le partage du sensible jacques ranciere

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  • Uhivrsit cethol iquc d Louvain

    I llilt lllil ilil lllt lllt llll lllll llllilill lll10.088.S55

  • \13

    Le partage du sensibleesthtl$re et polttiqE

    ESTHTQtJE PHILOSOPHIOUEinstitut superieur de philosophie

    Colklge Dsir irelor'14, Place Cardinal MrcisrB-1 348 Lowain{a'Nelrve

  • IJacques Rancire{T/

    32at - ta7

    Le partagedu sensible

    esthtiqueet politlque

    U.C.L.INSTTUT SUPERTEUR DE PHIL,oSOPHI

    BiltotbqnColge D. Mercier

    Plrce d CJdinl Maier. 14B- l34l LrvtillNcv

    La fabrlouedlilor.

  • rud i r dI!I!!ric@Au bortb dn politique. l99a

    Ld Nuir dts ptltdit. Atchie. dr DLrieLFyed, 1931 i rd. Hschett7Pliel, 1997l.e Philatophe et s pates. Fayatd, \9a3Le MdiLtu ig^ant. Cinq lzons 3t l ncipdriDnintc l le cte Ie, F a! d, 19 47Cats ogoges ou rmgs du peupr?. l, Seil. 1990l.a Noms de l histaire ltssai dz p.riquc dL sqroir.Ld Msten e. Politique et philoropli, c.lile, 1995Mallm. Ltpolitique de la si..llacene, 1996Ant sz. /rsrrir? {!vec Jeo Louis Comol1,Centr ceges Pompido, 1997Ld Pdtole me. Essi sr I ntrd.Iictisdc l4 lintue, Hncbefre, l99aLa chair des mots- Politiqu dc l'i.nre. Calile. 1994

    ltis-Ctil Gtt!, Le Philoephe pllien,Presses nn ivf,sitairs d c Vincennes. l 9A5

    Som.tneir

    Auctnt-propos - 71. Du partage du sensible et desrapports qu'il tablit entre politique etesthtique - 122. Des rgimes de I'art et du faibleintrt de la notion de modernit - 263. Des arts mcaniques et de lapromotion esthtique et scientihque desaronl]nes - 464. S'il faul en conclure que l'histoire estffction. Des modes de la fiction - 545. De I'art et du travail. En quoi lespratiques de I'axt sort et ne sont pas enexception sr les eutres pratiques - 66Notes - 74

    l

    I

    o:I-L-Lrh.O 2000, b r.}!i{!&nndtJrre Saint-Lobert Bi/dsign dpl.lmprsior, noch, Myemc

  • 3:i

    i

    Avnt-propot

    Les pages qui suivent obissent unedouble sollicitation. leur origine, il y a eules questions poses par deux jeunes phi-losophes, Muriel Comies et Bernard Aspe,pour leur rel'ue A/ice et plus spcialementpour sa rubrique < La fabrique du sen-sible >. Cette rubrique s'intresse aux actesesthtiques comme configurations de l'ex-prience, qui font exister des modes nou-veaux du sentir et induisent des formesnouvelles de la subjectivit politique. C'estdans ce cadre qu'ils m'ont interrog surles consquences des analyses que monhwe La Msentente avait consacres aupartage du seusible qui est I'enjeu de lapolitique, donc une certaine esltque dela politique. Leurs questions, suscitesaussi par une rfledon nouvelle sur lesgrandes thories et expriences avant-gar-distes de la fiBion de l'art et de la vie, com-mandent la structure du lexte qu'on vale. Mes rponses ont t dveloppes etleurs prsuppositions, autant que possible,

  • iI

    I

    It-

    Le partage du sensibleexplicites, la demande d'Eric Hazan etStDhrie Grgoire.

    Mais cetle sollicilation particulire s ins-crit dans un cottexte plus gnral La mul-tiolication des discours dnona,nt lacrise,li l arr ou :'a raptalion falale pr l dis-cours, la gnralisation du spectacle oula mort def image, indiquent assez que lerrain estbdtique est ujourd hui celui oilse Dourst une bataille qui porla hir surles oromesses de l emancipadon Pl' lcs illu-sions et dsillusion de l'hisloire snsdoute la lraieclo'tre du discours silua[ion-ni\te. issu d un mouvcmenl arlisliquevnt-sardiste de l aprs-gcrrP' de\cnu,lrrr" unnot 1960 cril,ique radicalc del Dolitique e[ auiourd hui absorbc danstoidinalie du diicours dsenchant quit",1u trou1t1sIe ' crique " de l ordre e)\is-r.-1. esl-plle s\mplomaque des allers {'li"to*s "ont"mpoiuitts de l'esthtique

    et deia potique. et des lransformalions dn laneLe avant-sardte en pense nosul-gique. l\4a's ce sonl les texles dc.Iean-iincois t-yotard qui maxquent le micux lafacon doot ( l csthtiquP " a pu dcvnrf'das les vingl dernires annies lc lieunrivileie oirla lradition de la pense cri-iiou* J""t mlamomhose en pensee dudeuil. La rinterprtatioD de l'analys|. kan-

    8

    Auctnt-propostierlrle du sullime importait dans I'art ceconcept que Kant avait situ au-del del'art, pour mierlx fairc de l'a.rl un tmoin dela rencontre de l'imprsenta-ble qui dsem-pr loulc pcDsc - el. par l. un tdmoin charge contre I'arrogance de la grandetentative csthl.ico-politigu du dp!enir-monde de la pense. Ainsi la pense de l'axtdevenait le lieu o se prolongeait, aprs laproclamation de la fin des utopies politiques,une dramaturgie de I'a.bme originaire de lapensip el du dsastre de sa miconnais-sance. Nom})re de contrilutons cortempo-raines la pense des dsastres de l'ar1oude l'image monnient en une prose plusmdiocre ce retoulllemert principiel.

    Ce paysage connu de la pense contem-poraine dfitit le contexte oir s'inscriventces questions et rponses, mais non pointleur objectif. Il ne s'agit pas ici de revendi-quer nouveau, contre le dsenchante-ment post-moderne, la vocation avant-gaxdiste de l'art ou l'lan d'une modernitliart les cotqutes de la nouveaut axtis-tique celles de l'mancipation. Ces pagesne procdent pas du souci d'une interven-tion polmique. Elles s'inscrivent dans untravail long terme qui vise rtablir lesconditions d'intelligibilit d'un dbat. Celaveut dire d'abord laborer le sens mme de

  • Le partage du sensiblece q esl design pax le rcrme d'cslb-dque : non ps la thoric de larl en gene-"^i.r,, un" tito.i" d" l arl

    qui le renverrail ses effes sur la sensibilit. mais un rgimesocifique d identifical.ion el d pnse des,'rts, un modo d articulation entre desmanires de faire, des formes de visibit deces marires de faire et des modes de pen-sabilit de leurs rapports, impliqua'nt necerEine ide de leffectivit de la pense'Dfinir les articulalions de c rgimeesthtique des afls. les possibles qu'ellesdrermirent el leurs mods de transfor-mation. el pst l'obiectif prsenl de marecherche et d un sminatre lenu depuisauelues annes dans le cadre de l uni-riersii paris-Mll el, du Collge interna-tional de philosophie. On n'en trouveraoas ici lps ;sultats. dool l elaboration sui-wa son Mhme propre. J ai. en revaD|'he'essav de marquer quelques repres' his-rorioues et concepfuels. proprcs rcposercen;ins problm;s que brouillen[ rm-diablement des totioos qui font passer pouadtermilations hisloriques dqs o prioriconceptuels et pour dlermitrations conccp-ruellei des dcoupages lemporels Au prc-mier rang de ces notions gure bien surcelle de modernit' principe aujourd'huide tous les ple-mle qui entranent10

    Au qnt-propos

    enseble Hlderlin ou Czanne, Mallann,Ma.Ievitch ou Duchamp dans le grand tor-billon oir se mlent la science cartsienneet le paxricide rvolutiouraire, l'ge desmasses et l'irrationalisme romantique,I'irterdit de la reprsentation et les tech-niques de la reproductiot mcnise, lesublime ka,ntien et la scne primitive freu-dierme. la fuite des dieux et I'exterminationdes Juifs d'Europe. Indiquer le peu deconsistance de ces notions n'entraine dvi-demment aucune adhsion aux discrrurscontpmporains du rtour la simplc ra-Iit des pratiqucs de l 11 el. dc ss cri-tres d'apprc,tiot. La connexion de ces avec des modes dediscours, des formes de la vie, des idesde la pense et des frgures de la commu-naut n'est le fruit d'aucun dtourtementmalIique. En revanche, I'effort pour lapenser oblige dseder la pauwe drama-turgie de la fin et du retour, qui n'en finitpas d'occuper le terrain de l'ar-t, de la poli-tique et de tout obiet de pense.

    1',1,

  • I . Du paiage du sensible et des tapPrlEqu'il tablit enke potitique et esthtique

    Du pattage du sensible...dtermine ceux qui y ont part. Latima]parlart, dit Aristote, est n animal poli-tique. Mais I'esclave, s'il comprend le lan-gage, ne le pas. I-s artisars, ditPlaton, ne peuvent s'occuper des chosescommunes parce qu'ils n'ont pds ,e telttpsde se consacrer autre chose que leur tra-vail. lls ne peuvent p as lJe o,illeurs patceqrue le trq,ail n'dttend pas. Le partage dusensible fait voir qui peut avoir part aucommun er fonction de ce qu'il fait, dutemps et de l'espace da.ns lesquels cetteactivit s'exerce. Avoir telle ou telle dfirft ainsi des comptences oudes incomptences au commun. Cela dIi-nit le fait d'tre ou non visible dans utesp&ce conmun, dou d'une parole com-mune, etc. Il y a donc, la base de la poli-!tique, urle < esthtique > qui n'a rien voir Iavec cette ,propre l'< ge des masses >, dont parleBcnjamin. Cetlc esrhtique n'csl pas entendre au sens d'une saisie perverse dela politique par rre volont d'art, pax lapense du peuple comme uwe d'art. SiI'on tient l'a,nalo$e, on peut I'entendre enun sens kantien - ventuellement revisitpar Foucault -, comme le systme deslormps a priori dterminant ce qui sedonne ressentii. C'est un dcoupage des

    ,Ddns La Msentente', ld politique est ques'tionne partir de ce que uous appelez le< parldqe du sensiblP ,. Cenc Pxpression.lonne-l-pllP d oos Ueut lo c[eJ de lo jonc-tion ncessaire entre pratiques esthrtqueset prdtiques politiques ?

