le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’ohada

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Page 1 sur 23 Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA BDE (2017) 2 Le juge du contentieux de l’exécution en droit de l’OHADA Guy-Auguste Likillimba Table des matières Introduction 1. De l’identification du juge du contentieux de l’exécution en droit OHADA 1.1 Le juge du contentieux de l’exécution en tant que juridiction 1.1.1 Bref rappel de la définition de la notion de juridiction 1.1.2 Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction d’exception ou de droit commun? 1.1.3 Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction collégiale ou à juge unique? 1.2 Le juge du contentieux de l’exécution, juridiction présidentielle 1.2.1 De l’essai de définition de la juridiction présidentielle 1.2.2 La juridiction présidentielle, juge des référés civils 1.2.2.1 Bref rappel du référé civil 1.2.2.2 L’urgence judiciaire 1.2.3 La juridiction présidentielle, juge des procédures autres que le référé civil 1.2.3.1 Les procédures « en la forme des référés » ou « comme en matière de référés » 1.2.3.2 La pratique de la « passerelle » 2. Des attributions du juge du contentieux de l’exécution 2.1 La compétence en matière de contentieux des titres exécutoires 2.2 La compétence en matière de voies d’exécution et de leurs avatars 2.2.1 La compétence en matière de voies d’exécution 2.2.2 Des avatars des compétences du juge du contentieux de l’exécution Conclusion Maître de conférences HDR en droit à l’Université Rennes 1 ; membre du Centre de droit des affaires ; membre associé du Centre de droit économique Université d’Aix-Marseille; avocat au Barreau de Paris. (2017) 2 Résumé Le juge de l’exécution est en charge d’un contentieux dont les termes et les normes visent principalement à résoudre des difficultés afférentes - voire inhérentes - aux titres exécutoires et aux saisies conservatoires ou aux voies d’exécution civile forcée. Cela postule une exécution des décisions de justice avec célérité et rigueur pour rétablir dans ses droits tout créancier lésé et disposant d’un titre exécutoire. De plus, il s’agit de contribuer au nécessaire équilibre à établir entre les intérêts (notamment patrimoniaux) du créancier, du débiteur ou des tiers. L’étude du statut du juge du contentieux de l’exécution révèle, cependant, la difficulté à en définir la nature. Elle révèle également une pluralité et une diversité d’institutions auxquelles ce juge peut être identifié au niveau des Etats membres de l’OHADA avec autant de régimes juridiques nationaux applicables ; ce qui peut être source d’insécurité, à savoir : forum shopping, law shopping… au sein de la zone OHADA. ______________________

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Lejugeducontentieuxdel’exécutionendroitdel’OHADAGuy-AugusteLikillimba∗TabledesmatièresIntroduction1. Del’identificationdujugeducontentieuxde

l’exécutionendroitOHADA1.1 Lejugeducontentieuxdel’exécutionentantque

juridiction1.1.1 Brefrappeldeladéfinitiondelanotionde

juridiction1.1.2 Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridiction

d’exceptionoudedroitcommun?1.1.3 Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridiction

collégialeouàjugeunique?1.2 Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridiction

présidentielle1.2.1 Del’essaidedéfinitiondelajuridiction

présidentielle1.2.2 Lajuridictionprésidentielle,jugedesréféréscivils1.2.2.1 Brefrappelduréférécivil1.2.2.2 L’urgencejudiciaire1.2.3 Lajuridictionprésidentielle,jugedesprocédures

autresqueleréférécivil1.2.3.1 Lesprocédures«enlaformedesréférés»ou

«commeenmatièrederéférés»1.2.3.2 Lapratiquedela«passerelle»2. Desattributionsdujugeducontentieuxde

l’exécution2.1 Lacompétenceenmatièredecontentieuxdestitres

exécutoires2.2 Lacompétenceenmatièredevoiesd’exécutionet

deleursavatars2.2.1 Lacompétenceenmatièredevoiesd’exécution2.2.2 Desavatarsdescompétencesdujugedu

contentieuxdel’exécutionConclusion

∗MaîtredeconférencesHDRendroitàl’UniversitéRennes1;membreduCentrededroitdesaffaires;membreassociéduCentrededroitéconomiqueUniversitéd’Aix-Marseille;avocatauBarreaudeParis.

(2017)2

Résumé

Lejugedel’exécutionestencharged’uncontentieux dont les termes et lesnormes visent principalement àrésoudre des difficultés afférentes -voire inhérentes - aux titresexécutoireset aux saisies conservatoires ou auxvoiesd’exécutioncivileforcée.Celapostuleuneexécutiondesdécisionsde justice avec célérité et rigueur pourrétablir dans ses droits tout créancierlésé et disposant d’un titre exécutoire.De plus, il s’agit de contribuer aunécessaire équilibre à établir entre lesintérêts (notamment patrimoniaux) ducréancier,dudébiteuroudestiers.L’étudedustatutdujugeducontentieuxde l’exécution révèle, cependant, ladifficulté à en définir la nature. Ellerévèle également une pluralité et unediversité d’institutions auxquelles cejuge peut être identifié au niveau desEtatsmembres de l’OHADA avec autantde régimes juridiques nationauxapplicables; ce qui peut être sourced’insécurité, à savoir: forum shopping,law shopping… au sein de la zoneOHADA.

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IntroductionDans sa chronique, publiée en 1455 etrestée célèbre, Mgr Thomas Bazin,évêque de Lisieux et conseiller du roiCharles VII, avait écrit: «Dans untribunal soumis à une juridictionsupérieure et dont les erreurs peuventêtre réformées par voie d’appel, il n’yaurait pas, semble-t-il, grandinconvénientàchargerunindividuseuld’écouteretde juger lescauses,pourvuqu’on choisît des juges qui eussent dudroit écrit ou coutumier (…) la scienceconvenable et se recommandassentparune bonne réputation ou une vieméritoire1».Il en résulte que c’est depuis fortlongtemps que l’on s’interroge – ycomprisdansdessystèmesjuridiquesà«cultures judiciaires 2 » etjuridictionnelleséculées-surleprincipemême du juge unique ou, parextrapolation,surlejugeuniquemuéenjuridiction à part entière;communément appelée «juridictionprésidentielle» ou «(…) juridiction duprésident3». Tel est le cas de l’actueljuge du contentieux de l’exécution oujuge de l’exécution (JEX), pouvant êtrelui-même juge unique 4 , qui semble1Cité parMarcel ROUSSELET, dansHistoire de lamagistraturefrançaisedesoriginesànosjours, t.1, Paris, éd. Plon, 1957, p. 204 ; v. égalementNader HAKIM, « La collégialité : Histoire d’unmode d’organisation de la justice », dansPrincipe de collégialité et cultures judiciaires,actes du colloque tenu à Bordeaux 20 et 21septembre 2007 – Université Montesquieu-BordeauxIV,Bruylant,2011,p.19.2Rapport.FabriceHOURQUEBIE (dir.),Principedecollégialité et cultures judiciaires, Bruxelles,Bruylant,2011.3 Xavier VUITTON, La juridiction du président,Paris, LexisNexis, Litec, 2010, préface deHervéCROZE.4Nousdisons «pouvant être (…) jugeunique»,car, en droit processuel français, par exemple,l’article 11 de la loi no 2010-1609, du 22

ainsi 5 s’inscrire dans une longuetraditionenlamatière.Aussi, pour tâcher d’approcher unemeilleure compréhension del’institution du juge du contentieux del’exécution en droit de l’organisationpour l’harmonisation en Afrique dudroit des affaires (OHADA), n’est-il pasinintéressant d’en situer le principedans un contexte à la fois historique etde droit comparé. Pendant longtemps,enréalitédepuis le19esiècle jusqu’auxannées 1970, le législateur français6del’exécution forcée des décisions dejustice et desmesures conservatoires –dumoinsenmatièrecivile–semblaitsipeu préoccupé par l’instauration d’unJEX que les procédures civilesd’exécution (anciennement dénommées«voies d’exécution») étaient réputéesassez déséquilibrées au détriment dudébiteur et, corrélativement, en faveurducréancier,munid’untitreexécutoire.Plus prosaïquement, plusieursexplications avaient pu être évoquéespour réfuter l’institution du JEX. Parmielles, l’on a redouté de nombreuxrisques,àsavoir:unejudiciarisationdel’exécution des décisions de justice etdes titres assimilés; une remise encause d’un titre exécutoire délivré enbonne et due forme par une (même)juridiction;unemultiplicationdesvoiesde recours supplémentaires ouparallèles ou encore tardives, pardécembre2010(JournalofficieldelaRépubliquefrançaise, du 23 décembre 2010), «relative àl’exécutiondesdécisionsdejustice»,dispose,infine, que les fonctionsde jugede l’exécutionduTGI peuvent être exercées par un ou plusieursjuges de l’exécution du tribunal d’instance. Cequiparticipedelacollégialité.5 Par référence à l’opinion émise parMonseigneurBazin,M.ROUSSELETpréc.,note1.6Alorscompétentégalementpourlescoloniesetmêmelongtempsaprèsl’accessiondecelles-ciàl’indépendance.

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exemple, lorsque le titre exécutoiredevient définitif, faute d’avoir étéattaqué dans les délais impartis audébiteurayantpréalablementsuccombéface au créancier dans le cadre ducontentieuxinitialyafférent.Plus spécifiquement, l’une desprincipales explications techniques dudésintérêt du législateur à organiser lecontentieux de l’exécution tenait aupérimètre des pouvoirs du juge dontl’office se limitait ou devrait se limiterau prononcé de sa décision dès lorsqu’elleestassortiede la formulequasi-sacramentelle, issue, en droit français(et reprise en l’état par les anciennescolonies françaises, aujourd’huimembresdel’OHADA),del’article1erdudécret n° 47-1047, du 12 juin 1947,«relatif à la formule exécutoire7». Car,aux termes de cet article: «Lesexpéditions des arrêts, jugements,mandatsdejustice,ainsiquelesgrossesetexpéditionsdescontratsetdetouslesactes susceptibles d'exécution forcée,seront intitulées ainsi qu'il suit :“République française“. “Au nom dupeuple français“, et terminées par laformule suivante :“En conséquence, laRépubliquefrançaisemandeetordonneàtoushuissiersdejustice,surcerequis,demettreleditarrêt(ouleditjugement,etc.) à exécution, aux procureursgénéraux et aux procureurs de laRépublique près les tribunaux degrandeinstanced'ytenirlamain,àtouscommandants et officiers de la forcepubliquedeprêtermain-forte lorsqu'ilsenseront légalementrequis“.“En foidequoi, le présent arrêt“ (ou jugement,etc.)aétésignépar(...).

