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LE JOURNAL D’AVRIL, découvre toi de plusieurs fils Vendredi 01 avril : par 41° à l’ombre et une explosion de mercure au soleil, on a le droit ! Et voilà, nous démarrons le quatrième mois… pas fort pour Mayeul prise d’une crise aiguë de turista, pour le punir d’avoir fait remarquer hier soir que nous n’étions pas souvent malades. Je me lève aux aurores (dans le référentiel français, parce que 6 heures ici c’est presque une grasse matinée), pour aller avec Samuel voir Oumar, dans le quartier Mouroum. Oumar est un des imams de Kélo, et comme je suis en train d’organiser un débat chrétiens-musulmans, j’aimerai savoir s’il veut bien participer. Malheureusement pour nous, il vient juste de partir à Moundou. Tant pis, la ballade n’a pas été désagréable, c’est la bonne heure pour se promener : la température est encore clémente, les rues sont assez calmes, on rencontre pleins de têtes connues entres les lycées et les vendeurs. Et cela m’aura permis de découvrir un nouveau quartier et peut être un endroit intéressant, car Oumar tient une librairie et il prête aussi des livres. Avec la sieste, nous en descendons des romans !! Ceux emportés depuis la France sont déjà finis, et heureusement que nous venons de recevoir un colis de livres ! et puis il y a ceux de la bibliothèque bien sûr, mais comme il est interdit de sortir les livres, nous ne pouvons pas les emprunter plusieurs jours. Edouard étant fidèle à son poste, pour une fois, je vais à la maison jouer la garde malade et commencer à travailler sur le projet pour le centre culturel que je voudrais présenter à l’évêque, puis obtenir un financement du FSD (Fonds Solidarité Développement). Pendant ce temps, je vois Jean Baptiste s’activer en douce… Finalement, il m’appelle et me présente tout fier un gâteau. Devant mon air bête et creux, il me demande quel jour nous sommes. J’y suis, JB a fait un gâteau en forme de poisson, et a piqué discrètement le moule chez les sœurs, via son fils. Ma lenteur d’esprit nous fait bien rire, et comme je m’étonne qu’il connaisse cette tradition, il me dit que ça fait depuis le mois de juillet dernier, où il a découvert ce moule un jour qu’il travaillait avec son fils, qu’il a imaginé de monter ce coup-là !! A ses enfants, il leur a raconté qu’un cas incroyable s’était présenté à l’hôpital, un homme sur le point d’accoucher. Ils se sont tous levés pour partir dare-dare à l’hôpital provoquant l’hilarité de leur papa…

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LE JOURNAL D’AVRIL, découvre toi de plusieurs fils

Vendredi 01 avril : par 41° à l’ombre et une explosion de mercure au soleil, on a le droit !

Et voilà, nous démarrons le quatrième mois… pas fort pour Mayeul prise d’une crise aiguë de turista, pour le punir d’avoir fait remarquer hier soir que nous n’étions pas souvent malades.

Je me lève aux aurores (dans le référentiel français, parce que 6 heures ici c’est presque une grasse matinée), pour aller avec Samuel voir Oumar, dans le quartier Mouroum.Oumar est un des imams de Kélo, et comme je suis en train d’organiser un débat chrétiens-musulmans, j’aimerai savoir s’il veut bien participer. Malheureusement pour nous, il vient juste de partir à Moundou. Tant pis, la ballade n’a pas été désagréable, c’est la bonne heure pour se promener : la température est encore clémente, les rues sont assez calmes, on rencontre pleins de têtes connues entres les lycées et les vendeurs.Et cela m’aura permis de découvrir un nouveau quartier et peut être un endroit intéressant, car Oumar tient une librairie et il prête aussi des livres.Avec la sieste, nous en descendons des romans !! Ceux emportés depuis la France sont déjà finis, et heureusement que nous venons de recevoir un colis de livres ! et puis il y a ceux de la bibliothèque bien sûr, mais comme il est interdit de sortir les livres, nous ne pouvons pas les emprunter plusieurs jours.

Edouard étant fidèle à son poste, pour une fois, je vais à la maison jouer la garde malade et commencer à travailler sur le projet pour le centre culturel que je voudrais présenter à l’évêque, puis obtenir un financement du FSD (Fonds Solidarité Développement).Pendant ce temps, je vois Jean Baptiste s’activer en douce… Finalement, il m’appelle et me présente tout fier un gâteau. Devant mon air bête et creux, il me demande quel jour nous sommes. J’y suis, JB a fait un gâteau en forme de poisson, et a piqué discrètement le moule chez les sœurs, via son fils. Ma lenteur d’esprit nous fait bien rire, et comme je m’étonne qu’il connaisse cette tradition, il me dit que ça fait depuis le mois de juillet dernier, où il a découvert ce moule un jour qu’il travaillait avec son fils, qu’il a imaginé de monter ce coup-là !!A ses enfants, il leur a raconté qu’un cas incroyable s’était présenté à l’hôpital, un homme sur le point d’accoucher. Ils se sont tous levés pour partir dare-dare à l’hôpital provoquant l’hilarité de leur papa…

En revanche, c’est Monique qui nous joue un poisson d’avril… Elle devait nous envoyer un de ses enfants pour qu’il nous emmène chez elle où nous étions invité pour le déjeuner. Personne… il y a du avoir un contretemps, ça arrive souvent !

Le fait que je reste à la maison me permet de faire connaissance avec la petite fille de la concession mitoyenne, derrière chez nous. Je la trouve à 4 pattes sur le mur, en train de progresser.Elle ne semble pas me comprendre, mais me fait signe qu’un objet est tombé chez nous, et elle me répète « Papa, papa », en me montrant quelque chose à mes pieds, puis une direction plus lointaine. J’avoue ne pas très bien comprendre et je vais chercher JB. OK… savoir qu’en langue sara, une tapette (une tong) se dit papa… La fillette montrait donc ce que j’avais aux pieds avant de m’indiquer où était tombée la sienne…

Trop de langues sont parlées à Kélo, déjà que nous en sommes aux balbutiements du ngambaye, alors le sara…

Denis, le fils de Monique, vient finalement nous voir à 15 heures, sa maman a été retenue par un méchoui. Je dis à JB que Monique nous a fait le coup du poisson d’avril, mais très sérieux, il m’explique qu’on ne peut pas faire de poissons d’avril sur des choses qui rendent tristes ou qui gênent les gens. Là, si Mayeul n’avait pas été malade, il n’aurait rien préparé à manger pour midi et nous aurions été affamés. Sacré Jean Baptiste !

Réunion rapide avec le comité de rédaction du journal Avenir, car depuis la fin du bac blanc mercredi et jusqu’à lundi, ce sont des congés. L’argent de la tombola nous permet de lancer le numéro suivant. Tant mieux, mais il faut continuer la recherche de financements. Comme d’un seul homme, ils proposaient d’aller demander aux prêtres et aux sœurs, je leur ai suggéré de demander aux différentes communautés religieuses de la ville, d’autant plus qu’il y a des protestants et des musulmans dans le groupe. « Ah la madame, ça va être difficile… ».Les chrétiens, les protestants et les musulmans n’agissent ou n’ont pas agi de la même manière pour implanter leur religion, et ça marque encore très fortement les esprits. Les missionnaires sont arrivés en distribuant de l’argent, construisant des écoles et des églises. Les protestants eux se sont juste installés là. Les musulmans, je ne sais pas trop. Toujours est il qu’aujourd’hui, le réflexe est d’aller taper à la porte des prêtres pour demander de l’argent.

Petit tour au terrain de basket, l’entraînement se déroule bien sous la houlette du coach (il faudra quand même un jour que j’apprenne son prénom, mais tout le monde l’appelle coach….), avec lequel je mets au points l’AG de demain.

