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ceo* Le magazine des décideurs. Février 2010 Mutation. Robert Deillon sur le nouveau potentiel de l’aéroport de Genève. Stratégie. Jörg Wolle sur l’art de réinventer une entreprise. Orientation. Prof. Gerhard Schmidtchen et l’orientation dans le monde du travail.

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  • ceo*Le magazine des décideurs. Février 2010

    Mutation. Robert Deillon sur le nouveau potentiel de l’aéroport de Genève.Stratégie. Jörg Wolle sur l’art de réinventer une entreprise.Orientation. Prof. Gerhard Schmidtchen et l’orientation dans le monde du travail.

  • ceo/éditorial 03

    Il est encourageant de constater que lesdonnées économiques émettent à nouveaudes signaux positifs. Toutefois, sans pourautant faire preuve de pessimisme, souve-nons-nous «qu’une hirondelle ne fait pas leprintemps» et qu’il n’y a pas encore deraison vraiment convaincante de baisser lagarde. Nous ne pouvons même pas dire s’ils’agit d’une véritable crise. En effet, unecrise a un début et une fin. Or, il serait pourle moins hasardeux d’affirmer qu’il y auraune fin après le «retour à la normale» qui sedessine. Les derniers mois ont irrévocablementtransformé le contexte dans lequel la Suissedoit s’affirmer et faire ses preuves en tantque site d’implantation. C’est pourquoi il esttemps de procéder à un examen de la situa-tion et de passer en revue les points forts.Dans sa contribution à ce magazine, UrsLandolf met en exergue les atouts dont notrepays peut précisément se prévaloir pour se démarquer en tant que site d’implantationpour les entreprises. Pouvoir faire face au changement requiertune réorientation, et un état des lieux s’impose comme la première étape de ceprocessus. Actuellement, on peut observer

    dans tous les secteurs de l’économie, de laculture et de la société comment les indivi-dus et les institutions se réorientent. Pourles entreprises, la réorientation est liée à larecherche de nouveaux champs de crois-sance. Tout changement crée de nouvellesopportunités et l’avenir appartient à celui qui sait le plus vite et le plus habilement s’ensaisir. Toutefois, comment les choses sepassent-elles et d’où proviennent lesnouveaux points d’orientation? Dans notredossier «Mutation», les dirigeants de sixentreprises illustrent les différentes manièresd’aborder ce processus. Le prof. GerhardSchmidtchen nous livre, quant à lui, uneexplication du terme «orientation» en l’étatdes connaissances de la psychologiesociale et nous fait part de ses conclusionspour la gestion d’entreprise.

    Aussi bien de racines que d’ailesNos propres contributions ont égalementtoutes un lien avec la réorientation: la réces-sion remet brusquement la lutte contre lacriminalité économique à l’ordre du jour etlui attribue de nouvelles priorités, les FamilyOffices doivent répondre à des exigences deprofessionnalisme dignes de grands grou-pes. La communication sur les contributionsfinancières fournies par les entreprises à lacollectivité doit quant à elle changer deperspective et prendre ses distances parrapport à une pure observation de l’impôt

    Tout changement crée de nouvelles opportunités.L’avenir appartient à celui qui sait le plus vite et leplus habilement s’en saisir.

    Markus R. Neuhaus, administrateur délégué, PricewaterhouseCoopers

    sur les bénéfices afin d’aborder plus concrè-tement l’effort fiscal global. La nouvelleapproche de la Total Tax Contribution quenous avons conçue et développée en colla-boration avec economiesuisse nous livredes «first movers» qui nous permettent demettre en œuvre les nouvelles procédures. Il sera intéressant d’observer comment les pionniers sauront en tirer des avantagesconcurrentiels puis transformer, avec letemps, ces avantages en normes. D’un côté les crises recèlent à la fois desrisques et des opportunités, de l’autre, toutemutation requiert simultanément un état des lieux et de nouvelles perspectives; unetelle dualité est inéluctable et renforce lanécessité de disposer aussi bien de racinesque d’ailes. Nous avons trouvé intéressantde voir comment il est possible de résoudrecette tension entre sens des réalités etenthousiasme. Des personnalités passion-nantes nous font partager leurs réflexions àcet égard.

    Je vous souhaite une intéressante lecture.

    Markus R. Neuhaus

    Éditeur: PricewaterhouseCoopers SA, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich

    Rédacteurs en chef: Alexander Fleischer, [email protected], Franziska Zydek, [email protected]

    Directeur de la création: Dario Benassa, [email protected]

    Concept, rédaction et conception: purpur ag, publishing and communication, Zurich, [email protected]

    Copyright: magazine ceo PricewaterhouseCoopers.

    Les opinions exprimées par les différents auteurs ne correspondent pas forcément à celles de l’éditeur.

    Le magazine ceo paraît trois fois par an en français, en allemand et en anglais. Tirage: 26 000 exemplaires

    Commande d’abonnements gratuits et changements d’adresse: [email protected]

    Lithographie, impression: ud-print AG, Lucerne. Papier: Magno Satin FSC, sans bois, couché deux côtés, demi-mat, extra-blanc

  • 04 ceo/sommaire

    Ernst Bärtschi, PDG de Sika, sur l’impor-tance de la responsabilité écologique etsociale et sur les risques de méprise dans ledébat sur le développement durable.

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    ceo1/10. sommaire

    Claude Nobs, directeur du Montreux JazzFestival, écrit dans le forum ceo*:«Même quand tout va bien, je réfléchis à ceque je pourrais améliorer.»

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    dossier mutation

    Monique Bourquin, Country ManagingDirector d’Unilever Suisse, écrit dans leforum ceo*: «Quiconque se repose au lieud’aller de l’avant est rapidement dépassé.»

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    Frank Brinken, PDG de StarragHeckert,écrit dans le forum ceo*: «C’est justementen temps de grande incertitude que le chefdoit être un phare pour les collaborateurs etles clients.»

    10Gian A. Rossi, PDG pour la Suisse alémani-que, l’Europe centrale et l’Europe du Nord àla banque Julius Bär, voit des perspectivesde croissance pour la gestion de fortune.

    40

    Bernd Hasse, PDG de ING Real EstateGermany, sur le nouveau Alpenrhein Village Outlet en tant qu’investissement dans latendance à dénicher les bonnes affaires.

    44

    Jörg Wolle, PDG du groupe de servicesDKSH, sur la réorientation de l’entreprise etla nécessité de créer des structures degestion claires.

    36

    Le prof. Gerhard Schmidtchen s’exprimesur la nécessité d’encourager le développe-ment personnel et professionnel des colla-borateurs.

    34

    Sabine et Oliver Weisbrod, PDG de l’entre-prise de tissage de la soie Weisbrod-Zürrer:comment relancer une entreprise familialetraditionnelle grâce à de nouvelles idées.

    30

    Robert Deillon, directeur de l’aéroport de Genève, sur l’approche créative face au changement et les problèmes qui serésolvent (parfois) d’eux-mêmes.

    26

    Engagement social. Linus Gabrielsson,Senior Consultant chez PwC, et Patrik Elsa,spécialiste bancaire, ont fondé l’associationSocential qui met des investisseurs en relation avec des entreprises actives dans le domaine social.

    52

    expertise pwc

    Total Tax Contribution. Les entreprisessont souvent soupçonnées de ne pascontribuer suffisamment à la prospéritégénérale. Une analyse de l’effort fiscal despersonnes morales montre le contraire.

    13Family Offices. Face à une internationali-sation et à une réglementation croissan-tes, les Family Offices sont tributaires d’unconseil professionnel et indépendant.

    17Criminalité économique. Un grand nombred’entreprises réduisent aussi leurs coûtsdans le domaine de la prévention et ducontrôle de la criminalité économique, aurisque de favoriser un climat propice auxdélits.

    19La Suisse. Bien des groupes aux activitésinternationales pilotent leurs affaires entiè-rement ou partiellement depuis la Suisse.Pourtant, si elle offre de nombreux atouts,la Suisse n’en doit pas moins remettresans cesse en question son attrait face àla concurrence internationale.

    21Service. Etudes et analyses. Abonnementset adresses.

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    Photo de couverture: Qin Zhen/ChinaFotoPress/laif

    Les chefs d’entreprise sont plus quejamais incités à prévoir l’évolution et àposer à temps des jalons pour l’avenir.Des personnalités du monde économiqueet de l’enseignement en Suisse parlent deleurs expériences, de leurs perspectiveset de leurs stratégies.

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  • 06 ceo/forum

    Claude Nobs, 73 ans, est le cofondateur duMontreux Jazz Festival qu’il dirige depuis43 ans. Le groupe de rock Deep Purple lui a rendu hommage dans son tube planétaire«Smoke on the Water» en lui donnant lesurnom de «Funky Claude».

    Pour le premier festival, en 1967, nousavions imprimé 1200 billets d’entrée.Aujourd’hui, 1200 personnes travaillent pourle Montreux Jazz Festival. C’est une évolu-tion qui me remplit de fierté, mais surtout desatisfaction. Nous rêvions de grandeschoses et nous les avons accomplies. Maismême quand tout va bien, je réfléchis à ceque je pourrais améliorer. Mon objectif atoujours été de promouvoir les musiciens etde leur offrir une tribune artistique. Je n’aijamais voulu me mettre à l’avant-plan: c’estle Montreux Jazz Festival, pas le ClaudeNobs Festival. L’argent non plus n’a jamaisété ma priorité. En parallèle de mes activitésde directeur du festival, j’ai occupé pendant30 ans le poste de directeur général deWarner Music Switzerland; c’était un jobbien payé.L’argent rapporté par un festival était investidans le suivant. C’est ainsi que nous avonspu développer les infrastructures et honorerles contrats avec les artistes. Nous avonsdébuté avec un budget de CHF 8000; il estde 18 millions aujourd’hui. Cette année,nous avons signé un contrat un peu fouavec Prince, mais au final, les 8000 placesdisponibles pour les deux concerts organi-

    sés en dernière minute le 18 juillet 2009 onttoutes été vendues en l’espace de septminutes. Prince est un génie. Lorsqu’il avait18 ans, j’avais organisé ses trois premiersconcerts européens à Londres, Amsterdamet Paris. Le risque d’euphorie ou de mégalomanien’existe pas chez moi. J’ai des originesmodestes; elles ont laissé des traces. Toutce que je possède se trouve dans mes deuxchalets à Caux, un village qui surplombeMontreux. Je suis plutôt quelqu’un deréservé. Pendant les concerts, je ne quittepas les coulisses.Mon père était Bernois et ma mère Zuri-choise. J’ai grandi dans le village de Territet,qui fait partie de Montreux. À 17 ans, en1953, je suis parti à Bâle pour y suivre uneformation de cuisinier. Je partageais lachambre d’un autre apprenti qui avaitsouvent un verre dans le nez. J’étais seul etce fut une période difficile. J’ai ensuitetravaillé un an comme cuisinier au Palaisdes Congrès de Zurich. De retour àMontreux, j’ai été engagé par l’office detourisme, et c’est dans ce cadre, lors d’unvoyage professionnel à New York, que j’airendu une visite spontanée au président dela marque de disques Atlantic Records. J’yai rencontré la chanteuse de jazz RobertaFlack. C’est là que tout a commencé.J’ai gardé de mes années aux fourneaux lapassion de la cuisine. Mes portes sonttoujours ouvertes, les invités sont les bien-venus et, pendant le festival, j’accueille denombreux musiciens au chalet. Rassemblerles gens, voilà ce qui me plaît. Le trompet-tiste Miles Davis est la personne qui m’alaissé la plus forte impression. Sinon, j’entretiens des liens d’amitié étroits avec le producteur Quincy Jones; entre 1991 et

