le la lÉgende d’un demi-siÈc de moteurs …aasep.fr/evenement/villaroche_2_promoaasep.pdf · en...

15
LA LÉGENDE D’UN DEMI-SIÈCLE DE MOTEURS-FUSÉES LA LÉGENDE D’UN DEMI-SIÈCLE DE MOTEURS-FUSÉES L’HISTOIRE DE VILLAROCHE-NORD 2 e Partie L’HISTOIRE DE VILLAROCHE-NORD 2 re Partie 1980-2006 AMICALE DES ANCIENS DE S.E.P. Le Centre de VILLAROCHE-NORD a été créé en 1953 par la SEPR, Société d’Étude de la Propulsion par Réaction aujourd’hui rattachée au Groupe SAFRAN. Le Centre a fermé ses portes en 2006. Un demi-siècle consacré à la propulsion par moteurs-fusées ! Le premier volume raconte le parcours de ce Centre de 1953 à 1980, avec la réalisation de moteurs-fusées pour les avions de chasse (Trident, Mirage…) et la mise au point du premier moteur cryotechnique, toujours en fonction à ce jour sur la fusée ARIANE. Dans ce deuxième volume, l’auteur nous fait traverser une période plus récente, celle où le Centre a dû se reconvertir dans la Défense et l’Espace. On découvre au fil des pages des projets militaires parfois surprenants, les études complexes entreprises pour le projet européen HERMES (navette qui aurait dû être lancée par ARIANE V et qui n’a pas vu le jour), et des activités spatiales de toutes natures : propulsion chimique ou plasmique de satellites, orientation d’antennes, fours de microgravité… La propulsion plasmique pour les satellites restera la réalisation phare de cette deuxième période. En effet ce mode de propulsion tend à se généraliser dans le monde entier, tant pour la mise à poste que pour le contrôle d’attitude des satellites. Aujourd’hui cette activité mise au point à VILLAROCHE continue de vivre au Centre de VERNON. Le livre se termine par une galerie de portraits des personnels qui ont animé ce Centre pendant un demi-siècle.

Upload: buidien

Post on 16-Sep-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

LA L

ÉGEN

DE

D’U

N D

EMI-

SIÈ

CLE

DE

MOT

EURS

-FUS

ÉES

LA LÉGENDE D’UN DEMI-SIÈCLE DE MOTEURS-FUSÉESL’HISTOIRE DE VILLAROCHE-NORD

2e P

art

ie

L’H

ISTO

IRE

DE

VIL

LAR

OCH

E-N

OR

D ❘

2re P

art

ie ❘

19

80

-20

06

AM

ICA

LE D

ES A

NCIE

NS D

E S.E

.P.

Le C

entr

e de

VIL

LARO

CHE-

NO

RD

a é

té c

réé

en 1

953

pa

r la

SEP

R, S

ocié

té d

’Étu

de d

e la

Pro

puls

ion

par

Réa

ctio

n au

jour

d’hu

i rat

tach

ée a

u G

roup

e SA

FRA

N. L

e Ce

ntre

a

ferm

é se

s po

rtes

en

2006

.

Un

dem

i-si

ècle

con

sacr

é à

la p

ropu

lsio

n pa

r m

oteu

rs-f

usée

s !

Le p

rem

ier

volu

me

raco

nte

le p

arco

urs

de c

e Ce

ntre

de

1953

à

1980

, ave

c la

réa

lisat

ion

de m

oteu

rs-f

usée

s po

ur le

s av

ions

de

cha

sse

(Trid

ent,

Mira

ge…

) et

la m

ise

au p

oint

du

prem

ier

mot

eur

cryo

tech

niqu

e, t

oujo

urs

en fo

nctio

n à

ce jo

ur s

ur

la f

usée

ARI

AN

E.

Dan

s ce

deu

xièm

e vo

lum

e, l’

aute

ur n

ous

fait

trav

erse

r un

e pé

riode

plu

s ré

cent

e, c

elle

le C

entr

e a

dû s

e re

conv

ertir

dan

s la

Déf

ense

et

l’Esp

ace.

On

déco

uvre

au

fil d

es p

ages

des

pro

jets

m

ilita

ires

parf

ois

surp

rena

nts,

les

étud

es c

ompl

exes

ent

repr

ises

po

ur le

pro

jet

euro

péen

HER

MES

(na

vett

e qu

i aur

ait

dû ê

tre

lanc

ée p

ar A

RIA

NE

V et

qui

n’a

pas

vu

le jo

ur),

et

des

activ

ités

spat

iale

s de

tou

tes

natu

res :

pro

puls

ion

chim

ique

ou

plas

miq

ue

de s

atel

lites

, orie

ntat

ion

d’an

tenn

es, f

ours

de

mic

rogr

avité

La p

ropu

lsio

n pl

asm

ique

pou

r le

s sa

telli

tes

rest

era

la r

éalis

atio

n ph

are

de c

ette

deu

xièm

e pé

riode

. En

effe

t ce

mod

e de

pr

opul

sion

ten

d à

se g

énér

alis

er d

ans

le m

onde

ent

ier,

tant

po

ur la

mis

e à

post

e qu

e po

ur le

con

trôl

e d’

attit

ude

des

sate

llite

s. A

ujou

rd’h

ui c

ette

act

ivité

mis

e au

poi

nt à

VIL

LARO

CHE

cont

inue

de

vivr

e au

Cen

tre

de V

ERN

ON

.

Le li

vre

se t

erm

ine

par

une

gale

rie d

e po

rtra

its d

es p

erso

nnel

s qu

i ont

ani

ce C

entr

e pe

ndan

t un

dem

i-si

ècle

.