    J appelle partagc du sensible cc.syslmed vidences sensibles qui donne ii vor enmme temps l'extence d'un commun et lesdcoupages qui y dfinissent les places etles parts r.espectives. Un pa.l'tage du sensibleIixe donc en mme temps un colnmun pax-tas et des p11s exclusives. Cene rparti-tioi des parts et des pla|es se fonde sur unpaxtage des espaces. des temp ct dpsiormei d activit qui dtermine la maniremme dont ull corDmun se prte partici-padon et dont les uns el les autres on1 par_l ce partage. Lc citoyen. dit Aristote. cstcelui qui d pclt au fait de gouverner etd'tre gouvern. Mais une autre forme departage prcde cpl a\oir parl: cl qui72 13

  • Le partdge du sensiblelemps el dcs espaccs. du visible el de l in-visible, dc la parole et du bruit qui dlinil la fois le lieu et I'enjeu de la politquecomme forme d'expriente. La politiqueporte sur ce qu'on voit et ce qu'on pel endire, sur qui a la comptence pour vnir etla qualit pour dire, sur les proprits desespaces et les possibles du temps.

    C'est partir de cette esthtique pre-mire que I'on peut poser la question des< pratiques esthtiques >, au sens oil nousl'eDtcndons, c psl--di-re dcs lormes d visi-bilit des pratiques de I'art, du lieu qu'ellesoccupent, de ce qu'elles au regarddu conmrun. Les pratiques artistiques sontdes . manires de fairc. qui intervien-nent dans l distribution gnrale desmanires de faire et dans leurs rapportsavec des manires d'tre et des formes devisibilit. Avant de se fonder sur le contenu-:immoral des fables, la proscription plato-nicierurc ds potes sc londe sur ! impossi-bilit de fa e deux choses en mme temps.La question de la frction est d'abord unequestion de distribution des liex. Du pointde !,ue platonicicn. la scne du tre. quiest la fois I'espace d'une activit publiqueet le lieu d'exhibition des < frtasmes >,brouille le partage des identits, des act-vits et des espaces. Il en va de mme pour

    14

    Du pafiage d.u sensible...l'criture : en s'en allart rouler droite et gauche, sans savoir qui il faut ou il nefaut pas parler, l'criture dtruit touteassise lgitime de la circulation de laparole, du rapport entre les effets de laparole et des positions des corps dans l'es-pace cmmrr. Platon dgage ainsi dexgrands modles, deux grandes formesd'existence et d'elfectivit sensible de laparole, le thtre et l'criture - qui serontaussi des formes de structuration pour lergime des arts n gnral. Or celles-cis'avrent d'emble compromises avec uncenain rgime dp la politique. ur rgimed'irdtermination des identits, de dl-gitimation des positions de parole, de dr-gulation des prtages de l'espae et dutemps. Ce rgime esthtique de la poli-tique est proprement celui de la dmocra-tie,le rgime de I'assemile des artisans,des lois crites intangibles et de I'institutionthtrale. Au thtre et l'criture, Platonoppose une troisime forme, une bonneforme d,e I'art,laTotme chorgtraphique dela communaut qui chante et dase sapropre unit. En somme Platon dgagetrois manires dont des pratiques de lapaxole et du corps proposent des frgres decommunaut. ll y a la srface des signesmuets : surface des signes qui sont, dit-il,

    15

  • Le pafiage du sensiblecomme des peintures. Et il y a I'espce dumouvement des corps qui se divise lui-mme en deux modles a.ntagoniques. D'unct, il y a le mouvement des simulacres dela scne, offeft au'< identifications du public.De I'autre, il y a le mouvement authen-tique, le mouvement propre des corps com-mnauta es,

    La surface des sEnes < peints >,le ddou-blement du thtre, le rl'tbme du ch@urdansart : on a l tro formes de paxtage dusensible structuratt la manire dont desaxts peuvent tre perus et penss commearts et corlne formes d'inscription du sensde la communaut. Ces formes dfinissentla manire dont des uvres ou perfor-marces < font de la politique >, quels quesoinl, par aillcur les inlentions quj y pr-sident, les modes d'insertion sociaux desartistes ou la faon dont les forrnes axtis-tiques rflchissent les stmctures olr lesmouvements sociaux. Lorsque paraissentMddame BovatV ov L'ducation sentimen-tdle, ces ourrages sont tout de suite peruscomme < la dmocratie en littrture >,mlgr la posture aristocratiqus et leconformisme politique de Flaubert. Sonrefirs mme de coner la littrature aucrmmessagc 51 considdr comm un tmoi_gnage de l'gatit dmocratique. Il est16

    Du Psttqge du sensible...dmocrate, disent ses adversaires, par sonpafli pris d peindrP au lieu d instruireCette gtit d'indiffrence cst la cons-quence d'un parti pris potique : fgalit detous les sqjets, c'est la ngation de tout rap-porl de ncessit enlre utre lormc et unconl.enu dtermins. N4ais cPfte indiffrenc.qu est-elle en dfinitive sinon l'galitn mmede l,out rc qui advient sur unp page d cri-ture, disponible pour tout regard ? Cettegalit dtruit toutes les hirarchies de lareprsentation et institue aussi la cormu-naut des lecteurs comme communautsans lgitimit, commuraut dessine prla seule circulation alatoire de la lettre.

    Il y a ainsi lme politicit sensible d'embleathibue des grandes formes de paxtageesthtique comme le thtre, la page oule chur:. Ces

  • TI.c1r@e du sensiblehs1mbolicent lp roman ct son publjc. MaislI y a aussi la cul nx.e f,?ogTaphiquc ct ico_-r^",11d, Tg: cet enrrelaement des pou_vorrs de ta lettfc el dp l.imagc. qui a iou unrote st imponant la Renaislanie eique l.swgnells. r"uls-d-lampe el innovaLionsqJterses dc la qpographie romardque ontrcverljee. Cc modlc brouilJe les rgles dccorrespondancc distanre cntre ic dicibleeI l \4stble, proprcs ia logique reprsen_tavc. t brouillc aussile partage entre lespu"" q: t'ar[ pur- ct les dcrations der art apptiqu. C esl pourquoi ij ajou un, orc st u|portant _ e[ gineraleme;t soub-

    ::um-e- dals le bgufeversemeDl du paxa_gln reprsenladfpt dars ses iDcplicationspott ques. Je pense notamment i son rle-uarls

    fP mou\emel /4 rls ond Cloi,s eldujs:l:es 9e.nvcs {,1.rls dcorariG, Bau-haus,|.ornuctiviffne) o s.est dnie uoe ide duur(roter - au scns large _ de la cotrlmu_autc nouvcll. qui a aussi inspir une idenouvell.-d_e la surface pichlrale coEeesurlace d-critrrfe cormune, Lc discours moderniste prseDle la rvo_luuoD picturale abshai comme la dcou_lertc par la pcin{.ure de soq ( medium >,propre: la surface bidimensiooneue. l_arcvocahon.de l'illusioo pcrspectivisl,e de laotsteme dimcnsion reDdrait la peitrture18

    Du Pqrtsge du sensible"'la mairrise dp sa surfa ce propr. Mais pre-cisment cette surface n'a rien de propre'Une n'est pas simplement unecomposition geomlrique de gnes C eslune forme de partage du sens'lble Ecri-ture et peinturl taient pour Plton dessurfacps quivalentes de signes muels. pri-vs du souffle qui anime et transporte lDarolc vivante Le plal. dans rene logique'n" r'oppo." put nu profond. au sens du tri-dimensionnel ll s oppose au < \ivanl 'C'est I'acie de parole < vivant >' conduitDx le locurcur vers le destinataire ad-tua[. que s oppose la surlace muel'rc dessignes peints Et l'adoptioD parla peinlurcde la troisibmc dimension fut aussi rrnerootrse c panage. La reproduction dc lan.nfondeur optiqu" a it lie au privilge dei'rrisroire. Elie a parcip. au lemps de laBenaissancP. la valorisalion de la peil-ture, I atfirmation de sa capacil dP sai-sir un acte dc prolc vivanl. le momenldcisil d'une aition 1 d-une significalion'La potique classique dc la reprsenlalion^ urrlrr- iontre I abaissemnl,

    plalnnicien dPla rzimesis, douer le < plat > de la parole oudu d'une vie, d'une profondeursDcillquc, comme madfeslatjon d uneaction. exorcssion d une inlriorite oufr.nsmissin d unp significetion Elle a ins-

    79

  • Le pctrtqge d,u sensibletur entre paxole et peinture, entre dicibleel visiblc un rapport d correspondan|.e disl.ance, donnanl l . imi[tion ,) sonespace spcifique.

