le monument schoelcher à houilles ( seine-et-oise ). l'inauguration. les discours

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Le Monument Schoelcher à HOUILLES (Seine-et-Oise). L'INAUGURATION. - LES DISCOURS. PARIS IMPRIMERIE PANVERT 7&9, Rue des Fossés-Saint-Jacques 1904 MANIOC.org Réseau des bibliothèques Ville de Pointe-à-Pitre

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Ouvrage patrimonial de la Bibliothèque numérique Manioc. Service commun de la documentation, Université des Antilles et de la Guyane. Ville de Pointe-à-Pitre, Réseau des bibliothèques.

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  • Le Monument Schoelcher

    H O U I L L E S (Seine-e t -Oise) .

    L ' I N A U G U R A T I O N . - L E S D I S C O U R S .

    PARIS

    IMPRIMERIE PANVERT

    7 & 9, Rue des Fosss-Saint-Jacques

    1904

    MANIOC.orgRseau des bibliothques

    Ville de Pointe--Pitre

  • MANIOC.orgRseau des bibliothques

    Ville de Pointe--Pitre

  • Le Monument Schlcher

    H O U I L L E S (Seine-e t -Oise) .

    L ' I N A U G U R A T I O N . L E S D I S C O U R S .

    PARIS IMPRIMERIE PANVERT

    7 & 9, Rue des Fosss-Saint-Jacques

    1904

    MANIOC.orgRseau des bibliothques

    Ville de Pointe--Pitre

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    Ville de Pointe--Pitre

  • A V A N T - P R O P O S

    VICTOR SCHOELCHER, qui a occup une si grande place dans l'histoire coloniale du dernier sicle, a reu, de son vivant, des tmoignages publics de la reconnaissance de nos compa-triotes d'outre-mer pour son infatigable dvouement leurs intrts.

    Plusieurs de nos colonies avaient plac son buste dans les salles de dlibrations de leurs Conseils gnraux et de leurs assembles communales. A la Guadeloupe, son nom avait t donn une voie publique ; la Martinique, c'tait une com-mune qui avait obtenu de prendre le nom de Schlcher. Enfin, aux Antilles et la Guyane, sa fte tait annuellement clbre par des runions organises avec le concours des municipali ts.

    A Paris, l'illustre abolitionniste avait t galement l'objet de manifestations touchantes.

    Des banquets commmoratifs du grand acte de l 'mancipa-tion runissaient annuellement autour de lui les divers membres de la famille coloniale prsents Paris. D'autre part, lors d'une crmonie qui fut officiellement organise dans la capitale, l'un des anniversaires du Deux Dcembre 1851, le proscrit de l'Empire avait t l'objet d'une vritable ovation.

    A son dcs, son nom fut donn l'une des rues de Paris et aussi l'une des avenues de la ville de Houilles, o i l a vcu ses dernires annes et o i l est dcd.

    A la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane fran-aise, les Conseils gnraux dcidrent que sa statue serait rige sur l'une des places publiques, au chef-lieu de la colonie.

    Mais aucun monument n'avait encore t lev, dans sa patrie, ce grand citoyen.

    C'est pour rparer cet oubli qu'un Comit s'est constitu

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    Ville de Pointe--Pitre

  • REGNIER, PHOT. HLIO E. LE DELEY, PARIS

    H O U I L L E S M O N U M E N T S C H L C H E R

    Inauguration - Juillet 1904

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    C'est l'entre de Houilles, proximit de la route dpar-tementale sur Paris, et quelques mtres de la villa (1), o mourut Schlcher que s'lve le monument. Il se compose d'un monolithe quadrangulaire surmont du buste en bronze de l'ancien Sous Secrtaire d'tat et reposant sur un double socle, le tout d'une hauteur de 3m50, avec une assise superfi-cielle de 2m30 carrs.

    Sur la face antrieure repose un haut relief galement en bronze, reprsentant la France laure qui relve un esclave dont elle vient de briser les fers :

    Au-dessous, la pyramide porte cette inscription : A

    VICTOR SCHOELCHER Sur les trois autres faces sont graves les inscriptions com-

    mmoratives ci-aprs : Face latrale droite :

    Sous-Secrtaire d'Etat de la Marine et, des Colonies, 1848.

    Membre de l'Assemble constituante et de l'Assemble lgislative, 1848-1851.

    Reprsentant du peuple l'Assemble nationale, 1871. Snateur inamovible, 1875.

    Face latrale gauche : Abolition de l'esclavage.

    Dcret du Gouvernement provisoire de la Rpublique. 27 avril 1848.

    Face postrieure : Centenaire de V. Schlcher.

    4 juillet 1904. Monument rig par souscription publique

    (1) Sur cette villa est appose une plaque de marbre noir indiquant que Schlcher y est dcd le 25 dcembre 1903.

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    L'architecte du monument est M. Jules Lecaron. Quant au buste, i l est, ainsi que le haut relief, l 'uvre de Mme Sya-mour, statuaire, dont on connat un autre buste d'une ressem-blance frappante, celui du Prsident Jules Grvy. L'artiste a fait revivre la figure si caractristique de Schlcher, dans ses der-nires annes.

    L'ensemble est d'un trs-heureux effet.

    M. Kieffer, Maire de Houilles, entour de son Conseil muni-cipal, s'tait, trois heures, rendu la gare, attendant l'arrive du train qui devait amener le Ministre de la Marine et les per-sonnages officiels qui l'accompagnaient. Sur le quai de la gare se trouvaient galement M. Poirson, prfet de Seine-et.Oise, M Gally, Conseiller gnral du canton d'Argenteuil, et les Membres du Comit d'rection du monument.

    A trois heures et demie, M. Camille Pelletan descendait du train, suivi de M. le contre-amiral Campion, chef d'tat-major gnral de la marine et du lieutenant de vaisseau Salaun. En descendaient galement MM. Barberet, dlgu du prsident du Conseil, Ministre de l 'Intrieur, Bousquet, reprsentant le Minis-tre des Colonies, Auzouy, reprsentant le Ministre des Affaires trangres, le reprsentant du Ministre de l'Instruction pu-blique, MM. Cicron, Snateur de la Guadeloupe, Gerville-Rache, Vice-prsident de la Chambre des Dputs et prsident du Comit du monument, Maurice Berteaux, dput de la cir-conscription, Ursleur, dput de la Guyane, Brunet, dput de la Runion et M. Herbette, conseiller d'tat.

    Le Ministre et sa suite sont reus par M . le Maire de Houilles qui leur souhaite une cordiale bienvenue.

    La musique militaire joue la Marseillaise et le cortge se forme immdiatement pour se rendre la mairie o doivent avoir lieu les prsentations ordinaires; i l est prcd par les gendarmes, les sapeurs-pompiers, la musique militaire et la fanfare de la ville. La foule nombreuse qui se presse sur son passage dans les rues pavoises et dcores, fait au Ministre

  • de l Marine et son entourage, une rception des plus enthousiastes.

    Les prsentations termines, le cortge se reforme pour se se rendre la place o devait avoir lieu l'inauguration du monument, et qui tait superbement dcore. Par la profusion de fleurs et de trophes de drapeaux dont elle avait t orne, cette place offrait un coup d'il frique.

    Une estrade d'honneur y avait t dresse proximit du monument. Le Ministre y a pris place ainsi que les person-nages officiels dont i l tait accompagn et auxquels s'taient joints les prsidents des diverses socits locales qui s'taient rendus la gare pour l'acclamer et lui faire cortge.

    A l'arrive de M. Camille Pelletan, la musique militaire excute la Marseillaise; les voiles qui recouvraient le monument sont enlevs et des applaudissements saluent l'apparition du buste de Schlcher.

    Les discours commencent aussitt. Tous vont retracer la vie de l'homme de bien qui, aprs avoir fait proclamer l'aboli-tion de l'esclavage, se consacra tout entier l 'amlioration du sort des malheureux et qui passa dans l'exil tout le temps que dura l'Empire.

    M. Ger'ville-Rache prend le premier la parole pour remettre le monument la ville de Houilles. Nous reproduisons ci-aprs le texte de son discours :

    Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

    Il y a eu 10 ans, au mois de dcembre dernier, que, l'me brise de la plus profonde douleur, j'avais l'honneur de conduire le deuil de Vic-tor Schlcher, auquel j'tais attach par les liens de la plus vive reconnaissance et de la plus profonde vnration.

    Le grand citoyen, que j'accompagnais a sa dernire demeure, n'avait pas cess, au cours de sa longue existence, d'avoir pour rgle

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    de conduite la pratique rigoureuse des principes de libert, d'galit et de fraternit qui sont l'essence du dogme rpublicain. Mais, comme l'a dit un de ses biographes, des trois mots dont se compose cette devise, la fraternit fut toujours pour lui le plus grand et le plus beau. C'est ainsi qu'il s'est fait le dfenseur des dshrits de toutes les classes, de toutes les races ; mais le plus grand acte auquel i l ait consacr sa vie est l'mancipation de la race noire, et l'histoire est l pour attester le rle prpondrant qui lui revient dans le grand acte de l'abolition de l'esclavage aux colonies franaises en 1848.

    La carrire de Schlcher a t celle d'un aptre d'humanit et de dmocratie. Elle s'est traduite en revendications au nom de la justice et du droit. Elle s'est signale par des uvres humanitaires dont il a poursuivi la ralisation et auxquelles son nom demeurera a jamais attach.

    Aprs avoir fait dcrter l'mancipation immdiate des esclaves, il ne considra pas sa tche comme termine. Il prit, pour ainsi dire, la direction morale de ces mancips qui, du jour au lendemain, avaient t rendus les gaux de leurs matres, et il dotait chacune de nos colonies d'ateliers publics, d'hospices, de maisons de charit, de caisses d'pargne et d'coles de toute nature. Il les dota plus tard des principales conqutes politiques et sociales de la Rpublique.

