le parage physiologique - l’institut français du cheval

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Séminaire équi-meeting maréchalerie Haras national du Pin 27 et 28 septembre 2013 56 U n pied est considéré comme « paré d’ap- lomb » quand la corne a été taillée de fa- çon à ce que la surface solaire soit plane et que l’angle ainsi donné au sabot (donc à la troisième phalange) impose des contraintes minimales aux articulations du doigt. Le centre de pression sta- tique (CPS) se trouve alors sur l’axe médian de la fourchette, à environ 1 cm de sa pointe. Parer d’aplomb n’est pas chose aisée, cela néces- site de la part du maréchal une bonne connais- sance de l’anatomie bien sûr, mais aussi une bonne connaissance des répercutions du parage sur la répartition des charges dans le pied et donc des contraintes ostéo-articulaires, tendineuses et ligamentaires. Un mauvais aplomb médio-latéral induira des contraintes en tension des ligaments, d’un côté de la colonne osseuse et en compression des carti- lages ainsi que des os du côté opposé. Ceci en- gendrera un déplacement du CPS à l’opposé des tensions et vers les zones comprimées. Une erreur de parage, en induisant des contraintes articulaires et ligamentaires asymé- trques et donc une modification des pressions dans le pied, entraînera des déformations de la boîte cornée dues au stress et aux surcharges. On pourra observer du côté relaché du doigt une accélération de l’avalure (pousse de la corne), alors que du côté comprimé on observera lignes de stress, seimes, bleimes, déformations de la couronne. Le parage n’a d’effet direct que sur l’angle entre la troisième phalange (PIII) et le sol. Par contre, il n’a pas d’effet sur les éventuelles rotations horizon- tales du membre distal. C’est une des raisons qui font l’importance d’une observation objective et organisée de la conformation des membres. La conformation des membres bien que souvent décrite, se fait généralement selon deux points de vue : « vue de face » et « vue de profil ». Nous considérons qu’il est plus explicite de décrire ces conformations dans l’espace en se référant à trois plans. Le parage physiologique Denis Leveillard est un maréchal-ferrant spécialisé dans l’orthopédie et la pathologie du pied équin. De 1969 à 1971, il est apprenti maréchal-ferrant dans un élevage de che- vaux de course près de Chantilly. En 1974, il crée son entreprise à Changé, près de Chartres. A partir de 1991, il est éducateur en formation conti- nue, ce qui deviendra en 2011 son activité principale. De 1999 à 2003, Denis Leveillard est président de la Fédération européenne des associa- tions de maréchaux-ferrants (EFFA), puis il devient président honoraire de l’Union française des maréchaux (UFM). Denis Leveillard intervient également lors de congrès internationaux de maréchalerie et de vété- rinaires et a participé à plus d’une centaine de concours de maréchalerie dans de nombreux pays d’Europe et du continent américain. Il est aujourd’hui membre du jury dans plusieurs concours en France et à l’étranger.

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Page 1: Le parage physiologique - L’institut français du cheval

• Séminaire équi-meeting maréchalerie • Haras national du Pin • 27 et 28 septembre 2013 56

U n pied est considéré comme « paré d’ap-lomb  » quand la corne a été taillée de fa-

çon à ce que la surface solaire soit plane et que l’angle ainsi donné au sabot (donc à la troisième phalange) impose des contraintes minimales aux articulations du doigt. Le centre de pression sta-tique (CPS) se trouve alors sur l’axe médian de la fourchette, à environ 1 cm de sa pointe.

Parer d’aplomb n’est pas chose aisée, cela néces-site de la part du maréchal une bonne connais-sance de l’anatomie bien sûr, mais aussi une bonne connaissance des répercutions du parage sur la répartition des charges dans le pied et donc des contraintes ostéo-articulaires, tendineuses et ligamentaires.

Un mauvais aplomb médio-latéral induira des contraintes en tension des ligaments, d’un côté de la colonne osseuse et en compression des carti-lages ainsi que des os du côté opposé. Ceci en-gendrera un déplacement du CPS à l’opposé des tensions et vers les zones comprimées.