A la maison, Mayeul est en meilleure forme et discute avec Gloria, une jeune fille du centre culturel, qui participe aux groupes de conversation en anglais.Enfin, discuter c’est beaucoup dire. Il y en a beaucoup qui viennent chez nous, qui s’assoient, et qui ne parle pas…Qu’est ce que les filles sont timides quand même ! Elle répond à nos questions, mais elle rigole en se cachant derrière son cahier.Elle vit à Kélo depuis 5 ans, ayant suivi son papa avec toute la famille. Celui-ci est commerçant. Comme il y a plus de marchandises au Nigeria et qu’elles sont moins chères, de nombreux nigerians s’installent au Tchad et en particulier à Kélo pour faire du commerce.Comme de nombreux jeunes (presque tous en réalité) qui ont connu d’autres villes que Kélo (Ndjamena ou l’étranger), Gloria ne rêve que d’une chose, quitter le Tchad où « il n’y a rien ». Pas d’électricité, peu de choix dans les aliments sur le marché, peu de routes, un soleil plus fort qu’ailleurs, pas d’université… L’année prochaine le bac, et après elle rentre au Nigeria pour y étudier le droit.Ca, c’est quelque chose qui doit renforcer notre côté « extra-terrestre » : pourquoi a t’on quitté la France pour le Tchad où il ne se passe rien et où il n’y a rien ??Les seuls jeunes qui semblent satisfaits de leur sort sont ceux qui arrivent des villages de brousse. Mais dés qu’ils ont effectué un séjour à Ndjamena, même refrain : Kélo, c’est nul… C’est vrai qu’il n’y a pas grand chose pour eux ici !Samedi 02 avril : Monique

Mayeul se requinque doucement et tente même un virée sur le chantier avec la mobylette d’Anne Marie. Maintenant 10 jours que la 504 est à Laï au garage et nous sommes toujours sans nouvelle d’elle…Le collège avance bien, les moules pour les claustra n’ont pas été livré à temps, donc les gars du chantier en ont fabriqué en bois, et ça semble plutôt bien marcher. Ils les démoulent immédiatement, puis sont obligés de laisser tremper dans de l’eau pour tenter de ralentir la prise du ciment.

Pendant ce temps, je mange de la poussière pour essayer de rendre présentable la grande salle (celle normalement destinée aux projections vidéo quand la TV marche…) pour l’AG du basket prévue tout à l’heure. Cheflengar (ça y est, je sais son nom !), le coach, vient m’aider et ses muscles ne sont pas de trop pour tenter de sortir des kilos de cette poussière fine qui recouvre tout à Kélo.A mon retour, Emile est à la maison et raconte à Mayeul ses éternels problèmes de chaussures. Il a les pieds retournés, les orteils derrière le dos, et attend désespérément des chaussures adaptées en provenance du centre handicapés de Moundou. Il faudrait que nous allions y faire un tour, mais sans voiture…

Ce coup-ci est le bon, Aimé, le neveu de Monique, vient nous chercher pour nous emmener chez elle. Etant orphelin de père et de mère, il vit dans sa concession.Paradoxalement, le quartier que nous découvrons est celui qui est juste derrière chez nous, le quartier Pagré, celui des « venant d’ailleurs », c’est à dire des non-natifs de Kélo.Ca fait beaucoup plus village, entre les concessions des chemins tracés dans le sable, mais peu possibles d’accès pour les voitures. Des grands arbres, une vidéo de quartier, des cabarets, le bar « écho d’Afrique ». Il y a moins de monde, et l’ambiance est tranquille et agréable. C’est peut être aussi à cause de la chaleur (record de la saison pour l’instant : 43° à l’ombre).Monique a installé sa concession autour d’un jeune manguier qui donne une bonne ombre fraîche, et pleins de fruits. Elle a trois chambres, plus une en contact avec la « rue » qu’elle loue à un commerçant qui vend des savons et d’autres produits.Vivent sous le même toit les sept enfants de Monique (sauf un, Jimmy qui est à l’école de mécanique de Moundou) : Liliane, Maxime, Magloire, Grâce, Denis, Bonheur, ses deux petits enfants, une fillette du village et son neveu orphelin.Elle fait un peu d’élevage (pintades, poulets) et de culture (mais la terre est fatiguée et en jachère pour cette année).Pendant que les filles préparent le repas, nous discutons avec Monique et faisons un peu plus connaissance. Elle et son mari viennent de la région pétrolifère de Doba. En fait, l’exploitation du pétrole date de nombreuses années, mais c’est seulement il y a deux ans que la production a augmenté, après les investissements lourds des compagnies américaines et malaises. Comme de nombreux tchadiens, Monique trouve que cela a plutôt appauvri la région. Les accords sensés garantir le développement (et le fameux « fonds pour les générations futures ») ont été mal négociés par des populations peu instruites et peu de réalisations sont effectives aujourd’hui. Le Cameroun également concernés par ces installations mieux géré l’affaire et récolte aujourd’hui plus de bénéfices du pétrole.

Elle nous raconte plus en détail l’histoire de la crèche Avenir qui répond tellement bien à un vrai problème et à des besoins existants des jeunes filles mère lycéennes. Comme elle n’est pas native de Kélo, beaucoup lui ont mal parlé quand elle s’est lancée dans ce projet, lui demandant pourquoi elle faisait ça ici et non pas dans

sa région… Heureusement, elle a été soutenue par les autorités qui ont fait remarquer à ces personnes que si elle mêmes étaient nées ici, elles n’avaient pas levé le petit doigt depuis de nombreuses années pour faire avancer les choses…On essayait de comparer ce phénomène « ethnique » avec l’appartenance à une région en France. C’est vrai que dans certaines villes, il est difficile de s’intégrer quand sa famille n’est pas du coin. Mais je pense que la grosse différence est qu’en France cela se traduit par une « non-aide » ou une « non-solidarité », et surtout par de l’indifférence. Ici, c’est plutôt la jalousie et parfois des bâtons dans les roues et de la malveillance. D’après Monique, c’est un phénomène local, qu’elle a découvert à Kélo. Dans sa région, si un étranger ne reste pas chez toi, c’est de ta faute, c’est que tu l’as mal accueilli.

Nous discutons aussi sur les problèmes de l’éducation, avec sa fille très accrochée aux études, qui a voulu avoir son bac avant de se marier et d’avoir son premier enfant. Elle est maintenant bachelière (et jeune maman…) mais pas de possibilité pour l’instant d’études supérieures. Elle voudrait faire de la communication ou de la sociologie.C’est agréable de discuter avec Monique, elle parle volontiers et dit des choses intéressantes, seulement interrompue par le petit Bonheur de 2 ans qui réclame sa maman pour lui tout seul ! C’est une femme active, cultivée et engagée. Elle nous laisse pantois quand elle nous raconte qu’elle est partie 15 jours en Thaïlande pour un congrès des femmes syndiquées !

Pas de boule au menu, mais malgré tout, quelque chose que nous n’avions pas encore goûté, des boulettes de viande, courgettes et sésame. Ca change et c’est bon !Nous la laissons se reposer (enfin s’occuper maintenant de son petit fils), et entreprenons à 14 heures de traverser le quartier sous un soleil de plomb. Nous ferons une halte à l’écho d’Afrique pour essayer de se réhydrater. Il nous faudra faire la causette avec 4 enseignants qui ont déjà descendu pas mal de bouteilles de Gala…

Cet après-midi, AG pour le basket. Bien sûr, avec cette chaleur, tout le monde arrive vers 17 heures au lieu des 15h30 annoncées. C’est énervant, mais il faut bien se rendre compte que la plupart circulent à pied, et qu’à 15 heures il fait toujours très chaud pour marcher 3 km sous le soleil.Election d’un bureau pour l’organisation du championnat. N’guetto est le président, le responsable de Vita (une ONG de micro crédits) est trésorier, je suis secrétaire. C’est difficile d’essayer de faire passer le message qu’il faut faire avec ce qu’on a, au lieu de rêver à des choses impossibles qu’on n’aura jamais.Par exemple, j’ai du mal à admettre que nous fassions payer les joueurs et que nous dépensions de l’argent pour faire imprimer des cartes de licence… mais je ne dis rien, car il y a des règles que je ne comprends pas.J’ai l’impression que les gens se donnent certaines obligations : un championnat, c’est forcément avec des joueurs en maillot, donc il faut trouver des sponsors ; un championnat c’est forcément avec des officiels qu’il faut inviter, et je parie gros comme une maison qu’il faudra leur acheter des boissons ; un championnat, il faut forcément que les joueurs payent l’affiliation et la licence.Moi j’ai l’impression qu’on pourrait s’amuser tout autant en restant plus « artisanaux », mais bon, je suis le mouvement. J’insiste juste sur ma rengaine de participation des jeunes. On voit les ravages de l’assistanat et je me battrai pour que ça change, quitte à passer pour une radin.

Mayeul de son côté profite d’un peu de temps libre pour faire un tour en ville et se faire une idée des prix des matériaux de second œuvre. Bonne idée, car le devis proposé par Courto pour le chantier de Dogou explose les prix ! Il y a tellement de choses que nous ne savons pas ici, qu’il doit être parfois tellement simple de nous avoir… Enfin, pour ce coup là, il n’est pas trop tard pour rectifier le tir.C’est toujours l’argent qui pose problème… à ma petite échelle, je viens d’être obligée de fermer la caisse de la bibliothèque et de prévenir que ce serait seulement moi qui gérerait les abonnements. Depuis quelques jours, 100F, 200F, 150F en moins dans la caisse… Pourtant il n’y a jamais de grosses sommes, mais ça doit être tentant. Que puis-je faire également contre les posters de joueurs de foot qui disparaissent du journal Afrique Foot ? je croyais être la plus maligne en ayant apposé le tampon du centre culturel sur toute l’affiche, mais je me suis fait roulée quand même. La prochaine fois, je l’enlèverai avant de le mettre à disposition des lecteurs, et ça fera un lot pour un concours !

