le livre de ma vie #2 | 2012

39
par 30 personnalités de suisse romande # 2 | 2012

Upload: vuongdien

Post on 10-Dec-2016

225 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Le livre de ma vie #2 | 2012

par 30 personnalités de suisse romande# 2 | 2012

Page 2: Le livre de ma vie #2 | 2012

1

# 2 | 2012

Par 30 personnalités de Suisse romandePhotographies de Filipe Martins

Page 3: Le livre de ma vie #2 | 2012

3

Le livre de ma vie, deuxième ! C’est avec un plaisir renouvelé que nous vous proposons cette année encore de découvrir entre les pages de ce catalogue 30 regards singuliers sur 30 livres qui ont compté dans la vie de 30 personnalités de Suisse romande, venues de divers horizons professionnels et géographiques. Ces nouveaux invités ont partagé avec leurs prédécesseurs du premier Livre de ma vie les affres du choix d’un seul titre qui a marqué leur existence, mais ils sont parvenus à nous emmener chacun à la rencontre de livres et d’auteurs substantiellement différents. Ils nous offrent à travers leurs 30 témoignages un pan de leur univers intérieur nourri par la lecture : des mo-ments forts, parfois intimes, qui nous laissent surpris, émus et surtout pris au piège de l’envie partagée de (re)découvrir « leur » livre… Nous leur sommes très reconnaissants de contribuer avec une verve aussi riche et passionnée à faire circuler des envies de lectures au-delà de notre métier de libraire. Changer de regard sur la lecture, c’est aussi, dans cette deuxième édition du Livre de ma vie, changer de regard photographique sur les lecteurs. Après une première édition confiée à un photographe expérimenté, Pierre-Michel Delessert, nous avons eu envie de renouveler l’approche visuelle des portraits de personnalités en travaillant avec un jeune photographe, Filipe Martins. Nous remercions ici très chaleureusement le Centre d’enseignement professionnel de Vevey, et particulièrement Léonore Veya, doyenne du département photographie, et Nicolas Savary, responsable de la formation supérieure en photographie, de nous avoir accompagnés avec enthousiasme et professionnalisme tout au long du projet dans un véritable partenariat, qui a su valoriser les multiples com-pétences de l’école et donner un élan à l’un de leurs talents. C’est ainsi à eux que nous devons la rencontre avec Filipe : ce jeune photographe livre ici une magnifique série de portraits, qui posent avec justesse un regard sensible et délicat sur ces 30 ambassadeurs exceptionnels de la lecture. Nouveaux acteurs, nouveaux dialogues, nouvelles images, certes, mais le plaisir de vous offrir ce catalogue, lui, reste le même et nous espérons que vous le partagerez.

Aurélie BaudrierDirectrice de la communication Payot Libraire

ÉD

I-T

O-

RIA

L

Ecole de photographie

de VeveyP

HO

TOG

RA

PH

IE : C

HLO

É C

AR

DIN

AU

X – C

EP

V ©

2012 www.cepv.ch

Page 4: Le livre de ma vie #2 | 2012

5

Judith Baumann« Une vie bouleversée » d’Etty Hillesum

Catherine Bolle« 1984 » de George Orwell

Robin Cornelius« Lettres à un jeune poète » de Rainer Maria Rilke

Caroline Coutau« Supplément à la vie de Barbara Loden » de Nathalie Léger

Pierre-Michel Delessert« L’ivresse d’éveil : faits et gestes de Ji Gong le moine fou »

Patrick Dujany« Les contes de la folie ordinaire » de Charles Bukowski

Sylvie Durrer« Petits poèmes en prose - Le Spleen de Paris » de Charles Baudelaire

Alexandre Emery« Jonas » de Jacques Chessex

Anaïs Emery« Dune » de Frank Herbert

06

08

10

12

14

16

18

20

22

SO

M-

MA

I-R

E

Gilbert Facchinetti« Fables » de Jean de La Fontaine

Isabelle Falconnier« Le livre brisé » de Serge Doubrovsky

Laurent Flutsch« Guerre des Gaules » de Jules César

Madeleine Gay « Mars » de Fritz Zorn

André Georges« J’ai franchi tant de montagnes » de Yangzom Brauen

Alan Humerose« Alexis Zorba »de Nikos Kazantzaki

Nathalie Koch« Just Kids » de Patti Smith

Natacha Koutchoumov« Récits », in « Œuvres »d’Anton Tchékhov

Sophie Lamon« Jonathan Livingston le goéland » de Richard Bach

Esther Mamarbachi« L’insoutenable légèreté de l’être » de Milan Kundera

Denis Martin« Les secrets de la casserole » d’Hervé This

Ursula Meier« Frankie Addams » de Carson McCullers

24

26

28

30

32

34

36

38

40

42

44

46

Jean-Luc Moner-Banet« Tropique du Cancer » d’Henry Miller

Lolita Morena« Lolita » de Vladimir Nabokov

Claude Nicollier« Vol de nuit » d’Antoine de Saint-Exupéry

Daniel Rossellat « L’ombre du vent » de Carlos Ruiz Zafón

Karim Slama« La fée carabine » de Daniel Pennac

Stefano Stoll« Fictions » de Jorge Luis Borges

Adèle Thorens Goumaz« Le principe responsabilité » de Hans Jonas

Esther Waeber-Kalbermatten« Purge » de Sofi Oksanen

Thierry Wegmüller« Les quatre accords toltèques » de Don Miguel Ruiz

BibliographieVous retrouverez dans les dernières pages toutes les informations sur les ouvrages choisis par les 30 personnalités.

48

50

52

54

56

58

60

62

64

67

Page 5: Le livre de ma vie #2 | 2012

6

Etty Hillesum (1914-1943)

« Une vie bouleversée »

Le livre que j’aimerais vous présenter aujourd’hui est celui que je pourrais emporter pour un grand voyage.Une vie bouleversée est la compilation des carnets intimes qu’Etty Hillesum a tenus entre 1941 et sa mort à Auschwitz en 1943. Si ce livre présente un indéniable intérêt littéraire et historique, son contenu humain et métaphysique va bien au-delà.C’est l’approche féminine de sa démarche qui m’a touchée au départ. Complexe, en constant réajustement, Etty est à l’écoute d’elle-même. Son intégrité intellectuelle et son ouverture du cœur lui ont permis d’établir un lien entre le relatif et l’absolu. Parfois contre son gré, elle est une alchimiste du quotidien, qui remet chaque jour sans se lasser l’ouvrage de ses insuffisances sur le métier du Dieu polisseur. On la voit ainsi aux prises avec sa grande sensualité, ce qui lui fait dire : « Il est bien difficile de vivre en bonne intelligence avec Dieu et son bas-ventre. »Le ciel se faisant menaçant pour les juifs de Hollande, Etty y découvre une urgence quasi viscérale. « Les conditions extérieures s’aggravent sans cesse et la terreur s’accroît. J’élève la prière et le silence autour de moi comme un mur plein d’ombre propice et j’en ressors plus forte. »Pendant près d’une année, sa vie se déroule entre Amsterdam et le camp de transit de Vesterbork, où elle œuvre comme volontaire. « Je suis à l’unisson de millions d’autres êtres souffrants, à travers les siècles », dira-t-elle. Elle tombe à genoux : « La vie est belle et pleine de sens dans son absurdité, pour peu qu’on la porte tout entière en soi. »Plus le cercle se resserre, plus elle devient transparente : « Il faut oublier des mots comme Dieu, la Mort, la Souffrance, l’Éternité. Il faut devenir aussi simple et aussi muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d’être. »J’ai le sentiment que ce livre résonne en moi comme un appel, auquel je vous convie.

Le livre de ma vie | JUDITH BAUMANN | Ex-cheffe de la Pinte des Mossettes et créatrice des ateliers Saveursauvages

Comme un appel, auquel

je vous convie

Page 6: Le livre de ma vie #2 | 2012

8

George Orwell (1903-1950)

« 1984 »

Devoir choisir un livre qui bouleverse ma vie par sa lecture ou qui la change, devoir choisir parmi Le zéro et l’infini d’Arthur Koestler, L’amour fou d’André Breton, La flamme d’une chandelle de Gaston Bachelard, Masse et puissance d’Elias Canetti, les écrits de Jacques Derrida ou de Bernard Stiegler. Quoi ? Pourquoi choisir et ne pas les vouloir tous ?1984Par son anticipation, sa description de la violation de la sphère intime, par sa pertinente peinture de la surveillance, si radical motif de se sauver, savoir construire un monde éloigné de ce descriptif.L’indépendance de la pensée, de la formation, de l’esprit critique ressort comme la grande héroïne de ce livre. La garante de la liberté, c’est l’autonomie de la réflexion, c’est relire 1984 avec nos yeux de 2012, en sachant que ce roman a été écrit en 1948.1984Lire avec cette soif de poursuivre, de se lier, d’avoir des raisons d’avoir peur, et de scruter le futur avec les outils de la novlangue, une mélancolie littéraire et historique, le roman de ma vie.