    Combien parmi les hommes distingus qui brillent dans la science, dans les arts ou qui s'enrichissent dans l'industrie, pour ne parler que de ceux-l, doivent moralement Schlcher ce qu'ils sont aujourd'hui.

    Schlcher , a dit M. Legouv, a eu le cur ouvert sur toutes les questions sociales et, ds qu'il s'agissait d'une de ses nobles entreprises contre la misre, l'ignorance et le vice, qui sont les flaux de la socit moderne, Schlcher s'y enrlait au cri de L'humanit le veut.

    Alors qu'il n'avait pas encore achev l'tude de l'esclavage, i l a pu croire que cette institution inhumaine et anti-sociale admettait des transformations successives. Mais, quand il eut parcouru les pays et les colonies esclaves, i l s'empressa d'crire : On ne peut pas plus rglementer l'esclavage que l'assassinat.

    Moins de huit ans plus tard, il rdigeait les beaux dcrets de 1848 o il tait dit :

    Au nom du peuple franais ! Le Gouvernement provisoire de la Rpublique,

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    Considrant que nulle terre franaise ne peut plus porter d'esclaves ;

    Considrant que l'esclavage est un attentat contre la dignit humaine ;

    L'esclavage sera entirement aboli dans toutes les colo- nies et possessions franaises, deux mois aprs la promul- gation du prsent dcret dans chacune d'elles.

    L'abolitioniste n'avait pas perdu de vue qu'un si grand acte com-portait des mesures de sage et prvoyante excution. Il les complta par des dcrets organisant aux colonies la protection des vieillards, des infirmes, des orphelins, l'instruction publique, la fte annuelle du travail et les banques destines aider les anciens matres si jus-tement expropris.

    L'uvre mancipatrice de Schlcher a jet dans une sorte de pnombre toute son action philanthropique pourtant si considrable. A peine se souvient-on de ses luttes contre la peine de mort, de ses efforts pour la protection de l'enfance, du fait que nous lui devons la suppression des peines corporelles dans la marine, les wagons cou-verts et chauffs pour la troisime classe dans les chemins de fer...

    Les admirateurs de Schlcher ne ddaignent pas de rappeler ces batailles et ces conqutes qui suffiraient elles seules pour mettre hors de pair la mmoire de ce grand homme de bien.

    Schlcher fut aussi un grand citoyen. Il a cont lui-mme dans son livre Le Crime du 2 Dcembre la journe hroque o, dfen-seur du droit, i l n'hsita pas prsenter sa poitrine aux baonnettes des hommes du Coup d'tat. Il tait avec Baudin, Brukner, Dellotte, Dulac, Maigrie et Malardier sur la barricade du faubourg St-Antoine o les reprsentants du peuple essayrent d'opposer la lgalit la violation du droit.

    Victor Hugo, dans une page immortelle de l' Histoire d'un Crime a fait le rcit de cette journe historique :

    Sept reprsentants du peuple, sans autre arme que leurs char- pes, c'est--dire majestueusement revtus de la loi et du droit, s'a- vancrent dans la rue, hors de la barricade et marchrent droit aux soldats qui les attendaient le fusil en joue.

  • En voyant approcher les sept reprsentants, les soldats et les officiers eurent un moment de stupeur. Cependant le capitaine fit signe aux reprsentants d'arrter.

    Ils s'arrtrent en effet et Schlcher dit d'une voix grave : Soldats ! nous sommes les reprsentants du peuple souverain,

    nous sommes vos reprsentants, nous sommes les lus du Suffrage

    Universel ; au nom de la Constitution, au nom du Suffrage sel, au nom de la Rpublique, nous qui sommes l'Assemble natio-

    nale, nous qui sommes la loi, nous vous ordonnons de vous joindre

    nous, nous vous sommons de nous obir. Vos chefs, c'est nous.

    L'arme appartient au peuple et les reprsentants du peuple sont les

    chefs de l'arme. Soldats ! Louis Bonaparte viole la Constitution,

    nous l'avons mis hors la loi. Obissez-nous.

    L'officier qui commandait, un capitaine nomm Petit, ne le laissa pas achever.

    Messieurs, dit-il, j'ai des ordres, je suis du peuple, je suis rpu-

    blicain comme vous, mais je ne suis qu'un instrument.

    Vous connaissez la Constitution, dit Schlcher. Je ne connais que ma consigne.

    Il y a une consigne au dessus de toutes les consignes, reprit

    Schlcher; ce qui oblige le soldat comme le citoyen, c'est la loi.

    La barricade fut emporte et Baudin y trouva la mort. Schlcher paya son nergique protestation de 19 annes d'exil.

    Il avait refus de bnficier des amnisties de 1859 et de 1869, Il ne rentra en France que pour venir, au lendemain de Sedan, proclamer la dchance de Napolon III, pour dfendre la France et organiser la Rpublique.

    Il commanda la lgion d'artillerie de la garde nationale jusqu' la capitulation de Paris. Les volontaires, l'ayant leur tte, occuprent le plateau d'Avron sous une pluie de mitraille.

    Quand la paix fut faite, il connut d'autres dangers. Il avait voulu s'interposer entre les soldats de Versailles et ceux de la Com-mune. 11 fut jet en prison par la Commune et menac d'avoir le sort des gnraux Le Comte et Clment Thomas. Aprs trois jours d'in-carcration, i l . fut remis en libert ; la Commune n'osa pas fusiller l'homme qui avait t l'un des derniers dfenseurs de la Rpublique contre les entreprises criminelles de Louis-Napolon.

    Le portrait de Schlcher n'a pas que ces lignes graves et aus-tres. Cette noble figure a plus d'un aspect souriant. Schlcher. tait

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  • un artiste tout aussi pris du beau que du bien et du vrai. Il avait t critique d'art ; i l sentait vivement la musique qu'il interprtait avec lgance. Il a lgu de fort belles collections divers muses de France et des Colonies et il a beaucoup crit sur des sujets d'art pur.

    Schlcher a t un homme tout d'une pice, depuis sa plus tendre jeunesse. Il n'a compos qu'une fois dans sa vie avec la vrit, c'est le jour o, vitant les sbires de Louis-Napolon, i l sortit de France, lui libre-penseur, revtu d'une soutane de cur. Autrement, il n'a jamais transig ni avec sa conscience, ni avec ses principes.

    Un jour tant encore tout jeune, il revenait de Belgique avec sa mre. Celle-ci s'tait approvisionne de dentelles et pensait les faire entrer indemnes de droits. Elle avait dj dit aux douaniers rien dclarer , quand Schlcher prenant la parole, dit son tour : Madame a oubli les dentelles qu'elle apporte de Malines . C'est le mme homme qui, entendant un snateur affirmer la tribune qu'il n'y avait pas de vritable athe, lui fit cette rponse : En voici un . Mais un de ses collgues, qui le connaissait merveille, rpliqua ; C'est un athe qui fait penser Dieu .

    Voil, MM., les grands traits de l'homme qui nous avons rsolu d'lever un monument commmoratif dans la ville de Houilles, o i l est dcd le 25 dcembre 1893.

    Un comit compos de MM. Lockroy, Berteaux, Etienne, Cicron, Knight, Brunet, Clment, Ursleur, Herbette, Beurdeley, Faucon, P. Launay, Georges Hugo, P. Domre, Gustave Mancel et Gerville-Rache s'est form cet effet.

    L'me de ce Comit a t M. Faucon, sous-directeur honoraire au Ministre de la Marine. Tmoin des efforts rpts et continus qu'il a faits pour conduire l'entreprise au succs, je suis heureux de lui adresser le juste hommage et les sincres remerciements qu'il mrite.

    Nous avons trouv une artiste, Mme Syamour, la fille de deux amis de Schlcher, qui a gnreusement facilit l'uvre du Comit, en s'offrant la raliser avec les plus modiques ressources,

    Elle a t seconde par un architecte, M. Lecaron, qui a rivalis avec elle de dsintressement.

    Le Comit leur adresse tous deux ses remerciements et l'expres-sion de sa gratitude.

    Nos souscripteurs ont fait le reste ; et, parmi eux, nous ne pouvons passer sous silence M. le Prsident de la Rpublique, M. le Prsident

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    de la Rpublique d'Hati, M. le Prsident du Snat, MAI. les Ministres de l'Intrieur, de la Marine, de l'Instruction publique, des Colonies, et Mme Arnaud (de l'Arige). Nous leur exprimons toute notre grati-tude.

    Nous remercions chaleureusement M. le Ministre de la Marine d'avoir bien voulu accepter de prsider l'inauguration du monu-ment consacr la mmoire de notre illustre et vnr ami, l'un de ses prdcesseurs. Nous remercions galement M. le Prsident du Conseil, Ministre de l'Intrieur. MM. les Ministres des Colonies, des Affaires trangres, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts de s'tre fait reprsenter cette fte commmorative ; nous saluons enfin avec une vive satisfaction la prsence de M. le Prfet de Po-lice et de M. le Prfet de Seine-et-Oise.

    Notre tche est acheve, nous avons conduit bonne lin notre entreprise. Nons remettons le monument la garde et la protection de la ville de Houilles et de sa municipalit. Nous sommes convaincus que cette cit si rpublicaine saura garder saine et sauve l'image du grand rpublicain. Nous la remercions d'avoir accept notre offre et de nous avoir donn un fort bel emplacement pour l'rection du monument.