    1993, nous avons organisé le festivalensemble et, l’an dernier, des chanteuses et musiciens du monde entier ont fêté son75ème anniversaire avec un grand concert. Il y a aussi eu des échecs – et une catastro-phe: en 1971, un incendie s’est déclarépendant un concert de Frank Zappa aucasino, réduisant en cendres le bâtiment.Les membres du groupe de rock DeepPurple, qui avaient fait le déplacement pourenregistrer un disque, ont été témoins del’incident qui leur a inspiré le tube planétaire«Smoke on the Water». Certains habitantsde Montreux m’ont tenu pour responsablede l’incendie et voulaient que l’on arrête le festival. Je ne sais pas ce qu’on pense de moi à Montreux aujourd’hui. Je préfèrerester dans ma montagne. La nature estmon lieu de prédilection, je m’y promènesouvent avec mes chiens. Il y a trois ans, une seconde vie m’a étéofferte après une grave opération au cœur.Depuis lors, j’essaie de limiter mes appari-tions. J’y arrive difficilement, car j’aimetoujours autant être sur la route. À ma mort,le festival me survivra grâce à mon équipeet aux archives audio et vidéo. ThierryAmsallem, qui est mon partenaire profes-sionnel et dans le privé depuis plus de 20 ans et s’occupe des archives, y veilleraégalement. //

    Photo: Cédric Widmer

    forum1. sens des réalités/enthousiasme

    Claude Nobs. Nous rêvions de grandeschoses et nous les avons accomplies. Mais même quand tout va bien, je réfléchis à ce que je pourrais améliorer.

  • Monique Bourquin, lic. oec. HSG, a débutésa carrière professionnelle en 1990 auprèsde l’ancienne Price Waterhouse Manage-ment Consultants, puis a été engagée chezSTG-Coopers & Lybrand dans le secteurCorporate Finance pour passer ensuite en 1994 dans l’industrie alimentaire. Sesétapes: Knorr, Rivella, Mövenpick et Unile-ver Suisse, où elle est Country ManagingDirector depuis 2008.

    Sens des réalités/enthousiasme – une zonede tension? Pas pour moi. J’ai déjà connude nombreuses ascensions, mais sansjamais quitter la terre ferme. D’une part, cen’est pas dans ma nature et, d’autre part,j’ai toujours travaillé pour décrocher messuccès: les bonnes notes, la licence, unnouveau record personnel en sport, unenégociation fructueuse, gagner des parts de marché… tout cela me réjouit et j’aimefêter les succès comme il se doit. Maistoujours en gardant à l’esprit que l’on n’arien sans rien. Dans l’industrie des biens de consomma-tion, tout tourne autour des faits et chiffres.Le marché est très transparent. Noussommes à tout moment informés de l’évolu-tion de nos chiffres d’affaires et parts demarché et nous sommes évalués parrapport à cela. Les chiffres de toutes lesmarques que nous vendons en Suisse noussont communiqués quotidiennement etnous savons chaque soir où les affairesmarchent ou non. Lorsque les résultats sont

    négatifs, nous en identifions les causes et ycherchons des solutions. Dans le cascontraire, nous réfléchissons à la manièred’inscrire ce succès dans la durée. Larecette paraît simple, mais c’est un déficonsidérable et permanent: nous devonstoujours avoir une longueur d’avance sur laconcurrence. Cela nous réussit plutôt bien à l’heure actuelle. Notre chiffre d’affairesaugmente et nous gagnons des parts demarché. Nous fêtons cela dignement le jouroù nous apprenons la bonne nouvelle.Ensuite, nous mettons cette réussite decôté et passons à l’ordre du jour. Nous nepouvons nous permettre de nous installerconfortablement et de nous laisser porterpar les événements. Car il y a toujours unconcurrent qui réalise qu’il nous a cédé desparts de marché et qui va tout mettre enœuvre pour les reprendre. Quiconque serepose au lieu d’aller de l’avant est rapide-ment dépassé. L’inaction ne s’inscrit pasdans la nature de notre entreprise, ni dansla mienne d’ailleurs. J’aime le mouvementperpétuel et je m’attelle tous les jours avecplaisir à la tâche, avec tout ce que celaimplique. Je travaille volontiers pour vivre, mais mavie ne se résume pas à mon activité profes-sionnelle. Je fais également office de mère,d’épouse, de sœur et d’amie. Et c’est tantmieux: ma vie privée permet de relativiser et d’équilibrer – moi-même, mes succèsprofessionnels et aussi mes échecs – et elle me donne une bonne dose de pragma-tisme. Je ne me laisse pas griser par lesuccès ni démoraliser par les échecs. Siquelque chose ne va pas, je veux savoirpourquoi car je n’ai aucune envie que lamême erreur se répète deux fois. L’analyse

    est importante, que cela me concernepersonnellement ou non. Faire en sorte quenous travaillions au sein d’une cultureouverte est l’une des principales missionsque je me suis fixées. Je n’aime pas quel’on se taise quand je demande un avis. Jen’aime pas les collaborateurs tièdes,dépourvus de passion. Je préfère ceux quidisent ce qu’ils pensent et défendent leursidées avec des arguments solides. Mêmeou surtout lorsqu’ils ont une opinion diffé-rente. Les décisions sont ainsi élaborées etdéfendues par une équipe composée depersonnalités intelligentes. Au final, j’en suisconvaincue, ce climat ne peut que renforcerla qualité d’une décision.À propos de sens des réalités/enthou-siasme: je reçois de nombreuses invitations,parfois flatteuses, pour divers événements.Cela me réjouit, mais je sais aussi qu’ellestiennent souvent peu à ma proprepersonne. Si je devais un jour quitter mesfonctions, ces «faveurs» personnellesreviendraient à mon successeur. Un autreaspect lié à ma fonction est le confort maté-riel qu’elle me procure. J’en profite, c’estvrai, mais je suis aussi consciente que celapourrait changer très vite – en raison d’unemaladie, d’une restructuration ou encore simon envie de travailler disparaissait. Dansce dernier cas, je serais prête à renoncer àbien des choses, dès lors que le sentimentde rester fidèle à moi-même prime sur toutle reste. //

    Photo: Andri Pol

    forum2. sens des réalités/enthousiasme

    Monique Bourquin. Nous ne pouvons nouspermettre de nous installer confortablement etde nous laisser porter par les événements.Quiconque se repose sur ses lauriers au lieud’aller de l’avant est rapidement dépassé.

    08 ceo/forum

  • 10 ceo/forum

    Frank Brinken est PDG de StarragHeckertdepuis 2005. Ce fabricant de machines-outils de qualité, coté en bourse, fournit desclients du monde entier dans les secteursde l’aéronautique, des transports, de laproduction d’énergie et de la mécanique deprécision. L’entreprise compte environ 800collaborateurs et réalise un chiffre d’affairesde CHF 300 millions.

    Les cycles font partie de l’industrie desmachines-outils. En règle générale, cettealternance de hauts et de bas permet de garder le contact nécessaire avec lesréalités. Cependant, ces dernières annéesont vu des surcapacités considérablesstimulées par l’argent bon marché, corres-pondant à peu près à une fois et demi lademande mondiale de machines-outils.Personne n’avait prévu la rapidité de lachute, ni sa violence. En l’espace de quatremois, les commandes ont diminué de 70%en moyenne. Avec moins 45%, Starrag-Heckert ne s’en tire encore comparative-ment pas trop mal. Dans les périodes fastes, les erreurscommises ne se font sentir que lorsque leschoses vont moins bien. Nous avons ététrès prudents, avons consolidé nos fondspropres, amélioré les processus internes, etnous nous sommes peu endettés. Aumoment du boom, nous avons fait face àl’afflux de commandes en recourant à desintérimaires dont les contrats n’ont pas étéprolongés avec la récession. Aujourd’hui,nous devons exploiter tout l’éventail despossibilités, depuis le chômage partiel, les

    vacances imposées, les modèles de travailflexibles, la réduction du taux d’emploi,jusqu’aux licenciements. Je suis convaincuque la crise va durer plus longtemps que nele croient beaucoup. Nous avons certesatteint le creux de la vague, mais en 2010,nous allons sans doute rester au mêmeniveau. Dans trois ans, notre branche pour-rait bien présenter un aspect totalementdifférent de celui d’aujourd’hui car 30% dessociétés présentes sur le marché luttentpour leur survie. Les machines-outils ultra-modernes sont moins chères que jamais,les marges sont soumises à une pressionconsidérable. Chaque commande fait l’ob-jet d’une lutte acharnée. Le patron qui reste dans sa tour d’ivoire nevoit plus le sol. Or, c’est justement en tempsde grande incertitude que la présence d’unsupérieur est importante: le chef doit alorsêtre un phare pour les collaborateurs etpour les clients. Cela nécessite un engage-ment encore plus fort au sein de l’entrepriseet à l’extérieur, sur le marché. Aujourd’hui,nous ne pouvons pas abandonner notrepersonnel et devons l’informer sans tarderet sans enjoliver la réalité. Le personnelpeut s’accommoder de tout, sauf de l’incer-titude. Notre entreprise étant cotée enbourse, nous devons respecter les règlesdu jeu. StarragHeckert a des clients impor-tants qui veulent des renseignements depremière main sur notre situation économi-que. Il faut alors être capable de donner desexplications. Rester en contact avec les réalités supposeune certaine modestie. Les patrons nedoivent pas en rajouter. L’arrogance et lemanque de sensibilité culturelle n’ont riende professionnel. Par exemple, si vous vous

    comportez avec suffisance avec des clientsd’Extrême-Orient, vous pouvez oublier lacommande. StarragHeckert construitactuellement une usine de production enInde et nous devons accepter le fait que, là-bas, la mentalité n’est vraiment pas lamême. Les entreprises n’ont pas besoinnon plus de vouloir briller à tout prix. Tropde présentations dans les brochures d’entreprises sont du pur verbiage inter-changeable. Il est essentiel qu’un PDG prenne lui-mêmele pouls du marché. Par exemple, quevoudra l’industrie aéronautique en 2020?Nous partons du fait que les avions serontplus légers, génèreront moins de bruit etd’émissions et consommeront moins decarburant. Notre défi consiste à identifieraujourd’hui les produits qui seront recher-chés après-demain pour pouvoir livrerdemain les machines-outils nécessaires ànos clients. Sur le plan personnel, ma famille et monréseau de connaissances, que je cultivesciemment, sont importants pour moi,même si mon travail me prend énormémentde temps. Il faut avoir des relations sérieu-ses avec des personnes extérieures à l’en-treprise pour ne pas se perdre soi-même.De plus, mes responsabilités d’enseigne-ment à l’Université technique de Chemnitzm’aident et m’inspirent en permanence. Les discussions avec les étudiants sontparticulièrement stimulantes. //

    Photo: Markus Bärtschi

    forum3. sens des réalités/enthousiasme

    Frank Brinken. C’est justement en période de grande incertitude que la présence d’unsupérieur est importante: le chef doit alors être un phare pour les collaborateurs et pourles clients.

