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XVII e SIÈCLE Deux courtes pièces de théâtre MOLIÈRE Le Médecin volant La Jalousie du Barbouillé (242 – 2,90 ) I. Pourquoi étudier ces deux pièces en Cinquième ? À l’inverse de L’Avare , du Médecin malgré lui , du Bourgeois gentilhomme ou encore du Malade imaginaire , La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volant ne figurent pas parmi les pièces les plus étudiées de Molière au collège. Du fait de leur écriture, moins châtiée que celle de ses autres comédies, de leur tonalité, de la minceur des intrigues sur lesquelles elles reposent, de la nature des moyens comiques convoqués, La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volant ont longtemps divisé la critique quant à l’identité de leur auteur, certains estimant que l’auteur du Misanthrope , du Tartuffe et des Précieuses ridicules ne pouvait être l’auteur de ces petites comédies dont la finalité évidente était de faire rire le public par n’importe quel moyen, d’autres étant au contraire convaincus que, s’il ne s’agissait pas de pièces d’un auteur confirmé maîtrisant son art, il s’agissait bien d’œuvres de Molière et qu’elles éclairaient d’un jour nouveau sa concep- tion du comique et de la comédie. Parce que La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volant s’inscrivent respectivement dans la tradition de la farce et dans celle de la commedia dell’arte , que dans les deux pièces la satire de la médecine et des médecins y est féroce et que la part dévolue à l’impro- visation des comédiens est importante, qu’elles offrent une série de situa- tions à analyser, à mettre en scène et à jouer, ces deux petites pièces sont des œuvres qui conviennent tout spécialement à un public de collégiens, et particulièrement à des Cinquièmes – dont les programmes recom- mandent l’étude d’une pièce courte du XVII e siècle. Elles peuvent notam- ment piquer la curiosité d’élèves peu familiers à l’univers du théâtre et pour qui le seul nom de Molière est synonyme d’ennui !

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XVII

e

SIÈCLE

Deux courtes pièces de théâtre

MOLIÈRE

Le Médecin volantLa Jalousie du Barbouillé

(242 – 2,90

)

I. Pourquoi étudierces deux pièces en Cinquième ?

À l’inverse de

L’Avare

, du

Médecin malgré lui

, du

Bourgeois gentilhomme

ouencore du

Malade imaginaire

,

La Jalousie du Barbouillé

et

Le Médecin volant

ne figurent pas parmi les pièces les plus étudiées de Molière au collège.Du fait de leur écriture, moins châtiée que celle de ses autres comédies,de leur tonalité, de la minceur des intrigues sur lesquelles elles reposent,de la nature des moyens comiques convoqués,

La Jalousie du Barbouillé

et

Le Médecin volant

ont longtemps divisé la critique quant à l’identité deleur auteur, certains estimant que l’auteur du

Misanthrope

, du

Tartuffe

etdes

Précieuses ridicules

ne pouvait être l’auteur de ces petites comédiesdont la finalité évidente était de faire rire le public par n’importe quelmoyen, d’autres étant au contraire convaincus que, s’il ne s’agissait pasde pièces d’un auteur confirmé maîtrisant son art, il s’agissait biend’œuvres de Molière et qu’elles éclairaient d’un jour nouveau sa concep-tion du comique et de la comédie. Parce que

La Jalousie du Barbouillé

et

Le Médecin volant

s’inscrivent respectivement dans la tradition de la farceet dans celle de la

commedia dell’arte

, que dans les deux pièces la satire dela médecine et des médecins y est féroce et que la part dévolue à l’impro-visation des comédiens est importante, qu’elles offrent une série de situa-tions à analyser, à mettre en scène et à jouer, ces deux petites pièces sontdes œuvres qui conviennent tout spécialement à un public de collégiens,et particulièrement à des Cinquièmes – dont les programmes recom-mandent l’étude d’une pièce courte du

XVII

e

siècle. Elles peuvent notam-ment piquer la curiosité d’élèves peu familiers à l’univers du théâtre etpour qui le seul nom de Molière est synonyme d’ennui !

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DEUX

PIÈCES

DE

THÉÂTRE

DU

XVII

e

SIÈCLE

II. Présentation des deux œuvreset de leur contexte

C’est parce que les tragédies de Corneille qu’ils jouent sur la scène dela salle du Petit-Bourbon peinent à attirer le public que Molière et satroupe reprennent

L’Étourdi

et

Le Dépit amoureux

, puis, forts de leursuccès, ces comédies grâce auxquelles ils ont triomphé durant desannées en province,

Les Trois Docteurs rivaux

,

Le Docteur amoureux

,

LeMaître d’école

ou encore

Gros-René écolier

(voir présentation,

p. 7-12

). QueLa Grange

1

ait consigné dans son registre qu’« il y avait longtempsqu’on ne parlait plus de petites comédies » et que « l’invention en parutnouvelle » n’est pas anodin. Aussi est-ce la raison pour laquelle on va icibrièvement revenir sur le genre de la comédie au

XVII

e

siècle pour mieuxmettre en évidence les caractéristiques des petites comédies de Molièreet comprendre les raisons du vif engouement qu’elles ont suscité auprèsdu public.

• La comédie de l’Antiquité à l’âge classique

Contrairement à ce que pensent parfois les élèves, la comédie n’estpas née au

XVII

e

siècle avec Molière. Aussi déterminant que soit l’apportde celui-ci dans l’histoire du genre, ses origines sont assez lointaines,puisqu’il faut les rechercher chez les Anciens, notamment chez Aristo-phane et Plaute. Ensuite, la comédie va privilégier divers types et formesde comiques. Que de différences ne relève-t-on pas en effet entre lescomédies anciennes, les comédies-ballets, les comédies burlesques, lescomédies héroïques, les comédies larmoyantes… Ces différentes déno-minations attestent le caractère protéiforme et la remarquable richessede ce genre qui convoque une multitude d’écritures, de ressourcescomiques et de pratiques scéniques.

A

UX

ORIGINES

DU

MOT

Le mot « comédie » vient du grec

kômos

, terme qui désignait le cor-tège burlesque de paysans qui déambulait dans les rues le jour de la fêtedonnée en l’honneur de Dionysos, qui a donné

kômôidia

, mot renvoyantà ces jeux qui mêlaient chants, danses et mimes. C’est plus tard que leterme sera utilisé pour désigner spécifiquement des spectacles destinés

1. Le comédien Charles Valet, dit La Grange (1639-1692), intègre la troupe deMolière en 1659 pour jouer les rôles d’honnête homme. Dès cette année, il com-mence à tenir son registre. Celui-ci comporte les principales dates des représenta-tions données par la troupe.

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LE

MÉDECIN

VOLANT

.

LA

JALOUSIE

DU

BARBOUILLÉ

53

à provoquer le rire des spectateurs. Si la comédie en tant que genreapparaît dès l’Antiquité, c’est seulement au

XV

e

siècle que le mot fait sonapparition dans la langue française. Cependant, il désigne de manièreassez générale tout type de pratique théâtrale, une troupe, un spectacleet même le lieu dans lequel se produisent les troupes. C’est le caractèreextrêmement flou de ce terme qui est à l’origine d’expressions comme« aller à la comédie » ou « jouer la comédie ». C’est au

XVII

e

siècle que,sous l’impulsion des théoriciens et des auteurs, le mot cesse de couvrirun champ sémantique vaste pour désigner plus spécifiquement ce genrequi se situe entre le plus noble des genres, la tragédie, et le plus vil, aupoint qu’il n’appartienne pas à la littérature, la farce.

L

A

COMÉDIE

GRECQUE

La comédie naît en Grèce au

V

e

siècle av. J.-C. Son apparition est liéeau culte de Dionysos, célébré au printemps à l’issue des vendanges. Ellerésulte de l’habitude qui a été prise de mêler aux sacrifices religieux etaux cérémonies lyriques des spectacles populaires et festifs. Dès son ori-gine, elle est perçue comme un genre mineur, associant bouffonnerie etlyrisme, satire politique et plaisanteries scatologiques, inventivité verbaleet fantaisie gestuelle.