Ouf… il est 19 heures, le soleil est couché, il fait maintenant 40°. En avril, découvre toi de plusieurs fils.

Dimanche 03 avril : nous nous mettons au rythme tchadien du dimanche

Où l’on pratique le sport local : les visites.Je fais d’abord un saut au « comité de gestion » (c’est à dire les trois personnes qui passent une heure après la messe à compter l’argent de la quête, en général environ 30 000F, le plus souvent en pièces de 10 ou de 25) pour avoir de la monnaie pour la caisse de la bibliothèque. La chasse aux jetons, ça aussi, c’est un sport national !Nous commençons par aller saluer les deux petits Cali et Issibey, qui vivent avec leur grand frère Pierre (en terminale) et sa femme Marie. Ce sont vraiment nos voisins puisqu’ils habitent au quartier Pagré, juste derrière le mur de la concession de la mission. Ils vivent donc à quatre dans une concession entourée d’un muret, composée de deux cases, d’un puit et d’un manguier. Ils sont orphelins et semblent vivre « correctement » mais dans le plus « strictissime » minimum. Cette fratrie est vraiment sympa et courageuse, ils se bougent pour s’en sortir.Nous partons ensemble au quartier Djengreng du côté du Pili Pili pour rendre visite à Danga (ou Désiré, celui que nous aidons dans ses rédactions de poèmes ou de scénario) qui est malade. Sa crise de palu est mal tombée pour lui, en plein bac blanc. Nous le trouvons dans la concession où il vit seul (en fait sa cousine du village vient de le rejoindre pour habiter la deuxième chambre) en train de travailler sur des annales avec 2 amis. Notre visite a l’air de lui faire plaisir. En revanche, il grimace en voyant arriver sur une moto son oncle maternel qui semble lui faire des sermons de morale (vu son air et la longueur de son discours, parce qu’en langue, nous n’avons rien compris…). Danga a 20 ans et est un des rares de la ville à vivre seul et à se faire la cuisine, alors il a doit avoir du mal à écouter son oncle tout endimanché, avec son beau costume gris souris, ses chaussures bateau rouge-jaune-bleu et ses lunettes de soudeur sur le front pour la moto…Au travers du rideau, j’aperçois la case-chambre de Danga, et ça me fait plaisir de retrouver des indices internationaux de la présence d’un ado : posters de Diam’s, de footballeur, de Jet Li … C’est vrai que les jeunes n’ont jamais une pièce pour eux seuls, donc ils ne peuvent en général pas la décorer selon leurs goûts.

Nous repartons vers nos pénates, croisant dans la ville Bernard le garagiste ou Taubry. Nous faisons également un saut chez Ashta pour lui proposer le poste de conseillère dans le bureau du championnat de basket, ce qu’elle accepte.

Notre découverte de petits pains ronds fabriqués par les musulmans nous permet une pause « fooding » (nous aussi voulons être branchés !)…Puis nous enchaînons sur une visite à Monique, (l’autre !) qui travaille comme blanchisseuse au presbytère. Elle habite au quartier Djebang, de l’autre côté du lycée. Comme elle a peu de moyens, sa concession n’est pas fermée, et c’est une curieuse impression pour nous de la voir depuis la rue vaquer à ses occupations dehors ou entre ses différentes cases. C’est comme si nous violions son intimité, nous sommes quand même assez marqués par la notion d’espace privé chez nous.Nous jouons avec ses derniers (Service Adoum, Jaqueline et Germaine) ou les enfants des voisins (en qui je reconnais Elise, une fidèle du centre).Nous discutons aussi avec Monique, qui a grandi à Kélo avant de suivre son mari dans le Nord (d’où le deuxième prénom musulman de ses enfants nés là-bas). Quand celui-ci est décédé, elle est venue se réinstaller dans leur concession de Kélo. Mais huit ans après leur départ, les murs de clôture et les cases étaient en piètre état. Aujourd’hui c’est rafistoler, mais élever seule 8 enfant a l’air délicat.Quand elle était petite, la ville de Kélo s’était construite autour de la Cotontchad (à l’époque, la Coton-grain), et tout autour des champs et la brousse. Aujourd’hui le marché joue le rôle de centre-ville et Kélo s’est bien étendue de tous côtés et continue encore de s’étaler… sans trop de problème de foncier ici !

Non loin de chez Monique, une place mortuaire pour la sœur d’une cheftaine de guides, une jeune femme qui laisse 4 enfants. De nombreuses personnes sont là, chantent et pleurent. Puis une procession, avec la mère de la défunte en tête qui chante en pleurant, qui entoure le cercueil recouvert d’un drap blanc et poussé sur une charrette à roues. Tous vont vers le cimetière. Il n’y a jamais de prêtres (où donneraient-ils de la tête sinon ?) mais un catéchiste qui fera une petite cérémonie au cimetière, à 3 km de là, en « brousse ».Je retrouve de nombreuses têtes connues de jeunes dans la foule. Tous nous demandent si nous venons aussi au cimetière. Cela nous donne la curieuse impression qu’il s’agit là d’une distraction. Nous refusons, expliquant que nous ne connaissions pas la défunte.Ce qui nous fait plaisir, c’est la réflexion d’Eric, le responsable de la troupe Etoile, qui nous dit que les gens nous voient au quartier et que c’est bon.Voilà, nous rentrons chez nous avec des mangues que la gentille Monique nous a discrètement glissées dans la main. Elle était tellement désolée de nous recevoir sans rien nous offrir…

A ce rythme, la journée passe vite, et il nous reste un tout petit temps de lumière pour faire le relevé du centre culturel et pour arroser les plantes. A 18 heures, c’est la lumière électrique et la nuit qui s’installe assez vite.

Lundi 04 avril : ça va comme un lundi…

Nous n’avons même plus l’occasion d’entendre cette petite phrase chère à beaucoup de travailleurs français. Quand le WE est inexistant ou presque, le lundi perd de son côté difficile !Dés le début de la journée nous avons la visite de l’artiste de Moundou qui était venu nous proposer des œuvres (sculpture et peinture) le lundi de Pâques. De retour de Pala, il repasse, car comme nous avions beaucoup d’étrangers, « il y

avait du dérangement et ce n’était pas possible d’avoir de bonnes idées » (sous entendu… d’achat !). Un tiens valant mieux que deux tu l’auras, je lui achète un petit hippo en bois pour mon filleul.Un petit coup de boulot puis nous partons de nouveau avec Samuel pour voir l’Imam dans le quartier Mouroum. Toujours absent ? est ce un refus déguisé de ne pas participer à un exposé chrétien-musulman ??Le trajet à pied me permet d’enrichir mon vocabulaire arabe « choba Nazara », regarde la blanche, ou même plus sur encore, regarde la blanche qui a noué le pagne (mais là je n’ai pas retenu). Samuel a senti ma lassitude est essaie de me rassurer en disant qu’il n’y a là dedans aucune agressivité, seulement une curiosité, bien légitime d’après lui. Il a raison, mais être l’objet de toute la curiosité, même légitime, d’une ville est un tantinet fatigant !Mayeul aussi se fatigue avec le chantier d’a côté. C’est maintenant au tour des fournisseurs de venir se plaindre que Courto l’entrepreneur n’a pas payé. Ce dernier a comme d’habitude une bonne excuse, attendant le retour du Nigeria du fils du fournisseur avec qui il a traité. Sans fin…

Effet magique de repas de JB, frites et brochettes de bœuf, presque comme à la maison. Le deuxième effet : une conversation entre Mayeul et moi d’un bon ¼ d’heure sur nos bonbons préférés, gâteaux apéros préférés, barres chocolatées préférées. Nos estomacs gourmets tiendront ils deux ans ??

Conception de la suite du projet du collège pour l’architecte, réunion du comité de rédac pour celle qui a changé de métier… Toujours des tonnes de petits problèmes à régler entre les rivalités et les histoires de personnes. Ce qui est compliqué pour moi, c’est qu’il existe (si j’ai bien saisi) un espèce de code qui fait que les gens qui ont une remarque ne l’exprime jamais de manière complètement explicite. Par exemple, Aristide, qui commence très énervé « je suis très choqué », puis tout un discours de politicien auquel je ne comprends rien. Quand je lui fais remarquer, il répond qu’il ne peut en dire plus, que si on ne peut pas le comprendre, tant pis.Ce qui n’arrange pas les choses pour régler les différends !Nous commençons ensuite à prévoir des festivités pour la journée nationale de la presse tchadienne le 03 mai. Première suggestion ? un pique nique…Je les laisse à leurs articles consacrés au numéro spécial après 08 mars sur la femme, après avoir improvisé un cours de biologie sur l’ovulation chez la femme et les périodes de fécondité ou d’infécondité théoriques, afin de rectifier un article sur le sujet…

Ce soir nous sommes invités au presbytère avec tout ce que Kélo compte comme religieux. Comme d’habitude, cherchez l’erreur, c’est nous !Nous nous réunissons pour une messe pour le Pape, puis prenons le repas ensemble, autour de l’invitée la plus bavarde : la télévision branchée sur CNN et Pope John Paul II, puis sur TV5 Afrique et Pape Jean Paul II.Cet intermède médiatique nous offre un petit aperçu de la France via le journal de Pujadas. Ah, les bonne vieilles querelles sur « faut-il mettre les drapeaux en berne » ? On a de vraies questions chez nous !!!

