le lycée papillon

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LE LYCÉE PAPILLON

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G E O R G I U S

LE

LYCÉE P A P I L L O N

ILLUSTRATIONS D'ANDRÉ DIDIER

ÉDITIONS I. P. C.

17, boulevard Malesherbes, PARIS-VIII

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« Pour les dix ans de ma petite Georgette ».

GEORGIUS

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I

OU L'ON FAIT CONNAISSANCE

AVEC LE P E T I T GEORGES LOYAL DIT : JOJO

Ce soir-là, en se mettant à table, le petit Georges Loyal sentit confusément qu'il allait se passer quelque chose.

Déjà, depuis six mois, Jojo — c'était le diminutif par lequel l'appelaient ses parents et ses amis — avait remarqué bien du changement dans la maison.

Tout d'abord, il y avait eu comme une ombre de tristesse qui s'était répandue brusquement.

C'était vers le 10 avril.

Un soir, son papa, M. Loyal, un brave homme fort estimé de ses voisins, était rentré très émotionné.

— Jojo, va dans ta chambre et laisse-moi seul avec ta maman, avait-il dit d'une voix toute secouée de sanglots et qui n'était pas sa voix ordinaire.

Et Jojo s'était rendu bien sagement dans sa jolie petite chambre rose et avait fait marcher le beau train mécanique que lui avait offert l'oncle Amédée pour ses étrennes.

Lorsqu'une demi-heure plus tard, Jojo était rentré dans le salon, il avait bien constaté que les yeux de sa maman étaient tout rouges.

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— Ma petite mère a pleuré, pensa-t-il. Mais comme elle l'attirait affectueusement dans ses bras et

le serrait plus fort que d'habitude, il n'osa pas lui demander la cause de son chagrin.

Ce fut de ce jour-là que l'atmosphère familiale devint tout autre de ce qu'elle était.

Dans cette maison, où tout semblait être fait pour la joie de vivre, où les rires fusaient à tous propos, où le papa chantonnait le matin en faisant sa toilette, il tomba brusquement un voile de mélancolie.

Tout d'abord M. Loyal ne s'en fut pas à son bureau le lende- main matin.

Ni les jours suivants.

Les employés qui venaient fréquemment prendre les ordres de « Monsieur le Directeur » — cessèrent leur visite. Le téléphone se tut.

Dans sa petite tête Jojo comprit que son papa ne devait plus être le grand chef du journal sportif : La vie en plein air, qui lui valait cette appellation de : « Monsieur le Directeur ».

Lorsque le 23 avril, jour de sa fête, le petit Jojo qui avait toujours été gâté reçut de son papa et de sa maman un modeste livre de contes, au lieu des jolis jouets qu'il était habitué de trouver sur son lit, à son réveil, il comprit alors que la situation de ses parents venait de changer.

Les jours passèrent avec monotonie. Les sorties au cinéma et au théâtre du Petit-Monde se firent

de plus en plus rares. En même temps les plats qui garnissaient la table étaient

moins copieux. Puis un beau jour Jojo constata que la jolie bague avec une

pierre rouge, que sa maman était si fière de porter à son doigt, avait disparu.

Un autre jour ce fut la grosse montre en or qui déserta le gousset du gilet de son papa.

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Vers la mi-septembre quatre gaillards, très forts — des démé- nageurs, sans doute — vinrent enlever le beau piano à queue qui était l'ornement principal du salon.

Une autre fois ce fut un riche amateur qui vint discuter avec son père au sujet d'une collection de timbres que possédait M. Loyal.

A l'issue de cette discussion le riche Monsieur sortit plusieurs billets de banque de son portefeuille et les laissant à son papa s'en fut en emportant la précieuse collection de timbres.

Cependant la vie continuait triste et monotone. Les vacances de Jojo avaient été escamotées,

Tous les ans ses parents l'emmenaient à la mer ou à la montagne.

Cette année il n'en avait pas été question. Tout au plus était-il sorti avec deux petits camarades de son

âge et leurs parents, un dimanche en forêt de Chantilly et un autre jour sur les bords de la Marne. Ce fut tout.

Pour le reste il accompagnait sa mère dans ses courses ména- gères car — cela Jojo l'avait nettement remarqué — le départ de la vieille bonne Joséphine avait coïncidé avec le changement de situation de M. Loyal, et c'était sa mère qui, maintenant, avait pris en mains la direction totale du foyer.

Le père de Jojo sortait tous les après-midi et revenait généra- lement harassé à la maison.

A son retour, M Loyal l'interrogeait anxieusement : — Alors? — Rien de nouveau !

— C'est désespérant. — Hélas !

— As-tu vu Monsieur Criquet? — Oui.

— Qu'est-ce qu'il t 'a dit? — Repassez dans un mois. Si nous avons quelque chose

pour vous, nous vous le réserverons.

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— Et au ministère où tu étais recommandé?

