le labyrinthe des rêves tome 1, le choc des mondes...ses congénères. dans la cohue, quelques...

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LE LABYRINTHE DES RÊVES

1. LE CHOC DES MONDES

JOHANNE GAGNÉ

LE LABYRINTHE DES RÊVES

1. LE CHOC DES MONDES

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CHApITRE 1

VISITE Au zOO

Il est neuf heures. En plein cœur de la ville, au beau milieu d’une oasis de verdure, une sonnerie retentit. Comme tous les jours, le zoo ouvre ses portes. Les lourdes grilles métalliques du portail de l’entrée prin-cipale grincent en pivotant sur leurs gonds. Le guiche-tier prend place. Les premiers visiteurs peuvent entrer.

Un autobus scolaire débouche du grand boulevard et pénètre dans l’enceinte de l’aire de stationnement. Bringuebalant, il se gare dans un des espaces qui lui est réservé. Le moteur s’arrête, mais curieusement, le châssis continue de vibrer, comme s’il contenait un gigantesque essaim d’abeilles.

Les passagers du bus, encore un peu endormis par le trajet, émergent tout doucement. Le professeur de biologie tente de raviver un peu la troupe :

— Allez, les jeunes ! On est arrivés ! On se réveille ! Une superbe journée nous attend !

Mais les élèves réagissent à peine. Sans grande conviction, sans grand enthousiasme, quelques-uns se lèvent pendant que d’autres restent assis à papoter. D’un seul coup, le professeur perd patience et, de sa

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voix de stentor, il donne l’ordre de se lever. Les jeunes sursautent ainsi que les paons dans l’enclos jouxtant l’aire de stationnement. Un grand mâle occupé à parader, la queue en éventail, s’éloigne nerveusement de la clôture et déclenche une pagaille générale chez ses congénères. Dans la cohue, quelques plumes vire-voltent. « Léon ! » criaillent les paons en se bousculant.

Les portes du véhicule s’ouvrent enfin. C’est le délestage. Semblable à l’ouverture des vannes d’un barrage, la pression à l’intérieur du bus se relâche. Un à un, les jeunes descendent en bougonnant, trop fiers pour montrer qu’ils sont contents en réalité. En effet, ils attendent cette journée depuis un moment. Cette sortie est l’aboutissement du travail fait pendant l’année scolaire dans le cadre du cours de biologie. Les élèves ont méthodiquement étudié chacune des facettes de la vie des animaux en captivité. Tout y est passé : leur milieu, leurs habitudes de vie, les stratégies de préservation des espèces et l’éthique.

— Mettez-vous en rang ! Et en silence ! clame le professeur. Je veux voir deux files bien alignées.

Les jeunes s’exécutent.— Nous avons rendez-vous au bâtiment principal,

poursuit-il. Le responsable du zoo nous y attend. Nous aurons droit à une visite guidée des lieux. Mais avant de s’y rendre, j’ai certaines choses à vous dire. L’année scolaire s’achève. Nous sommes à quelques jours des vacances et je tiens tout d’abord à vous féliciter pour

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votre bon travail. Cette journée est en quelque sorte une récompense. Profitez-en bien, mais n’oubliez pas que vous avez un questionnaire à remplir ! Et il sera noté...

« La barbe ! Encore du boulot ! Tu parles d’une récom pense... » peut-on entendre en écho dans l’assis tance.

— Allons ! Allons ! reprend le prof d’un ton plus ferme. Pour terminer, rappelez-vous, jeunes gens, que vous représentez notre établissement. Sur ce, bonne visite à tous !

Dans le calme, la classe se dirige vers l’accueil.Étienne sort tranquillement de son sac à dos le

fameux questionnaire et un stylo. Grand gaillard, il a toujours fait largement plus que son âge. De nature réservée, mais très volontaire, ses gestes sont posés, calmes et précis.

— Dépêche-toi ! lance énergiquement son copain Florian, le boute-en-train de service. Les autres sont déjà loin devant !

Sans se précipiter, Étienne referme son sac. En à peine quelques enjambées, Étienne et Florian rat-trapent le groupe. Étant les deux plus grands de la classe, ils sont toujours en bout de file. Du coup, leurs petits écarts ne sont que rarement remarqués.

— Je suis content d’être ici ! dit Étienne, mais en même temps, je n’aime pas voir tous ces animaux en cage. Cela me contrarie.


— Arrête de jouer à l’intellectuel ! rétorque Florian. Moi, je suis certain que si on leur donnait le choix, tous décideraient de rester dans cet endroit magnifique. Ils sont logés, nourris, soignés, bichonnés. La grande classe, quoi !

Pas vraiment convaincu par les arguments de Florian, Étienne continue d’avancer en silence.

En passant devant les otaries, Florian ajoute :— Regarde-les s’amuser ! Je te jure que si on me

proposait une place chez les otaries, j’accepterais sans hésiter. J’ai toujours rêvé d’être une otarie !

— Toi ? Une otarie ! s’exclame Étienne en pouffant de rire. Tu en as de drôles d’idées...

— Parfaitement ! Une otarie, poursuit Florian, agacé par le ton moqueur de son ami. Je passerais mes journées à jouer ou à faire la sieste. On me servirait des quantités de poissons. J’adore le poisson !