L

A

COMÉDIE

LATINE

Selon l’historien Tite-Live, c’est en 364 av. J.-C. que se seraientdéroulés les premiers jeux scéniques donnés à Rome, des spectaclespopulaires mêlant chants, danses et mimes. Mais c’est au

II

e

siècleav. J.-C., avec Plaute et Térence, que la comédie latine connaît sonapogée. Dans ses comédies, Plaute (250-184 av. J.-C.) multiplie lesinvraisemblances, les plaisanteries de mauvais goût. Ses personnagessont extravagants, grotesques. Le comique y est bas, populaire. Aussiest-ce la raison pour laquelle son œuvre a été associée par les théori-ciens « soucieux de bienséance » à la « basse comédie ». Térence (190-159 av. J.-C.), quant à lui, met en scène, dans des comédies à l’intrigueélaborée, des personnages respectables et se livre à une étude « nuan-cée » des sentiments humains, élevant le genre au rang de la « hautecomédie ». Avec lui, la satire devient plaisante, l’analyse psychologique yest plus profonde, la progression dramatique y est plus sûre ; la comédiedevient plus sérieuse. Sa finalité est moins de faire rire à tout prix qued’inspirer une réflexion morale. Parallèlement à leurs productions, ilexiste différentes formes de comédies issues de traditions populaires,telles les atellanes, ces comédies bouffonnes mettant en scène des per-sonnages stéréotypés qui annoncent les personnages de la

commedia

,fondées sur l’improvisation et la pantomime.

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DEUX

PIÈCES

DE

THÉÂTRE

DU

XVII

e

SIÈCLE

L

E

THÉÂTRE

COMIQUE

MÉDIÉVAL

Dans le haut Moyen Âge, le théâtre comique est un élément profanedu drame liturgique. Il ne constitue pas une pièce à part entière. Il s’agitplutôt de miracles au sein desquels sont insérées des scènes réalistes etgrivoises. Le rire repose sur de fréquents et rapides changements deregistres et de tons. C’est dans la seconde moitié du

XIII

e

siècle que lethéâtre profane se libère de la tutelle du théâtre religieux. Le

Jeu de lafeuillée

d’Adam de la Halle est sans doute l’une des premières piècescomiques médiévales écrites en français. Mêlant fantaisies satirique etcarnavalesque, cette œuvre introduit la tradition populaire et profanedans la sphère littéraire. Mais il faut attendre la fin du

XV

e

siècle pourvoir le théâtre comique se diversifier et prendre sa pleine mesure avecles soties et les farces. Comédie des fous, la sotie est une forme qui viseà dénoncer les mœurs corrompues et les vils agissements des puissants.Elle est plus satirique que comique. Du fait des personnages grotesquesqu’elle met en scène, de la simplicité de ses intrigues, de la place pré-pondérante qu’elle accorde au corps, de son usage de procédés répéti-tifs, de son recours à une gestuelle sans équivoque, la farce a très tôt etlongtemps été assimilée à une forme basse, primitive et triviale de lacomédie. « La farce fustige tous les ridicules et souligne la médiocritéd’une humanité incapable de s’arracher au quotidien, note BrunoDoucey. Son rire est impitoyablement satirique, subversif et avilis-sant

1

. » Quelques pièces, comme

La Farce de maître Pathelin

, annoncentles comédies de mœurs et de caractères de l’âge classique.

L

E

THÉÂTRE

COMIQUE

RENAISSANT

Ce sont les humanistes de la Renaissance qui, en redécouvrant la lit-térature antique et plus particulièrement le théâtre latin, en s’ouvrantaux influences étrangères, vont, dans leur désir de rompre avec le bascomique médiéval, renouveler le genre de la comédie et la faire entrerdans le champ littéraire. En essayant de subordonner la comédie à unensemble de règles, et notamment à la règle des trois unités, et ens’appliquant à distinguer le comique du risible, ils rompent avec la tri-vialité des farces médiévales, et font accéder la comédie au rang degenre littéraire. Certains d’entre eux, comme Pierre de Larivey, tententmême de la hisser à la hauteur de la tragédie. Dans le second livre deson

Art poétique

, Jacques Peletier du Mans, opposant la comédie et la tra-gédie, résume les positions des théoriciens humanistes en ces termes :« La comédie et la tragédie ont de commun qu’elles contiennent cha-cune cinq actes, ni plus ni moins. Au demeurant, elles sont toutes

1. Bruno Doucey, « La comédie »,

La Nouvelle Revue pédagogique

, n° 5, 1997.

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LE

MÉDECIN

VOLANT

.

LA

JALOUSIE

DU

BARBOUILLÉ

55

diverses. Car au lieu des personnes comiques, qui sont de basse condi-tion, en la tragédie s’introduisent rois, princes et grands seigneurs. Et aulieu qu’en la comédie, les choses ont joyeuse issue, en la tragédie, la finest toujours […] lamentable, ou horrible à voir […]. La comédie parlefacilement et […] populairement. La tragédie est sublime, capable degrandes manières tant principales que dépendantes, en somme ne dif-férant en rien de l’œuvre héroïque quant aux personnes » (Peletier,

Artpoétique

). Le théâtre des comédiens itinérants professionnels italiens estsans doute, des différentes influences étrangères, celui qui a eu le plusd’impact sur la comédie de l’âge classique. Hérité, sans que cela ait étéétabli de manière formelle, des atellanes, de la comédie plautinienne etde la tradition du mime antique, le théâtre de la

commedia dell’arte

est unart dont l’efficace repose sur une habile combinaison de l’improvisationet de la pantomime masquée autour d’un canevas, une trame que lescomédiens enrichissent grâce à leur métier. Les personnages sont aisé-ment reconnaissables à leur costume et chacun a son jeu, ses attitudes,ses mimiques et ses bons mots. Comme l’écrit Patrice Pavis dans l’articlequ’il consacre à la

commedia dell’arte

dans son

Dictionnaire du théâtre

, « lesacteurs ne recherchent pas le vraisemblable, mais le rythme et l’illusiondu mouvement. La

commedia

revivifie (plus qu’elle ne détruit) les genres“nobles” mais sclérosés comme la tragédie pleine d’emphase, lacomédie trop psychologique, le drame trop sérieux ; elle joue ainsi lerôle d’un révélateur de formes anciennes et d’un catalyseur pour unenouvelle manière de faire du théâtre en privilégiant le jeu et lathéâtralité

1

».

L

A

CODIFICATION

DU

GENRE

C’est au cours de la première moitié du

XVII

e

siècle que la comédie vaêtre codifiée. Le théâtre jouit alors d’un excellent prestige. Tandis quela vie théâtrale connaît un essor sans précédent, notamment dans lacapitale où s’installent de nouvelles troupes, la comédie suscite de nom-breux débats entre les dramaturges et les théoriciens. Ce sont eux qui lacodifient en l’opposant à la tragédie :

– contrairement aux personnages de la tragédie, les personnages dela comédie ne sont ni des héros, ni des divinités, ni des personnages denoble naissance aux actions vertueuses et au langage châtié, ce sont desêtres de basse extraction aux agissements personnels et au langagepopulaire ;

1. Patrice Pavis,

Dictionnaire du théâtre. Termes et concepts de l’analyse théâtrale

, Dunod,1996.

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DEUX

PIÈCES

DE

THÉÂTRE

DU

XVII

e

SIÈCLE

– alors que les sujets de la tragédie sont historiques ou mythologiques,ceux de la comédie sont empruntés à la vie quotidienne ;

– si le dénouement de la tragédie apparaît souvent comme l’accom-plissement d’un destin implacable et s’il voit fréquemment le hérosmourir précisément pour accomplir son destin, le dénouement de lacomédie est heureux. Celle-ci se clôt fréquemment sur une scène deréconciliation ou une scène de retrouvailles, suivie d’un mariage ;

– enfin, à l’inverse de la tragédie, la comédie a pour but de provoquerle rire du spectateur. Aussi est-ce la raison pour laquelle les dramaturgeset comédiens ont recours à des mots, gestes ou situations qui ne sont pasdu meilleur goût…

Ces règles ne sont pas admises par tous. Si, selon Corneille, la comé-die ne doit pas inspirer la pitié ou la crainte, elle ne doit pas non plusdéclencher le rire… C’est probablement parce que Aristote et les Clas-siques l’ont longtemps considérée comme un genre mineur que lacomédie a fait l’objet d’une codification moins serrée que la tragédie.Mais le fait que ses règles sont moins figées que celles de la tragédie estaussi ce qui préside à sa liberté et qui permet aux différents dra-maturges et comédiens de bénéficier d’une remarquable marge demanœuvre, d’inventer, d’innover, de transgresser les règles et de joueravec les conventions. Ce que Molière a bien compris et dont il a suremarquablement tirer parti dans ses comédies.

• Molière comédien ou l’apprentissage des ressources du comique

Si Molière occupe dans l’histoire du théâtre et plus particulièrementdans celle de la comédie une place prépondérante, c’est parce qu’il a suse nourrir de sa longue expérience de comédien et de directeur detroupe, acquise tout au long des treize années passées sur les routes deprovince, pour se former au métier d’auteur.