    C csl ce rappofl qui est en qucstion dansla prtendu distinctioD du bidimensionnelcl du tridimensionnel cornme. 0roores ode tl ou lpl al.t. C est alors sur le plai de lapage. dans l cbrgempnt de fonctjon des< images > de la littrafure ou le chalge_menl du discours sur le l,ableau, mais aussidans les cnlrclacs de la typograpbje, deI a{fiche et des arls dcoratifs, qu se pr_pare pour une bonne part la de la peinture. C,ettepeinture, si mal dnoDme abstraite etsoi-disant ramene sou medium propre,est paxtie prenante d'rme vision d'etrseEhled'un nouvel homme log dns de trolIvesuxdices. entour d'objeb difrrctrts. Sa pla_nitud est lie celle de la page, de l.affcheou de la tapisserie.Elle est celle d.rm intr_l"ace. Et sa < puret > anti-reprseotatives mscrlt dans uD coutexte d'eotreliacementde lart pur et de I'art appliqu. qui luidonne d emblc une significatioD politique.cp n est pas la fivre rvolutionaaire etrvi_ronnante qui fail, eu mme temDs de4alpvilch l auleu-r d t Carr noir si fondblanc et le chanlre r!olution-ttair; des20

    Du Partage du sensible '). Et ce n'est pasquclque idal thfal de l'homme nou-Jeau'qui scellc I alliancc momcnlanenFp politiqus Pt artisl.Ps rvoluhonnlresc esr d aboid dans l inteiface cr entrdes - suppons. diffrenls. dans les licnsrisss enlre le pome Pl sa typograpl ouson illust ration, enhe lP rhtre el ses ddco-raieurs ou a.nchiss' ene I'objet dcoratifl le DomP que se formP celle ( nou-veaute " qui r lier lartiste abolissnl lafisuration au rivolul,ionnaire invenlanl lavii nourelle. Ccl interfacp esI polilique en". qu'il r.voqu. la dou-blP poLitique

    in-h-."nL i, tu tosiqu" ..prsentari\ D ul cl".llp-ci seorit le monde des

    imiralionsde l'arl pl lP mondc dcs inl,rts vitarrx Ptdes srandeu-rs politico-sociales Del ulrPsonrganisadon hirarctquc -l nolam-menl ie primal, de la parole/acfion vi\arteiu. timae. peinle - faisail analogie l'orrlrc oof,rico-social. Avec le lriomphe dPla oage romanesqe sur la scnc thrrale'lentiela.em.nt igalitaire dcs images eldes signcs sur la surface picftrrale ou 1]To-graphiqu". la promol,ion de lart des artj-ians au erand an er la prtenlion nouvellPde meth; de l art dans lc dcor de toule vie'c'est tout n dcoupage ordonn de I'ex-prience sensible gui chavire'

    21

  • Le partdge du sensibleC'est ahsi que le < plat > de la surface des

    signcs peints, cette l"orrnc dp parLag ga_litaire du sensible stigmatis parilaton.inlervient en mme lemps comme prin-cipc dp rrolution " formellc > d.un art etprincipp dc re-panage potilique de l.exp_ncnce corn]une. On pourrail de la mmemanire rpllchir aux autres grandeslbrmes. celJp du chceur er du thtre qucjemendonnais ct d autres. Une hjsloire dela politique esthtique, entendue en cescns. doil prendre en compte la manircdont ccs grandes formes s'opposenl, ous-eniremlpnt. Je pense par exemple lamaniere donI ce pat"adigme de la surfacedes signcs/formes s est oppos ou ml auparadigme tral dc la prseoce _cl auj{velsc lbrues qUe ce paradigme a puprendre lui-mDe. de la ffguratioo syo_bolislc de la lgende collectiv'e au cbru.enacp des ho[rmes nouveaux. La po[tique seJoue ra corme rapport de la scDe el, de lasalle, signification du corps de I'acteur,jeux de la proximit ou de la distance. Lesproses critiques de Mallarm mettentxemplairement cn scDe lejeu des renvois,oppositions ou assimilatios entre cesl"ormes. depuis le r-b trc htioe de la pageou ia-choregraphie r"a]ligra pblque l usqu.aI ( ollrce > rouveau du concert_22

    Du Partdge du sensiblc 'D'un ct donc ces formes apparaissent

    comme oorieuses de figures de commu-naur iales elles-mmPs dans desuonte,xte; hs difrrents Mais inversementelles sont $rsceptibles d'tre assignes desparadigmes politiques contradictoires'Prenos lcxPmple de la scne tra$que'Pour Platon, elle est portcuse du syndromemocrarioue en mme rcmps quc de lapuissance ie l'illusion. En isolanl larnimc-sis dns son espacP propre. eI en ccons-crivaDl la trag;die da-os une logique dessenre-AristJe redfini[. mme si ce n'esl[* ron p.opot. tu politiciLe El'. dans-le sys-ia" "tttiqu" d la reprsentaLion la.cne Lraeique sera la scne de visibtii,,n *noi" en otd.., gouvprn pax la hi-rarchip des suicls el,l adaptation des situa-tions et ma;ires de Parler cellehirarchie. Le paradigme dmocratiquPsera devenu un paradigme monarchiquePensons aussi la longue et contradictolrehioire de la rhtorique et du modle du< bon orateur >. Tout au long de l'gemonarchl(rue, l loquence dmocratiquPdmostinienne a signifi ure excellenc deia parole. elle-mme pose comme l'attribulimaginaire de la purssance suprmc' malsuuss toulout" disponible pour reprcnd-resa foncdn democralique. D prlanl ses

    IitirIi

  • Le paage du sensiblelormes canoniqups ct ses imagcs consa-cres l apparition transgrFssive sur lascnc pubuque dc loculru"s non autotis .s.Pcnsons pncorc aLUr dstins contradicloiresdu modle chorgraphique. Des travarxrcents ont rappel les avatars de l'cri-lure du mouvemenl labore p_r Labandans un conlcxte d libration des corps etdevenue le modle des grandes dmons-trations nazies, avart de rehouver. dans lecon[cxle conl,estalabe dc lart performan_cicl. une nouvello virginite sub\prsive.Lexplication benjaminienne par I'esthti-sation fatale de la politique < l,re desmasses " oublie pcut-tre le lien trs aiciennn'e l unanimisme cioyen et l exallation dulibre mouvempnl des corps. Dans la cihostile au thtre et la loi crite, plaronrecommandait de bercer sans trve lesnourrissons.

    J'ai cit ces trois formes cause de lerreprage conceptuel platonicien et de leurconstance historique. Elles ne dfinissentvidamment ps la tolalit des maniresdont des figures de communaut se trouventes[htiquemenl dcssines. Limportanl,c psl que c-pst c niveau-l, celni dudcoupage sensible du cormun de la com-mrmaut, des formes de sa visibilit et deson amnagement, que se pose la ques_24

    Du PdrtslJe du sensible..'

    tion du rapport esl htique/potil ique. C'sl oartir d l qu on p.ut pnser les inler-ventions politiques des arlisles. dcpuis lPsformes liitraires romantiques du dchif-frement de la socit jusqu'aux modescontemporains de l performance et del'installtion, en pssant par la potiquesvmbolisl,e du rvP ou la Suppressiond;daiste ou conslrucfivisle de l arl. A par-tir de l peuvent se remettre en causebien des histoires imaginaires de la< modernit > artistique et des dbtsvains sur l'autonomie de I'art ou sa sou-mission politique. Les arts ne prtettiamais a\ enrepriscs d la domination oue lmancipation que cc qu'ils pu\entleur prter, soit, tout simplement, ce qu'ilsont de comun avec elles : des positiots etdes morlvements des colTs' des fonctions dela parolc, des rpaffitions du visible Pt del invisible. El l'autoDomie donl i-ls peuvcnliouir ou la subversioD qu ils peuvent s'at-tribuer reposent sur la mme base.

    Tttf

    u.c.L.NSTI'IUT SUPERIEUR DE PHILOSOPI'IB

    BibliorqECsllPe D Medd

    l'lce d cardit l Mrcier. 14B 1146l.ouvain h-Nee

    25

  • Le paage du sensiblelormes canoniqups ct ses imagcs consa-cres l apparition transgrFssive sur lascnc pubuque dc loculru"s non autotis .s.Pcnsons pncorc aLUr dstins contradicloiresdu modle chorgraphique. Des travarxrcents ont rappel les avatars de l'cri-lure du mouvemenl labore p_r Labandans un conlcxte d libration des corps etdevenue le modle des grandes dmons-trations nazies, avart de rehouver. dans lecon[cxle conl,estalabe dc lart performan_cicl. une nouvello virginite sub\prsive.Lexplication benjaminienne par I'esthti-sation fatale de la politique < l,re desmasses " oublie pcut-tre le lien trs aiciennn'e l unanimisme cioyen et l exallation dulibre mouvempnl des corps. Dans la cihostile au thtre et la loi crite, plaronrecommandait de bercer sans trve lesnourrissons.

    J'ai cit ces trois formes cause de lerreprage conceptuel platonicien et de leurconstance historique. Elles ne dfinissentvidamment ps la tolalit des maniresdont des figures de communaut se trouventes[htiquemenl dcssines. Limportanl,c psl que c-pst c niveau-l, celni dudcoupage sensible du cormun de la com-mrmaut, des formes de sa visibilit et deson amnagement, que se pose la ques_24

    Du PdrtslJe du sensible..'

    tion du rapport esl htique/potil ique. C'sl oartir d l qu on p.ut pnser les inler-ventions politiques des arlisles. dcpuis lPsformes liitraires romantiques du dchif-frement de la socit jusqu'aux modescontemporains de l performance et del'installtion, en pssant par la potiquesvmbolisl,e du rvP ou la Suppressiond;daiste ou conslrucfivisle de l arl. A par-tir de l peuvent se remettre en causebien des histoires imaginaires de la< modernit > artistique et des dbtsvains sur l'autonomie de I'art ou sa sou-mission politique. Les arts ne prtettiamais a\ enrepriscs d la domination oue lmancipation que cc qu'ils pu\entleur prter, soit, tout simplement, ce qu'ilsont de comun avec elles : des positiots etdes morlvements des colTs' des fonctions dela parolc, des rpaffitions du visible Pt del invisible. El l'autoDomie donl i-ls peuvcnliouir ou la subversioD qu ils peuvent s'at-tribuer reposent sur la mme base.

    Tttf

    u.c.L.NSTI'IUT SUPERIEUR DE PHILOSOPI'IB

    BibliorqECsllPe D Medd

    l'lce d cardit l Mrcier. 14B 1146l.ouvain h-Nee

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  • 2. Des rgitnes de I'alt et d faibleintrt d la notion de rrrodernit

    Des rgimes de I'art. . '-dire d'un tpe spcifique de lien entredes modes de production d'ulT es ou depratiques. ds lormes de visibl dp ccspratiques.t de modPs de concepfualis-tion des unes et des autres.

    Un detour s impose ici pouJ'claler cerlenotion el situcr l problme. l'gard de ceque nous appelons 4rr. on peut en eflcldistinguer. dans Ia tradilion occidentale.trois grands rgimes d'identncafion. Il y ald abord ce quc ie propose d appeler unlsime lhiquc des imagPs. Dans crgime. " l arl . n est pas identitr lelquel.-is se trour" subsumc sotls la qucstiondes images. ll y a un type d'lrcs lesimages, qui sl,l objet d une double qucs-tion": celie de leur origine et' en cons-mrence. de leur eneur de vrirc : ct celle delur desrination : des usages auxquls cllpsservent et des effets qu'elles induisent'Relve de cc rqimc la question des imagesrle la rlivinitd. du droit ou d l'interdictiond'en produire, du statut et de la significa-tion e celles que I'on produit. En relveaussi toute la polmique pltoniciennecontre les simr acres de la peinture, duDome et de la scne Plalon ne soumetpna, "otna" on lP dit souvenl.