— Détrompe-toi ! La vie d’une otarie au zoo est réglée comme du papier à musique. Discipline, dis-cipline, discipline ! Tu dois constamment obéir aux ordres du dresseur. Apprendre sans cesse de nouveaux tours pour les spectacles. Puis, les poissons, on te les balance par la tête et crus par-dessus le marché.

— Bah ! Pas de problème. Je suis fan de sushis, répond-il avec assurance.

Occupés à discuter, Florian et Étienne sont de nouveau à la traîne, loin derrière les autres. Le profes-seur se retourne et leur lance un regard noir.


— La journée vient à peine de commencer, chu-chote Étienne, énervé, et voilà déjà que le prof nous a repérés. Grouille-toi !

Côte à côte, les deux jeunes se renfrognent. En silence, ils effectuent le reste du parcours.

La troupe arrive devant le bâtiment administratif. À peine ont-ils approché la porte principale que cette dernière s’ouvre. Un gardien de sécurité, aussi noir que du charbon et baraqué comme un géant, vient les accueillir. Impressionnés par la taille de l’individu, les élèves restent figés sur place. Le gardien, toujours aussi heureux de l’effet qu’il produit sur les gens, leur sourit, découvrant deux grandes séries de dents blanches. Perplexe, Étienne lui retourne son sourire. Puis, d’une voix caverneuse, le gardien les invite à le suivre jusqu’à l’auditorium où le responsable du zoo les attend.

Dans la salle, les élèves découvrent un étrange petit bonhomme rougeaud et joufflu, juché sur l’es-trade, avec de longs bras pendants de chaque côté du corps, immobile, telle une statue de cire.

— Ce doit être le directeur du zoo, souffle Florian.Une fois la classe à l’intérieur, la porte de la salle se

referme et, doucement, l’intensité des lumières dimi-nue. Un projecteur très puissant s’allume et éclaire l’homme qui, d’un seul coup, s’anime :

— Mesdemoiselles, mesdames et messieurs, bien-venue au Zoo de San Bolo ! annonce-t-il d’une voix enjouée.


Vêtu d’un costume aux couleurs de l’établissement, il entame un long, très long discours sur la fondation du zoo par son arrière-grand-père, un amoureux des safaris-photos en Afrique.

Après trente-cinq interminables minutes d’expli-cations et d’anecdotes en tous genres, Étienne craque. Malgré son calme habituel, il ne tient plus en place. Il regarde à droite, à gauche, curieusement, tous les jeunes de sa classe écoutent sans sourciller. L’auditoire semble hypnotisé, envoûté par les paroles de l’homme. Même Florian, qui d’habitude ne manque aucune occasion de faire le pitre ou de blaguer, est, depuis le début, absorbé par le discours du directeur.

« Tant pis ! Moi, j’en ai vraiment assez de tout ce blabla, se dit Étienne. Je vais aller inspecter les alen-tours en attendant la fin du discours. »

Par petits pas de côté, il se faufile jusqu’à son pro-fesseur. À voix basse, il prétexte vouloir aller aux toi-lettes et demande l’autorisation de sortir. Agacé par l’interruption du jeune homme, le professeur lui fait signe de sortir d’un geste de la main.

Permission en poche, Étienne sort discrètement de la pièce. Il emprunte un long couloir où, de part et d’autre, se succèdent en alternance portes et grandes baies vitrées. Ces dernières, toutes occultées par des stores, intriguent Étienne au plus haut point. Curieux, il aimerait bien savoir ce qu’il y a de l’autre côté surtout que, quand il tend l’oreille, il y entend de drôles de


bruits qui ressemblent à des gémissements produits par des animaux en détresse. « Ces pièces doivent servir d’infirmerie pour les bêtes malades ou blessées », imagine-t-il. Il continue d’avancer. À chaque nouvelle baie vitrée, sa curiosité le rattrape. Plus forte que tout, elle l’appelle, le tiraille. Étienne s’arrête devant une nouvelle fenêtre et, entre les lames du store, il tente désespérément d’entrevoir ce qu’il y a de l’autre côté. Malgré toutes ses tentatives, ses efforts restent vains.

Un bruit de porte le fait sursauter.« Si je continue à fouiner, je vais finir par me faire

prendre », pense Étienne.Résigné, il décide de rejoindre le groupe quand

tout à coup, il aperçoit un peu plus loin une porte entrouverte. Son irrépressible curiosité l’y conduit directement. Sur la porte, un écriteau est placardé : « Laboratoire de génétique. Interdiction d’entrer. Personnel autorisé seulement. »

Immobile, Étienne retient son souffle, attentif au moindre bruit pouvant révéler une éventuelle présence humaine. Rien. Qu’un silence lourd et pesant. Planté devant la porte, il se questionne, il hésite à ouvrir. Puis, il entend à nouveau de petits couinements. Avec précaution, il pousse la porte, juste assez pour y passer la tête. Seule une lampe de travail sur un bureau situé tout au fond de la pièce éclaire faiblement l’endroit. Sur le plan de travail du laboratoire, la paillasse, Étienne distingue une demi-douzaine de cages toutes


bien alignées. D’où il se tient, il lui est impossible d’identifier les animaux qui s’y trouvent. La seule chose dont il est certain, c’est qu’ils sont vivants. Il les voit bouger. Il les entend respirer. Succombant une fois de plus à sa curiosité, il décide d’entrer. Son cœur bat à cent à l’heure. Une fois la porte close, la pièce lui paraît encore plus sombre. La vue diminuée, ses autres sens prennent le relais. Étienne entend des bourdonnements d’insectes, puis une horrible puan-teur l’agresse. Elle pénètre ses narines et se répand en lui. Acre, lourde et prenante, Étienne a l’impres-sion de l’avoir en bouche, comme si on l’avait forcé à manger un truc pourri. Le goût est écœurant. Étienne se retient pour ne pas vomir. Il inspire profondément et cherche à contrôler les violentes contractions de son estomac.