7Décretprissur le fondementde l'article47dela Constitution du 27 octobre 1946: «Leprésident du Conseil des ministres assurel'exécutiondeslois».

Les dispositions qui précèdent posenten règle qu’une fois prononcée, unedécisiondejusticesesuffitàelle-même.Et l’interventiondu juge l’ayant rendueest d’autant plus inopportune ou – cequi revient au même - d’autant moinsnécessaire qu’outre les principauxconcernés que sont les parties elles-mêmes et leurs avocats respectifs (nonexpressément visés dans l’article), lesacteurs de l’exécution y sontlimitativement énumérés8. Le juge n’yfigure pas, puisque, par hypothèse, il adéjàremplisonoffice.Cependant, même avec l’assistance decesdifférentsacteurs,laréalisationd’untitreexécutoirealimenteinévitablementdes tensions,déjàperceptiblesdans lesrapports précontentieux entre lecréancieretledébiteurdontlesintérêtsrespectifs sont fondamentalementdivergents. Aussi, étant en position deforce, à la faveur du titre exécutoiredont il dispose, le créancier est-ilsouventenclinàenabuser,peuimportequ’il paupérise, volontairement ouinvolontairement, le débiteur, aggraveou non sa situation patrimoniale déjàpréoccupante. Pire, loin de rassurer ledébiteur, l’intervention d’un acteur del’exécution, qui plus est officierministériel, tel que l’huissier de justice,est redoutée et redoutable. Car ledébiteur estime, à tort ou à raison, quecette intervention est souvent partialeet brutale! Le doyen Carbonnier n’enpensait pas moins, lorsqu’il rapportait,dans «Flexible droit – Pour une

8 Rappelons-les : les huissiers de justice, lesprocureurs généraux, les procureurs de laRépublique près les tribunaux de grandeinstance, les commandants et les officiers de laforce publique. Le juge n’y figure pas, puisque,parhypothèse,iladéjàremplisonoffice.

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sociologie du droit sans rigueur 9 »,qu’«une sociologue a pu dépeindrel’huissier comme porteur du doublesigne de l’intrusion et de la mort:intrusion,certes,carilpénètre,deforceaubesoin,dansleslogis;etmort,carlasaisie, l’expulsion, préfigurent le vide,l’arrachementducadredevie,de lavieelle-même. Cependant, cet huissier estdit de justice, et il ne refusera pas dedonnerunconseilgracieuxausaisi».Face à la contrariété des enjeux enprésence, entre le créancier et ledébiteur, et aux appréhensions dechacund’eux,lelégislateurs’estrésolu–timidement mais inexorablement – àl’institution d’une juridiction del’exécution. C’est du contentieux del’exécution; lequel a été adopté par laplupart desÉtats africainsmembresdel’OHADA,ainsiqueparledroitOHADA10lui-même. Toutefois, l’expression«contentieux de l’exécution 11 » n’estdéfinie ni par la loi, ni par lajurisprudence. L’on peut, néanmoins,préconiser qu’il s’agit, notamment enmatière civile, d’un ensemble deprocédures qui se rapportent à desdifficultés ou des contestations,relatives à l’exécution de décisions dejustice ou actes processuels; mais passeulement.Parler de l’office du juge de cecontentieux,c’estenvisagerd’aborder–mais d’aborder seulement – laconception des pouvoirs du juge enmatière d’exécution. Selon le droit desvoies d’exécution ou procédures civilesd’exécution, le «juge est un arbitre, ungardien, un témoin, (certes) actif»;mais, il n’est pas un «acteur de9Librairie générale de jurisprudence (L.G.D.J.),10eéd.,2001,p.328.10Infra.11 René LAUBA, Le contentieux de l’exécution,Paris,LexisNexisENM,12eéd.,2014.

l’exécution»; même en droit del’OHADA qui ajoute «l’agentd’exécution12»aunombredeceuxcitésprécédemment.À propos de l’OHADA, le juge ducontentieux y a d’autant plus sa placequ’il s’agit d’un droit ayant «pourobjetl’harmonisation 13 » – à défautd’uniformisation,nonobstant l’emploi,àl’article5du traitéOHADA,de l’adjectif«uniformes 14 » qualifiant «les règlescommunes»auxÉtatsparties15danslesmatières 16 couvertes par cette

12AUPSRVE,articles41à45,48,64,65,70,71,74, 77, 79, 80, 96, 98, 100, 101, 102, 104, 106,107,109,110,112,114,117,118,122,123,143,156,157,160,163,214,220,224,231,232,234,254,256,259,267,278et318.13Article 1 du traité, du 17/10/1993, révisé, le17/10/2008, «relatif à l’organisation del’harmonisation du droit des affaires enAfrique.»: «Le présent traité a pour objetl'harmonisation du droit des affaires dans lesÉtatsParties,par l'élaborationet l'adoptiondesrègles communes, simples, modernes etadaptées à la situation de leurs économies, parla mise en œuvre de procédures judiciairesappropriées,etpar l'encouragementaurecoursà l'arbitrage pour le règlement des différendscontractuels» (soulignement ajouté, pourinsistance).14Auxtermesdel’article5:«Lesactesprispourl'adoption des règles communes prévues àl'articlepremierduprésenttraitésontqualifiés«actes uniformes» (soulignement ajouté, pourinsistance).15CesÉtatssontaunombrededix-sept(17)àcejour: Bénin, Burkina Faso, Cameroun,Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire,Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinéeéquatoriale, Mali, Niger, RépubliquedémocratiqueduCongo,Sénégal,Tchad,Togo.16Article2dutraitéprécité:«Pourl'applicationdu présent traité, entrent dans le domaine dudroitdesaffaires,l'ensembledesrèglesrelativesau droit des sociétés et au statut juridique descommerçants, au recouvrement des créances,aux sûretéset auxvoiesd'exécution, au régimedu redressement des entreprises et de laliquidation judiciaire,audroitde l'arbitrage,audroitdutravail,audroitcomptable,audroitde

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harmonisation – des législations pourpouvoir optimiser la sécurité juridiqueet judiciairedans la zone géographiqueconsidérée. Parmi les Actes uniformes(AU), il y a celui «portant organisationdes procédures simplifiées derecouvrementetdesvoiesd’exécution»(AUPSRVE).Sur l’ensemble du dispositif défini parcet AU, l’on compte précisément lecontentieux des voies d’exécution;lequel s’inscrit à la fois dans lathématiqueplusglobaleducontentieuxde l’exécution des décisionsjuridictionnelles et dans celle retenuepar les organisateurs du présentcolloque, consacré au «Droit desprocédures judiciaires – Perspectivescomparativesettransnationales».L’intérêt du choixde traiterdu jugeducontentieux de l’exécution en droitOHADAestsiréelquecelui-ciparticipe,àn’enpointdouter,deladynamiquedeplus en plus pressante à l’échelleinternationale - et même mondiale -,notamment avec la réflexion (à hautevoix) sur le fameux «Code mondial del’exécution17».À l’échelle de l’OHADA,nouslimiteronsnotreproposaujugeducontentieux des voies d’exécution,conformément aux dispositions del’article 49 de l’AUPSRVE. De plus, unautre intérêt du sujet traité tient à laproblématique de l’articulation dulaventeetdestransportsettouteautrematièreque le Conseil des Ministres déciderait, àl'unanimité, d'y inclure, conformément à l'objetduprésent traitéetauxdispositionsde l'article8».17 Guillaume PAYAN, Le Code mondial del’exécution: un nouvel outil au service d’uneexécutionéquitableetefficace,LeLamyDroitdel’exécutionforcée,lettred’actualités,no94,p.1;Natalie FRICERO, «Premier forum mondial surl’exécution: l’efficacité des procédures civilesd’exécution en Europe», Union internationaledeshuissiersdejustice.(UIHJ)

mêmearticle49avecledroitinternedecertainsÉtatspartiesàl’OHADA.Pour l’essentiel, les termes de laproblématiqueconduisentàs’interrogersurl’identificationdujugedel’exécutionconcernételqueconsacréparcetarticleetcequ’ilestendroitinterne.Enoutre,ilconvientdecerner lesattributionsdecejugeérigéenvéritablejuridiction.1.Del’identificationdujugeducontentieuxdel’exécutionendroitOHADALeterme«identification»estpréférableà celui d’identité. Car il s’agit d’unprocessus (voire d’hypothèse)d’harmonisation entre le droit OHADAetlesdroitsnationaux,enayantprésentàl’espritleprimatdudroitOHADAposéà la fois par l’article 10 18 du traitéconstitutif de cette organisation et lesarticles33619et33720de l’AUPSRVE.Leprocessus d’identification conduit àrappeler les termes mêmes de l’article49 susmentionné: «La juridictioncompétente pour statuer sur tout litigeoutoutedemanderelativeàunemesured'exécution forcée ou à une saisieconservatoire est le président de lajuridiction statuant en matièred'urgence ou le magistrat délégué parlui. Sa décision est susceptible d'appeldansundélaidequinzejoursàcompterde son prononcé. Le délai d'appel (et)l'exercicedecettevoiederecoursn'ont18 «Les actes uniformes sont directementapplicablesetobligatoiresdanslesÉtatsPartiesnonobstant toutes dispositions contraires dedroitinterne,antérieureoupostérieure».19«Le présent Acte uniforme abroge toutes lesdispositions relatives aux matières qu'ilconcernedanslesÉtatsparties».20«Le présent Acte uniforme sera applicableaux mesures conservatoires, mesuresd'exécution forcée et procédures derecouvrement engagées après son entrée envigueur».