    Aprs M. Gerville-Rache, M. Kieffer, Maire de Houilles, se lve pour remercier le Comit du don fait la Commune; i l s'exprime ainsi :

    Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

    Au nom de la Commune de Houilles, j'accepte ce monument lev a la mmoire de Victor Schlcher.

    En prenant possession de cotte uvre, destine perptuer le sou-venir d'un des aptres de la libert et de l'galit des races humaines, je prends l'engagement, au nom de mes concitoyens, de veiller pieuse-ment son entretien.

    Interprte des sentiments de tous les habitants de la Commune, je veux exprimer notre sincre reconnaissance au Prsident du Comit d'rection, M. Gerville-Rache, Vice-prsident de la Chambre des Dputs, au Vice-prsident, M. Maurice Berteaux, dput de la circonscription et a MM. les Membres du Comit.

  • Le prcieux cadeau qu'ils offrent notre Commune rappellera nous et nos enfants que Victor Schlcher a consacr ici-bas une longue carrire l'amlioration de la cause de l'humanit.

    Il nous rappellera aussi que l'uvre accomplie par Victor Schlcher est de celles qui justifient l'adoption de notre belle devise rpublicaine,

    Libert, galit, Fraternit.

    M. Bousquet, Directeur du Cabinet et Secrtaire gnral du Ministre des Colonies, dlgu par M. Doumergue, retrace ensuite, avec sa haute comptence et dans les termes suivants, l 'uvre coloniale de Schlcher :

    Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

    Le Ministre des Colonies, empch, a bien voulu me faire l'hon-neur de me dlguer pour assister celle belle crmonie.

    Schlcher a aboli l'esclavage et contribu fonder la Rpublique. C'est vous dire combien M. Gaston Doumergue et t heureux

    de venir aujourd'hui au milieu de vous, pour honorer la mmoire de celui dont le nom est si cher aux enfants de nos colonies, ainsi qu' tous les franais qui voient dans notre expansion coloniale une faon de rpandre dans le monde nos ides de justice et de fraternit.

    Je ne reviendrai pas sur la biographie de Schlcher que vous connaissez tous et que vous venez d'entendre par la bouche si lo-quente de M. Gerville-Rache. D'autres orateurs plus qualifis que moi, vous diront sa vie politique et parlementaire, vous parleront des belles collections de livres rares et d'objets curieux et exotiques que Schlcher au milieu de ses proccupations et de ses luttes journa-lires eut le got et le temps de runir et qu'il lgua si gnreu-sement nos muses et nos bibliothques.

    Je me contenterai de rappeler que Schlcher ne s'en tint pas l'abolition pure et simple de l'esclavage dans nos colonies, mais qu'il travailla sans cesse, par sa parole et ses crits, leur prosprit cono-mique, ainsi qu' l'mancipation, sous toutes ses formes, du corps et de l'esprit de ceux dont il avait pris si nergiquement la dfense.

    En 1812, il crivait dj : mancipation des noirs, tel est notre

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    premier vu ; Prosprit des Colonies, tel est notre second vu. Nous demandons l'une au nom de l'humanit, l'autre au nom de la nationa-lit, toutes deux au nom de la Justice.

    Et pendant plus d'un demi-sicle, jusqu' sa mort, Schlcher, fidle ce programme, chercha raliser les vux que son noble cur avait conus et que son intelligence avait si clairement non-cs.

    Il eut le rare bonheur d'obtenir en 1848, c'est--dire six ans peine aprs avoir crit les lignes que je viens de rappeler, la ralisa-tion du premier de ses vux. Et pendant le reste de sa vie qui fut longue, i l combattit pour la ralisation du second.

    Un jour, c'est pour la libert de la Presse qu'il combat et qu'il crit : Il n'y aura pas de paix aux Colonies, tant qu'un parti n'aura pas le droit de publier sa pense, ni celui d'en appeler l'opinion publique, seul juge souverain !

    Le lendemain, c'est l'enseignement laque aux colonies qu'il encourage et qu'il dfend; c'est la rglementation du travail dans nos possessions d'outre-mer qui le proccupe.

    Les questions conomiques ne lui chappent pas davantage. Il tudie la crise sucrire et la culture de la canne ; et ses rapports sur l'immigration pourraient encore, l'heure actuelle, tre utilement consults par ceux que l'avenir de certaines de nos colonies intresse.

    Il veut les colonies prospres; mais, avec leur prosprit mat-rielle, il cherche toujours assurer le triomphe du droit, de la jus-tice, de l'galit et de la concorde de toutes les races dans la France d'outre-mer.

    Aussi, un homme eminent a-t-il pu crire, et permettez-moi de rpter avec lui, que Schlcher fut, avant tout, une conscience.

    Permettez-moi de dire aussi, combien la ville de Houilles s'est honore en perptuant en France, par le monument que vous inau-gurez aujourd'hui, le souvenir d'un si grand cur.

    Puis, c'est M. Maurice Berteaux, Dput de la circonscrip-tion et Vice-Prsident du Comit d'initiative qui prend la parole.

    11 rappelle tout d'abord l'accueil enthousiaste que la ville de Houilles et ses habitants ont fait, l'an dernier, au gnral Andr, au ministre rpublicain de la guerre, et il remercie ses concitoyens et

  • ses concitoyennes des acclamations qui, en la personne de M. Camille Pelletan, du ministre rpublicain de la marine, saluent le gouverne-ment de la Rpublique et son chef respect M. Emile Loubet.

    11 dit son embarras, aprs les discours qu'on vient d'entendre, de clbrer son tour la mmoire du grand homme de bien que fut Victor Schlcher ; mais, se rappelant la grandeur de celte existence si noble et si bien remplie, il en parlera avec son cur, sr de trou-ver un cho dans le cur de ceux qui l'coutent.

    Victor Schlcher, dit M. Berteaux, tait jeune, i l tait riche : i l aurait pu, comme tant d'autres, profiter des plaisirs de son ge et jouir d'une existence agrable et luxueuse; mais il avait un idal haut plac, noble et gnreux entre tous, auquel il prfra consacrer sa vie tout entire. Cet idal c'tait la libert humaine.

    Au prix de difficults sans nombre, au travers des plus pnibles sacrifices, i l russit l'atteindre et le raliser.

    Et ici, en quelques phrases rapides, M. Berteaux rappelle le pre-mier voyage de Schlcher aux Antilles. Il souffre des maux pouvan-tables que l'esclavage dchane sur nos frres noirs, et, dans ses pre-mires illusions, il rve de rformer et d'humaniser l'esclavage. Mais Schlcher ne s'attarda pas longtemps celte conception irralisable, et, comme le rappelait un des orateurs prcdents, i l arrive bientt proclamer qu'on ne peut pas plus rglementer humainement l'escla-vage que l'assassinat.

    Vient alors le deuxime voyage de Schlcher aux Antilles; c'tait un acte de courage de la part d'nn abolitionniste dclar. Il n'en fut pas moins gnralement bien reu ; c'est que, sans rien cacher de ses profondes convictions, il s'en prenait bien plus aux choses qu'aux hommes et que sa noble et grande bont forait l'admiration de ceux-l mmes dont il menaait ouvertement les sentiments.

    Rien n'est cet gard plus significatif que la prface par laquelle i l ddia aux colons qui l'avaient reu son livre sur l'abolition de l'es-clavage :

    Vous connaissiez mes principes, crit-il, et quoique vous regar- diez comme vos ennemis ceux qui les professent, partout vous m'a- vez ouvert vos portes. Vous avez tendu la main au voyageur aboli- tionniste...

    C'est pourquoi je vous adresse ce livre... Jamais je ne dposerai ma haine contre l'esclavage; mais je veux que l'on sache que je vous suis attach par ces liens de grave fraternit qui, aux belles

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    poques de l'antiquit grecque et romaine, unissait l'hte son hte,

    J'aime vos esclaves parce qu'ils souffrent. Je vous aime parce que vous avez t bons et gnreux pour moi...

    Je vous garde affection, quoique vous soyez matres, parce qu'il n'y a que cela de mauvais en vous...

    Mais pendant que Schlcher poursuivait ainsi avec cette tnacit sereine l'abolition de l'esclavage et travaillait aussi affranchir la France, elle poursuivait l'avnement de la Rpublique.

    Et M. Berteaux, poursuivant son mouvante improvisation, nous montre Schlcher, vers la fin du gouvernement de Charles X, s'affi-liant la loge les Amis de la Vrit, une de celles dont sortit la Rvo-lution de 1830 ; et, lorsque la monarchie de Juillet eut confisqu son profit un mouvement librateur qui avait pour but le retour de la Rpublique, poursuivant par tous les moyens de propagande et d'action une opposition incessante au gouvernement de Louis-Phi-lippe, menant de front son agitation fconde pour l'abolition de l'esclavage et la fondation de la libert rpublicaine.

    Puis c'est le triomphe : la Rvolution de fvrier 1848. Schlcher appel par Arago, ministre de la marine, au Sous-Secrtariat de ce ministre, donnant, ds le 5 mars, l'humanit et la France ce beau dcret qui commence par ses mots : Considrant que nulle terre franaise ne peut porter d'esclaves... C'est la Rpublique, gouver-nement lgal du pays ; c'est l'esclavage aboli sur toute terre franaise.

    Mais, aprs les jours de joie pure et noble, viennent de nouveau les jours sombres de douleur et d'preuve, et M. Berteaux rappelle le crime de Louis-Napolon Ronaparte, la nuit de Dcembre, le peuple indiffrent, tromp par ceux qui avaient tant d'intrt exciter ses mfiances contre ses seuls amis, les efforts des reprsentants rpu-blicains du peuple : ils sont, le 8, sur la mme barricade, Baudin, Brukner, de Flotte, Dulac, Maigne, Malardier et Schlcher, tous opposant leurs poitrines aux balles des soldats mis au service du par-jure et du crime. Un seul, Baudin, tombant, les autres ayant oppos mme courage au service de la Rpublique et de la loi. Puis ce sont les 20 annes d'exil en Angleterre, l'amnistie par deux fois repousse, la lutte continue de par del les mers, en compagnie de Victor-Hugo !