Les secondes passent et ses yeux s’acclimatent tout doucement au manque de lumière. Avec stupeur, Étienne découvre l’origine des odeurs. Sur la paillasse gisent plusieurs animaux disséqués, leur corps dans un état de putréfaction avancé. Tout autour, les mouches, en un ballet incessant, viennent se délecter du sang coagulé. Dégoûté, Étienne s’éloigne du spectacle et va vers les animaux en cage.

La peur au ventre, il observe le contenu des cages.Dans la première, il discerne le corps massif d’un

chien surmonté d’une toute petite tête de chat siamois. Méfiant, l’animal le fixe de ses yeux bleus perçants.


Puis, dans un ultime effort, il cambre son lourd dos de berger allemand et hérisse ses poils à la manière d’un félin. Surpris, Étienne recule. La bête se calme aussitôt et se laisse choir au fond de sa cage, épuisée.

Dans la deuxième cage, Étienne aperçoit une souris blanche courant à l’intérieur d’une roue. Au premier coup d’œil, rien ne lui semble anormal. Il s’approche d’un peu plus près et constate avec stupeur que la petite coureuse a une tête de lézard. Hors d’haleine, sa langue, aussi longue que sa queue de souris, pen-douille sur le côté et gêne sa course.

« Ce ne sont pas des animaux, mais des monstres ! » s’indigne-t-il avec horreur.

Soudainement pris de vertiges, il s’appuie contre le mur et ose jeter un coup d’œil à la cage suivante. Il y découvre un malheureux cochon. Visiblement effrayé par la présence du garçon, l’animal recule au fond de sa prison, luttant désespérément pour rester debout sur ses quatre pattes greffées... de canard.

Cette fois, c’en est trop ! Étienne est au bord de la panique. Ses vertiges redoublent. Il a du mal à tenir sur ses jambes. Il titube, bat en retraite jusqu’à l’entrée et se plaque le dos contre la porte. Les yeux fermés, il inspire profondément et tente de se calmer.

« Tout cela ne peut être que le fruit de mon imagi-nation. Ces animaux ne peuvent être réels ! »

Sur ces pensées, Étienne se réveille dans un grand sursaut, complètement en nage. Hanté par les images


troublantes de son rêve, il reste un moment dans son lit, tétanisé.

« Tout me semblait si réel ! songe-t-il. Si réel que j’ai l’impression d’entendre encore les gémissements des animaux... »

Puis il se retourne et jette un regard à son réveil.« Quatre heures du matin. Il faut que je me ren-

dorme. J’ai un contrôle de math et un de physique aujourd’hui. »

CHApITRE 2

LE pRÉSIDENT-DIRECTEuR GÉNÉRAL

Bruno Kowalski est le président-directeur général du Centre International de la Recherche sur les Rêves, aussi appelé le CIRR. Chaque matin, il arrive tôt, bien avant le reste du personnel. Être le premier au travail lui procure la sensation enivrante de prendre posses-sion des lieux, tel un conquérant. Après avoir garé sa voiture à l’emplacement qui lui est réservé, privilège de son grade, il monte dans l’ascenseur et file jusqu’au dernier étage de l’édifice. Cet étage lui est entièrement dédié. Seul un minuscule espace face à l’ascenseur a été aménagé pour sa secrétaire. En bon chien de garde, elle veille l’accès de son bureau, une somptueuse pièce de deux cent quarante mètres carrés qu’il vient tout juste de faire décorer. L’ascenseur ralentit en douceur et s’ar-rête. Les portes s’ouvrent. À cette heure, Bérénice n’est pas encore arrivée. Il pousse la lourde porte en chêne massif finement sculptée et pénètre dans son antre. Droit devant lui, au fond de la pièce, une immense bibliothèque occupe tout le pan de mur et regorge de livres de sciences, reflet du savoir accumulé depuis des générations de Kowalski. De père en fils, ils ont, au


cours des années, scrupuleusement pris soin de leur image d’hommes d’affaires avisés et cultivés. Leur tac-tique : impressionner leurs interlocuteurs dès les toutes premières minutes de leur rencontre. Selon eux, c’est la meilleure façon de prendre avantage sur l’adversaire. Cette bibliothèque joue ce rôle à merveille.

Bruno pose sa mallette sur son tout nouveau bureau et s’y installe. Dessiné et conçu par un célèbre designer, il est à la mesure de ses ambitions : imposant. Assis dans son fauteuil en cuir de buffle des hautes mon-tagnes, il se complaît d’admiration devant chacun des éléments composant son nouvel environnement, qu’il détaille du regard. Aussi fier qu’un roi trônant devant sa cour, il soupire de satisfaction. Tout cet étalage de luxe et de haute technologie est pour lui le symbole de sa réussite. L’inspection des lieux terminée, il pose la main droite sur l’écran tactile de la console de contrôle, encastrée à même son plan de travail. En une fraction de seconde, l’ordinateur central reconnaît sa signature digitale et allume les douze écrans vidéo fixés au mur, face à lui. À sa guise, il peut alors visionner tout ce qui se passe dans le Centre. Rien ne peut lui échapper.