    Iart lapolitique. Cettc dislinclioo mme n a paspour lui de sens. Lart n'existe pas pour

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    Certdines d,es catgortes les plus centrdlespour pcnscr lo ffafion orfi iqup du\r sit'lc. sooir rcllps de modprnitp,d oaant-garde et, dppuis quplguc tenps,de post-modernit, sc trouuent ouoir gd-lement un sens politique. Vous semblent-elles d.'un guelconque intrt pourconeuoir en dps tetmps prcis c quiattache < I'esthtigue >> da > ?

    Je ne ctois pas que les notions de modernitet d'avant-garde aient t bien clairartespour penser ni les formes nouvelles de l,axtdepuis le sicle dernier, ni les rapports deI'esthtique au politique. Elles mlert eneffet deux choses bien dilfrentes : l,ulest celle de l hisloricitd proprp i rgimpdps arrs en gnral. Lautrc csL celle desdi;cisions dp rupture ou d anticipation qs'oprent l inLripur d ce rgimc. Lanotion dp modcrnit csthtique rcouwe,sans lui donncr a ucun concepl. la singula-rir d'un rgime particulier des art_s. c'est-26

  • Le partdge du sensiblelui, mais seulement des arts, des ma_niresde fate. Et c'est paxmi erlx qu'il trace laligne de partage : il y a des axts vritables,c'est--dire des savoirs fonds sur I'imita-tion d'un modle des firs dfinies. et dessimulacres d'axt qui imitent des simplesappa-rncs. a,s imilalioDs, diffcrncicspar leur origine, le sont ensuite par leurdestination : par la manire dont les imagesdu pome doment au-x enfants et au,x spec-taleuls citoyens une certaine ducation ets'inscrivent dans le partage des occupa-tions dc la cite. C cst pn ce sens quejp parlede rgime thique des imagps. ll s agit clajlsco rgime de saroir cn quoi la manird'tre des images concerne I'ethos, lamanire d'tre des individus et des collec-tivits. Et cette queston empche l'
  • Le partage du sensibleblances selon des principes de vraisem-blance, convenance ou correspondances,crilrs de distinction t de co61p6.1"qi56nentre arts, etc.

    J'appelle ce rgime pof,iqze au sens oir ilidentifip les arts - ce que lge classiqueappellera les - au sein d'neclassitcation des manires de fafue, et dfi-nit en consquence des marrires de bienfaire et d'apprcier les imitations. Je I'appellereprentatif, e\tant que c'est la notiou dercprsenttion ou de mimes.s gui organiseces mrires de faire, de voir et de juger.Mais, encore une fois,la mirnesiis n'est pasla loi qui soumet les arts la ressenblarce.Elle est d'abord le pli da.ns la distribution desmanires de faire et des occupationssociales qui rend les arts visibles. lle n'estpas un procd de I'art mais un rgime devisibilit des axts. Un rgime de visibilitdes axts, c'est la fois ce qui autonomise desaxts mais aussi ce qui ax_ticr e cette autono-mie ulr ordre gnral des manires defairc et des ocr-upations. C est cc que_i'ro-quais lout I hcu"e propos de l logiquereprsenlave. Cec-cientre datrs un rap-port d'analogie globale avec une hirar-r"hie globale des occupations pobtiqups elsociales : le primat rprsenlat-ifde liactionsur les aractres ou de la naxration sur la30

    Des rgimes de I'art. .description, la hiraxchie des genres selon ladiqnit de leul"s suits. cl le primat mmP deIart de la parolc. de la parolP en acte.enhent en analogie avec toute rme vision hi-raxchique de la communaut.

    r"e rgime reprsenlalil s oppose lcirgin. qu j app.Uc Pslhlique dcs arls. i' Esihtique. parce qu l'identification dP l afi

    ne s'] fiail plus pa-r une distinfiion au ein desmanires dp fairc. mais par la distincriond'un mode d'tre sensible propre au{ pro-duits de l'aft. Le mot d'esthtique ne ren-voie pas une thorie de la sensibilit, dugot et du plisir des amateurs d'art. llipnvoie proprement au mode d'lre spci-fique de ce qui appartient I'axt' au moded'tre de ses objets. Dans le #gime esth-tique des afis,les choses de I'art sont idcn-tilies pr leur appartetance un rgimespcifiqrre du spns'tblP. Cp scns'tblP. sous-rrait ss connexiors ordinaires, est habitpax une puissance htrogne, l puissanced'ne pense qui est elle-mme devenuetrangre elle-mme : produit identique du non-produit, savoir transfor'rn en non_savof ,ogros identique un pthos, intentionde I'inintentionnel, etc. Cette ide d'un sen-sible devenu lranger lui-mme. siged'une pense elle-mme devenue tratgre elle-mme, est le noyau invariable des

    -

  • Le partage du sensibleidentifications de I'art qui configuient ori-ginellpmnt la pensp esthtiqu: dcou-verte par Vico du < vritable Homre >come pote malgr lui, kantienignorant de la loi qu'il produit, schillrier, fait de la double sus-pension de l'activit d'entendement et dela passivit sensible, dfinition schellin-gienne de l'art corme identit d'un pro-cessus conscient et d'un processusinconscient, etc. Elle parcour.t de mme lesauto-dfinitions des arts propres l'gemoderne : ide prostienne du lilTe enti-rement calcr et .bsolumeqt soustrait la volont ! ide mallannenne du pome duspectateur-pote, crit pax les pas de la danseuse illet-tre : pratique su-rcIst de l'cpuwe pxpri-mant I'inconscient de I'artiste avec lesillustrations dmodes des catalogues oufeuilletons du sicle prcdent ; ide bres-sonienne du cinma comme pense ducinaste prleve sr le corps des qui, en rptant sas y penserlps prolps pl gesles qu il lur dictp, mani-festent son insu et leur insu leur vritpropre, etc.

    Inutile de poulsuilTe les dfinitions et lesexemples. Il faut en revanche marquer lecrFUr du problme. Le rigime pslhitiqup

    Des rgines de I'drt...des xts est celui qui proprement identifreI'axt au singulier et dlie cet art de toutergle spcifique, de toute hirarchie dessujets, des genres et des arts Mais il le faiten laisan L voler Pn eclals la barrire mim-liqu qui distinguajt lcs manires de fai-rede l'art des autres manires de faire etsparait ses rgles de l'ordre des occupa-tions socia.les. Il a{firme I'absolue singula-Iit de I'art et dtflrit en mme temps toutcritre pragmatique de cette singr arit.ll fonde en mme temps I'autotomie del'axt et I'identt de ses formes avec cellespar lesquelles la vie se forme elle-mme.ltdt esthtique sctillrien qui est le pre-micr - et, pn ul sens. indpassable - mani-feste de ce rgime marque bien cetteidentil fondamentale des contraires. ftatesthtique est plrl slrspens, moment o lafome est prouve pour elle-mme. Et il estle moment de formation d'une humanitspcifique.

    partir de l, on peut comprendre lesfonctions joues pax la notion de modernit.On peut de que le rgime esthtique desarts est le nol vritable de cc quP designeI'appellation confirse de modernit Mais la< modernit > est plus qu'une appellationcorfuse. L t sous ses diff-rentes versions est le concept qui s'ap-

    t_

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  • Le partqge du sensibleplique occlter la spcificit de ce rgimedes axts et le sens mme de la spcificit desrgimes de l'&rt. Il trace, pour I'exa.lter oula dplorer, une ligne simple de passageou de ruptule entre l'ancien et le modefne,le reprsentatif et le non-reprsentatif oul'anti-reprsentatif. Le poirt d'appui decette historicisaton simpliste a t le pas-sage la non-figuration en peinture. Cepassage a t thoris dans une assimila-tion sommaire avec un destin global anti-mimtique de la < modernit > artistique.Lorsque les chantres de cette modernitlont vu les lieux o ce sage destin de lamodernit s'exhibait envahis par toutessortes d'objets, mchines et dispositifs nonidentifis, ils ont commenc dnoncer la. une volont d'in-novation qui rduirait la modernit artis-tique au vide de son auto-proclamalion.Mais c'est le point de dpart qui est mau-vais. L saul, hors de la rn imesis n esl en rienle refus de la figuration. Et son momentinaugural s'est souvent appel ralislre,lequpl nc signific aucuncment la valorisa-tion de la ressemblance mais la destructiondes cadres dans lesquels elle fonctionnait.Ainsi le ralisme romanesque est d'-bord lerenversement des hirarrhies de la repr-sentation (le primat du narratif sur le des-34

    Des rgimes de I'art...criptif ou la hirarchie des suiets) et I'adop-don d'utr mode de focalisation hagment ourapproch qui impose la prsence bruteau dtrimenl, des enchaincmenls ralion-nels de l'histoire. Le rgime esthelique desarts n'oppose pas I'ancien et le moder-ne. lloppose plus profondmenl deux regimesd;historicit. c'est au sein du rgime mim-tique que I'ancien s'oppose au moderne. 'Dns b rgime esthtique de I'art, le futurde I'art, son cart avec le prsent du non-art, ne cesse de remcttre en scDe Ie pass.

