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Le Mariage Forcé …………. Texte : Molière Création 2009 – Compagnie Pièces et Main d’Oeuvre

Mise en scène : Abdellatif Baybay Interprétation : Edwige Bage / Patrice Connard / Nicolas Gréory Musique : Nicolas Gréory Scénographie : Eric Minette Lumières : Bruno Teutsch Dossier pédagogique : Adeline Nesme / [email protected] * Les visuels de ce dossier ont été pris lors des répétitions du spectacle.* Création au Théâtre de l'Ecluse

Compagnie Pièces et Main d'Oeuvre Théâtre de l'Ecluse 47, rue des Acacias 72000 Le Mans 02.43.16.36.68 [email protected] http://pmoecluse.unblog.fr

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MOLIERE......................................................

Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622 - 1673) est un dramaturge et comédien emblématique du théâtre français.

Considéré comme l'âme de la Comédie-Française, il en est toujours l'auteur le plus joué. Impitoyable pour le pédantisme des faux savants, le mensonge des médecins ignorants, la prétention des bourgeois enrichis, Molière aime la jeunesse qu'il veut libérer des contraintes absurdes. Très loin des rigueurs de la dévotion ou de l'ascétisme, son rôle de moraliste s'arrête là où il l'a défini : « Je ne sais s'il n'est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement», et son but a d'abord été de «faire rire les honnêtes gens». Il fait donc sienne la devise Castigat ridendo mores (en riant, elle châtie les mœurs) qui apparaît sur les tréteaux italiens dès les années 1620 en France, au sujet de la comédie.

Quelques œuvres de Molière… . Le Médecin volant / Farce en un acte et en prose / 1645 . L'Étourdi ou les Contretemps / Comédie en cinq actes et en vers / 1655 . Les Précieuses ridicules / Comédie en un acte et en prose / 1659 . Sganarelle ou le Cocu imaginaire / Comédie en un acte et en vers / 1660 . L'École des maris / Comédie en trois actes et en vers / 1661 . L'École des femmes Comédie en cinq actes et en vers 1662 . Le Mariage forcé / Comédie en un acte et en prose / 1664 . Tartuffe ou l'Imposteur / Comédie en cinq actes et en vers / 1664 . Dom Juan ou le Festin de pierre / Comédie en cinq actes et en prose / 1665 . L'Amour médecin / Comédie en trois actes et en prose / 1665 . Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux / Comédie en cinq actes et en vers / 1666 . Le Médecin malgré lui / Comédie en trois actes et en prose / 1666 . George Dandin ou le Mari confondu / Comédie en trois actes et en prose / 1668 . L'Avare ou l'École du mensonge / Comédie en cinq actes et en prose / 1668 . Le Bourgeois gentilhomme / Comédie ballet en cinq actes et en prose / 1670 . Les Fourberies de Scapin / Comédie en trois actes et en prose / 1671 . Les Femmes savantes /Comédie en cinq actes et en vers / 1672 . Le Malade imaginaire / Comédie, musique et danses en trois actes et en prose / 1673

LULLY………………………………………… Jean-Baptiste Lully, (1632-1687), est un compositeur français d'origine italienne, surintendant de la musique de Louis XIV. Par ses dons de musicien et d'organisateur aussi bien que de courtisan et d'intrigant, Lully domina l'ensemble de la vie musicale en France à l'époque du Roi-Soleil. Il fut à l'origine de plusieurs formes qu'il organisa ou conçut : la tragédie lyrique, le grand motet, l'ouverture à la française. Son influence sur toute la musique européenne de son époque fut grande, et nombreux parmi les plus doués, Henry Purcell, Georg Friedrich Haendel, Johann Sebastian Bach, Jean-Philippe Rameau, lui sont redevables à un titre ou un autre.