    Il ne rentra en France qu'avec le 4 Septembre et la Rpublique; et, bien qu'il et alors 66 ans, il se mit aussitt la disposition du

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    gouvernement de la Dfense nationale pour servir la Patrie en danger. Il fut d'abord nomm colonel d'tat-major de la garde nationale ;

    mais il lui fallait un rle encore plus actif : il organisa une lgion d'artillerie dont il prit le commandement.

    Et en mme temps qu'il s'employait ainsi repousser l'ennemi du dehors, Schlcher s'efforait d'assurer la paix intrieure et d'a-paiser la lutte entre la Commune et le gouvernement. Ce qu'il faut retenir de ces faits, citoyens, c'est que l'ardent patriotisme de Schl-cher se conciliait parfaitement avec ses sentiments pacifiques et hu-manitaires ; et c'est une nouvelle rponse ceux qui prtendent qu'on ne peut aimer ardemment sa patrie et la paix ; l'exemple de Schl-cher dmontre qu'on peut glorieusement servir l'une et l'autre.

    Schlcher servit ainsi glorieusement la Rpublique ; membre de l'Assemble nationale, puis du Snat, jusqu' la lin de ses jours, il lutta pour les ides qu'il servait depuis sa jeunesse.

    De ses dernires interventions politiques, M. Berteaux ne veut rappeler que celle-ci qui est d'actualit. Le 2 fvrier 1883, il combat-tit, au Snat, le maintien du serment religieux devant les cours et tribunaux et voici en quels termes : Je crois, dit-il, que le tmoin ou le jur qui prte serment sur son honneur et sa conscience prsente

    plus de garanties que celui qui jure sur une entit laquelle il ne

    croit pas. Je prie les membres de la droite de respecter les scrupules

    matrialistes pour lesquels le serment religieux est une violation de

    la libert de conscience.

    C'est, ajoute M. Berteaux, la dcisive rponse faire ceux qui prtendent que la suppression du serment religieux est une atteinte la libert des consciences .

    Citoyens, dit-il encore, tel fut l'homme, le libre-penseur, le philanthrope humanitaire, le patriote ardent, le rpublicain prouv auquel nous dressons aujourd'hui ce monument, confi notre garde vigilante et que, j'en suis sr, les gnrations venir entoure-ront du mme soin et du mme respect, en mme temps qu'elles perptueront le culte que tous les rpublicains, tous les patriotes, tous les hommes de cur ont vou la mmoire de Victor Schl-cher !

    Enfin, M. Berteaux voque, dans un saisissant parallle, l'uvre libratrice et humanitaire de Schlcher, comme Sous-Secrtaire d'Etat de la marine, et du Ministre actuel de la marine, Camille Pel-letan, qui s'applique sans relche amliorer le sort des plus humbles

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    et des plus dshrits de son administration, des ouvriers des arse-naux, des hommes d'quipage, de tous ceux dont la vie est si rude et les services si grands !

    Et c'est, au milieu des applaudissements rpts, dans une longue et chaleureuse ovation de toute l'assistance, que M. Berteaux termine en disant que Schlcher, ancien Sous-Secrtaire d'Etat de la marine, s'honorerait, s'il eut survcu, d'avoir pour successeur Camille Pel-letan, fils de celui qui fut son ami et comme lui un ardent dfenseur de la Rpublique : Eugne Pelletan.

    M. Herbette, Conseiller d'tat et l'un des plus intimes amis de Schlcher, a l'ait ensuite en termes mus l'loge des qualits matresses qui ont t la rgle et l'honneur de la vie du grand philanthrope et qui lui ont valu, dit-il , autant d'aiection et de reconnaissance que d'admiration.

    Voici le discours de l'honorable Conseiller:

    Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

    A UN G R A N D H O M M E , telle est l'inscription qui pourrait dominer ce monument. Mais il faudrait ajouter: A l'homme de conviction et d'action, l'idaliste, au grand citoyen philanthrope, humanitaire .

    Qu'il soit permis un de ses amis particuliers d'exprimer bri-vement comment leur est apparu, dans l'ensemble de sa vie, celui qui tait si vaillant et si bon, qui a tant lutt, sans pouvoir har personne, mme ceux qu'il mprisait ou qu'il jugeait en devoir de combattre.

    Le jour o, sous la 3e Rpublique, l'immense foule de Paris est alle manifester la tombe de Baudin, en souvenir de la rsistance au coup d'tat Napolonien contre la 2 e Rpublique, un groupe de concitoyens s'est rendu la maison de Schlcher, rue de la Victoire, apportant une adresse et une couronne civique a celui qui avait pro-test, lui aussi, en 1851, sur la barricade de St-Antoine.

    Mais il avait march avec quelques autres, poitrine en avant, vers la troupe, pour l'adjurer de respecter la lo i ; et les fusils l'avaient pargn, pour atteindre son collgue, plant avec son charpe comme un drapeau vivant sur l'amas de pavs. Le fait d'avoir survcu en s'exposant davantage et le courage d'avoir continu si longuement la

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    bataille contre la dictature ont-ils diminu le mrite du proscrit ? Honneur ceux qui tombent ; mais honneur ceux qui restent debout ! Debout est rest Schlcher jusqu' 89 ans.

    Le 2 Dcembre 1893, dernier anniversaire de cette date pour le vieillard qui allait mourir, avant la fin de l'anne, des rpublicains ses amis personnels, des reprsentants du Parlement, de l'administra-tion et de la magistrature, de la science et de l'art, de la presse, venaient ici mme, Houilles, dans la maison o s'abritaient les der-niers jours du vnr matre ; salut suprme l'anctre encore vivant, qui leur disait avec un doux sourire : Merci de m'apporter un si beau soleil couchant.

    Avec quelle motion, pousse jusqu'aux larmes, il accueillait ces tmoignages d'attachement ! Il voyait sans orgueil luire cette lumire qui ne rayonne vraiment qu'aprs la vie, la gloire. Avec un poignant attendrissement, il recevait des fleurs des pays qu'il aimait, offertes par des enfants; une inscription grave en bronze, un bronze dj, pour annoncer ceux qui perptuent ses traits ; enfin un docu-ment commmoratif, sign des manifestants et conu en ces termes :

    Le 2 Dcembre. A notre cher et vnr

    Victor Schlcher. Souvenir de citoyens, ses admirateurs et ses amis,

    heureux de lui prsenter le tmoignage de leur atta- chement,

    Quarante-deux ans aprs le 2 Dcembre 1851, et dans la 24e anne du rtablissement de la Rpublique.

    Ces manifestants emportaient, avec la photographie qu'ils ve-naient de prendre de Schlcher au milieu d'eux, son dernier por-trait, les rconfortantes paroles du vieillard, bientt moribond, dont la lucidit d'intelligence et la chaleur d'me les avaient tant frap-ps, dernier effort de la voix et dernier clat des yeux qui allaient s'teindre. Merci, murmurait-il. Vous me donnez un des plus grands bonheurs et un des plus grands honneurs de ma vie.

    Et il rptait que sa vie tait finie, que l'accablement le prenait sans cesse comme aprs une trop longue marche ; que c'tait pour le bonheur du pays, sa plus constante proccupation, qu'il fallait faire des vux dans cette dernire visite.

    C'est encore un plerinage de pit civique que vous accomplissez, Messieurs, plus de dix ans aprs ; et i l me semble que nous ne nous

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    trouvons qu'au lendelmain. Chaleureux remerciements ceux qui, en levant ce monument, nous auront gard ici Schlcher ; aux orga-nisateurs de cette solennit consacre la reconnaissance et, ce qui vaut mieux encore, a l'affection. Cette solennit n'a pas uniquement le caractre familial et national. Car l'hte adoptif de Houilles n'tait pas seulement un patriote, mais un champion de la libert univer-selle, un aptre de l'humanit.

    Ce qu'il ne peut vous dire, ses amis vous le diront: : Merci a tous ! Merci ceux qui ont donn leur moment de repos cette ru-nion, o la mlancolie se mle la satisfaction publique. Merci ceux qui se drobent leurs hautes et absorbantes fonctions pour rendre hommage un absent dans cette suprme absence, la mort ! N'y a-t-il pas quelque douceur, quand on est dans la mle, se rappeler ceux qui y avaient reu de. si rudes coups ? Ne lrouvc-t-on pas secours et consolation, lorsqu'on doit franchir tant d'tapes du progrs dmo-cratique, revoir le chemin trac par les soldats et pionniers d'avant-garde ?

    Que de ligures pourraient tre voques autour de celle que voici calme, devant nous, regardant par dessus nos ttes dans les champs du pass ou vers les horizons de l'avenir!

    Au premier rang, Victor Hugo, dont l'image tait demeure au-dessus de la place favorite de Schlcher en sa maison ; deux com-pagnons de lutte et camarades d'exil, associs, en des voies si diff-rentes, la grande tche humaine, l'un y travaillant en crits et l'autre en actes ; tous deux galement passionns et acharns ida-listes, bien qu'en frquentes discussions, par exemple, sur les pro-blmes de l'au-del, problmes platoniques , mais non pas toujours inoffensifs en ce monde; tous deux ambitieux de pousser les nations l'avnement de l'humanit vraie ; hassant toutes les oppres-sions et toutes les servitudes, celle de l'ignorance comme celle du des-potisme, celle de la misre, celle du mal, mais sans haine et plutt avec piti, avec amour pour ses victimes, mme coupables. Victor Hugo a plaid pour les misrables, Schlcher a essay de les sou-lager.