Bruno sort soudainement de son état de plénitude lorsque Bérénice, sa secrétaire, dépose devant lui une pile de dossiers.

— Bonjour, monsieur le président. Voilà les rap-ports financiers que vous m’avez demandés, explique-t-elle. Ceux des six derniers mois. D’ici quelques


jours, l’agent comptable sera en mesure de clôturer celui du mois en cours. Je vous l’apporterai dès qu’il aura terminé.

— Merci, Bérénice, lance-t-il, agacé. Et dites-lui de se dépêcher ! Aligner des chiffres dans des colonnes ne demande pas une vivacité d’esprit exceptionnelle. Je n’ai pas que cela à faire, attendre après ce fainéant de comptable. Allez ! Et apportez-moi un café !

— Très bien, monsieur, répond Bérénice, habituée au caractère bourru et aux sautes d’humeur de son patron.

Kowalski attend que sa secrétaire soit sortie puis récupère dans la poche intérieure de sa veste de petites lunettes de lecture qu’il vient d’acquérir, signe de son inexorable vieillissement. Longtemps, il avait réussi à s’en passer, mais aujourd’hui, à son grand désespoir, elles lui sont indispensables. C’est donc non sans une certaine réticence qu’il se résigne à les poser sur son nez. Puis, un à un, il ouvre les dossiers, les parcourt méticuleusement afin d’en extraire les informations pertinentes.

Aussi discrète qu’une brise d’été, sa secrétaire réapparaît avec le café.

D’un geste vif, Kowalski retire ses lunettes, espé-rant qu’elle ne les ait vues.

Bérénice dépose la tasse fumante sur l’extrémité du bureau et repart sur la pointe des pieds. Puis, juste au moment de sortir, sourire aux lèvres, elle lui lance :


— Jolies, vos nouvelles lunettes, monsieur. Elles vous vont très bien.

Et elle referme la porte.Kowalski fulmine. « Quelle impertinence ! » se

dit-il en remettant les lunettes sur le bout de son nez. Mais rapidement sa colère s’envole et fait place à un sourire. « Ha oui ? Elles me vont bien ? » se répète-t-il, non sans un brin de coquetterie.

Absorbé par son travail, Bruno Kowalski ne voit pas le temps passer.

La journée tire à sa fin et, encore une fois, il n’a même pas pris le temps de s’arrêter pour manger à midi. Sa dévouée secrétaire lui a apporté un sand-wich qu’il a avalé tout en continuant d’éplucher ses dossiers. Son but : cerner les problèmes et recadrer les objectifs afin d’améliorer la situation financière du Centre International de la Recherche sur les Rêves.

Quand Bruno termine enfin son travail, il n’y a plus personne, ou presque, au Centre. Que le responsable de la surveillance du système informatique, l’équipe de maintenance, occupée à faire le ménage, et le gardien de sécurité posté à l’entrée principale du bâtiment.

Bruno est satisfait de sa journée. Il referme le der-nier dossier, le pose sur la pile et s’étire afin de libérer la tension accumulée dans ses membres ankylosés.


« Il est clair que notre réserve en énergie n’est plus suffisante, songe le directeur. Nous devons augmen-ter notre production, mais, dans la situation actuelle, nous en sommes incapables. Pour augmenter notre productivité, il nous faut impérativement amélio-rer le système d’exploitation, le rendre plus perfor-mant, plus fiable et surtout plus stable. Les récentes fluctuations et microcoupures de courant ont fini par perturber la qualité du sommeil des rêveurs et, par conséquent, diminué la quantité d’ondes bêta recueillies. Moins d’ondes, moins d’énergie. Il faut immédiatement réagir et remédier à cette situation. Je vais convoquer en réunion les responsables de cha-cune des sections. Il est grand temps de remettre les pendules à l’heure ! Le Centre n’est pas un organisme de charité ! Les enjeux économiques et sociaux sont trop importants. »

Au même moment, les lumières de la pièce vacillent. Les écrans s’éteignent quelques secondes. Dans un soubresaut, ils se rallument, puis oscillent, scintillent, comme si tout le réseau avait le hoquet.

— Sacré nom de nom ! Que se passe-t-il encore ? C’est la troisième fois que ces fluctuations de courant surviennent en moins de deux semaines. Demain, à la première heure, je vais faire venir dans mon bureau le responsable de la production énergétique ainsi que celui de la programmation informatique. Ce pro-blème doit être réglé au plus tôt !


Sur un de ses écrans, Bruno voit d’un seul coup apparaître un message d’alerte :

« ATTENTION. INTRUSION DANS LE SYSTÈME. »

— Comment est-ce possible ? s’écrie-t-il.Kowalski pianote nerveusement sur le clavier de

son ordinateur. Il tente d’obtenir des informations susceptibles d’expliquer l’origine du message mais, à son grand désespoir, ce dernier disparaît aussi subite-ment qu’il est apparu. Tout revient à la normale.