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pasuncaractèresuspensif,saufdécisioncontraire spécialement motivée duprésidentdelajuridictioncompétente».À ce stade de notre réflexion, lesdispositions du premier alinéa del’article 49 conduisent à s’interrogersuccessivement sur la notion dejuridiction, en ce qu’elle désigne, ici, lejuge de l’exécution, et sur la notion dejuridiction présidentielle ou juridictiondu président. Précisons qu’en droitprocessuel 21 , la compétence de cettejuridiction se rapporte généralement àdesprocéduresparticulières.1.1Lejugeducontentieuxdel’exécutionentantquejuridictionLa juridiction présidentielle queconstitue le juge visé à l’article 49implique de savoir, très succinctement,si ce juge est une juridiction de droitcommun ou d’exception et si lacomposition de cette juridiction estcollégialeet/ouàjugeunique.1.1.1BrefrappeldeladéfinitiondelanotiondejuridictionLa notion de juridiction peut avoir unsensorganiqueoufonctionnel.Dupointde vue organique, la juridiction estl’institution chargée de rendre desdécisions de justice. Du point de vuefonctionnel,elleditledroit,àtraverslesdécisions 22 qu’elle rend; celles-ci21XavierVUITTONetJacquesVUITTON,Lesréférés:procédure civile, contentieux administratif,procédurepénale,Paris,LexisNexis,2012.22Selon Pierre HEBRAUD, «La finalité profondede lamission du juge n’est pas d’être le porte-paroledelaloi,l’instrumentd’unepurelégalité,maisd’apaiser les conflits.Une telle conceptiondelafonctionjuridictionnelleapournécessairecorollaire la reconnaissance d’une latitudeimportante pour l’interprétation de la loi, lafinalité du jugement étant dans l’effetd’apaisementquienestattendu»,cf.LoïcCADIET(dir.), Dictionnaire de la justice, v° Juridiction;

produisant des effets dans un cadrejuridique donné. C’est-à-dire tant dansune procédure contentieuse que dansuneprocéduregracieuse.Selon la lettre et l’esprit de l’article 49,lanotiondejuridictionestpossiblementindépendantedelaqualificationretenueen droit interne des États parties àl’OHADAsurunejuridictionconsidérée.Les institutions juridictionnellesinternes peuvent n’avoir ni la mêmecomposition, ni le mêmefonctionnement procédural que ceuxque vise cet article. Si celui-ci pose enprincipe qu’une juridiction estcomposée d’un juge unique, des texteslégislatifs ou réglementaires nationauxpeuvent donner compétence en lamatière à des juridictions dont lacomposition est collégiale. Or, uneformation juridictionnelle collégiale estgénéralement source de lenteur; neserait-ce que par le recueil de l’avis dechaque jugeayantparticipéaudélibérésurunprojetderédactiondeladécisionà notifier aux parties. Le risque delenteurnepeutquecontrarier l’objectifrecherché par le droit OHADA qui aconfiélacompétenceducontentieuxdesvoiesd’exécution àun seul jugedevantrendresadécisiondansl’urgence.De même, le renvoi à la législationnationale quant à la juridictioncompétenteenmatièred’urgenceestoupeutêtre,luiaussi,sourced’incertitude,notamment lorsque cette législationEthel GROFFIER, «Rapport canadien», dansL'Interprétation par le juge des règles écrites,JournéeslouisianaisesdelaNouvelle-OrléansetBâton Rouge (travaux de l'Association HenriCapitant des amis de la culture juridiquefrançaise), Economica, 1980, p. 311 et suiv.;Claude EMANUELLI et Stanislas SLOSAR,«L’application et l’interprétation des traitésinternationauxparlejugecanadien»,id.,p.328et suiv.; Irma MOREAU-MARGREVE, «Rapportbelge»,p.24etsuiv.

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donne compétence indifféremment àdes juridictions étatiques ou à desjuridictions arbitrales23; ces dernièresétant dorénavant régies par l’AU yafférent, en date du 11 mars 1999. Ilfaut néanmoins préciser que l’article 8de ce dernier AU prévoit la possibilitéd’unejuridictionarbitralecollégialeouàarbitreunique.Une autre incertitude qu’implique lanotion de juridiction désignée par lalégislation nationale concernel’imprécision quant au degré dejuridiction. En conséquence, le juge del’urgence est-il le président d’unejuridiction de première instance, tellequ’un tribunal ou une juridiction dusecond degré, à savoir la cour d’appel;les deux degrés de juridictionconstituant ce que l’on appelle lesjuridictions du fond dans le systèmejudiciaire de tradition française oufrancophoneenvigueurdans laplupartdes États membres de l’OHADA? Oualors faut-ilconsidérerque leprésidentde la juridiction visée est celui dechaque degré de juridiction au gré desvoies de recours jusque devant leprésident de la juridiction judiciairesuprême nationale telle que la coursuprême saisie en matière de voiesd’exécution? Une réponse positives’impose.Comme le relève leprofesseurRivier, àpropos du système judiciaire français,outre l’imprécision qu’engendrel’acception précédente de la notion dejuridiction du fond, le caractèrepolysémiquedecedernierconceptpeutêtresourcedeconfusion.Ainsi,letermede«fond»accoléà celuide juridiction,dontleprésidentestcompétentpourlecontentieux des voies d’exécution,

23Y compris en application d’une conventiond’arbitragestipuléeentrepartiescontractantes.

«peut aussi renvoyer à la distinctionentre les juridictions statuant sur lefond de l’affaire, sur les droitssubstantielsencause,et les juridictionsdites du provisoire, telles que lajuridiction des référés ou celle rendantdesordonnancessurrequêtes,décisionsprovisoiresprenantdesmesures et quin’ont pas d’autorité de chose jugée auprincipal; c’est-à-dire sur le fond dudroit.Sil’ons’intéresseàlacompétence,on peut distinguer les juridictions dedroit commun et les juridictionsd’exception, le clivage n’ayant pas lemême sens dans toutes lesprocédures24».Transposé en droit OHADA, le rappelainsi fait par l’auteur induit plusieursobservationsauregardduprésidentdela juridiction et faisant lui-même officede juridiction compétente; notammenten matière de voies d’exécution. Lamentionetlaprécision,endroitOHADA,de lanotiond’«urgence» laisseraientàpenser, a priori, que le juge ducontentieux des voies d’exécution nesaurait ni statuer sur le «fond» del’affaire dont il est saisi, ni sur «lesdroits substantiels»; mais uniquementàtitre«provisoire»;cequiemporteraitde dénier aux décisions de cettejuridiction toute autorité de la chosejugée. Le juge du contentieux del’exécutionseraitoupourraitêtreclasséparmilesjuridictionsd’exceptionetnonpas parmi celles de droit commun.Néanmoins, hormis que le juge desréférés peut aussi juger du fond d’uneaffaire,alorsmêmequ’ilstatueluiaussien urgence, le droit OHADA confère aujuge du contentieux de l’exécutioncompétence «pour tout litige ou toutedemande». Or, dans le systèmejudiciairedelaplupartdesÉtatsparties24L.CADIET,préc.,note22.

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à l’OHADA, lanotionde litige sedéfinitpar son objet, qui est identifié auxprétentions respectives des parties etfixées par l’acte introductif d’instanceainsi que par les conclusions adverses.Les prétentions se définissent, quant àelles, comme des affirmations en«justice tendant à réclamer quelquechose,soitdelapartdudemandeur(pardemande principale ou additionnelle),soit de la part du défendeur (par dedemande reconventionnelle) et dontl’ensemble (prétentions respectivesdesparties)déterminel’objetdulitige25».Lesexpressions«tout litige»et«toutedemande» employées par lesrédacteurs de l’article 49 visent doncindistinctement tout contentieux tantsur la forme que sur le fondrelativement aux voies d’exécution. Lejuge du contentieux de l’exécution estdonc juge du fond et juge de laprocédure en même temps quejuridictionde l’urgencedontonpeutsedemander si elle est d’exception ou dedroitcommun.1.1.2Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridictiond’exceptionoudedroitcommun?Selon la doctrine, «Au civil, unejuridictiondedroitcommunestcellequia plénitude de juridiction, c’est-à-direqui a vocation à connaître outre sonpropre champ de compétence, desaffairesqu’aucuntexteneréserveàunejuridiction particulière. A l’inverse, unejuridictiond’exceptionn’estcompétentequepour lesaffairespour lesquellesuntexteluiadonnécompétence26».Il s’agit, en l’occurrence, d’une part, desavoir si la juridictionprésidentielle del’article 49 est simplement

25«Vocabulairejuridique»,v°Prétention.26L.CADIET,préc.,note22.

complémentaire de la juridiction dedroit commun. En pareil cas, lacompétence juridictionnelle du juge del’exécution se limiterait au contentieuxse rapportant à des matièreslimitativement énumérées par un textede loi ou un texte réglementairespécifique. Il s’agit, d’autre part, et aucontraire, de savoir si c’est unejuridiction compétente pour connaîtredetousleslitigespouvantdonnerlieuàunensembledecontentieuxjudiciaires.Certes, il serait tentant de considérerque la juridiction présidentielleinstituée par l’article 49 est unejuridiction spécialisée dont lescompétences d’attribution selimiteraient au seul contentieux desvoies d’exécution. «Cependant, (la)référenceàdes juridictionsspécialiséesn’est pas (…) sans ambiguïté : il existe,en effet, à l’intérieur même d’unejuridiction, une spécialisation internepour l’attribution d’une matièreparticulièreàunjugedéléguéàceteffetpar la loi. C’est le cas, par exemple, dujuge du tribunal de grande instance «déléguéauxaffairesfamiliales27».Or,enapparence, l’onpourraitposer lepostulat suivant : demême que le jugeaux affaires familiales ne peut pas êtreconsidéré comme une juridictionspécialisée, de même la juridictionprésidentielle de l’article 49 ne sauraitêtre qualifiée de spécialisée. Elle l’estd’autant moins que cet article disposeexpressément que le président-juridictionapouvoir«pourstatuersurtout litige ou toute demande relative àunemesured’exécutionforcéeouàunesaisieconservatoire(…)28».