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LE MARIAGE FORCE Le 29 janvier 1664, à la demande de Louis XIV, Molière et Lully allient pour la première fois leurs talents : Le Mariage forcé, ballet du Roi fut présenté au peuple parisien dès le 15 février 1664. Il comportait alors trois actes et des ballets dansés par le monarque, quelques grands seigneurs et quelques danseurs professionnels. C'est avec cette oeuvre que le terme de comédie ballet revêt toute sa signification : la musique fait partie intégrante de l'action. Mais les représentations se soldèrent par un échec, les dépenses dépassant rapidement les recettes, la pièce disparut alors de l’affiche. En 1668, suite à un désaccord avec Lully, Molière retravailla le Mariage forcé et le transforma en une farce en un acte, sans ballet, qui fut reprise tout les ans après sa mort. RESUME.................................................... Piégé par une promesse qu'il a faite, un vieux fiancé soucieux cherche par tous les moyens à annuler son mariage imminent avec une charmante et jeune demoiselle. Fiancé à la ravissante Dorimène, une jeune fille très impatiente de se libérer de l'emprise paternelle, Sganarelle craint, à juste titre, qu'un tel mariage ne lui fasse encourir « la disgrâce dont on ne plaint personne ». Ainsi, entreprend t-il de glaner ça et là quelques conseils avisés. C'est le prétexte pour voir apparaître toute une galerie de personnages stéréotypés dignes des farces de Molière. Il commence par consulter son ami Géronimo qui tente vainement de le convaincre que le mariage est l'affaire des jeunes gens et qu'il serait pure folie que de songer à se marier à un âge si avancé... Sganarelle se tourne ensuite vers deux philosophes : le premier, docteur aristotélicien, ne l'écoute pas car il est encore tout à la dispute qu'il vient d'avoir au sujet des chapeaux et exige que l'on s'adresse à lui en usant de la logique scolastique. Le second, disciple de Pyrrhon, ne peut répondre que par oui et par non à la question de savoir si Sganarelle doit se marier. Toujours aussi inquiet, Sganarelle se tourne en désespoir de cause vers deux diseuses de bonne aventure qui ne feront que l'embrouiller un peu plus. C'est alors qu'il surprend une conversation entre sa belle mignonne et son amant, qui le dissuade sur le champ à tenir sa promesse. Mais le frère de Dorimène ne l'entend pas de cette oreille, il provoque Sganarelle en duel, puis se résout, en toute logique, à le rouer de coup de bâton jusqu'à ce que celui ci accepte d'épouser sa promise. De vieux fiancé heureux, Sganarelle devient marié et cocu le couteau sous la gorge... il se pourrait tout de même qu'il l'ai bien mérité... LES PERSONNAGES …………...................... Sganarelle Géronimo Dorimène jeune coquette, promise de Sganarelle Alcantor père de Dorimène Alcidas frère de Dorimène Lycaste amant de Dorimène Deux égyptiennes Pancrace docteur aristotélicien Marphurius docteur pyrrhonien Le Magicien

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COMPOSITION ……………………………… Le point de vue de l’auteur A l’origine, le Mariage forcé devait servir et justifier le ballet. Complètement remaniée, la pièce devient une comédie mascarade et voit disparaître les allégories du ballet au profit de la farce : caricature des deux savants (comique de caractères et de mots), la situation de Sganarelle (comique de gestes), les préoccupations traditionnelles et habituelles (la coquette, le faux gentilhomme, le cocu en puissance, le pédant imbu de lui-même, le barbon machiste avant l’heure…) un étonnant patchwork de personnages au servcie de la farce. Le spectateur est donc en terrain connu, il retrouve les personnages et les situations qui l’ont déjà fait rire auparavant. Les objectifs de l’écriture Ecrit à l’orgine pour être joué à la Cour, le Mariage forcé présente des passages à priori peu compréhensible pour le commun des mortels : les évocations de syllogisme, les règles d’Aristote et de Pyrrhon... Il paraît vraisemblable que ces divers éléments étaient brillant pour les érudits qui assistaient aux représentations et qui devaient se réconnaître au delà de la satire. Il semble que Molière ait réussi à appliquer ce qu’il se proposait de faire, à savoir “Je ne désespère pas de faire voir un jour, en grand auteur, que je puis citer Aristote et Horace.” Car même si les divagations des deux savants paraissent complétement farfelues, ils n’ont en fait pas tout à fait tort dans leurs raisonnements et Molière prouve alors sa connaissance pointue de la réthorique d’Aristote et de Pyrrhon. Que ce passage soit une critique acerbe des savants, n’empéchait pas les érudits d’y voir l’envie d’être reconnu comme un homme de culture. Il n’empêche que cette même pièce jouée devant un public populaire, fait rire par les différents travers qu’elle dénonce et que chacun peu reconnaître : ceux du spécialistes déconnecté de la réalité et tellement dévoré par sa passion qu’il n’est plus capable de communiquer avec autrui, celui qui croit pouvoir se faire passer pour un mondain bourgeois gentilhomme... On retrouve une fois de plus tout le talent de Molière, son universalité : chacun, quel que soit son rang, sa culture peut tirer parti de ce qu’il voit et en rire.

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STRUCTURE DE LA PIÈCE .............................. Le Mariage forcé reprend un des principaux thèmes de la farce : la crainte d’être cocu. La pièce en un acte montre les hésitations d’un homme d’âge mûr qui a brusquement décidé de se marier et veut être certain de ne pas se tromper : ce sera alors le prétexte pour présenter aux spectateurs toute une galerie de personnages stéréotypés et drôles avec Saganarelle dans le rôle principal. En effet, ce dernier, comme un fil conducteur, est présent dans chacune des dix scènes alors que les autres personnages n’apparaissent qu’un fois ou deux. Les dialogues, hormis celui entre Lycaste et Dorimène, qui dissuade Sganarelle de se marier, ont peu d’importance au point de vue de l’intrigue et ne la font pas progresser. Ils servent uniquement à faire rire les spectateurs et à donner plus de poids au personnage de Sganarelle. La première scène est en quelque sorte une vitrine de l’ensemble de la pièce, elle présente la situation : Sganarelle s’inquiète de savoir s’il fait bien de se marier mais ne supporte pas qu’on le lui déconseille : Sganarelle – “(...) C’est que je veux savoir de vous si je ferai bien de me marier.” Géronimo – “Qui, vous ?” Saganarelle – “Oui, moi-même en propre personne. Quel est votre avis là-dessus ?” Géronimo – “(...) Enfin je vous en dis nettement ma pensée. Je ne vous conseille point de songer au mariage ; et je vous trouverais le plus ridicule du monde, si, ayant été libre jusqu’à cette heure, vous alliez vous charger maintenant de la plus pesante des chaînes.” Sganarelle – “Et moi je vous dis que je suis résolu de me marier, et que je ne serai point ridicule en épousant la fille que je recherche.”