CHApITRE 3

LA fAMILLE

Étienne sursaute. Son réveil vient de sonner. « Déjà ? J’ai l’impression de n’avoir fermé les yeux que quelques minutes. Et quel cauchemar de fou ! »

Il reste dans son lit à rêvasser, repensant à ces horribles animaux et puis, c’est le trou noir. Étienne s’est rendormi.

Marc, son père, entre dans la chambre. À moitié réveillé, il marche en traînant les pieds. Tel un zombie, il se dirige à la fenêtre et ouvre les volets.

— Debout là-dedans ! C’est l’heure ! Habille-toi et viens prendre ton petit-déjeuner.

Puis il ressort.Étienne pousse un grognement. Il n’aime pas se

faire brusquer le matin. Rassemblant toute son éner-gie, il s’étire. Mais ses efforts pour se lever s’arrêtent là. Allongé sur le dos, les bras croisés sous la nuque, il reprend le cours de ses rêveries.

Une tornade entre dans la chambre : Cloé, sa petite sœur de six ans. D’un bond, elle saute sur son lit. Sans ménagement, elle le piétine et le bouscule dans tous les sens.


— Holà, moustique ! proteste-t-il. Tu n’as pas remar-qué l’affiche sur la porte ? C’est écrit « Défense d’entrer ».

— Mais ce n’est pas pour moi que tu as mis cela, objecte la fillette. Moi, je suis ta Cloé adorée. Celle qui va te faire une, une... attaque de guilis !

« Non ! » a juste le temps de dire Étienne que Cloé, assise sur son ventre, le darde de ses petits doigts agiles. Dans le cou, sous les aisselles, dans les côtes, les coups pleuvent de partout.

— Les enfants ! crie la mère. Venez vite manger ! Vous allez être en retard pour l’école.

— Encore une fois, le grand garçon est sauvé par sa maman, se moque Cloé.

Étienne se redresse et s’assoit sans que le poids de Cloé ne lui pose de difficulté. « J’ai presque dix-sept ans. Pourquoi maman me traite encore comme un bébé ? » se demande-t-il. Puis, d’un geste, il fait voler sa couette et la replie sur sa petite sœur. Emprisonnée, elle rit aux éclats. Étienne profite de cette diversion pour se lever. Le temps presse. Il doit faire vite avant que le monstre ne se libère. En toute hâte, il attrape un jean, un t-shirt et court se réfugier dans la salle de bain. Il verrouille la porte derrière lui.

Au bout d’un certain temps, quand il se décide enfin à sortir, c’est parfumé, les cheveux coiffés et plaqués par une solide couche de gel, qu’il descend l’escalier. Étienne a beau être réservé, il n’en soigne pas moins son apparence.


Dans la cuisine, la famille est déjà attablée. Étienne fait son entrée.

— Te voilà enfin ! s’exclame Jeanne, sa mère, encore tout endormie. Dépêche-toi de manger. Il est presque temps de partir, termine-t-elle en replongeant son regard dans sa tasse de café.

Étienne prend place et attrape la boîte de céréales. Cloé, occupée à regarder les publicités imprimées au dos de la boîte, proteste :

— Eh ! C’est moi qui l’avais !— Je ne vais pas la manger, ta boîte ! lui répond

Étienne. Je me sers et je te la rends, microbe.— Maman ! Étienne n’est pas gentil ! Il me traite

de microbe !— Ce n’est pas bientôt fini, tous les deux ? intervient

Jeanne, la tête encore dans un épais brouillard matinal. Marc, dis quelque chose ! ajoute-t-elle, impuissante.

Mais Marc est absorbé par son journal.— Ce n’est pas croyable ! s’exclame-t-il en levant

le nez par-dessus son quotidien. Il y a un train qui a déraillé hier après-midi, dans le nord du pays. Pour l’instant, le bilan des victimes s’élève à plus d’une centaine de morts, quatre-vingt-deux blessés et huit disparus. Le conducteur a avoué aux enquêteurs s’être endormi juste avant l’arrivée en gare.

— Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond en ce moment, déclare Jeanne. Tout le monde somnole et dort debout autour de moi. Pourtant,


l’hiver est fini. C’est le printemps. Les beaux jours sont revenus ! Pourquoi cette fatigue généralisée ?

— C’est pareil à mon boulot, ajoute Marc. La semaine dernière, au cours d’une réunion, alors que le grand patron faisait le bilan du mois et qu’il dis-courait sur l’importance des efforts que nous devions déployer pour mieux gérer les problèmes de la boîte, il a surpris deux collègues endormis.

— Ce n’est pas vrai ? s’exclame-t-elle, étonnée.— Si, si ! Je t’assure, poursuit Marc. Il était fou

de rage ! Il s’est approché des voyous et a poussé un « Messieurs ! » Tu aurais dû voir le bond qu’ils ont fait ! Il y en a même un qui a failli tomber en bas de sa chaise.

— Il se passe des choses étranges, continue Jeanne. Hier, quand j’ai pris le métro, j’ai trouvé le guichetier endormi. Je t’avoue que la scène était plutôt comique. L’homme vacillait sur son fauteuil et ronflait à en faire trembler les vitres de sa cabine. Les gens, eux, n’ont pas attendu qu’il se réveille. Tous ont profité de l’oc-casion pour entrer sans payer. Et toi, insiste Jeanne, tu ne te sens pas plus fatigué qu’à l’habitude ? Je t’avoue que je dors moi-même beaucoup moins bien depuis quelque temps. Je me réveille souvent et toujours dans un grand sursaut. Comme si on me déconnectait de mon rêve.