  • ceo1/10. expertise pwc

    Total Tax Contribution. Quelle est la charge fiscale des entreprises suisses? Page 13

    Family Offices. Un besoin de conseil tout comme les grands groupes. Page 17

    Criminalité économique. La crise favorise-t-elle la fraude? Page 19

    La Suisse en tant que site d’implantation. Renforcer l’attrait pour les multinationales. Page 21

    Service. Etudes et analyses. Page 23

    12 ceo/expertise pwc ceo/expertise pwc 13

    Publier la contribution desentreprises à lacommunauté

    Total Tax Contribution. Quelle est la chargefiscale des entreprises suisses?La Total Tax Contribution (TTC) est un sujet qui passionne les esprits car les entreprises sont souvent soupçonnées de ne pas contribuer suffisammentà la prospérité générale. Une analyse de l’effort fiscal des personnes moralesmontre le contraire.

    [email protected]

    Nous vivons sous le signe de la bonnegouvernance et de la transparence, deuxnotions qui s’appliquent également auxcontributions fiscales d’une entreprise. Or,les études en la matière se concentrenttraditionnellement sur un seul type d’impôt,l’impôt sur le bénéfice. Cela s’expliquesurtout par le fait que c’est le seul impôtcité nommément dans les comptes annuelsde la plupart des entreprises. Mais enréalité, les entreprises paient un grandnombre d’impôts et de taxes. Un état réca-pitulatif transparent de la charge fiscaletotale – la Total Tax Contribution – est dèslors le meilleur moyen de faire connaître lacontribution des entreprises à la collectivité.C’est seulement après avoir pris connais-sance de tous les impôts et de toutes lestaxes que les entreprises paient directementou indirectement que les parties prenantesseront capables d’estimer la contributionfiscale totale. En outre, la connaissance decette charge fiscale facilite la surveillanceinterne de la stratégie fiscale, des proces-sus et du profil de risque.

    PricewaterhouseCoopers a conduit desétudes sur la Total Tax Contribution danshuit pays déjà: l’Afrique du Sud, l’Australie,la Belgique, le Canada, les Etats-Unis,l’Inde, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.Cette année, PwC et economiesuisse sesont penchées pour la première fois surl’ensemble de la contribution fiscale de 58des 500 plus grandes entreprises de Suisse(totalisant 146 000 employés). Parmi lesparticipantes, onze sont cotées au SwissMarket Index (SMI) et représentent 71% dela capitalisation du marché du SMI. Cesdonnées se rapportent à 2007; toutefois,pour illustrer l’impact de la crise économi-que et financière sur les contributions fisca-les, l’enquête s’est fondée sur les chiffresde 2008 pour l’impôt sur le bénéfice. Lesrésultats de l’étude sont saisissants:• Les plus grandes entreprises de Suissecontribuent chaque année à hauteur deCHF 140 000 en moyenne par collaborateurà la collectivité. Ce montant comprend lesimpôts payés par l’entreprise elle-même, les

    impôts qu’elle répercute sur des tiers et lesimpôts prélevés sur le les salaires et lesprimes de ses employés. Au total, celareprésente CHF 21,7 milliards, soit quelque12% des recettes fiscales totales de laSuisse (Confédération, cantons et commu-nes) en 2007.• En temps de crise, c’est-à-dire lorsque lesentreprises enregistrent des pertes, l’Étatpeut cependant continuer à compter surdes contributions fiscales élevées de la partdes plus grandes entreprises. Ainsi, lemontant total des impôts générés par les 58entreprises considérées (soit ceux qu’ellespaient et ceux engendrés par l’activitééconomique) n’a diminué que de 15%seulement en 2008 par rapport à 2007. Une stabilité de 85% durant la crise la plusimportante est néanmoins considérable. • Pour les entreprises, il est de plus en plusimportant de comprendre leur Total TaxContribution, de la surveiller et de lacommuniquer.

    Importante fonction d’encaissement desentreprisesUne lecture plus approfondie de l’étude estrévélatrice. Le concept de Total Tax Contri-bution (cf. page 15) distingue les «taxesborne» des «taxes collected». Les «taxesborne» représentent la charge fiscale effec-tive des entreprises, c’est-à-dire les impôtsque les entreprises acquittent elles-mêmes.

    Armin Marti, responsable International Tax Services Suisse

  • En dehors des impôts sur le bénéfice, ils’agit par exemple des impôts sur le capital,des parts non récupérables de la TVA oudes cotisations des employeurs aux assu-rances sociales (cf. graphique ci-dessus).Les «taxes collected» sont les impôts quel’entreprise prélève auprès de tiers, le plussouvent des clients ou des collaborateurs,et reverse à l’État. Il s’agit donc d’une sortede poste transitoire qui repose toutefois surla performance économique de l’entreprise,sans laquelle ces impôts n’existeraient pas.De tels impôts génèrent par ailleurs uncertain travail administratif ainsi que des

    risques financiers en cas de déroulementincorrect. Les «taxes collected» compren-nent notamment les cotisations desemployeurs aux assurances sociales, la TVA et l’impôt anticipé, le droit de timbre denégociation (droit de timbre), l’impôt à lasource sur le revenu pour les salariés étran-gers non résidents et les taxes en relationavec la fiscalité de l’épargne de l’UE. Cesdernières demandent un travail importantpour préserver la compliance auprès desagents payeurs dans le secteur financier. Les entreprises qui ont participé à l’étudeont versé en 2007 un montant total de CHF18,2 milliards, se répartissant à raison deCHF 6,5 milliards pour les «taxes borne» etCHF 11,7 milliards pour les «taxes collec-ted». En d’autres termes: chaque franc

    d’impôt payé directement par ces grandesentreprises suisses génère un impôt tierssupplémentaire de CHF 1.78, perçu ettransféré à l’État. Par rapport à l’ensembledes recettes de l’État de l’année 2007, lesentreprises interrogées ont participé àhauteur de 10% à l’effort fiscal de la Suisse.Ce montant passe à 11,9% si l’on considèreégalement l’impôt sur le revenu des sala-riés. Cela est correct surtout pour lescomparaisons internationales car denombreux pays – contrairement à la Suisse– prélèvent l’impôt sur le revenu des sala-riés sous forme d’impôt à la source directe-ment auprès des entreprises.

    14 ceo/expertise pwc

    Profit 65,9%

    Property 5,0%

    People 17,7%

    Product 10,8%Planet 0,7%

    «Taxes borne» par catégorie fiscale

    Le concept TTC fait également une distinction par catégories fiscales, et distingue les cinq «P»: Profit (bénéfice), Property (fortune), People (collaborateurs), Product (production, vente et utilisation) et Planet (environnement). La part de la catégorie «People» double si l’on y ajoute les cotisations des employeurs aux caisses de pension.

    ceo/expertise pwc 15

    C’est en 2005 que PricewaterhouseCoopers a développé leconcept de Total Tax Contribution (TTC), avec pour objectif d’amé-liorer la transparence de la fiscalité des entreprises. TTC est unmodèle qui – quelle que soit la complexité du droit fiscal – saisit etprésente l’ensemble des charges fiscales d’une entreprise. Leconcept englobe tous les types d’impôts et de taxes importantspour une personne morale et repose sur une simple observation ducash-flow, permettant ainsi une comparaison directe avec lesrecettes publiées par l’État. Le concept TTC distingue les impôts acquittés directement parl’entreprise et influençant le compte de résultat, les«taxes borne»,de ceux que l’entreprise prélève et reverse à l’État, les «taxescollected». TTC saisit aussi les coûts de compliance en matièrefiscale. La Total Tax Rate (TTR), qui mesure la charge fiscale effec-tive totale d’une entreprise en mettant la somme des «taxes borne»en relation avec le bénéfice avant tous les «taxes borne», est une donnée essentielle du concept. En règle générale, la TTR estnettement plus élevée que la quote-part d’impôt sur le bénéficenormalement prise en considération.

    Toutefois, pour garantir la pertinence de toute comparaison inter-nationale, il faut d’abord s’entendre sur la définition du terme«impôt». En Suisse, le concept TTC repose sur un certain nombrede critères. Sont considérés comme impôts les versements qui• sont dus à l’État (Confédération, cantons et communes), à desorganisations étatiques ou à des autorités directement soumises àl’État dont, notamment, les institutions de prévoyance sociale;• sont obligatoires;• ne donnent droit à aucune contrepartie directe et servent aufinancement de tâches publiques.Les cotisations aux caisses de pension représentent une particula-rité de la Suisse dans la mesure où, alors qu’elles sont obligatoires,elles ne sont pas versées à l’État mais à des organisations majori-tairement privées. C’est pourquoi une interprétation plus stricte duconcept TTC ne les considère pas comme des impôts; il demeurecependant judicieux, pour quelques comparaisons internationales,d’en tenir compte lors de l’interprétation des analyses.

    Le concept de Total Tax Contribution

    Impôt sur le capital 3,13%

    Impôt anticipé 0,34%

    Autres charges sociales 3,13%

    Droit de timbre et droit de timbre d’émission 1,19%

    Impôt en relation avec les biens fonciers 0,71%

    Droit à l’importation 0,81%

    Taxe sur les produits pétroliers 0,52%Taxes routières 0,21%

    Autres impôts 0,88%

    Droit de timbre sur les primes d’assurance 0,24%

    Autres 11,15%

    TVA 8,89%

    AVS/AI/AC 14,54%

    Impôt sur le bénéfice 65,42%

    «Taxes borne» par type d’impôt

    En Suisse, une entreprise est concernée en moyenne par 18 «taxes borne» différentes. En 2007, l’impôt sur le bénéfice a représenté une part de 65,4%. Pourchaque franc versé en tant qu’impôt sur le bénéfice, les entreprises ont toutefois versé en sus plus de 50 centimes supplémentaires au titre d’autres «taxes borne».