L

ES

PREMIÈRES

ANNÉES

Molière a très tôt, semble-t-il, manifesté un intérêt prononcé pour lethéâtre, grâce à son oncle maternel Louis Cressé, qui l’emmène assisteraux spectacles que donnent les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne oules bateleurs, les bonimenteurs, les bouffons, les charlatans et les far-ceurs du côté du quartier du Pont-Neuf à Paris. Durant sa scolarité aucollège de Clermont (l’actuel lycée Louis-le-Grand), le jeune Jean-Bap-tiste Poquelin tient ses premiers rôles, le théâtre jouant un rôle clé dansla pédagogie des jésuites. Alors qu’il poursuit des études de droit àOrléans, il continue de nourrir pour le théâtre une véritable passion. Sarencontre avec Tiberio Fiorilli, le célèbre Scaramouche, à son retour à

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LE MÉDECIN VOLANT. LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ 57

Paris, est décisive : il sera comédien. En 1643, il est âgé de vingt ans àpeine lorsqu’il abandonne son métier d’avocat et renonce à la charge detapissier de son père pour embrasser la carrière de comédien et fonderavec Madeleine Béjart et quelques autres une troupe au nom des pluspompeux : l’Illustre-Théâtre.

SUR LES ROUTES DE PROVINCE

Jean-Baptiste Poquelin, qui a pris le pseudonyme de Molière, est uncomédien et un directeur de troupe enthousiaste. Mais les débuts sontdifficiles. Parce que son répertoire se compose principalement de tragé-dies de Corneille et de Du Ryer, l’Illustre-Théâtre ne parvient pas àtrouver son public. Les recettes sont médiocres et les dettes s’accumu-lent. En 1645, elles sont telles que la troupe ne peut plus y faire face.C’est la fin de l’Illustre-Théâtre. Molière, avec une partie de ce qui restede sa troupe, rejoint la troupe de Dufresne et quitte la capitale pour unetournée en province qui durera treize années. Parce que, d’une pro-vince à l’autre, la troupe présente des spectacles variés devant despublics différents, Molière perfectionne sa pratique de comédien. En1650, il devient le directeur de la troupe. En 1655, il crée sa premièrepièce, L’Étourdi, une comédie, à Lyon. C’est un triomphe. Ce succès luiinspire l’écriture d’une autre comédie, Le Dépit amoureux, qui est crééel’année suivante, et qui est de nouveau un triomphe. En 1658, Molièreet ses comédiens remontent sur Paris.

DE RETOUR À PARIS

Grâce à Monsieur, frère unique du roi, ils obtiennent de jouer devantle roi et la cour. Le 24 octobre, dans la salle des gardes du palais duLouvre, ils donnent d’abord Nicomède, de Pierre Corneille, une tragédie.Le roi s’ennuie et le montre. Ils jouent ensuite Le Docteur amoureux, unepetite comédie dont le sujet est tiré de la tradition de la commediadell’arte, qu’ils ont eu l’occasion de jouer à plusieurs reprises lors de leurtournée en province. Le roi rit aux éclats. Il est à ce point séduit par laprestation de la troupe qu’il lui accorde le droit de se produire dans lasalle du Petit-Bourbon en alternance avec les Comédiens-Italiens. Parceque le répertoire de la troupe se compose de tragédies, qui contraignentles acteurs à déclamer et à forcer le ton, le public ne se presse pas.Molière décide alors de reprendre L’Étourdi et Le Dépit amoureux. Devantle succès rencontré par la troupe, il choisit de revenir à ces pièces quiont fait la réputation de la troupe en province : Les Trois Docteurs rivaux,Le Docteur amoureux, Le Maître d’école, Gros-René écolier, La Jalousie du Bar-bouillé et Le Médecin volant. Durant plus de trois ans, ce sont principale-

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58 DEUX PIÈCES DE THÉÂTRE DU XVIIe SIÈCLE

ment ces petites comédies que la troupe va jouer et qui vont lui per-mettre de fidéliser son public.

• Molière auteur ou le renouveau de l’esthétique de la comédie

La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volant ont toutes deux été jouéesà de nombreuses reprises entre 1659 et 1664. De toutes les petites comé-dies citées plus haut, ce sont les deux seules pour lesquelles on disposede textes qui puissent sérieusement être attribués à Molière. Bien queméconnus, ces deux textes sont intéressants à plus d’un titre. D’abordparce qu’ils rendent compte des enseignements que Molière a tirés deson expérience de comédien. Ensuite parce qu’ils font la synthèse d’unepartie des sources qui l’ont inspiré, notamment la tradition de la farceet celle de la commedia dell’arte. Enfin parce qu’elles annoncent quelques-uns des thèmes et des rôles de ses grandes comédies à venir.

LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ ET LE MONDE DE LA FARCE

Le sujet de La Jalousie du Barbouillé est inspiré du Jaloux corrigé, unenouvelle issue du Décaméron de Boccace. Mais le thème du mari jalouxet de l’épouse infidèle se retrouve dans de nombreux canevas de com-media dell’arte et farces et, s’il n’est pas exclu que Molière connaissait lanouvelle de l’écrivain florentin, il est plus probable qu’il ait composé LaJalousie après avoir assisté à une représentation de ce sujet par des far-ceurs. Les éléments de cette pièce qui renvoient à l’univers de la farcesont nombreux, qu’il s’agisse de l’intrigue, dans laquelle un mari jalouxqui tente de piéger sa femme se retrouve piégé, des personnages – lemari jaloux, l’épouse infidèle, la brave suivante et le médecin pédant –qui appartiennent tous à l’univers farcesque, ou des procédés comiquesemployés qui accordent au comique de mots et au comique de gestesune place prépondérante.

LE MÉDECIN VOLANT ET L’UNIVERS DE LA COMMEDIA DELL’ARTE

Le sujet du Médecin volant est directement issu de la tradition de lacommedia dell’arte. On le retrouve dans plusieurs recueils de canevas. Ilest probable que Molière ait composé son Médecin volant après avoirassisté à la représentation de l’un de ces canevas par des comédiens ita-liens. L’influence de la commedia ne se réduit pas au sujet. Elle apparaîtà divers titres, que ce soit au niveau de la situation, avec le travestisse-ment de Sganarelle en médecin et son dédoublement, que ce soit auniveau des personnages qui rappellent tous des personnages types del’univers de la commedia : Pantalon, Arlequin, le Docteur, l’Amoureux et

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LE MÉDECIN VOLANT. LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ 59

l’Amoureuse, ou que ce soit au niveau des procédés comiques employés,qui laissent au comédien une grande part à l’improvisation.

LA COMÉDIE MOLIÉRESQUE : UN HABILE ASSEMBLAGE

Tout en rendant compte des enseignements que Molière a tirés deson expérience de comédien et en faisant la synthèse d’une partie dessources qui l’ont inspiré, La Jalousie du Barbouillé et Le Médecin volantannoncent quelques-unes des pièces et quelques-uns des thèmes et desrôles de ses grandes comédies à venir. La Jalousie du Barbouillé annonceLe Mariage forcé et George Dandin, et Le Médecin volant annonce L’Amourmédecin, Le Médecin malgré lui, Les Fourberies de Scapin et Le Malade imagi-naire. Sganarelle préfigure Scapin et Mascarille, et Gorgibus, Arnolpheet Harpagon. Molière a ancré chacun de ses personnages dans sontemps. Ses barbons sont convaincus de pouvoir imposer à tous leur loi ;les jeunes filles et leurs amants se désespèrent d’avoir à endurer cettetyrannie et de voir leurs projets d’union être ruinés ; les domestiquesconvoquent tous leurs talents de fourbes pour servir les intérêts de leursmaîtres et tourner en dérision les barbons. Cette transformation destypes traditionnels à laquelle se livre Molière s’accompagne d’un savantrenouvellement de la res comica : tout en provoquant le rire, la comédiedoit aborder des sujets d’actualité, s’immiscer dans les préoccupationsdes contemporains. Comme l’écrit fort justement Marcel Gutwirth dansl’avant-propos de son Molière ou l’Invention comique, « l’univers comiqueest un monde renversé où les ladres sont immanquablement plumés, lessoudards bravés sans dommage, les esclaves promus maîtres de la danse.La Fortune y est aux ordres de l’Amour, la Mort ne prend personne,tout commence mal et finit bien 1 ». Nombreux sont les lettrés et lesmoralistes qui ont fustigé cette inversion, la jugeant éminemment cou-pable. En effet, « instaurer le règne du plus faible – ne fût-ce que pourrire – [n’est-ce pas] ruiner l’autorité du plus fort, porter atteinte àl’ordre établi 2 » ? Le grand art de Molière est d’avoir su concilier les res-sources d’une tradition populaire et les prétentions d’un genre en passede se codifier, pour lui conférer ses lettres de noblesse.