    Comment omettre Legouv, type admirable d'active longvit, jeune de muscles et d'esprit jusqu' plus d'un sicle, l'ami dont Schlcher disait : J'ai deux consciences, la mienne et la sienne.

    Combien d'autres seraient citer, qui ne sont pas tous biffs de la liste des vivants ! Ils sauvaient Schlcher de l'isolement, ce ter-

  • rible isolement de la vieillesse, l'isolement du chne dans l'ombre duquel pousseront de robustes rejetons.

    Quel homme de foi, tout l'inverse du sceptique, ce combat-tant dont on a voulu faire un incroyant, un ngateur, parce qu'il n'avait pas voulu se laisser imposer les croyances d'autrui ! Foi en ces grandes vrits o certaines gens qui rclament la pit envers leurs Dieux, n'ont voulu voir que de grands mots : Justice, Fraternit, Bont . Car chacun, si convaincu soit-il de ce qui lui tient cur, reste l'incrdule et l'impie de quelque autre.

    A suivre les opinions, la propagande, les phases de la carrire, les habitudes personnelles de Schlcher, quelles incessantes affirma-tions de principe on relve, et, avant tout, la plus difficile, celle du devoir ! Quelle imperturbable confiance dans le bien et dans une logique suprieure des vnements qui le fait prvaloir ! N'est-ce pas un des traits communs ces groupes de rpublicains du XIXe sicle, ces prcurseurs ou primitifs que n'ont branls ni le malheur, ni les catastrophes, ni la monarchie, ni la dictature, ni l'Empire ? Rappe-lons-nous les toujours, esprant, peinant, faisant apostolat et bataille, intraitables et impassibles en leurs illusions mmes. Rappelons-nous les en exil ou dans les prisons, les pontons, les bagnes et les lieux de transportation. Avec quelle assurance de vainqueurs et quelles pr-dictions de prophtes, ces vaincus, excommunis de France, protes-taient-ils contre le fait brutal, primant le droit et opprimant ses dfenseurs !

    Non, ils n'admettaient pas le succs de l'iniquit, ni la dure de l'illogique. Les yeux fixs sur l'avenir, ils rptaient : Cela ne durera pas . Cela, pour l'Empire, a dur 18 ans. Tous les jours, ils attendaient demain. Et c'est un d'eux qui, reprenant sa chaire de professeur aprs la chute de l'Empire, recommenait ainsi son cours: Je vous disais hier...

    Celte tnacit de croyants, cette vision intrieure de la vrit, quelle puissance matrielle ne donnent-elles pas? Quelles leons puiser dans la destine des hros de la priode rpublicaine mili-tante ! Pour de tels champions et de telles causes, nulle dfaite n'existe ou ne subsiste. Toutes sont un acheminement a la russite.

    Raillant Schlcher avec son air grave et son parler lent, ce visage sans barbe, ce manteau de philosophe, celte longue lvite de pasteur qui faisait souvenir aussi de l'ancien lgant comme du doctrinaire ayant tant profess par le fait les thories rpublicaines,

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  • un adversaire s'criait : C'est un prtre, votre homme . Le prtre de sa conscience , rpondit un ami.

    Aussi quel ddain de la dissimulation, des conventions fausses, et de cette hypocrisie qu'on accepte si souvent comme une vertu sociale, au moins dans les relations particulires et dans le langage ! Quelle sincrit redoutable en cet homme toujours prt payer de sa per-sonne pour la dfense de ses ides et ses jugements. Alceste , l'appelait-on autrefois. Et Alceste tmoignait nettement ceux dont le caractre et la loyaut avaient flchi, son blme et son ddain, quelle que ft leur situation.

    Les satisfactions d'intrt le trouvaient indiffrent, comme Ies satisfactions d'amour-propre. Sans se piquer de faire de la philoso-phie et moins encore des incursions thoriques dans la mtaphysique, sans phrases, (je ne suis pas orateur, disait-il), il agissait, i l agissait pour le bien. Ses crits, articles, opuscules et volumes, comme ses communications, propositions et discours des assem-bles diverses, taient des actes.

    N'est-ce pas un acte et le plus courageux de tous, cette histoire du 2 Dcembre qui a fait appesantir plus lourdement sur lui la per-scution : ce livre, proscrit comme son auteur, que les rpublicains parvenaient pourtant faire pntrer chez nous, sous l'Empire. Et c'est au cri de celte nergique conscience que s'est veille la conscience des gnrations nouvelles.

    Un act.e aussi, ce livre sur Toussaint-Louverture, que l'auleur achevait dans sa villgiature auprs de nous en Bretagne, et dans lequel il a voulu prciser, en l'appliquant aux faits mmes de l'histoire, ses convictions et ses sentiments sur la place que la civilisation doit faire aux frres de couleur. Comment prten-drait-elle lever les socits nouvelles dans lesquelles la solidarit s'impose et entre lesquelles les communications se font si rapides d'un bout du monde l'autre, sans admettre ces principes de fra-ternit, de libert, de bont, hors desquels la souffrance et les cala-mits sont fatales pour tous, puissants ou faibles, pour les heureux comme pour les malheureux du jour, condamns aux incessantes vicissitudes de la violence ? Toute guerre ne deviendrait-elle pas une guerre civile, quand les nations mneront une vie commune de pro-duction et de progrs ?

    Des actes, enfin, ces tudes, ces articles, cette frquente inter-vention dans les questions et les services de bienfaisance et d'assis-

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  • tance, dans les problmes lgislatifs et administratifs concernant la criminalit, dans la fixation des conditions de rpression, dans l'ap-plication du rgime pnal et pnitentiaire. En tout, i l faisait preuve de ce mme souci dont il semblait obsd : soulager ceux qui souffrent, relever ceux qui sont abaisss ; besogne, disait un railleur, qu'il aimait mieux dcidment ne pas laisser Dieu.

    Et comment s'tonner d'une obstination si invincible en ce carac-tre, chez un enfant de celte race alsacienne, au cur tendre, la tte dure, dont l'enttement, plus fort que la force, est une vertu sublime dans le malheur, la plus sre vertu pour le succs final ? Combien de faits ne sont ns que d'ides qui s'taient obstines !

    Quelle leon dans ces rsultats d'une irrconciliable protestation de 20 ans contre l'aventure impriale, de la part de ceux qui avaient pu connaitre le 18e sicle par ses tmoins et ses acteurs, et qui ont vu se prparer le 20e, aprs le rtablissement dfinitif de la Rpu-blique ! La lumire de telles figures n'claire pas seulement une gn-ration et un pays, mais toute une poque.

    La vie de Schlcher reprsente la lutte d'un homme et d'un groupe d'hommes pour l'affranchissement humain, la rsistance l'oppression, au nom de la conscience ; et celte conscience, il la vou-lait ferme et nette, dans les autres comme en lui-mme. Ainsi se marque l'unit de la carrire qui s'est droule sous la royaut blan-che ou tricolore, sous les gouvernements provisoires, sous l'Empire et la Rpublique, dans l'anne terrible, travers les guerres tran-gres et les guerres civiles, les dernires tentatives monarchiques ou autres, les crises et les preuves de tout genre, pour l'accomplis-sement de l'uvre rpublicaine : La rnovation du pays el l'entier affranchissement de la nation.

    Dans le salut que les manifestants du 2 Dcembre 1893 adressaient Schlcher comme le dernier adieu qu'il dt entendre, ils lui di-saient : Partout o vous avez trouv la souffrance et l'oppression vous avez agi, agi de toutes vos forces, sans considrer si votre action tait prilleuse pour vous, sans chercher seulement si elle avait chance de succs. Car vous aviez l'idalisme du devoir. Cette bont, cet amour de l'humanit, vous l'avez tendu aux tres de toutes races, sans vous soucier plus de la couleur que de l'origine, tous les dshrits, tous les souffrants, mme ceux qui sont des coupables .

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    Oui, mais jamais des coupables triomphants. Car il a mis son honneur attaquer ceux-ci.

    Quelles qualits diverses, parfois contradictoires, en apparence, se conciliaient en lui, pour constituer une personnalit d'originalit si puissante et de si absolue sincrit !

    Ce souci de la conscience, i l ne le sparait pas du soin presque mticuleux de sa personne; d'une sorte de gentilhommerie dmocra-tique et, comme on disait, d'aristocratie humanitaire. Avec une poli-tesse scrupuleuse, une Imptuosit parfois brusque ; une bravoure sans bravades ; l'habitude et le got des armes, sans affectation du genre militaire chez ce colonel d'artillerie in partibus ; un patrio-tisme profond, mais sans emphase. Et quels souvenirs l'unissent encore, en 1870, Paris, avec son ami, Victor Hugo, qui portait, lui aussi, le kpi de garde national.

    Encore ne fallait-il pas trop se lier au calme apparent que l'indi-gnation pouvait briser tout coup. Quelle correction d'attitude, quelles exquises faons d'homme du monde, qui ne faisaient pas-tort aux sentiments tendres et aux convictions ardentes de l'mancipateur des ngres et du dfenseur du peuple !

    L'idalisme ne se manifestt pas seulement en lui pour la poli-tique et les problmes sociaux. Il s'est traduit en son got raffin pour l'art. Tmoin cette passion pour la musique, qui l'mouvait jusqu'au fond de l'me, et laquelle il a consacr non pas seulement des loisirs d'amateur, mais des travaux d'rudit et des collections pr-cieuses. De mme pour la gravure, dont il avait galement fait de si curieuses collections; pour la statuaire, dont i l avait tant de reproduc-tions autour de lui ; pour les livrs, dont il avait patiemment enrichi sa maison.