Il semble donc qu’il soit condamné au sort annoncé par le titre. C’est la deuxième scène qui déclenche ses angoisses, alors que sa promise, Dorimène, lui présente sa conception, très libre et scandaleuse pour l’époque du mariage. Dorimène – “ (...) J’ai cent fois souhaité qu’il me mariât, pour sortir promptement de la contrainte où j’étais avec lui, et me voir en état de faire ce que je voudrai. Dieu merci, vous êtes venu heureusement pour cela, et je me prépare désormais à me donner du divertissement et à réparer comme il faut le temps que j’ai perdu. Comme vous êtes un fort galant homme, et que vous savez comme il faut vivre, je crois que nous ferons le meilleur ménage du monde ensemble, et que vous ne serez point de ces maris incommodes qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. J’aime le jeu, les visites, les assemblées, les cadeaux et les promenades, en un mot, toutes les choses de plaisir. Nous n’aurons jamais aucun démêlé ensemble, et je ne vous contraindrai point dans vos actions, comme j’espère que vous ne me contraindrez point dans les miennes. Enfin nous vivrons, étant mariés, comme deux personnes qui savent leur monde. Aucun soupçon jaloux ne nous troublera la cervelle ; et c’est assez que vous serez assuré de ma fidélité comme je serai persuadée de la vôtre. mais qu’avez-vous ? je vous vois tout changé de visage.

Dans les scènes trois à six, Saganarelle cherche à calmer ses inquiêtudes : il retourne s’adresser à son ami Géronimo, qui, échaudé par la première scène, feint de manquer de temps. Puis, il va chercher soutien auprès de deux philosophes, trop occupés par les problèmes savants pour s’intéresser à lui. Enfin, auprès de deux égyptiennes diseuses de bonne aventure qui éludent elles aussi la question posée. C’est au cours de la septième scène que Sganarelle trouve enfin réponse à se question puisqu’il surprend une conversation en sa promise et un jeune amant, où celle-ci énonce clairement son intention de le tromper et sa certitude d’être veuve dans peu de temps. Il renonce alors complétement à l’idée du mariage. Dorimène – “(...) c’est un homme que je n’épouse point par amour et sa seule richesse me fait résoudre à l’accepter. Je n’ai point de bien ; vous n’en avez point aussi, et vous savez que sans cela on passe mal le temps du monde (...). J’ai embrassé cette occasion-ci de me mettre à l’aise ; et je l’ai fait sur l’éspèrance de me voir bientôt délivrée du barbon que je prends. C’est un homme qui mourra avant qu’il soit peu, et qui n’a tout au plus que six mois dans le ventre. Je vous le garantis défunt dans le temps que je dis ; et je n’aurai pas longuement à demander pour moi au Ciel l’heureux état de veuve. Ah! Nous parlions de vous et nous en disions tout le bien qu’on en saurait dire.

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Enfin, les trois dernières scènes entérinent la perte de Sganarelle, qui se voit contraint de choisir entre un duel avec le frère de Dorimène ou le mariage et devient donc cocu comme il se doit. Alcidas – “Monsieur je ne contrains personne ; mais il faut que vous vous battiez, ou que vous épousiez ma soeur.” Sganarelle – “Monsieur, je ne puis faire ni l’un ni l’autre, je vous assure.” Alcidas se rue sur Sganarelle à coup de bâton Alcidas – “Monsieur, j’ai tout les regrets du monde d’être obligé d’en user ainsi avec vous ; mais je ne cesserai point, s’il vous plaît, que vous n’ayez promis de vous battre, ou d’épouser ma soeur.” Sganarelle – “Hé bien ! j’épouserai, j’épouserai...”

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LES THÈMES ÉVOQUÉS .............................. La farce : l’arroseur arrosé La première scène présente l’enjeu de la pièce mais elle présente surtout le personnage principal Sganarelle, personnage comique de par plusieurs aspects : son refus de la vieillesse, son obstination “Je vous dis que je suis résolu de me marier”, “C’est un mariage qui se doit conclure ce soir”. On peut relever dans ces paroles le champs lexical de la décision et l’emploi du futur de certitude. Comique aussi et surtout de par sa vision caricaturale et égoïste du mariage. Les nombreuses occurences de “je” et de “me” montrent que Sganarelle ne pense qu’à son plaisir et à son confort. “Hé bien! ma belle, c’est maintenant que nous allons être heureux l’un et l’autre. Vous ne serez plus en droit de me rien refuser ; et je pourrai faire avec vous tout ce qu’il me plaira, s’en que personne s’en scandalise. Vous allez être à moi depuis la tête jusqu’aux pieds, et je serai maître de tout : de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de vos oreilles amoureuses, de votre petit menton joli, de vos petits tétons rondelets, de votre... ; enfin, toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai.”