Le livre de ma vie | CATHERINE BOLLE | Artiste peintre, graveuse et plasticienne

Lire avec cette soif de poursuivre,

de se lier

Page 7: Le livre de ma vie #2 | 2012

10

Rainer Maria Rilke (1875-1926 )

« Lettres à un jeune poète »

Il y a trente-cinq ans, je découvris cet échange de lettres entre Rilke, jeune poète de vingt-huit ans, déjà reconnu, et Kappus, âgé comme moi d’à peine vingt ans. À cet âge sommeille un Kappus en chacun de nous. Que choisir comme chemin de vie ? Pour Kappus, c’est le conflit : poésie ou raison ? La raison du moment se définit par la possibilité d’une carrière militaire. En même temps, l’irraisonnable, cet appel de la poésie, le happe, se propose, depuis les tréfonds de son âme. Cet échange fascinant s’étalera sur cinq ans sans que jamais ils ne se rencontrent. Lorsque Kappus recherche une forme de « quittance » de la part de son mentor, que reçoit-il ? De la disponibilité et de l’accompagnement, tellement bienvenus, face au doute qui l’assaille. Cet échange avec Rilke est une leçon de vie, d’amour pour son prochain. Combien d’entre nous se reconnaîtront dans la démarche de Kappus ? Cette approche, pudique, autoritaire et éducative de Rilke devrait s’appliquer dans le monde d’aujourd’hui où la vision de l’avenir s’obscurcit, où l’homme de vingt ans a plus de peine que jamais à se situer. Apprécions la sagesse d’un Rilke de vingt-huit ans en 1903… « Aussi, cher Monsieur, n’ai-je pu vous donner d’autre conseil que celui-ci : entrez en vous-même, sondez les profondeurs où votre vie prend sa source. C’est là que vous trouverez la réponse à la question : devez-vous créer ? De cette réponse recueillez le son sans en forcer le sens. » Oui, Rilke était devenu, l’espace d’une lecture, un mentor pour moi dans mon monde intérieur. Il a été l’éducateur dont je rêvais. « Votre regard est tourné vers le dehors : c’est cela surtout que maintenant vous ne devez plus faire. Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même ». C’est ce message que j’aimerais partager avec les jeunes lecteurs qui aujourd’hui tentent de se positionner dans un monde incertain. « Cher homme de vingt ans, que ces chemins vous soient bons, heureux et larges, je vous le souhaite plus que je ne saurais le dire. »

Le livre de ma vie | ROBIN CORNELIUS | Fondateur de Switcher

Rilke était devenu, l’espace d’une

lecture, un mentor pour moi dans mon

monde intérieur

Page 8: Le livre de ma vie #2 | 2012

12

Supplément à la vie de Barbara Loden est un bijou hors genre, entre l’enquête, le roman, l’essai, la biographie et l’autobiographie.Barbara Loden a réalisé un unique film en 1970 qui s’inspirait d’un fait divers : une fille, Wanda, quitte mari et enfants dans l’Amérique des années 1960, erre, tombe étrangement amoureuse, est complice d’un casse. Barbara Loden joue le rôle de Wanda. Barbara Loden, comédienne américaine et deuxième femme d’Elia Kazan, se raconte à travers une autre. Et c’est ce que fait par-dessus son épaule, à un niveau supplémentaire, Nathalie Léger, l’auteure du livre, tout en rendant le lecteur aussi complice de l’histoire de sa propre mère : une femme raconte une femme qui raconte une femme. Elles ont du mal à dire non, elles sont perdues, elles mettent en défaut l’image triomphante de la femme en général et des années 1960 en particu-lier. Nathalie Léger réfléchit à comment écrire et à ce qu’est l’écriture tout en se demandant comment se trouver face à l’autre, face à l’existence de l’autre.Il y a plus de désarroi que de triomphe dans ce texte souple, minutieux, rythmé, fin, qui fait ouvertement de la fiction à partir de situations réelles. Je ne peux pas choisir « le livre de ma vie ». Celui qui m’a le plus changée, le plus apporté de joie, le plus donné envie de vivre. Il y en a eu de fondamen-taux à l’adolescence, à l’âge adulte et aussi pendant l’enfance. Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Samuel Beckett, Samuel Beckett. Puis Tolstoï, Russel Banks, Faulkner, David Foster Wallace. Et tous les auteurs avec lesquels je travaille. Tous, ils m’ont rendu la vie plus consistante, ils me l’ont pour ainsi dire doublée, lui ont donné plus de relief, m’ont fait plus et mieux vivre. Cette année, c’est notamment Supplément à la vie de Barbara Loden qui m’a rendue plus intelligente, plus souple aussi.

Le livre de ma vie | CAROLINE COUTAU | Directrice des Éditions Zoé

Comment se trouver face à l’autre,

face à l’existence de l’autre

Nathalie Léger (1960- )

« Supplément à la vie de Barbara Loden »

Page 9: Le livre de ma vie #2 | 2012

14

Le livre de ma vie | PIERRE-MICHEL DELESSERT | Photographe

« L’ivresse d’éveil :faits et gestes de Ji Gong le moine fou »

Ce classique chinois est très connu, c’est une variation à la fois burlesque et sage sur l’Éveil dont il existe plusieurs exemples : ce n’est d’ailleurs pas celle-ci que je cherchais à l’origine, mais je l’ai adoptée ! Un moine paillard du XIIIe siècle, par ailleurs doté de pouvoirs magiques qu’il dispense volontiers, nous apprend, au travers de ses transgressions – alcool, impertinence et débauche – à retrouver ce qui nous appartient vraiment. Il transmet par ses frasques l’idée de liberté personnelle. Cette manière de présenter la Voie, à l’opposé des ouvrages de spiritualité, est évidemment plus jouissive, mais ce n’est pas un simple pastiche : c’est une autre manière d’apporter la Voie à d’autres gens, à qui cette forme de provocation (du genre de faire la roue devant l’impératrice alors qu’on n’a pas de sous-vêtement sous la bure…) parle plus directement. La rencontre avec ce livre remonte à plus de vingt ans et, depuis, il m’accompagne. Ce n’est pas un ouvrage qui a bouleversé ma vie, mais je le retrouve régulièrement, je vérifi e qu’il est toujours tel que ce dont je me souviens. Passé le premier contact, on remarque bien qu’il n’est pas destiné à une lecture érudite, mais ça tient la route ! Et j’ai plusieurs de ces ouvrages « galipettes » qui voisinent avec les plus sérieuses références, ma bibliothèque est très panachée, c’est ma façon peut-être de « faire la roue devant l’impératrice »… On m’avait recommandé ce titre et je l’ai à mon tour recommandé, faisant des heureux parmi les esprits ouverts au non-conformisme. Un pur bonheur d’apprentissage d’oubli de la forme, pour cheminer vers ce qui résonne dans ma profondeur. Le tout transmis avec un humour parfois vulgaire, mais néanmoins savoureux : je le lis toujours avec un bonheur qui creuse mes rides de zygomatiques !

Un pur bonheur d’apprentissage

d’oubli de la forme

Page 10: Le livre de ma vie #2 | 2012

16

Charles Bukowski (1920-1994)

« Les contes de la folie ordinaire »

En sortant de l’ornière, j’avais tellement la tête dans le cul que j’aurais pu apercevoir ma propre luette si j’avais jeté un coup d’œil en l’air. Les yeux maintenant ouverts, je me saisis péniblement d’une bouteille de bière entamée qui traînait à côté de mon plumard. Pas de bol, celle-ci avait dû servir de cendrier avant que je m’effondre. Non pas dans les bras de Morphée mais dans ceux plutôt poilus d’un vieux trav surnommée la « Pive ».La veille, j’avais vainement tenté d’écrire quelques lignes pour le compte du catalogue Payot, qui demandait à une brochette de people romands désœuvrés de faire vendre du livre en les suppliant de raconter un ramassis de conneries plan-plan sur le bouquin qui avait marqué leur médiocre existence… Quant aux lignes proprement dites, je dus en sniffer plus que j’en écrivis.En me levant encore bourré comme un âne, je remarquai l’alignée de binouzes sur la table du salon, les cendars remplis jusqu’à la gueule et les capotes à peine déroulées et plutôt proprettes. Avec la volée que je m’étais siphonnée, il m’apparut que je n’avais même pas été foutu de me taper la Pive. « Encore une grande séance de n’importe quoi ! », marmonnai-je dans ma barbe épaisse qui schlinguait le cassoulet périmé.J’ouvris le frigo façon Parkinson et fit péter une canette en m’explosant un chicot. Je la descendis cul sec. Comme la Pive le fit avec moi. Rien qu’à l’idée, je fus pris d’une épaisse nausée. Je courus aux gogues, mais trop tard, je crépis d’un long jet verdâtre l’entrée blafarde de mes chiottes garnies de cafards.Je me mis à genoux devant la cuvette pour cracher mes égouts internes. Et surprise, c’est en la soulevant que je vis un bouquin qui surnageait parmi les étrons. Les contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski. « Encore un enculé d’imposteur », me dis-je. Ça tombait plutôt bien vu que j’avais plus de papier pour me torcher.Y’a des moments où faut croire que la littérature, c’est vraiment de la merde.

Le livre de ma vie | PATRICK DUJANY | Animateur radio, producteur et chanteur

Rien qu’à l’idée, je fus pris d’une

épaisse nausée

Page 11: Le livre de ma vie #2 | 2012

18

Le livre de ma vie | SYLVIE DURRER | Directrice du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes

À six ans, j’aurais dit La voiture de Oui-oui. L’histoire ne m’avait pas passionnée, mais je venais de lire, d’une seule traite, un véritable livre. J’avais le sentiment d’avoir changé de statut. Le monde s’ouvrait à moi. Je croyais qu’Enid Blyton était un homme.À dix ans, je dévorais Le club des Cinq. Comme la majorité des fi lles, je préféraisClaude – qui avait rejeté son prénom de Claudine qu’elle trouvait trop « fi lle » – à Anne, si conforme aux attentes sociales. J’apprenais à travers ces personnages la hiérarchie des sexes et une certaine forme de transgression.À quinze ans, j’aurais hésité entre Germinal ou les Mémoires d’une jeune fi lle rangée. À vingt ans, Le bain de Diane de Klossowski m’a fascinée, générant de par son hermétisme un plaisir avant tout analytique. Vers trente-cinq ans, la richesse de la littérature féminine m’est apparue : Jane Austen, Colette, Alice Rivaz. À cinquante ans, je me dirige volontiers vers les biographies de personnalités méconnues, comme Isabelle de Charrière mise en lumière par Valérie Cossy.Mais le texte qui, depuis l’adolescence, me revient régulièrement en tête, c’est le poème de Charles Baudelaire, Enivrez-vous, qui fi nit ainsi :« Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » C’est là une des pièces des Petits poèmes en prose, publiés en 1869. Ce qui me retient dans ce recueil posthume, c’est la modernité de la forme, le mélange des genres, qui vont du tableau à la critique, le tout dans une tonalité iro-nique plus ou moins marquée. Ces textes disent le dénuement social, moral, esthétique, à travers des personnages de pauvres, d’enfants, de veuves, de saltimbanques, autant de fi gures que nous croisons, aujourd’hui encore, et dont il est si tentant de détourner le regard. Si Baudelaire nous confronte à la vanité de nos vies, il nous invite aussi à ne pas renoncer au rêve.