Mardi 05 avril 2004 : j’avoue que nous faisons moins les malins

C’est ça votre saison chaude ? Laissez moi rire…C’en est fini de nos bravades ! Le mercure n’est pas beaucoup plus haut (toujours 42-43°), mais il n’y a maintenant plus aucun souffle de vent, ce qui nous transforme en fontaines vivantes dans la journée.

Mais le pire maintenant, c’est la nuit. Une heure après le coucher du soleil, il fait toujours 40°, et dormir demande une grande capacité d’imagination pour arriver à se croire au Groëland, les pieds dans la glace, afin de parvenir enfin à trouver le sommeil. Toute la nuit il fait 35-37°. Les draps sont trempés, le matelas aussi, c’est très … désagréable. Ca devient plus correct vers 4-5 heures du matin, juste le temps de s’endormir enfin d’un bon sommeil et d’être réveillés par le muezzin à 5h30 et les cloches de l’église à 6h. Rêve d’un monde où existerait la religion du silence !

Et dés le petit déjeuner, c’est reparti pour une bonne suée qui durera 21 heures… Les tchadiens souffrent autant que nous de la chaleur. Ceux qui croient que les africains sont habitués se trompent lourdement !Ce matin, tout le monde a l’air fatigué et les salutations se transforment vite en « ça va la chaleur ? ».Mayeul part courageusement rejoindre les encore plus courageux ouvriers sur le chantier. Ca commence à barder un peu à cause de l’absence prolongée de Mathieu. La paye des ouvriers est en retard de quelques jours et la grogne est légitime. Les manœuvres vivent vraiment au jour le jour et n’ont aucune épargne, un retard de paiement leur rend donc la vie plus dure.A Bédoum très inquiet, Mayeul essayait de le rassurer en annonçant la venue prochaine de Mathieu, mais là où Bédoum a raison c’est qu’on ne sait pas jusqu’où ils peuvent aller. Ah ce Mathieu qui ne tient jamais son calendrier !Hier des voleurs se sont introduits sur le chantier (la clôture n’a jamais été terminée…) mais mis en fuite par les 2 gardiens. Dans leur course, ils ont fait tomber un des outils qu’ils avaient volé. Pour tous les ouvriers c’est maintenant un objet maudit et ils ont été avec beaucoup de répugnance jeter cet outil loin du chantier…

Programme chargé cet après-midi entre réunion pour relancer l’équipe de foot des Anges Verts, l’entraînement de volley pour essayer de motiver des équipes et une conférence au CLAC. Changement de programme : Samuel doit assister à la réunion sur les « réformes de la filière du secteur coton » en sa qualité de correspondant de la radio Effata à Kélo. Moralité, je le remplace, et je demande à Mayeul d’aller à ma place au CLAC pour la conférence sur : que dit la Bible de Mohammed ?Très intéressant d’après lui, mais dangereux aussi. Un orateur très érudit capable de faire passer en douceur des idées dures, surtout vers la fin de son exposé. Devant tant de connaissances, difficile d’engager un débat, on est sûrs de ne pas se faire entendre.Par exemple : la démocratie n’est pas bonne, car les textes disent « faites comme moi sur terre comme au ciel ». La démocratie n’est pas ce que Dieu a proposé. Il faut donc suivre la Loi de Dieu sur terre, autrement appelée charia… !Et qu’il n’y a pas lieu de craindre la charia si on respecte la loi de Dieu. Seuls ceux qui ne la respecte pas peuvent la craindre.

En tous cas, ça me conforte dans l’idée de l’importance d’un débat chrétien-musulman avec des exposants modérés et ouverts au dialogue. Malheureusement, le contact avec l’imam que connaît Samuel ne semble pas aboutir. Il n’arrête pas de nous poser des lapins pour les rendez-vous ce qui est plutôt mauvais signe… A suivre mais le jeu en vaut la chandelle !

Mercredi 06 avril : liquéfaction avancée

Ca ne s’arrange pas le climat ! Mes copines Senafet rencontrées en ville m’assurent que les nuages qui s’amassent annoncent la venue prochaine de la pluie…Ce que tout le monde attend avec impatience car cette chaleur cause beaucoup de décès et de maladies, notamment chez les enfants : rougeoles, hémorragies, etc.L’animation entendue dimanche après-midi derrière chez nous était due à la mort d’un des enfants de la concession.Ce soir, Tobry a été appelé d’urgence sur son portable tout neuf parce que son neveu souffrait d’hémorragie depuis 2 heures sans discontinuer. Heureusement, lui a le réflexe d’aller à l’hôpital et non de se tourner vers les guérisseurs.Les automatismes vont souvent dans le mauvais sens au niveau santé, et les parents sont parfois responsables de la gravité de l’état de leurs enfants (réaction trop lente, piqûre faite au marché par des pseudo-infirmiers, médicaments périmés, fausses croyances comme le fait de ne pas nourrir l’enfant pour telle maladie, etc.).Le climat est dur pour l’homme au Tchad. Les autres africains (Nigérians, camerounais, etc.) affirment que chez eux il ne fait jamais aussi chaud.Quand nous ne sommes pas trop léthargiques pour parler à l’heure de la sieste (il n’est plus question de s’allonger sur un matelas bouillant…), nous commentons les bizarreries physiques que nous observons : quand nous sortons une bouteille d’eau non encore glacée du congélateur, au contact de l’air ambiant nous voyons instantanément la glace se former à partir du haut de la bouteille et progressivement mais rapidement transformer toute l’eau en glace ?Pourquoi quand nous nous couchons en ayant à peu près frais est ce que nous nous réveillons trempés de sueur alors que par définition il fait moins chaud la nuit et que nous faisons moins d’effort ??Nous faisons aussi de palpitantes découvertes, que les humains ne transpirent pas de la même façon : Mayeul commence par le front, moi par le menton… Palpitant, mais cela occupe quand il est impossible de s’endormir avant 2 heures du matin…Nous baignons dans la chaleur… Les verres semblent sortir de la machine à laver la vaisselle, le frigo arrive tout juste à faire de l’eau tiède, l’eau du robinet est chaude, la lessive dégoulinante sèche en 30 minutes…

Jeudi 07 avril : en avant la musique

Théophile vient me trouver le matin pour me dire qu’un musicien aveugle aimerait « s’attacher avec moi »… ce qui veut gentiment dire qu’il veut prendre contact avec moi. Il n’ose pas parce que comme chacun sait je suis très intimidante, et passe donc par l’intermédiaire de Monsieur le rédac’chef du journal Avenir.Pas de souci, j’emboîte le pas de Théophile et de Yaldé le dessinateur pour aller chez le musicien au quartier Dombao, juste derrière le coin de Jean Baptiste. Nous nous arrêtons d’abord chez l’oncle paternel de Théophile qui l’héberge à Kélo. Là je fais connaissance avec les deux femmes du tuteur. Je crois que c’est la première fois que je réalise un peu ce que signifie la polygamie pour les femmes. Se partager le même homme, et surtout vivre au quotidien avec celle qui peut être perçue comme une rivale. Il faut être de bonne composition quand même !Dans la concession un peu reculée du musicien, il n’y a que des enfants. Mama mia quel accueil ! Je crois que ces petits là n’ont pas du souvent voir de blancs.

Dés qu’ils me voient ils sautent sur les pieds et me bondissent dessus en criant, puis me touchent la peau à me l’arracher…C’est vrai qu’il n’y a pas foule d’occidentaux par ici, ce qui explique que pour les kélois, tout les blancs se ressemblent. D’ailleurs Yvonne, la tante de Théophile, a vu récemment Sébastien au marché. Vu qu’il est rentré en France depuis un an, c’était soit le prof d’anglais, soit Mayeul, mais elle m’affirme que ce n’était pas Mayeul, puisque lui, elle l’a déjà vu, le jour où nous avons fait les guignols devant tout le monde à la paroisse pour les présentations…

Pour Mayeul les expériences sont moins marrantes, puisque le chantier souffre d’un retard d’approvisionnement de matériaux et est bloqué depuis ce matin. Tous attendent impatiemment le retour de Mathieu et des bons de commande.