  • 16 ceo/expertise pwc

    Toutefois, la charge fiscale ne pèse pas dela même manière sur tous les participants àl’étude. On observe au contraire, demanière surprenante, que certaines entre-prises contribuent nettement plus à l’effortfiscal que d’autres. C’est ainsi que les dixplus gros contribuables assument une partde presque 80% des «taxes borne» et de84% des «taxes collected». Le reste serépartit sur les 48 autres entreprises ayantfait l’objet de l’étude, lesquelles figurentparmi les 500 plus grandes de Suisse.

    Stabilité même en temps de criseLa plupart du temps, l’attention du publicest focalisée sur les impôts sur le bénéfice,et donc sur leur volatilité. Entre 2007 et2008, les impôts sur les bénéfices verséspar les participants à l’étude ont chuté deprès de 70%. La contribution fiscale totaledes entreprises analysées («taxes borne»,«taxes collected» et impôts sur le revenuprélevés sur les salaires des employés) nes’élève ainsi plus qu’à 15%, soit une fortebaisse. La plupart des autres recettes fisca-les telles que la TVA, les charges sociales,l’impôt anticipé, les droits de timbre et l’impôt sur le capital sont indépendantes du bénéfice et réagissent ainsi peu, ouseulement avec retard, aux fléchissementséconomiques. Deux constatations s’impo-sent dans ce contexte: d’une part, les entre-prises fournissent une contribution impor-tante à la collectivité, y compris en périodede crise conjoncturelle, et, d’autre part, lafocalisation fréquente sur les impôts sur lebénéfice fausse l’image de la charge fiscaletotale des entreprises.

    Effort fiscal élevé relatif aux collaborateurs L’effort fiscal relatif aux collaborateurscontribue dans une large mesure à la TotalTax Contribution, ce qui s’explique pourl’essentiel par les cotisations aux assuran-ces sociales. Une répartition des «taxesborne» par catégorie fiscale pour 2007souligne que leur part se monte à 17,7%,voire 35,6% si l’on intègre les cotisations deprévoyance professionnelle (ce qui est enpartie recommandé pour les comparaisonsinternationales). Cela correspond à deuxbons tiers des impôts sur le bénéfice del’année 2007. Ces chiffres reflètent le niveauélevé des salaires et la qualité du systèmesocial en Suisse. En revanche, les taxesliées à l’environnement sont (encore) peuimportantes (cf. graphique page 15).

    Système fiscal: un atout pour l’attrait entant que lieu d’implantationLe concept TTC permet de comparer lescharges fiscales des entreprises par delà lesfrontières nationales et, ainsi, de tirer desconclusions sur l’attrait en tant que lieud’implantation. En effet, la fiscalité comptetoujours parmi les critères les plus impor-tants dans le choix du lieu d’implantation.Une comparaison des résultats de l’étudeTTC en Suisse avec ceux d’autres pays quidisposent eux aussi de telles études montreque la Suisse est très bien positionnée: sil’on considère toutes les «taxes borne», ellese classe en deuxième position avec unTotal Tax Rate (TTR) de 30,2%, derrière leCanada. En tenant compte uniquement desimpôts sur le bénéfice, elle occupe même lepremier rang. Deux autres résultats méritent d’être cités:comme tous les pays aux structures fédéra-listes, la Suisse prélève un grand nombre detypes d’impôts, au total 49 «taxes borne» et «taxes collected» différentes. Toutefois,chaque entreprise n’est pas concernée partous ces types d’impôts. Les entreprisesexaminées dans le cadre de l’étude sontsoumises à 18 «taxes borne» et à 10 de«taxes collected» différentes. Un record encomparaison internationale, à relativisertoutefois par le fait que les entreprisespassent relativement peu de temps, pourautant qu’elles le prennent, à contrôler leurconformité fiscale. Cet avantage dusystème fiscal constitue un autre argumentconvaincant pour la Suisse en tant que lieud’implantation.

    CONCLUSIONLe concept Total Tax Contributionfournit aux entreprises un outil leurpermettant de comprendre, desurveiller et de communiquer demanière appropriée leur chargefiscale totale. Les exigences enmatière de Corporate Reporting etde transparence sont de plus enplus élevées, surtout pour lesentreprises cotées en bourse. Lesimpôts sur les bénéfices ne fontpas exception à cette règle. Enpubliant des informations sur leurcharge fiscale totale, les entrepri-ses peuvent exposer de manièretransparente, complète et compré-hensible leur contribution finan-cière aux différentes collectivitéspubliques. En interne, le conceptTTC fournit un outil de surveillancede la stratégie fiscale, des proces-sus et du profil de risque, etpermet de les adapter si néces-saire.

    ceo/expertise pwc 17

    [email protected]

    Un Family Office est une société dont l’ob-jectif est de gérer la fortune d’une famille entenant compte des intérêts spécifiques etdes préférences de celle-ci, avec le plus dediscrétion possible. Il n’existe pas de défini-tion exacte du terme ni des tâches. LesFamily Offices trouvent leur origine dans lesÉtats-Unis du XIXe siècle: l’industrialisationavait permis à quelques familles d’amasserune fortune telle qu’elles ne voulaient pas laconfier plus longtemps à des banques«normales» ou à des gérants de fortune.

    Préserver la prospérité à l’ère de lamondialisationDepuis, l’institution des Family Offices n’apas fondamentalement changé. La prioritéest accordée, du moins dans le mondeoccidental, au principe de la «family wealthprotection», de la préservation de la prospé-rité de la famille. L’environnement a toute-fois évolué: les familles et leurs portefeuillessont désormais disséminés dans le monde,rendant ainsi la gestion des Family Officesnettement plus complexe. Les différentssystèmes juridiques nationaux et les régle-mentations sont aussi importants pour lesgrands Family Offices que pour les groupesactifs à l’international. Il en va de même

    pour les dispositions fiscales, notammentsur les prix de compensation, les questionsd’impôt à la source ou de TVA et pour lerespect des conventions de double imposi-tion. Des sujets tels que compliance etgestion des risques, mais aussi consolida-tion, audit et rapport occupent de plus enplus souvent le devant de la scène pour lesgérants des Family Offices.En Suisse, on dénombre à ce jour environ300 à 400 Family Offices de structure et detaille les plus diverses. Il est possible de lesrépartir en trois grandes catégories: toutd’abord, des gérants de fortune et desavocats qui gèrent la plupart du temps unefamille aux structures relativement simples;puis les grandes banques et une série debanques privées «Multi-Family Offices», quiassument la gestion du patrimoine pourdiverses familles fortunées et fournissentd’autres services liés à cette gestion. Enfin,on trouve les Family Offices qui opèrent entant que sociétés autonomes et signent entant qu’entités juridiquement indépendan-tes. Ce type d’entreprises est en généraldestiné à des familles aux ramifications etaux structures patrimoniales complexes, à

    l’instar de Spectrum Value Management Ltdde Thomas Schmidheiny ou de CofraHolding, qui gère la fortune de la familleBrenninkmeyer (C&A). Renova Holding dumilliardaire russe Viktor Vekselberg présenteégalement les caractéristiques d’un FamilyOffice.Les dimensions de cette troisième catégoriel’attestent: la représentation traditionnelleselon laquelle un Family Office ne devraits’occuper que de quelques placementsfinanciers, d’une collection d’art et d’unengagement philanthropique est trèssouvent en deçà de la réalité. Il s’agit bienplus souvent de coordonner des participa-tions d’entreprises dispersées dans lemonde, des portefeuilles financierscomplexes ainsi que des investissementsdans l’immobilier et les matières premières– tout ceci en préservant l’équilibre desintérêts des membres de la famille ainsi quela plus stricte discrétion.

    Danger de l’approche traditionnelle duconseilSi leurs organigrammes sont souvent plusramifiés que ceux des groupes financiers etindustriels, les grands Family Offices nedisposent souvent que de ressources inter-nes de management beaucoup plus limi-tées, ce qui accroît d’autant plus leur besoinen conseil. Traditionnellement, ils recourentdonc à un grand nombre de prestatairesexternes, ce qui présente l’avantage de nelivrer que des informations choisies àchaque conseiller et de répondre ainsi aubesoin de discrétion des familles fortunées.

    Family Offices. Un besoin de conseil toutcomme les grands groupes.Les Family Offices ont pour objectif de préserver la prospérité de familles fortunées. Cette mission est d’autant plus difficile que la famille est dispersée etles structures patrimoniales sont complexes. Face à une internationalisation et à une réglementation croissantes, les Family Offices sont tributaires d’un conseilprofessionnel et indépendant.

    Préserver et accroître la fortunepar des moyensmodernes?

    Marcel Widrig, responsable Private Clients Suisse

  • Protéger, surtoutactuellement, lescollaborateurs decomportementsfautifs

    Gianfranco Mautone, responsable Forensic Services

    ceo/expertise pwc 19

    [email protected]

    La crise économique a-t-elle accru la vulné-rabilité des entreprises face à la fraude? La«Global Economic Crime Survey 2009» dePricewaterhouseCoopers est essentielle-ment consacrée à cette question. Il s’agitde la cinquième enquête menée par PwC àl’échelle mondiale, à laquelle 129 entrepri-ses suisses ont également participé. Le résultat pour la Suisse est étonnant – dumoins de prime abord: 17% seulement desentreprises suisses interrogées reconnais-sent avoir enregistré au moins un cas defraude au cours des douze derniers mois.Cette valeur est inférieure à celle ressortantde l’enquête précédente qui remonte à2007. Toutefois, la comparabilité des chif-fres est quelque peu restreinte par le faitque cette nouvelle enquête porte sur unepériode d’un an alors que la précédenteportait sur deux ans. Quoi qu’il en soit, 32%des entreprises suisses confrontées à descas de fraude constatent une augmentationdu nombre des délits.