Charles Baudelaire (1821-1867)

« Petits poèmes en prose - Le Spleen de Paris »

Si Baudelaire nous confronte à la

vanité de nos vies, il nous invite aussi

à ne pas renoncer au rêve

Page 12: Le livre de ma vie #2 | 2012

20

Jacques Chessex (1934-2009)

« Jonas »

J’avais seize ans. Jacques Chessex venait de recevoir le Goncourt et nous avions donc lu L’Ogre, avec effarement. Le mercredi après-midi, quand nous nous échappions de l’internat, l’ogre était là, attablé au Café de l’Évêché : il incarnait la Littérature. C’est bien plus tard que j’ai lu Jonas. Le hasard m’avait fait rencontrer Chessex lors d’un accrochage de ses Minotaures. Il s’en est suivi une amitié aussi brève qu’imminente, fulgurante, interrompue trop tôt par la mort. Comme dans Jonas, Chessex m’a raconté avec émerveillement son amour pour Fribourg la Catholique, baroque, envoûtante, intime, mystique et sensuelle, la ville qui l’a éveillé à la vie durant ses années de collège, à Saint-Michel, sub specie aeternitatis.Vingt ans plus tard, Jonas Carex, marchand d’art désabusé et romancier en panne d’inspiration, revient à Fribourg où ses parents l’avaient envoyé terminer son bac. Parcours réinitiatique ou chemin de croix, Jonas s’engloutit avec délectation dans la Ville baleine, sombre ou lumineuse, dérivant de ruelles en bistrots et d’églises en bordels suiffeux. Accablé par une faute inconnue, il recherche désespérément dans l’extase éthylique et la débauche métaphysique les instants d’éternité de son adolescence et la satisfaction de son désir obsessionnel de Dieu. Mais son passé le rattrape. L’amante délaissée qu’il revoit lui révèle son secret : il a eu un fils, mort à dix-sept ans, qui lui ressemblait tant. « Il n’y a pas de Résurrection », dit Jonas, indigne de renaître et rejeté sur le rivage.Roman charnière qui réconciliera la critique exigeante et l’enthousiasme des lecteurs, Jonas est un grand livre bouleversant, ardent et lyrique, tendre et violent, où l’écrivain développe une langue d’une stupéfiante beauté classique. Contrairement à Jonas, Chessex cessera définitivement de boire et, libéré de certaines de ses chaînes – les limaces du Cardinal –, allégé, il ira désormais à l’essentiel pour nous livrer parmi les plus belles pages de la littérature romande, dont il reste la figure tutélaire.

Le livre de ma vie | ALEXANDRE EMERY | Avocat et directeur de l’Opéra de Fribourg

Un grand livre bouleversant,

ardent et lyrique, tendre et violent

Page 13: Le livre de ma vie #2 | 2012

22

Frank Herbert (1920-1986)

« Dune »

Parmi les livres que j’ai lu, Dune de Frank Herbert est celui qui a laissé l’em-preinte la plus significative. Incontournable classique de la science-fiction américaine, Le cycle de Dune est une saga composée de sept tomes qui furent rédigés entre 1965 et 1985. Cette épopée interstellaire distille un monde d’une rare cohérence au sein duquel se développe un récit héroïque puissamment envoûtant. En sus de ce brillant souffle épique qui lui valut sa consécration, Dune propose une profonde réflexion sur la fabrication des icônes et l’usage du pouvoir. Un pouvoir qui rend hardi et conforte l’Homme dans son fantasme de domination sur l’espace et le temps. Une chimère qui génère le progrès mais dont l’ivresse pourrait provoquer la décadence de notre espèce. Ce discours aux accents zen et environnementalistes propulse Frank Herbert au rang des visionnaires qui anticipèrent les grandes préoccupations du XXIe siècle. Première lecture de science-fiction, Dune a constitué une déflagration dans mon univers d’adolescente. De ce choc est née une passion. Dès lors, je me suis immergée dans la diversité de ce langage littéraire dont la portée reste largement mésestimée et dont les grands auteurs, de H. G. Wells à J. G. Ballard en passant par Philip K. Dick et Isaac Asimov – pour ne citer qu’eux –, sont des influences majeures de l’imaginaire contemporain. La relation de Dune avec le cinéma reste énigmatique. Bien qu’ayant inspiré de nombreux projets – dont le plus fou reste celui du réalisateur chilien Alejandro Jodorowsky, qui promettait le designer suisse H. R. Giger, le groupe Pink Floyd, Orson Welles et Salvador Dalí au générique –, l’œuvre a fait l’objet d’une unique adaptation cinématographique par David Lynch : un film qui flotte entre spectaculaire et cinéma radical. Une vision d’auteur qui convainc Frank Herbert mais rebute la critique. Le livre n’a donc pas encore atteint le grand public et demeure un trésor à découvrir.

Le livre de ma vie | ANAÏS EMERY | Directrice du NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival)

Un récit héroïque puissamment

envoûtant

Page 14: Le livre de ma vie #2 | 2012

24

Jean de La Fontaine (1621-1695) « Fables »

Il ne me faut point cacher que je ne suis pas un… marathonien de la lecture. Quand je reçois un livre, je prends peur si son volume est considérable car, comme j’aime bien finir les choses, j’en déduis qu’il me faudra trop de temps pour arriver à la dernière page. Je préfère les textes courts, et je raffole ainsi des Fables de La Fontaine. Je dois cette passion à un merveilleux instituteur qui nous a présenté l’œuvre de La Fontaine comme de petites pièces de théâtre, avec des acteurs généralement sympathiques, notamment l’omniprésent Renard qui ne gagna pourtant pas toutes les batailles, et j’en veux pour preuve sa défaite face aux raisins qu’il n’a pu cueillir. Et bien sûr, il tenta de sauver la face en disant qu’il ne s’y intéressait guère, car ils étaient… trop verts.Ce qui est merveilleux avec La Fontaine, c’est qu’en peu de mots, il nous fait franchir de grandes distances. Il les utilise comme un mineur… des cartouches de dynamite. Si j’ai hérité d’un peu de sagesse, c’est en partie à La Fontaine que je le dois. De mémoire : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ! »« Il n’est pour voir que l’œil du maître ! »« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », à propos du lion sauvé des rets par le rat reconnaissant.Et j’avouerai que certaines phrases simples mais combien belles sont restées gravées dans ma mémoire :« L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours. »En quelques mots, tout est dit. Pour citer encore un exemple, je confesserai que, sans mon merveilleux instituteur, je n’aurais jamais pleinement compris la leçon à tirer de la fable La cigale et la fourmi. Je trouvais normal que la fourmi qui n’avait cessé de travailler n’ait guère envie de nourrir la cigale qui n’avait rien fait d’autre que de chanter tout l’été. Or, la cigale, c’est l’artiste qui essaie de nous faire plaisir en cultivant les arts, en nourrissant notre esprit, ce qui, pour les humains dira-t-on, est aussi nécessaire que de nourrir son corps. D’autant plus que « l’homme ne vit pas que de pain ».

Le livre de ma vie | GILBERT FACCHINETTI | Président d’honneur du Neuchâtel Xamax FC

En peu de mots, il nous fait franchir de

grandes distances

Page 15: Le livre de ma vie #2 | 2012

26

Serge Doubrovsky (1928- ) « Le livre brisé »

C’était le temps où nos amoureux soulignaient des phrases dans Le rouge et le noir pour nous faire comprendre qu’ils nous aimeront toujours mais qu’ils aimeraient bien coucher tout de suite quand même. C’était le temps où nous nous refilions sous la table les pages de celui que nous adulions comme le gros dégueulasse en chef, Charles Bukowski. De Bukowski, j’ai glissé à Doubrovsky pour sa même aura d’homme à femmes et de jouisseur intello. De mauvaises raisons, comme souvent dans les coups de foudre. Dès les premières pages, j’ai atterri sur une planète jusque-là inconnue de moi. Du costaud. De la littérature pas pour les tendres. La preuve que la littérature peut tordre la vie, que l’une est à la merci de l’autre, et vice-versa. Chez Pivot, le pape de l’autofiction, qui avait déjà fait de sa personne son plus important personnage, fait scandale cette année 1989 où paraît Le livre brisé, lui-même brisé face à l’animateur qui lui demande si « on a le droit de tuer sa femme pour l’amour de la littérature ». De fait, Ilse, sa troisième femme après Claudia et Rachel, blonde Autrichienne rencontrée à New York alors qu’il enseignait Sartre et qu’elle étudiait le français, lui quinqua mollissant, elle vingt-sept ans et toutes ses illusions, Ilse est morte seule à Paris de trop d’alcool dans le sang, trop de désillusions, alors qu’il est au milieu de ce livre, à l’automne 1987. C’est elle qui lui avait demandé d’écrire leur vie à deux, après que Claudia et Rachel aient inspiré Fils ou Un amour de soi, elle qui relisait chapitre après chapitre leur bonheur conjugal qui parfois tournait à l’enfer ; y compris celui intitulé « Beuveries », quelques semaines avant d’y passer.Je l’ai rencontré, Serge Doubrovsky, ce ressasseur d’histoires tourmenté et génial, au Lutetia pour boire et manger, puis chez lui, autour d’une tasse de thé, au milieu des photos de ses filles qui ne lui parlent qu’anglais. Toujours civil, gourmand, lettré, poli, souriant. Normal. Lisse. Ordonné. Dans l’écriture, fou, sans limite, torrentiel, styliste héroïque et vigoureux. Je l’aime, cet homme.