Le tome I de l’ouvrage expliquait comment était né le centre de Villaroche-Nord et quelles en furent ses premières réali-sations de premier plan : les propulseurs d’appoint pour les avions de combat, le moteur cryotechnique de 7 tonnes de

poussée destiné à un étage supérieur cryotechnique de lanceur.

Lorsqu’Ariane fut décidée en 1974, ce moteur cryotechnique poursui-vit son développement à Villaroche, mais c’est tout naturellement le centre de Vernon, plus important, qui pilota l’ensemble des activités Ariane, Villaroche n’intervenant qu’en appoint.

Une baisse de charge s’en suivit et le centre de Villaroche dut alors se reconvertir vers de nouvelles activités, dans le domaine de la Défense et de l’Espace.

Ce changement de culture nécessita des efforts considérables, car on ne parlait alors plus de poussée en tonnes, mais plutôt en centaines de kilos pour la Défense et de l’ordre de quelques grammes pour l’Espace, et des technologies très différentes étaient à inventer.

En ce début de XXIe siècle, les utilisations de l’espace nous sont devenues familières. Il ne se passe pas quasiment

un jour sans que soit lancé un satellite au service des activités humaines : Internet, la météorologie, la préven-tion des risques, la localisation des mobiles par GPS, l’observation civile et militaire, l’observation scientifique en sont des exemples coutumiers… Mais on ignore souvent la somme d’innovations qu’il a fallu développer pour parvenir à ce niveau de maîtrise technologique.

C’est ce monde peu connu du spatial que nous fait découvrir cet ouvrage passionnant rédigé par l’amicale des anciens de la SEP, sous la conduite de Francis Ligier. Les auteurs apportent notamment des réponses aux inter-rogations les plus courantes : comment propulse-t-on un satellite, comment sont orientés ses panneaux solaires, quel type d’expérience peut-on faire dans une station spatiale, quels sont les problèmes posés par l’apesanteur.Les grands programmes auxquels Villaroche a participé sont aussi présentés : un étage supérieur à propulsion liquide pour la force de dissuasion stratégique, le projet inachevé de la navette spatiale Hermès, les grands satel-lites comme SPOT pour l’observation de la Terre, ou les missions lointaines comme la sonde Cassini-Huyghens qui a touché le sol de Titan (satellite de Saturne) aux confins de notre système solaire après un périple de 7 ans.

Mais au-delà des technologies et des programmes, cet ouvrage retrace avant tout une formidable aventure humaine faite de passion et de créativité.

La page Villaroche-Nord a été tournée en 2006, le contexte programmatique ne permettant plus le maintien du plan de charge du Centre.

L’aventure continue cependant, et au moment où la propulsion électrique s’impose de plus en plus comme la solution d’avenir pour les satellites, c’est avec fierté que Villaroche-Nord a transmis en héritage au site Safran de Vernon cette technologie qu’il a su développer, grâce à la volonté et la persévérance de tous les acteurs de l’époque.

Jean-Lin FOURNEREAUXDirecteur Central Groupe Espace de Safran

PRÉFACE 5

Sur indications de Claude Girard qui en fut le chef de projet et de Gérard Passagot.

De 1975 à 1985 fut étudiée à Villaroche une chaudière à lithium. Sous ce terme quelque peu ésotérique se cache en fait un système de propulsion pour torpille marine.

Ce type de propulseur était étudié aux USA depuis le milieu des années 60. Sa mise au point au sol sur un calibre de 500 mm environ était achevée en 1972 et les essais en mer en 1978.

I-5-1 LE CONCEPT

La chaudière a pour rôle de fournir de la vapeur d’eau surchauffée pour actionner une turbine qui fait tourner l’hélice de la torpille.

L’énergie est fournie par une réaction chimique met-tant en œuvre le Lithium et l’hexafluorure de soufre, l’équation étant la suivante :

8 Li + SF6 Li2 S + 6 Li F + chaleur

La réaction est fortement exothermique. Les produits de la réaction sont liquides ou solides ; il s’en suit qu’elle peut se faire dans une enceinte fermée, sans aucun rejet vers l’extérieur, ce qui est important pour que la torpille ne soit pas détectée.

Le principe appliqué à une torpille est représenté ci-dessous.

LES ACTIVITÉS DE DÉFENSE 29

I-5 LA CHAUDIERE À LITHIUM (1975–1985)

Sur indications d’Antoine Melchior et participation de Daniel David

I-6-1 HISTORIQUE

En 1970, les Etats-Unis lancent un programme de grande ampleur sur l’utilisation de liquides pour pro-pulser les obus des canons. Les ergols utilisés sont soit des bi-liquides hypergoliques, soit un peu plus tard des monergols. La RFA, à la même époque s’engage dans la même voie.

C’est en 1976 que la DRET, en France, réunit 4 par-tenaires pour se lancer dans la filière des canons à bi-liquides :• EFAB et SEP (pour les sigles, voir à la fin du livre) sont coresponsables de l’étude, de la réalisation et de l’ex-périmentation d’un appareil de tir en calibre 30 mm, la SEP étant responsable de la partie « système ergol ».

• ONERA et SNPE sont chargés de la mise au point d’un modèle de calcul de la balistique intérieure. En fait, les difficultés rencontrées par la SNPE dans l’adaptation des modèles existants pour les canons à poudre ont

conduit la SEP à élaborer elle-même le modèle de balistique intérieure, l’ONERA réalisant le programme de calcul de l’état des gaz à haute pression.

Au tout début de 1976, l’étude démarre ; elle s’appel-lera CANEL, comme canon à ergols liquides. Au cours de l’année le choix du principe est fait et la première pièce est réalisée. Elle fera son premier essai en janvier 1977.