L’après midi, nous sommes tous les deux au centre culturel, Mayeul pour assurer le corrigé du bac blanc d’anglais et moi pour l’après midi de l’aide aux devoirs, où après avoir revu le fonctionnement des reins, et les fonctions ln, je retrouve Claire, désespérée par un 08/20 en terminale A au devoir de français.Sujet : « N’est esclave que celui qui accepte moralement et physiquement de l’être ».Note : 08/20Commentaire : Quelle langue parlez vous ?Demande de Claire : qu’est ce qui ne va pas ? comment est ce que je pourrais m’améliorer ?… pas évident ce genre de devoir dans une langue qui n’est pas la langue maternelle ni celle parlée à la maison.Claire a de bonnes idées, mais pour les exprimer, fait des phrases de 10 km où elle empile les subordonnées, avec de légères fautes de conjugaison ou un mauvais emploi de certaines expressions. Résultat incompréhensible, et je ne me sens pas à la hauteur de ma tâche pour l’aider…

Quant à Danga, il chope Mayeul après l’anglais pour s’excuser de nous avoir si mal reçu ( ?) dimanche quand il était malade. C’est parce qu’il était tellement ému de notre visite.C’est vraiment un chouette garçon et qui sort vraiment du lot par sa curiosité intellectuelle, par son aisance en français et anglais. On essaye de l’aider au maximum, ça vaut le coup. Il me demande si la bibliothèque a des livres de Prévert, Sartre ou Garcia Marquez… si je les achète, il n’y aura qu’un seul lecteur à les sortir !?

Vendredi 08 avril : Pope Star (merci la une de Libé…)

Comme dit Jean Baptiste, la mission catholique est en deuil… C’est aujourd’hui le jour des obsèques de Jean Paul II et allant déposer une lettre chez les pères, je trouve une foule autour du téléviseur.

Ce matin a des petits airs de vacances. Jean Baptiste arrive plus tard car il reçoit tous les ressortissants de son village vivant à Kélo. Nous nous permettons donc de rester paresser dehors sous la moustiquaire jusqu’à 7h30. Après c’est risqué car les visites peuvent commencer… Et en effet, ce matin, c’est Tap qui ouvre le ban pour demander si la mission peut sponsoriser une équipe de basket…Mayeul se met à la mise en page du nouveau numéro du journal Avenir, et mois je fais une séance dessert avec JB. Test du jour : le far breton revu et corrigé sauce locale, les dattes séchées réhydratées remplaçant des pruneaux introuvables ici.

Puis je fais un saut à la crèche Avenir pour voir Monique et les petits. Elle me rappelle un engagement que j’avais complètement oubliée, celui de passer les vendredi matin avec les petits de 4 à 6 ans… Elle déplore le manque de formation de ces assistantes. En plus, l’éducation habituelle des petits se passe surtout en les laissant jouer seuls dans la concession. Il n’y a pas ces habitudes de chez nous de stimulation de l’enfant par l’adulte (il faut avoir le temps pour ça…). Du coup, elle compte sur moi pour faire faire des activités aux plus grands. Et ce n’est pas pour me déplaire… en revanche, ne pas compter sur moi pour être sévère, je suis complètement gâteuse de toutes ces petites têtes avec des grands yeux bien éveillés !Monique est vraiment quelqu’un de bien aussi, efficace et entreprenante. Elle me montre le dossier de demande de financement qu’elle vient de réaliser : net, clair et précis…

Grosse interrogation ce matin ? Tobry s’est il converti à l’Islam ? il porte un grand boubou et la petite calotte et a répondu à Mayeul que c’était pour le vendredi jour de prière.D’après JB, c’est peut être Ashta, pour qui il travaille aussi, qui lui a demandé de se convertir, comme elle. Dans les affaires, c’est mieux d’être musulman !

Suite à la conférence du CLAC et suite à la conversation avec Henri ce matin, nous parlons beaucoup de ça avec Mayeul.Henri a des mots très durs à propos de la conférence, pensant même qu’il s’agit d’une campagne d’islamisation. Il voulait répondre mot pour mot et contre attaquer, heureusement, il préfère bien potasser son sujet pour permettre un dialogue lors du débat au centre culturel de 26 avril.Si un interlocuteur musulman veut bien venir, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.Ca, c’est un truc que je ne comprends pas, diplomatiquement parlant : comment un chef religieux peut-il refuser une main tendue vers un dialogue ?Cela rejoint le conférencier du CLAC qui rappelait que l’islam était plus prosélyte que le catholicisme. D’un côté, il faut convertir tous les hommes pour que tous obéissent à la loi de Dieu, de l’autre côté, il faut tendre la joue droite si on te frappe la joue gauche.Cette mauvaise cohabitation entres les trois religions en présence ici nous rend malade. Personne ne veut le dialogue.J’aimerai croire que c’est faux, mais pour l’instant, les réactions à l’organisation de ma conférence ne prouvent pas vraiment le contraire.Du coup, nombre de clichés semblent furieusement vrais comme une certaine supériorité chez les musulmans (sic : « les chrétiens ne sont pas dans la vérite. Ca va un peu, mais au bout d’un moment, il faudrait qu’ils regardent les textes et reconnaissent leurs erreurs »), ou comme un pouvoir de séduction plus grand, peut être parce qu’il passe par une érudition qui doit impressionner le commun des mortels.On essayait de faire la comparaison : tous ceux qui passent par les écoles coraniques connaissent les textes par cœur et peuvent vous assommer de sourates du Coran. Chez les catholiques, qui a cette même connaissance ? un poignée d’individus, non ?

La vie quotidienne africaine est tellement baignée dans la religion que tout cela prend des allures non anodines, préoccupantes même.Fin de la polémique : Tobry ne s’est pas converti…

Samedi 09 avril : tout pour le sport

25° cette nuit, un vrai bonheur, une nuit fraîche et reposante !Les petits de JB se sont plaints qu’il faisait trop froid…

Samedi, jour se la salubrité. Sauf qu’aujourd’hui mes deux petits bonshommes sont plus intéressés par la cueillette des fruits sur le manguier que par le nettoyage de la cour… C’est incroyable comme pieds nus, ils grimpent comme des singes tout en haut des arbres !

J’emprunte ensuite le vélo de Jean Baptiste pour filer (enfin c’est un grand mot, parce que le vélo dans le sable…) avec Théophile chez Frédéric, le musicien aveugle. Il est tranquillou allongé sur sa natte sous un manguier et il m’explique qu’il a un problème, c’est le manque de moyens. J’avoue que cette phrase a maintenant le don de me mettre de mauvaise humeur, surtout qu’il ne se bougera pas de sa natte de tout l’entretien.C’est sûr qu’être aveugle est handicap, mais de là à attendre que tout t’arrive du ciel ! Après moults palabres… on arrive à quelque chose qui convient aux deux parties et qui rentre plus dans mes cordes : je vais les aider à faire venir un formateur et à organiser une petite session destinée à tous les musiciens qui veulent approfondir et améliorer leur technique.Il me fait une petite démo de ses talents, mais je suis plus impressionnée par l’instrument (une guitare faite par un menuisier, avec des planches et des bouts de fils de fer en guise de cordes) que par le reste. Mais je suis loin d’être une pro !

Parallèlement, Mayeul se bat pour faire passer un message qui n’est pas et de loin dans les préoccupations des ouvriers et entrepreneurs : la qualité du travail et des finitions.Chez les sœurs, les menuiseries n’ont pas été protégées lors de la peinture, il y a des tâches partout ; les peintres ont commencé hier à la tombée de la nuit, autant dire que c’est un peu cochon. La pose d’un lino se fait au hasard, il y a maintenant une zone dans l’entrée où sont scotchées toutes les chutes : plus de scotch que de lino…Même Babou le tailleur a cousu les rideaux sans faire attention aux hauteurs des tringles. Ils pendouillent tous à des hauteurs différentes.Faut-il s’en faire ? Ces défauts n’ont pas l’air d’être remarqués par grand monde…

Ah, Djolba arrive enfin de Ndjamena, avec son pick-up de Père Noël : deux lits de camp tressés pour la maison (nous espérons qu’avec des lits sans matelas nous aurons moins chaud), une moustiquaire, et tout mon barda pour le centre : ballons de sport, livres d’occasion, dictionnaires, et la livraison des livres neufs de la librairie La Source. Merci le service de coopération culturelle de l’Ambassade de France !Et je remercie un peu moins le CEFOD qui a du profiter de l’occasion pour vider ses armoires et qui m’a envoyé des tonnes et des tonnes de vieux numéros de Tchad et Culture… Je n’aurais pas du accepter la proposition !!