Le livre de ma vie | ISABELLE FALCONNIER | Présidente du Salon International du livre et de la presse de Genève et responsable littéraire de «L’Hebdo»

J’ai atterri sur une planète jusque-là inconnue de moi

Page 16: Le livre de ma vie #2 | 2012

28

Jules César (100-44 av. J.-C.)

« Guerre des Gaules »

Ce livre-là est une source. Source historique d’abord, bien sûr : dès 58 avant notre ère, huit ans de guerre relatés par le principal protagoniste, avec le bruit des armes, le sang, la peur, les marches, les sièges, les ruses, les alliances et les trahisons. En chemin, César dépeint la Gaule, évoquant ses mœurs, ses peuples, ses chefs, ses dieux... Un reportage au cœur de l’action et un documentaire ethnographique.Avec la Guerre des Gaules naît aussi « l’histoire suisse ». L’émigration helvète de 58, le pont coupé à Genève, le carnage sur la Saône puis la défaite de Bibracte font entrer nos lointains aïeux, 263'000 requérants d’asile renvoyés au pays, dans l’histoire écrite. Un an après, une légion romaine est attaquée à Martigny par les Véragres locaux et leurs voisins Sédunes ; échappant de peu au massacre, elle se replie sur Genève, chez les Allobroges. C’est arrivé près de chez nous ! La guerre des Gaules inaugure en outre, dans les régions conquises, l’époque gallo-romaine. Cinq siècles qui ont tout changé : latin et écriture, techniques, plantes cultivées, mythes et cultes nouveaux, le legs est immense. La Médi-terranée irrigue notre identité culturelle.L’œuvre de César est par ailleurs source d’inspiration et référence essentielle, qu’on lise Cortés ou Astérix, ou qu’on songe aux conflits en Afghanistan et en Irak.Enfin, à titre personnel et donc anecdotique, la Guerre des Gaules est, un peu par hasard, au départ d’un parcours débuté en 1986 sur une colline de Bourgogne. Une mission archéologique suisse y cherchait les traces de la bataille de Bibracte. Texte en main, on imaginait ici les Helvètes montant à l’assaut, là les légions attendant le choc… Et Jules César tout près, donnant ses ordres. Le récit, le paysage, le temps télescopé. De là, d’amitiés en coups de chance, chantiers de fouilles, musées, émissions de radio, satire, tout s’est enchaîné, jusqu’à l’opportunité de l’écrire ici : lisons ou relisons la Guerre des Gaules, et rendons à César !

Le livre de ma vie | LAURENT FLUTSCH | Directeur du Musée romain de Lausanne-Vidy, chroniqueur satirique à la RTS et rédacteur en chef adjoint de «Vigousse»

Le récit, le paysage, le temps télescopé

Page 17: Le livre de ma vie #2 | 2012

30

Fritz Zorn (1944-1976)

« Mars »

Mais pourquoi j’ai choisi ce livre ? En voulant en parler, je me suis dit qu’il serait bien que je le relise trente ans plus tard avec le vécu qui me sépare de sa première lecture. Et voilà, je me retrouve avec cette même impression, une oppression diffuse, un sentiment de tristesse indicible, une curiosité sournoise qui m’empêche de lâcher le livre alors que j’en connais l’histoire, qu’elle est triste, qu’elle se finit mal et que ses opinions soulèvent des remises en question touchant les tréfonds de la conscience.Le livre commence par les phrases : « Je suis jeune, riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul (…). Naturellement j’ai aussi le cancer… ».C’est l’histoire et l’évolution d’un aspect de sa vie ayant trait à sa maladie, écrit par un jeune Suisse de la région zurichoise, décédé à trente-deux ans, le lendemain de la nouvelle lui annonçant la publication de son livre.L’auteur a pris un nom d’emprunt, Zorn, signifiant « colère », et le titre, Mars, fait référence au dieu de la colère. Et pourtant il décrit une enfance vécue en harmonie, sans conflits notoires, mais remplie de non-dits et d’acceptations d’idées reçues. Une phrase en dit long : « J’étais désespéré et je n’avais pas le droit de l’être à mes propres yeux. »Parmi les nombreux passages évoquant son affliction, ses névroses, une autre pensée marquante : « Je me suis chagriné à mort, je meurs de douleur. Peut-être le cancer est-il même une libre décision, le prix que je suis disposé à payer pour me libérer de mes parents. »Ce livre a marqué une remise en question dans ma manière de penser. Le narrateur attribue son mal à sa résignation et à son imprégnation des maux familiaux. La lecture de ce récit a conforté ma tendance à tout remettre en cause et à prendre le contre-pied des idées toutes faites.Cette mise en abyme de nos propres fragilités face à la dépression et auxpersonnes en souffrance nous ramène à nos peurs et nos douleurs enfouies, et devient paradoxalement une revigorante ode à la vie.

Le livre de ma vie | MADELEINE GAY | Œnologue, vigneronne de l’année 2008

Une remise en question

dans ma manière de penser

Page 18: Le livre de ma vie #2 | 2012

32

Yangzom Brauen (1980- )

« J’ai franchi tant de montagnes »

Le texte de Yangzom Brauen résonne en moi notamment à la lumière de la biographie de la peintre Fabienne Verdier intitulée Passagère du silence. Deux livres qui plongent le lecteur au cœur de la Chine, mais qui l’illumine de façons très différentes. Je voudrais tout d’abord faire un clin d’œil à Fabienne Verdier partie en Chine pour apprendre la calligraphie, coupée du monde pendant de nombreuses années à côtoyer les grands maîtres chinois. Elle revient en France avec une œuvre d’une puissance incroyable. Un coup de patte qui vient du fond des tripes, à l’image des arts martiaux chers aux Asiatiques.Yangzom Brauen, quant à elle, écrit l’histoire familiale de trois générations de femmes. C’est une militante en faveur de la libération du Tibet. Kunsang, la grand-mère, perd sa mère à six ans et devient nonne plus tard. Elle épouse un moine et met au monde deux filles. En 1959 commence pour Kunsang un long et tragique exil au cours duquel son mari et sa fille cadette périront. Installée en Inde avec Sonam, sa fille survivante, elles font toutes sortes de travaux, comme par exemple casser des cailloux ; une vie rude dans un monde de pauvreté. Sonam va rencontrer l’ethnologue Martin Brauen, l’épouser et déménager en Suisse avec sa mère. Son parcours la conduit du commerce de Tsampa en Europe à la peinture à New York. Une belle histoire qui démontre la force humaine devant l’adversité ; grâce notamment aux vertus bouddhiques : modestie, calme, honnêteté, pondération, bonté.

Le livre de ma vie | ANDRÉ GEORGES | Alpiniste et guide de montagne

Une belle histoire qui démontre

la force humaine devant l’adversité

Page 19: Le livre de ma vie #2 | 2012

34

Le livre de ma vie | ALAN HUMEROSE | Photographe

Dire ou penser le livre de ma vie m’est un peu pénible. D’abord parce que cela suppose que j’aurais cessé de vivre et par conséquent de lire, ce qui pour moi revient au même, et ensuite parce qu’il me faut élire un ouvrage parmi tant d’autres qui sont pour beaucoup des livres de ma vie. Les livres, ce sont des histoires de rendez-vous. Ratés, oubliés ou extraordinaires, c’est toujours un échange de langue et de paroles dans un moment. Choisir m’est d’autant plus cruel que, photographe, je travaille depuis toujours sur la série d’images plutôt que sur l’image seule. La lumière est plus importante que l’anecdote, elle surgit d’entre les vues, comme le sens et la poésie naissent entre les lignes. Ainsi, je verrais plutôt le livre de ma vie comme le catalogue dressé au bout de la route indiquant et les stations et l’itinéraire.Je préfère alors plutôt évoquer le livre d’une époque, celui dans lequel jus-tement se présenta pour la première fois cet « entre », entre les élans et les possibles. Et je me retourne vers les grands débuts, là où et quand le monde commence à s’écarter et que le texte porte alors en lui des révolutions, là où la confusion entre lire et vivre s’esquisse. À treize ans, on ne sépare pas bien ce qui est raconté de comment cela est raconté, et on ignore si Nietzsche ou Bergson sont convoqués dans une aventure sur une île ensoleillée pleine de mythes et de veuves farouches et de musique, mais on sent qu’un texte peut emporter bien plus loin que le résumé de l’histoire qu’il emprunte pour se et nous révéler.Dans un port, deux regards d’hommes se croisent ou se cherchent, se trouvent, puis d’entreprises foireuses en amours vives, entre les âges et les expériences, entre des tourments à se taper la tête contre des bouteilles et des fêtes à danser la vie plus forte que le cerveau, entre la timidité d’un corps intellectualisé et le mépris de la mort, entre agir et penser, Alexis Zorba m’a dégagé des pistes de vie et de vues déterminantes, ouvert à l’aventure, à la nécessaire et fondamen-tale liberté, et lancé à la conscience que ce que nous regardons nous regarde. Une chanson !