    Peu d’occasions pour les délits comptablesLe nombre relativement modeste de cas decriminalité économique dans les entreprisessuisses – en moyenne internationale, 30%des entreprises interrogées ont été confron-tées à des fraudes – s’expliquerait en

    premier lieu par le fait que l’économie helvé-tique a moins souffert de la récessionmondiale que d’autres. Les entreprisessuisses ont moins de difficulté à obtenir desprêts auprès des banques que dans d’au-tres pays. Même si les contrôles de solvabi-lité sont plus sévères, on ne peut pas parlerde blocage des crédits. La tentation estdonc moins forte de gonfler les bilans et lesratios financiers pour plaire aux créanciers.Dans les faits, la part des délits comptablesen Suisse est nettement inférieure à lamoyenne mondiale (cf. tableau page 20).Autre explication possible: le fait que laSuisse, comme d’autres pays affichant destaux de fraude peu élevés, accorde uneimportance relativement grande à lagouvernance et à la compliance. Le nombrerelativement faible de cas de fraude et decorruption parle en faveur de cette hypo-thèse. En effet, le lien entre la prospéritéd’une nation et sa vulnérabilité à la corrup-tion est indiscutable. Il est toutefois trop tôt pour lever l’alerte. La crise économique n’est pas encoresurmontée et les entreprises sont toujoursprises entre la nécessité de réduire lescoûts et celle d’améliorer les processus. Laplupart des effets secondaires négatifs deces mesures n’apparaîtront cependant que

    lors de la prochaine reprise conjoncturelle.De nombreuses entreprises suisses en sontparfaitement conscientes: 29% des entre-prises sondées pensent qu’un contexteéconomique défavorable augmente lerisque de fraude.

    Fiabilité douteuse des chiffresPour interpréter correctement les résultatsde l’étude, il faut clarifier les choses: lesdonnées recueillies portent sur des casdécouverts communiqués par les entrepri-ses. Les chiffres réels sont certainementbeaucoup plus élevés, soit parce que lescas de fraude n’ont pas été découverts, soitparce que les entreprises craignent d’enfaire état:• 56% des entreprises suisses interrogéesdéplorent une dégradation de leur perfor-mance financière. Elles tentent alors del’améliorer en réduisant les coûts. Cesmesures d’économie n’épargnent pas lesbudgets attribués à la compliance et auxcontrôles internes, privant ainsi de plus enplus souvent l’audit interne de certainesressources financières et en personnel, etdébouchant sur une découverte des délitsmoins souvent systématique sur le planinterne. • Les entreprises qui procèdent à uneévaluation des risques de fraude décou-vrent davantage de délits que celles qui yrenoncent. Il existe en effet une corrélationentre la fréquence des contrôles de risqueset la quote-part de détection. Or, 17%seulement des entreprises sondées procè-dent à de tels contrôles deux fois par an oudavantage. Il convient par ailleurs de ne pas sous-esti-mer la réticence à reconnaître des délits, ne

    Criminalité économique. La crise favorise-t-elle la fraude?Aujourd’hui, un grand nombre d’entreprises réduisent leurs coûts dans le plus de domaines possible, y compris dans celui de la prévention et du contrôlede la criminalité économique, au risque de favoriser un climat propice auxdélits et d’en compliquer la détection.

    18 ceo/expertise pwc

    Mais cette approche n’est pas efficiente.Elle recèle le risque de doublons dans lesservices, de redondances et d’un manquede cohésion entre les prestations. Mais plusencore que le manque de rentabilité, onpeut déplorer les risques inhérents ausystème susceptibles d’émaner d’unmanque de transparence. C’est ce que l’onconstate déjà dans le domaine des place-ments financiers. Même si chaque porte-feuille est équilibré et correspond au profilde risque de la famille, certaines positionsisolées, une fois additionnées, peuventpourtant constituer de gros risques. Si un portefeuille de participations vient s’yajouter, ce qui est la règle dans les grandsFamily Offices, un conseil couvrant tous les

    volets et se fondant sur un réseau mondialsera d’autant plus important. Ce réseau estla condition sine qua non pour pouvoirmettre en place et entretenir des stucturesoptimales d’un point de vue organisationnelet fiscal qui soient en même temps respec-tueuses de toutes les lois et prescriptionsréglementaires. Il faut pouvoir réunir descompétences diverses: une expertise encomptabilité, en audit et en matière derapport doit être associée à des connais-sances professionnelles en évaluation et enCorporate Finance ainsi qu’à une connais-sance approfondie du droit fiscal. Laprésence d’experts en transactions et réor-ganisations ou en gestion immobilière peutégalement être requise suivant la situation.

    Cela ne vaut la plupart du temps pas lapeine qu’un Family Office se dote de toutesces compétences «in house», du moins paspour tous les aspects requis.Une telle combinaison de services sous unseul toit externe nécessite certes une bonnedose d’informations et de transparence,mais garantit un conseil professionnel etindépendant. Elle apporte à la famille elle-même davantage de sécurité pour lagestion de son patrimoine et la préservationde sa fortune par-delà les générations.

    CONCLUSIONLes grands Family Offices sontconfrontés aux mêmes défis queles groupes à vocation internatio-nale: optimiser les structures exis-tantes et prévues tout en minimi-sant les risques inhérents. Celarequiert une vision internationalequi tienne par ailleurs compte desaspects relatifs à la compliance, àla gestion des risques, à la comp-tabilité et à la planification fiscale.Pour accroître l’efficience de leursactivités et réduire les risques, lesFamily Offices ont un besoin élevéen conseil intersectoriel, coor-donné et connecté à l’internatio-nal. Un tel conseil contribue égale-ment à préserver à long terme lafortune des familles.

    Family Offices célèbres Le premier Family Office a été fondé en 1868 par Thomas Mellon, avocat et entrepre-neur de Pittsburgh. La T. Mellon & Sons’ Bank qui en est issue était considérée, àl’aube du XXe siècle, comme la plus grande banque privée entre New York et Chicago.Peu après Mellon, d’autres personnalités telles que John D. Rockefeller, Junius S.Morgan et Alexander Hamilton ont également créé leurs Family Offices; tous ces«bureaux de famille» se sont ensuite développés pour devenir des groupes exerçantdes activités dans le monde entier. Depuis ces débuts, les Family Offices ou, pourêtre plus précis, les établissements financiers qui en sont issus, se sont entremêlés.C’est ainsi que The Bank of New York Mellon provient, d’une part, de Thomas Mellonet, d’autre part, d’Alexander Hamilton (dont la réputation dépasse le seul statut debanquier pour atteindre celle d’homme politique et d’économiste).

    Le conseil aux Family Offices est semblable sur bien des points à celui prodigué aux groupes internationaux. Idéalement, l’interlocuteur du Family Office disposed’un réseau mondial grâce auquel il peut recourir aux experts les plus pointus dans les domaines les plus divers.

    ImpôtPlanification fiscale pour particuliers/entreprisesConseil fiscal en matière d’achat/vente d’entreprisesConseil fiscal en matière de placements alternatifsTravaux de compliance dans le domaine fiscalConseil fiscal dans le domaine immobilierConseil juridique

    AuditAudit et comptes consolidésAudit interne et contrôles spéciauxNormes comptablesSystèmes de contrôle internesÉvaluations et expertises

    Conseil économiqueGouvernance, analyse des risques et complianceSystèmes d’information du managementConseil en immobilierÉvaluationsConseil lors de ventes d’entreprises et de transactionsPrestations en matière de criminalité économique

    Modèle d’affaires pour Family Offices

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    Family OfficeUn

    interlocuteur

    Solutions

    Besoins

  • 20 ceo/expertise pwc

    sera ensuite augmenté des coûts indirectsrésultant des investigations, de l’élaborationet de l’installation de nouveaux mécanismeset processus de contrôle. Les dommagesimmatériels se traduisant par une perte deréputation, une baisse de la morale detravail et une perte de confiance dans lesrelations d’affaires sont, quant à eux, diffici-lement quantifiables. L’expérience montreque les entreprises sous-estiment grande-ment ces coûts indirects, et en particulierleur incidence sur les capacités de gestion.

    Une bonne culture d’entreprise pour unebonne préventionDès lors, quelle recommandation délivreraux entreprises? La criminalité économiquen’est pas une fatalité. L’empêcher est avanttout une question de culture d’entreprise,elle-même marquée par le «tone at the top»qui doit afficher sans ambiguïté une tolé-rance zéro envers les violations des règlesexternes et internes. Des mesures opéra-tionnelles et procédurales peuvent ensuitevenir souligner le sérieux de cette attitude,parmi lesquelles:

    • Des évaluations régulières et systémati-ques des risques. Celles-ci augmentent nonseulement le taux de détection des fraudes,mais leur seule existence a déjà un effetdissuasif. • La volonté de mettre à disposition desmoyens de contrôle et de prévention suffi-sants. Les mesures d’économie dans cedomaine peuvent occasionner à moyenterme des coûts notablement plus élevés.• Un système de sanctions clairement définiet appliqué systématiquement: la non-observation des règles doit être mesurée etsanctionnée selon des directives uniformesindépendamment de la personne et de lafonction. Les entreprises devraient appli-quer ces directives de manière systémati-que, en toute impartialité, et faire connaîtreles sanctions correspondantes. L’expérience montre que la publication desdélits et des sanctions a un effet préventif.Les entreprises qui ne craignent pas de lefaire augmentent la crédibilité, tant vers l’in-térieur que vers l’extérieur, de la tolérancezéro dans leur culture d’entreprise.

    serait-ce que par crainte de s’attirer unemauvaise publicité, ce qui est bien compré-hensible. En effet, l’énergie criminelledéployée par certains conduit facilement àdes déductions hâtives sur la culture del’entreprise; cela occasionne un préjudicedurable porté à la marque qui, à son tour,engendre un impact négatif sur la marchedes affaires. On comprend ainsi qu’uneculture d’entreprise ouverte et honnête estla meilleure mesure de prévention.

    Des managers fraudeursL’enquête révèle également certainestendances inquiétantes: les fraudes perpé-trées en interne en Suisse (46% de l’ensem-ble des cas) le sont pour 70% aux plushauts échelons, à savoir par des cadres oudes dirigeants. Ce chiffre élevé s’explique principalementpar le fait que les cadres et dirigeantsconnaissent les mécanismes de contrôle etsont par conséquent à même de lescontourner. En temps de crise, une autreexplication vient se greffer à la première: ilest plus difficile d’atteindre des objectifs deperformance souvent très ambitieux. Or, laréalisation de ces objectifs est déterminantepour l’avancement interne ainsi que pourl’obtention de primes liées auxdits objectifs.Ainsi, pour maintenir leur réputation et leurtrain de vie, certains cadres peuvent êtretentés de commettre des actes criminels.

    Sous-estimation des coûts indirectsEn moyenne, un cas de fraude découvert semonte à environ CHF 1,5 million, et même àplus de CHF 5 millions dans 18% des cas. Ilne s’agit ici que du dommage immédiat qui

    Les détournements de fonds sont, de loin, l’acte criminel le plus répandu. Il s’y ajoute en Suisse un nombre souvent supérieur à la moyenne d’atteintes à la propriété intellectuelle, dû au grand nombre de brevets détenus par des groupes établis en Suisse. Le nombre relativement élevé des autres types de délits s’explique également par le fait que la détection des délits est plus performante et plus efficace en Suisse que dans d’autres pays.