Le dénouement est annoncé, justifié par le ridicule et l’obstination de Sganarelle à vouloir ce qui n’est pas fait pour lui. On assiste alors à un retournement de situation des plus comiques : d’heureux fiancé, Sganarelle devient un cocu conscient de l’être et contre sa volonté. Deux conceptions du mariage Soumission aux désirs du mari... Sganarelle à une conception de son époque, c’est à dire phallocratique.. aussi, son discours est celui de la possession, encourager par l’attitude de la famille de Dorimène qui n’hésite pas à mettre en vendre sa fille. Il ne cesse de lui faire la cour en utilisant un ton bêtifiant qui contraste avec la franchise et le sérieux de cette dernière : “belle mignonne”, “chère épouse de votre futur époux”, aimable pouponne”. L’accumulation d’adjectifs et de noms révélant une familiarité qui n’existe même pas entre les deux époux. La répétition de certains adjectifs montre le peu d’imagination de Sganarelle et surtout son manque de connaissances et d’habitudes en matière de femme. C’est pourquoi, il voit essentiellement dans le mariage le plaisir de la posséssion physique (champ lexical de la possession très présent) et se préoccupe peu du bonheur et du confort de sa future femme. Celle-ci sera en quelque sorte son trophée. Il semble alors évident que la conception de Dorimène sur le mariage soit complétement opposée à celle de Sganarelle. Réfléxion sur l’union libre Dorimène est loin d’être l’épouse douce et aimante que s’imagine Sganarelle. Elle se peint en toute franchise, tout d’abord comme une mondaine avide de tenir un rang qui n’est pas le sien, issue d’une famille faussement bourgeoise en mal de reconnaissance nobiliaire. Elle revendique ensuite tous les défauts assignés aux femmes dans les farces : dépensière – “je vais faire quelques emplettes”, “j’aime les cadeaux” – elle envoie déjà les factures à Sganarelle. Elle n’a que faire des soucis de l’épouse traditionnelle et revendique ouvertement le libertinage, inimaginable de la part d’une femme à l’époque de Molière. Elle annonce clairement à Sganarelle qu’elle entend bien le mener au doigt et à la baguette et qu’il se devra d’être un mari complaisant, qui se contentera de la croire fidèle sans pour autant chercher à le vérifier : “C’est assez que vous serez assuré de ma fidélité, comme je serai persuadée de la vôtre.” Aussi, la réponse de Dorimène, si scandaleuse qu’elle puisse paraître en ce 17ème siècle, sonne comme une revanche des femmes et comme l’annonce d’une juste punition.

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Caricature des savants et autres hommes de lettre La peste soit des pédants... Compliqué au niveau des conceptions et du vocabulaire, la quatrième et la cinquième scène, ne font pourtant pas progresser l’histoire. Au contraire, elles se résument en une critique acerbe des hommes de lettres mais aussi comme un moyen de plus pour ridiculiser complétement Sganarelle. Trois éléments intéressants sont cependant à souligner : * Le plus évident est la satire des pédants : Sganarelle ne peut communiquer ni avec Pancrace, ni avec Marphurius, qui ne l’écoute ni l’un ni l’autre, obnubilés par leurs connaissances et leur passion, ils sont tout simplement incapables d’écouter et de parler avec le monde extérieur : énumérations de concepts, de distinguos subtils, de syllogismes et de réthorique... * On retrouve ensuite un élément traditionnel de la farce : le comique de gestes. Sganarelle qui enferme Pancrace dans sa maison ou qui roue de coups Marphurius. * Enfin, ces deux scène sont un moyens de réconcilier Sganarelle avec les spectateurs : il n’est plus ici le barbon ridicule qui mérite son sort mais devient l’homme de bon sens auquel le spectateur peut s’identifier. Il s’impatiente à juste titre, il fait ce dont rêve le spectateur, rosser les pédants, mais surtout, il se montre tout aussi maître du langage que ceux-ci, se permettant de répondre à Marphurius avec ses propres arguments et ses propres tics de langages. Si Sganarelle mérite toujours le mauvais mariage qu’il s’apprête à faire, on ne peut s’empêcher de la plaindre et si la farce se termine sur la chronique d’un malheur annoncé, la pitié survient après le rire. Pancrace – “Oui je te soutiendrai par vives raisons que tu es un ignorant, ingorantissime, ignorantifiant, ingorantifié par tout les cas et modes imaginables” Sganarelle – “Il a pris querelle contre quelqu’un. Seigneur...” Pancrace – “Tu veux te mêler de raisonner, et tu ne sais pas suelement les éléments de la raison. Sganarelle – “La colère l’empêche de me voir. Seigneur...” Marphurius – “Que voulez-vous de moi, Seigneur Sganarelle ?” Sganarelle – “Seigneur Docteur, j’aurais besoin de votre conseil sur une petite affaire dont il s’agît, et je suis venu ici pour cela. Ah ! voilà qui va bien : il écoute le monde celui-ci.” Marphurius – “Seigneur Sganarelle, changez, s’il vous plaît, cette façon de parler. Notre philosophie ordonne de ne point énoncer de proposition décisive, de parler de tout avec incertitude, de suspendre toujours son jugement, et, par cette raison, vous ne devez pas dire : “Je suis venu” ; mais : “il me semble que je suis venu.” Un dialogue de sourd... Les deux dernières scènes illustrent également la farce : comique par le dialogue ironique qui accule Sganarelle au mariage. L’extrême politesse d’Alcidas et ses efforts pour expliquer la situation à Sganarelle contrastent avec le fond de son discours, plutôt violent puisqu’il demande à ce dernier de choisir entre un duel, des coups de bâton ou le mariage. Sganarelle, déconcerté met très longtemps à se rendre compte de la situation, ce qui fait automatiquement naître le rire. Alcidas lui laisse d’abord croire qu’il s’en tirera avec quelques regrets (gradation de “regret” à “fâché”, utilisation du conditionnel pour atténuer la réalité). Son incrédulité devant les épées n’aboutit qu’à un constat de manque de savoir-vivre ‘voilà un compliment fort mal tourné” – “la vilaine façon de parler que voilà”. Puis, il redevient le Sganarelle maître en langage avec un jeu de mot et une politesse exquise “Eh! Monsieur, rengainez ce compliment je vous prie” pour enfin se rendre compte qu’Alcidas, malgré ses prétentions à l’attitude d’homme de qualité, n’est en fait qu’un petit voyou manquant cruellement de savoir vivre “Quel diable d’homme est-ce ci ?”. Le dénouement est donc ambigu : Alcidas permet à une famille qui ne le méritait pas d’accéder à la bourse bien garnie de Sganarelle, en partie grâce à la bêtise de ce dernier. Il s’agit du triomphe des gens médiocres, avides et sans éducation. Et, l’excès d’ardeur tardive de Sganarelle lui fait perdre le bénéfice d’une vie plutôt sage par ailleurs.