La confusion entre lire et vivre

s’esquisse

Nikos Kazantzaki (1883-1957)

«Alexis Zorba »

Page 20: Le livre de ma vie #2 | 2012

36

Patti Smith (1946- )

« Just Kids »

« J’aime beaucoup ce que vous faites. » Rien de plus inspiré ne m’est venu à l’esprit lorsque j’ai rencontré Patti Smith par hasard, il y a quelques années, dans les backstages de Paléo. Devant mon air emprunté, elle a rétorqué en riant : « Nice chick ! ». Aujourd’hui, après la lecture et relecture de son auto-biographie Just Kids, j’aurais tant de choses à lui dire…Ce livre retrace la rencontre et l’ascension artistique de deux gamins de vingt ans qui ont fait le pacte de toujours prendre soin l’un de l’autre : Patti Smith, poétesse rock, et Robert Mapplethorpe, photographe provocateur. Leur incessante quête de créativité – poésie, peinture, musique, théâtre, écriture – nous emmène du Pratt Institute (célèbre école d’art de Brooklyn) à l’East Village, en passant par Coney Island, jusqu’au légendaire Chelsea Hotel où le couple s’installe en 1969. À travers une véritable visite guidée du New Yorkunderground des années 1960-1970 et de ses hauts lieux arty (la Factory d’Andy Warhol, le CBGB, le Max’s Kansas City), Patti Smith raconte avec pudeur et humilité ses rencontres avec les artistes et personnalités emblématiques de l’époque dont, pour n’en citer que quelques-uns, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Bob Dylan, Jim Morrison et William Burroughs.L’auteure a « essayé de faire un film à travers les mots » et met en scène sa vie debohème avec simplicité et sincérité, l’enrichissant d’événements historiques, de nombreuses références cinématographiques et surtout musicales, qui rendent son récit encore plus réaliste et passionnant. On aurait presque envie que le livre soit accompagné d’un CD avec une compilation des titres de musique qu’elle mentionne au fil des pages !Plus qu’une simple autobiographie, Patti Smith nous apporte ici le témoignage d’une époque culte qui a vu naître la beat generation, le mouvement punk et le pop art, et qui continue d’inspirer bon nombre d’artistes.

Le livre de ma vie | NATHALIE KOCH | Co-directrice de la salle de concerts les Docks à Lausanne

Le témoignage d’une époque culte

Page 21: Le livre de ma vie #2 | 2012

38

Anton Tchékhov (1860-1904)

« Récits », in « Œuvres »

Le tome 1 des Œuvres de Tchékhov publié dans la collection de la Pléiade est définitivement le livre de ma vie. L’objet d’abord. Le bruissement des pages en papier bible, leur souffle, leur frémissement m’enveloppent d’un cocon sonore rassurant. Une bande son aérienne pour un univers littéraire si familier et sans cesse redécouvert. Ce livre, que je ne lâche pas depuis mes onze ans, je l’ai emprunté à la bibliothèque de mes parents et je ne l’ai jamais rendu. Le savoir dans mes rayonnages me calme. Si ce livre est là, alors je suis chez moi. À chaque déménagement, je vérifie bien qu’il ne s’abîme pas car le poser sur mes étagères me certifie bien que je suis en sécurité, armée de la fragilité des pages de mon ouvrage fétiche. L’odeur de ses feuilles me replonge dans de longues soirées adolescentes où ma sœur et moi lisions mutuellement à haute voix ces nouvelles. L’expression « tranche de vie », je l’entends au sens propre lorsque je pense aux nouvelles d’Anton Tchékhov. De la vie pure, qui palpite, qui crépite, qui s’ennuie intensément. De la vie en tranches fines. Le musicien Smytchkov, Sophia, Wanda, le forestier Artiom, nos voix de fillettes les faisaient exister. Dans notre petite chambre d’enfants, ma sœur et moi avions le pouvoir de remonter dans le temps et de devenir multiples… et surtout, de devenir Tchékhov lui-même. Nous ne nous en privions pas : chaque soir, une nouvelle à haute voix ! « Hier c’est toi qui a lu, alors ce soir c’est moi. » L’humour sauvage de notre Anton nous plongeait dans une hilarité qui m’empêchait de dormir, délicieuse insomnie renouvelée chaque soir. Le sommeil qui suit la lecture d’une nouvelle de Tchékhov, c’est encore du Tchékhov. On se réveille plus riche, et surtout sœur ou frère des personnages créés par son génie. Une famille en papier bible dont je ne serai jamais orpheline.

Le livre de ma vie | NATACHA KOUTCHOUMOV | Actrice

De la vie pure, qui palpite, qui crépite,

qui s’ennuie intensément

Page 22: Le livre de ma vie #2 | 2012

40

Richard Bach (1936- )

« Jonathan Livingston le goéland »

En novembre 2010, j’ai mis un terme à ma carrière sportive. À peu près à la même époque, mon époux Silvio m’a glissé dans les mains ce petit ouvrage Jonathan Livingston le goéland qu’il avait lui-même reçu de son père à l’adolescence. Avec du recul, j’aurais aimé le découvrir plus tôt. Mais, parfois, ce sont les livres qui viennent à nous et il y a certainement une raison à cela. Jonathan est un être particulier. À la recherche constante de la perfection esthétique et de la maîtrise physique, il s’écarte peu à peu de ses semblables dont il ne partage pas les motivations. Il assume néanmoins cet isolement nécessaire à son chemin pour aller vers ce en quoi il croit profondément. Pensant déjà avoir atteint l’Excellence, il reçoit alors l’enseignement d’un Maître qui le rendra meilleur et lui permettra à son tour de transmettre son idéal. Un sportif de haut niveau emprunte ce type de chemin. Le dépassement de soi et la recherche de la performance passent par l’acceptation, le sacrifice et une indéfectible foi en soi-même. Il rencontre également des Maîtres – tout particulièrement en escrime – qui le guideront vers le sommet et lui permettront un jour de restituer un peu de l’expérience acquise. J’ai eu la chance de suivre ma route sportive en toute liberté, comme Jonathan. Il existe de nombreux moyens de transmettre sa passion et il appartient à chacun, sportif ou non, de choisir lequel…

Le livre de ma vie | SOPHIE LAMON | Escrimeuse, vice-championne olympique et championne du monde junior

Parfois, ce sont les livres qui

viennent à nous

Page 23: Le livre de ma vie #2 | 2012

42

Milan Kundera (1929- )

« L’insoutenable légèreté de l’être »

Je ne suis pas une grande lectrice, dit de moi ma fille. Il est vrai que contrairement à elle je ne dévore pas plusieurs romans par semaine. J’ai en revanche plus d’appétit pour les journaux et les magazines d’information. Alors quand j’ouvre un livre, il n’a qu’une seule chance pour me conquérir. Il doit me séduire d’emblée.Ce fut le cas de L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, un vrai coup de foudre. Je devais avoir seize ou dix-sept ans, et l’ouvrage venait d’être traduit en français. Je n’y ai pas seulement découvert la passion et la souffrance, mais aussi la politique et la révolte. Ce fut un vrai choc pour l’adolescente insouciante et naïve que j’étais, fille de bonne famille, élevée à l’air de la campagne fribourgeoise, très loin de Prague et de l’invasion soviétique de 1968.Ce livre, je m’y suis replongée il y a quelque temps et j’y ai redécouvert avec bonheur les personnages que j’avais enfouis dans ma mémoire. J’y ai surtout relu, avec délectation, mes annotations de l’époque, joliment écrites au crayon en marge des pages. Je me demandais à qui j’allais ressembler dans ma vie de femme, à Tereza, Sabina ou Marie-Claude ? Tereza, qui symbolise la pesanteur, est aussi celle qui accepte d’être trompée par l’homme qu’elle aime, Tomas, qui couche avec Sabina. Sabina, justement, c’est l’artiste, indépendante et indomptable, l’incarnation de la légèreté. Marie-Claude, enfin, semble camper l’épouse parfaite et soumise, mais elle se montre sans pitié quand son mari Franz lui annonce l’avoir trompée avec Sabina.Ces événements sont l’occasion pour Kundera de s’interroger sur le sens de la vie, sa légèreté et sa pesanteur. La légèreté de l’être vaut-elle mieux que la pesanteur ? Et si c’était l’inverse ? Il y est aussi question du hasard, hasard des rencontres qui scellent à jamais les destins. Kundera nous pousse à nous questionner sur l’étonnante alchimie entre hommes et femmes, sur notre dépendance et notre liberté.

Le livre de ma vie | ESTHER MAMARBACHI | Journaliste et productrice à la RTS

S’interroger sur le sens de la vie,

sa légèreté et sa pesanteur

Page 24: Le livre de ma vie #2 | 2012

44

Hervé This (1955- )

« Les secrets de la casserole »

Depuis le début de mon apprentissage de cuisinier, je collectionne les livres de cuisine. J’aime l’histoire des hommes et des femmes qui ont contribué à l’évolution du monde culinaire. Parmi tous mes livres, il y en a un qui m’a marqué à jamais : Les secrets de la casserole d’Hervé This a changé ma manière de comprendre la cuisine. Ce merveilleux livre trône sur mon bureau à côté d’un livre de cuisine de ménagère de 1912 que m’a offert ma maman. Ce qui me plaît dans ces deux livres, c’est l’évolution de la cuisine. « La chimie, c’est de la cuisine », entend-on souvent dire. Pour Hervé This, c’est le contraire ! La cuisine, c’est de la chimie, et une chimie des plus passion-nantes. De la soupe à l’oseille au soufflé au fromage, du cochon de lait grillé au millefeuille, innombrables sont les questions de physico-chimie qui se posent devant les fourneaux : pourquoi la viande grillée brunit-elle ? Quelle est la structure d’une mayonnaise ? Pourquoi le jus de citron fait-il prendre les confitures ? L’auteur avance des explications qui mettent à mal les idées reçues de beaucoup de cuisiniers, mais donnent en même temps les bases nécessaires pour cuisiner en comprenant ce qui se passe dans la casserole. Comme tous les lecteurs des Secrets de la casserole, vous trouverez le pain plus moelleux en sachant comment se crée la mie lors de la réaction chimique qu’est la panification, et vous saurez comment faire pour qu’un soufflé ne retombe pas.L’évolution étant ma base en cuisine, ce livre a répondu aux questions que je me posais et il a réconforté mon idée de recherche de la connaissance.Depuis la lecture de ce livre, mes bases sont les paroles d’une chanson de Jean-Loup Dabadie interprétée par Jean Gabin : « Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais ! C’est tout ce que je sais ! Mais ça, je le sais ! »