    Ceux qui exaltent ou dnoncent la ) oublient et effet quecelle-ci a pour sftict complment la . Le rgime esih-tique des axts n'a pas commenc avec desdcisions de rupture artistique. Il com-menc avec des dcisions de rinterprta-tion de ce que fait ou ce qui fait l'rt : vicodcou\Tatt le , c'est--dire non pas un inventeur de fa.bles et decaxactres mais rm tmoin du largage et dela pensie imagdes des peuples dc l Jrcientemps ; Hegel marquant le vrai suiet de lpeinture de gerue hollrdaise : no pointdes histoires d'auberge ou des descriptionsd'intrieurs. mais la libert d'tm peuple,imDrime en rc0ets dc lumirc : Hlderlinrinventant la lragdie grecque: Balzac

    F

    35

  • I^. Ftage du sensibleq|E Laposie du gologue qui recons-fufumondes pa.rtir de traces et de fos-* ce e qui se contete de reproduireq-rq agitations de l'me ; Mendelsohnrri lalassito'? se/on sdint Matthieu, e1(-Ir reime esthtique des axts est d'abordnrhE ouveau du rapport l atrcien.Ilrl'$ etr effet comme principe mmefztistirit ce rapport d'expression d'unErctd un tat de civilisation qui, aupa-rd, ait l part < non-axtistique > desG-tts (elle que I'on excusait en invo-qEd b nrdesse des tpmps o avail !{icuI'qk)- tr invente ses rvolutions sur lah rb lae ide qui lui fait inventer leIdc et fhistoire de I'art, la notion dercirin... Et il se voue l'invention defirr< noovelles de vie sur la base d'Ielle de que I'art o t, aurutit t.LsCue ls futuristes ou les constructi-yi*s FElanent la fin de l'art et l'identi-6.rlin de ses pratiques avec ccllcs quidfu, rttment ou dcorent les espacesetks - Jsde la vie connune, ils propo-seft tD fu de I'art comme identificationatc hyie de la communaut, qui est tri-buteire de la relecture schillrieme etrmdi|ue de l'art $ec cornme mode deyie dme cornunaut - tout en coIlu-36

    Des lgimes de I'art...niquant, pr ailleurs, avec les nouvellesmanirps de bvenl.eurs publici laires qui ncproposenl,. eux. aucune rvolulion maisseulemenl une nouvellp manii're dP viweparmi Ies mots, les images et les mar-chandises. Uide de modernit est unenotion quivoque qld voudrit trancherdans la configuralion complc\e du rgimcesthtique des rts, retenir les formes derupture, les gestes iconoclastes, etc., enlcs sparanl du conlexl quj lPs utorise :la reproduction gnralise, f interprta-tion, I'histoire, le muse, le patrimoine...Ell voudrait qu il y ait un sens uniqualors quc la lemporalit propre du rgimPeslhtique des arls Pst celle d une co-pr-sence de temporalits htrognes.

    en mme temps I'autonomie de I'a.rl et sonidentification un moment dans un pro-cessus d'auto-formation de la vie. Les deux

    La notion de modernit semble ainsicomme invente tout exprs pour brouillerl'intelligence des transfonnatioDs de l'axt elde ses rapports avec les autres sphres deI'exprience collective. Il y a, ne semble-t-il, deux grardes fomes de ce brouillage.Toutes deux s'appuient, sans I'analyser,sur cette contradiction constitutive durgime esttique des arts qui fait de l'rt 'viefome autonome de lo ,ie et pose aitsi l

  • Le partage du sensiblegrandes variattes du discours sur la< modernil . s cn dduiseDr. La premirveut une modernit simplement identifie l'autonomie de I'art, une rvolution< anti-mimtique r de I'art identique laconqute de la forme pure, enfin mise nu, de l'a.rt. Chaque art a.ffirmerait alors lapre puissance de l'art en explorant lespouvoirs proprps de son medium spci-fique. La modernit potique ou liltraireserait I'exploration des pouvoirs d'rm lan-gage ddlourn de ses usages communic-tionnels. La modernit picturale serait lerelour dc la peinrure son proprp : le pig-ment color et la surface bidirnensionelle.La modernit musicale s'identifrerait aulangge douze sons, dli\T de toute ara-logie avec le langage expressif, etc. Et cesmodertits spcifiques seraient en rap-port d'aralogie distance avec ure moder-nit politique, susceptible de s'identifier,seloD les poques. aver la radicalil rvo-lutionnaire ou avec la modernit sobre etdsencharte du bon gouvemement rpu-blicain. Ce qu'on appelle
  • Le partage du sensibleesthtique > pour former les hommes sus-ceptibles de vii,'re dans une commnautpolitique libre. C'est sur ce socle que s'estcotstruite l'ide de la modernit commetemps vou l'accomplissement sensibled'rme humarrit encore latente de l'hollle.Sr ce point on peut dire que la a produit une ide nouvellede la rvolution politigue, comme accom-plissement sensible d'une humanitcommune existant seulement encore enide. C'est ainsi que l'< tat esttique >schillrien est devenu le du romantisme allemand, leprogramme rsum dans ce brouillonrdig en commn pax Hegel, Hlderlin etSchelling : I'accomplissement sensible dansles formes de la vie et de la croyance popu-laires de la libert inconditionnelle de lapense pure. C'est ce paradigme d'auto-nomie esthtique qui est devenu le paxa-digmc nouveau dc la rvolution. l a pprmisultrieurement la brve mais dcisive ren-contre des artisans de la rvolutionrnar"xislp el des artisas des fofmes de la vienouvelle. L faillite de cette rvolution adtermin le destin - en deux temps - dumodernitarisme. En rm premier temps, lemodernisme artistique a t oppos, dansson potentiel rvolutionnairc authentique de40

    Des rgimes de I'drt..refus et de promesse, la dgnrescencede la rvolution politique. I-e surralisme e,tl'cole de Francfort ont t les principauxvecteurs de cette contre-modernit. En !rsecond, la faillite de la rvolution politiquea t pense comme la faillite de sonmodle ontologico-esthtique. La moder-nit est alors devenue quelque chosecomme rur destin fatal fond sur un oublifondamental : essence heideggerieme de latechdque, coupre rvolutionnaire de latte du roi et de la tradition humaine' etfiralement pch originel de la crahrrehumaine, oullieuse de sa dette enversl'Autre et de sa soumission aux puissarceshtrognes du sensible.

    Ce qu'on appelle postmodernisne estproprement le processus de ce retoure-ment. En un premier temps, le postmo-dernisme a mis au jour tout ce qui, dansl'volution rcente des arts et de leursformes de pensabilit, ruinait l'difice tho-rique du modernisme : les passages etmlanges entre arts qui ruinaiett I'ortho-doxie lessingienne de la sparation desal.ts ; la ruite du paradigme de I'aPchitec-ture fonctionnaliste et le retour de la lignecourbe et de I'ornement; la ruine dumodle picturaybidimensionnev.bstrait travers les retours de la figuration et de

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  • Le partage du sensiblela signification et la lente invasion de I'es-pace d'accrochage des peintures par lesformes tridimensionnelles et naxratives,de I'art-pop I'art des installations et aux de l'axt vido. : les combi-traisoDs nouvelles dc la parole et de la pcin-ture, de la sculpture monumentale et de laprojection des ombres et des lumires ;l'clatement de Ia tra.dition srielle traversles mlanges nouvpaux entre genres, geset systmes musicau-x. Le modle tlolo-gique de la modemit est devenu intenable,en mme temps que ses paxtages entre les< propres " des diffrenrs arrs. ou la spa-ration d'un domaine pur de I'art. Le post-modemisme, en un sens, a t simplementle nom sous lequel certains artistes et pen-seurs ont pris conscience de ce qu'avaitt le modernisme i une tentative dses-pre pour fonder un < propre de I'a.r.t > enI'accrochant une tlologie simple del'volution et de la rupture historiques. Etil n'y avait pas waiment besoin de faire, decette reconnaissance tardive d'une don-qe fondamentale du rgime esthtiquedes arts, une coupure temporelle effective,la fin relle d'une priode historique.

    Mais prcisment Ia suite a montr que lepostmodernisme tait plus que cela. Trsvite, la joyeuse licence postmoderne, son42

    Des ftgimes de I'art..exaltatiot du carnaval des simulacres,mtissages et hybridations en tous gees,s'est hansforme en remise en cause decette lert ou auloDomie quP le principmodernitaire domait - ou aurait donrl - I'axt la mission d'accomplir Du carnaval onest alors retourn la scne primitive.Mais la scne primitive se prend en deuxsens : le point de dpart d'rm processus oula sparation originelle. L foi modernistes'tait accroche I'ide de cette < duca-tion esthtique de l'homme > que Schilleravait tire de I'analytique kantiente dubeau. Le retoumement postmoderne a eupow socle thorique I'analyse lyotardiennedu sullime kantien, rinterprt commescne d'n cart fondateur entre I'ide ettoute prsentation sensible. partir de l,le posnodernme est entr dans le grandconcefl du deuil et du repentir de la pensemodernitaire. Et la scte de l'caxt sublime 'est venue rsumr toutes sortes de scnesde pch ou d'cart originel : la fuite hei-deggerienne des dieux ; I'irrductible freu-dien de l'objet insymbolisable et de lapulsion de mort ; la voix de l'AbsolumentAutre prononanl linterdil, d la repr-sentation ; le meurtre rvolutionnaire duPre. Le postrnodefnisme est alors devenule grand thrne de l'ineprsent.ble/intrai-

  • Le partage du sensibletable/irrachetable, dnonant la foliemodeme de I'ide d'une auto-mancipationde I'humanit de I'ho[ne et son invitableet interminable achvement dans lescamps d'exterminton.

    La notion d'avant-garde dfinit le typede sujet convenant la vion modemiste etpropre connecter selon cette vision I'es-thtique et le politique. Son succs tientmoins la coreion commode qu'elle pro-pose enhe I'ide artistique de la nouveautet I'ide de la direction politque du mou-vement, qu' la connexion plus secrtequ'elle opre entre deux ides de l'. Il y a la rotion topographique elmilitaire de la force qui maxche en tte,qui dtient I'intelligence du mouvement,rsume ses forces, dtermire le sens del \olufion Istoriqu l choisit les oricn-tations politiques subjectives. Bref il y acett ide q lie la subjeclivit potitique une certaine forme celle du pafti, dta-chement avanc tirant sa capacit dirgeante de sa capacit lire et interprterles signes de l'histoire. Et il y a cette autreide de I'avant-garde qui s'enracine dansI'articipation esthtique de I'aven, selonle modle schillrien. Si le concept d'avanl-garde a un sens dans le rgime esthtiquedes axts, c'est de ce ctJ : pas du ct des44

    Des rgimes de I'q ...dtachements avancs de la nouveautartistique, mais du ct de I'invention desformes sensibles et des cadres matrielsd'une vie venir. C'est cela que I'avant-garde a apport I'avant-gaxde (< politique >, ou qu'elle vor u et crului pporter, en transformart la politique enprogra.rme total de vie. Lhistoire des rap-pol.ts entre partis et mouvemerts esth-tiques csl d abord cell d'une confusion.parfois complaisam ment entretenue. d'autres moments violemmenI dnonce,cnLr ces dclt-'< ides dc l avanl-ga-rde. quisont fi pn faiL deux ides diffreDl.es dp lasuijpctivit politiquc I l ide arcbi-politiquedu parti, c'est--dire I'ide d'ne intelli-gence poltique qui rdsume lcs conditionsessentielles du chargement, et I'ide mta-politique de la subjectivit politique glo-bale, l'ide de la virtualit dans les modesd'exprience sensibles novateurs d'antici-pations de la communaut venir. Maiscette confusior u'a rien d'accidentel. Cen'estpas que, selonla doxa d'aujourd'hui,les prtentions des artistes une rvolutiontotale du sensible aient fait le lit du totali-tarisme. C'est plutt que l'ide mme del'avant-garde politique est pai:tage entrela conception stratgique et la conceptionesthtique de l'avant-garde.