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Jeux de mots, réparties insolentes, art de l’éloquence, discours trompeurs qui se succèdent sans cesse... Le Mariage forcé, comme nombreuses autres pièces de Molière, incarne la fête du verbe ; en effet; même si les autres formes de comiques, traditionnels dans la farce, sont nombreux, c’est le langage qui est à l’honneur : dans la réthorique de Dorimène; dans la naïveté de Sganarelle, dans sa capacité à faire taire les phraseurs de professions. Ici, nulle hypocrisie, nul mensonge, le langage dans sa crudité laisse éclater la vérité des personnages et c’est ce qui attire le spectateur, émerveillé devant ce qu’on cache habituellement dans la vie ou au théâtre. le Mariage forcé annonce toutes les vérités “pas bonnes à dire” ...sous la vérité, poindra bientôt la critique, féroce, avec toute la verve dont Molière est capable.

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MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE ............ Notes d’intention de mise en scène

J’ai monté il y a quelques années Le Médecin Volant, fête des apparences, du travestissement, qui finissait par conclure que l’habit effectivement suffisait souvent à faire le moine ou en l’occurrence le médecin. Dans la tradition du théâtre des tréteaux, j’avais développé un travail d’écriture avec la lumière pour accentuer le thème de l’illusion et du faux-semblant. Les personnages évoluaient dans un clair-obscur grâce à l’éclairage de lampes, bougies, perches, lustre… Il s’agissait également pour moi d’interroger le théâtre en tant que lieu de fabrique d’illusions…

Aujourd'hui, j'interroge à nouveau cet auteur, avec Le Mariage forcé.

Mon parti pris de mise en scène s'appuie sur le mariage du cinéma et du théâtre.

Le choix des projections cinématographiques :

Ma sélection s’est portée sur des films de cape et d’épée, de façon évidente. Le décor, les costumes... des films permettent de situer l’action dans un contexte historique mais permettent également de prolonger, de décupler l’intrigue de la pièce. Les projections cinématographiques habillent la scène de figurants, de carrosses, de façades de maisons à pans de bois… bref la subliment.

De plus, l'ensemble des personnages de la pièce, sont enfermés dans leurs discours, leurs certitudes: Sganarelle est persuadé qu'il est encore suffisamment jeune pour le mariage, et que sa promise sera des épouses des plus dociles. Pancrace se repaît de postulats, de dogmes, de doctrine linguistique qui réduis toutes discussion à un dialogue de sourd. Marphurius, est un philosophe qui se perd dans un palais de glace, ou il ne sait plus qui est de la copie ou de l'original....

Tous ces personnages, sont prisonniers de leur certitude ou tout doute est banni.

Dés lors, le langage de tous les protagonistes de Molière est la projection de cette idéologie.

J’ai voulu amplifier cette chose en l'additionnant au cinéma qui est le lieu de la fausse conscience de la rencontre, l’« illusion de la rencontre ». Dans une société où personne ne peut plus être reconnu par les autres, chaque individu devient incapable de reconnaître sa propre réalité. L’idéologie est chez elle ; la séparation a bâti son monde.