De 1977 à 1980, le contrat monte en puissance et c’est à cette époque qu’ont lieu la plupart des essais, dans une configuration évolutive du matériel. La modélisa-tion démarre à mi-1979 pour se terminer fin 1981.

À partir de 1982, le programme ralentit, des doutes se faisant au sein de l’armée sur la manipulation de produits toxiques, à savoir : l’IRFNA et l’UDMH. Les Etats-Unis, qui avaient interdit l’emploi d’acide nitrique (et donc d’IRFNA) s’orientaient maintenant vers les monergols.

Les années 1982 à 1986 furent donc mises à profit pour valider le modèle sur de nouveaux essais, pour résoudre les problèmes technologiques résiduels et à partir du modèle pour faire des extrapolations de fonc-tionnement à de plus gros calibres. Au total, à l’arrêt du programme fin 1986, 150 tirs ont été réalisés.

LES ACTIVITÉS DE DÉFENSE 39

I-6 LE CANON A ERGOLS LIQUIDES (1976–1986)

Texte de Michel Lyszyk qui en fut chef de projet de 1985 à 1990, avec la participation de Dominique Valentian et Daniel David.

Il existe de nombreuses variétés de lasers chimiques mais ceux qui ont été développés à Vernon et Villaroche utilisaient le couple deutérium/fluor (en abrégé DF) ou hydrogène/fluor pour les essais préli-minaires (en abrégé HF). Rappelons que c’est Vernon qui était maître d’œuvre du projet entre 1976 et 1984 puis lors de la création du Groupe Défense-Espace (GDE) en 1985 cette maîtrise d’œuvre a été transférée à Villaroche, les bancs d’essais quant à eux restant au PF7 à Vernon. Le matériel du banc module laser (tableaux fluides, diffuseur et bâti) et le module laser lui-même furent fabriqués à Villaroche, c’est la raison pour laquelle ce sujet est évoqué ici.

I-8-1 ORIGINE DU PROGRAMME

Michel Lyszyk nous rappelle le contexte :Dans les années soixante-dix et 80, les USA et la Russie exploraient la possibilité de détruire en vol des missiles balistiques et même des têtes de rentrée avec des tirs de lasers chimiques. Ce fut notamment l’époque du lancement par R. Reagan aux USA du programme SDI (Space Defence Initiative) en 1983 et l’engagement

de multiples activités dans deux domaines :• Les armes à énergie cinétique (par exemple le KKV1)• Les armes à énergie dirigée. Ces dernières concernent les lasers de puissance (infrarouge HF/DF, O2/I2, CO2, GDL2), les lasers à rayons X, les faisceaux de particules chargées (électrons, protons, etc.) basés au sol ou dans l’espace.

Les lasers à excitation électrique de l’époque avaient un rendement faible (jusqu’à 10 %) ce qui conduisait à une puissance électrique élevée pour des applica-tions militaires. Le laser chimique présentait l’énorme avantage d’avoir une source d’énergie très compacte dont la puissance était seulement limitée par le débit masse « d’ergols » et la tenue des parois !

Les USA ont ainsi mis sur Boeing un laser à CO2 de 400 kW pour tester des interceptions de missiles en vol dès le milieu des années 1980 puis ont remis plus récemment en vol un laser expérimental sur un Boeing 747 et les essais ont été arrêtés en 2011 par manque de budget.

Les USA ont également construits les lasers HF/DF MIRACL (Mid InfraRed Advanced Chemical Laser) de 2.2 MWatt de puissance continue sur le site de White Sands dans le désert du Nouveau Mexique ainsi que le prototype ALPHA de 5 à 10 MWatt d’un laser HF spa-tialisé à San Juan de Capistrano au Sud de Los Angeles.

LES ACTIVITÉS DE DÉFENSE 51

I-8 LE LASER CHIMIQUE À COMBUSTION (1976-1990)

BOEING 747 ALTM (POUR AIRBORNE LASER TEST BED)

L’ALTM est un laser embarqué dans un Boeing 747 (visible sur le nez de l’avion). Ce laser de type chimique iode/hydrogène délivre une très forte puissance, de l’ordre de 1 Mégawatt. Il est destiné à détruire des missiles en vol. En 2010 lors d’un tir d’exercice le laser a intercepté un missile Scud à carburant liquide au-dessus de la Californie.

1KKV= Kinetic Kill Vehicle, voir chapitre sur le moteur à impulsions.2GDL=Gaz Dynamic Laser, à décharge électrique suivie d’une détente dans une tuyère convergente-divergente.

Sur indications de Jean-Pierre Livi qui en fut le chef de projet

I-9-1 HISTORIQUE

1) Le contextePlus connu sous l’abréviation SYBIL, ce système fut étudié à des fins stratégiques pour les missiles de la force de dissuasion nucléaire française.

Un contrat préliminaire de faisabilité fut passé par la DME au début des années 1980, les premiers essais eurent lieu fin 1983, mais c’est en 1987 que, pour la première fois dans l’histoire des missiles balistiques français, fut signé un contrat visant à propulser des parties hautes de missiles à l’aide d’un système bili-quide. Mais à quoi sert un SYBIL ?

C’est un système dont la mission principale consiste à disposer de façon très précise dans la zone d’impact visée un cortège d’objets (charges militaires ou leurres). Par exemple, une dispersion de 100 km peut

être réalisée :- en portée par une variation de vitesse de 50 m/s.- en latéral par un changement d’azimut de 1°.Ainsi l’impact des charges devient difficilement prévi-sible, c’est le but recherché.

