prise en charge d’un grandnombre de patients, à l’échelle d’une grande ville, voired’un territoire, nécessite un réseau organisé. Ainsi, unhôpital australien utilise la possibilité que représente In-ternet pour envoyer des images de pieds diabétiques àun centre de référence. Cela repose sur la transmission,via Internet, de photos du pied prises selon des anglesstandardisés (interne, externe, antérieur, supérieur, infé-rieur et controlatéral). Ces photos, transmises en « piècejointe » d’un e-mail contenant quelques informations

cliniques et biologiques, sont alors consultées par unspécialiste, qui renvoie un diagnostic et une conduite àtenir. Il convient de différencier cette technique, qui nenécessite qu’un appareil photo numérique et uneadresse e-mail, de la vidéotranmission qui utilise un ma-tériel beaucoup plus coûteux (caméra, vidéoprojecteur,connexion haut-débit…).

Ce système permet :— d’hospitaliser moins de patients, ce qui est sourced’économies ;— de standardiser la prise en charge, ce qui permetde garantir une qualité de soins, et d’avoir des grou-pes de patients comparables pour les protocoles de re-cherche.

LES PROGRÈS DE L’AMPUTATION CHEZ LE DIABÉTIQUE : RAPPORT DU GROUPE D’ÉTUDE DE L’AMPUTATION DE L’EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE (R. CANAVAN, ROYAUME-UNI)

La constatation de disparités dans les indications d’am-putation de l’extrémité inférieure, a aboutit à la GlobalLower Extremity Amputation Study (GLEAS). Elle a pourbut de comparer l’incidence, la répartition par âge etpar sexe, et les facteurs associés à une amputation del’extrémité inférieure dans 10 centres à travers le monde(Japon, Taiwan, Espagne, Italie, États-Unis, Angleterre).Les résultats de l’enquête menée entre juillet 1995 etjuin 1997 ont montré une variabilité de l’incidence selonles centres, avec le plus haut taux dans un centre Navajoaux États-Unis (43,9/100 000/an pour la première am-putation majeure chez l’homme) et le plus bas à Tochigiau Japon. Dans tous les centres, l’incidence des amputa-tions s’élève rapidement avec l’âge, avec la majorité desamputations survenant après 60 ans. Dans la plupartdes centres, l’incidence était plus élevée chez les hom-mes que chez les femmes, et l’incidence des amputa-tions majeures, supérieures à celles des amputationsmineures. Le diabète était associé à respectivement,25 % et 90 % de ces amputations.

Par ailleurs, hormis dans le centre Navajo, les différen-ces dans la prévalence du diabète entre les centres nepouvaient expliquer les différences d’incidences d’am-putation. L’atteinte vasculaire joue probablement un

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Vol. 66, n° 2, 2005 Sixièmes rencontres nationales des internes en endocrinologie

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rôle important, mais il existe des facteurs qui restent àdéterminer.

Ces données ont motivé la création de structures depied diabétique, une augmentation de l’utilisation del’angioplastie, et une augmentation de la prescriptiondes traitements anti-hypertenseurs et hypocholestérolé-miants.

Une description de cette étude est disponible sur : http://www.ncl.ac.uk/hopit/hopit_gleas.htm

LE PROJET « SAVE THE DIABETIC FOOT IN BRAZIL » : UNE DÉCENNIE DE PROGRÈS (H. PEDROSA, BRÉSIL)

En 1991, lorsque débute le projet « Save the diabeticfoot in Brazil », il n’existait aucune structure de pieddiabétique, qui ne suscitait d’ailleurs que peu d’intérêt.Le pied diabétique était pris en charge de manière trèsdiverse, généralement par un chirurgien. À partir de1991, des structures de pied diabétique ont été crées,avec formation d’un réseau de soins selon une struc-

ture pyramidale : un spécialiste forme des profession-nels (généralistes, infirmières, podologues,chirurgiens…) chargés du fonctionnement de cesstructures de soins, mais également chargés de con-vaincre les hôpitaux et les pouvoirs politiques des rava-ges dus au pied diabétique. Ces centres de soins(diabetic foot clinic), dépendants des hôpitaux, sontparfois équipés de manière sommaire (les fauteuilspour les examens podologiques sont des fauteuils dedentiste, beaucoup moins onéreux !). Actuellement, lesentrées dans ces centres représentent 13,3 % des en-trées en services d’endocrinologie.

En 10 ans, dans les hôpitaux qui travaillent avec cesstructures, on a pu constater une réduction du tauxd’amputation et du niveau d’amputation. Parallèlement,l’utilisation de semelles orthopédiques a augmenté de460 % entre 1999 et 2002.

Actuellement, le nombre de ces structures est toujoursen augmentation, avec notamment deux centres enAmazonie.