    Types de délits en % des entreprises touchées

    Suisse Monde

    Détournements de fonds 64 67Délits comptables 27 38Atteintes à la propriété intellectuelle 27 15Blanchiment d’argent 14 12Corruption et subornation 9 27Délits d’initiés 5 4Espionnage 5 3

    La Suisse en tant que site d’implantation.Renforcer l’attrait pour les multinationales. Bien des groupes aux activités internationales pilotent leurs affaires entièrement ou partiellement à partir de la Suisse. Pourtant, si elle offre denombreux atouts, la Suisse n’en doit pas moins remettre sans cesse en question son attrait face à la concurrence mondiale.

    [email protected]

    Pour l’économie suisse, les multinationalessont plus importantes qu’on ne le pensesouvent. En 2004, elles ont généré 34% duproduit intérieur brut, dont 10% sont impu-tables à des groupes étrangers. Mais laconcurrence mondiale entre places écono-miques s’est accrue; l’expérience a montréque les multinationales remettent leur politi-que d’implantation en question tous lescinq ans. Dès lors, il ne suffit pas d’attirerde nouvelles entreprises, il faut égalementfidéliser celles qui ont leur siège en Suisse.

    À ce jour, de nombreux arguments parlenten faveur de la Suisse, ce que les tendan-ces de ces dernières années attestent:• Les groupes européens choisissent de

    plus en plus la Suisse comme «hub» pourleurs activités en Europe, voire pour yinstaller leur siège. Bien que réalisant laplus grande partie de leur chiffre d’affairesà l’étranger, les multinationales suissesrestent en Suisse.

    • Les groupes américains décident de plus en plus souvent de ne plus piloter à partirdes États-Unis les activités qu’ils exercenthors de leur marché national, adhérantainsi au principe du pilotage mondial.Dans la lignée de cette stratégie, déplacerau moins le siège principal Europe vers laSuisse est une option que les entreprisesaméricaines considèrent comme judi-cieuse.

    • On observe également un intérêt récent des groupes asiatiques et sud-américainsà prendre pied en Suisse, en particulierceux appartenant aux pays BRIC (Brésil,Russie, Inde et Chine). C’est ainsi que,grâce aux groupes russes de matièrespremières, la Suisse est devenue le plusgrand négociant de matières premièresbien que n’en possédant pas elle-même,exception faite de l’eau. Un autre exemplede l’attrait pérenne de la Suisse en tantque place financière pour les investis-seurs étrangers nous est livré par la Bankof China: en novembre 2008, elle a ouvertune succursale à Genève et, en septem-bre 2009, elle s’est lancée, à partir deGenève, dans le négoce de fonds euro-péens pour des montants considérables.Elle a justifié cette façon de faire en invo-quant la neutralité et la stabilité de notrepays ainsi que les connaissances de nosexperts.

    Un système fiscal aisément compréhensible et transparentBien des raisons parlent en faveur de laSuisse: sa situation au cœur de l’Europe,une culture à caractère international, sastabilité et sa sécurité juridique prononcées,la fiabilité et l’efficience de ses autorités,

    son infrastructure exemplaire, un potentielde personnel qualifié, sa qualité de vieélevée, sans oublier une charge fiscalestable et compétitive. Pourtant, les tauxfiscaux ne sont pas particulièrement bas encomparaison internationale: le taux d’impôtfédéral sur le bénéfice se monte à 8,5% etla charge fiscale à Zurich (ville et canton) à18,6% supplémentaires. Pour la comparai-son avec d’autres pays, il faut tenir comptedu fait que les impôts en Suisse peuventêtre comptabilisés comme charge déducti-ble. Il en résulte à Zurich une charge fiscaletotale de 21,3% du bénéfice avant impôt,alors qu’à Francfort-sur-le-Main, la chargefiscale comparable est d’environ 32%.Enfin, la Suisse pratique, pour certainesactivités transfrontalières, des taux fiscauxplus avantageux qui la rendent attrayantepour l’installation de sièges sociaux euro-péens et mondiaux. La Suisse se démarque en outre denombreux autres pays sur un point essen-tiel: le climat fiscal. Les autorités et unegrande partie de la population manifestentune certaine bienveillance à l’égard desentreprises. Cette attitude se reflète dansun système fiscal aisément compréhensibleet transparent qui avantage la Suisse dansla politique d’implantation par rapport à sesconcurrents. Prenons l’exemple des États-Unis: le principe de la taxation mondiale apour conséquence qu’une grande partie dela création de valeur réalisée hors desÉtats-Unis y est taxée une seconde fois.D’autres pays ont, certes, axé leur systèmefiscal sur un principe territorial, mais ontintroduit parallèlement le système de taxa-tion des «Controlled Foreign Corporations».

    Mettre judicieuse-ment les avantagesen lumière

    Urs Landolf, responsable Marchés Suisse

    ceo/expertise pwc 21

    CONCLUSIONPour lutter efficacement contre la criminalité économique, latolérance zéro doit impérativement être ancrée dans la cultured’entreprise. Même en temps de crise, les entreprises devraientdisposer de budgets suffisants pour la compliance et les contrô-les. Une évaluation régulière et systématique des risques permetd’augmenter le taux de détection des cas de fraude. Les sanc-tions devraient être appliquées de manière stricte et impartiale.

  • Marché suisse de l’énergie.

    Depuis l’introduction de la loi sur l’approvi-sionnement en électricité et les débatspublics portant sur les augmentations detarif, les entreprises suisses d’approvision-nement en énergie (EAE) sont de plus enplus sous le feu de l’actualité. Dans l’étudePwC «Tension sur le marché suisse del’énergie?», 101 dirigeants d’EAE analysentla situation actuelle dans le secteur énergé-tique.

    Commande gratuite auprès [email protected] ou téléchargementsous www.pwc.ch/energie.

    ceo/expertise pwc 23

    Etudes et analyses.

    Human Resource Services

    Executive Compensation & Corporate Governance2009 survey examining compensation structure in SMI and SMIM companies as well as an analysis of pay-for-performance for CEOs

    Une étude de PricewaterhouseCoopers Octobre 2009

    Tension sur le marché de l’énergie?

    Suisse

    Enquête sur la criminalité économique 2009Global Economic Crime SurveyNovembre 2009

    Service lecteurs:Si vous souhaitez davantage de détails, lesauteurs des thèmes techniques sont à votredisposition pour un entretien (l’adresse e-mail est toujours indiquée). Vous trouverezune liste complète des publications de PwCsous www.pwc.ch. Commande des publica-tions de PwC et abonnements ou change-ments d’adresse: [email protected] oufax 058 792 20 52.

    Abonnements:ceo, le magazine des décideurs publié par PricewaterhouseCoopers, paraît troisfois par an (français, allemand, anglais).Abonnement gratuit. Indiquer la languesouhaitée: [email protected]. Adresse: PricewaterhouseCoopers, maga-zine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich.

    Rémunération.

    Les systèmes de rémunération dépendentdirectement de la stratégie et de l’environ-nement dans lequel une entreprise déploieses activités. Pour la troisième édition del’étude «Executive Compensation & Corpo-rate Governance» de PwC Suisse, l’analysea porté sur les rapports de gestion de 48entreprises suisses cotées en bourse. Lesprescriptions de transparence en vigueurdepuis 2007 permettent pour la premièrefois une comparaison avec l’année précé-dente.

    Commande gratuite (en anglais) auprès [email protected] ou téléchargementsous www.pwc.ch/compensation.

    Criminalité économique.

    La «Global Economic Crime Survey 2009»repose sur l’analyse de 3000 questionnairesissus de 55 pays. Plus de la moitié desparticipants à l’étude font partie de la direc-tion ou du conseil d’administration. Lesrésultats suisses se fondent sur les répon-ses de 129 entreprises. 29% d’entre elles s’attendent à ce que la récessionaugmente les risques de fraude (cf. égale-ment page 19).

    Commande gratuite auprès [email protected] ou téléchargementsous www.pwc.ch/crimesurvey.

    Rapport annuel de PwC Global.

    Le rapport annuel de PwC Global abordedes sujets importants tant pour les clientsde PwC que pour ses collaborateurs. Ilcontient également un récapitulatif del’exercice 2008/09, les principales directiveset normes appliquées par le réseau PwCainsi que les activités sur le plan mondialpour l’exercice écoulé.

    Le rapport annuel est disponible (en anglais)sous www.pwc.com/gx/en/annual-review. Il est également possible de commander unexemplaire sur papier en suivant ce lien.

    Cela signifie que les bénéfices sont imposa-bles dans le pays dans lequel ils sont réali-sés. En revanche, si une filiale à l’étrangerest assujettie à une charge fiscale jugéetrop faible, elle doit, dans certaines condi-tions, payer en plus ses impôts dans le paysde son siège. De plus, le système fiscal suisse est stableet prévisible. La lenteur de la démocratiedirecte, souvent ressentie comme un incon-vénient, constitue ici un avantage: les chan-gements législatifs nécessitent du temps.Enfin, la concurrence fiscale intercantonale,si souvent décriée, est un moyen avéré depromouvoir l’attrait de la Suisse en tant quesite d’implantation, dès lors qu’elle prévientun nivellement par le haut.

    Potentiels d’accroissement de l’attraitLa Suisse occupe la première place cetteannée encore dans le «Global CompetitiveReport» du World Economic Forum. Néan-moins, aucun pays ne peut se reposer surses lauriers face à la compétition internatio-nale entre les sites d’implantation. Bien aucontraire, il lui faut en permanence accroîtreses avantages. À ce propos, un coup d’œilsur l’étude de la Chambre de commerceSuisse-États-Unis de 2007, précisémentconsacrée au sujet «Comment la Suissepeut-elle gagner dans la compétition inter-nationale entre les sites d’implantation?»,est riche d’enseignement. Les auteurs ont identifié cinq domainesauxquels la Suisse devrait prêter attention

    pour maintenir ou étendre son attrait pourles multinationales:

    1. Maintenir la compétitivité du systèmefiscal.2. Faciliter l’accès au marché de l’emploipour le personnel spécialisé et hautementqualifié en provenance de l’étranger. L’ac-cord sur la libre circulation des personnes a,certes, simplifié les démarches pour lesressortissants de l’UE et de l’AELE; enrevanche, les personnes qualifiées venantd’autres pays ne bénéficient pas encore deces facilités. 3. Poursuivre l’amélioration de la collabora-tion et de la coordination entre les cantonspour garantir aux multinationales un interlo-cuteur unique.4. Éliminer les faiblesses de capacités desinfrastructures. Il s’agit ici essentiellementdes liaisons aériennes internationales ainsique des écoles internationales. 5. Renforcer la communication sur la Suisseen tant que lieu d’implantation.