Une erreur de parage, en induisant des contraintes articulaires et ligamentaires asymé-trques et donc une modification des pressions dans le pied, entraînera des déformations de la boîte cornée dues au stress et aux surcharges. On pourra observer du côté relaché du doigt une accélération de l’avalure (pousse de la corne), alors que du côté comprimé on observera lignes de stress, seimes, bleimes, déformations de la couronne.

Le parage n’a d’effet direct que sur l’angle entre la troisième phalange (PIII) et le sol. Par contre, il n’a pas d’effet sur les éventuelles rotations horizon-tales du membre distal. C’est une des raisons qui font l’importance d’une observation objective et organisée de la conformation des membres.

La conformation des membres bien que souvent décrite, se fait généralement selon deux points de vue : « vue de face » et « vue de profil ». Nous considérons qu’il est plus explicite de décrire ces conformations dans l’espace en se référant à trois plans.

Le parage physiologique

Denis Leveillard est un maréchal-ferrant spécialisé dans l’orthopédie et la pathologie du pied équin.

De 1969 à 1971, il est apprenti maréchal-ferrant dans un élevage de che-vaux de course près de Chantilly. En 1974, il crée son entreprise à Changé, près de Chartres. A partir de 1991, il est éducateur en formation conti-nue, ce qui deviendra en 2011 son activité principale. De 1999 à 2003, Denis Leveillard est président de la Fédération européenne des associa-tions de maréchaux-ferrants (EFFA), puis il devient président honoraire de l’Union française des maréchaux (UFM). Denis Leveillard intervient également lors de congrès internationaux de maréchalerie et de vété-

rinaires et a participé à plus d’une centaine de concours de maréchalerie dans de nombreux pays d’Europe et du continent américain. Il est aujourd’hui membre du jury dans

plusieurs concours en France et à l’étranger.

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Le premier est le plan sagittal du membre. L’ob-servation de la conformation sur le plan sagittal se fait par la vue de profil. Elle permettra d’éva-luer les alignements, les flexions et les extensions entre les rayons osseux des membres.

Le deuxième est le plan frontal, qui est le plan ver-tical perpendiculaire au plan sagittal. On réalise l’observation de la conformation sur ce plan par une vue de face du membre, par une vue de der-rière du membre, et par une vue plongeante sur la face dorsale du membre. On peut aussi observer certaines déviations frontales en observant le ca-non et l’alignement phalangien des antérieurs, le pied levé. On évaluera sur ce plan, les alignements ainsi que les valgus et les varus.

Le dernier est le plan horizontal. L’étude de la conformation sur ce plan est réalisée par une vue de face, par une vue de derrière, et par une vue plongeante sur la face dorsale du membre. On observera la direction horizontale des différents rayons osseux, celle des axes transversaux vir-tuels des articulations, ainsi que celle des glomes. Si tout ou partie du membre est en rotation laté-rale, la conformation sera qualifiée de panarde. Dans le cas contraire, on la qualifiera de cagneuse.

La conformation idéale sert de référence pour la description des conformations imparfaites, ir-régulières ou simplement différentes. En aucun cas elle ne doit constituer un objectif à atteindre par le parage et la ferrure chez le cheval mature.

Il est au contraire important pour la longévité des chevaux de les ferrer en fonction de leur confor-mation et non en fonction d’une conformation idéale qui, en tout état de cause, est subjective.

L’observation en mouvement des chevaux à la conformation imparfaite nous a permis d’acquérir une meilleure connaissance en matière de loco-motion associée à ces différentes conformations.

Le cheval cagneux pose son pied à plat ou com-mence par le côté médial. A la fin de la phase d’appui, lors de l’impulsion, le cheval exerce une poussée plus forte sur la partie externe. Le pied bascule sur la mamelle latérale et est « jeté » en

dehors au lever. Ensuite, pendant la phase de flexion, la trajectoire du pied est déviée latérale-ment du fait de la rotation interne du membre. On dit alors que le cheval billarde. Le membre revient en place pendant l’extension précédant l’appui. La déviation de trajectoire observée est souvent am-plifiée du fait de la cagnosité du pied.

Le cheval panard pose naturellement son pied en commençant par le quartier ou le talon latéral. Le pied bascule sur la pince ou la mamelle médiale et est « jeté » en dedans au lever. Ensuite, pendant la phase de flexion, la trajectoire du pied est dé-viée médialement du fait de la rotation externe du membre. Le cheval a alors tendance à se faucher, s’atteindre et se couper.