27 Francis KERNALEGUEN, «Juridictionsd’exception»,dansL.CADIET,préc.,note22.28Id.

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Mais, en définitive, c’est la précisionainsiapportée,cantonnantlajuridictionprésidentielle à des voies d’exécution,qui en fait une juridiction d’exception,compétente pour connaître ducontentieux spécifique des voiesd’exécution. Quant aux dispositions del’article49quiratissent large,à traversles expressions telles que «(…) toutlitigeou toutemesure (…)», loind’êtrecaractéristiques ou qualificatives d’unejuridiction de droit commun, ellestraduisent plutôt la volonté desrédacteursdel’AUPSRVEdeconfieràla« juridiction du président » un bloc decompétencesdansledomainedesvoiesd’exécution. Cettemême volonté vise àinciter lesÉtats parties à faire en sorteque leurs législations internesrespectives puissent aider auregroupement des compétences et nonpas à les disperser entre plusieursjuridictions. Il s’agit aussi d’unejuridictionspécialiséedanslamesureoùla fonction de juge de l’exécution estconfiée au président aussi bien desjuridictions de droit commun (tribunald’instance, tribunal de grande instance,courd’appel,coursuprême…)qu’àceluides juridictions spécialisées que sont,notamment:letribunaldecommerce,leconseildeprud’hommesou tribunaldutravail… peu importe qu’elles soientcollégialesouàjugeunique.1.1.3Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridictioncollégialeouàjugeunique?Préalablement à l’exposé de quelquesraisonsduchoixdeconfierletraitementdu contentieux de l’exécution à lajuridiction du président, présentons, àgrands traits, les caractéristiques dechacun des termes de l’alternative quesont la juridiction collégiale et lajuridiction à juge unique. Le rappel

préconisé est d’importance, parce qu’ils’agitdemontrerque ledévoiementdel’une de ces juridictions contribue àl’essordel’autre;entantquejuridictionprésidentielle.La collégialité constitue, en principe, ledroit commun de la composition d’unejuridiction. Cela implique de réunir unensemble de juges pour statuer sur unlitige dont celle-ci est saisie; plutôtqu’une juridictionà jugeunique, investidupouvoirdestatuerseul.Certes, une entité juridictionnellecollégiale peut paraître comme unrempartcontre plusieurs écueils, àsavoir:-l’abusoulatentationouencorela tentative d’abus du juge; ce dernierpouvantêtreplusportéàobserver«sesdevoirs de neutralité etd’indépendance 29 »; - le manqued’expérience ou une insuffisanced’expérienceprofessionnelled’un jeunemagistrat, qui peut bénéficier de lapratique professionnelle éprouvée deses collègues plus expérimentés; - despressions ou des velléités vindicativesen ce que la collégialité est une entitéimpersonnelle portée par la juridictionqu’elle représente,même sous le sceaudu secret du délibéré; - le sentimentd’un manque ou d’une insuffisance delégitimitépouvantaffecterunedécisionquepourraitrendrele jugeunique;- lereproche parfois fait au juge uniquedont les audiences sont assez peu –voirepasdutout–nimbéesdesolenniténécessaire à la sacralisation de ladécision de justice, notamment enmatière de voies d’exécution; -l’anathème selon lequel le juge uniqueseraitinique…

29Thierry LE BARS, «Juge unique/Collégialité»,dansL.CADIET,préc.,note22.

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Mais, certains des écueilssusmentionnés sont à relativiser30. Desurcroît, la collégialité peut apparaîtrepurement symbolique; des îlots dejuges uniques peuvent se constituer àl’intérieur même de la collégialité àcause de la pratique de la répartitiondes dossiers «entre les magistrats austade du délibéré, après une brèvediscussion sur chacun d’eux. Chaquejuge réfléchit aux affaires qui lui sontconfiées et élabore un projet dedécision31».Selon le législateur lui-même, lacollégialité se révèle purementsymboliqueégalementbienenamontdudélibéré. C’est le cas, endroit comparé,avec l’article786ducodedeprocédurecivile français: «Le juge de la mise enétat ou le magistrat chargé du rapportpeut,si lesavocatsnes'yopposentpas,tenir seul l'audience pour entendre lesplaidoiries 32 . Il en rend compte autribunaldanssondélibéré33».Auregardàlafoisdel’engorgementdestribunauxet cours et du déficit en effectifs demagistrats, cet article perd de plus enplus son caractère dérogatoire pourdevenirpresqueleprincipe.Lesplaideurslesavent, leconstatent, lefont constater, et parfois le contestent,ainsi que les y autorisent d’ailleurs lemêmearticle34786etl’article6§135de

30 Eu égard aux travers inhérents àl’organisation interne à une formationjuridictionnelle et ses habitudes assez portéesvers des luttes d’influence entre magistratsexpérimentés plus enclins à imposer leurspointsdevueàdesjeunesmagistratsrappelésàl’humilité pour pouvoir apprendre auprès deceux-ci.31T.LEBARS,préc.,note29.32Soulignementajouté,pourinsistance.33Soulignementajouté,pourinsistance.34D’où la précision «(…) si les avocats ne s'yopposentpas(…)».

la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertésfondamentales: nombreuses sont lesaudiencescollégialesquinesonttenuesque par un seul juge. Des jugements etarrêts rendus en pareille circonstancesont assortis de la précision suivante:«À l’audience du [ ] tenue en audiencepubliquedevant[],jugerapporteur(ouconseiller de lamise en état), qui, sansopposition des avocats, a tenu seulel’audience36,et, après avoir entendu lesconseilsdesparties,enarenducompteau Tribunal (cour d’appel),conformément aux dispositions del’article 786 du Code de ProcédureCivile».Au surplus, la collégialité se dévoie ets’assimile de plus en plus à unejuridiction à juge unique à cause de lapratique des prétoires appelée «dépôtde dossiers de plaidoirie» à l'audienceou au greffe par les avocats qui neplaident pas. Cette pratique pourraittrouver son fondement légal dansl’interprétationde l’article779du codede procédure civile français et adopté

35«Toutepersonneadroitàcequesacausesoitentendue équitablement, publiquement et dansun délai raisonnable, par un tribunalindépendant et impartial, établi par la loi, quidécidera,soitdescontestationssursesdroitsetobligationsdecaractèrecivil,soitdubien-fondéde toute accusation en matière pénale dirigéecontre elle. Le jugement doit être rendupubliquement,maisl'accèsdelasalled'audiencepeut être interdit à la presse et au publicpendantlatotalitéouunepartieduprocèsdansl'intérêtdelamoralité,del'ordrepublicoudelasécurité nationale dans une sociétédémocratique, lorsque les intérêts desmineursou la protection de la vie privée des parties auprocès l'exigent, ou dans la mesure jugéestrictement nécessaire par le tribunal, lorsquedans des circonstances spéciales la publicitéseraitdenatureàporteratteinteauxintérêtsdelajustice».36Soulignement,pourinsistance.

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parcertainsÉtatsmembresdel’OHADA.Auxtermesdecetarticle:«Saufdanslecas où il est fait application desdispositions du deuxième alinéa del'article 764, le juge de la mise en étatdéclare l'instructionclosedèsque l'étatde celle-ci lepermetet renvoie l'affairedevantletribunalpourêtreplaidéeàladate fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet.La date de la clôture doit être aussiprochequepossible de celle fixée pourles plaidoiries. S'il l'estime nécessairepour l'établissement de son rapport àl'audience, le juge de la mise en étatpeut demander aux avocats dedéposerau greffe leur dossier, comprenantnotamment les pièces produites, à ladatequ'ildétermine.Leprésidentou lejuge de la mise en état, s'il a reçudélégationàceteffet,peutégalement,àlademandedesavocats,etaprèsaccord,le cas échéant, du ministère public,autoriserledépôtdesdossiersaugreffede la chambre à une date qu'il fixe,quand il lui apparaît que l'affaire nerequiertpasdeplaidoiries.Lejugedelamise en état demeure saisi jusqu'àl'ouverturedesdébatsoujusqu'àladatefixée pour le dépôt des dossiers desavocats».Cetarticleprévoit,certes,infine,qu’àlademande des avocats, le président, lejuge de la mise en état (pour lestribunaux et les conseils deprud’hommes) ou le conseiller chargéde la mise en état (pour les coursd’appel), ayant préalablement reçudélégation à cet effet, peut autoriser ledépôt des dossiers de plaidoirie augreffe de la chambre à une date qu'ilsfixent. Généralement, ce dépôt dedossiers peut avoir lieu soit séancetenante, si les avocats en acceptent leprincipe, soit quinze jours au moinsavant la date d’audience. Mais, parfois,

etmêmedeplusenplussouvent,c’estlejuge rapporteur ou le président qui enprend l’initiative. Il enest ainsi lorsquele magistrat estime que l'affaire nerequiert pasdeplaidoiries! L’on est icitenté de recourir au droit comparé etd’envisager une interprétationcombinée de l’article 779 avec l’article440 dumême code, puisque ce dernierdispose, en effet, que « Le présidentdirige les débats. Il donne la parole aurapporteur dans le cas où un rapportdoit être fait. Le demandeur, puis ledéfendeur, sont ensuite invités àexposer leurs prétentions. Lorsque lajuridiction s'estime éclairée, le présidentfait cesser les plaidoiries ou lesobservations présentées par les partiespourleurdéfense37».Saufque,fortdupouvoirqu’iltientdelaloi de diriger « les débats », par deséchanges oraux ou de conclusions, leprésident peut parfois décider den’avoir jamais à faire «cesser desplaidoiries».End’autrestermes,lejugesaisi d’une affaire, avec représentationobligatoire,peutstatuersansplaidoirie.En pareil cas, il est difficile, pour lesplaideurs,devérifieroudes’assurerdurespect de la règle de collégialité. Unseul juge peut statuer et en rendrecompte à son collègue ou au présidentdechambre.Eu égard à tous ces cas de dévoiementde la collégialité, l’on ne peutqu’apprécier le pragmatisme desrédacteurs d’avoir institué, aux termesde l’article 49 de l’AUPSRVE, lajuridiction présidentielle, en tant quejuridiction à juge unique en charge ducontentieuxdel’exécution.1.2Lejugeducontentieuxdel’exécution,juridictionprésidentielle37Soulignementajouté,pourinsistance.