2) Le SYBIL, pour quelle application ?Rappelons quelques dates-clés de la composante ter-restre de la force de dissuasion :

LES ACTIVITÉS DE DÉFENSE 59

I-9 LE SYSTEME BILIQUIDE (1980–1994)

Juin 1960Décision de se doter d’une force de dissuasion, avec composante terrestre

02/08/711re unité opérationnelle sur le plateau d’Albion avec missile S2

01/06/801re unité opérationnelle sur le plateau d’Albion avec missile S3

22/02/96Décision de supprimer la compo-sante terrestre

16/09/96Fin d’alerte opérationnelle des SSBS/fermeture du plateau d’Albion

Le caisson dans lequel est monté le SYBIL a un dia-mètre de 2 mètres pour une hauteur de 1,5 mètre. Il est équipé d’une balance de poussée.

4) Le déroulement du programme S45

4.1) Généralités :A l’origine, le programme s’étalait de 1988 à 1993 (qualification en vol) mais pour diverses raisons, il subit un étalement et prit aussi du retard. La situation en juillet 1991, juste avant arrêt du programme était la suivante :• La RDP, Revue de Définition Préliminaire, venait d’avoir lieu• La RCD, Revue Critique de Définition était planifiée à mi-1994• Les essais de qualification au sol à fin 1994/début 95.• La fourniture du premier matériel de vol vers août 1995Autant dire qu’à l’arrêt du programme en juillet 1991, le projet n’était pas dans un stade de maturation très avancé, puisqu’on n’en était qu’à la phase de défini-tion préliminaire, c’est-à-dire que les grandes lignes étaient arrêtées, mais que l’industrialisation n’était pas encore arrivée à son terme.

4.2) Résultats au niveau système :En liaison avec l’Aerospatiale, une maquette d’amé-nagement a été réalisée après que les spécifications soient enfin figées. Le fonctionnement hydraulique,

LES ACTIVITÉS DE DÉFENSE 65

BANC MELISA EN FONCTIONNEMENT

HISSAGE DU MOTEUR PRINCIPAL DU SYBILSUR LE BANC MELISA

Texte de Jean-Claude Corai qui conduisit cette activité dès son début.

II-1-1 LA PROPULSION DES SATELLITES

Le premier satellite européen, qui était français (A1 ou « Astérix », lancé le 26 novembre 1965), et ses premiers successeurs, d’une masse de quelques dizaines de kilogrammes, ne possédaient pas de moyens propres de propulsion. Après leur mise en orbite par le lanceur, on ne corrigeait ni leur trajectoire ni leur orientation. Cette dernière résultait, selon les missions et les configurations de satellites, d’une mise en rotation à l’injection ou de l’effet de la gravité. Mais très vite les masses des satellites ont crû et leurs mis-sions ont exigé un contrôle d’attitude (orientation) et d’orbite (trajectoire). On les a donc équipés de petits moteurs-fusées alimentés en propergols (fluides pro-pulsifs) stockés à bord.

II-1-1-1 Les besoins

Les satellites « à défilement », généralement en orbite basse (quelques centaines de km d’altitude), ont des besoins en contrôle d’attitude très dépendants des missions, souvent scientifiques ou d’observation. Quant au contrôle d’orbite, il consiste essentiellement à compenser la légère perte d’altitude due à l’atmos-phère résiduelle et à lutter contre la tendance du plan de l’orbite à se rabattre vers le plan de l’écliptique (plan de l’orbite de la terre) sous l’attraction de la lune et du soleil.

Les satellites géostationnaires, dont l’intérêt pour les télécommunications a été exploité dès la fin de la décennie 1960 notamment par l’organisation interna-tionale INTELSAT, travaillent à environ 36 000 km au-dessus de l’équateur, ce qui les fait graviter autour de la terre en 24 heures et donc paraître immobiles dans le ciel à un observateur terrestre. Après injection par le lanceur sur l’« orbite de transfert », leurs moyens propres de propulsion leur confèrent les impulsions dont ils ont besoin tout au long de leur vie. Ces impulsions résultent en des compléments de vitesse indépendants de la masse du satellite : en cumulé, 1 500 m/s pour hisser le périgée à 36 000 km et circu-lariser l’orbite à cette altitude, se mettre à poste, puis 55 m/s par an pour s’y maintenir.

II-1-1-2 Les réponses

Pour répondre aux besoins, les moteurs du système propulsif doivent agir sur le satellite selon des modes très variés. Les manœuvres de contrôle d’orbite demandent des séquences en continu pouvant durer de quelques secondes à plusieurs heures. Celles de contrôle d’attitude exigent des trains d’impulsions d’une fraction de seconde, le besoin total d’impulsions se chiffrant par centaines de milliers sur une mission.

Plusieurs modes de propulsion sont envisageables sur un satellite : éjection de gaz froid sous pression, délivrant des Isp de quelques dizaines de secondes, ou éjection de gaz chauds produits par réaction chimique à partir d’ergols liquides, capables de 200 à 300 secondes, ou encore éjection d’ions, permettant d’atteindre 1 500 secondes et plus.

Le premier critère de choix d’un système propulsif est sa masse totale, somme de celle des ergols à embar-quer pour remplir la mission et de la masse « sèche » des équipements (moteurs, réservoirs, vannes, tubu-lures, structures-support,…). Celle-ci ne peut pas des-cendre en dessous d’un minimum qui dépend de la complexité du type de système adopté et des limites technologiques de réalisation (dimensions de pièces, épaisseur de paroi de réservoir, etc).

II-1-1-3 La solution hydrazine

À la fin des années 1960 la propulsion biliquide applicable aux satellites était déjà bien avancée à partir des développements de systèmes pour missiles, lanceurs civils, engins tactiques. Même en Europe car elle fut utilisée sur le programme franco-allemand SYMPHONIE, développé autour de 1970, avec des moteurs allemands.