Bon, un problème nouveau se pose à nous : on n’a plus de sous du tout !! avec ses investissements pour la maisons, ce que nous avons retiré à la procure de Laï est déjà épuisé, d’autant que nous avons du donner à Mathieu le prix des cartouches d’encre commandées par Jérémie et que celui-ci ne nous a pas encore remboursé. Et sans voiture toujours… pas évident de retourner à Laï !

Message au secours à Marco, pourvu qu’il y ait une occasion rapidement qui fasse le trajet avec quelques billets jusqu’à chez nous.

Après midi très basket avec la suite de l’organisation du championnat. Il faudrait, yaka…Il y a du bon, les équipes commencent à vouloir se débrouiller pour y arriver quand même avec les moyens du bord. S’il n’y a pas d’argent pour acheter les maillots, on prend des tee-shirts et on leur coupe les manches, puis on peint les numéros.Aïe, le curé a rembarré une équipe en disant que le terrain n’était pas fait pour les équipes sponsorisées par le Pili Pili ou autre… Peut être n’a t’il pas compris que c’était dans le cadre du championnat organisé par le centre. Retourner lui expliquer…Fatigant d’organiser quelque chose ici !

Ce soir, des invités : Mathieu, Bédoum et Martin, le chef de chantier (Papa Martin…). Ils arrivent habillés comme des ministres, avec des belles chemises et un beau complet rose pour Martin. La conversation est animée. Mathieu et Bédoum ont eu une éducation moderne et internationale. Martin est un vieux chef de chantier qui a du se faire tout seul quand il est parti du village. Nous n’avions pas pensé à ça, mais manger avec des couverts a l’air difficile pour lui. Mais il est très à l’aise et fait rire l’assemblée avec son ton enjoué et ses discours sur les jeunes et les vieux…Nous avons une grande discussion sur la taille des familles au Tchad et en France. Martin a 15 enfants, issus de … 2 femmes et ½, c’est à dire 2 femmes épousées et une maîtresse.Mathieu lui voulait s’arrêter à 5 enfants. Mais une fois qu’il a eu les 5, il a «  fait une bêtise involontaire, un accident » et eu un 6ème avec une autre femme. Sa femme « légitime » lui a pardonné, seulement si il lui faisait un autre enfant… Ce qui faisait 7. Après, il a divorcé, puis s’est remarié car il fallait bien quelqu’un pour s’occuper de la maison et éduquer les enfants, les filles surtout. Il a maintenant un 8ème enfant avec sa seconde femme. Et comme celle ci est jeune et qu’elle n’a qu’un enfant « à elle », c’est sûr qu’il y en aura d’autres !!Il faut faire beaucoup d’enfants pour être sûrs qu’il en reste quelques uns au moins qui survivent.Ca fait bien rire Bédoum, le jeunot de la bande pas encore marié…

Ce soir, nous testons nos nouveaux lits de camp. Confort plus que spartiate, mais c’est vrai que nous avons moins chaud que sur des matelas en mousse.De toutes manières, depuis 2 nuits, la température est respirable la nuit.

Dimanche 10 avril 2005 : nos routes se séparent momentanément

Je profite du retour de Djolba vers Ndjamena pour y aller avec lui. L’occasion du marché, c’est bien, mais quand on peut éviter…Le confort est supérieur, et le temps passé en transport aussi, même si leurs trafics en tous genres font perdre du temps. Ces hommes d’affaires font commerce de tout et profitent de leurs nombreux déplacements pour acheter les produits là où ils sont le moins cher dans le pays. Nous nous sommes arrêtés pour acheter des sacs énormes de mangues, puis de charbon, des légumes, etc… Le problème, c’est qu’à chaque fois, il faute enlever la bâche et refaire la cargaison du pick-up.Après un voyage assez silencieux (de toutes manières avec les fenêtres ouvertes, il y a trop de bruit pour discuter dans la voiture), je me fais déposer comme une

princesse devant chez les filles, dans le quartier Moursal de Ndjamena. Le rythme de la capitale commence fort puisqu’elles m’entraînent presque illico au « dancing » où Eglantine a rendez-vous avec ses collègues du CCU (centre catholique universitaire). C’est marrant cet endroit, « la Plantation ». C’est du côté de chez Patrick à Walhia, un grand espace avec des petits boukarous pour s’asseoir et une piste de danse. C’est le plus côté des lieux de la ville, en particulier pour le dimanche après-midi. La fête commence quand il fait encore jour, et vers 20 heures, tout se vide d’un coup.Il y a paraît-il des blancs qui viennent assez tôt, puis qui repartent accompagnés. Merci pour la réputation !Je retrouve plus calmement les 3 filles, Julie, Amélie et Eglantine. Finalement, le confort ici est relatif car les coupures d’eau et d’électricité sont fréquentes…Et contrairement aux idées reçues, il fait plus frais ici qu’à Kélo, notamment la nuit !

Lundi 11 avril : à vélo à Ndjamena

C’est bien pratique, comme ça je suis indépendante et je ne me ruine pas en taxi (les courses d’un point à un autre valent 2000F).Je commence par la librairie La Source : je leur rapporte les romans livrés que j’ai déjà, et je me fais plaisir en choisissant des nouveaux. Pour l’instant, j’essaie d’enrichir le rayon de la littérature africaine, mais je choisis aussi 2 livres qui risquent d’avoir du succès : Pleins phares sur la sexualité, et dans un autre genre, le mémento du génie civil. L’addition monte vite et j’atteins rapidement le montant de la subvention de l’ambassade.Bref, je repars avec mon carton sur mon porte bagages, faire un saut de puce au centre d’accueil qui est proche. C’est là où on peut se renseigner sur les départs des gens qui y sont hébergés et donc parfois dégoter une voiture pour Kélo. En l’occurrence, je retrouve pleins de têtes connues, mais qui partent dés demain, dommage. Ce sont des sœurs japonaises qui gèrent le lieu, et celle que je rencontre parle très peu le français, ce qui ne m’aide pas trop trop dans mes démarches…J’enfourche le petit vélo bleu (comme tous ceux qui viennent du Nigéria) pour essayer de dire un petit bonjour à Ernest, mais il n’est pas dans son bureau. Ca tombe bien, le bureau d’études à la procure est à 2 pas, je vais voir Julie et Patrick et tirer de l’argent.Je retourne en pèlerinage chez Claudie la petit vendeuse de jus d’oseille et de sandwichs à l’avocat… et là j’ai la surprise de m’entendre appeler par mon prénom. C’est Bienvenue, une fille rencontrée chez Anne Sophie à Pala. Elle est ici étudiante en secrétariat de direction bilingue. Les cours s’arrêtent bientôt et elle partira peut être en stage au Nigéria pour essayer d’apprendre l’anglais (« bilingue »…). L’école s’occupe de tout, mais les parents doivent aligner 100 000F. Elle ne sait pas encore si son papa commissaire payera.Nouveau petit tour sous la cathédrale où Ernest est de retour. Son bureau est toujours la grotte aux merveilles, j’en repartirai avec un rendez-vous pour demain pour venir choisir parmi des vêtements envoyés.Voilà, la matinée se termine, il faut à nouveau retraverser la ville dans l’autre sens, mais sous le soleil cette fois. La circulation est relativement dense, mais surtout les gens font n’importe quoi, déboîtent sans prévenir ou roulent à contre sens. Il y quelques contrôles de police, mais j’ai avec moi ma « taxe de circulation vélo »…

Après le déjeuner et la sieste, Julie sèche son cours d’arabe et m’entraîne au marché central (celui qui a été dessiné par Gérard Leclaire, celui rencontré la

dernière fois qui nous avait invité chez lui). Les allées centrales sont spacieuses, c’est moins étouffant qu’à Moundou ou Kélo. Mais dans les allées intérieures, on retrouve ça.Il y a beaucoup plus de choix, pas dans les produits frais, mais dans l’alimentaire importé, et dans tout le reste (vêtements, chaussures, bric à brac, jouets, ustensiles, etc.). Il y a surtout ce que je recherche : des vendeurs de tissu au mètre. C’est à dire qu’ils ne vendent pas de pagne, mais qu’on peut y trouver des métrages de coton, lin ou autre, dans des teintes plus unies… Les prix sont imbattables (2000F le mètre) et je dévalise pas mal les vendeurs, car lessive à la main+repassage au fer à charbon+séchage soleil 30 minutes… nos vêtements emportés avec nous commencent déjà à se déchirer…Nous faisons ensuite un saut chez Kouki, la maman de leur amie Zara. C’est une femme musulmane très sympa, qui a vécu en Belgique pour se soigner, et qui a la conversation abondante et enrichissante. Elle a en plus le mérite de fabriquer des yaourts à la vanille maison !