— C’est vrai que je me sens plus fatigué que d’habi-tude. Je mettais ça sur le compte du stress au boulot,


mais maintenant que tu le dis, moi aussi mon som-meil est très perturbé, ces temps-ci.

Marc regarde sa montre et s’interrompt :— Déjà huit heures moins quart ! J’ai un rendez-

vous à l’autre bout de la ville. Vous aussi, les enfants, dépêchez-vous ! Vous allez être en retard à l’école.

— Pourquoi dites-vous toujours « les enfants » ? Je vais avoir dix-sept ans le mois prochain !

— C’est une façon de parler, répond son père. Vous grandissez si vite...

— Il faudrait peut-être en tenir compte au lieu de faire comme si j’avais le même âge que Cloé. Le monde avance, arrêtez de vivre dans le passé !

— Étienne ! coupe sa mère. Le respect, tu connais ? Continue et je te jure que tu auras une punition ultra moderne !

— Pardon, s’excuse-t-il.Puis, dans une mêlée digne d’un match de rugby,

chacun enfile son blouson, attrape son cartable et se rue vers la sortie. Jeanne embrasse son mari et ses enfants puis elle referme la porte : barrière entre le monde extérieur et le sien. Elle fait un saut à la cuisine et y récupère le café qu’elle n’a pas eu le temps de terminer. Tasse en main, elle détourne le regard afin de ne pas se laisser happer par les tâches ména-gères et file vers l’escalier. Son univers se trouve à l’étage. Marche après marche, son état de conscience passe ailleurs. Ses pensées deviennent de plus en plus


vaporeuses. Une fois là-haut, elle se dirige droit vers son bureau, s’installe à sa table de travail, coupe la sonnerie du téléphone et allume son ordinateur. Dans sa bulle, elle peut alors réinventer le monde et pour-suivre l’écriture de son roman. Jeanne est écrivaine.

Étienne et Cloé marchent d’un bon pas. L’école de Cloé est à seulement quelques pâtés de maisons. Le jeune homme l’accompagne tous les matins. Cloé est encore trop jeune pour faire le trajet seule.

— Étienne ! Tu marches trop vite, se plaint la fillette hors d’haleine.

— Mais non ! Je marche normalement. C’est toi qui as de trop petites pattes, microbe ! Et si tu ne te dépêches pas, je vais rater mon bus.

— Je fais ce que je peux, tu sauras. Et arrête de m’appeler microbe ! répond-elle, furieuse.

— Tu sais bien qu’entre nous, ce n’est qu’un petit mot doux...

— Ça me donne plutôt l’impression d’être une maladie, continue Cloé.

— Bon, d’accord. Mais active-toi, moustique !Cloé foudroie son frère du regard. Quelle promo-

tion ! Elle vient de passer de microbe à moustique. Impuissante face à ce grand dadais de frère, elle se met à bouder. Le reste du trajet se passe dans un lourd


silence. Arrivée à la hauteur du grillage de la cour d’école, Cloé part en courant rejoindre ses amies déjà en rang, prêtes à entrer dans le bâtiment.

« Bonne journée à toi aussi », marmonne Étienne, abandonné sur place sans la politesse d’un au revoir.

Mais sa déception est de courte durée. Le bus sco-laire est déjà à l’arrêt. Les derniers élèves montent. Étienne s’y précipite et arrive in extrémis. Les portes se referment juste derrière lui. Assis à l’arrière, Florian lui fait de grands signes. Étienne le rejoint sur la ban-quette du fond, ne manquant pas de saluer tous ses copains au passage.

CHApITRE 4

RÉuNION Au SOMMET

En arrivant à son bureau ce matin, Richard trouve une note accrochée à l’écran de son ordinateur.

« Neuf heures : Réunion dans le bureau du PDG. »« Ça doit être une blague de Didier », se dit

Richard, incrédule à l’idée que le président voudrait le voir.

Richard regarde dans les parages. Didier, son col-lègue et meilleur ami, n’est pas encore arrivé. « Ce n’est peut-être pas une blague après tout », se dit Richard, assailli par le doute. Il attrape le répertoire du Centre et cherche le numéro du poste de la secrétaire du PDG. Le cœur battant, il compose les quatre chiffres et attend, certain de se ridiculiser.

— Bureau de monsieur Kowalski, annonce la secrétaire.

— Heu, oui, bonjour, dit Richard. J’ai trouvé une note disant que le président voulait me rencontrer ce matin. Il doit y avoir erreur, non ?

— Monsieur Darmont, je présume ?— Oui. Pardonnez-moi. Je ne me suis pas présenté.

Mais cette note que j’ai trouvée en arrivant m’a


tellement étonné que j’en ai oublié les simples règles de politesse.

— Ce n’est pas une erreur. Elle vous est bien des-tinée, confirme Bérénice. Je l’ai moi-même posée sur votre écran, ce matin. Et si j’étais vous, je m’active-rais. Monsieur Kowalski n’aime pas attendre et il est presque neuf heures.

— J’arrive tout de suite ! s’exclame Richard en raccrochant.