    Dans une autre étude datant de 2008, laChambre de commerce estime en outre quela Suisse doit renforcer ses atouts en tantque site d’innovation et encourager lescursus d’études scientifiques et technologi-ques.La politique de formation ainsi que desconditions-cadres optimales pour la recher-che, le développement et l’innovation sontsans aucun doute déterminantes pour

    augmenter encore l’attrait de la Suisse entant que lieu de travail. Les débats interna-tionaux autour de la place financière ontquelque peu occulté, l’an dernier, le fait quela Suisse est bien davantage qu’une placefinancière, elle est un lieu d’implantationattrayant pour toutes les branches.

    CONCLUSIONLes multinationales participentpour un tiers au produit intérieurbrut de la Suisse. De nombreuxgroupes originaires d’Europe, desÉtats-Unis et de plus en plus aussid’Asie et d’Amérique du Sud choi-sissent la Suisse pour y implanterleur siège européen, voire leursiège mondial. Le système fiscaltransparent et stable est sansdoute l’argument majeur de laSuisse, il n’est cependant pas leseul. La compétition internationalefaisant rage et les multinationalesrepensant régulièrement leur politi-que d’implantation, la Suisse doitdonc améliorer en permanenceses atouts en matière d’attrait.

    22 ceo/expertise pwc

    Exemples de multinationales ayant leur siège en Suisse

    Entreprises

    Cadbury

    Caterpillar

    DuPont

    Japan Tobacco International (JTI)

    Parker Hannifin

    Pepsi

    Philip Morris International (PMI)

    Procter & Gamble (P&G)

    Amgen

    Dow (Rohm & Haas)

    Kraft

    Ville/Canton

    Rolle/VD

    Genève

    Genève

    Genève

    Etoy/VD

    Berne

    Lausanne/VD

    Petit-Lancy/GE

    Zoug

    Horgen/ZH

    Zurich

    Type du siège

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège mondial

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Siège Europe

    Chiffre d’affaires en Europe

    GBP 1097 millions

    USD 16 121 millions

    USD 9500 millions

    USD 20 748 millions

    USD 4219 millions (international

    sans Amérique du Nord)

    USD 6435 millions (UK & Europe)

    USD 30 265 millions

    (Union européenne)

    USD 79 029 millions

    (total)

    USD 3231 millions

    (pays hors États-Unis)

    USD 21 850 millions

    USD 11 259 millions

    Collaborateurs en Europe

    10 700

    26 983

    60 000 (total)

    47 977 (total)

    (380 Suisse)

    51 639 (total)

    (21 Suisse)

    198 000 (total), 5500 (UK & Irlande)

    75 600 (total)

    2560 (Europe, Proche-Orient,

    Extrême-Orient et Afrique)

    17 000 (total)

    16 000

    >18 000 (env. 1000 Suisse)

    Rapport annuel

    2008

    2008

    2008

    2009

    2009

    2008

    2008

    2009

    2008

    2008

    2008

  • 24 ceo/dossier mutation

    dossier mutation

    Nouveaux horizons.L’aéroport de Genève-Cointrin a réussià sortir de la crise. Son PDG, RobertDeillon, s’exprime sur l’approche zcréative face au changement.

    Nouvelles idées.Grâce à Sabine et Oliver Weisbrod-Steiner, un vent de renouveau soufflesur la très traditionnelle entreprise familiale Weisbrod-Zürrer.

    Nouvelle orientation.Le management ne devrait pas seule-ment être techniquement compétent; il devrait également suivre un idéal deservice se rapportant aux valeurshumaines de la société, comme l’exigele professeur Gerhard Schmidtchen.

    Nouvelle stratégie. Jörg Wolle, PDG du groupe de servicesDKSH, parle de l’art de réinventer uneentreprise et de sa façon personnelled’aborder les mutations permanentes.

    Nouvelles forces.Gian A. Rossi, PDG pour la Suissealémanique, l’Europe centrale et l’Europe du Nord de la banque JuliusBär, voit des perspectives de crois-sance pour la gestion de fortune dansle monde.

    Nouvelles tendances.Dans l’Alpenrhein Village Outlet desarticles de marque sont proposés à desprix défiant toute concurrence. Uninvestissement dans la tendance àdénicher les bonnes affaires.

    Nouvelles obligations.Le patron de Sika, Ernst Bärtschi, sur l’importance de la responsabilitésociale et économique et sur lesrisques de méprise dans le débat sur le développement durable.

    Textes: Corinne Amacher, René Bortolani, Iris Kuhn-Spogat, Franziska ZydekPhotos: Roth und Schmid

    Foto

    : Ber

    nd H

    off

  • 00 ceo/

    «Nous sommes un aéroport compétitif.»En 1996, la décision de Swissair de rayer Genève de son réseau de vols long-courriers a plongé l’aéroport dans une grave crise. La page est désormaistournée: Genève est l’aéroport suisse qui affiche la plus grande croissance. Entretien avec Robert Deillon, le directeur de l’aéroport, sur l’approche créativeface au changement et les problèmes qui se résolvent (parfois) d’eux-mêmes.

    dossier mutationnouveaux horizons

    26 ceo/dossier mutation

  • M. Deillon, avant d’être directeur d’aéroport, vous étiez vous-même un grand voyageur. Quels aéroports vous ont le plusmarqué?Je connais probablement tous les grands aéroports d’Europe,d’Amérique et d’Asie. Pendant dix ans, j’ai pris l’avion six ou septfois par semaine. Ma préférence va aux aéroports scandinaves. ÀOslo, par exemple, ils ont réussi à assurer une gestion adéquatedes aspects pratiques tout en conservant un certain charme nordi-que. On a le sentiment de se trouver dans un hôtel plutôt que dansun aéroport.

    Quelles sont les caractéristiques d’un bon aéroport?Du point de vue des passagers, il est important que toutes lesprocédures, tels le check-in, l’enregistrement des bagages et lescontrôles de sécurité, se déroulent aussi rapidement que possible.Le design et l’architecture peuvent avoir un attrait, mais ce quicompte réellement, c’est le bon fonctionnement des processus.Même dans l’aéroport le mieux aménagé, les gens ne seront passatisfaits si les files d’attente sont trop longues.

    En tant que dirigeant d’un aéroport, vous travaillez avec unbusiness model inhabituel. Vous n’avez que peu d’influence surles aspects qui ont le plus de valeur aux yeux de vos clients, àsavoir les destinations, les horaires et la fréquence des vols. Oui, c’est la principale difficulté dans notre secteur. On peut s’inter-roger sur la véritable identité de nos clients. Il y a 20 ans, il s’agis-sait exclusivement des compagnies aériennes, à la dispositiondesquelles nous mettions une infrastructure. Aujourd’hui, nousconsidérons également les passagers comme des clients. Aprèstout, ils paient des taxes d’aéroport. Cela engendre des discus-sions. Si nous exigeons par exemple qu’un passager soit enregis-tré en moins de trois minutes, une compagnie aérienne peut rétor-quer qu’elle est satisfaite si le check-in ne dépasse pas les dixminutes! Ce type de conflit n’est pas facile à résoudre. Au final,c’est toujours à nous que les gens adressent leurs réclamationsconcernant la longueur des files d’attente.

    Un aéroport est aussi un lieu de consommation. Qu’est-ce quiest le plus important pour votre entreprise: le montant destaxes d’aéroport ou les loyers versés par les magasins et lesrestaurants?

    Les deux sont nécessaires. Un aéroport financièrement équilibréréalise la moitié de son chiffre d’affaires grâce aux services aérienset l’autre moitié grâce à son offre commerciale. C’est le scénarioidéal, et tel est presque le cas à Genève.

    Recherchez-vous activement de nouvelles compagnies aérien-nes et de nouvelles destinations?Oui, absolument. Nous rencontrons les compagnies aériennesplusieurs fois par an afin de leur montrer, à l’aide des statistiquessur les passagers, les destinations pour lesquelles il existe unmarché. Lancer une nouvelle destination est toutefois un travail delongue haleine. Il faut bien sûr convaincre les compagnies aérien-nes, mais aussi et surtout les passagers, qui ont déjà leurs habitu-des. Nous nous en sommes rendu compte lorsque nous avonsrécemment ouvert une ligne directe vers Montréal. Pour prendre unexemple, les employés de certaines entreprises ne sont autorisés àvoyager en business que lorsque le trajet dure plus de huit heures.Ils préfèrent dès lors transiter par Londres pour se rendre auCanada.

    Il y a dix ans, l’avenir de l’aéroport de Genève était des plussombres. La confiance est totale aujourd’hui. Comment expli-quer un tel revirement? Lorsque Swissair a décidé en 1996 de se concentrer sur un seulhub, la situation est devenue effectivement délicate pour Genève.Avant cela, tous les vols long-courriers en provenance et à destina-tion de Zurich s’arrêtaient à Genève. Un tel produit serait impensa-ble aujourd’hui: quoi qu’il soit advenu, Genève aurait perdu un jour ou l’autre sa connexion au réseau long-courrier. Nous devonsnotre sortie de la crise au phénomène des compagnies «low cost». L’arrivée d’easyJet nous a offert une solution de remplacement à laperte des passagers des lignes long-courriers. J’essaie à présentde maintenir un équilibre entre les vols low cost, pour lesquels ilexiste une forte demande au sein de la population, et les compa-gnies aériennes traditionnelles. Celles-ci sont en effet les seules àpouvoir établir de nouvelles liaisons long-courriers.

    easyJet représente un tiers des passagers de l’aéroport deGenève. N’est-ce pas risqué?Zurich accueille plus de 50% de passagers Swiss. Le risque estdonc moins élevé chez nous. Des aéroports comme Paris ouFrancfort collaborent tous avec une compagnie aérienne domi-nante qui prend souvent en charge plus de la moitié du trafic. Peuimporte qu’il s’agisse de compagnies low cost ou traditionnelles.L’histoire nous a montré que des compagnies aériennes nationalespouvaient elles aussi disparaître. Ce qui est important pour l’avenirde notre aéroport, c’est la présence d’un marché intéressant àGenève. Le pourcentage de la population de la région qui voyagefréquemment en avion est extrêmement élevé. Il ne faut pas oublierque Genève reste une toute petite ville. Contrairement à d’autresbassins similaires, nous n’aurons vraisemblablement jamais àaccueillir 12 millions de passagers par an.

    Comment expliquer cette propension au voyage en avion?D’abord par les nombreuses multinationales qui se sont implantéesdans la région. Le siège de ces entreprises n’emploie peut-être que200 à 300 personnes mais, étant donné qu’elles gèrent à distancel’ensemble du marché européen ou encore asiatique, la plupart deces employés sont constamment en déplacement. Il y a égalementles organisations internationales, et le niveau de vie général qui estélevé sur les bords du Léman. Nombre d’habitants ont de la familleà l’étranger. Bref, Genève est un marché assez singulier, et lescompagnies aériennes en sont conscientes.