Le livre de ma vie | DENIS MARTIN | Chef cuisinier du restaurant Denis Martin à Vevey

La cuisine, c’est de la chimie, et

une chimie des plus passionnantes

Page 25: Le livre de ma vie #2 | 2012

46

Carson McCullers (1917-1967)

« Frankie Addams »

Après avoir découvert mon film L’enfant d’en haut, une amie qui connaissait ma passion pour l’œuvre de Carson McCullers me confia qu’elle n’a pas cessé d’y voir Frankie Addams. Je n’avais pas pensé une seconde à ce roman en écrivant ce film. C’est peut-être ça « le livre de sa vie », un livre qui résonne tellement en vous qu’il finit par couler dans vos veines et se mêler insidieu-sement à votre imaginaire au point de faire corps avec vous. J’aime follement les personnages de Carson McCullers. Peut-être parce qu’ils sont tous un peu en marge, bancals, boiteux, décalés, abîmés physiquement, mentalement, peut-être aussi parce qu’ils sont tous en manque terrible d’amour. Et plus encore Frankie Addams, cette jeune fille de douze ans qui ne trouve pas sa place et tente de fuir grâce à son imaginaire fou et débordant. Profondément solitaire, Frankie comble le vide par des rencontres hasardeuses à travers la ville et par les mots qui jaillissent de sa bouche comme un besoin physique de les faire sortir de ce corps trop grand et maladroit dont elle se sent prisonnière. J’ai découvert Carson McCullers vers quatorze ans, et c’est étrangement au même âge qu’est né mon désir de cinéma, comme s’il y avait eu un court-circuitage entre ses mots et mon désir d’images, de sons, de corps. Frankie c’est la Mick de son premier roman, qui porte l’un des plus beaux titres au monde Le cœur est un chasseur solitaire. C’est aussi la Sabine de Des épaules solides, la Marion de Home, le Simon de L’enfant d’en haut. Rarement une œuvre ne m’a autant habitée. Il ne s’agit nullement d’inspiration mais d’une rencontre artistique souterraine et troublante. J’ai parfois comme le sentiment étrange d’avoir rencontré Carson McCullers, de la connaître intimement. Elle est une amie, une sœur, une complice. Elle qui a passé sa vie avec les mots et moi qui en ai eu si peur et qui ai dû, comme Frankie Addams, les apprivoiser. S’il était possible de remplacer mes désirs d’images et de sons par des mots, alors ce serait ceux de Carson McCullers.

Le livre de ma vie | URSULA MEIER | Cinéaste

Une rencontre artistique

souterraine et troublante

Page 26: Le livre de ma vie #2 | 2012

48

Henry Miller (1891-1980)

« Tropique du Cancer »

Ma première lecture de Henry Miller fut celle de Tropique du Cancer, l’ouvrage qui le fit connaître, le portant au pinacle de la littérature pour certains, au cul-de-basse-fosse des libertins scribouilleurs pour d’autres. Publié en 1934, cet ovni littéraire bouscule l’Amérique tâcheronne et bien-pensante en lui présentant un miroir peu complaisant de son puritanisme et du modernisme ravageur qui œuvre dans ce pays. De ce modernisme, Miller tirera plus tard un portrait halluciné dans Le cauchemar climatisé.Pour écrire Tropique du Cancer, Henry Miller fuit le New York de l’entre-deux-guerres. Il fuit aussi June, sa muse perdue, pour trouver un havre à Paris. Installé à la villa Seurat au cœur du Montparnasse des artistes des années 1920-1930, il mène une vie de bohème qui n’a qu’un seul but : celui de se découvrir, de s’affranchir de la société, déjà de consommation, pour chanter à la face du monde avec son écriture enfin libérée. Sa trajectoire de bateau ivre croise celle de nombreuses femmes et sa description, parfois très crue, de leurs ébats a fait sursauter et se réveiller l’Amérique qui hurla à la porno-graphie en oubliant celle que véhiculait sa propre société.Henry Miller est un immense poète de la vie, un taoïste occidental que porte le courant des multiples influences qu’il a transcendées pour nous parler de nous et de nos limites, et surtout, nous souffler à l’oreille qu’il est possible de les bousculer, de vivre au cœur du monde si l’on parvient à les dépasser.« Je n’ai pas d’argent, pas de ressources, pas d’espérances. Je suis le plus heureux des hommes au monde. »Comme les poètes, Henry Miller procède par touches fulgurantes, son écriture est dans l’évocation et l’ouverture de fenêtres qui résonnent dans l’expérience du lecteur. Il ne faut pas lire Miller appliqué et concentré, il faut juste lâcher prise, voguer sur son écriture, essayer d’aborder ses propres rivages et laisser couler en soi la musique de liberté qu’il verse en nous.

Le livre de ma vie | JEAN-LUC MONER-BANET | Directeur général de la Loterie Romande

Laisser couler en soi la musique

de liberté qu’il verse en nous

Page 27: Le livre de ma vie #2 | 2012

50

Vladimir Nabokov (1899-1977)

« Lolita »

Il est un roman que je ne pouvais manquer de lire : Lolita de Vladimir Nabokov. C’est à lui que je dois mon prénom ! C’est également le livre qui a traîné le plus longtemps dans ma bibliothèque.Connaissant le sujet sulfureux et immoral de l’intrigue, mon malaise était tel que je ne pouvais me résoudre à entamer sa lecture. Comment me risquer à suivre les turpitudes de Humbert Humbert, un professeur de littérature quadragénaire, et être témoin de l’amour pervers, obsessionnel qu’il voue à sa belle-fille de douze ans, Lolita ? Mais au-delà de l’histoire, il y a l’auteur et son génie. Alors finalement un jour, j’ai tourné la page de couverture.« Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta. Elle était Lo le matin, Lo tout court, un mètre quarante-huit en chaussettes, debout sur un seul pied. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur les pointillés des formulaires. Mais dans mes bras, c’était toujours Lolita. »Avec cet incipit éblouissant, Nabokov m’a immédiatement envoûtée et entraî-née dans un monde troublant aux frontières floues, celles qui séparent le beau du laid, le bien du mal, ballottée d’un bout à l’autre du roman entre émerveillement et horreur : l’horreur des envies de Humbert, de ses actes pédophiles et incestueux, des souffrances de Lolita. L’émerveillement du vocabulaire de Nabokov, de la beauté de ses phrases, de ses jeux de mots, des références littéraires dont il a truffé son roman, de son humour corrosif et surtout de la fascinante ambiguïté des sentiments qu’il parvient à faire naître chez le lecteur qui parfois s’autorise à ressentir de l’indulgence pour le monstre !L’histoire est condamnable mais la manière de la raconter est magnifique. Un style flamboyant pour une intrigue très sombre. Lolita est un chef-d’œuvre, à lire absolument !

Le livre de ma vie | LOLITA MORENA | Comédienne et animatrice de télévision

Envoûtée et entraînée dans un monde

troublant aux frontières floues

Page 28: Le livre de ma vie #2 | 2012

52

Le livre de ma vie | CLAUDE NICOLLIER | Astrophysicien et astronaute de l’Agence spatiale européenne

Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944)

« Vol de nuit »

Toute l’œuvre de Saint-Exupéry, et en particulier l’ouvrage choisi, a été une véritable source d’inspiration et d’émotions fortes depuis ma jeunesse. J’adore voler, de manière presque obsessionnelle. J’ai toujours eu, et j’ai encore le goût de l’aventure, et je n’ai jamais cessé d’avoir un fort penchant pour le concept de mission, de responsabilité, de devoir à accomplir. Cet ouvrage est totalement imprégné de cet esprit, que ce soit chez Rivière, responsable des opérations en vol, ou Julien, le pilote, et son co-équipier radionavigant. On peut lire dans la préface de Gide : « Le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. » Cette affirmation est peut-être contestée par quelques lecteurs, mais, personnellement, je la trouve tellement juste, et elle correspond parfaitement à mon expérience de vie ! Le pilote, et l’astronaute, se retrouvent dans ce propos…Les aléas de la météo exposaient les membres d’équipage à un niveau de risque impensable aujourd’hui dans l’aviation commerciale. Ce risque était encore augmenté de nuit, à cause de la limitation des indications visuelles de la position de l’avion. C’est toujours avec une grande émotion que je lis le passage de l’ouvrage où Julien tire son unique fusée éclairante pour identifier la nature du sol : « C’était la mer. » Puis cette montée en spirale dans ce puits de lumière constitué par une trouée des nuages, vers les étoiles, avec un cap vers l’ouest pour tenter de rejoindre la côte, sachant que, bientôt, les réserves de carburant seront épuisées et que l’avion percutera finalement la mer, ou peut-être la terre ferme, mais le résultat sera le même, de nuit… « Il serre dans son volant le poids de la richesse humaine, et promène, désespéré, d’une étoile à l’autre, l’inutile trésor qu’il faudra bien rendre. » Magnifique, et si tragique à la fois !Je pense aux astronautes du dernier vol de Columbia : bien que dans un envi-ronnement totalement différent, ils étaient dans une situation semblable à la fin de leur vol orbital, « infiniment riches, mais condamnés ».