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  • 3. Ds tts ncatriqueE t de Ia Fonotionethtique et scientitique des aronyrres

    Ds,ns I'un de rros tertes, ous fqites unrapprochement entte le d,eloppementdes arts que sont lq pho-togtctphie et le cinma et la nqissancc dela '. Pow)ez-uousexplcilcr ee rapprorhemenl ? Lide deBeniamin sclon laquelle, au dbut de cesicl.e, les masses acquirent en tdnt quetelles une visibilit I'dide de ces drts,correspond-elle ce rapprochement ?

    ll y a peut-tre d abord une qui\oque le!er, roncmanl, la notion dcs " afls mca_niqus ". Ce quc j ai rapprocb. c'csl unparadigme scieDlifiquc el un paradigmeesthtigue. La thse beniaminienne sup-pose, elle, une utre chose qui me sembledouteuse , la dduction des propritsesthtiques et politiques d'un art partir deses proprits techniques. Les axts lnc-niques indrriraient en tat qs'atts mca-niquPs un changement de Paradigmeal.lisl.iqu el un rapport Douveau de l an 46

    D e s a,rts m co,nique s...ses sujets. Cette proposition renvoie I'unedes thses matresses du modernisme :celle qui lie la diffrence des arts la dif-frence de leurs conditions techniques oude leur support ou medium spcifrque.Cette assimilation peut s'enterdre soit s:le mode moderniste simple, soit selon I'hy-perbole modcrnilaire. El lp succs pcrsis-tant des thses benjaminiennes sr I'artau lemps dc la reproducLioD mcaniquetient sans doute au passage qu'elles assu-rent entre les catgories de l'explicationmatrialiste mrxiste et celles de l'ontolo-gie heideggeriere, assignant le temps dela modernit au dploiement de I'essencede la tehnique. De fait, ce lien entre I'es-thtique et I'onto-techtologique a sbi ledestin gnral des catgories modernistes.Au temps de Benjmin, de Duchamp ou deRodtchenlo, il a accompagn la foi dans lespouvoirs de l'lectricit et de la ma,chine, dufer du verTe et du bton. Avec le retourne-ment dit < posnoderne >, t a,ccompagne leretour I'icne, celui qui donne le voile deVronique comme essence la peinhrre, aucinma ou la photographie.Il faut donc, mon avis, prendre les

    choses l'envers. Pour que les axts mca-niques puissent donner visibilit auxmasses, ou plutt I'individu anonyne, ils

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  • Le pdfiage d.u sensibledoivent d'a.bord tre reconmrs comme arts.C'est--dire qu'ils doivent d'a.bord tre pra-tiqus et reconns corme autre chose quedes techniques de reproduction ou de dif-fusion. C cst alur le mmc principc quidonne visibilit n'importe qui et fait quela photo$aphie et le dnma peuvett tredes arts. OrI peut mme renverser li] for-mule. C'est parce que l'atonyme estdevenu un sujet d'xt que son enregistre-ment peut tre un art. Que l'aronyme soitnon ser ement susceptible d'art mais por-teur d'une beaut spcifique, cela carac-trise en propre le rgime esthtique desarl,s. Non seulempt celui-ci a cormcDcbien avatt les arts de la reproductionmcanique. mais c'est proprPmenl lui quiles a rendus possibles pa"r sa manire nou-velle de penser l'art et ses suiets.

    t rcgime esthtique des axts, c'est d'a.bordla ruine du systme de l reprsentation,c'est--dire d'un systme oir la dignit dessqjets commndait celle des genres de lareprsentation (tragdie pour les nobles,comdie pour les gens de peu ; peintured'histoire cotlxe peinture de genre, etc.). Lesystme de le reprsentetion dfinissait,avec les genres, les situatiots et les lormesd'expression qui convenaient la bassesseou l'lvation du sujet. Le rgime esth-4a

    Des drts mcaniques...tique des ads dfait cette corrlation entresujet el modc dc rcprisentation. Cctte rivo-lution se passe d'abord das la littrature.Qu'une poque et ne socit se lisent surles traits, les habits ou dars les gestes d'unindividu quelconque (Balzac), que l'gotsoit le rvlateur d'une civilisation [Hugo),que la fille du fermier et la femme du ban-quier soient prises das la puissane galedu stylp r-omne < manirc absolue de vo"les choses n {Flaubert), toutes ces forxresd'araulation ou de renversement de I'op-position du haut et du bas ne prcdertpas selement les pouvoirs de la repro-duction mcanique. Ils rendent possibleque celle-ci soit plus que la reproductionmcatique. Pour qu'ne manire de fairetechdque - que ce soit un usage des motsou de la camra - soit qualifie colnmeappartenant I'art, il faut d'abord que sonsujet le soit. La photographie ne s'est pasconstihre cornme axt en raison de s& naturetechnique. I discours sur l'originalit de laphotographie corme art est undisrours tout rcent. qui apparLienI moins l'histoire de la photographie qu' celle duretournement postmoderne voqu plushaut'. La photographie n'est pas non plusdevenue axt par imitton des manires deI'aft. Benjamin le montre bien propos de

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  • Le portq,ge d.u sensibleDavid Octavius Hill : c'est travers la petitepcheuse aronl'Ine de New Haven, non paxses grandes compositions picturales, qu'ilfait entrer la photogrphie dans le mondede I'axt. De mme, ce ne sont pas les sqjetsthrs et les flous artistiques du picto-rialisme qui ont assur le statut de l'artphotographique, c'est bien plutt l'as-somption du quelconque : les migrantsde L'Entepont de Stieglitz, les portraitsfrontaux de Paul Strand ou de WalkerEvans. D'une part la rvolution techniquevient aprs la rvolution esthtique. Maisaussi la rvolution esthtique, c'est d'abordl gloire du quelconque - qui est picturaleet liltraire ava,nt d'tre photographique oucinmatographique.

    Ajoutors que celle-ci apparlient lascience de l'crivain avart d'appartenir cellc de l'hislorien. Ce De sonL pas lp rinemaet la photo qui ont dtenin les sqjets et lesmodes de focalisation de la . Lapparition des ma.sjres

    51

  • Le partage d,u sensiblesul la scne de I'histoie ou da.ns les imges, ce n'est pas d'abord le lienentre l'ge des masses et celui de la science1, de la rechnique. C'esl d'abord la logiqueesthdtiquc d'un mode de visibilil qui,d'une part rvoque les chelles de grandeurde la tradition reprsentative, d'autre paxtrvoque le modle oratoire de la parole uprofrt de la lectre des signes sur le corpsdes choses, des hommes et ds socits.

    C'est de cela que I'histoire savante hrite.Mais elle entend sparer la conditon deson nouvel objet 0a vie des anon]'rnes) deson origine littraire et de la politique de llittrature dans laquelle elle s'inscrit. Cequ'elle laisse tomber - et que le cinma etla pholo reprpnnent -. c'Psl, cPtt logiqueque laisse apparatre la trdition roma-nesque, de Balzac Proust et au surra-lisme, cette pense du vrai dont Marx,Freud, Benjamin et la traditon de la ont hrit : l'ordinaire devientbeau comme trace du \Tai. Et il devienttrace du wai si on I'axrache son videncepour er faire un hiroglyphe, une frgurem,'thologique ou fartasmagorique. Cettedimension fanl,asmagoriquc du vrai. quiappartient u rgime esthtique des xts,ajou un rle essentiel dans la cotstitu-tion du paxadigme critique des sciences52

    Des drts mcaniques...humaines et sociales. La torie maristedu ftichisme en est le tmoignage le plusclatant : il faut arracher la marchandise son apparence triviale, en fairc un objetfanlasmagorique pour y tir lcrpressiondes co lradictions d une socil. Lhistoiresavarte a vorilu slectionner dans la conf-guration esthtico-politique qui lui donneson objet. Ellc a aplali cette fanlasmgoripdu wai dans les concepts socioloBiguespositivistes de la mentalit/expression etde la croyancey'ignorance.

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  • 4. S'iI faul en conclure que l'hiiloireesl lictiotr. Des tnodes de la liction

    vous ous tfez I'ide de .fiction commeessentiellement positive. Que fautilentendre eracternent pat l ? Quels sont lesliens enbe I'Histoire dans laquelle noussommes 4 emborqus ', el les hisloires quisont racontes (ou dconstruites) par lesdrts du tcit ? Et comtnent omprendre queles noncs potiques ou littraires < pren-nent cotps >>, aient d.es efTets ftels, pluttque d'e des reflets du rel ? Les id.es de> ou de > sont-elles plus que desmtdphorcs ? Cette rflexion engage-t-elleune rcdrtnifion de I'utopie?

    ll y a l de[x problmes que crlinscon[undenl pour conslruirc le fantmed'une ralit historique qui ne serait faiteque de " ficons ". Le premier problmeconcerne le rapport entre histoire et his-toricit, c'est--dire le rapport de I'agenthistorique l'tre parlant. Le secondconcerne I'ide de flction et le rapport entre54

    Des modes de hrtion.._la rationalit fictiomelle et les modes d'ex-plication de la ralit historique et sociale,entre la raison des fictions et la raison desfaits.