POSTÉRITÉ DU MÉDECIN VOLANT ET DE LA JALOUSIE DU BARBOUILLÉ

C’est en 1731 que le dramaturge et poète Jean-Baptiste Rousseauretrouve dans une malle les manuscrits de deux pièces, La Jalousie duBarbouillé et Le Médecin volant. Les jugeant « d’un style grossier de comé-dien de campagne » et estimant que ce ne sont pas là des pièces qui

1. Marcel Gurwith, Molière ou l’Invention comique. La Métamorphose des thèmes, la créa-tion des types, Situation, Minard, 1966, p. 9.

2. Ibid.

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60 DEUX PIÈCES DE THÉÂTRE DU XVIIe SIÈCLE

puissent être attribuées à Molière, mais plutôt « des canevas tels qu’il lesdonnait à ses acteurs qui les remplissaient sur le champ, à la manière desItaliens, chacun suivant selon son talent », Jean-Baptiste Rousseau ne lesinsère pas dans l’édition générale des œuvres de Molière qu’il faitparaître en 1734. Il faut attendre 1819 pour les voir être publiéespour la première fois sous le titre Deux Pièces inédites de Molière, et 1845pour les voir intégrer l’édition des Œuvres complètes de Molière procuréepar Aimé Martin. Depuis cette date, elles figurent dans toutes les édi-tions des œuvres complètes de Molière. Si ces pièces ont tant divisé lescritiques, c’est parce que ceux-ci ont mis longtemps à admettre que legrand Molière pouvait, en plus d’avoir écrit des comédies aussi élabo-rées que Tartuffe ou l’Imposteur, Dom Juan ou le Festin de pierre ou Le Misan-thrope, être l’auteur de comédies plus légères, de divertissements far-cesques, de petites comédies comme La Jalousie du Barbouillé, Le Médecinvolant ou Le Docteur amoureux, aujourd’hui perdue. Grâce aux troupes quirenouent avec les traditions de la farce et de la commedia, La Jalousie duBarbouillé et Le Médecin volant sont de nouveau jouées depuis quelquesannées après être un temps tombées dans l’oubli. C’est à Dario Fo quel’on doit l’une des mises en scène les plus décapantes du Médecin volant.Des esquisses préparatoires tirées des carnets de Dario Fo et les photo-graphies de la représentation à la Comédie-Française sont insérées dansle dossier de l’édition, p. 115.

III. Proposition de séquence pédagogique

L’étude d’une petite comédie de Molière, qu’il s’agisse de L’Avare, duMédecin malgré lui, du Bourgeois gentilhomme ou du Malade imaginaire estrecommandée pour le cycle central. Bien que moins étudiées, LeMédecin volant et La Jalousie du Barbouillé sont loin de manquer d’intérêt,tant sur le plan de l’écriture dramatique que sur celui de la conceptiondu comique ou sur celui du jeu scénique. La séquence qui suit s’appuiesur la présentation (p. 7-21) et le dossier (p. 83-127) qui encadrent lestextes de notre édition de La Jalousie du Barbouillé et du Médecin volant.

Les objectifs de cette séquence sont : définir le genre de la comédie ;approfondir ses connaissances sur la vie théâtrale au temps de Molière ;repérer les apports de la farce et de la tradition de la commedia dell’artedans le théâtre moliéresque ; se familiariser avec les différents types decomique ; repérer les caractéristiques de la satire de la médecine et desmédecins ; analyser les spécificités et l’originalité de la mise en scène duMédecin volant par Dario Fo ; inventer, mettre en scène, jouer…

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Afin que les élèves se familiarisent avec l’histoire particulièrementriche des pérégrinations de l’Illustre-Théâtre en province et de sonretour à Paris – période dans laquelle la création de La Jalousie du Bar-bouillé et celle du Médecin volant occupent une place prépondérante –, etafin qu’ils appréhendent au mieux la première séance, on leur deman-dera de lire la présentation, p. 7-21. Cette lecture leur permettra dedécouvrir les circonstances dans lesquelles ces petites comédies ont étécréées et de comprendre les raisons pour lesquelles elles occupent uneplace à part dans l’œuvre de Molière, tant sur le plan de leur composi-tion que sur celui de leur représentation et de leur publication. Laséquence proposée comprend cinq séances, portant respectivement surla présentation, le texte de La Jalousie du Barbouillé, celui du Médecinvolant, la satire de la médecine et la mise en scène du Médecin volant pré-sentée à la Comédie-Française en 1990 : 1. Aux sources du « géniecomique » de Molière ; 2. La Jalousie du Barbouillé, héritière de la farce ;3. Le Médecin volant proche de la commedia dell’arte ; 4. La satire de lamédecine dans les comédies de Molière ; 5. Le Médecin volant sur lesplanches : la mise en scène de Dario Fo.

Séance n° 1 : aux sources du « génie comique » de Molière

Objectifs → Se documenter sur la comédie.→ Retracer l’itinéraire de Molière ; repérer ses influences

formatrices.→ Caractériser le genre de la farce.→ Définir l’art des comédiens italiens.

Supports → Présentation, p. 7.→ Chronologie, p. 23.→ Dossier, p. 84-88.

• Recherche documentaire

On demandera dans un premier temps aux élèves de procéder à unerecherche documentaire (dossier, p. 85) : « Par petits groupes, effectuezdes recherches sur la comédie dans l’Antiquité, au Moyen Âge et à laRenaissance. Quels sont les principaux auteurs comiques ? Quels per-sonnages, quelles situations, quels thèmes retrouve-t-on d’un spectacle àl’autre ? Où, quand et pour quel public ces spectacles sont-ils joués ?Vous pourrez présenter le résultat de vos recherches sous la forme d’unexposé. »

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On vérifiera que les élèves ont bien repéré les différents types de spec-tacles comiques de l’Antiquité à la Renaissance, évoqué quelques-unsdes auteurs et quelques-unes des œuvres qui ont marqué ces périodes,mentionné les personnages, situations et thèmes rémanents et qu’ils ontcaractérisé les publics à destination desquels ces spectacles ont été créés.

• Questionnaire

On demandera ensuite aux élèves de lire la présentation et la chrono-logie et de répondre aux questions de la rubrique « De l’ombre à lalumière… » qui s’y rapportent, dossier, p. 84-85, et dont voici les élé-ments de réponse.

1. C’est à l’Hôtel de Bourgogne, là où se produisent les grands comé-diens, et dans le quartier du Pont-Neuf, où se donnent en spectacle lesComédiens-Italiens, les farceurs, les bonimenteurs, les bouffons, lescharlatans et les bateleurs, que son grand-père maternel emmène lejeune Jean-Baptiste Poquelin enfant, pour lui faire découvrir le mondedes comédiens.

2. Son père Jean Poquelin le destine à reprendre la prestigieusecharge de « tapissier ordinaire et valet de chambre du roi ». Aussi est-cela raison pour laquelle le jeune Jean-Baptiste étudie aux côtés des fils debourgeois et de nobles, au collège de Clermont qui est tenu par desjésuites.

3. À Orléans, Jean-Baptiste Poquelin poursuit des études de droit afinde devenir avocat. Mais le théâtre l’attire de plus en plus. Sa rencontreavec le célèbre Tiberio Fiorilli, dit Scaramouche, scelle sa destinée ; c’estquelques mois seulement après avoir été reçu comme avocat qu’ilrenonce à exercer et à reprendre la charge de son père pour se consa-crer au métier de comédien.

4. Avec Madeleine Béjart, une jeune fille dont il est tombé amoureux,une partie des membres de sa famille, les Béjart, et quelques autres per-sonnes, Jean-Baptiste Poquelin fonde une troupe à laquelle est donné lenom d’Illustre-Théâtre. Les premières pièces qu’elle donne sont des tra-gédies de Corneille et de Du Ryer. Mais le répertoire de la troupe estmodeste, les tragédies n’attirent pas le public et la concurrence estféroce, avec ces deux grandes troupes que forment les comédiens del’Hôtel de Bourgogne et ceux du Théâtre du Marais. Aussi les débuts del’Illustre-Théâtre sont-ils particulièrement difficiles et celui-ci ne tarde-t-il pas à disparaître.

5. En province, avec la troupe de Dufresne, qu’il a rejoint en compa-gnie de Madeleine, Geneviève et Joseph Béjart, et dont il devient le chef

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en 1650, Molière joue des comédies sur les places, dans les cours desmaisons et dans les salles de jeu de paume l’hiver.

6. Les deux premières pièces connues de Molière sont deux comé-dies. Il s’agit de L’Étourdi et du Dépit amoureux. L’Étourdi a été joué pourla première fois à Lyon en 1655. Le Dépit amoureux a aussi été créé àLyon, mais l’année suivante, en 1656.