Notre métier est « encombré » d’un grand nombre de théories décrivant le « parage idéal ». Beau-coup d’entre elles sont basées sur des idées subjectives et non pas sur des données ou des observations scientifiques. Elles ont souvent été reprises par des auteurs à leurs prédécesseurs sans vérification de leur fondement.

L’EFFA (European federation of farriers associa-tions) a estimé nécessaire la rédaction d’un ou-vrage fixant les connaissances de base du maré-chal-ferrant du 21ème siècle. Cet ouvrage est basé sur des standards qui ont été votés à l’unanimité par les représentants des associations de maré-chaux-ferrants des 14 pays membres. Ces stan-dards disent notamment qu’un parage médio-la-téral correct impose un minimum de contraintes aux articulations du doigt ; et dans cet objectif, il ne doit pas modifier, quand le pied est à l’appui, l’alignement inter-phalangien que l’on peut ob-server quand le pied est en l’air. En effet quand le membre est au soutien (en l’air), on peut estimer qu’il n’y a pas de contrainte articulaire, donc que l’alignement des rayons osseux est alors celui qui convient le mieux.

Parage de base

L’aplomb dans le plan frontal, autrement dit l’aplomb médio-latéral, pour ne pas induire de contraintes supplémentaires sur les articulations,

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respectera la conformation de l’animal et celle de ses membres. Pour ce faire, l’alignement des os du doigt que l’on peut observer quand le pied est tenu en l’air devra rester le même quand le pied est au sol. L’angle formé par la surface d’appui du sabot et l’axe longitudinal du canon (observé au lever) sera le même que l’angle formé par l’axe longitudinal du canon et le sol (au poser). Ces angles sont mesurables sur les membres anté-rieurs grâce au TDL. Il s’agit d’un T ajustable qui permet dans un premier temps de mesurer l’angle que forme le canon avec le sol (donc la surface d’appui du sabot par rapport au canon, pied posé) et avoir ainsi l’angle de référence pour effectuer un parage « l’aplomb » qui pourra le être vérifié avec le même TDL membre tenu en l’air. L’observa-teur devra premièrement placer le long segment du TDL à l’arrière du canon de l’antérieur en s’ali-gnant dessus, le cours segment étant posé à plat sur un sol horizontal. L’angle ainsi formé et mesu-ré sera conservé. Levant ensuite le membre, l’ob-servateur pourra reporter le long segment du TDL sur le canon tenu horizontalement et contrôler si la surface d’appui se trouve bien en alignement avec le segment court.

Les modifications d’aplomb du sabot dans le plan sagittal, seront réajustées de manière physiolo-gique. En effet, toute modification angulaire modi-fie la distribution des charges entre la pince et les talons. Une augmentation de la charge entraînant un ralentissement de l’avalure et une diminution en entraînant une accélération. Ainsi, les modifica-

tions que le maréchal tenterait d’apporter à l’angle de la pince seront annulées pendant le temps que durera la ferrure, et l’angle palmaire de la troisième phalange, tendra à revenir à son état de départ.

Lorsque le pied antérieur est dans son aplomb physiologique, son centre de pression se trouve sur l’axe médian de la fourchette à environ un centimètre en arrière de la pointe de la fourchette. Dans ce cas, et pour conserver cet aplomb phy-siologique même dans les sols pénétrables, il fau-dra dans la mesure du possible faire que la sur-face d’appui soit équilibrée médio-latéralement par rapport au milieu de la fourchette et que les branches du fer soient équidistantes.

Parage thérapeutique

Il se fera généralement en accord avec le vétéri-naire, en fonction de la pathologie :

• sachant qu’un parage déséquilibré entraîne certes une décharge de certains éléments anato-miques, mais entraîne automatiquement une sur-charge d’autres éléments ;

• sachant qu’entraînant une modification dans la répartition des forces, il modifiera les contraintes sur le sabot qui risque de se déformer ou de se dégrader si sa corne n’est pas de bonne qualité ;

• sachant qu’une modification de l’angle de la pince sera toujours compensée par une avalure différente entre les talons et la pince, tendant à ré-tablir l’angle d’origine ;

• sachant que l’on peut, par le parage modifier quelque peu les bras de leviers en arrondissant plus ou moins le bord distal du sabot, notamment en pince.