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Aprèsavoiresquisséunedéfinitiondelanotion de juridiction du président, ilseraappréciélaqualificationdejugedesréférésàl’aunedecertainesprocéduresqui lui sont connexes ou annexes endroitinternetellesqueprocédures«enla forme des référés » ou « comme enmatière (de) référés»etpratiquede la«passerelle».1.2.1Del’essaidedéfinitiondelajuridictionprésidentielleL’expression juridiction présidentielleoujuridictionduprésidentn’estdéfinieniendoctrine,nienjurisprudence.Nouspouvons considérer que, tout comptefait, cette expression désigne l’autoritédumagistrat à la tête d’une juridictionqu’il incarneetauquel la loi, latosensu,confère des pouvoirs juridictionnels etadministratifs spécifiques qu’il exerce,enprincipe,lui-mêmeoupardélégation,en tant que juge unique38des référés,des requêtes ou du fond dans uneprocédure contentieuse ou gracieuse;conformément à la compétencematérielle et territoriale légalementattribuéeà la juridictionqu’ildirige.Lajuridiction présidentielle peut doncconnaîtreducontentieuxdel’exécution.Endroitcomparé,ilestàsignalerquelaqualification de juridiction du JEX à lafrançaise est assez controversée. Dansson «Bulletin d’information» de 2002,laCourdecassationafaitétatd’unarrêtrendupar la courd’appeldeBordeaux,le 12 juin 200139, en ce qu’elle a pris38 Sauf, peut-être, pour l’instance de référésprud’homale,encoreappeléetribunaldutravaildans certains pays membres de l’OHADA; oùl’unicité d’une autorité juridictionnelle estdifficilement envisageable; à moins que lalégislation nationale puisse permettre d’ypourvoir.39Courd’appeldeBordeaux,1èrech.sectionA,12juin2001,arrêtno01-533,affaireSCEAdesvinsdeFrance français c. SCEAChâteaudesToursetautres.

position sur la nature juridiquedu JEX.Ilenressortque«Lejugedel’exécutionne constitue pas une «formation»autonome et indépendante de lajuridiction collégiale d’un tribunal degrande instance, dès lors que cettefonctionestdévolueparl’articleL.311-12 du Code de l’organisation judiciaireau président de ce tribunal qui enexerce seul les attributionsouqui peutladélégueràunouplusieursjugespourun certain temps et sur une certainefraction territoriale du ressort dutribunal, que tout juge de l’exécutionpeut toujours renvoyer une affairedevant la juridiction collégiale dont ildoit faire obligatoirement partie, etqu’enfin le président du tribunal,attributaire de droit de cette fonction,peut y être suppléé, en casd’empêchement,parunautremagistratde la juridiction dans les conditionsprévues par les articles R. 311-17 à R.311-19 du Code de l’organisationjudiciaire. Le président du tribunal degrande instanceexerçant la fonctiondejugedel’exécutionneconstituepasunejuridiction ou une formation justiciabled’unedemandederenvoi(…)».Tellen’est,cependant,paslapositiondela doctrine majoritaire40. Ainsi, tout enréaffirmantlaréalitédelajuridictionduprésident,ilestàreconnaîtreque«d’unpointdevueréaliste,cequifaitlesuccèsde la juridiction présidentielle, c’est sarapidité et, pourrait-on dire, sonéconomie qui tient notamment au jugeunique.C’estuntruismequededirequelejugeuniqueéconomiselesressourceshumaines de la justice. (…). Le jugeunique (ou la juridictionprésidentielle)ne délibère pas, sauf avec lui-même,

40«Contentieux de l’exécution», dans Le LamyDroit de l’exécution forcée, Étude 480; X.VUITTON,préc.,note3,p.1.

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mais cette réflexion, qui relève du forintérieur,neconstituepasundébat.Or,dans lecadred’uneprisededécision, ilpeut y avoir deux niveaux de débats:entre le décideur (ici la juridictionprésidentielle) et les intéressés (ici lesparties), puis entre les personneshabilitéesàdécider,doncàl’intérieurdelaformationcollégialesielleexiste.(…).On comprend par là l’importance et ladifficultéde la juridictionprésidentiellequi est celle d’un homme (ou d’unefemme) seul(e) à qui l’on demande,souvent en urgence, en tout cas à brefdélai, de prendre desmesures – plutôtque de rendre un jugement dontl’impact et l’importance pratiquepeuventêtreconsidérables41».L’on doit également signaler que,concernantspécifiquementlaqualitédeprésident-juridiction ou de juridictionprésidentielle, la formulation du texterégissant le JEX 42 n’est pas aussi

41 H. CROZE, dans préface de l’ouvrage de X.VUITTON,préc.,note3.42 Article L. 213-6 du Code de l’organisationjudiciaire français: «Le juge de l'exécutionconnaît, de manière exclusive, des difficultésrelatives aux titres exécutoires et descontestations qui s'élèvent à l'occasion del'exécution forcée,même si elles portent sur lefonddudroit àmoinsqu'ellesn'échappent à lacompétence des juridictions de l'ordrejudiciaire.Danslesmêmesconditions,ilautoriseles mesures conservatoires et connaît descontestationsrelativesàleurmiseenœuvre.Lejuge de l'exécution connaît, sous la mêmeréserve, de la procédure de saisie immobilière,des contestations qui s'élèvent à l'occasion decelle-cietdesdemandesnéesdecetteprocédureou s'y rapportant directement, même si ellesportent sur le fond du droit ainsi que de laprocédure de distribution qui en découle. Ilconnaît,souslamêmeréserve,desdemandesenréparation fondées sur l'exécution oul'inexécution dommageables des mesuresd'exécution forcée ou des mesuresconservatoires. Le juge de l'exécution exerceégalement les compétencesparticulièresqui lui

explicite que celle de l’article 49. Eneffet, en ayant clairement confié lecontentieux de l’exécution etprécisémentceluidesvoiesd’exécutionau président du tribunal, le droitOHADA vise, en réalité, un magistratexpérimenté, en ce qu’il incarne oureprésentel’autoritémoraleetl’autoritéhiérarchiquement supérieure de lajuridiction. C’est la juridictionprésidentielle.Sur celle-ci, les termes de l’article 49sont sans équivoque: «La juridictioncompétente (…) est le président (...) oulemagistratdéléguéparlui».L’onpeut,néanmoins, postuler que le «magistratdélégué» par le président puisse offrirles mêmes garanties d’ancienneté,d’expérience ou de compétenceprofessionnellequelui,surtoutdansuncontexte économique dominé par lanécessitéderéduirelavoilure;cequisetraduit par la réduction du nombre demagistrats expérimentés ou non à tousles niveaux. L’aspect budgétaire sous-jacent constitue, assez paradoxalement,l’undesatoutsmajeursdelajuridictionàjugeuniquequ’estcelleduprésident;contrairementàlajuridictioncollégiale.De plus, le président, en tant quejuridiction,sesentouestcensésesentirplusresponsableauregarddelanaturedeladécisionàrendreetdesesenjeux,ainsi que des voies d’exécutionpréconiséesaussibienpour ledébiteuretlecréancierquepourlestiers.Mais,l’institutiondelajuridictionàjugeuniqueparl’article49présentesurtout,pour le droit OHADA, des avantagesaussiimportantsquelegaindetemps,larapiditéetmêmelacélérité.Lejugedoitstatuer «dans l’urgence», afin de fairegagnerdutempsetdoncdel’argentaux

sontdévoluesparlecodedesprocédurescivilesd'exécution».

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plaideurs. Cette urgence s’explique –voire se justifie – par le caractère nonsérieusement contestable des voiesd’exécution engagées; selon que c’estuneexécutionforcée,auquelcasilexisteun titre exécutoire, ou une mesureconservatoire, auquel cas le juge estpersuadéducaractèrecertain,liquideetexigible de la créance dont lerecouvrementseraitmenacédemanièreimminente43.Les avantages qui viennent d’êtreévoqués pourraient, cependant, êtreremis en cause si, au nom de leursouveraineté en matière d’organisationjuridictionnelle, des États membres del’OHADA adoptaient ou venaient àadopter des textes législatifs ourèglementaires tendant à rendrecollégiale la juridictionprésidentielle. Ilen serait ainsi, pour ceux d’entre cesÉtatsquis’inspireraient–sicen’estdéjàlecas-delaloifrançaisen°2010-1609,du 22 décembre 201044, « relative àl’exécution des décisions de justice ».Car, aux termes de l’article 11 de cetteloi, les compétences du juge del’exécutionduTGIpeuventêtreconfiéesàunouplusieursjugesdel’exécutiondutribunal d’instance. La collégialitédevant en découler pourrait, noussemble-t-il, alourdir (inutilement) ledispositif de l’article 49 sauf, peut-être,si celui-ci est mis en branle dans lecadred’unréféré!1.2.2Lajuridictionprésidentielle,jugedesréféréscivilsL’idée d’urgence induit souvent – maispas toujours – celle de son pendantprocédural qu’est le référé civil, alors43 Jacques NORMAND, «Dommage imminent ettroublemanifestement illicite», dans La justicecivile au XXIème siècle, Mélanges Pierre JULIEN,Aix-En-Provence,Edilaix,2003,p.295etsuiv.44JORF,du23décembre2010.

même que les deux ne sont pasinéluctablement liées. Pour s’enconvaincre, il convient d’évoquerbrièvement les concepts de référé etd’urgenceenmatièrecivile.1.2.2.1BrefrappelduréférécivilLe référé civil est une procédurecontentieuse par laquelle une partiedemande, en l’absence de contestationsérieusedesoncontradicteur,àobtenird’unejuridictionàjugeunique–saufenmatièreprud’homale -, généralement leprésidentousondélégué,derendreunedécision rapideordonnantdesmesuresjugées nécessaires à la protection desintérêts du demandeur. Ces mesurespeuvent également être ordonnées,nonobstant une contestation sérieuse,envuedeprévenirunrisque imminentoude faire cesserun troublemanifestecontraire aux lois et règlements envigueur.Ilestdèslorsasseztentantdevoirdansla juridiction des référés, à travers sesprincipaux traits caractéristiques ainsirappelés, une des variantes organiquespossibles. En effet, hormis les deuxconditions généralement exigées etrappelées précédemment, la conditionde l’urgence – au demeurantexpressément visée par l’article 49 -,celui-cicomplèteletableauoùl’onpeutaffichercôte-à-côtelemécanismedécritet le juge des référés. En réalité,l’urgenceconstituelependantmêmedecesdeuxconditions.Le jugedesréférésest juge de l’évidence, à la fois del’imminence d’un dommage ou d’untrouble manifestement illicite et del’absence d’une contestation sérieuse.C’estcettedoubleévidencequiconstituelebalisagedelaprocédureenurgence.Cette notion d’urgence et son arrière-plan procédural qu’est le référé sontprésentsdanslaplupart–voiredansla

