le locataire

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  • 8/9/2019 Le locataire

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    Le locataire R. Polanski 1976

    Adapt de Topor. Cest--dire mfiant envers le genre humain dans son ensemble, etmaniant labsurde, le grotesque et la cruaut ; le Locataire est de trs loin le film le pluseffrayant de Polanski ce jour. A revoir pour se souvenir quil ny a pas que les exils

    suisses et les adaptations de Dickens dans la carrire du monsieur, et quun curnettement plus noir se cache dans sa filmographie.

    Virtuosit et psych trouble, cest la scne comme la ville ce qui caractrise la vie de Polanskigrosso modo jusquau milieu des annes 80, aprs que les dboires qui lont chass des Etats-Unis(et referont rgulirement les gorges chaudes de nos organes de presse) leurent pouss dans unerespectabilit bon teint en Europe. L, ses statuts combins de cinaste "install" et de paria pouraffaire de murs lui confrent un certain confort social et mdiatique qui se ressent bientt surson cinma. Les fragrances qui slvent de ses efforts des annes 60 et 70 sont autrement plusmusques que celles, au hasard, dun Lunes de Fiel . Cest au sein de cette priode que prend placeune trilogie officieuse, aux attaches assez lches, o le lieu de vie(s) dun personnage catalyse la

    folie qui le guette ou la dj conquis. Ce sont dans lordre chronologique Rpulsion, Rosemarys Baby et ce Locataire des plus inquitants. Sil sagit chaque fois dadaptations, force est deconstater la constance des obsessions qui en transpirent : environnement oppressant, dlire deperscution, monte dune personnalit seconde (en terme de tradition psychiatrique, on pensebeaucoup au Clrambaud de la pousse automatique et du facteur S), tranget de plus en plusenvahissante et destructrice, vers une dsintgration complte, psychique et/ou physique.

    Il serait improductif de dresser un portrait du Locataire sans spoiler lintrigue, car la narration,trs explose, se base sur la rptiotion d'un vnement au dbut et la fin du rcit. Petitemploy effac, Trelkovski (Polanski lui-mme) obtient un minuscule appartement aprs lesuicide de sa locataire prcdente, une certaine Simone Choule, employe au Louvre qui a

    joyeusement travers la verrire en contrebas de sa croise. Lorsquil visite la moribonde lhpital, celle-ci ne lui lance quun long hurlement de terreur. De l, sa vie sorganise dans lemicrocosme de la rsidence, o les mesquineries absurdes succdent aux absurdits mesquines :ptitions pour lexpulsion dune voisine, concierge inquisitrice, propritaire trs cheval sur unemoralit pourtant fluctuante, voisins loreille aussi perante que leur intransigeance est grandePeu peu, ltranget le submerge et il assume de plus en plus lidentit de Choule, via ladcouverte deffets personnels, de courrier, dun admirateur secret quil devra consoler lui-mme,et bientt dune dent enchsse dans un mur. Sa relation naissante avec Stella (dont on se doutequelle a pu tre amante occasionnelle de Simone) narrange rien un sentiment de perscution deplus en plus prgnant encore accentu par les habitudes bizarres de la maisonne. Il finit par setravestir pour suivre le mme chemin que celle qui la prcd : la verrire, puis le lit dhpital o

    il hurlera longuement devant Stella, venue lui rendre visite accompagne dun autre lui-mme.Gnrique.

    Que Polanski se rserve le rle de Trelkovski en dit dj pas mal sur sa dmarche : aprs sondbut de vie mouvement, puis un succs quil a pay extrmement cher (le meurtre de sonpouse, considr comme plus ou moins conscutif Rosemarys Baby lors dun cirquemdiatique dune violence assez incroyable), le voil amen mettre tous ses outils de subjectivit lpreuve, ceux-l mmes fourbis sur ses deux prcdents huis clos psychopathologiques.

    Autrement dit, que Polanski sidentifie directement une figure pathtique tire de Kafka sansmme le filtre dun interprte entre lui et le personnage, rend assez vidente la part cathartique deson implication dans le projet. Nanmoins on arrtera ici la psychologie de bazar souvent

    affectionne dans lexercice tant le cinaste donne constamment les preuves dune matrise que neparasite pas le nombrilisme de l'exercice d'autoanalyse . Pour appuyer cette analyse, on se

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    autre de Marquis (H. Xonneux, 1989) ou dun Dom Juan dont le rle-titre est hermaphrodite. LE Topor de publications comme la Vrit sur Max Lampin, horrible fascicule qui culbute labiensance avec des olisbos surdimensionns (et de prfrence clouts). Bref, tout sauf Palace.

    Linfluence du malhomme se retrouve lvidence dans la direction artistique (une poigne

    daffiches la fois amusantes et vaguement inquitantes, comme ces publicits pour la peintureLure, le dcor final, lagencement de lappartement, les petites ailes faustienne d'un pardessus...) etcertaines options de casting, avec des Rufus, des Claude Pieplu, ou encore un Romain Bouteillequi amne dans ses bagages ses protgs du Splendid de lpoque (qui bouffent encore de la

    vache enrage, puisque pas encore aurols du succs de leur Bronzs Trois ans plus tard, lesmmes n'auraient peut-tre pas jou dans un aussi petit projet. Ils ont d'ailleurs laiss tombRomain Bouteille, qui leur met ici le pied l'trier, ds leurs premiers gros succs publics, commel'avait fait Coluche quelques annes avant eux. Bouteille ne s'en est jamais vraiment relev. On

    voit bien ce que a dit du passage des annes 70 aux annes 80 : l'utilisation cynique des moyenset idaux communautaires dune dcennie pour acceder l'ego-trip et l'accaparement quicaractrise la seconde. Ou quand la ralit confirme la misanthropie de la fiction.) pour jouer une

    belle galerie de lie de lhumanit (la lie de l'humanit, ici, c'est la quasi-totalit de l'humanit). Lacruaut du final porte aussi la marque de son auteur, quand Trelkovski se jette travers la verrireet rampe jusqu son appartement pour se dfenestrer nouveau. Tout le motif de la momiegalement, et lanalogie avec Choule couverte de bandages. Et plus gnralement cet iconoclasmeo se mlangent mpris des atavismes et de la marchausse, got pour la scatologie et lescabreux, mchancet gratuite (la tourne gnrale sauf pour ce gars-l ) et ambigut sexuellemaladive. Cest ce qui fait, aussi, une bonne part du prix de ce film, la fois horreur viscrale delesprit dun cinaste encore capable dinou, et faisant partie de la parenthse enchante dunecertaine culture franaise des annes 70, celle des Yanne, Boisset, Jessua, et parmi eux Topor,dont on na pas revu la libert depuis trop dannes dendogamie forcene, tant au niveau desttes que des formes.

    1- Trelkovski a t renvers par la voiture dun couple. En pleine crise dhystrie, il croit y voirson propritaire tentant de le tuer, et doit tre sdat. Le couple le ramne chez lui, inconscient,en voiture. Cependant il a t pralablement tabli (lors dune squence absurde au commissariat)que sa nouvelle adresse ne figure pas sur ses papiers. Comment alors ces parfaits inconnussavent-ils o le dposer ?

    FL