    Le mieux est de commencer p&r lesecond, cette de la fictionqu'aralysait le terte auquel vos vous rf-ref. Cette positivit engage elle-mme medoulle question : il y a la question gnralede Ia rationalit de la fiction, c'est--dire dela distinction entre fiction et fausset. Et ily a celle de la distinction - ou de I'irdis-tinction - entre les modes d'intelligibilitpropres la construction des histoires etceux qui servent I'intelligene des ph-nomnes historiques. Commcnons par lecomencement. La spaxation entre I'idede fiction et celle de mensonge dfinit laspcificit du rgime reprsenttifdes axts.C'est lui qui autonomise les fones des artspar rapport l'coromie des occupationscornmunes et la contre-conomie dessimulacres, propre au rgie thique desimages. C'est tout I'enjeu de la Potigued'Aristote. Celle-ci soustrait les formes de)a mimpsis polique au soupon platod-cipn su la consistance et la destinaliondes images. Elle proclame que I'agence-ment d'ctions du pome n'est pas la fa.bri-cation d'un simulacre. Il est un jeu de

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  • Le partdge d,u sensiblesavoir qui s'exerce dans ur espace-tempsdtenin. Feindre, ce 'est pas proposerdes leurres, c'est la.borer des structuresintelli8ibles. La posie n'a pas de comptes rendre sur la
  • Le partage du sensiblesignifiant, aux modalits du vovage tra-vert le paysage des traits si$dflcatifs dis-poss dans la topogTaphie des espaces, laph)siologi dcs cprcles sociau. I ex'pressioosilencieuse des corps. La < frctionalit ))propre l'ge esthtique se dploie alorsentre deu,\ ples : entre la puissance designification inhrente toute chosemuette et la dmultplication des modesde paxole et des niveaux de signification.

    L souverainel, csthtiqu d la liltra-llrr n psl donc pas le rgne dc la fiction.C'est au contraire un rgime d'indistinctiontendancielle entre la raison des agence-ments descriptifs et narratifs de la fiction etcerx de la description et de l'interprtationdes phnomnes du monde historique etsocial. Quand Balzac installe son lecteurdevant les hiroglyphes entrelacs sur lafaade branlante et htroclite de IdMdison du chat qui pelote ou le fait entrer,avec le hros de la Peau de chagrin, dansla boutique de l'a-ntiquaire o s'amassentple-mlp des objcts profanes ct sacrs.sauvages et civiliss, antiques et modemes,qui rsument chacun un monde, quand ilfait de Cuvier le wai pote reconstituant unmoude partir d'n fossile, il tablit unrgime d'quivalence entre les signes duroman nouveau et ceux de la description ou58

    Des modes de hrtcfion...de I'interprtation des phnomnes d'unecivilisation. Il forge cette rtionalit nouvelledu banal et de l'obscur qui s'oppose au-xgrands agencements aristotliciens etdeviendra la nouvelle rationalit de I'his-1.oire de la vie matrielle oppose au-x his-toires des gands faits et des grandspersonnages.

    Ainsi se trouve rvoque la ligne de pax-l,agp aristol,liciennp enl,r deux . his-toires >> - celle des historiets et celle despotes -, laquelle ne sparait pas seule-ment la ralit et la frction, mais aussi lasuccession empirique et Ia ncessitconstruite. Afistote fondait la suprioritde la posie, racontatt selon la ncessit ou la vraisem-blancc dp l'agencemcnt d actions poi-tique, sur I'histoire, conue commesuccession empirique des vnements, de

  • Le pqrtage d,u sensiblelinaire de I'agencement d'actio-s. L< his-toire " potiquc disorrnais articulp le ra-lisme qui nous montre les traces potiquesinscrites mme la ratit pt l'artifiria-lism qui monte des mchines dc compr-hersion complexes.

    Cette articulation est passe de la litt-raturp u nourel a-fl du rcit, le cinma.Celui-ci porte sa ptus haute puissance ladoublp ressotu.ce dp l'impression mucne quiparle el du monla,ge qui calculc les puis-sances de signifiance et les valeurs devrit. Et le cinma documertaire. lecinma vou au < rel >> est, en ce sens,capable d'une invention Iictionnelle plusforte que le cinma < de frction >, aismentvou une cerl,aine sl.rdoq/pie des aconset des caxactres. l,e ?ombeau d'Al.erandrede Cbris Marker, objet de I'article auquelvous vous rfrez, fictionne I'histoire de laRussie du temps des tsars au temps deI'aprs-commudsme travers le destind'un cinaste, Alexandre Medvedkine. Iln'en fait pas un persoimage fictionnel, il neraconte pas d'histoires inventes surI'URSS. ljoue r la combinaison de difr-rents tlTes de traces (interviews, visagessignificatifs, documents d'archives, extraitsde films documentaires etfictiomels, etc.)pour proposer des possibilits de penser60

    Des modes de la f.ction...cene histotue. Le rel doil trc llctionnpour tre pens. Cette proposition est distinguer de tout discours - positif oungatif- selor lequel tout serait (< rcit >,avec des alternances de et de rcits. La nohon de tousenferme dans les oppositions du rel et deI'artifice oir se perdett galemeni positi-vistes et dconstructionnistes. ll ne s'agitps de dire que tout est fiction. s'agit deconstater que la tclion de l ge esthtiquea dfini des modles de connexion entreprsentation de faits et formes d'intelligi-bilir qui brouillent la hontire enlre rai-son des fits et raison de la frction, et queces modes de connexion ont t repris parlps hisl.oricns el par les analysrcs de la ra-lit sociale. crire I'histoire et crire des his-toires relvent d'un mme rgime de vrit.Cela n'a rien voir avec aucune thse deralit ou d'irralit des choses. Enrevanche il est clair qu'un modle de fabri-cation des hisloes csl lie une cerLaineide de l'histoire comme destin commun,avec rme ide de ceux qui < font I'histoire >,et qup cpflp interpntral-ion cDlre raisondes faiis et raison des histoires est propre un ge o n'importe qui est considrromme cooprzlnt la l,cbe de ( laire )l'histoire. Il ne s'agit donc pas de dire que

    61,

  • Le ps,rtqge du sensible
  • Le partdge du sensibleport entre le commun de la langue et ladistribution sensible des espaces et desoccupations. Ils dessinent ainsi des corn-mnauts alatoires qui contribuent laformation dc colleclils d noncition quiremettent en question la distributon desrles, des territoires et des langages - enbref, de ces sujets politiques qui re.lnettenten cause le paxlage donn du sensible. Maisprcisment un collectifpolitique n'est pasun organisme ou un corps cornmunautai.rp.Les voies de la subjectivation politique nesont pas cellps dc l identification imagitrairmais de la dsincorporation '.

    Ie ne suis pas sr gue l notion d ulopierende bien compte de ce travail. C'est unmot dont les capacits dfinitionnelles ontt compltement dvores par ses pro-prits corurotatives : lanlt la folle rverieenhanart la catashophe totlitaire, tartt, l'inverse, l'ouverture infnie du possiblequi rsiste toutes les clhrres totalisantes.Du point de !,ue qui nous occupe, qui estcelui des reconligurations du sensible com-mun, le mot d'utopie est porteur de deu_xsigniffcations contradictoires. Lutopie est lenon-lieu, le point extrme d'une reconfi-guration polemiquc du sensible, qui briseles catgories de l'vidence. Mais elle estaussi la configuration d'un bon lieu, d'un64

    Des modes de hrtcon ..partge non polmique de l'univers sen-sible, oil ce qu'on fait, ce qu'on voit et cequ on djts'ajusteDl pxactemcnl. Lcs utopiesel les sociaUsms ulopiqus ont foDctionnsur cette ambiguit: d'un ct commervocation des vidences sensibles danslesquelles s'enracite la normalit de ladominatioD i dp lautre, coune proposi-tion d'un tat de choses o l'ide de la com-munaut aurait ses formes adquatesd'il]corporation, oir serail, donc supprimpcette contestation sur les rapports desmots aux choses qui fait le cur de la poli-lique. Dans to Nr.i/ des proltaires.i avatsanalys de ce point de vue, la renconlrecomplexe entre les ingnieurs de I'utopie etles ou\Tiers. Ce que les ingnieurs saint-simoniens proposaient, c'tait un nouveaucorps rel dp la commutraut, o les voiesd'eau et fer traces sur le sol se sbstitue-raient aux illusions de la parole et dupapier. Ce que font les seconds, ce n'estpas opposer la pratique I'utopie, c'estrendrp cplle-ci son caractre d < i-rra-lit >, de montage de mots et d'imagespropre reconfigurer le territoire duvisible, du pensable et du possible. Les < nc-tions " de l arl eL de la polilique sonl einsides htrotopies plutt que des utopies.

    65

  • 5. De I'a et du trarrail. En quoi les pra-tiques d I'art sont et ne lonl paa enexception sr les autreg ptatiques

    Dons I hgpothse d'une en gnrol et y pnglo-bcr les proTiqups artisfiques, ou bien ceiles-ci sont-elles en exception sur les autrespratiques ?Dars la notion de ,on peut d'abord entendre la corstitutond'un monde sensible commn, d,rin habi-talcom6gp. p6r" 1" tressage d'unc plura-lil d'activils humaines. \4ais l ide de(. partage du spnsible . implique quelqupchosp dp plus. Ln mondc ( cornmun , n esljamais simplement I'etlros, le sjour com-mrur, qui rslte de la sdimentation d'uncertain romire d'actes entrelacs. Il estloujours unc disribulion poldmique dsmanires d'tre et ds < occupations - dans66

    De I'art et du traail. . .un espace des poss'rbles. C esl partir de lque I'on peut poser la question du rapportenhe l' du travail et i'< excep-tionnalit ) artistique. Ici encore la rf-rence platonicienne peut aider poser lestermes du problme. Au troisime liwe dela Rpubligue-le mimlicien csl condamnnon plus simplement par la fasset et parle caractre pernicieux des images qu'ilpropose, mais selon un pricipe de divi-sion du travil qui a dj servi exclure lesartisans de tout espace politique commn :le mimticien est, par dfinition, un tredouble. Il fait deux choses la fois, alors quele principe de la communaut bien orga-nise est que chacun 'y fait qu'une chose,celle laquelle sa le destine. Enun sens. tout est dit l : l'ide du travailn'est pas d'abord celle d'rme activit dter-mine, d'un processus de tralsformationmatriel. Elle est ceue d'un paxtage du sen-sible : une impossibilit de faire fait partiede la conception incorpore de la commu-naut. Elle pose le travail conrne la rel-gation ncessaire du travailleur danslespacc-tcmps priv de son occupation.son exclusion de la participation au com-murr. Le mimticien apporte le trouble dans

    67

  • Le partdge du sensiblece partage : il est un homme du double,un narailleu-r qui l"ait deu-r choses en mmptemps. Le plus impoflaol est pcut-rc lecorrlat : lc mimlicicn donnp au principp du travail une scne publique. Ilconstilue utre scne du com.mun a\cc e quidewait dterminer le confurement de cha-cun sa place. C'est ce re-paxtage du sen-sible qui lait sa nocivit, plus encre qup lcdanger des simulacrps amolissanI lcsmes. Ainsi la pratique artistique n'estpas le dehors du lravail mais sa forme devisibilil dpla'"e. Le paflaqc dmocrd-tique du sensible fait du trava-illeu un nedouble. Il sort l'artisan de lieu, I'es-pace domestique du travail, et lui donne le d'tre sur I'espace des discus-sions pulliques et da.ns I'identit du citoyendtibrant. Le dedoublment mimdlique l'uwe dans I'espace thtral conscreet visualise cette dualit. Et, du point de!,ric platodcien. I cxdusion du mimticienva de pair avec la constitution d'une com-munaut o le travail est place.