J’ai choisi de restreindre mon choix au cinéma muet. D’abord pour son grain, sa patine. De plus, le côté suranné voire désuet de ce cinéma participe directement de l’esthétique foraine du décor de la pièce, un décor volontairement « de guingois ». Ensuite, le jeu des comédiens de ces films étant exagérément expressionniste, lié bien sûr à l’absence de la parole, il souligne en cela un héritage théâtral. Leur jeu expressionniste vient renforcer, démultiplier la mise en scène. Enfin, le cinéma a allégrement pillé les grands mythes littéraires et les personnages dramatiques, mon propos est de piller, de la même façon le cinéma. Ces grandes figures de la littérature vampirisées par le cinéma se retrouveront projetées de nouveau mais pour servir cette fois, l’illusion du théâtre. Ainsi, le Mariage forcé devient une camera obscura, où les personnages de la pièce sont révélés par d’autres illustres fantômes du théâtre et du roman. Mais la raison principale est que j’ai voulu questionner le caractère contemporain de la pièce de Molière, au-delà des thèmes abordés par l’auteur (l’union libre, le charlatanisme,…), mais en pointant la re-présentation d’une époque par une autre. Il m’apparaît que le cinéma est l’archétype de cette re-présentation. Il ne se soucie guère de véracité historique, mais est au contraire la projection déformée, tronquée, abusée (ou abusive) d’une société sur son Histoire. Surtout, derrière tous les thèmes abordés dans la pièce, Molière, auteur intimiste, questionne l'individu, à la fois être social et être amoureux. Et utilise le couple comme laboratoire pour tenter de répondre à cette interrogation:

Former un couple c'est n'être qu'un, mais lequel ?

Abdellatif Baybay

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Rencontre entre deux ésthétiques Comme la rencontre entre la comédie et le ballet, le parti pris était de marier deux ésthétiques : le théâtre et le cinéma. Il ne s’agît pas d’un hommage au cinéma mais plutôt de montrer comment les deux arts se sont toujours croisés, inspirés l’un de l’autre que se soit dans les techniques mais aussi dans les personnages, les ambiances... Toutes les images projetées proviennent du cinéma muet et sont largement inspirées des films de capes et d’épée. La projection à plusieurs objectifs tout au long de la pièce : . La source iconographique projetée tient lieu de décor : autrement dit, le film peut être vu comme un décor pour le jeu des comédiens. Le cinéma est alors utilisé comme illustration d’une époque. La première scène, rencontre entre Sganarelle et Géronimo est illustrée par la projection de faubourgs et de marchés.

. Les projections sont aussi parfois un moyen d’illustrer les sentiments éprouvés par les personnages où les différentes actions menées. La scène de dialogue entre Sganarelle et l’un des deux philosophes est par exemple illustrée par la projection de génériques de film, comme un dialogue sans fin et surtout sans intérêt.

Il s’agît plutôt d’utiliser “la mythologie” du cinéma pour rendre contemporaine une époque passée. On peut parler d’une utilisation “foraine” du cinéma qui n’est pas sans rappeller le théâtre de tréteaux de Molière. Le cinéma muet Vers le milieu du XIXe siècle, certains chercheurs s'intéressent à la décomposition du mouvement. Ils s'inspireront de jouets qui donnent, par la succession de dessins mobiles, une illusion de mouvement. Dès 1863, les progrès de la photographie permettent de faire des instantanés. Après les travaux de l'Américain Eadweard Muybridge sur la décomposition du mouvement, le Français Étienne-Jules Marey met au point en 1888 le chrono photographe, ancêtre de la caméra, qui capte plusieurs images par seconde. Thomas Edison invente le kinétoscope, armoire dans laquelle un spectateur peut suivre le spectacle enregistré, et en 1895, les frères Lumière réalisent le premier appareil de projection capable d'assurer de manière satisfaisante la prise de vue comme la projection, le cinématographe, qui fera d'eux, après Edison, les pères du cinéma. Le 28 décembre 1895, à Paris, dans le sous-sol du Salon indien, est effectuée la première projection publique du cinématographe. Le public assiste à la projection de dix films très courts (17 mètres de longueur), dont la Sortie de l'usine Lumière à Lyon (le premier film au monde), et le Jardinier (plus tard renommé l'Arroseur arrosé). Pendant une dizaine d'années, les vues Lumières sont couronnées de succès et imitées partout dans le monde. En France, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et ailleurs, bricoleurs et esprits fantasques se mettent à tourner des milliers de petits films, les projetant avec les moyens du bord dans les cafés ou les baraques foraines. Parmi eux se détache Alice Guy, pionnière avec La Fée aux choux en 1896, premier d'une longue liste de longs-métrages. Edison filme des numéros de cirque pour son kinétoscope, mais ses mises en scène ne seront pas remarquées. Georges Méliès sera le premier à intégrer avec succès la scénographie du music-hall et du théâtre de variétés à la technique cinématographique. Son Voyage dans la Lune (1902) connaîtra un succès mondial. Même si certains réalisateurs comme Léonce Perret en France avait déjà eu l'idée d'accompagner un film de musique, c'est la firme des frères Warner qui se lancera la première dans le film parlant, avec Don Juan (1926) où l'on a simplement ajouté une musique à l'image, puis avec le Chanteur de jazz (1927). Il est à noter que si l'histoire du cinéma établit ce film comme le premier parlant, ce n'est pas forcément vrai. En effet, certains courts Vitaphone étaient déjà parlant ; quant au Chanteur de Jazz, outre les passages musicaux, il n'est véritablement parlant que pendant quelques petites répliques d'Al Jolson vers la fin du film... Ces deux films d'Alan Crosland rapportent succès et bénéfice, assurant la suprématie du cinéma américain, et dévaluent radicalement les films muets jusqu'alors admirés. L'arrivée du parlant s'avérera, malheureusement, fatale pour les acteurs muets, à l'exception de certains comme Chaplin, Laurel et Hardy et les Marx Brothers.