Magnifique, et si tragique

à la fois

Page 29: Le livre de ma vie #2 | 2012

54

Carlos Ruiz Zafón (1964- )

« L’ombre du vent »

Il semble bien cruel de devoir choisir un seul livre de ma vie. À chaque âge il est des ouvrages marquants qui peuvent inspirer des rêves, des envies, des désirs, des angoisses ou des complexes. Les Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol m’avaient donné l’amour de la rédaction en me rappelant que l’art de raconter des histoires vraies n’est pas donné à tout le monde… Quelques grands auteurs français et russes m’ont marqué, tout comme plusieurs romanciers anglais ou américains. Mais j’ai choisi un livre enchanteur, L’ombre du vent, qui est justement un éloge à la littérature. Publié en 2001, ce roman de Carlos Ruiz Zafón retrace avec talent, tendresse, amour et suspens, un récit captivant sur la trame historique d’une Espagne tourmentée par la guerre.La vie du personnage principal (qui se prénomme Daniel) sera bouleversée par la découverte d’un cimetière de livres disparus, une bibliothèque mystérieuse, un lien aussi magique que secret. Il devra choisir un ouvrage à préserver, celui d’un énigmatique auteur, Julián Carax. Ce sera le début d’une aventure à la fois tragique, touchante et fantastique. Avec un étrange personnage au visage effroyable, qui tente de brûler tous les écrits de l’intrigant Julián Carax.J’ai été séduit par le style, le rythme et l’imagination de Zafón. La réalité se mêle à l’imaginaire et la fiction inspire le rêve. Un magnifique roman que j’ai offert à de nombreux amis.

Le livre de ma vie | DANIEL ROSSELLAT | Syndic de Nyon et directeur du Paléo Festival

Un livre enchanteur, qui est justement un éloge à la littérature

Page 30: Le livre de ma vie #2 | 2012

56

Daniel Pennac (1944- )

« La fée carabine »

Un livre au titre étrange avec ses 200 premières pages imposées comme devoir de vacances. Rien n’était gagné, ni pour lui, ni pour moi, et pourtant il a été ma première dose, mon premier shoot, ma première dépendance à la lecture qui n’était de loin pas mon activité préférée du haut de mes seize ans. Les 200 pages ont vite été dépassées… Daniel Pennac, le cancre devenu écrivain, a su me contaminer avec cet ouvrage. Depuis, dans chaque livre que j’entame, c’est cette même envie gourmande de bouffer les mots qui me grise. Parfois, le plaisir est le même, souvent moindre, rarement dépassé, La fée carabine est ainsi devenu l’étalon de mes lectures. Ce livre est celui de ma vie, au sens qu’il m’a fait incontestablement commencer ma vie de lecteur.Écriture dynamique, surprises constantes, histoires multiples aux liens subtilement dévoilés en fin de récit. Ici, aucun personnage n’est lisse, chacun d’eux cultive son originalité, ce qui les rend irrésistiblement attachants. Et puis il y a Benjamin Malaussène, fils aîné propulsé chef d’une tribu nombreuse faite de cabossés de la vie. Cet homme attire irrémédiablement les ennuis et a la capacité particulière de les endosser. Cette compétence est même devenue la source principale de ses revenus puisqu’il assume le rôle de bouc émissaire professionnel. En commençant ce récit par une petite vieille canardant un flic, Daniel Pennac lance un roman policier d’une originalité extrême mêlant avec talent intrigue et histoire de personnages. Et si on n’aime pas terminer un tel ouvrage devenu compagnon, la bonne nouvelle avec La fée carabine, c’est qu’elle n’est qu’une escale parmi les aventures de Benjamin Malaussène commencées avec Au bonheur des ogres.

Le livre de ma vie | KARIM SLAMA | Humoriste et comédien

Cette même envie gourmande

de bouffer les mots qui me grise

Page 31: Le livre de ma vie #2 | 2012

58

Jorge Luis Borges (1899-1986)

« Fictions »

Un auteur qui en évoque mille autres, un livre qui en renferme une infinité, Fictions de Jorge Luis Borges : un petit recueil de nouvelles énigmatiques et complexes. Chacune ouvre sur des mondes inconnus dont l’auteur nous révèle les arcanes en quelques paragraphes. Les univers de Borges paraissent extensibles à l’infini ; la réalité se mêle à la fiction au fil d’une écriture qui vise à l’essentiel. Au fil des paragraphes, Borges dévoile une multitude de cheminements fantastiques, emportant le lecteur aux confins des possibilités qu’offre l’esprit. Un jour que je lisais la nouvelle intitulée La forme de l’épée dans un café de Buenos Aires, il m’est arrivé cette chose peu vraisemblable. Le personnage principal de ce récit se prénomme John Vincent Moon. Ancien combattant de la guerre d’indépendance irlandaise, une mystérieuse cicatrice en forme de croissant de lune lui découpe le visage. Alors que le narrateur dénonce au fil des pages l’infamie de ce personnage, la nouvelle se termine par cette phrase : « Je suis Vincent Moon – maintenant méprisez-moi. » À ce moment précis je lève la tête, et devant moi un homme, hésitant, s’apprêtait à quitter le café. Sur son sac à dos était inscrit en lettres majuscules noires, parfaitement disposées en arc de cercle, le mot suivant : « M O O N ».Ayant réussi à figer ce moment par une photographie prise au vol, comme pour me persuader que je ne rêvais pas, je suis resté fasciné par la capacité des histoires de Borges à faire irruption dans le réel.

Le livre de ma vie | STEFANO STOLL | Délégué à la culture de la ville de Vevey et directeur du Festival Images

Une multitude de cheminements

fantastiques, aux confins

des possibilités qu’offre l’esprit

Page 32: Le livre de ma vie #2 | 2012

60

Hans Jonas (1903-1993)

« Le principe responsabilité »

Le principe responsabilité, du philosophe allemand Hans Jonas, a profondément marqué ma vie intellectuelle, spirituelle et politique. Cet ouvrage m’a fait comprendre que la crise environnementale était en dernière instance une crise de la responsabilité. J’ai consacré mon mémoire de licence et plusieurs années de recherche à ce thème. Pendant cette période, j’ai aussi découvert le Concept de Dieu après Auschwitz, dans lequel Jonas donne une base méta-physique à sa philosophie de la nature. J’aime beaucoup la vision qu’il y développe, celle d’un Dieu immanent, qui se donne et se met en danger. En tant que politicienne verte, la philosophie de Jonas m’est précieuse. Je suis très touchée par sa pensée du vivant comme périssable, objet par excellence de notre responsabilité. Jonas nous montre en quoi la responsabilité est une faculté majeure et caractéristique des êtres humains, et pourquoi elle doit s’appliquer non seulement aux conséquences de nos actes sur d’autres êtres humains, mais aussi sur la nature. Je suis persuadée du fait que ce n’est que par une prise de responsabilité, à la fois collective et individuelle, que nous parviendrons à résoudre les enjeux environnementaux, et je me bats pour que cette prise de responsabilité advienne. Dans mon argumentation, je fais souvent appel à Jonas, mon philosophe de cœur, mais aussi à un autre penseur allemand, Dieter Birnbacher, un utilitariste très convaincant. Il explique de manière absolument claire et structurée pourquoi notre res-ponsabilité s’applique aussi aux générations futures, dont nous ne pouvons pas négliger les intérêts. Si je suis intimement convaincue du fait que la nature a une valeur intrinsèque qui appelle notre respect, je pense qu’elle est aussi un patrimoine que nous devons transmettre à nos descendants.

Le livre de ma vie | ADÈLE THORENS GOUMAZ | Conseillère nationale, co-présidente des Verts suisses

Pensée du vivant comme périssable,

objet par excellence de notre responsabilité

Page 33: Le livre de ma vie #2 | 2012

62

Le livre de ma vie | ESTHER WAEBER-KALBERMATTEN | Présidente du Conseil d’État valaisan, cheffe du Département de la sécurité, des affaires sociales et de l’intégration

Je ne crois pas qu’il y ait des livres « de ma vie », chaque jour ce pourrait en être un autre… Mais celui-ci m’a fascinée dès la première page, avec son langage magnifique, son style changeant et diversifié, toujours parfaitement adapté. Les descriptions, en particulier des personnages, sont remarquables, et la perception de la morale, du bien et du mal, est très intéressante. Sofi Oksanen s’infiltre dans la pensée de ses personnages ; on peut deviner autour d’eux les méandres de la politique, mais ce sont surtout eux qui l’incarnent, par ricochet. Il est assez rare que deux femmes soient au centre d’un roman, mais celui-ci n’en est pas féministe pour autant. Aliide, on l’aime parce qu’elle se débrouille même quand tout est dur autour d’elle. Elle a certes des défauts, mais par ses souffrances, on la comprend peu à peu. On a le senti-ment qu’elle change, mais on ne saura jamais vraiment ce qu’elle a vécu… Le fait que l’histoire se répète sur deux générations fait profondément ressentir que ces horreurs peuvent arriver partout et encore aujourd’hui, il suffit de suivre l’actualité pour le constater. Le comportement et le destin d’Aliide, indépendamment de sa place dans le roman, sont d’ailleurs une expression de l’Histoire, avec la guerre, les rapports de forces, la prostitution, et ce sentiment de honte, si injuste et ineffaçable, qui nous touche tant. J’ai trouvé étonnante cette justesse, cette maîtrise littéraire, cette connaissance des événements et des âmes, chez une auteure aussi jeune. Et le titre, bizarre, convient si exactement ! Purge est un roman qui reste présent bien après la fin de la lecture.