Le parage thérapeutique sera plus efficace s’il est stabilisé à l’aide d’un fer qui pourra de surcroit en augmenter les effets par l’apport d’une meilleure gestion des bras de leviers et des surfaces d’appui. Si le fer est agrémenté d’un « relevé de pince  », il voit ses bras de levier correspondants, diminués. Il pré-sente donc un effet « roller » augmenté. Si le fer est agrémenté d’une branche couverte, les compres-sions articulaires du côté correspondant seront augmentées, ainsi que les tensions ligamentaires

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du côté opposé. S‘il est agrémenté d’une branche de dégagée (étroite), les compressions articulaires du côté correspondant seront diminuées ainsi que les tensions ligamentaires du côté opposé.

Idées reçues subjectives souvent reprises dans la littérature et n’ayant aucune base scientifique

Un pied paré d’aplomb doit poser à plat et en un temps sur le sol

Faux, le poser du pied dépend de la conformation de chacun des membres et de chacun des pieds de chaque individu. Un membre panard aura na-turellement tendance à poser son pied par le côté latéral en premier, alors qu’un membre cagneux aura plutôt tendance à poser à plat ou plus rare-ment le côté médial d’abord. Un pied à talon bas aura tendance à poser en pince alors qu’un pied à talons hauts posera de préférence en talons.

Un pied paré d’aplomb doit avoir sa surface d’ap-pui perpendiculaire à l’axe longitudinal du canon

Faux si le canon n’est pas lui-même perpendicu-laire au sol. Si le maréchal pare le pied de façon à ce que la surface d’appui soit perpendiculaire

à l’axe longitudinal du canon quand le pied est levé, pied posé, la surface d’appui sera horizon-tale comme le sol et non plus perpendiculaire au canon si la conformation du cheval est telle que son canon n’est pas vertical (voir les aplombs dif-férents dans le plan frontal). En modifiant ainsi, l’alignement naturel des phalanges que l’on peut observer pied levé, on induit des contraintes sup-plémentaires aux articulations du doigt.

Un pied paré d’aplomb doit avoir la sole de même épaisseur partout

Faux, l’épaisseur de la sole dépend de la posi-tion de PIII par rapport au sol et la surface solaire de PIII n’est que rarement parallèle au sol dans le plan sagittal mais aussi parfois dans le plan frontal.

Les espaces articulaires visible à la radio sur les vues en incidence dorso palmaires, pied à plat (plan frontal) doivent présenter la même épaisseur latérale et médiale

Les radiographies sont loin d’être un outil fiable pour l’évaluation du parage dû au fait qu’on utilise du 2D pour décrire du 3D, et que la rotation crée des difficultés à une bonne estimation de la chose.

RépaRtition des chaRges effet suR le sabot effet suR les tissus mous

Surélever les talons ou parer

la pince

Plus en talonsMoins en pince

Ralentit la pousse des talons, au profit de celle de la pince

Soulage : FPD et bride carpienne Sollicite : FSD, appareil suspenseur

du boulet, partie distale de EDD et brides du MIO3

Surélever la pince ou parer

les talons

Moins en talonsPlus en pince Ralentit la pousse de la pince,

au profit de celle des talons

Soulage : FSD, appareil suspen-seur du boulet, partie distale de

EDD et brides du MIO3Sollicite : FPD et bride carpienne

Surélever latéra-lement ou parer

médialement

Plus latéraleMoins médiale

Charge le côté latéral peut ra-lentir son avalure et/ou provo-quer talon latéral chevauchant,

seime quarte….

Comprime latéralement les arti-cula-tions inter phalangiennes et

sollicite les ligaments collatéraux médiaux

Surélever médialement

ou parer latéralement

Plus médialeMoins latérale

Charge le côté médial et peut ralentir son avalure et/ou pro-voquer talon médial chevau-

chant, seime quarte….

Comprime médialement articula-tions du doigt et sollicite les

ligaments collatéraux latéraux

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Prise de notes