    C'est encore dos actes gnreux qu'ont abouti ces passions, ainsi qu'en tmoignent les richesses qu'il a donnes aux bibliothques coloniales, (la pauvre Martinique, qui a tout perdu, ne s'en sou-vient que trop) ; la Bibliothque Nationale, celle du Conserva-toire de Musique, etc. Donner quivaut placer, se placer soi-mme et placer ce qu'on a de cher, en autrui. On ne fait rien durer qu'en le donnant.

    Ce bienfaiteur public, qui n'ambitionnait pas le pouvoir et les clientles qu'il procure, qui, par dignit fire, ne courtisait pas la popu-larit, a rcolt cependant les affections les plus vives et les plus du-rables. Comment ne pas rapprocher de nous celles qui semblent le

  • plus lointaines, celles des compatriotes croles, qui rvrent en lui un pre, le pre de leur libert, initiateur de leur avenir ? Quoi de plus touchant que cette tendresse rciproque, qui a paru redoubler en ceux qui vivent pour celui qui a vcu ? Toujours reste bni le nom de Schlcher dans les plus humbles cabanes des Antilles.

    Comme la fidlit dans la dfense du droit avait triomph du temps et de la. distance, l'affection aura triomph du temps et de la distance. Mais la distance sera bientt abolie. Reste l'loignement dans la mort, et vous prouvez, Messieurs, comme ce monument atteste qu'on en peut triompher. Il n'est pas d'anantissement pour ceux qui sont aims.

    Schlcher vit parmi nous. C'est une bonne action et une uvre utile que d'avoir fix son image ici, surtout peut-tre pour les nou-veaux de la vie ; car ils ont besoin de savoir ce qu'ont dj cot les conqutes dont ils jouissent, qu'il s'agit de garder et de continuer. Prives ou publiques, la reconnaissance et l'affection s'accordent avec l'intrt. Dshonnte, mais inepte, est celui qui les spare.

    Devant ce monument funraire et vivant, les anciens amis de Schlcher ne peuvent que rappeler la simple inscription qu'ils avaient apporte pour lui, Houilles, en 1893. Car ses remerciements mme ont consacr cette inscription, alors qu'il regardait, avec la srnit o l'on pressentait dj la mort, s'achever le sicle qu'il avait vu commencer ; et dans cette srnit, que garde ici le bronze, tait la rcompense d'une existence de travail et d'honneur.

    A Victor Schlcher En tmoignage de la reconnaissance publique et de

    la profonde affection Dues celui dont la longue vie a t consacre la

    fondation de la Rpublique, la conqute de la libert et la dfense du droit, au service de la patrie et la cause do l'humanit.

    Paris, le 2 Dcembre 1851-1893

    Enfin le Ministre de la Marine se lve son tour et prononce le discours suivant dans lequel i l retrace, lui aussi, la vie de Schl-cher dont l'admirable unit n'avait pas t diminue par un our de dfaillance , celle d'un homme de bien vers lequel mon-

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  • lent aujourd'hui les hommages dus un grand caractre et un bienfaiteur de l 'humanit.

    C'est pour moi, dit-il, un honneur, dont je suis profondment touch, d'avoir t appel inaugurer le monument qui consacre la grande mmoire de Victor Schlcher. Je me rappelle, non sans or-gueil, qu'au temps de ma jeunesse, il voulait bien m'appeler son ami. Les hommes de mon ge ont vu disparatre un un les survivants de celte gnration du dbut du sicle dernier, penseurs, potes, ora-teurs, historiens, artistes, hros des grands combats pour le peuple et pour la libert, qui ont lev l'clat du gnie franais, aussi haut qu'il avait jamais t port. Schlcher nous avait quitts aprs une existence dont l'admirable unit n'avait pas l diminue par une mi-nute de dfaillance. Grce la grande artiste laquelle nous devons aprs tant d'autres monuments rpublicains, ce beau monument, nous le retrouvons vivant dans sa gloire, de la seule vie qu'il ait espr au-del du tombeau, celle que donne aux hommes tels que lui, l'admi-ration de la postrit.

    Vous savez ce que fut Victor Schlcher. Il arrive l'ge d'homme, avec le got des arts et une petite fortune qui lui assurait une large aisance. Ds la premire heure, il appartient tout entier la cause des dshrits. Dvou, jusqu' la mort, l'idal que nous ont lgu nos pres de la Rvolution, i l se jette dans la lutte soutenue contre les ractions qui se succdent. D'abord la Restauration, reconquise par les Jsuites ; puis l'troit gosme censitaire de la royaut de Juil-let. Il est des premiers dans celte gnration de haute intelligence et de grand courage, qui renoue, dans la France de 1830, la tradition de 1792. Mais, tout en conlinuant avec ses compagnons d'armes, l'assaut ininterrompu, sous lequel la monarchie va crouler, il s'est assign une tche particulire. Ce qui le rvolte, c'est la monstruosit de l'escla-vage: la vieille loi abominable, qui fait de la crature humaine la proprit d'une autre crature humaine, a survcu dans les colonies civilises. Schlcher engage contre elle un combat de tous les ins-tants. C'est celle lutte qu'il a vou sa vie. Pour s'armer, il fait voyage sur voyage, et va sur place tudier dans toute sa hideur le reste du pass qu'il a jur d'abolir. Je me rappelle encore une anec-dote qu'il m'a raconte sur son voyage de 1840 aux Antilles.

    Alexandre Dumas pre tait alors dans tout l'clat de sa rputa-tion : on ne voyait pas encore en lui le joyeux et inpuisable conteur,

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  • mais le pote dramatique qui avait fait pleurer le monde entier, avec les amours d'Antony et d'Adle. Un jour Schlcher, reu chez un des grands propritaires de la Martinique et de la Guadeloupe, discutait les furieux prjugs de couleur de la matresse de la maison, qui tait d'ailleurs une crole charmante. Voyons, Madame, lui dit-il, si vous tiez dans un bal, Paris, et si Alexandre Dumas vous invitait dan-ser, vous refuseriez donc cause du sang qui coule dans ses veines ? La dame plit et lui rpondit : Monsieur Schlcher, nous vous re-cevons chez nous : je m'tonne que vous en profitiez pour faire des suppositions blessantes pour moi. , Voil quelle aberration peut conduire la survivance obstine des ides les plus absurdes du pass.

    L'heure allait enfin sonner, o la plus belle des victoires allait couronner de longs efforts. La rvolution de Fvrier clate : en trois jours, tout ce monde soi-disant pratique des intrts d'argent appuys au trne bourgeois de Louis-Philippe, tombe sans rien laisser der-rire lui ; pas une ide, je pourrais presque dire : pas un souvenir dans cette nation, qu'ils avaient gouverne pendant 18 ans. Le pou-voir passe aux Rpublicains ; mais quel pouvoir ! vacillant au souille de rvolte qui a emport la monarchie, entour de tous les anciens serviteurs du rgime dchu, oblig de s'improviser en pleine tem-pte, tous ses organes et tous ses personnels, sans racines et sans exprience du gouvernement, et cela, au milieu d'une crise cono-mique sans prcdent, qui arrle tous les travaux et rpand partout la misre. C'est dans ces conditions qu'une poigne d'hommes, leur tte un pote lyrique, dans leurs rangs un grand savant, un ou-vrier, un crivain socialiste, doivent la fois conjurer les orages qui se forment de toutes parts, faire accepter la France une rvolution laquelle elle n'est pas prpare et qu'elle n'a accomplie que dans un moment de dgot, et faire la hte leur uvre de lgislation !

    Ce sont des hommes d'idal, habitus vivre dans les nuages, ignorants des ncessits pratiques, dont le souci est la premire proc-cupation des gens sages; oubliant qu'il faut doser suivant la formule homopathique les changements une vieille socit qui a ses habi-tudes prises; et les voil qui imposent tumultueusement au pays toutes sortes d'utopies : le suffrage universel, la suppression imm-diate de l'esclavage, le droit du travail aux socits coopratives, que sais-je encore ? Tout ce que des hommes d'Etat de l'cole srieuse auraient fait graduellement, parcelle par parcelle, en cinquante ou soixante ans, supposer qu'ils eussent t aussi vile.

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    Ces hommes d'idal ont plus fait, en quelques semaines, que les autres gouvernements n'en font d'habitude en un quart de sicle. Et voyez le miracle bien fait pour confondre la science des hommes d'Etat! Je disais que quand un souille d'orage les avait jets au pou-voir, la Franco n'avait fait la Rpublique, que par surprise, et dans un mouvement de colre passagre; on ne l'a vu que trop tt, la mino-rit solidement rpublicaine ne reprsentait qu'un lment insigni-fiant de la nation. Aussi pouvait-on prvoir que les partis de rac-tion viendraient bout de cette rpublique laquelle le pays tait a peine prpar. Elle a succomb en effet, sous les coups d'un dicta-teur. Mais les rformes, accomplies en quelques semaines, n'en avaient pas eu des effets moins puissants ; et sitt que le rgime du coup d'Etat vint chanceler, que vit-on ? Les partis des autres gouverne-ments tombs existaient peine ; des sicles d'une glorieuse royaut n'avaient laiss de royalistes que dans quelques coins de la France, l'orlanisme tait oubli du peuple; et c'tait l'ide rpublicaine, l'ide rpublicaine seule dont les racines s'taient tendues et fortifies dans les profondeurs de la nation !

    Tel avait t le rsultat de quelques semaines de pouvoir aux mains de la poli tique d'idal. Peut-tre ces souvenirs prouvent-ils qu'une telle politique n'est pas si absurde que quelques-uns le croient.