Cependant, la masse des satellites n’étant alors que de quelques centaines de kilogrammes, cette solution n’était pas toujours la plus légère. En effet, certains corps chimiques produisent des gaz chauds en se décomposant, sans réaction d’oxydoréduction avec un autre. Utilisés en propulsion - ils sont alors appelés monergols - ils peuvent conduire à un meilleur devis de masse pour des tailles de satellites modérées car, comportant moins d’équipements, le système sec est plus léger. Autre avantage : une plus grande simplicité, favorable à la fiabilité. C’est le cas de l’hydrazine dont on peut exploiter la faculté de se décomposer sponta-nément au contact d’un catalyseur ou par chauffage.

LES ACTIVITÉS ESPACE 79

II-1 LA FILIERE MONERGOL

Avec le concours de Jean-Claude Corai, Jean-Pierre Livi, Jacques Marugan, Dominique Valentian et Jean-Pierre Yribarren

II-2-1 DONNÉES GÉNÉRALES

L’idée d’un avion spatial européen remonte à 1978 environ. Au cours des années qui ont suivi, des études préliminaires de faisabilité très discrètes ont été effectuées en grande partie par l’Aerospatiale pour le compte du CNES. Très vite le projet HERMES, c’est le nom de baptême qu’on lui a donné, est apparu comme un refus de la France et de l’Europe de laisser aux deux grandes puissances le monopole des vols habités dans l’espace.

Les objectifs des missions Hermès au départ sont triples :

1. Hermès intervenant seul jusqu’à une altitude de 800 km pour l’observation de la terre ou des expériences scientifiques (microgravité, biophysique, technologie…).2. Rendez-vous avec des stations orbitales à une alti-tude de 400 à 500 km :

• Columbus, station européenne également en pro-jet à l’époque• ISS, station internationale, qui a été réalisée depuis mais dans une version moins ambitieuse.• MIR, station soviétique lancée en 1986

3. Maintenance de satellites (météo, observation…), en général à des altitudes de 800 km sur des orbites inclinées à 98°.

La phase de pré-étude et d’avant projet « phase A » qui se déroule jusqu’en 1984 permet de s’intéresser aux technologies clés que sont les piles à combus-tibles pour la fourniture de l’énergie et les protections thermiques pour la rentrée dans l’atmosphère.

Les étapes clés du programme

LES ACTIVITÉS ESPACE 107

II-2 LE PROGRAMME HERMES

Janv. 1985

Conférence de Rome qui lance officiellement le développement d’Ariane 5 et de Colombus. Pour la première fois le programme Hermès devient européen et une phase d’avant projet dite « phase B » est lancée jusqu’à fin 87. Cette décision n’est pas étran-gère à la création, 3 mois plus tard, du groupe Défense-Espace.

Oct. 1985 La SEP (Bordeaux) est retenue pour les structures chaudes de l’avion.

Janv. 1986Contrats préliminaires passés avec les firmes européennes. MBB-ERNO est retenu comme maître d’œuvre de la propulsion, VILLAROCHE est associé.

Janv. 1986 Accident de Challenger avec d’importantes conséquences sur la définition.

Nov. 1987Conférence de La Haye qui donne son accord pour la poursuite des 3 programmes Ariane 5, Colombus et Hermès avec le lancement d’une phase C1 de développement sur 3 ans pour ce dernier.

Nov. 1990Création d’EuroHermèspace associant les 4 contractants principaux : Aerospatiale, Alenia, Dassault et DASA. Les industriels livrent leur proposition technique et financière pour la « phase 2 » couvrant la suite du programme jusqu’à la réalisation de 2 modèles de vol.

Nov. 1991La conférence de Munich maintient les travaux en 1992 et décide de tenir une confé-rence chaque année.

Nov. 1992 La conférence de Grenade entérine l’abandon d’Hermès.

trouvions confrontés à des problèmes d’endurance (mauvaise propagation du film de refroidissement, lié à l’état de surface).

La tentative d’imposer cette technologie pour les moteurs de contrôle de satellites fut donc un échec. Et même pour des chambres d’une taille un peu plus importante comme celles pour l’ATV, nous sommes revenus à une technologie métallique traditionnelle.

II-5-4 ÉPILOGUE

Une des missions d’HERMES consistait à ravitailler les stations et en emporter des déchets.

Cette mission a été finalement dévolue à l’ATV (Automated Transfer Vehicle), « cargo de l’espace ». Un premier exemplaire (Jules Verne) a été lancé en 2008 par ARIANE V, un deuxième (Johannes Kepler) en 2011, le troisième (Edoardo Amaldi) en 2012 ; d’autres suivront.

LA LÉGENDE D’UN DEMI-SIÈCLE VILLAROCHE-NORD 1953-2006 DÉFENSE ET ESPACE122

DISPOSITION DES PROPULSEURS DE L’ATV

PROPULSION DE L’ATV

Ce cargo, d’une longueur de 10,7 m, de 4,5 m de diamètre et de 22,3 m d’envergure, pèse 20,7 t au lancement. Il est équipé :• Pour la propulsion principale de 4 moteurs Astrium de 500 N• pour les manœuvres de rendez-vous et d’accostage, de 28 moteurs biliquides 200 N (en Niobium) développés par la SEP sur la base des travaux réalisés dans le cadre du projet SYBIL.

Texte de Dominique Valentian et participation de Jean-Pierre Livi, Jean Mériguet et Bernard Portejoie.

Pour les (trop) nombreux sigles, se reporter au glos-saire en fin de livre.