    Lc prir'"ipe de tction qui rgir le rgimcreprsentatif de l'art est une manire deslabiliscr lexception arlistique. dc l'assi-gner nne tekhn, ce qui veut dire deu\choses : I'art des imitations est une tech-nique et non l mensonge. Il cesse d,tre68

    De I'art et du tradil.. .rm simulacre, mais il cesse en mme tempsd'tre la visibilit dplace du travail,comme partage du sensible. I-:imitateurn'est plus l'tre doble auquel il faut oppo-ser la cit o chacun ne fait qu'une seulechose. I-:arl des imitations peut inscrire seshiraxchies ei exclusions propres dns legla.nd partage des axts libraux et des artsmcarfques.

    Le rgime esthtique des alts bouleversecette rpartition des espaces. Il ne remetpas en cause simplement le ddollementmimtique au profrt d'une immanence dela pense da.ns la matire sensible. ll remetaussi en cause le statut neutraus de late,tftn,l'ide de ta technique comrne impo-sition d'uce [orme de pense une matireinerte. C'est--dire gu'il remet au jor lepartage des occupations qui soutient larpartition des domaines d'activit. C'estcette opration thorique et politique qui estau cur des lettres s ur l'ducdtion esth-tique d.e I'honme de Schiller Derrirc ladfinition kantienne du jugement esth-tique comme jugement sa.ns conept - sanssoumissioo du donn intuitil la dl,ermi-nation conceptuelle -, Schiller marque lepartage politque qui est I'enieu.de I'af-faire I le paxtage entre ceux qui agisseni elceu-x qui sbissent ; entre les classss culti-

    69

  • Le partage du sensibleves qui ont accs une totalisation deI'exprience vcue etles classes sauvages,enfonces dans le moicellement du travailet de l'exprience sensible. L-tat < esth-tique > de Schiller, en sspendant l'oppo-sition entre entendement actifet sensibilitpassive, veut ruiner, avec une ide de I'art,ure ide de la sor-itt! fondie sur l opposi-tion entre ceux qui pensent et dcident etcerlx qui sont vous aux trvaux matriels.

    Cete suspension de la valeur ngativedu travail est devenue au xD(" sicle I'affir-mation de sa valeur positive comme formemme de I'effectivit commune de la pen-se et de l communaut. Cette mutation estpsse pax la trarsformation du susperls del ( ral eslhelique " en alfu"mation posi-tiye de la uolont esthtique. Le roman-tisme proclame le devenir-sensible de toutepense et le devenir-pense de toute mat-rialit sensible colnme le but mme de I'ac-Livi[ de la pensp en gnral. Lrt ainsiredevient un synbole du travail. Il anti-cipe la fin - la suppression des oppositionsque le havail n'est pas encore en mesure deconqurir par et pour lui-mme. Mais il lefaii dJ]s la mcsure o il ".st produion-idcntite d un processus d clfectutionmatrielle et d'une prsentation soi dusens de la c,ommunaut. La production s'af-70

    De I'a et du auqil...firrne comme le principe d'un nouveau par-tage du sensible, dans la mesure o elle rmitda.ns un mme concept les termes tradi-tionnellement opposs de I'activit fa.bri-catrice et de la visibilit. Fabriquer vor aitde ha-biter I'espace-temps priv et obscurdu travail norricier. Produire unit l'actede fabriquer celui de mettre au jour, dedfinir un rapport nouveau entre leifaile etle oil. fart atticipe le travail paxce qu'ilen rale le principe : la trarsformation dela matre sensible en prsentation soi dela conrmunaut. Les textes dujeute Marxqui donnert au travail le statut d'essencegnrique de I'honme ne sont possiblesque sur la base du programe esthtiquede I'idalisme allemand: I'art commetransformation de la pense en expriencesensible de la conunaut. Et c'est ce pro-gramme inital qui fonde la pense et lapratique des " avant-gardcs t dcs annes1920 : supprimer l'art en tant qu'activitspaxie. lp rendre au o"avail. r'r'st--dire la vie laborart son propre sens.

    Je n'entends pas dire par l que la valo-risation modeme du travail soit le seul efetdu mode nouveau de pense de l'art. D'tmepart le mode esthtique de la pense estbien plus qu'une pense de l'axt. Il est uteide de la pense, lie ne ide du paxtage

    7L

  • Le pqrtdge du sensibledu sensible. D'autre paxt, il faut aussi pen-ser la faon dont l'art des artistes s'esttrouv dfini partir d'une double promo-tion du lravij : la promolion conomiquedu travail comme uom de l'activithumaine fondamentale, mais aussi lesluttes des proltaires pour sortir le travailde sa nuit - de son exclusion de la visibilitet de la parole communes. Il faut sortir duschma paresseux et absurde opposant le'"r le estitiquc dc l'an pour l an la puis-sance montante du travail ouwier. C'estcomme travail que I'art peut prendre lecraclre d activil exrlusive. Plus avisrisqu lps dimlstificateus du r-rsicle, les cri-tiques contemporains de Flaubert mar-quent ce qui lie le culte de la phrase lavalorisation du trevail dit sans phrase :l'esthte flaubeftien est un casseur decailloux. Art et producton pourront s'iden-tilier au temps de la Rvolution russe parcequ'ils relvent d'un mme principe de re-partage du sensible, d'une mme vertu del acte qui ouvre une visibilit pn mmptemps qu'il fabrique des objets. Le cultede I'art suppose une revalorisation descapacits attaches I'ide mme de tra-vail. Mais celle-ci est mo$ la dcouvefte del'essence de l'activit humaine qu'unerecomposition du paysage du visible, du72

    De I'art et du avq,il. .rapport entre le faire, l'tre, le voir et le dire'Quelle que soit la spcifcit des ciruitsconomiques dans lesquels elles s'insrent,les pratiques artistiques ne sont pas sur les autres pratiques. Ellesreprsentent et reconfigurent les partagesde ces activits.

  • Note6

    14 Mtenle PolitiqLe et,turosolrie. Paris, Calilr.1995.2. OD peut comtrn.b partir d. l le pdogism.conten ds loules leslenl ives po dddire dstalt ontologiquc dss idaesles caclristiqnes dcs *t!(p exrmple les i.sr.slenltives pou t.Dr de lathlgie de I ic. l'ide d(propre, de la pinlre, del ph1o ou d cindm). Cetelet.tve nel en rapport dca6e elel les proprirsde deu rdgihcs de pmeqj s'exclncnl. lr nnel'anlys blnjaninieme drI ar.. Brjnin dt n

    v er d uicil de l'red imponaDce dcisiv qeI evre d'art ne peul qu6perdre son aura ds q il nrte pl6 cn Ie urnetr! de sa fonctio iluell.En d anftes lernes la vlcd uicii propr l'uwfonde su ce riluel qui tut I o.igine le spro.lde sonuticnne vale d tlj1 r(L@ue d a au tenps dela epm.ILctian canique).Ct < fail, n csl sn ralit

    scn de t mfomstion ile sctrma hisloridsanl d l( srularisaton du sacr r elte scmr conomiq@ de lsfo.malion de la vleu.d uagr n valer d chg.Mis l oir i sice scrdtnil la desiilir de lslatc ou d la peinlccolme inges, l'ide nncd'une spriticil de l'art td !.e propriitd d uricit deappeilre. llefracemenl de

    l'nergcnce de l'ui.e. Il.'en sdl acnent qu lalrtrne d promiar Lesoppose qvlenlet denxPrpositior qi r l sontn annr ei pemllotrs lrspsrgcs e.tre I e{rcationalrialislc d l'an el sal.nsforMtion c! tholtgeprofe. C en aiNi qc lrthorisatn be\jMinjemcdo psaAc du cultuel ajourd ti nois discousclbre 1 dnystificarion

    artisliqle, celi qui dotd xposilion drs vrlrssrs de I. re!.smlalio.de l tuvisible et celui qippose au 1mps enfuis dela prsence des dicu llemps d dlais*menl drl'( tro-.rpos , de l'ho!m.3. cf. Rrtmnd Bello, ( l

    izages, 2. P!.is, PO.L., 1999.1. < llrnouli{blc, in Jcd'l.ouis Conlli el JacqesRa..ire, ,{irr szr lisioi.e,

    5. l voGtion p.ldiquc

    phorogr.phie. clqd. su lylh d ljNcnton de larpprail clairement. hlchez Rolnd Barlhcs lrrChbte daire) .! clz

    6. t Rrncire < ! 6.rion delhhh. t d alP'an lrc 'ecbis Marker,, Irar.i, ."29,Prinlemps 1999, pp. 36-47.7. Sur cell quosria, je mpe.ets dc renvoyer nontiw.: I . Noms dc I histite.

    74

  • chz l nrre dlteur :Alain Brossat, le Corps deI'ennemi. Hgperuiolence etdmocratie.Jacques nancire, ,4rr ordsdu politique.Andr ScbTfrin, a dition sdzsditeurc.Edw ar d S aid, I sr q l- P d Ie stin e,l'galit ou rien.llarLP pp, Ld Guerre de 1948en Palestine, Aur originesdu conflit isralo- ar qbe.Olivier Razac, Ilistoire politiquedu barbel, Lq ptdirie, ld tranche,le cdnp,Tlqqtn, Thorie du Bloom.

  • Cet ouwage a t reproduit etachev d'imprimer par I'ImprimerieFloch Mayenne en juiUet 2000.Numro d'impression : 49277.Dpt lgal: lTil 2000.Imprin en France