7. Lorsque Molière et sa troupe sont de retour dans la capitale, lestrois grandes troupes qui s’y produisent sont les Comédiens-Français, lesComédiens-Italiens et les comédiens du théâtre du Marais. Les Comé-diens-Français se produisent à l’Hôtel de Bourgogne, les Comédiens-Ita-liens dans la salle du Petit-Bourbon.

8. La première pièce que Molière et sa troupe jouent en provincedevant le roi est une tragédie de Pierre Corneille, Nicomède. Devant laprestation de la troupe, le roi s’ennuie et le montre, c’est un échec.

9. Après avoir donné Nicomède, Molière et sa troupe jouent Le Docteuramoureux, une petite comédie dont le texte est aujourd’hui perdu. Faceaux bouffonneries, lazzi et autres grimaces de Molière et de ses comé-diens, le roi rit aux éclats. Ce succès est capital pour la troupe. Littérale-ment sous le charme, Louis XIV assure Molière de son soutien financieret l’autorise à jouer dans la salle du Petit-Bourbon.

10. Molière est contraint de partager la salle du Petit-Bourbon avec lesComédiens-Italiens. Il y retrouve Scaramouche, de qui lui et lesmembres de sa troupe apprennent beaucoup. En effet, si les tragédiesde Corneille qu’ils jouent les contraignent à déclamer, à forcer le ton età beaucoup gesticuler, les petites comédies qu’ils reprennent, L’Étourdiet Le Dépit amoureux d’abord, Les Trois Docteurs rivaux, Le Docteur amou-reux, Le Maître d’école, Gros-René écolier… ensuite, leur permettent, grâce àleur expérience et à leur fréquentation de Scaramouche, d’accorderune place prépondérante à la repartie, à l’improvisation…

• Textes d’accompagnement

On proposera aux élèves de lire comme premier texte d’accompagne-ment un extrait de La Farce du Cuvier (dossier, p. 85-86). On leur deman-dera ensuite de répondre aux questions suivantes : « De qui Jacquinot seplaint-il ? De quoi est-il mécontent ? Que projette-t-il de faire ? Selonvous, que va-t-il se passer ? » On vérifiera que les élèves ont bien mis enévidence les procédés qui traduisent le mécontentement de Jacquinot etque leurs propositions de suite sont pertinentes. Puis on proposera auxélèves de lire comme second texte d’accompagnement un extrait deL’Inconstance de Flaminia (dossier, p. 86-87). On leur demandera alors derépondre aux questions suivantes : « Quelle est la particularité d’un

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canevas de commedia dell’arte ? En quoi cette tradition diffère-t-elle decelle de la farce ? Quelles conséquences cela a-t-il sur le spectacle ? » Ons’assurera que les élèves ont bien mis en évidence la spécificité ducanevas de commedia, et ce en quoi la tradition farcesque diffère de l’artdes Comédiens-Italiens.

• Travail d’écriture

On poursuivra cette séance avec l’exercice d’écriture proposé dans lasection « À vos plumes ! » (dossier, p. 88) : « L’épouse et la belle-mèrede Jacquinot, les personnages de La Farce du Cuvier, font leur entrée enscène. Elles ont entendu ce qu’il disait et sont bien décidées à lui menerla vie dure… Pour sa part, Jacquinot ne compte pas se laisser faire. Maisla chose se révèle plus difficile que prévu. Imaginez la scène en une tren-taine de lignes. » La lecture ou la mise en scène des différentes produc-tions réalisées permettra de revenir sur les formes et enjeux de la farce.

• Mise en scène

On terminera cette première séance sur l’improvisation proposéedans la section « À vous de jouer ! » (dossier, p. 88) : Improvisez ! Envous appuyant sur l’extrait reproduit, mettez en scène et jouez par petitsgroupes les situations esquissées au début de L’Inconstance de Flaminia. Laprésentation des différentes mises en scène sera l’occasion de débattresur les enjeux de l’improvisation.

Séance n° 2 : La Jalousie du Barbouillé, héritière de la farce

Objectifs → Repérer les éléments farcesques dans La Jalousie.→ Caractériser les différentes formes du comique.→ Étudier la satire de la médecine et des médecins.

Supports → La Jalousie du Barbouillé, p. 33.→ Dossier, p. 88-97.

• Recherche documentaire

On demandera d’abord aux élèves de lire La Jalousie du Barbouillé. Onleur demandera ensuite de procéder à quelques recherches documen-taires (dossier, p. 89) : « Par petits groupes, effectuez des recherches surla farce. Qui sont les grands farceurs au temps de Molière ? En quoiconsistent leurs pièces ? Quels sont les thèmes et les situations qui

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reviennent le plus souvent ? Où jouent-ils et à quel public s’adressent-ils ? Dans La Jalousie du Barbouillé, indiquez les éléments qui rappellentl’univers de la farce. Vous pourrez présenter le résultat de vos recherchessous la forme d’un exposé oral. »

On vérifiera que les élèves ont bien identifié les caractéristiques de lafarce, cité les grands farceurs du temps de Molière, repéré leurs thèmeset situations de prédilection, et mis en évidence ce qui renvoie à cet uni-vers dans La Jalousie du Barbouillé.

• Questionnaire

On demandera ensuite aux élèves de répondre aux questions de larubrique « Au fil du texte… » se reportant à cette petite comédie, insé-rées dans le dossier, p. 88-89, et dont voici les éléments de réponse.

1. Le personnage qui est en scène lorsque le rideau s’ouvre est le Bar-bouillé. Celui-ci est tourmenté par sa femme : « J’ai une femme qui mefait enrager : au lieu de me donner du soulagement et de faire les chosesà mon souhait, elle me fait donner au diable vingt fois le jour ; au lieude se tenir à la maison, elle aime la promenade, la bonne chère, et fré-quente je ne sais quelle sorte de gens » (p. 35). Ne sachant comments’en débarrasser, il songe à demander conseil au Docteur qui passe jus-tement par là, ainsi que l’indique la phrase sur laquelle se clôt sa tirade :« Mais voilà Monsieur le Docteur qui passe par ici : il faut que je luidemande un bon conseil sur ce que je dois faire » (p. 35).

2. Le Barbouillé essaie d’exposer les motifs de son tourment au Doc-teur. En vain. Celui-ci l’interrompt systématiquement en le reprenantsur sa manière de s’exprimer. Parce qu’il étaie son discours de nom-breuses phrases latines – « rationem locis, temporis et personae » (p. 36),« Salve, vel salvus sis, Doctor doctorum eruditissime ! » (p. 36), « O ter qua-tuorque beatum ! » (p. 38) –, de références aux différentes disciplines dela philosophie – « parce que la philosophie a quatre parties : la logique,morale, physique et métaphysique ; et comme je les possède toutesquatre, et que je suis parfaitement versé en icelles, je suis quatre foisdocteur » – et aux différentes parties de la logique – « parce qu’il y acinq universelles : le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’acci-dent, sans la connaissance desquels il est impossible de faire aucun bonraisonnement ; et comme je m’en sers avec avantage, et que j’en connaisl’utilité, je suis cinq fois docteur » –, celui-ci est des plus comiques. Lepersonnage du Docteur est ridicule.

3. Décontenancé par le discours du Docteur, le Barbouillé offre de lepayer si celui-ci parvient à lui venir efficacement en aide. Mais le Doc-teur refuse. Pour lui signaler son refus, il se lance dans une tirade dont

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la progression est à thème différé – « Sache, mon ami, que quand tu medonnerais une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse serait dansune riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un cof-fret admirable, ce coffret dans un cabinet curieux » – et dont le comiqueréside notamment dans la stupéfiante longueur. Afin que sa réponse soitpar ailleurs sans équivoque, il l’accompagne d’un geste, en « troussantsa robe derrière son cul » (p. 39-40).

4. Angélique n’est pas tendre lorsqu’elle parle de son époux, le décri-vant comme une brute épaisse, un débauché et un ivrogne. « Mon mariest si mal bâti, si débauché, si ivrogne, que ce m’est un supplice d’êtreavec lui, et je vous laisse à penser quelle satisfaction on peut avoir d’unrustre comme lui », confie-t-elle à Valère (p. 41). Cathau, sa suivante, n’aguère plus d’estime pour lui, comme l’atteste le surnom qu’elle lui adonné : « porte-guignon » (p. 41).

5. Valère et Angélique essaient de faire croire au Barbouillé que lefrère de celle-ci est souffrant : « VALÈRE. – Mademoiselle, je suis au déses-poir de vous apporter de si méchantes nouvelles ; mais aussi bien lesauriez-vous apprises de quelque autre : et puisque votre frère est fortmalade… ANGÉLIQUE. – Monsieur, ne m’en dites pas davantage ; je suisvotre servante, et vous rends grâces de la peine que vous avez prise. »Mais le Barbouillé devine une ruse mise au point par son épouse, sonamant et sa suivante, pour le cocufier : « LE BARBOUILLÉ. – Ma foi, sansaller chez le notaire, voilà le certificat de mon cocuage. Ha ! ha !Madame la carogne, je vous trouve avec un homme, après toutes lesdéfenses que je vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini enCapricorne ! » (p. 42).