II-4-1 INTRODUCTION A LA PROPULSION PLASMIQUE

1) HistoriquePendant que le monde occidental travaillait sur la propulsion ionique bombardement, l’URSS s’inté-ressait à un autre concept : la propulsion plasmique. Ces propulseurs étaient aussi connus dans le monde occidental mais ils avaient été abandonnés dans les années soixante-dix car le rendement était faible et le fonctionnement assez instable. En URSS, le Professeur Alexei MOROZOV avait trouvé le moyen de résoudre ces problèmes d’instabilité en agissant sur le profil du champ magnétique. Il avait donc inventé un propul-seur : le SPT (Propulseur à Plasma Stationnaire : PPS en français). Le premier exemplaire – le SPT60 - a fonctionné dans l’espace en 1972.

Cependant, ces travaux étaient inconnus en occident car ils étaient classés secrets.

La perestroïka a tout changé : les laboratoires et indus-triels russes s’ouvraient à l’occident. Nous avons vu les premiers propulseurs plasmiques au MAI (Moscow Aviation Institute) en février 1991 et fait la connais-sance du PDG de la société qui produisait ces propul-seurs : FAKEL.

FAKEL signifie torche en russe (la torche de la révolu-tion). Seul problème pour leur rendre visite : les locaux étaient situés à Kaliningrad sur la Baltique, dans une zone stratégique interdite aux étrangers et même aux russes dépourvus d’autorisation.

Après presque un an de démarche, nous avons pu enfin nous y rendre. FAKEL avait à l’époque un effectif de 900 personnes et disposait de nombreuses chambres à vide. Cependant les moyens de mesure et les techniques étaient obsolètes. Conscient de ce problème FAKEL s’apprêtait à mettre en service une grande chambre à vide avec pompes cryogéniques et des moyens de mesure plus modernes. Un essai de durée de vie dans le monde occidental semblait

indispensable pour rassurer les futurs utilisateurs.

Dans cette période 1991-1992, SEP a exploré prati-quement tout ce qui s’était fait en Russie autour des propulseurs plasmiques et essayé le propulseur ALT (propulseur à couche d’anode de 1350 watt et 80 mN) mis au point par TSNIIMACH, qui se posait en concur-rent du SPT avec un faisceau plus petit (70 mm par exemple au lieu de 100 pour ce qui sera le SPT100). C’est en réfléchissant sur les défauts de l’ALT que le Professeur Morozov avait eu l’idée du SPT.

Après avoir signé un accord avec FAKEL pour étudier en commun une version améliorée du SPT 70, le seul propulseur plasmique opérationnel en Russie à cette époque, SEP a appris qu’un industriel américain non pas spécialiste de propulsion mais fabricant de satellites (Space Systems LORAL) voulait l’exclusivité occidentale sur ces propulseurs. La situation semblait bloquée, c’est alors que SEP a pu rencontrer le pro-fesseur Morozov qui a proposé un concept amélioré, le SPT Mk2, connu aussi sous le nom d’ATON ; ces tra-vaux étaient effectués en coopération avec le MIREA (Moscow Institute of Radio Electricity and Automatics). Sachant que SEP avait pris des brevets, LORAL a jugé préférable de nous inclure dans la JV26 internationale créée avec FAKEL : ISTI (International Space Technology Inc.). Ce fut un long combat (30 mois) à l’issue duquel la SEP, en échange de sa participation de 15 % dans ISTI, acquérait le droit exclusif de commercialiser en Europe des systèmes de propulsion utilisant les mo-teurs alors produits par Fakel, avec une électronique Space System Loral ; elle prenait à sa charge le déve-loppement et la qualification d’un moteur de seconde génération, SPT Mk2, qu’elle pourrait ensuite produire et vendre en exclusivité en Europe, en en cédant les droits de fabrication à Fakel pour les besoins russes et américains et les droits de commercialisation hors Europe à ISTI.

Pendant que SEP développait le propulseur ATON, Space Systems LORAL et le JPL27 qualifiaient le SPT 100 aux normes occidentales (finalement il avait été décidé de passer au SPT 100, deux fois plus puissant que le SPT 70, pour faire face à l’augmentation prévi-sible de la masse des satellites géostationnaires).

Pendant que le JPL effectuait un essai de 7 500 heures sur un SPT 100, FAKEL en essayait un autre dans une installation munie de pompes cryogéniques (vide propre) selon un protocole légèrement différent. Le premier essai de qualification « russe » — avec des pompes à diffusion (vide « moins propre ») — n’avait

LES ACTIVITÉS ESPACE 135

II-4 LA PROPULSION PLASMIQUE À VILLAROCHE

26 JV = Joint Venture ou contrat d’association de 2 ou plusieurs sociétés sur un sujet donné.27 JPL = Jet Propulsion Laboratory, laboratoire travaillant pour le compte de la NASA

trop lourds pour se passer de la propulsion électrique en Nord-Sud. Ils sont équipés de quatre SPT 100 ; l’intégration des propulseurs sur les mécanismes d’orientation a été effectuée à Villaroche.

Les deux premiers satellites ont été lancés en mars et novembre 2005.

II-4-6 LE TRANSFERT « DÉFINITIF » À VERNON

La décision est prise de fermer le centre de VILLAROCHE-NORD en juin 2006, celui-ci cesse complètement ses activités à la fin de la même année

Une fois de plus, les activités « espace » vont migrer.Quel circuit : BLANQUEFORT - VERNON - VILLAROCHE - VERNON !

Même si VILLAROCHE n’a pas été impliqué dés le début des études de propulsion électrique, son apport décisif dans le domaine de la propulsion plasmique aura permis la réalisation d’une technologie opéra-tionnelle pour SNECMA.