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quasi-totalitédeslégislations–desÉtatsparties à l’OHADA. Il en est ainsi,notamment, du Sénégal45, duMali46, delaCôted’Ivoire47,duCameroun48…L’irréductibilité et la distinction entreles deux mécanismes trouvent parailleurs leur fondement dans ladifférence du régime juridique desdélais de recours, notamment entre letexte de l’article 49 et les législationsnationales. Par exemple: l’article 221,alinéa 4, du code de procédure civile,commerciale et administrative de Coded’Ivoire abrège à 8 jours les délais derecours en appel des ordonnances dujuge des référés, contre le délai derecoursdequinzejoursédictéàl’article49,alinéa2,del’AUPSRVE.Pire,l’article496 du code de procédure civile,commercialeetsocialeduMalidispose:«L’ordonnance de référé peut êtrefrappée d’appel. Le délai d’appel est de24 heures, sauf dispositionscontraires».Cequilaisseàpenserqu’endroit interne, il existerait plusieursrégimesjuridiquesdesdélaisderecoursen matière de référé; en plus de lacontrariétédusecondalinéade l’article496aveclesdispositionsdel’article49!Bien qu’il ait en commun avec lajuridiction instituée par l’article 49 lanotion d’urgence, celle-ci ne saurait niêtre réductible au juge des référés, nirelever de sa compétence exclusive.Plusieursmotifspermettentdepostulercette irréductibilité et même uneabsence d’identité entre les deuxjuridictions. L’article 49 ne vise pasexpressémentleconceptderéféré.Ilne45Lesarticles247à252-2duCodedeprocédurecivile.46Article490duCodedeprocédurecivile.47Articles221à230duCodedeprocédurecivile,commercialeetadministrative.48Articles182à185duCodedeprocédurecivileetcommerciale.

mentionne pas non plus le caractèreprovisoire des décisions ou mesuressollicitées dans le cadre des actionsjudiciaires pour «tout litige ou toutedemande»; les mesures à ordonnerpouvantêtreprovisoiresounon,tantenmatière d’exécution forcée qu’enmatière de procédures conservatoiresengagéesencasd’urgencejudiciaire.1.2.2.2L’urgencejudiciaireL’urgence demeure le «critèretraditionnel de l’intervention du jugedes référés et sa raison d’êtreinitiale49».Ils’agitd’unesituationquirequiertuneintervention judiciaire tellementprompte qu’une «partie est exposée àunpréjudiceimminent,quipourraitêtreirréparable50».Concrètement, l’urgence suppose qu’unretarddanslaprescriptiondelamesurejudiciaire sollicitée serait préjudiciableauxintérêtsducréancier.Si la notion d’urgence reste incertaine,elle n’en requiert pas moins uncaractèreobjectifoufactuelenraisondelanaturedulitigené.C’est lesensquedonne ledroitOHADAà lamêmenotion,à travers l’article49,eninvestissantlejugeducontentieuxdel’exécution de tout pouvoir, pourconnaîtrede«toutlitige»oude«toutedemande», en matière de voiesd’exécutiondanslazonecouverteparcedroit.L’interventionou la compétencedu JEXde l’OHADA n’est, cependant, passubordonnéeàuneprocédurederéféré,

49JacquesVUITTONetXaxierVUITTON,Lesréférés– Procédure civile – contentieux administratif –Procédurepénale, 2e éd., Paris,LexisNexis, Litec,2006,p.12.50Philippe BONFILS, cité par J. VUITTON et X.VUITTON,id.

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en la forme de référés ou comme enmatièrederéférés.1.2.3Lajuridictionprésidentielle,jugedesprocéduresautresqueleréférécivilLes mécanismes visés en l’occurrencesont généralement considérés commedesprocéduresalternativesaux référéscivils. Ce sont les procédures « en laforme des référés » ou « comme enmatièrederéférés»etlapratiquedela«passerelle».1.2.3.1Lesprocédures«enlaformedesréférés»ou«commeenmatièrederéférés»Cesontdesprocéduresqui,sansêtredevrais référés, n’en ont pas moins descaractéristiques. Ainsi, selon l’article485, alinéa 1er, du code de procédurecivile français, par exemple: «Lademande est portée par voied'assignationàuneaudiencetenueàceteffet au jour et heure habituels desréférés».Le second alinéa du même articlesembled’ailleursétablirlaproximitédeces procédures avec les référés: « Si,néanmoins, le cas requiert célérité, lejuge des référés peut permettred'assigner, à heure indiquée, même lesjoursfériésouchômés».Sontpréciséeslesconditionsexigéesenmatière de référé, à savoir: «jour etheure habituels des référés», la«célérité» «même les jours fériés ouchômés».Deplus,«(…) lorsqu’ilestprévuque lejugestatuecommeenmatièrederéféréou en la forme des référés (…) le jugeexerce les pouvoirs dont dispose lajuridiction au fond et statue par uneordonnanceayant l’autoritéde lachosejugée relativement aux contestationsqu’elletranche».

Parce qu’il autorise le juge saisi àexercer les pouvoirs conférés à lajuridiction au fond, le législateurfrançais, à travers les procédures ainsiassimilées aux référés – sans en êtretotalement – reconnaît doncimplicitement à ce juge le droit de nepas se limiter à des ordonnances de(simples) mesures provisoires. C’estpeut-être le sens à donner 51 à lapremière partie de l’alinéa 1er del’article49del’AUPRSVElorsqu’ildonnepouvoir à «la juridiction compétentepour statuer sur tout litige ou toutedemande» en matière de voiesd’exécution. L’emploi des adjectifs«tout» et «toute» semble emporternon seulement possibilité pour lesparties de saisir la juridictioncompétenteauprincipalounondetouttypedelitigesenrapportaveclesvoiesd’exécution, mais aussi pouvoir pourcettejuridictiond’yrépondre,ycomprisen ordonnant des mesuresconservatoires sur le fond, provisoiresou non; sans préjudice des voies derecoursyafférentes.Mais, cela risque de se heurter auxlégislations nationales des Étatsmembresdel’OHADAsurl’organisationjudiciaire ou juridictionnelle. Car, dansla plupart de ces États, les textesapplicables sont ceux de la périodecoloniale et que consacre, tout en lespérennisant, la summa divisio juge dufondpourleprincipaletjugedesréféréspour des mesures provisoires. Sauf àespérer que le droit OHADA daigneclarifierlalettreetl’espritdel’article49quant à la nature des mesures que lajuridiction compétente peut ordonnerenstatuantsur«tout litige»ou«toutedemande» et que les législateursnationaux acceptent sinon de faire51Entermesd’interprétationspossibles.

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entorse au sacro-saint principe de lasouveraineté des États en matière delégislation sur l’organisation judiciaireou juridictionnelle, du moinsd’envisager une harmonisation - àdéfaut d’uniformisation – de ceslégislationsavecl’AU.Sinon,ledispositifconsacré par l’article 49 pourrait êtreextensible à souhait, y compris à desprocédurestellesquelapratiqueditedela«passerelle».1.2.3.2LapratiquedelapasserelleIl s’agit d’une pratique 52 procéduraletirée de l’article 811 du code deprocédure civile français : «A lademande de l'une des parties et sil'urgencelejustifie,leprésidentsaisienréféré peut renvoyer l'affaire à uneaudience dont il fixe la date pour qu'ilsoit statué au fond. Il veille à ce que ledéfendeur dispose d'un temps suffisantpourpréparersadéfense.L'ordonnanceemporte saisine du tribunal. Il estensuite procédé comme il est dit àl'article 790 53 et aux trois derniersalinéasdel'article79254».La passerelle dont il s’agit correspondaulienentrelaprocédurederéféréetlaprocédure au fond, entre la « justice52 Jean-Baptiste RACINE, «La technique de la«passerelle» en droit privé», dans MélangesPierreJulien,préc.,note43,p.354etsuiv.53«Le défendeur est tenu de constituer avocatavantladatedel'audience».54«Le jour de l'audience, le président s'assurequ'il s'est écoulé un temps suffisant depuisl'assignation pour que la partie assignée ait pupréparersadéfense.Si ledéfendeuraconstituéavocat, l'affaire est plaidée sur-le-champ enl'état où elle se trouve, même en l'absence deconclusions du défendeur ou sur simplesconclusions verbales. En cas de nécessité, leprésidentdelachambrepeutuserdespouvoirsprévus à l'article 761 ou renvoyer l'affairedevantlejugedelamiseenétat.Siledéfendeurn'apasconstituéavocat,ilestprocédéselonlesrèglesprévuesàl'article760».

provisoireetlajusticedéfinitive55».Ellecompte parmi les nombreusesdéclinaisons de l’article 6 §1 de la«conventioneuropéennedesauvegardedes droits de l’homme» qui édicte larègle du «délai raisonnable»,notammentduprocèscivil.Sonticivisésles référés dits «généraux 56 » et lesréférés«spéciaux57»; lesquelspeuventdonner lieu à une ordonnance depasserelledanslebutdefairegagnerdutemps aux parties, notamment audemandeur.Car,«quandbienmêmecesréférés seraient organisésdifféremment, ils n’en constituent pasmoins l’expression de diverses facettesdespouvoirsd’unmêmejuge,auquelilssont conférés dans tous ces cas enraison de ce qui fait sa spécialité:rapidité et efficacité dans le respect delacontradiction58».En revanche, étaient exclus de latechnique de la passerelle les référésconsidérés jadis comme des «fauxréférés», en ce que la juridiction saisiestatue non pas en référé, mais «en laforme des référés» ou «comme enmatièrederéférés».Toutefois,ilsembleque même en droit français, ni leraisonnement, ni la solution ne soientplus lesmêmessous l’empiredudécretn° 2011-1043 du 1er septembre 2011qui aligne ces «vrais-faux» référés surla procédure des référés de droit

55 Rapport COULON, Jean-Marie COULON, Ladépénalisation de la vie des affaires, collection desrapportsofficiels,laDocumentationfrançaise,2008.56C’est-à-dire ceux pour lesquels pouvoirs etcompétence sont conférés au président de lajuridiction saisie aux fins de prendre desdécisions provisoires. J. VUITTON et X VUITTON,préc.,note49,p.1etsuiv.57Ils sont ainsi appelés parce qu’ils sont régispar des textes spécifiques dans des domainesrestreints et expressément visés par les textesinstituantcesréférés:Id.,p.9,65etsuiv.58Id.,p.65,n°420.