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LA MUSIQUE DANS LE MARIAGE FORCE …. La référence à la comédie-ballet . La pièce originale Le Mariage Forcé est à l’origine une comédie-ballet, genre inventé par Molière et Lully en 1661 pour sa pièce « Les Fâcheux », où la comédie se mêle avec la musique et la danse. Dans Le Mariage Forcé, plus que dans la pièce précédente, le terme revêt toute sa signification, puisque la musique fait partie intégrante de l’action. Elle accompagne par exemple le songe de Sganarelle [scène 2], ou l’entrée des égyptiennes [scène 6]. A l’origine, la scène du magicien est même une scène chantée. La pièce se termine par un divertissement final, où le Roi est convié à danser, et où les personnages de la pièce continuent l’histoire : Sganarelle prend ainsi un cours de danse, ou encore Géronimo vient prévenir son ami qu’une grande mascarade est organisée en l’honneur de ses noces.

. L’adaptation Quelques clins d’œil au ballet original sont présents dans cette adaptation. On entend ainsi le Charivari Grotesque lors de la scène 1 lorsque Géronimo insiste sur l’âge avancé de Sganarelle [cf. partition 1], puis lorsqu’il se met à danser une bourrée pour prouver qu’il a « encore tous les mouvements de son corps » pour répondre à son ami [cf. partition 2]. Cette référence à la danse est plus tard tournée à la dérision, lors de la chorégraphie qu’improvisent Sganarelle et le philosophe Pancrace [scène 4]. En plus du divertissement final, la musique de Lully accompagnait également les entrées de certains personnages pendant l’action, ce qui a été gardé dans cette adaptation. La musique d’époque n’était pas une musique illustrative et donnait une part très restreinte aux sentiments, elle n’était qu’un prétexte à la danse et au divertissement. Lors de l’entrée des égyptiennes par exemple, la musique n’avait aucune connotation orientale [cf. partition 3]. Contrairement à cela, dans cette adaptation la musique sert à dépeindre le personnage lors de son entrée en scène, pour marquer son origine à l’aide de mélodies aux notes caractéristiques [annexe 1], comme pour Géronimo ou les égyptiennes, ou pour renforcer son caractère (Marphurius – Dorimène).

# Partition n°1 «Rondeau du Mariage Forcé » # Partition n°2 « Bourrée du mariage forcé »

Proposition d'écoute: Ces 2 morceaux sont disponibles sur le CD « Jean-Baptiste Lully: l'orchestre du Roi Soleil », interprétés par Le Concert des Nations.

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# Partition n°3 «Les égyptiennes» La référence au cinéma muet La présence d’une projection vidéo, et la manière dont les ombres sur la toile dévoilent les séquences cinématographiques, donnent lieu à un mariage entre théâtre et cinéma. . Les séquences muettes On trouve tout d’abord de véritables séquences cinématographiques muettes, par exemple au début de la pièce [scène 1] ou encore lorsque Sganarelle raconte son songe [scène 3]. La musique joue ici un rôle direct d’illustration de la séquence, à la manière d’un accompagnement de film muet, et met en lumière les émotions suscitées par les images [annexe 2]. . Le cinéma burlesque Le thème de la farce présent dans la pièce de Molière, et la présence du cinéma, a donné lieu à un recours aux grands thèmes du cinéma burlesque muet (B. Keaton – C. Chaplin) : gags visuels, comique de situation et de geste. . Les ponctuations musicales Comme un musicien qui accompagne en direct un film burlesque muet, le pianiste va ainsi ponctuer une chute ou une bastonnade, afin de renforcer la situation comique. Par extension, pour inclure directement ce procédé au théâtre vivant, il va également ponctuer certains mots ou phrases importantes du texte. Ces ponctuations ne sont pas forcément « musicales », elles peuvent être simplement un « effet » sur le piano, ce qui implique une approche inhabituelle de l’instrument. Par exemple, un étonnement va être ponctué par un groupe de notes graves appuyées avec force. Ou encore, une chute va être accompagnée d’un « glissando » : un doigt qui glisse sur le piano de l’aigu vers le grave, pour faire « tomber les notes » de la même manière que le personnage.

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. Le Ragtime Le cinéma muet peut être accompagné par différents styles musicaux (classique, jazz, ragtime…) dans toutes les formations (musicien seul, formations de musique de chambre, orchestre…). Le cinéma muet à caractère comique est quant à lui plutôt accompagné par le style « ragtime », et par extension le style « piano stride » qui est l’évolution de ce premier. Le ragtime prend naissance à la fin du 19ème siècle, sa figure emblématique étant Scott Joplin. Les deux grandes caractéristiques de ce style essentiellement pianistique sont : l’introduction de rythmes syncopés dans la mélodie, issu de l’influence de la musique africaine [annexe 3] ; l’usage d’un accompagnement de main gauche issu de la marche, qui est un balancement continu entre une basse et un accord, on appelle cela « faire la pompe » [annexe 4]. Ceci fait du ragtime une musique très dansante et rythmée. L’apport du jazz apparu quelques années plus tard a créé un nouveau style, le « piano stride », avec les pianistes James P. Johnson ou Jelly Ron Morton, qui reprend les mêmes principes du ragtime exposés ci-dessus, en y rajoutant l’usage de l’improvisation, l’interprétation swing du jazz, et l’usage de notes caractéristiques du blues. La musique de cette adaptation du Mariage Forcé reprend ces styles musicaux, afin de donner un caractère dansant et rythmé à la pièce, pour donner par exemple une sensation de précipitation à une course poursuite lors de la scène finale (reprise de Peacherine Rag, de Scott Joplin), ou encore pour accompagner la démarche d’un personnage [Marphurius – scène 5]. # Annexe 1 ……………………………………………… . Géronimo, l'espagnol La mélodie de son thème d'entrée est construite sur 2 gammes typiques du flamenco