Et comme pour la propulsion cryotechnique, sou-haitons que ce que VILLAROCHE a su créer, VERNON puisse le développer.

LES ACTIVITÉS ESPACE 145

LA TRAJECTOIRE DE SMART-1

INMARSAT 4 (PHOTO ASTRIUM SAS). DEUX PROPULSEURS PLASMIQUES SPT 100 SONT SITUÉS ENTRE LE PANNEAU SOLAIRE ET L’ANTENNE (CYLINDRE EN TREILLIS)

Texte de Dominique Valentian qui fut responsable de cette activité.

II-5-1 LA GENÈSE

Des fours spatiaux pour quoi faire ?

Et que vient faire la SEP puis plus particulièrement Villaroche-Nord dans ces forges de Vulcain modernes ?Nous sommes tellement habitués aux effets de la gra-vité que nous n’y prêtons que très rarement attention. Pourtant en métallurgie, ces effets ne sont pas toujours souhaitables, particulièrement dans certaines phases de traitement des matériaux. La pesanteur restreint l’étude des processus physiques qui interviennent dans la fabrication des matériaux. Par exemple, la pesanteur constitue la force motrice des courants de convection entre les masses chaudes et froides. Ces courants masquent d’autres phénomènes intéressant les chercheurs et amoindrissent la qualité d’un produit en empêchant le mélange homogène des éléments qui entrent dans sa composition. Comme ces forces masquantes sont éliminées en microgravité, les scientifiques peuvent entreprendre des recherches impossibles à réaliser sur Terre.

Les principaux centres d’intérêt de la microgravité dans l’espace, dans les années quatre-vingt, avaient été identifiés comme suit :

• Production de matériaux à haute résistance ainsi que de verres et céramiques à résistance thermique élevée pouvant s’appliquer à la construction d’installa-tions allant des centrales électriques au futurs engins spatiaux. Pour ce faire, il est nécessaire de mieux connaître les processus fluidiques qui interviennent dans la fabrication de tels matériaux (effets de la tension superficielle, de la poussée d’Archimède, de la sédimentation…).

• Cristallisation des protéines pour mieux comprendre l’activité moléculaire de divers processus biologiques, avec de nouvelles applications en médecine et en agriculture.

• Production de semi-conducteurs, éléments fon-damentaux de l’électronique moderne, reposant essentiellement sur le mélange précis de composants selon une structure très ordonnée produisant des

monocristaux (on ne sait pas encore produire sur Terre des monocristaux exempts de défauts). C’est particulièrement dans ce secteur des monocristaux, dont l’élaboration nécessite des fours perfectionnés à gradient thermique, que la SEP a été sollicitée.

L’étude systématique des effets de cette gra-vité réduite s’est développée en même temps que le programme spatial, les vols habités permettant les premières expériences importantes en complément d’expériences automatisées embarquées sur des capsules récupérables à autonomie limitée à quelques jours, ou à bord de plates-formes automatiques plus sophistiquées telles qu’EURECA (voir plus loin).

Mais la première exigence qui s’impose aux fours de microgravité est que leur fonctionnement mécanique ne vienne pas perturber le niveau de microgravité pro-curé naturellement par le vol spatial, ce qui implique :

- mécanismes de déplacement fins.- mouvements « silencieux » (absence d’à-coups)- entraînement à vitesse constante.

Les exigences sont les mêmes que celles requises pour les mécanismes d’entraînement des panneaux solaires des satellites, en particulier ceux de la famille SPOT, les SEPTA 12 et 14, développés par la SEP à Vernon depuis les années 1980 puis à Villaroche.

La seconde exigence relative à l’élaboration des maté-riaux concerne le domaine thermique :

- compétence dans la maîtrise des flux de chaleur- compétence dans l’élaboration de matériaux per-mettant la mise en œuvre de températures élevées (1 500 °C à 2000°C)

Ces compétences sont bien celles que l’on retrouve dans toute la SEP et en particulier à Vernon – Villaroche pour l’étude et la réalisation de propulseurs.

L’historique

Ce type d’activité commence à Vernon au début des années quatre-vingt :

• La première réalisation de la SEP est purement méca-nique (mécanisme de chargement d’échantillons dans un four développé par DORNIER).

• Le premier four complet réalisé par SEP pour le compte du CNES est un four trizone (MTZ = « MulTiZone) inté-

LA LÉGENDE D’UN DEMI-SIÈCLE VILLAROCHE-NORD 1953-2006 DÉFENSE ET ESPACE146

II-5 LES FOURS DE MICROGRAVITÉ ET LA SCIENCE

Texte de Dominique Valentian avec participation de Gille Turin et Jean-Pierre Fournier.

II-6-1 LE BESOIN

L’alimentation en énergie est au coeur du bon fonc-tionnement des satellites. On utilise en général la puissance du Soleil qui fournit un peu plus de 1360 watts par mètre carré au voisinage de la Terre (le pan-neau solaire ne reçoit que 1 200 W/m2 aux solstices). Mais les panneaux solaires n’en captent que 20 %. Donc si l’alimentation du satellite nécessite 15 kW, il faut une surface de panneaux de 63 m² (soit 2 pan-neaux de 3 m x 11 m). Pour fonctionner efficacement, ces grands panneaux solaires doivent être tournés précisément en direction du Soleil. Cette fonction est assurée par des mécanismes dont on peut deviner la difficulté de réalisation : puissance, précision, dimen-sion réduite.

De même, pour envoyer les informations sur un point ou une zone déterminée de la Terre, le satellite ou la sonde spatiale doit pouvoir pointer avec précision son antenne dans la direction demandée. C’est le même type de dispositif qui assure la fonction. Nous englo-berons donc sous le terme « mécanismes spatiaux »

l’ensemble des systèmes permettant de réguler dans l’espace la position des panneaux solaires ou des antennes.