    Votre aéroport est réputé être bon marché. Les taxes d’aéro-port, par exemple, sont environ deux fois moins élevées qu’àZurich. Comment est-ce possible? Nous sommes un aéroport compétitif. Cela est essentiellement dûà la taille comparativement limitée des capacités et à une infra-structure relativement modeste. Celle-ci est assez vieille, mais atoujours été bien entretenue. Et surtout, nous l’utilisons de manièretrès adéquate. Nous n’avons qu’une piste, mais nous enregistronsprès de la moitié des mouvements aériens de Zurich, qui disposede trois pistes. C’est une grosse économie en termes de coûtsd’investissement et de maintenance.

    Le nombre d’avions privés qui passent par Genève est supé-rieur à la moyenne…Effectivement, l’aviation d’affaires représente environ un tiers desmouvements aériens. C’est considérable et cela tient à la situationparticulière de Genève. Les PDG de multinationales sont nombreuxà voyager en jet d’affaires, des célébrités installées dans la régionpossèdent des avions et beaucoup de ministres embarquentégalement dans des avions privés pour se rendre aux conférencesde l’ONU. Ces nombreux mouvements aériens ne nous facilitentpas la tâche, mais les vols d’affaires sont importants pour Genève.

    Les nombreux vols privés en hélicoptère étaient en revanchemoins appréciés.L’hiver, Genève est l’aéroport des amateurs de ski. Ce marché esttrès important pour nous. Chaque week-end, près de 70 000skieurs prennent l’avion. Il y avait parmi eux des Russes ou d’au-tres clients fortunés qui se faisaient conduire en hélicoptère del’aéroport à la station de ski. Certains samedis, nous comptionsjusqu’à 80 transferts en hélicoptère. Il est évident que la populationn’était pas très enthousiaste à ce sujet. Mais ces vols ontaujourd’hui pratiquement disparu.

    Ils ont été interdits?Non, le problème s’est résolu de lui-même. Du fait de la crise, lesriches sont un peu moins riches aujourd’hui.

    Comment évoluera le secteur de l’aviation? L’âge d’or est-ilrévolu?Le transport aérien doit s’adapter mais, jusqu’à présent, il a réussià traverser toutes les crises. Et elles ont été nombreuses dansnotre secteur. On a cependant toujours trouvé des solutions. Parexemple en matière de sécurité: imaginez que les chemins de ferdoivent installer un système de sécurité comme le nôtre. Ils n’enseraient pas capables. Le transport aérien a pourtant été à même,après 2001, de mettre très rapidement sur pied un système quifonctionne. Tout est certes devenu un peu plus compliqué, mais lesaéroports fonctionnent. L’aviation est une industrie très résistante àla crise, disposant d’une grande capacité d’innovation. En outre, letransport aérien est devenu incontournable. C’est le seul mode detransport mondial. Quant à ceux qui disent que, dans dix ans, lesgens n’auront plus envie d’aller en Australie ou en Chine, je ne lescrois pas. Au contraire, nous voyagerons toujours plus et nous utili-serons l’avion pour ce faire…

    … mais voler coûtera plus cher.C’est en train d’augmenter, mais le prix d’un billet d’avion resteridiculement bas. L’avion est moins cher que l’hôtel. C’est totale-ment absurde.

    Pour la première fois de votre carrière, vous occupez à l’aéro-port de Genève le poste de PDG. Cette nouvelle orientation a-t-elle modifié quelque chose à votre vie professionnelle?Pas vraiment. Mais ce que j’apprécie par rapport à mon activitéantérieure, c’est l’équilibre entre la direction d’une entreprise etd’autres aspects non financiers. Il est réjouissant de constater quele travail accompli influence le développement économique detoute une région. Lors des précédentes escales de ma carrière, lesactionnaires m’ont surtout remercié pour les bons résultats finan-ciers. Aujourd’hui, mon travail est apprécié parce que l’aéroportremplit parfaitement son rôle d’instrument de développement de larégion. C’est, je l’avoue, beaucoup plus gratifiant. //

    Issu de l’Ecole hôtelière de Lausanne, Robert

    Deillon (57 ans) a ensuite suivi une formation en

    management à la Haute École de Saint-Gall,

    puis à Boston et à l’Institute for Management

    Development de Lausanne. Après avoir occupé

    diverses fonctions au sein du groupe Swissair,

    il a pris en 2001 la direction opérationnelle de

    Gate Gourmet en Europe. Depuis 2006, il est le

    PDG de l’aéroport de Genève-Cointrin.

    La société d’exploitation Aéroport International

    de Genève (AIG) appartient à 100% au canton de

    Genève. L’entreprise emploie 700 personnes et a

    réalisé en 2008 un chiffre d’affaires de CHF 300

    millions pour un bénéfice de CHF 60 millions. Au

    total, plus de 8000 personnes travaillent à l’aéro-

    port. À l’heure actuelle, Genève dessert plus de

    destinations par habitant que tout autre aéroport

    européen. 11,5 millions de passagers sont

    passés par Genève-Cointrin en 2008.

    Tout est devenu un peu pluscompliqué, mais les aéroportsfonctionnent. L’aviation est uneindustrie très résistante à la crise,disposant d’une grande capacitéd’innovation.

    dossier mutationnouveaux horizons

    28 ceo/dossier mutation ceo/dossier mutation 29

  • 00 ceo/

    «Pour survivre, nous devons être innovants et le rester.» L’entreprise de tissage de la soie Weisbrod-Zürrer AG, à Hausen am Albis, est dirigée conjointement par Sabine et Oliver Weisbrod. Le couple veut positionnersur le marché cette entreprise familiale traditionnelle à la pointe des tendances.

    dossier mutationnouvelles idées

    30 ceo/dossier mutation

  • Depuis 2006, Sabine et Oliver Weisbrod, tous deux biologistesdiplômés, dirigent conjointement l’entreprise de tissage de la soieWeisbrod-Zürrer AG à Hausen am Albis. Les deux jeunes entrepreneurs ont réussi leur examen de passageen réorganisant l’activité cravates, en net recul. Alors que l’entre-prise avait jusque-là fabriqué des tissus pour cravates pour diffé-rents fournisseurs, Sabine et Oliver Weisbrod décidèrent de lancerune marque sous leur propre nom et de proposer les cravates surInternet. Leur idée fut un succès. Il est désormais possible d’ache-ter d’un clic de souris cravates et foulards Weisbrod, à l’unité ousur abonnement, ou de se les procurer dans la première boutiqueWeisbrod, ouverte à Zurich. «D’autres boutiques sont en projet; lamarque Weisbrod a encore un vaste potentiel à exploiter, ce nousentendons faire de manière ciblée au cours des prochainesannées», explique Oliver Weisbrod.

    Développement et lancement de nouveaux produitsLeur formation en sciences naturelles a permis aux deux Weisbrodde proposer des innovations sortant de l’ordinaire. Comme il arriveaux hommes de se salir, ils ont décidé d’intégrer un produit antita-che révolutionnaire dans les tissus des cravates au stade de lafabrication. En collaboration avec le Laboratoire fédéral d’essai desmatériaux et de recherche (Empa), ils ont pendant deux ans expéri-menté le hydrocarbure fluoré et autres molécules. L’objectif était dedévelopper une substance permettant de traiter la soie de façonque les gouttes, quelles que soient leur teinte ou leur consistance,«déperlent» sans laisser de tache. Un brevet a été déposé pour lenouveau produit sous le nom de Cocoontec®. Les Weisbrod ont, avec la Haute école d’art et de design de laHaute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW), déve-loppé des «textiles interfaces». Il s’agit de tissus autolumineux quipermettent, par exemple, de refaire la décoration de fenêtres et decloisons de séparation intérieures. «Nous voulons lancer ces texti-

    les lumineux sur le marché en 2010 ou au plus tard en 2011», explique Oliver Weisbrod, qui espère voir les architectes etdesigners d’intérieur en exploiter les effets créateurs d’ambiancepour leurs clients.

    Deux PDG se partageant le travail Oliver Weisbrod n’aurait jamais imaginé prendre un jour la succes-sion de son père et représenter la sixième génération à diriger l’en-treprise. Après des études de biologie, au cours desquelles il a faitla connaissance de son épouse, il s’est lancé dans des étudesd’anthropologie.Lorsque Weisbrod-Zürrer AG a prévu de célébrer son 175ème anni-versaire en 2000, Sabine et Oliver Weisbrod ont donné un coup demain pour les préparatifs. Ils se sont intéressés à l’histoire de l’en-treprise et ont découvert le travail accompli et la passion manifes-tée par leur père et beau-père. L’étincelle a jailli. Le couple a alorssuivi des cours de formation en gestion d’entreprise pour se prépa-rer à devenir PDG. Ronald Weisbrod, à la tête de l’entreprise fami-liale depuis plus de 30 ans, a tout d’abord accueilli avec scepti-cisme de telles dispositions successorales; une direction partagéelui paraissait quelque peu risquée. Aujourd’hui, il est convaincu quecette solution était la meilleure. Sabine et Oliver Weisbrod élaborent ensemble la stratégie de développement et de pérennité de l’entreprise familiale, ce quiimplique d’examiner les questions suivantes: comment continuer?Que développer? Où investir? Comment affronter la concurrence d’Extrême-Orient? Leur réponse: «Nous devons être innovants et le rester pour réussir et survivre. Nous devons également agir sur la structure même de l’entreprise: moderniser l’informatique,améliorer les procédures, simplifier l’organisation.»

    Une entreprise familiale de traditionL’entreprise de tissage de la soie Weisbrod est, avec Gessner AG à Wädenswil, l’une des dernières représentantes d’une industriejadis florissante. De nombreuses entreprises textiles fabriquant desétoffes de soie et de coton ont vu le jour aux 18ème et 19ème sièclesdans le district de Knonau, l’Oberland zurichois, le pays glaronnaisou la région bâloise. En 1825, Hans-Jakob Zürrer, âgé de 22 ans,fonda avec 2000 florins son entreprise qui employa bientôt jusqu’à700 tisserandes et tisserands à domicile, et que mariages, achats,reprises et construction d’ateliers de fabrication firent peu à peugrandir. En 1964, la firme Jakob-Zürrer fut rebaptisée Weisbrod-Zürrer. Trois ans plus tard, Ronald Weisbrod prit en main la desti-née de l’entreprise dont il préside aujourd’hui le conseil d’adminis-tration. En rendant visite aux Weisbrod sur le site de l’entreprise, quiregroupe en bordure de Hausen am Albis maisons à colombageshistoriques et bâtiments de production, et en découvrant lapassion avec laquelle ils s’inv