Sur le chemin du retour, halte au CCF pour y rencontrer Claire, celle qui était en charge de l’organisation de la semaine de la francophonie du 17 au 24 mars. Je lui récupère son expo sur la bio-diversité (ça va être une innovation à Kélo !) et les vidéos qu’elle m’a préparé.C’est dommage tous ces gens sympas avec qui je commençais à bosser et qui s’en vont : elle, Ernest, son collègue Patrick du sport… les effectifs fraçais au Tchad sont en chute libre !D’ailleurs Ernest vient dîner chez les filles ce soir, avec un moral chancelant car il vient d’apprendre que des subventions presque acquises étaient en fait refusées, alors qu’il doit partir en congés en France après demain.Voilà encore une journée bien remplie et qui se finit beaucoup plus tard qu’à Kélo !!

Mardi 12 avril : re-belote

On court du matin au soir dans cette ville !Et mine de rien, on passe pas mal de temps à pédaler en tous sens pour rejoindre les différents lieux.Je commence ma journée avec Mickaël, le responsable de la bibliothèque du centre emmanuel. Il accepte de m’expliquer leur fonctionnement de grosse bibliothèque de 11 000 ouvrages. Tous les livres sont reliés en cuir pour durer plus longtemps : « c’est un pays d’éleveur, il faut en profiter ». Et je repars avec pas mal d’infos et un carton de livres. C’est toujours assez délicat le don de livres, parce que d’un côté ça débarrasse le donneur, mais le geste est quand même gentil. Mais bon, initiations aux lettres latines, ça ne va pas trop me servir !

Je continue chez Ernest, et là en revanche, je suis positivement surprise par les caisses de vêtements qu’il a reçues. Bien sûr ce n’est pas exactement à la mode, mais tout est propre et en très bon état, et je n’ai pas vraiment de tri à faire.Cela nous permettra de faire une braderie et de récolter quelques petits sous !Je profite d’Ernest avant son départ pour la France pour l’interroger sur les modalités d’obtention de financements du FSD (fonds solidarité développement) qui dépend du service culturel de l’ambassade. Visiblement, si le dossier est correct, cela n’a pas l’air trop dur d’obtenir l’argent. Il faut quand même participer à hauteur de 30% du budget total, en « ayant le droit » d’y inclure des frais un peu fictifs, tels les honoraires d’un certain concepteur de projet qu’on ne payera pas…

En outre, le FSD ne finance pas la construction, mais les équipements. Avant c’était l’inverse, mais ils en ont eu marre de construire 4 murs qui restaient vides…Seul hic, Ernest m’assure que mon projet sera retoqué s’il ne repose que sur moi. Je suis bien d’accord qu’il faut aider pour ne plus aider ensuite, mais la formation et la délégation, je voyais ça dans un deuxième temps. Si tout doit marcher ensemble, je risque d’être occupée les prochains mois !Nous filons ensuite au Palais du gouvernement… qui est un nom bien prétentieux pour un immeuble tout moche dans lequel on rentre comme dans un moulin, mais qui abrite plusieurs ministères, dont celui de la Jeunesse et des Sports. C’est là que travaille Patrick, l’homologue d’Ernest pour le sport, comme assistant technique du ministre. Je voulais le rencontrer pour le remercier de ses envois de ballons en tous genres (hand, basket, foot).

Je retraverse Ndjamena dans l’autre sens pour aller au CCF, mais manque de chance, Agnès avec qui j’avais rendez-vous a l’air en réunion… Je squatte un petit temps la cafétéria où je regarde les nouvelles de la TV belge en vidant d’un trait un jus de banane…Je rejoins les filles dans le bureau de Julie. Sandwich à l’avocat chez Claudie, puis départ pour une sortie rarissime : on va à la piscine !C’est Amélie qui par le biais du centre emmanuel connaît la femme d’un expatrié français de chez Esso. Ils habitent donc le quartier résidentiel et ont une petite piscine bien bleue et bien fraîche, dont l’entretien doit être coton !Mais ne crachons pas dans la soupe, parce que cette pause aquatique a été phénoménale.La femme qui nous accueille est musicienne, et a monté tout un collectif de musiciens qui viennent se former à la technique et répéter chez elle dans son salon. Ils doivent apprécier les répétitions avec climatisation !Très gentiment, ils nous chantent quelques chansons avant que nous partions. Cela tombe très bien de les voir, car ce sont eux à qui j’ai proposé de venir faire une halte à Kélo sur le chemin de leur concert à Moundou. On verra…

Le reste de la journée est une vraie course, entre un rendez vous au CCF pour jeter un œil sur les expos qu’ils accepteraient de me prêter, les cartons de vêtements et de livres du CCF et d’Ernest a transporté au centre d’accueil pour les caser dans des voitures qui partent vers le sud dans les prochains jours…

Mercredi 13 avril : dans les transports

Le trajet pour rentrer est toujours un poème…Je me lève à 4h30 pour aller avec la voiture de Julie au centre d’accueil et essayer de choper les gars de Pala qui pourraient me prendre au moins jusqu’à Bongor. Ils devaient partir à 5h30, leur voiture est là, mais pas eux.Du coup, je reprends la voiture, vais la rendre à Julie à la maison, et c’est elle qui m’emmène pour me déposer à 7 heures à l’endroit d’où partent les occasions du marché.Oui, on part bientôt, il y a déjà 10 passager, il n’en manque plus que 4… Finalement, il y en a qui ont réservé et qui n’arrivent pas, on les remplace par d’autre. Départ à 9h, ça va, j’avais peur d’attendre comme l’autre fois jusqu’à 11 heures.Notre chauffeur a pleins de potes dans tous les villages qu’on croise, mais on avance quand même, mais à 50 km à l’heure… Moralité 8h30 de trajet pour 380 km. En ce moment c’est ralenti à la sortie de Ndjamena car ils refont la route et la déviation passe dans le sable.

Ce n’est jamais de grandes conversations avec les voisins, mais des moments sympas à partager, comme quand ma voisine de derrière m’aide spontanément à tenir mon foulard dans le vent pendant que j’essaie de l’attacher, ou quand on essaie de se coincer du mieux que nous pouvons avec mon voisin immédiat, ou encore quand un homme étonné me demande ce que je fais, pourquoi je suis seule et surtout non motorisée…Bongor, arrêt longue durée pour la prière de 13h30.Je fais presque toutes les échoppes pour étancher ma soif. J’ai fait la bêtise de laisser ma gourde dans mon sac qui est coincé sous un siège.Djoumane, arrête pour le prière de 16h30, puis mini panne…Finalement, Kélo. N’ayant rien mangé depuis 4h30 et peu bu, et vue la chaleur (je suis trempée de pieds à la tête, surtout que nous avons voyagé toutes fenêtres fermées car ça faisait trop de vent pour ceux qui étaient à côté…), je suis un peu faiblarde et je vais chez les sœurs du vicariat me refaire une santé. Elles sont juste en face du stationnement des occasions, et je devais être sale et fatiguée à faire pitié, car elles se sont précipitées pour m’offrir du jus d’orange et une mangue, puis m’ont ramené à la maison en scooter. Merci Patricia !Là j’ai retrouvé Mayeul et Jean Baptiste, qui ont bien souffert de la chaleur ces derniers jours.Mayeul a essayé de remplir les soirées avec Bédoum ou Anne Sophie venue de Pala pour une réunion à Kélo, mais c’est vrai que c’est un peut tristoune tout seul. Comme c’était moi qui avais le portable, je n’avais même pas pu le prévenir de mon heure de retour.

Jeudi 14 avril : après quelques jours d’absence, c’est toujours un peu le bazar…

Et c’est le stress pour régler tous les petits détails. C’est le moment que tout le monde choisit pour venir faire ses réclamations.On n’a pas d’enveloppes pour les invitations du championnat, il faut que tu viennes avec nous présenter le devis, Edouard n’est pas là, quand est-ce qu’on fait le groupe de maths, peux tu me taper ça à l’ordinateur… ?Il va sincèrement falloir ralentir le rythme et envisager d’arrêter de dire oui à tout le monde !Tout y est passé ce matin : la bibliothèque, le sport, le journal Avenir.Le plus beau : un juriste qui est venu me prendre la tête pendant une demi-heure pour essayer de me soutirer une entorse au règlement et lui permettre la sortie de documents. Pas mal pour un représentant de la loi, non ?

C’est marrant, c’est le même scénario pour Mayeul qui s’arrache les cheveux avec les sœurs, leur chantier (pourtant fini), les fournisseurs, les ouvriers. Tous viennent le voir pour lui demander des services ou des conseils.Aujourd’hui, nous avons vraiment l’impression que dés que nous sommes là, tout doit passer par nous. Chacun peut prendre ses responsabilités, non ?? C’est un peu facile de décréter que ça sera fait par Mayeul ou Odile…Nous finissons la journée sur les rotules : impossible de travailler plus de 5 minutes sans être interrompus pour tout ou rien, d’autant que comme tout se passe dans un périmètre restreint, il faut gérer la maison et le professionnel en même temps.J’ai beau dire à Emile qui vient me trouver au centre culturel que je n’ai vraiment pas le temps, il faut quand même que je règle sur le champ son histoire de poule !!