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commun. En conséquence, le juge saiside l’un quelconque de ces référésassimilés peut, à défaut de pouvoirexpressément conférer à ce juge en lamatière,ordonnerunrenvoiàunedatefixedevantlejugedufond.Le juge des référés qui ordonne unepasserelle ne se déclare pasincompétent. Il relève ou soulève undéfautdepouvoir.Par certains côtés, appliquée audispositifdel’article49,lapratiquedelapasserelle constitue ou peut enconstituer une déclinaison, par lerecours à l’urgence, à la rapidité, auréféré, ainsi qu’aux procéduresassimilées au référé, sous les réservesévoquées plus haut. Par d’autres côtés,lesdeuxpratiques sedémarquent l’unede l’autre sur le bloc de compétencesdont le juge du contentieux del’exécution en droit OHADA est pourvuparl’article49quienfaitàlafoislejugedu fond et le juge des référés ou desmesures provisoires, sans avoir àrenvoyer les parties devant un autrejugedufond;enfonctiondesespropresattributions légales en matière decontentieuxcivildel’exécution2.Desattributionsdujugeducontentieuxdel’exécutionLesattributionsetlaquasi-omnipotencedu juge du contentieux de l’exécutiondécoulentdestermesmêmesdel’article49, alinéa1er, lequel, il faut le rappeler,donne compétence à ce juge «pourstatuer sur tout litige ou toutedemande» en matière de voiesd’exécution.Or,l’examendelajurisprudenceetdeladoctrine sur l’interprétation du mêmearticle permet de montrer que lagénéralitédestermesdel’alinéaprécitéimplique de considérer que lajuridiction du contentieux est

compétente pour connaître descontestationsde fondetde formeen lamatière.Les contestations ainsi viséesconcernent les voies d’exécution;lesquelles sont consubstantielles auxtitresexécutoires.2.1LacompétenceenmatièredecontentieuxdestitresexécutoiresLes titresexécutoiresdont il s’agit sonténumérés à l’article 33 de l’AUPSRVE:«Constituentdestitresexécutoires:1) les décisions juridictionnellesrevêtues de la formule exécutoire etcellesquisontexécutoiressurminute;2)lesactesetdécisionsjuridictionnellesétrangers ainsi que les sentencesarbitrales déclarés exécutoires par unedécision juridictionnelle, nonsusceptibles de recours suspensifd'exécution,del'Étatdanslequelcetitreestinvoqué;3) les procès-verbaux de conciliationsignésparlejugeetlesparties;4) les actes notariés revêtus de laformuleexécutoire59;5) les décisions auxquelles la loinationale de chaqueÉtat partie attacheleseffetsd'unedécisionjudiciaire».Cestitressontdoncdecinqcatégories.Ilne faut, cependant, pas se fier àl’apparenteénumération,quilaisseraitàpenserquecelle-ciseraitlimitative.Bienau contraire. La formulationde l’article33 ratisse large et la typologie desillustrationsestparticulièrementdense;augrédesparticularitésdeslégislationsnationales qui s’y rapportent. Parexemple, l’article194,alinéa3,ducodedes obligations civiles et commercialesdu Sénégal, dispose: « Dans les casprévusparlaLoi,lestitresdeperception

59TRHC Dakar (Sénégal), 07/03/2000, affaireConsortsc.Créditsénégalais.

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délivrés par l'autorité administrativeontforceexécutoirepareux-mêmes».Ainsi, le juge du contentieux del’exécutions a décidé - et y a étéapprouvé par la Cour commune dejustice et d’arbitrage (CCJA) 60 -: êtrecompétent pour les contestationsconcernant la réalité du caractèreexécutoire d’un titre; du caractèreauthentique ou non d’un titre; de laréalitédelasignificationd’untitre61;dela caducité ou non d’un titre 62 ; del’appréciation de la réalité desconditions cumulatives et nonalternatives d’une créance63portée parun titre: créance certaine, liquide etexigible; de la prescription ou non desintérêtsd’unprêtbancaire adossé àuntitre exécutoire ayant servi defondement juridique à une saisie-attribution; de l’absence de défaut detitre exécutoire en cas d’ordonnanced’injonction de payer qui n’a été nisignifiée,niaccompagnéed’uncertificatdenon-appel64;queneconstituepasuntitre exécutoire une décision d’uneautorité administrative indépendantetelle que le conseil destélécommunicationsdeCôted’Ivoiredèslorsquecettedécisionnemetpasfinaucontentieux et n’a pas un caractèrejudiciaire ou juridictionnel 65 ; qu’une

60Courcommunedejusticeetd’arbitrage(CCJA),07/06/2012, arrêt no065/2012, (2012) 12RecueilCCJA171.61 CCJA Ass. plén., 27/04/2015, arrêtno045/2015.62TPI Abengourou (Côte d’Ivoire), 21/09/205:affaireFondsdegarantiedescoopérativescafé&cacao.63Rapport.CCJAass.plén.,04/11/2014,arrêtno115/2014.64 TGI Mfoundi (Cameroun), 24/05/2000,jugementno483.65CCJA, ch.2e,27/03/2008, arrêtno099/2008:affaire Société Côte d’Ivoire Telecom c. SociétéLotenyTelecom.

attestationde plumitif ne constitue pasuntitreexécutoire66;qu’unjugementdedonner acte ne constitue pas un titreexécutoire.La compétencedumême juge s’étendàdes situations que nous pouvonsqualifierd’avatarsdesvoiesd’exécution.2.2Lacompétenceenmatièredevoiesd’exécutionetdeleursavatarsOutre des domaines de compétenced’attribution que l’on peut qualifier declassiques en matière de procéduresciviles d’exécution, d’autres, sans êtrespécifiques à ces dernières, sont sicommuns à l’ensemble de la procédurecivile qu’il convient de s’interroger surles transformations qu’ils connaissenticiaupointd’enêtredesimplesavatarscomplémentairesounondespremiers.2.2.1Lacompétenceenmatièredevoiesd’exécutionLa règle est posée par l’alinéa 1er del’article49dontilressortquelejugeestcompétent pour des litiges ou desdemandes «relatives à une mesured’exécution forcée ou à une saisieconservatoire».Ce sont donc toutes les voiesd’exécution et toutes les contestationsde fond et de forme ainsi que tous lesincidentsdesaisieenlamatièrequisontà attaquer devant le juge OHADA ducontentieuxdel’exécution.Néanmoins, les pouvoirs apparemmentsans borne de ce juge connaissent deszonesinexploréesetinexplorables.C’estainsi, par exemple, qu’aux termes del’article30del’AUPSRVE:«L'exécution forcée et les mesuresconservatoires ne sont pas applicables

66TPIAbengourou(Côted’Ivoire),14/06/2006,ordonnanceno20.

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aux personnes qui bénéficient d'uneimmunitéd'exécution.Toutefois, les dettes certaines, liquideset exigibles des personnes morales dedroit public ou des entreprisespubliques,quellesqu'ensoientlaformeet la mission, donnent lieu àcompensationaveclesdetteségalementcertaines, liquides et exigibles dontquiconque sera tenu envers elles, sousréservederéciprocité.Lesdettesdespersonnesetentreprisesvisées à l'alinéa précédent ne peuventêtre considérées comme certaines ausensdesdispositionsduprésentarticleque si elles résultent d'unereconnaissance par elles de ces dettesou d'un titre ayant un caractèreexécutoire sur le territoire de l'État oùse situent lesdites personnes etentreprises.».Sontécartéesduchampd’applicationdel’exécution forcée et des mesuresconservatoires et subséquemment despouvoirs du juge de l’exécution lespersonnesbénéficiairesd’uneimmunitéd’exécution. Sont ainsi concernés l’Étatet ses démembrements, notamment lesentreprises publiques. Plusgénéralement, le droit OHADA semblelaisser libre cours aux législateursnationaux de définir le cadre despersonnes éligibles à l’immunitéd’exécution.C’est le cas des dispositions de l’article194, alinéa 2, du code des obligationscivileset commercialesduSénégal: «Iln'y a pas d'exécution forcée contrel'État, les collectivités locales, lesétablissements publics et les sociétésnationales ni contre les sociétésd'économie mixte dont l'objet exclusif

est l'exploitation d'une concession deservicepublic67».Mais cet article s’applique sous réservedu respect de la primauté du droitOHADA, en cas de conflit de normes(entreledroitOHADAetunedispositionnationale).LaCCJAadécidé,parunarrêtendatedu27 février201468, quequelsque soientla forme juridique choisie pour sonexploitation et son objet social, touteentreprise publique bénéficie del’immunitéd’exécutionpourpeuquesesstatuts puissent permettre d’établir saqualité de personne morale de droitpublic. Même lorsque ses statuts lasoumettent aux règles de gestion dedroit privé, une entreprise publiquen’en jouit pas moins de l’immunitéd’exécution ou, à tout le moins, d’unsursis à exécution 69 . La CCJA a

67Sur la notion de personnesmorales de droitpublic, susceptiblesdebénéficierde l’immunitéd’exécution, en droit camerounais, article 3, loino99/016 du 22 décembre 1999, portant«statut général des établissements publics etdes entreprises du secteur public etparapublic»: «(1) Le secteur public etparapublic est essentiellement constituéd'établissements publics administratifs, desociétés à capital public et de sociétésd'économie mixte, sans préjudice desdispositionsdel'article1eralinéa(2)ci-dessus.(2) Les établissements publics administratifssont créés et exercent leurs activitésconformément aux dispositions de la présenteloi etde leurs statuts. (3)Les sociétésà capitalpublic et les sociétés d'économie mixte sontcrééesetexercentleursactivitésconformémentaux lois, règlements et usages régissant lessociétés anonymes, sous réserve desdispositions de la présente loi.». Pour uneillustration jurisprudentielle de l’immunitéd’exécution: TPI Bafoussam, 28 janvier 2004,ord.deréféré,OhadataJ-05-01.68Arrêtno009/2014;CCJA,04novembre2014,arrêtno105/2014.69CCJA,13mars2014,arrêtno0024/2014.