Ces horreurs peuvent arriver

partout et encore aujourd’hui

Sofi Oksanen (1977- ) « Purge »

Page 34: Le livre de ma vie #2 | 2012

64

Don Miguel Ruiz (1952- )

« Les quatre accords toltèques »

Lire, outre la musique, est l’une de mes grandes passions. Pas un soir avant de m’endormir sans lire quelques pages, voire parfois un livre entier particuliè-rement captivant. Mes goûts vont essentiellement à la littérature de fiction, avec un amour immodéré pour des auteurs comme Haruki Murakami, Jim Harrison, Paul Auster, Joyce Carol Oates ou Hanif Kureishi. Et Yasmine Char bien sûr !Le livre de ma vie est, paradoxalement, un enseignement philosophique issu de la tradition toltèque. Les quatre accords toltèques ont été une véri-table révélation. Ce livre aborde de manière très subversive le fait que nous sommes des animaux auto-domestiqués qui n’avons pas choisi la plus infime des choses auxquelles nous avons donné notre accord. 95% des croyances que nous avons gravées dans notre mémoire seraient des mensonges et nous souffrons d’y croire. Et avec quatre préceptes qui paraissent plus simples qu’ils ne le sont en réalité, l’auteur propose de changer radicalement notre comportement. L’un d’eux en particulier m’a marqué : ne jamais faire de suppositions. J’ai été un adolescent très timide, et j’ai passé une partie de ma vie à faire en permanence des suppositions. Suppositions sur ce que les élèves de ma classe, mes profs, ma petite amie, mes proches, mes employés… pensaient de moi, sans jamais vérifier si les intentions que je portais à autrui étaient justes. Au final, et comme beaucoup de personnes, je me suis ainsi forgé un masque social dissimulant, au fil des années, mon authenticité. Ce livre m’a permis de me rendre compte que la manière dont on se juge est la plus dure qu’il soit, et que personne ne nous maltraite autant que nous-mêmes. Je relis régulièrement ce livre qui me permet de garder mon énergie mentale pour des choses positives en essayant au maximum de vivre l’instant présent. Je l’ai souvent offert aux gens que j’aime, non comme une méthode pour être plus heureux, mais comme un véritable outil permettant à chacun d’être au plus proche de son moi profond et authentique.

Le livre de ma vie | THIERRY WEGMÜLLER | Directeur des établissements le D! Club, l’abc et les Arches à Lausanne et président du Pool Lausanne La Nuit

L’auteur propose de changer

radicalement notre comportement

Page 35: Le livre de ma vie #2 | 2012

67

Un nouveau shop-in-shopà découvrir

chez Payot LibrairePlace Pépinet 4 à Lausanne

Accessoires d’écritureet de bureau à l’italienne

BI-

BL

IO-

GR

A-

PH

IE

le choix de Judith Baumann

Etty Hillesum (1914-1943) « Une vie bouleversée »Première édition, Éditions du Seuil, 1985Collection « Points », 1995

le choix de Catherine Bolle

George Orwell (1903-1950)« 1984 »Première édition, Éditions Gallimard, 1950Collection « Folio », 1976

le choix de Robin Cornelius

Rainer Maria Rilke (1875-1926)« Lettres à un jeune poète »Première édition en français, Éditions Grasset, 1937Éditions Gallimard, collection « Poésie », 1993

le choix de Caroline Coutau

Nathalie Léger (1960- )« Supplément à la vie de Barbara Loden »Éditions P.O.L, 2012Prix du livre Inter 2012

le choix de Pierre-Michel Delessert

« L’ivresse d’éveil : faits et gestes de Ji Gong le moine fou »Éditions Les Deux Océans, 1989

le choix de Patrick DujanyCharles Bukowski (1920-1994)« Contes de la folie ordinaire »Première édition, Éditions Grasset, 1982Éditions LGF, collection « Le Livre de poche », 2007

le choix de Sylvie Durrer

Charles Baudelaire (1821-1867)« Petits poèmes en prose – Le Spleen de Paris »Première édition, Éditions Michel Levy, in « Œuvres complètes », 1869Éditions Gallimard, collection « Folio », 2010

le choix d’Alexandre Emery

Jacques Chessex (1934-2009)« Jonas »Éditions Grasset, 1987

le choix d’Anaïs Emery

Frank Herbert (1920-1986)« Dune »Première édition, Éditions Robert Laffont, collection « Ailleurs et Demain », 1970Éditions Pocket, 2005 (en plusieurs volumes)

le choix de Gilbert Facchinetti

Jean de La Fontaine (1621-1695)« Fables »Première édition, Éditions Barbin et Thierry, 1668Éditions Gallimard, collection « Folio Classique », 1991

Page 36: Le livre de ma vie #2 | 2012

69

le choix d’Isabelle Falconnier

Serge Doubrovsky (1928- )« Le livre brisé »Première édition, Éditions Grasset, 1989Collection « Les cahiers rouges », 2012 Prix Médicis 1989

le choix de Laurent Flutsch

Jules César (100-44 av. J.-C.)« Guerre des Gaules »Choix de traduction :Éditions Gallimard, collection « Folio Classique », 1981

le choix de Madeleine Gay

Fritz Zorn (1944-1976)« Mars »Première édition, Éditions Gallimard, 1979Collection « Folio », 1982

le choix d’André Georges

Yangzom Brauen (1980- )« J’ai franchi tant de montagnes »Éditions Presses de la Cité, collection « Grands romans », 2011

le choix d’Alan Humerose

Nikos Kazantzaki (1883-1957)« Alexis Zorba »Première édition, Éditions du Chêne, collection « Domaines étrangers », 1947Éditions Pocket, 2002

le choix de Nathalie Koch

Patti Smith (1946- )« Just Kids »Première édition, Éditions Denoël, 2010Éditions Gallimard, collection « Folio », 2012

le choix de Natacha Koutchoumov

Anton Tchékhov (1860-1904)« Récits », in « Œuvres » tome 1Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1998

le choix de Sophie Lamon

Richard Bach (1936- )« Jonathan Livingston le goéland »Première édition, Éditions Flammarion, 1973Éditions J’ai lu, 1999

le choix d’Esther Mamarbachi

Milan Kundera (1929- )« L’insoutenable légèreté de l’être »Première édition, Éditions Gallimard, 1988Collection « Folio », 1989

le choix de Denis Martin

Hervé This (1955- )« Les secrets de la casserole »Première édition, Éditions Belin, 1993Éditions Belin, 2008

PalexpoCulture, arts, économie, industrie, technologies, sciences, sports ...

Palexpo SA Case postale 112 CH-1218 Le Grand-Saconnex Genève SuisseT. +41 22 761 1111 F. +41 22 798 [email protected] www.palexpo.ch

Page 37: Le livre de ma vie #2 | 2012

71

le choix d’Ursula Meier

Carson McCullers (1917-1967)« Frankie Addams »Première édition, Éditions Stock, in « Œuvres », 1974Éditions LGF, collection « Le Livre de poche », 2008

le choix de Jean-Luc Moner-Banet

Henry Miller (1891-1980)« Tropique du Cancer »Première édition, Éditions Denoël, 1962Éditions Gallimard, collection « Folio », 1972

le choix de Lolita Morena

Vladimir Nabokov (1899-1977)« Lolita »Première édition, Éditions Gallimard, 1959Collection « Folio », 2001

le choix de Claude Nicollier

Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944)« Vol de nuit »Première édition, Éditions Gallimard, 1931Collection « Folio », 1982Prix Femina 1931

le choix de Daniel Rossellat

Carlos Ruiz Zafón (1964- )« L’ombre du vent »Première édition, Éditions Grasset, 2004Éditions Robert Laffont, 2012

le choix de Karim Slama

Daniel Pennac (1944- )« La fée carabine »Première édition, Éditions Gallimard, 1987Collection « Folio », 1997

le choix de Stefano Stoll

Jorge Luis Borges (1899-1986)« Fictions »Première édition, Éditions Gallimard, 1951Collection « Folio », 1983Prix international des éditeurs 1961

le choix d’Adèle Thorens Goumaz

Hans Jonas (1903-1993)« Le principe responsabilité »Première édition, Éditions Cerf, 1997Éditions Flammarion, collection « Champs Essai », 2008

le choix d’Esther Waeber-Kalbermatten

Sofi Oksanen (1977- )« Purge »Première édition, Éditions Stock, 2010Éditions LGF, collection « Le Livre de poche », 2012Prix Femina du roman étranger 2010, Prix du livre européen 2010

le choix de Thierry Wegmüller

Don Miguel Ruiz (1952- )« Les quatre accords toltèques »Première édition, Éditions Jouvence, 2005Collection « Poches Jouvence », 2005

Page 38: Le livre de ma vie #2 | 2012

73

Payot Libraire remercie…

Stéphanie Berg de Payot Lausanne pour avoir soufflé cette belle idée de catalogue ;

La librairie Kléber de Strasbourg (France) et Éric Kribs, son directeur, initiateurs d’un semblable catalogue, pour nous avoir encouragés à développer ce projet en Suisse ;

Les trente personnalités qui ont accepté de se livrer au choix délicat du livre de leur vie et d’être les ambassadeurs exceptionnels de la lecture le temps de ce catalogue ;

Filipe Martins pour son talent de photographe ;

Léonore Veya, doyenne du département photographie du Centre d’enseignement professionnel de Vevey, et Nicolas Savary, responsable de la formation supérieure en photographie, pour leur accompagnement expert et avisé ;

ainsi que nos soutiens précieux : La Loterie romande, Palexpo, Campo Marzio Design et l’imprimerie Gasser.

en partenariat avec

photographies © filipe martins. tous droits réservés.textes © tous droits réservés.conception et réalisation : payot saimpression : imprimerie gasser, le locle

ce catalogue est une exclusivité payot libraire. ne peut être vendu.

RE

-M

ER

-C

IEM

-E

NT

S

Page 39: Le livre de ma vie #2 | 2012

Judith Baumann

Catherine Bolle

Robin Cornelius

Caroline Coutau

Pierre-Michel Delessert

Patrick Dujany

Sylvie Durrer

Alexandre Emery

Anaïs Emery

Gilbert Facchinetti

Isabelle Falconnier

Laurent Flutsch

Madeleine Gay

André Georges

Alan Humerose

Nathalie Koch

Natacha Koutchoumov

Sophie Lamon

Esther Mamarbachi

Denis Martin

Ursula Meier

Jean-Luc Moner-Banet

Lolita Morena

Claude Nicollier

Daniel Rossellat

Karim Slama

Stefano Stoll

Adèle Thorens Goumaz

Esther Waeber-Kalbermatten

Thierry Wegmüller

vous invitent à découvrir le livre de leur vie…

excl

usi

vit

é pa

yo

t li

bra

ire.

ne

peu

t êt

re v

end

u.