Richard se précipite dans l’ascenseur et appuie sur le bouton du dernier étage, le soixante-huitième. L’ascension lui semble interminable. Inquiet et ner-veux, il se demande ce que le grand patron peut bien lui vouloir.

Au moment où les portes s’ouvrent enfin, Bérénice est là, debout à l’attendre.

— Il vous a déjà réclamé deux fois, le sermonne- t-elle en lui faisant signe de la suivre.

Avant qu’il n’entre, Bérénice se retourne vers Richard, lui replace sa cravate et ajoute :

— Autant vous prévenir, monsieur Kowalski n’a pas l’air dans son meilleur jour. Entrez. C’est à vous, termine-t-elle en poussant la porte.

Richard entre. Il se sent aussi sûr de lui qu’une petite souris pointant le bout de son nez hors de son trou. Le PDG est là, plongé dans un dossier. Richard se hasarde à faire quelques pas en se raclant la gorge, mais le président ne réagit pas. N’ayant d’autre choix


que d’attendre, il décide de prendre son mal en patience et détaille l’immense pièce. L’impression-nante bibliothèque qui occupe tout le mur du fond attire son attention. Elle est si imposante que les autres objets autour semblent avoir été taillés pour des nains.

Le président finit par lever la tête et pose un regard perçant sur Richard. Puis, après une insoutenable attente, le PDG lui lance :

— Vous voilà enfin.Du revers de la main, presque avec dédain,

Kowalski fait signe à Richard de prendre place sur un des fauteuils.

Richard s’avance et constate avec surprise qu’une autre personne est déjà installée. D’où il se trouvait et vu la hauteur des dossiers, Richard n’avait pu y deviner la présence de Villeneuve, le responsable du système énergétique du Centre. Il croise le regard de son collègue qui semble tout aussi inquiet que lui. Chacun se salue d’un signe discret de la tête. Richard prend place sur le siège inoccupé.

— Messieurs, je vous ai fait venir ce matin, car il y a urgence. Je tenais tout d’abord à vous dire que la situation actuelle me préoccupe grandement. J’ai par-couru les derniers rapports financiers et force est de constater que la constante croissance démographique de la planète a fait monter en flèche nos besoins énergétiques. Comme vous le savez, cette énergie est


nécessaire pour le bon fonctionnement de nos indus-tries, indispensable pour notre consommation domes-tique : chauffage, électricité, ainsi que pour tout ce qui a trait à l’agroalimentaire : production de lumière arti-ficielle et chauffage des serres. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que, ces derniers temps, nous avons rencontré plusieurs dysfonctionnements au Centre, diminuant de façon non négligeable notre produc-tion. Cette situation est inacceptable ! Rappelez-vous, nous avons obtenu notre prestigieux agrément inter-national grâce à notre système reconnu comme étant le plus stable et le plus fiable au monde. Mon grand-père puis mon père ont travaillé d’arrache-pied pour le développer et ce n’est pas une bande de rigolos, de tire-au-flanc, de pousse-crayons qui vont tout faire capoter aujourd’hui ! J’exige des explications ! Dites-moi pourquoi, au moment où nous devrions être plus performants, au moment où nous devrions trouver de nouveaux moyens pour recueillir davantage d’énergie, le système central flanche ?

Villeneuve hésite un instant puis ose prendre la parole.

— Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais tout d’abord vous rappeler que depuis que nous avons changé les composantes des gaines de transmissions, notre réseau énergétique a reçu l’ultime label de qualité en termes de fiabilité et de stabilité. Malgré ce fait, il est vrai que des microcoupures et


fluctuations de courant ont été enregistrées. Dès que nous avons constaté ces dysfonctionnements, nous avons aussitôt procédé à la vérification de la totalité du réseau. L’ensemble des circuits a été passé au peigne fin. Aucune déperdition d’énergie ni même de chaleur n’a pu être détectée. Ces dysfonctionnements ne peuvent donc être imputés au réseau énergétique. Si vous le sou-haitez, je suis en mesure de vous fournir les rapports de vérification. Et sans vouloir me vanter, termine-t-il d’un ton confiant, je peux vous assurer, monsieur, que notre système est énergétiquement parfait !

— Parfait, dites-vous ? lance Kowalski, rouge de colère. Alors pourquoi avons-nous ces interruptions ? Vous savez comme moi que chacune de ces coupures interrompt les rêves de nos concitoyens ainsi que ceux des gens de l’autre Monde. Plus de rêve, plus d’ondes bêta et ce sont des milliers de térawatts qui s’envolent à chaque minute de rêve perdue. Ces ondes sont vitales. Notre survie en dépend, nom de nom ! Vous savez bien que c’est la seule source d’énergie que nous ayons !

Tous les regards se tournent alors vers Richard, le second responsable en jeu.

— Oui, bon. Nous aussi, on y travaille, annonce- t-il pour sa défense. Soyez certain que nous allons trouver les raisons de ces instabilités.

Non content, Kowalski l’interrompt aussitôt :— Vous y travaillez ? Je l’espère bien ! Il ne man-

querait plus que je vous paie à ne rien faire. Et vu que


vous semblez n’avoir aucune idée de ce qui peut clo-cher, je peux peut-être vous mettre sur une piste. Hier, en fin de journée, toutes les lumières de mon bureau se sont mises à scintiller. Un message d’alerte m’est apparu sur un des écrans de surveillance. Ce message était en relation avec le monde des expositions et parcs d’animations. Il ne s’est affiché qu’un court instant et disait que le système avait été pénétré. Ne me dites pas qu’on pourrait avoir un intrus, une personne de l’autre Monde qui aurait réussi à franchir nos barrières de sécurité ?