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également décidé que bénéficie del’immunité d’exécution unétablissement de crédit ayant le statutdebanquecentrale. Il enestainside laBanque centrale des États d’Afrique del’Ouest70.En revanche, plusieurs exceptions auprincipe de l’immunité d’exécution despersonnesmoralesdedroit public sontretenues par la jurisprudence OHADA.Ce sont, notamment: la suspension dubénéfice de son immunité d’exécutionpar un débiteur personne morale dedroitpublic71; la renonciation,par elle,aumoyendestipulationcontractuelle,àl’immunité d’exécution 72 ; le non-respect du délai légal imparti à lapersonne morale de droit public decontester en justice une saisie-attributiondontelleestl’objet.Telssont la lettreet l’espritdes termesdu jugement rendu par le tribunal depremière instance de Bouaké (Côted’Ivoire),le23juin2005:«Attenduquel’action en contestation de l’INP-HB estessentiellement fondée sur les articles28et59delaloin°08-338du02juillet1998 ; Attendu que s’il n’est pointcontesté que cette loi édictel’insaisissabilitédesEPN,doncdel’INP-HBquiacettequalité,ellen’exclutpaslerespectstrictparcesétablissementsdesdélais de procédure ; Que ce texten’exonèrepas l’INP-HBde l’observationdu délai d’unmois imparti par l’article170 73 (de l’AU OHADA) portant70CCJA,26novembre2015,arrêtno149/2015.71CCJA,18avril2013,arrêtno022/2013.72 A contrario: CCJA, assemblée plénière, 11novembre2014,arrêtno136/2014.73 «À peine d'irrecevabilité, les contestationssont portées, devant la juridiction compétente,parvoied'assignation,dansledélaid'unmoisàcompter de la dénonciation de la saisie audébiteur.Letierssaisiestappeléàl'instancedecontestation. Le débiteur saisi qui n'aurait pasélevédecontestationdansledélaiprescritpeut

organisationdesprocéduressimplifiéesde recouvrement et voies d’exécutionpourcontesterunesaisieattributiondecréance dès lors que cela lui a étérégulièrement notifiée ; Qu’en l’espèce,ce délai étant expiré, il y a lieu dedéclarer l’INP-HB irrecevable en sonaction74».Il semble y avoir une apparentedivergence de vues75entre la CCJA etdes juridictions nationales surl’interprétation de l’alinéa 2 de l’article30précité.Car,nonobstantlaclartédesdispositions de cet alinéa, la courd’appeldeDakaradécidé,pararrêtdu13 avril 2012, que: «s’il est possibled’opposer la compensation auxpersonnes morales de droit publicconformément aux dispositions del’article30, alinéa2, de (l’AUPSRVE), leprincipe selon lequel il ne peut y avoird’exécution forcée et de mesureconservatoire contre les personnes quibénéficient de l’immunité d’exécutionsubsiste s’il s’agit (…) de mettre enœuvre la compensation par le biaisd’une saisie-attribution de créance,mesure d’exécution forcée parexcellence (…) en vertu de l’article 194du code des obligations civiles etcommerciales (…) l’État du Sénégalbénéficie d’une immunitéd’exécution76».

agirenrépétitiondel’indudevant la juridictiondufondcompétenteselonlesrèglesapplicablesàcetteaction».74Jugementno105/2005du23/06/2005.75Rapport Ndiaw. DIOUF, obs. ss article 30, infine, Code OHADA, Juriscope, 2016. Selonl’auteur: «Malgré la jurisprudence de la CCJA,les juridictions nationales continuent à seréférer à la loi nationale en ce qui concerne ladétermination de la liste des personnesbénéficiairesdel’immunitéd’exécution».76Arrêt no138, rapporté par le professeur N.DIOUF,préc.,note75.

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S’agissant des voies d’exécutionproprement dites et de leurscontentieux respectifs, sont concernéestoutes les saisies conservatoires desbiens meubles corporels et incorporelsycomprislaconversiondecesmesuresconservatoires en saisie-vente, ensaisies-attributions.Pour l’exécution forcée, le juge ducontentieuxpeutêtresaisidetouteslescontestations et tous les incidents enmatière de saisie-vente; de saisie-attribution des créances; de saisie etcession des rémunérations, de saisie-appréhensionetdesaisie-revendicationdesbiensmeublescorporels,desdroitsd’associésetdesvaleursmobilières;desaisieimmobilière.Concernant précisément la saisieimmobilière, le contentieux portegénéralement sur: les incidents nés delapluralitédesaisies; lesdemandesendistraction; la folle enchère maiségalementsurleursavatarsrespectifs.2.2.2Desavatarsdescompétencesdujugeducontentieuxdel’exécutionIl s’agitdemesures comminatoires,desfraisetdébours,ainsiquedesdélaisdegrâce.Les mesures comminatoires sontnotammentdesastreintesquelejugeducontentieux de l’exécution peutprononcer à l’encontre du débiteurrécalcitrant.C’estlejugeayantprononcél’astreinte qui peut procéder à saliquidation.Lesfraissontceuxquiserapportentaucoût généré par les diligencesaccomplies dans le cadre d’une voied’exécution. C’est également le juge ducontentieux de l’exécution qui peut enêtre saisi par le créancier et plusgénéralement par toute personneintéressée.

Le juge du contentieux de l’exécutionpeut également être saisi d’unedemande d’octroi de délai de grâce auprofitdudébiteursaisi.Le principe des délais de grâce ou del’échelonnementdupaiementdesdetteséchuesetduesestposéparl’article3977del’AUPSRPVE.Toutefois, cet article est assorti deplusieurs conditions nécessaires àl’octroi d’un échéancier au profit dudébiteurquienfaitlademande.Cesont,notamment:lapriseencomptedelasituationdudébiteurdéfaillant;laprise en compte des besoins ducréancier poursuivant ou saisissant; lapreuveà fournirpar ledébiteurd’actesdenatureà rassurer le créancier sur lepaiement effectif de la dette; unepossible imputation prioritaire sur lecapital, avant les intérêts capitalisés ounon;ledélaidegrâceestplafonnéàunan.Sont exclues du bénéfice d’unéchéancier pour le débiteur: les dettesd’aliments en raison de leur caractèrevitalpourlecréancieroulacréancière;les dettes cambiaires, en raison del’importance des effets de commercedans le domaine des affaires(notamment en OHADA), puisque cesont des instruments de crédit et doncde confiance; et aussi en raison du

77L’article39disposeque«Ledébiteurnepeutforcer le créancier à recevoir en partie lepaiementd'unedette,mêmedivisible.Toutefois,compte tenu de la situation du débiteur et enconsidération des besoins du créancier, lajuridictioncompétentepeut,saufpourlesdettesd'aliments et lesdettes cambiaires, reporterouéchelonner le paiement des sommes dues dansla limite d'une année. Elle peut égalementdéciderquelespaiementss'imputerontd'abordsur le capital. Elle peut en outre subordonnerces mesures à l'accomplissement, par ledébiteur,d'actespropresàfaciliterouàgarantirlepaiementdeladette.»

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principe de l’indépendance dessignatures;cequiimpliquelasolidaritépassivedessignatairesquipeuventêtremisàcontributionpourlerèglementdeladettecambiaire.À l’instar des autres dispositions dudroitoriginaire78etdudroitdérivé79del’OHADA, l’article 39 a une valeurjuridique supérieure à celle des lois etrèglementsinternesdesÉtatsmembres.Auxtermesdesonavisrenduendatedu13octobre1999, laCCJAa rappeléque«L’article10dutraité(…)ayantaffirméla forceobligatoiredesactesuniformeset leur supériorité sur les dispositionsdu droit interne des États partie et lesarticles 336 et 337 de (l’AUPSRVE)ayant exclu toute possibilité dedérogationauditacteuniformedanslesmatières qu’il concerne, il s’en suit quel’article 16 du projet de loi malien quidéroge à l’article 39 de l’Acte uniformeen ce qu’il édicte des conditionsnouvelles, impératives et restrictivespourlebénéficeparledébiteurdudélaide grâce, est contraire et incompatibleavecl’article39précité80».ConclusionL’institution du juge du contentieux del’exécution constitue, assurément, undispositif innovant par lequel le«législateur» OHADA a créé unvéritableblocdecompétencesauprofitd’unjugeunique.Ce contentieux tient compte des droitsetobligationsbiencomprisducréancierpoursuivant et du débiteur poursuivi.Au premier, le contentieux des voiesd’exécution peut garantir uneoptimisation des droits par la78Traitéconstitutifdel’OHADA.79NotammentlesAU,ainsiquelajurisprudencedelaCCJA.80AvisCCJAno002/99/EP,13/10/1999,OHADAJ-02002.

consolidation du titre exécutoire et lepaiement de sa créance ou parl’obtentiond’uneautorisation judiciaireàfinalitécomminatoire-sicen’estpire- en vue du paiement recherché. Ausecond, le même contentieux peutconférer une ultime occasion sinond’échapperpurementetsimplementàlavindicte du créancier, en évoquant ladéfectuosité du titre exécutoire ou desdifficultés financières mettant à néantles capacités contributives du débiteur,dumoinsens’opposantàuneexécutionforcéeimmédiate.Néanmoins, l’étude de ce contentieuxreste dominée par la questionmajeurede l’identification du juge qui en a lacharge. Institué en juridictionprésidentielle, ce juge (unique), necorrespond pas nécessairement àl’organisation juridictionnelle interneaux Étatsmembres de l’OHADA. Il n’endemeurepasmoinsque laprimautédudroit OHADA peut être de nature àfavoriser une gestion optimale desprocédures civiles d’exécution, pour unmeilleurcommercejuridiqueauseindel’espace concerné. C’est en cela que ledispositifadoptéparlesÉtatsmembresde l’OHADAà l’article49de l’AUPSRVEsemble être un puissant maillon de lachaîne d’union en constitution pour unvéritable «Code mondial del’exécution».