    Ds les premiers jours, Victor Schlcher avait accompli son uvre: Sous-Secrtaire d'Etat des Colonies, il avait, ds le 4 mars, obtenu du Gouvernement le dcret suivant :

    Au nom du peuple franais, le gouvernement provisoire de la Rpublique considrant que nulle terre franaise ne peut plus porter d'esclaves, dcrte : une Commission est institue auprs du Ministre provisoire de la Marine et des Colonies, pour prparer dans le plus bref dlai l'acte d'mancipation immdiate dans toutes les colonies de la Rpublique.

    Notez cette expression : le Ministre provisoire de la Marine... ; on voit tant de ministres considrs comme dfinitifs (autant que ce mot est applicable un portefeuille) ne laisser derrire eux que du provisoire, parce qu'ils ont vcu d'expdients et parce qu'il n'y a de durable que ce qui est fond sur.une ide, qu'il faut bien, par com-pensation, trouver un ministre provisoire qui ait fait du dfinitif.

    Vous savez par quel fatal et irrparable entranement le suf-frage universel livrait, peu de mois aprs, nos pires ennemis la souverainet, la Rpublique et la France. Le peuple, enivr de la

  • lgende napolonienne, s'abandonnait au prince d'aventures qui allait tre l'homme du 2 Dcembre, pour devenir plus tard l'homme de Sedan. Schlcher fut parmi les plus nergiques, parmi ceux qui sou-tenaient hlas ! en vain... le bon combat, sur les bancs de cette glo-rieuse Montagne o. sigeaient tant de grands esprits et tant de grands caractres, depuis Victor Hugo et Edgar Quinet, jusqu' Jules Favre, Charras et Pierre Leroux. Le guet-apens se prparait dans l'ombre. Ai-je rappeler quelle affreuse aube d'hiver, mortelle pour la Libert et pour la Patrie, claire les proclamations du coup d'Etat affiches dans la nuit, et les baonnettes des soldats tourns contre la loi ? Les dfenseurs du droit, du droit cras dans le sang, au milieu d'une population dcourage et indcise, construisent une barricade, o ils attendent la troupe, ceints de leur charpe de repr-sentants du peuple. La troupe arrive; elle a cette poigne de hros au bout de ses fusils, derrire leur faible rempart improvis. La seule ide de Schlcher est d'avertir les soldats du crime qu'ils commet-tent. Et il monte tranquillement sur la barricade, pour les haran-guer, s'offrant aux coups de toute sa hauteur. La rponse, c'est le commandement de l'eu . Les balles sifllent autour de lui. Tout semble indiquer que les soldats, qui marchaient regret, n'ont pas voulu l'atteindre, et que c'est ainsi qu'une balle a t frapper Baudin derrire lui.

    La gnration laquelle Schlcher appartenait tonnait par son intr-pidit tranquillement indiffrente au pril. Les hommes de foi de ce temps l, hritiers. des braves de la Rvolution et du premier Empire, eux-mmes combattants de Juillet 1830, des meutes qui suivirent et des journes de Fvrier, taient devenus familiers avec les balles et les bou-lets, comme de vieux soldats ; pendant le sige et pendant la Commune, plus d'un jeune a vu avec stupfaction tel vieillard paisible, assurment tranger tout sentiment de fanfaronnade, mais qui avait appartenu ces temps hroques et qui en gardait les habitudes, continuer une conversa-tion au milieu du sifflement des projectiles, sans avoir mme l'ide de se dranger. Nul n'eut, plus que Schlcher, ce courage simple qui regarde la mort en face sans un tressaillement.

    Peu de jours aprs, cherch par la police impitoyable du crime triomphant, il arrivait en Belgique sous le dguisement le mieux l'ait assurment pour ne point le laisser reconnatre : habill en prtre. Alors, commencrent pour lui les 18 ans d'exil, impos d'abord, volontaire en-suite, quand ses amis et lui repoussrent du pied avec mpris l'amnistie

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  • que l'Empire avail l'insolente prtention de leur octroyer. Le rgime sorti du 2 Dcembre a droit une gloire spciale : il a eu la plus belle proscription de l'histoire. La France, garrotte par lui, voyait au loin, par del la frontire, le meilleur de sa pense et de sa posie. C'tait de l'-tranger que venaient les chefs-d'uvre de la langue franaise, depuis les Chtiments, et la Lgende des sicles, jusqu'aux Misrables et aux Travailleurs de la mer. C'tait de l'tranger que Quinet et Louis-Blanc envoyaient leur pays leurs deux admirables histoires de la Rvolution et tant d'autres uvres magistrales. Schlcher mritait l'honneur de faire partie de ce groupe d'illustres bannis, qui ne sont rentrs dans leur patrie qu'avec la loi et avec la Rpublique.

    Tel il avait t jusqu' la chte de l'Empire, tel il resta jusqu' sa dernire heure. Il n'tait pas du nombre des combattants que dsarment la longue la vieillesse, la lassitude ou la satisfaction des victoires dj remportes. Soit dans Paris assig, o il commandait l'artillerie do la garde nationale et o il restait de ceux qui au milieu de tant de dcoura-gements gardaient toujours brlante la noble passion de. la dfense outrance, soit pendant la guerre civile, alors qu'il se refusait traiter en ennemi le grand Paris rpublicain d'alors, soit dans l'interminable dure de l'Assemble au jour de malheur o son nergie, unie au respect dont ses adversaires mmes l'entouraient, tait une des meilleures forces du parti avanc, nous n'avons pas cess de reconnatre le Schlcher des an-ciens jours que l'ge n'avait pas entam. Je me rappelle encore le temps o nous rclamions de notre parti rpublicain victorieux la mise en pra-tique des principes et l'accomplissement des rformes dont la pense avait soutenu les courages des ntres dans les heures de lutte, Nous avions eu la bonne fortune do remettre notre drapeau dans les mains de Schlcher: il l'a port jusqu'au bout.

    Il me semble que je vois encore ce grand vieillard grave, doux et svre, soigneux, mticuleux, droit dans sa haute et maigre stature avec sa taille serre dans sa redingote aux longs plis draps, d'une coupe invariable, renouvele du temps de Louis-Philippe, et ses longues jambes perdues dans un ample pantalon flottant la mode de 1840 : comme s'il avait voulu porter jusqu'au bout le costume des temps hroques. Un mot d'une familiarit un peu trop triviale, chapp dans la conversation, exas-prait sou esprit de scrupuleuse convenance.

    Je crois qu'il n'a jamais laiss sortir de ses lvres une parole brutale, si ce n'est quand on s'attaquait ses profondes convictions de libre penseur matrialiste; mais alors il ne connaissait plus de mesure. Je l'en-

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  • tends encore l'Assemble de Versailles, un jour qu' propos des en-terrements civils, un clrical de la droite criait nos amis : Vous mourrez comme des chiens ; j'entends encore cet homme mesur, cor-rect, crmonieux entre tous, quand se levant tout droit, il rpondit: Vous vous mourrez comme des imbciles .

    Il apportait tant de passion dans ses opinions, non seulement sur la religion rvle, mais encore sur Dieu et la vie future, que c'tait l son perptuel sujet de querelles avec son intime ami Victor Hugo. Lequel des deux avait raison ? C'est le secret du problme de l'infini, qui ne dira jamais son mot l'esprit humain. Mais quelle que soit la vrit, cet gard, la vie d'un Schlcher contient un bien haut enseignement. O sont donc ceux qui ravalent la conscience humaine, jusqu' prtendre qu'il n'y a plus de morale, l o il n'y a plus de foi dans une autre vie ? Comme si l'honntet ne pouvait tre qu'un placement intress, et en quelque sorte usuraire, sur les rcompenses de l'autre monde ? Voil un homme qui a t toute sa vie passionnment, je pourrais dire fanatiquement con-vaincu, qu'aprs son dernier soupir il ne resterait rien de lui que sa m-moire et qu'il n'existait nulle part aucun tre suprieur qui payerait en batitude ternelle les bonnes actions qu'il aurait accomplies. Il a tout brav pour consacrer toute sa. vie . ce qu'il considrait comme la vrit : lui, n dans les rangs des heureux, il a tout sacrifi pour se donner la cause de ceux qui souffrent : lui qui tait persuad que la mort tait le nant, il a toujours t au-devant de la mort en souriant, quand il croyait avoir un devoir accomplir. Sa vie reste comme un modle de dsint-ressement, de haute probit et d'incomparable hrosme que peut-tre les partis religieux pourraient nous envier. Vous voyez bien que la fidlit l'idal est assez puissante dans la nature humaine, pour n'avoir point be-soin de l'appt des rmunrations clestes !

    Sa gloire, c'est d'avoir jamais dtruit l'esclavage, partout o flotte le drapeau franais. Il n'en est pas de plus haute. En menant bien cette noble lche, Schlcher a accompli une uvre franaise entre toutes ; il a suivi la tradition de la Rvolution qui a donn sa plus haute expression au gnie de notre pairie. On a dit et l'on rpte que c'est le Christianisme qui a dtruit l'esclavage : on l'a dit et on le rpte, au mpris de tant de sicles, o l'institution de l'esclavage s'est abrite sous l'autorit du dogme chrtien, el de tant de thologiens qui ont trouv des textes ou des so-phismes pour en l'aire une institution de droit divin. L'histoire tout en-tire l'atteste, c'est l'clatante phalange de nos penseurs du XVIIIe sicle qui a dnonc l'esclavage . l'indignation publique. C'est notre Rvolu-

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  • lion franaise qni l'a aboli la premire dans le monde. Voici le dcret qu tait vot le 16 pluviose an II :

    La Convention nationale dclare aboli l'esclavage dans les colonies. En consquence, elle dcrte que tous les hommes, sans distinction de couleur, ns dans les colonies, sont citoyens franais, et jouissent de tous les droits assurs par la Constitution.