— C’est complètement absurde ! s’exclame Richard. Le système de sécurité est béton ! Je vous assure qu’au-cune personne de l’autre Monde n’est en mesure d’en-trer en rêve dans une zone qui lui est interdite.

— Absurde ? hurle Kowalski. Vous considérez donc cette hypothèse absurde ?

— Pardon, monsieur. Ce n’était pas ce que je vou-lais dire.

— Assez ! s’indigne Kowalski. Si nous avons un intrus dans le système, et c’est ce que je crois, nous devons vite le repérer et le stopper. De quelque manière que ce soit. Car si tel est le cas, il est pro-bablement la source de toutes ces perturbations. Le système doit redevenir stable au plus vite. Nos besoins en énergie sont bien réels. Nous devons absolument augmenter notre récolte d’ondes bêta. Une fois ce… problème réglé, il vous faudra innover, améliorer


les mondes de rêves afin que les rêveurs produisent encore plus d’ondes bêta ! C’est l’avenir de la planète entière qui en dépend.

Richard et son acolyte, encore tous deux secoués, repartent la mine basse.

CHApITRE 5

TOp SECRET

Dans l’ascenseur, Darmont et Villeneuve ne disent mot. Perdus dans leurs pensées, ils dévalent les étages. Ding ! Les portes s’ouvrent. Didier est là, surpris et visiblement mal à l’aise de se retrouver face à son ami Richard.

— Que fais-tu là ? demande Richard pendant que Villeneuve s’empresse de sortir.

Didier hésite.— Et où vas-tu comme cela ? reprend Richard.— Euh… Salut ! finit-il par répondre. J’ai juste un

petit truc à faire et je reviens.Richard et Didier se croisent, échangeant ainsi

leur place.— J’arrive du bureau du grand patron et il n’est

vraiment pas content, annonce Richard. Alors grouille-toi et reviens au plus vite. Il faut absolument qu’on en parle.

— Pas de problème ! Je me dépêche, lance Didier au moment où les portes se referment sur lui.

Méfiant, Didier appuie sur cinq boutons d’étages différents. La longue ascension jusqu’au bureau du


PDG, tout en haut du gratte-ciel, lui permet de retrouver son calme. Les portes s’ouvrent enfin et Bérénice l’accueille, sourire aux lèvres.

— Bonjour, monsieur Marchand. Veuillez patien-ter un petit instant.

Elle prend son téléphone et annonce l’arrivée du nouveau venu.

— Monsieur Kowalski vous attend, déclare-t-elle en pointant l’impressionnante porte du bout de son stylo.

N’ayant aucune idée de l’objet de cette convoca tion, Didier est inquiet. Sans trop d’assurance, il s’avance, frappe deux petits coups puis pousse la porte.

Devant lui, une pièce immense. Didier en avait déjà entendu parler, mais n’avait jamais eu le privi-lège, si tant que cela puisse en être un, d’être appelé au bureau du grand patron. Impressionné, il ose quelques pas et s’arrête. Kowalski, assis à sa table de travail, lève la tête et s’empresse de le saluer :

— Bonjour, mon ami ! Approchez-vous et prenez un siège.

Étonné de l’accueil, Didier s’exécute.— Rassurez-moi, reprend Kowalski. Vous n’avez

informé personne de notre petit rendez-vous ?— Non, non. Personne ne sait que je suis ici. Pas

même mon collègue, monsieur Darmont.— À la bonne heure ! Un café vous ferait-il plaisir ?

demande-t-il.


Didier accepte, intimidé.Sans plus attendre, le patron attrape son téléphone

et réclame à sa secrétaire les boissons.— Et apportez-nous quelques gâteaux par la même

occasion ! ajoute-t-il en raccrochant.Bérénice arrive avec un plateau qu’elle pose sur

une petite table entre les deux hommes.— Servez-vous, l’invite poliment Kowalski. Mettez-

vous à l’aise, mon cher. Je vous ai choisi comme res-ponsable pour un tout nouveau projet et je tiens absolument à ce qu’il n’y ait pas de chichi entre nous.

— Responsable d’un nouveau projet ? demande Didier, estomaqué.

— Ha ! Je suis content de piquer votre curiosité. Dès que j’ai eu cette idée, j’ai immédiatement pensé à vous.

— Quelle idée ? demande Didier.— Patience. Je vais tout vous dire.— Et pourquoi m’avoir choisi ?— N’allez croire ! J’ai fait ma petite enquête. Et

je sais de source sûre que vous êtes l’homme idéal, l’expert en programmation de rêves. Il paraît que rien n’est à votre épreuve !

— Je suis flatté, mais Richard… monsieur Darmont est tout aussi compétent que moi et...

— Assez de modestie ! tranche Kowalski. Votre ami vient justement de sortir de mon bureau et croyez-moi, il a bien d’autres chats à fouetter. Et au

http://www.courteechelle.com/le-choc-des-mondes-le-labyrinthe-des-reves-tome-1

le labyrinthe des rêves tome 1, le choc des mondes...ses congénères. dans la cohue, quelques...

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