— La place venait d'être prise depuis quarante-huit heures.

— As-tu donné suite à l'annonce du journal demandant : « Monsieur bien, ayant de l'instruction, pour situation stable et lucrative. »

— Cette annonce n'est qu'un attrape-nigaud. On demande une caution de vingt-cinq mille francs... et tu sais

bien que nous ne les avons pas ! — Au journal Les coulisses de la Bourse ne peux-tu trouver

un emploi quelconque? — Je suis allé voir le Directeur. Il a fait semblant de ne pas

me reconnaître et m'a reçu très froidement. — Quel manque de cœur. Toi qui avais été si gentil avec

lui, lorsque tu étais toi-même directeur de La vie en plein air.

— C'est l'ingratitude humaine. Il est bien rare de trouver de bons amis lorsqu'on est dans le malheur; il est beaucoup

plus facile d'en avoir lorsque tout vous sourit. — Certes... Enfin ne te décourage pas. — Bien sûr que non. Demain j'ai rendez-vous avec le chef

du personnel de la Compagnie du Métropolitain... Peut-être aurai-je plus de chance.

Cette conversation avait eu lieu l'avant-veille de cette soirée du 25 septembre où le jeune Jojo était passé à table avec l'appréhension de quelque chose qui allait changer le cours de son existence.

En effet le visage de son père était plus reposé, plus détendu que les jours précédents.

Pendant le dîner la conversation avait été plus enjouée qu'à l'ordinaire.

Le papa Loyal avait tiré amicalement sur la mèche rebelle qui retombait toujours dans les yeux de son fils.

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Une autre fois il lui avait pincé les oreilles et lui avait ensuite fait claquer deux gros baisers sonores sur les joues.

Mme Loyal vaquait de la cuisine à la salle à manger avec une allégresse qu'elle semblait avoir perdue depuis six mois.

Quand ce fut l'heure du dessert, — oh ! bien modeste : une petite pomme ratatinée mais bien sucrée, M. Loyal toussota plusieurs fois de suite, écarta sa chaise de la table et dit à son

fils : — Jojo viens t'asseoir là...

En même temps il lui désignait ses genoux.

C'était la grande joie de notre héros que de grimper sur les genoux de son père.

Ce dernier aimait le

faire sauter, puis, lors- que Jojo semblait bien calé sur les jambes paternelles, M. Loyal ouvrait brusquement les genoux, et notre jeune ami tombai t à terre en riant aux éclats.

Mais ce soir-là M. Loyal était sérieux et ne bouscula point son fils.

— Mon petit Georges, commença-t-il, tu es maintenant un grand bonhomme, tu vas avoir dix ans dans quelques jours, tu es en âge de comprendre et de raisonner, je vais donc te parler comme à un petit homme.

Le cœur de Jojo ressentit brusquement comme un pinçon. L'heure du dénouement allait sonner.

Son papa continua tandis que maman Loyal débarrassait doucement la table.

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— Tu n'as pas été sans te rendre compte, mon petit bonhomme, qu'un grand changement était survenu dans ma situation. J'ai dû abandonner, pour des raisons que je te dirai lorsque tu seras plus grand, la Direction d'un journal que j'avais fondé et auquel j'étais très attaché.

En disant cela, M. Loyal ne put s'empêcher de pousser un long soupir tandis que M Loyal essuyait furtivement une larme.

M. Loyal poursuivit : — La vie est difficile et les mauvaises affaires que j'ai faites

cette année m'ont obligé à chercher une situation nouvelle. Cette situation n'est pas extraordinaire mais elle nous permettra de vivre. Le seul ennui — ajouta-t-il — c'est que ta maman va être obligée de travailler également.

— J'en suis ravie — protesta vivement M Loyal — et si ce n'était la question de Georges...

— J 'y arrive, dit alors M. Loyal. Donc, mon petit bonhomme, ta maman va rentrer comme caissière à la Compagnie du Métro- politain, et moi-même je deviens contrôleur-chef dans la même Compagnie. Nous sommes loin, vois-tu, du temps où j'allais, seul, à mon bureau et où ta maman n'avait qu'à s'occuper de la maison.

Oui nous allons travailler tous les deux. Tout cela, comprends bien, nous permettra d'attendre une situation meilleure qui ne peut manquer de m'échoir un jour ou l'autre.

M. Loyal toussa deux fois pour se donner plus d'aplomb et entama, enfin, le sujet qui lui tenait à cœur.

— Le seul ennui, mon petit bonhomme, c'est qu'en travail- lant tous les deux nous n'allons plus pouvoir nous occuper de toi...

Jojo crut défaillir et ses yeux reflétèrent subitement un tel désarroi que le papa enchaîna très vite.

— Surtout, mon gros chéri, ne t'imagine pas que nous t'aban- donnerons. Non. Seulement tu ne pourras plus continuer à fréquenter le Lycée Boileau car nous ne pourrons plus être là