    Il a fallu le gnie inhumain de Napolon pour revenir sur une telle mesure, et pour ramoner la dgradation de la servitude des milliers de malheureux qui avaient retrouv leur dignit inalinable d'hommes libres.

    Certes, la Convention avait besoin de toute sa foi aux principes pour prendre cette grande mesure, devant laquelle la Constituante avait recul. Les partisans des abus ne manquent jamais de prtextes de faits, sinon pour les justifier, au moins pour les perptuer. On disait que nos colo-nies seraient perdues, le jour o l'esclavage serait brusquement aboli. Il y a plus ; les doctrinaires de la politique d'atermoiement, les esprits ti-mides qui reculent toujours devant les ides, au nom des circonstances, aiment opposer cet exemple, si mal choisi par eux, aux prtendus uto-pistes qui veulent mettre les ralits d'accord avec les principes et citent sans cesse le mot d'une authenticit contestable qui aurait t prononc dans cette discussion : Prissent les colonies plutt qu'un principe ! Eh bien ! voici la leon de choses que leur ont donne les faits, que Schlcher a tenu mettre en lumire dans un de ses meilleurs livres, et qu'on fera bien de mditer, chaque fois qu'on hsitera au nom d'intrts pratiques contestables devant la vrit morale. L'abolition de l'esclavage avait donn la France la possession de Saint-Domingue tout entier. Le rta-blissement de l'esclavage nous a, . tout jamais, perdu la plus belle et la plus vaste de nos possessions des Antilles : tant il est vrai que c'est dans les ides hautes et justes, que la pratique politique trouve sa vritable force !

    Schlcher a eu aussi combattre sans cesse contre ces mmes pr-textes : s'il n'avait pas t l, peut-tre le Gouvernement provisoire se ft-il arrt quelque demi-mesure, quelque lente ralisation, que le 2 Dcembre auraient interrompues. Que dis-je ? Il a d continuer son uvre toute sa vie. Elle n'est pas encore termine. C'est le prjug de couleur qui a la vie dure et tente de reprendre le dessus : c'est le fatal en-tranement, qui fait que, sous le soleil brlant des climats exotiques, le conqurant europen, sorti du milieu qui maintient ici notre quilibre moral, enivr d son pouvoir sans contrle, se laisse aller traiter les populations indignes comme des animaux d'une espce spciale, et se

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  • montre parfois plus barbare que les barbares qu'il a sa. merci. Nous avons vu Schlcher lutter jusqu'au bout contre ces retours olfensifs du vieil esprit, et, aprs avoir aboli l'esclavage, travailler sans cesse en effacer les dernires traces.

    Je le rpte : il fut par l franais entre tous. Il faut bien le redire dans un temps o nous avons vu une partie de nos contemporains essayer de ressusciter entre les hommes les haines les plus barbares du moyen-ge, et de rveiller, au nom de leur frivole scepticisme, des passions peine excusables chez les moines fanatiques des sicles anciens. Et ils ont usurp le nom de la patrie franaise pour ressusciter les monstruosits les plus contraires son gnie et sa gloire. C'est l'honneur et c'est aussi la fo rce de notre gnreuse nation, daus son large et puissant rayonne-ment de sympathie, d'avoir mieux compris qu'aucune autre la grande fraternit humaine et d'accueillir tous les hommes, sans leur demander d'o ils viennent et quel sang coule dans leurs veines, sous son ciel de libert et d'galit. La gloire de Schlcher est d'avoir attach son nom cette ide nationale : l'histoire ne l'oubliera pas.

    M . Camille Pelletan a remis ensuite les distinctions su i -vantes :

    Officier de l'Instruction publique. M . Tard, professeur l 'Union franaise de la jeunesse, Houilles.

    Officiers d'acadmie. M M . Lecaron, architecte du monu-ment ; Launay, avou prs le Tribunal c i v i l de la Seine, Se-cr ta i r e du Comit d'initiative et Guignet, Sec r t a i r e de la Mairie de Houilles.

    Chevaliers du mrite agricole, M M . Bernardeau, Vice -prs ident de la Socit d'horticulture de Maisons-Laffitte et Monfray.

    Et la c rmonie s'est termine par une visite la maison qu'habita Victor Schlcher pendant les dern i res annes de sa vie.

    Le soir, 7 heures, un banquet populaire runissai t au-tour du Ministre une nombreuse assistance dans laquelle on

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    remarquait M M . les membres du Conseil municipal et ceux du Comit d'organisation, M M . Lecaron, architecte du mo-nument, Gustave Mancel et Launay, membres du Comit d ' i -nitiative, les Commissaires spciaux de Versailles et d'Argen-teuil , etc., etc.

    A la table d'honneur, M . Camille Pelletan avait ses cts M M . Gervi l le -Rache, v ice -prs iden t do la Chambre des d -puts et Kieffer, maire de Houilles. Y avaient galement pris place M M . Bousquet, reprsen tan t le Ministre des Colonies, Berteaux et Brunet, dputs , M . Poirson, prfet de Seine-et-Oise, le contre-amiral Campion, chef d ' ta t -major de la ma-r i n e , M. Faucon, sous-directeur honoraire au minis tre de la marine, M . Gal l i , Conseiller gnra l du canton d'Argen-teuil, Mme Syamour (la statuaire) le docteur Nicolas, ancien snateur d'Haiti, etc., etc.

    Au dessert, M. Gerville-Rache a po r t un toast M . Pel-letan et au cabinet Combes, qui, aprs avoir achev son uvre de lacit, saura accomplir les rformes sociales.

    Puis, le maire, M . Kieffer, remercie le Gouvernement de l'hommage rendu la mmoi re de Schlcher et i l remercie le Ministre de la Marine, de l'honneur qu'il a fait la Commune en venant prs ider la c rmonie . Il porte un toast en son, honneur ainsi qu'aux Ministres qui ont bien voulu s'y faire r ep rsen te r , M . Gerv i l l c -Rache , Vice-prs ident de la Chambre, Prs iden t du Comit d 'rect ion du monument et aux membres du Comit, M . Maurice Berteaux, le vaillant rapporteur de la loi de deux ans M . Poirson, l'habile administrateur du Dpar tement , M . Gally, Conseiller gnra l , tous les p rsen t s et la Rpublique.

    M . Pelletan remercie M . Kieffer de ses aimables paroles, ainsi que des tmoignages do sympathie et des souhaits qu' i l a reus.

    Nous ne flchirons pas, d i t - i l , dans la lutte engage contre le clricalisme ; la Rpublique serait un vain mot si elle ne comprenait pas l 'uvre des rformes sociales et je ne

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  • resterais pas dans un gouvernement qui aurait oubli les bases essentielles du parti rpubl ica in .

    M . Combes n'y resterait pas davantage : la valeur du Prs iden t du Conseil, longtemps ignore du parti r pub l i -cain, de M . Combes lu i -mme, provient de ce qu'au lieu d'exercer le pouvoir avec malice, i l l'exerce la bonne f ranquet te; i l a mis en pratique cette ide bien simple que la politique consistait rester avec ses amis.

    Pour moi, conclut le ministre, je ne demanderais pas mieux que de me retirer; mais nous voudrions savoir qui nous passerions la main et ne pas cder la place ceux qui vont chercher droite des appuis pour satisfaire leurs impa-tiences.

    M . Pelletan termine en levant son verre la commune de Houilles, au triomphe de la dmocra t ie , du drapeau que nos pres ont su dfendre et qu'il serait lche d'abandonner.

    M . M a u r i c e Berteaux veut d'abord porter un toast pour remercier le comit d'organisation qui offre une fte si ma-gnifique dont i l a eu toute la peine, alors que les invits en ont tous les honneurs, et i l remercie tout spcia lement M . Faucon, qui s'est mont r un des plus dvous en cette c i r -constance.

    Notre dput fait aussi l'loge de Houilles, la ville rpu-blicaine qui a fait son ami Camille Pelletan, Ministre de la marine, un si chaleureux accueil, dont pour sa part i l est fier et heureux.

    Il porte un toast la Vil le de Houilles et au Ministre r -publicain.

    M . Brunet porte un toast au vaillant dput de Seine-et-Oise : Le Ministre, d i t - i l , faisait allusion toui l'heure un appel vibrant aux amis rpubl icains . A ce moment, tous les yeux se porteront non seulement sur Gervi l le -Rache , mais encore sur l'homme loyal et dvou, rapporteur de la loi de deux ans, sur le bon citoyen, le vaillant dmocra te et dput , qui sera un jour un bon ministre.

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    Le banquet ayant pris fin, un cor tge s'est form pour reconduire le Ministre et les invits la gare et c'est au m i -lieu de nouvelles acclamations que M . Camille Pelletan et les personnages qui l'accompagnaient ont repris le train pour Paris.

    Une retraite aux flambeaux, organise par les commer-ants, a parcouru les principales rues de la vi l le , terminant ainsi cette belle et mmorable j o u r n e rpubl ica ine .

    M . Sville, ancien Administrateur des affaires civiles en Indo-Chine, devait galement prendre la parole, la crmo-nie d'inauguration du monument Schlcher, comme dlgu du Syndicat de la Presse coloniale et du Comit de la Ligue pour la dfense des droits coloniaux.

    Il en a l empch par une circonstance toute fortuite. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire son discours. On

    en trouvera le texte dans les Annales diplomatiques et consulaires.

    P a r i . - Imp. Panvert, 7 et 9, r. d. F o s s s - S t - J a c q u e s