Proposition d'écoute: Solo Quiero Caminar, Paco de Lucia . Les égyptiennes Gamme typiquement orientale

Proposition d'écoute: Metche Dershe, Mulatu Astatqé ("Les éthiopiques", vol.4) # Annexe 2 ……………………………………………… Pour illustrer le songe de Sganarelle, la gamme par tons est utilisée, car elle donne une sensation de temps suspendu et offre une sonorité étrange, mystérieuse…

Claude Debussy l'utilise souvent: on peut par exemple écouter le prélude n°2 "Voiles" (Livre 1), presque entièrement construit sur cette gamme, pour se rendre compte de l'effet provoqué par cette sonorité.

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# Annexe 3 ……………………………………………… Une syncope est une note placée sur un temps faible, ou une partie faible du temps, et prolongée sur le temps suivant. C'est en quelque sorte un déplacement de l'accent attendu par rapport à la pulsation. L'exemple est ce grand classique du Ragtime, "The Entertainer". Regardons comment le thème "tombe" par rapport à la pulsation.

Pulsation = Battement régulier de la musique (les temps) Avant l'apparition du ragtime, la mélodie aurait été écrite comme ceci :

Ici, beaucoup plus de notes sont jouées en même temps que la pulsation. Le rythme syncopé du ragtime rend donc le thème beaucoup plus dansant. # Annexe 4 ……………………………………………… Le rythme de la Main Gauche est inspiré du rythme de la marche (cake-walk). Il se traduit par un balancement entre une note grave (basse) et un accord (plusieurs notes appuyées en même temps).

On appelle souvent ce rythme "oom-pah-oom-pah", qui est un rythme régulier, sur la pulsation. C'est ce rythme qui donne l'impression de marcher, d'avancer Propositions d'écoute: The Entertainer et Peacherine Rag de Scott Joplin

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SUPPORTS PEDAGOGIQUES ………………... . Filmographie

Molière, Ariane Mnouchkine, 1978 Réalisé avec 120 comédiens, 600 participants, 1300 costumes, 220 décors et deux années de travail, ce film raconte, en quatre heures, l’aventure de Molière et de son siècle. Comment un petit garçon né en 1622 d'un père tapissier et d'une tendre mère qu'il perdra trop tôt, deviendra-t-il cet acteur prodigieux, cet auteur universel que nous connaissons tous si bien et si mal ? De son enfance à sa mort, nous allons suivre Molière et ses compagnons de route, de joie, de misère et de gloire dans cette France du 17ème siècle, sauvage et raffinée, et partager ses premières tentatives théâtrales, ses échecs, ses succès, ses combats et ses lâchetés. Epopée familière et grandiose où se heurtent dévots et libertins, paysans affamés et courtisans emperruqués, c'est aussi la vie d'un honnête homme qui mène jusqu'à l'épuisement une lutte incessante pour exercer son art en ce siècle de répression et d'hypocrisie violentes.

Molière, Laurent Tirard, 2006 En 1644, Molière n'a encore que vingt-deux ans. Criblé de dettes et poursuivi par les huissiers, il s'entête à monter sur scène des tragédies dans lesquelles il est indéniablement mauvais. Et puis un jour, après avoir été emprisonné par des créanciers impatients, il disparaît…

. Bibliographie Le roman de monsieur de Molière, Mikhaïl Boulgakov, première publication 1936

Boulgakov s’est fortement inspiré de la première biographie de Molière, La Vie de M. de Molière de Grimarest (1706). Mais la biographie de Boulgakov est résolument romanesque, comme il l’affirme lui-même : il raconte ce qui est certain à propos de Molière, dont la vie est loin d’être bien connue, et invente, en le précisant, quand il y a les trous. Ce livre étant d’une lecture assez difficile, il est recommandé pour des classes de lycéens.

Critique du livre et pistes de travail : « Web Lettres, le portail de l’enseignement des lettres. » http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=532

Molière, Roger Duchêne, première publication 1998 Molière n'a pas laissé de confidences. Pas une lettre, pas un mot. Il a près de quarante ans quand il commence à faire parler de lui. Sa vie et son oeuvre font scandale. On l'accuse de ruiner la religion, la famille, la morale. Et d'avoir épousé la fille de sa maîtresse, sa propre fille... Qui ne se priverait pas de le cocufier abondamment. Ses ennemis forgent sa légende noire, ses amis une légende dorée. Cette biographie les replace enfin dans leur contexte. En les prenant au sérieux, sans les tenir pour vraies, en les présentant au lecteur pour qu'il puisse juger à son tour.