6. Deux nouveaux personnages font leur apparition dans les scènes 5et 6. Il s’agit de Gorgibus, le père d’Angélique, et de Villebrequin. Dansla scène 6, au bruit que font le Barbouillé et Angélique, le Docteur estintrigué et il demande à en connaître la raison. Alors que Gorgibus com-mence à la lui donner, le Docteur, comme il l’avait fait avec le Bar-bouillé, l’interrompt pour le reprendre, pour lui donner l’origine et lesens du mot « bonnet » : « Cela vient de bonum est, “bon est, voilà qui estbon”, parce qu’il garantit des catarrhes et fluxions », pour citer lesrecommandations de Socrate : « la retenue dans les actions, la sobriétédans le manger, et de dire les choses en peu de paroles. Commencezdonc, Monsieur Gorgibus », pour faire l’éloge de la concision en serépandant en explications sans fin : « Il faut avouer, Monsieur Gorgibus,que c’est une belle qualité que de dire les choses en peu de paroles, etque les grands parleurs, au lieu de se faire écouter, se rendent le plussouvent si importuns qu’on ne les entend point : Virtutem primam esseputa compescere linguam. Oui, la plus belle qualité d’un honnête homme,

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c’est de parler peu », avant de reprendre Gorgibus sur chacun des motsqu’il prononce, l’empêchant par la même occasion de s’exprimer. Parceque le Docteur est incapable de s’exprimer sans recourir à des locutionslatines, sans se référer à l’histoire de la philosophie ou aux différentesparties de la grammaire… le discours qu’il tient est ridicule et les proposque lui et Gorgibus échangent sont comiques. Les scènes de querellesentre époux, les quolibets et le pugilat sur lequel se clôt la scène 6 rap-pellent la tradition de la farce : ce sont ces éléments qui contribuent àdonner à la pièce son caractère enjoué.

7. Tandis que Valère doit répondre à une assignation, Angéliquerevient sur scène pour signifier qu’elle a décidé de se rendre au bal quedonne une de ses voisines. Le Barbouillé qualifie le Docteur de « diablede Docteur » et d’« ignorant » et il ne voit dans sa science qu’une« fichue doctrine ». Le bal étant terminé et afin que son mari ne s’aper-çoive pas de sa petite échappade, Angélique revient précipitammentchez elle. Mais elle trouve la porte fermée. C’est parce que les person-nages vont et viennent sur scène et que l’intrigue commence à prendreun tour nouveau, avec Angélique qui a décidé de se rendre au bal,Valère qui a projeté de la rejoindre et le Barbouillé qui s’en retournechez lui pour voir si son épouse a préparé le souper, que le rythmes’accélère soudain dans les scènes 7 à 10.

8. C’est parce que Angélique s’est absentée qu’elle ne s’est pasacquittée de son devoir d’épouse – « Il faut être retirée à la maison,donner ordre au souper, avoir soin du ménage, des enfants » – et que leBarbouillé la soupçonne de l’avoir trompé – « Je ne sais si c’est imagina-tion, mais mon front m’en paraît plus rude de moitié » – qu’il refuse delui ouvrir la porte (p. 51). Angélique le menace de mettre un terme à savie afin qu’il soit accusé de meurtre et châtié : « Si tu ne m’ouvres, jem’en vais me tuer devant la porte ; mes parents, qui sans doute vien-dront ici auparavant de se coucher, pour savoir si nous sommes bienensemble, me trouveront morte et tu seras pendu » (p. 52). Le Bar-bouillé ne prend pas cette menace au sérieux. Il en rit et invite Angé-lique à passer à l’action sur-le-champ : « Tue-toi, crève, va-t-en au diable,je ne m’en soucie pas » (p. 52). En dépit de ce qu’il crie haut et fort, leBarbouillé est pris d’un doute lorsqu’il entend son épouse crier et des-cend la lampe à la main. Mais Angélique, pour rentrer dans leurdemeure, profite de ce que son mari a ouvert la porte pour sortir et lelaisse dans la rue. C’est parce que c’est le Barbouillé qui demande main-tenant à Angélique de lui ouvrir la porte que la fin de la scène 11 estcomique. Le comique repose ici sur le contraste entre la situation danslaquelle se trouvent les personnages au début de la scène et celle danslaquelle ils se trouvent à la fin ; il s’agit d’un comique de situation.

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9. À la fin de la scène, c’est le public, qu’il désigne par l’expression« ces Messieurs qui sont là-bas dans le parterre », que le Barbouilléprend à témoin : « Je me donne au diable, si j’ai sorti de la maison, etdemandez plutôt à ces Messieurs qui sont là-bas dans le parterre ; c’estelle qui ne fait que de revenir. Ah ! que l’innocence est opprimée ! »(p. 54). Gorgibus et Villebrequin conseillent au Barbouillé et à Angé-lique de se réconcilier : « VILLEBREQUIN. – Çà, çà ; allons, accordez-vous ;demandez-lui pardon », « GORGIBUS. – Allons, ma fille, embrassez votremari, et soyez bons amis ». Cette scène n’est pas sans rappeler la tradi-tion de la farce dans laquelle, après s’être querellés, le mari et son épousefinissent par se réconcilier.

10. Dans la scène treizième et dernière, le Docteur se présente « à lafenêtre, en bonnet de nuit et en camisole ». Parce qu’il se propose delire un chapitre d’Aristote « où il prouve que toutes les parties de l’uni-vers ne subsistent que par l’accord qui est entre elles » pour prouver quetout le monde peut s’accorder, ses propos sont comiques et ils permet-tent à Molière de se livrer dans cette petite comédie à une ultime satirede la médecine et des médecins.

• Texte d’accompagnement

On proposera aux élèves de lire comme texte d’accompagnement lascène 6 de l’acte III de George Dandin (dossier, p. 90-96). On leur deman-dera ensuite de répondre à la question suivante : « En quoi cette scènede George Dandin est-elle proche de la scène 11 de La Jalousie duBarbouillé ? »

On vérifiera que les élèves ont bien mis en évidence la proximité desstructures des deux scènes, les similitudes entre les personnages, leursagissements et leurs répliques, en citant les deux textes et en s’appuyantsur les didascalies.

• Travail d’écriture

On poursuivra cette séance avec l’exercice d’écriture proposé dans lasection « À vos plumes ! » (dossier, p. 96) : « “Le Barbouillé, Angélique,Gorgibus, Cathau, Villebrequin parlent tous à la fois, voulant dire lacause de la querelle, et le Docteur aussi, disant que la paix est une bellechose, et font un bruit confus de leurs voix ; et pendant tout le bruit, leBarbouillé attache le Docteur par le pied, et le fait tomber ; le Docteurse doit laisser tomber sur le dos ; le Barbouillé l’entraîne par la cordequ’il lui a attachée au pied, et, en l’entraînant, le docteur doit toujoursparler, et compte par ses doigts toutes ses raisons, comme s’il n’était

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point à terre, alors qu’il ne paraît plus” » (p. 48). « Imaginez en unetrentaine de lignes la fin de la scène 6 de La Jalousie du Barbouillé, en par-tant de cette didascalie, et en faisant parler chacun des personnages.Attention, vous devrez utiliser des phrases très courtes et donner laparole à plusieurs personnages à la fois si vous souhaitez qu’il règnedans votre texte, comme dans celui de Molière, une véritable atmo-sphère de confusion ! » La lecture et la mise en scène des différentesproductions réalisées permettront d’aborder avec les élèves la notion derythme dans le dialogue théâtral et notamment dans la comédie.

• Mise en scène

On terminera cette seconde séance sur le travail de mise en scène pro-posé dans la section « À vous de jouer ! » (dossier, p. 97) : « Par petitsgroupes, mettez en scène et jouez la scène 6 ou la scène 11 de La Jalousiedu Barbouillé. Vous accorderez un soin tout particulier au choix des cos-tumes, aux déplacements des personnages et aux éléments du décor. »La représentation des deux scènes sera l’occasion de travailler avec lesélèves sur les enjeux de la mise en scène.

Séance n° 3 : Le Médecin volant, proche de la commedia dell’arte

Objectifs → Repérer les éléments empruntés à l’univers de la commediadell’arte dans Le Médecin volant.

→ Caractériser les différentes formes du comique.→ Étudier la satire de la médecine et des médecins.

Supports → Le Médecin volant, p. 57.→ Dossier, p. 97-101.