Assez rapidement, la SEP est devenu un des leaders européens dans cette spécialité.

II-6-2 LES ORIGINES

Le LRBA a apporté à SEP une bonne compétence sur les mécanismes spatiaux, en utilisant l’une de ses réa-lisations les plus emblématiques : les paliers magné-tiques. Lorsqu’il s’est agi de réaliser le satellite SPOT, le CNES a cherché à répartir les sous systèmes entre les différents industriels de l’espace. Vernon a naturelle-ment hérité du mécanisme de pointage du panneau solaire de SPOT, le MEGS (Mécanisme d’Entraînement du Générateur Solaire). Ce mécanisme a été rebaptisé SEPTA® (Solar Electric Power Transfer Assembly). Bien entendu les trois premières initiales formaient SEP et ce n’était pas un hasard. Cette famille allait devenir prolifique. Les SEPTA® 11 à 14 peuplent l’orbite basse, les 21 à 23 l’orbite géostationnaire, les 30 sont affec-tés aux minisatellites et les 40 aux microsatellites. En 1991, les mécanismes allaient migrer de Vernon à Villaroche en raison du transfert.

En tout, plus de 120 mécanismes ont été construits et livrés.

LES ACTIVITÉS ESPACE 165

II-6 LES MÉCANISMES SPATIAUX

TABLEAU (NON EXHAUSTIF) DES APPLICATIONS

D’après texte de Dominique Valentian

II-7-1 POSITION DU PROBLÈME

Il y a dans les liquides des forces qui relient les molé-cules les unes aux autres. Ces forces sont plus faibles que dans un solide, et cela explique que la configura-tion d’un liquide soit très changeante, lui permettant de s’écouler. Si ces forces étaient nulles, rien ne retien-drait les molécules les unes aux autres, et l’on aurait ainsi affaire à un gaz. Les forces de cohésion dans un liquide (ou de tension superficielle) permettent donc à celui-ci… d’être justement un liquide. Mais elles sont plus faibles que les forces de gravitation et à la surface de la Terre c’est donc le poids (les forces de gravité) qui déterminent la forme d’un liquide.

Il n’en est pas de même en apesanteur. Les forces de cohésion d’un liquide deviennent prédominantes, pourvu qu’on ne le remue pas trop. Or, il se trouve que ces forces ont tendance à minimiser la superficie de la frontière entre le liquide et le gaz alentour. Or, pour un volume donné, la forme qui minimise l’aire de la frontière est la sphère. Donc, un liquide, pourvu qu’on ne l’agite pas et qu’il ne touche aucune paroi, tend à se mettre en boule en apesanteur.

Il n’en est pas exactement de même lorsqu’il est contenu dans un réservoir (de satellite pour le cas qui nous intéresse). En effet, au cours du voyage dans l’espace, la propulsion soumet le liquide à des phases d’accélération, d’arrêt plus ou moins brutal, puis d’impesanteur. Il en résulte que les réservoirs doivent être équipés de dispositifs très particuliers pour que le liquide ne laisse pas libre cours à ses penchants natu-rels, mais obéisse aux spécifications qui lui sont assi-gnées, c’est à dire : alimenter le moteur dans toutes les phases de la mission, sans qu’il ne se produise de désamorçage ou de passage de bulles. Nous allons voir ci-après les solutions qui sont mises en oeuvre pour résoudre ce délicat problème.

Les principes adoptés

Les ergols (hydrazine, mono méthyl hydrazine, peroxyde d’azote) ont le bon goût de mouiller les parois métalliques. Cela permet de séparer le gaz du liquide et d’aspirer le liquide à l’endroit souhaité en utilisant les forces capillaires. C’est une expérience

bien connue : le liquide monte dans un tube d’autant plus que le diamètre du tube est petit (voir figure).

Mais si on utilise un tube fermé par une toile avec de petits trous (10 µm) on peut aspirer de l’eau à 1,30 m. Une toile mouillée par un liquide présente un autre avantage : le gaz ne passe au travers que si la différence de pression est supérieure à la hauteur de la colonne de liquide aspirée.

L’architecture des réservoirs à tension de surface dépend des exigences de mission, en particulier des accélérations que doit subir le réservoir.

• On peut demander que le réservoir fonctionne sous une accélération de 1 g dans toutes les directions : c’est le cas le plus difficile. Il s’applique en particulier à SPOT ou aux véhicules habités (Navette). Même en cas mise en rotation involontaire (cela s’est vu sur Gemini), il faut pouvoir alimenter les propulseurs pour rétablir la situation On utilise en général des crépines pour puiser le liquide quelle que soit la situation : microgravité ou accélération dans n’importe quelle direction.

• Si les accélérations en orbite sont modestes (10-3 g ou moins), de simples lames ou des baffles tronconiques sont largement suffisants pour amener le liquide vers le puisage (réservoirs Télécom 2, Myriade). Un propul-seur de 20 N monté sur un satellite de 2000 kg induit une accélération de 10-2 m/s2, soit 10-3 g.

• Le réservoir à lames peut aussi convenir pour des accélérations plus fortes dans une seule direction (par exemple l’allumage du moteur d’apogée). Il suffit de lui adjoindre une éponge – toujours remplie en micropesanteur – qui alimentera le moteur principal pendant les premières secondes. Le liquide est alors plaqué au fond du réservoir et on reprend un fonction-nement classique (voir réservoirs Télécom 2).

LES ACTIVITÉS ESPACE 179

II-7 LES RÉSERVOIRS SPATIAUX