• Recherche documentaire

On demandera dans un premier temps aux élèves de procéder à unerecherche documentaire (dossier, p. 99) : « Par petits groupes, effectuezdes recherches sur la commedia dell’arte. Où et quand cet art est-il apparu ?Quels sont les personnages qui composent une troupe de commedia ?Quelles sont leurs caractéristiques ? Quelles sont les spécificités d’unspectacle de commedia ? Pourquoi les comédiens italiens connaissent-ilsun grand succès lors de leur séjour dans la capitale ? En quoi ont-ilscontribué à renouveler la conception que le public et les comédiensavaient du théâtre ? Vous pourrez présenter le résultat de vos recherchessous la forme d’un exposé. »

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On s’assurera que les élèves ont bien noté où et quand cet art estapparu, quels sont les personnages qui composent une troupe de com-media dell’arte, ce qui fait la spécificité de leurs spectacles et surtout enquoi ils ont contribué à renouveler l’art théâtral, tant pour le public quepour les comédiens.

• Questionnaire

On demandera ensuite aux élèves de lire Le Médecin volant et derépondre aux questions de la rubrique « Au fil du texte… », dans le dos-sier, p. 97-98, dont voici les éléments de réponse.

1. Les deux personnages qui sont en scène lorsque le rideau s’ouvresont Valère, l’amant de Lucile, et Sabine, sa cousine. Tous deux sont pré-occupés par le fait que Gorgibus, le père de Lucile, veut absolument quesa fille épouse Villebrequin. Pour différer le mariage, Lucile fait sem-blant d’être malade. Sabine profite de ce que Gorgibus l’a envoyée cher-cher un médecin pour échafauder avec Valère un plan de manière à luipermettre d’épouser Lucile : « Si vous en pouviez envoyer quelqu’unqui fût de vos bons amis, et qui fût de notre intelligence, il conseilleraità la malade de prendre l’air à la campagne. Le bonhomme ne man-quera pas de faire loger ma cousine à ce pavillon qui est au bout denotre jardin, et par ce moyen vous pourriez l’entretenir à l’insu de notrevieillard, l’épouser, et le laisser pester tout son soûl avec Villebrequin »(p. 59).

2. C’est à Sganarelle que Valère confie le soin de se déguiser enmédecin afin de tromper Gorgibus et cela pour dix pistoles. Sganarelle,prêt à tout pour une telle somme, accepte avec enthousiasme : « Laissez-moi faire ; s’il est un homme facile, comme vous le dites, je vous répondsde tout ; venez seulement me faire avoir un habit de médecin, et m’ins-truire de ce qu’il faut faire, et me donner mes licences, qui sont les dixpistoles promises. »

3. Un galimatias est un discours embrouillé dont le ton semble indi-quer qu’il a un sens mais qui n’en a aucun. Gros-René maugrée et cesont ses bougonnements qui ont pour fonction de traduire le terme« galimatias ». Dans la scène 3, Gros-René est supposé rechercher unmédecin pour soigner Lucile. Parce qu’il espérait faire bonne chère àl’occasion des noces de Villebrequin et Lucile, et que la feinte maladiede cette dernière l’en prive, les propos qu’il tient et sur lesquels se clôtla scène, qui ne sont pas sans évoquer l’univers de la commedia dell’arte,sont des plus comiques : « Je croyais refaire mon ventre d’une bonnecarrelure, et m’en voilà sevré. Je m’en vais chercher un médecin pourmoi aussi bien que pour votre fille ; je suis désespéré » (p. 63).

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4. Sabine présente Sganarelle comme étant « le plus habile médecindu monde, un homme qui vient des pays étrangers, qui sait les plusbeaux secrets, et qui sans doute guérira ma cousine » (p. 63). Pour jouerson rôle de médecin, Sganarelle convoque les figures d’Hippocrate etde Galien pour établir des truismes : « Hippocrate dit, et Galien parvives raisons persuade qu’une personne ne se porte pas bien quand elleest malade » (p. 64) ; il juxtapose les différentes expressions arabes,latines et italiennes qu’il connaît pour montrer l’étendue de sa science :« Salamalec, salamalec. Rodrigue, as-tu du cœur ? Signor, si ; signor, non. Peromnia saecula saeculorum » (p. 64), prétend pouvoir deviner la maladiede la fille en analysant le sang de son père ; boit de l’urine pour mieuxdiscerner « la cause et la suite de la maladie » (p. 65), parvient à déduireque Lucile est malade en recourant à un agrégat de théories médicalessimplifiées et diagnostique pour finir « qu’il serait nécessaire que[Lucile] prît un peu l’air, qu’elle se divertît à la campagne » (p. 67).Mais tous ces faux savoirs et toutes ces évidences sont autant d’élémentsqui permettent à Molière de faire tenir à Sganarelle un discours ridi-cule, et par-delà ce discours, à se livrer à une satire féroce des médecins.

5. C’est un nouveau personnage, l’Avocat, qui fait son entrée à lascène 6. Après s’être brièvement entretenu dans la scène 7 avec Gor-gibus, il s’adresse dans la scène 8 à Sganarelle, devant qui il se lance dansun vibrant éloge de la médecine et des médecins : « Il faut avouer quetous ceux qui excellent en quelque science sont dignes de grandelouange, et particulièrement ceux qui font profession de la médecine,tant à cause de son utilité, que parce qu’elle contient en elle plusieursautres sciences, ce qui rend sa parfaite connaissance fort difficile ; etc’est fort à propos qu’Hippocrate dit dans son premier aphorisme : vitabrevis, ars vero longa, occasio autem praeceps, experimentum periculosum, judi-cium difficile » (p. 69).

6. Dans la scène 9, Sganarelle, qui a abandonné son habit demédecin, « revient en habit de valet ». Il informe Valère que Lucile setrouve maintenant, grâce à lui, dans un appartement situé au fond dujardin de Gorgibus, et qu’il peut aller la rejoindre. Mais à peine Valèrel’a-t-il quitté que Sganarelle aperçoit Gorgibus. Comprenant que sonstratagème va être découvert, il doit trouver une parade. C’est alors qu’ilprojette de nouveau de le tromper. « SGANARELLE. – Il faut avouer que cebonhomme Gorgibus est un vrai lourdaud de se laisser tromper de lasorte. (Apercevant Gorgibus.) Ah ! Ma foi, tout est perdu : c’est à ce coupque voilà la médecine renversée, mais il faut que je le trompe » (p. 72).

7. Dans la scène 11, Sganarelle se fait passer auprès de Gorgibus pourle frère du médecin qui a soigné Lucile. Il lui explique que lui et sonprétendu frère se sont brouillés. Touché par son récit, Gorgibus promet

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de les réconcilier tous deux. Sganarelle décide alors de reprendre sonhabit de médecin ainsi que l’indique la didascalie sur laquelle se clôt lascène : « Sganarelle sort et rentre aussitôt avec sa robe de médecin. »

8. Dans la scène 12, Gorgibus demande au médecin, en qui il n’a pasreconnu Sganarelle, la faveur de bien vouloir faire la paix avec son frère.Sganarelle refuse d’abord énergiquement, décrivant son prétendu frèrecomme un « coquin », un « ivrogne », avant de se rasséréner et deconsentir à lui pardonner. C’est parce que Sganarelle se joue ainsi deGorgibus que la scène est amusante. La situation se complique cepen-dant dans la scène 14. Gorgibus, tout heureux d’avoir obtenu lui lepardon du médecin, confie à Sganarelle, qui a repris ses habits de valet,qu’il veut les voir s’embrasser en sa présence. Sganarelle, craignantd’être démasqué, comprend qu’il ne lui reste qu’une échappatoire :pousser « la fourbe jusques au bout ». Tout le comique de la scène pro-vient de la situation délicate dans laquelle se trouve Sganarelle, qui lecontraint à improviser sa sortie (p. 76).

9. C’est parce que Sganarelle revêt tour à tour les habits du médecinet ceux de son frère Narcisse en sautant d’une fenêtre à l’autre pourberner Gorgibus, que le subterfuge abuse totalement, que la scène estcomique. C’est Gros-René qui révèle à Gorgibus que Sganarelle est entrain de le tromper. « GROS-RENÉ. – Ma foi, ils ne sont qu’un, et, pourvous le prouver, dites-lui un peu que vous les voulez voir ensemble. »Dans cette scène, les didascalies jouent un rôle essentiel ; ce sont ellesqui donnent les indications relatives aux différents déplacements et aujeu des personnages sur lesquels repose une importante partie ducomique de la scène, l’autre partie reposant sur la situation, le dédou-blement auquel est contraint de se livrer Sganarelle pour tromperGorgibus.

10. S’apercevant qu’il a été trompé par Sganarelle, Gorgibus luiassure qu’il sera pendu. Sganarelle l’en dissuade et lui demande de bienconsidérer la situation : Valère n’est-il pas pour Lucile « un parti sor-table […], tant pour la naissance que pour les biens » ? Conscient de lasagesse des paroles de Sganarelle, et devant la demande de pardon deValère, Gorgibus décide finalement de lui accorder la main de sa fille :« Allons tous faire noces, et boire à la santé de toute la compagnie. »

• Texte d’accompagnement

On proposera aux élèves de lire comme texte d’accompagnement lascène 2 de l’acte III des Fourberies de Scapin (dossier, p. 99-101). On leurdemandera ensuite de répondre aux questions suivantes : « Dans ce pas-sage, quels sont les éléments qui rappellent la scène 15 du Médecin

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volant ? Comparez les personnages et les situations. Qu’est-ce qui n’a paschangé du Médecin volant aux Fourberies de Scapin ? »

On vérifiera que les élèves ont bien mis en évidence ce qui rapprocheles deux scènes, et notamment ce en quoi le jeu de Sganarelle et celuide Scapin sont proches, et repéré le rôle prépondérant dévolu auxdidascalies.

• Travail d’écriture

On poursuivra cette troisième séance avec l’exercice d’écriture pro-posé dans la section « À vos plumes ! » (dossier, p. 101) : « Villebrequinn’a pas apprécié le tour que lui ont joué Valère et Sganarelle, pas plusque la décision de Gorgibus de marier sa fille à Valère. Pour se venger,il se déguise en bohémien, enlève Lucile et exige une rançon de Gor-gibus. Pour échapper à son geôlier, Lucile feint d’être malade etdemande à voir un médecin. Villebrequin part alors à la recherche d’undocteur. Valère, qui le rencontre, le reconnaît et décide de convaincreSganarelle de jouer les médecins. Imaginez une scène dans laquelle Sga-narelle permettra à Lucile d’échapper à Villebrequin, à Gorgibus de nepas payer la rançon et à Valère de retrouver sa bien-aimée. » Les diffé-rentes productions pourront être lues en classe. L’une d’elles pourraêtre mise en scène et jouée.

• Mise en scène

On terminera cette troisième séance sur le travail de mise en scèneproposé dans la section « À vous de jouer ! » (dossier, p. 101) : « Parpetits groupes, mettez en scène et jouez la scène 4 ou la scène 15 duMédecin volant. Vous accorderez un soin tout particulier au choix des cos-tumes, aux déplacements des personnages et aux éléments du décor. »La représentation des deux scènes ou de l’une ou l’autre permettra dese concentrer sur le jeu de l’acteur.

Séance n° 4 : la satire de la médecine dans les comédies de Molière

Objectifs → Caractériser les différentes formes du comique.→ Étudier la satire de la médecine et des médecins dans les

extraits proposés.Support → Dossier, p. 102-114.

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• Recherche documentaire

On demandera dans un premier temps aux élèves de procéder à unerecherche documentaire (dossier, p. 102) : « Par petits groupes, effec-tuez des recherches sur les médecins et la médecine au temps deMolière. De quels savoirs disposaient les médecins ? pour soignerquelles maladies ? avec quels remèdes ? Vous pourrez présenter le fruitde vos recherches sous la forme d’un exposé oral. »

On vérifiera que les élèves ont trouvé des éléments relatifs aux mala-dies, aux malades, aux médecins et à leurs pratiques au XVIIe siècle, tantau niveau des textes que des images. On s’assurera notamment qu’ilsont bien pris conscience de la fragilité du savoir médical afin de bienpouvoir comprendre les formes et enjeux de la satire de la médecine etdes médecins dans les comédies de Molière.

• Textes d’accompagnement

Pour bien appréhender quelques-unes des différentes manières donts’exerce la satire de la médecine dans les comédies de Molière, on pro-posera aux élèves de lire comme textes d’accompagnement la scène 5du Mariage forcé (1664), la scène 2 de l’acte II du Médecin malgré lui(1666) et la scène 10 de l’acte III du Malade imaginaire (1673) et derépondre pour chaque texte à une question, centrée sur la notion decomique (dossier, p. 102-114).

On vérifiera que les élèves ont bien relevé ce sur quoi repose lecomique dans les différents extraits proposés et qu’ils ont repéré leslacunes du savoir médical et les travers des médecins dénoncés parMolière via les personnages de Marphurius, Sganarelle et Toinette.

• Travail d’écriture

On prolongera la lecture des extraits de la séance avec l’exerciced’écriture proposé dans la section « À vos plumes ! » (dossier, p. 114) :« À votre tour, écrivez en une quarantaine de lignes une scène qui seraune consultation donnée par un faux médecin à un vrai ou à un fauxmalade, et dans laquelle vous privilégierez le comique de répétition… »Les différentes productions pourront être lues en classe. L’une d’ellespourra être mise en scène et jouée.

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• Mise en scène

On terminera cette quatrième séance sur le travail de mise en scèneproposé dans la section « À vous de jouer ! » (dossier, p. 114) : « Parpetits groupes, mettez en scène et jouez la scène 5 du Mariage forcé ou lascène 2 de l’acte II du Médecin malgré lui ou encore la scène 10 del’acte III du Malade imaginaire. Vous accorderez un soin tout particulierau choix des costumes et aux déplacements des personnages. » Lareprésentation des trois scènes ou de l’une ou l’autre permettra depoursuivre le travail entamé sur le jeu de l’acteur.

Séance n° 5 : Le Médecin volant sur les planches– la mise en scène de Dario Fo

Objectif → Mettre en évidence l’originalité de la mise en scène de Dario Fopar l’analyse de croquis, de photographies, et de la représen-tation filmée.

Support → Dossier, p. 115-127.

Parmi les grandes mises en scène auxquelles a donné lieu Le Médecinvolant figure notamment celle du dramaturge, comédien et metteur enscène italien Dario Fo, qui a été créée à la Comédie-Française le 9 juin1990. Cette mise en scène ayant été filmée, on dispose d’un documentpassionnant pour réfléchir sur la mise en scène, le jeu théâtral, la repré-sentation. On proposera aux élèves de comparer les croquis préparatoiresélaborés par Dario Fo et insérés à la fin du dossier, avec le résultat finalfilmé à la Comédie-Française 1, en répondant aux questions suivantes.

1. La mise en scèneSur quel aspect du théâtre de Molière Dario Fo a-t-il voulu mettre

l’accent ? le texte ? les jeux scéniques ? Quels éléments de la mise enscène rappellent l’univers de la commedia dell’arte ?

2. L’espace scéniqueDans quel décor le metteur en scène a-t-il choisi de faire évoluer ses

acteurs ? Ce décor change-t-il au cours de la représentation ou reste-t-iltel quel ? Pourquoi Dario Fo a-t-il choisi ce décor ?

3. Les personnagesCaractérisez le jeu de chaque personnage. Quelle est la nature de

leurs rapports ? En quoi le jeu des acteurs correspond-il au parti adopté

1. France 3 et la Sept production, 1992.

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par le metteur en scène ? Décrivez leur costume. Ont-ils des acces-soires ? Décrivez leur gestuelle. Occupe-t-elle une place importante dansla mise en scène ? Quel ton les personnages adoptent-ils ?

4. Le jeu scéniqueQuelles relations les personnages entretiennent-ils ? Intéressez-vous

par exemple à celles qu’entretiennent Sganarelle et Valère, ou Sgana-relle et Gorgibus.

5. À vous de jouer !Si vous étiez metteur en scène… Quel aspect du Médecin volant souhai-

teriez-vous mettre en évidence ? Pour cela, quel serait pour vous le décoridéal ? Dans quels costumes et avec quels accessoires les personnagesévolueraient-ils ? Quelle gestuelle leur demanderiez-vous d’adopter ?Quel ton ? Quel débit ? Si vous étiez comédien… Quel personnageaimeriez-vous incarner ? Pourquoi ? Comment joueriez-vous son rôle ?

IV. Orientations bibliographiques

Sur le Grand SiècleBÉNICHOU, Paul, Morales du Grand Siècle, Gallimard, 1948, rééd., coll. « Folio »,

1988.MONGRÉDIEN, Georges, La Vie quotidienne des comédiens au temps de Molière, Hachette,

1966.ZUBER, Roger, La Littérature française du XVIIe siècle, Presses universitaires de France,

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Sur MolièreBOULGAKOV, Mikhaïl, La Vie de monsieur de Molière, Seuil, 1955.BRAY, René, Molière homme de théâtre, Mercure de France, 1992.COPEAU, Jacques, Molière, Gallimard, 1976.FERNANDEZ, Ramon, Molière ou l’Essence du génie comique, Grasset, 1929, rééd. 1979.SIMON, Alfred, Molière, Seuil, 1957.

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Dominique LANNI.

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