Et avec ce Tobry qui ne vient jamais, j’en ai un peu marre de devoir faire mon boulot plus le sien, ce qui me rend d’une humeur exécrable qui tombe sur les malheureux lecteurs un peu trop lents ou trop mous à mon goût…La chaleur n’arrange rien. On n’a pas réussi à dormir beaucoup cette nuit, et aujourd’hui les vêtements collent à la peau.

Heureusement, il y a une petite tempête le soir, et la température daigne redescendre un tout petit peu…

Vendredi 15 avril : des bébés et un énervé

Ce matin, comme tous les vendredi matin à partir d’aujourd’hui, je me transforme en animatrice pour les 4-5 ans à la crèche Avenir, à la demande de Monique.Je l’informe du résultat de mon enquête pour des subventions destinées à payer la formation de puéricultrices : aucun partenaire en vue… en revanche, je lui suggère l’ENAS qui est l’école publique spécialisée de Ndjamena, et donc bon marché.Monique me fait descendre de mon nuage : une école publique gratuite, cela signifie 300 ou 400 000F à « payer timidement », c’est à dire sous la table.

Je trouve les bambins en train de faire du sport avec Claudine : debout-assis-debout, puis en train de mimer des comptines.Ils sont 30 ou 40, je demande à Monique de me faire un petit groupe avec les plus grands. C’est un peu la cohue… et nous partons nous installer sur une natte avec un jeu.Ils ont vraiment des bonnes bouilles, certains sont bien éveillés et à croquer. A la fois, ils sont bien différents des petits que je connais par leur indépendance et leur capacité à jouer avec le même jeu pendant trois heures. Et puis il y a des traits de similitude comme les gros pleurs quand on vient de se faire piquer son jeu ou les rires de « la petite bête qui monte qui monte ».Nous restons de 8 à 11 heures sur le même jeu à apprendre les couleurs, les formes ou à commenter les images.Le problème c’est qu’aucun d’entre eux ne parle le français. Avec Claudine qui fait l’interprète j’enrichis mon vocabulaire en ngambaye et leur apprends le mot en français. Une crèche bilingue, c’est la classe, non ?Ces enfants là sont plutôt des enfants dont les 2 parents travaillent. Les enfants des lycéennes filles-mères sont plutôt des bébés. Le plus jeune qu’a reçu la crèche avait 5 jours… et sa maman devait passer le bac !

Pendant ce temps, Mayeul est à fond sur le projet de Dogou, un chantier pas tout à fait fini, qu’il faut reprendre et améliorer en perspective de l’arrivée prochaine des pluies.Il est juste interrompu par l’éternel chantier des sœurs, qui est quand même fini depuis plusieurs jours…

L’après midi commence mal avec une discussion plus qu’animée entre Tobry et moi. Je lui explique que je suis fatiguée de faire mon boulot plus le sien, et que je n’en peux plus.Lui monte sur ses grands chevaux, en ressortant sa rengaine que je ne parle pas franchement et que j’écoute les bruits du quartier. Ca me met hors de moi, car j’ai vraiment l’impression d’avoir été directe et plus que compréhensive… A suivre. J’informe le curé de la situation et nous sommes d’accord pour que s’il n’y a pas d’amélioration suite à cet avertissement la sanction tombe. C’est sûr qu’il y

aura des retombées négatives, car il sera du genre à colporter n’importe quoi au quartier…Et l’après-midi se poursuit au centre, où Tobry fait la gueule et où je me montre puérilement d’une jovialité extrême avec les jeunes pour le faire bisquer.Réunion avec le journalistes : Avenir n°8 part à Laï pour la reproduction.Puis séance intensive de maths : personne dans la classe n’a eu la moyenne au bac blanc !

Puis dîner avec Marco, le procureur de Laï, et Mathieu. Il nous parle de sa génération, où tout le monde se connaissait, car ce sont les jeunes de la génération des évènements de 1979. Ils ont tous passé le fleuve dans un sens puis dans l’autre, au gré des évènements.Il nous parle aussi de la situation des hôpitaux. L’hôpital central de référence nationale (je n’aurais pas pu l’inventer !) est presque vide, les moindres pansements disparaissent dans la nature. Ceux en charge de l’intendance sont ceux qui ont les pharmacies en ville… Du coup, tous les médecins ont leur clinique privée, bien équipée. C’est rassurant… si tu as plein d’argent, tu peux te soigner ! Mathieu a soigné son beau frère pour un palu : 25 000F la perfusion, 45 000 F en tout (un mois et ½ de salaire de Jean Baptiste).C’est la réponse que m’a fait Aristide quand je lui ai demandé pourquoi ça allait « doucement doucement »… : c’est le Tchad…Il y a d’ailleurs un paradoxe énorme car au niveau des aides et des organisations internationales, le Tchad est considéré comme un pays en croissance !

Samedi 16 avril : le rush avant le championnat

C’est la course aujourd’hui, à croire que tout le monde s’est donné le mot pour défiler chez nous.Pourtant ça avait bien commencé, tranquillement. Jean Baptiste en congés (il part dans son village : 5 heures de vélo aller…), nous avons paressé un peu le matin, puis fait un tour au marché pour repérer des tissus et pour que Mayeul me montre le marchand de plastiques (vendus au… yard). Retour en passant par la poste : dorénavant, il faut payer une taxe de dédouanement pour chaque colis reçu, de 1950F ! nous demandons des explications et le chef nous reçoit dans son bureau, se retranchant derrière une circulaire officielle. Le comble : on paye la TVA sur la taxe…Bref, nous sommes quand même contents de trouver colis et lettres.C’est après le déjeuner que ça s’accélère : tout le monde défile pour Mayeul, les fournisseurs ont eu vent du chantier de Dogou…Sam la Patience vient également, mais avec un devis exorbitant, deux fois plus de main d’œuvre que de matériaux, alors qu’ici, la tendance est à l’inverse !!La discussion entre les deux est un peu rude car Mayeul a du mal à se faire comprendre, du mal à expliquer que ce n’est pas une histoire de personnes, que lui veut bien travailler avec Sam qui fait du bon boulot, mais qu’il y a une enveloppe pour le chantier, et que si Sam la dépasse, ça ne va pas être possible pour ce coup là.La communication est parfois extrêmement difficile, les mentalités étant tellement différentes, les deux parties croient parler de la même chose et en fait ne se comprennent pas, ce qui rend l’exercice assez épuisant.

Et comme le match d’ouverture du championnat de basket est pour demain, les joueurs s’activent en tous sens et viennent me solliciter pour une pelle, un sceau, une pioche, les feuilles de match, etc.

Je râle parce qu’il m’est impossible de continuer mon inventaire des livres reçus, mais je suis contente qu’ils se bougent et rendent service pour le groupe !J’ai également la visite de la croix rouge du Tchad, qui sur notre demande, vient proposer les services de quatre secouristes pour le match.Je profite de l’ambiance pour faire quelques photos des activités du centre. Echaudée, je les préviens, leur explique et leur demande leur accord. Ca n’empêche pas quelques réactions d’énervement. Je ne comprends pas cette agressivité face à la photo, alors que pour la majorité d’entre eux, cela ne pose pas de problème.Echaudée, nous le sommes aussi vis à vis de la gendarmerie voisine : quand, en train de préparer le terrain de basket, nous entendons un coup de sifflet, tout le monde se fige… c’est la descente des couleurs.Nous faisons attention (et essayons même d’éviter de passer devant eux), parce qu’à chaque fois, ils nous font des réflexions : du genre, quand nous revenons de la poste « Tu as des journaux, donne les moi que je m’occupe ». On ne peut pas dire que ce soit franchement des potes !

Les chambres d’accueil des sœurs sont occupées par les gens de la caravane anti-sida, du Programme National de Lutte contre le Sida.Ils sont bien informés et bien conscients que la théorie est acquise. Le problème pour eux est maintenant la prise de conscience du risque, à titre personnel.J’en profite pour me renseigner : a priori, il y aurait de 3 à 5% de personnes séropositives au Tchad, et de 7 à 10% à Kélo.

Le bon rythme est dur à trouver. Maintenant que les nuits sont chaudes et moins reposantes, on se rend compte que nous sommes un peu crevés, et qu’il faudrait lever le pied. Mais d’une part c’est difficile de refuser quand on sait qu’on peut aider et d’autre part, au moins en ce qui me concerne, j’aime l’activité et j’ai peur de l’ennui. Même si je râle après parce que j’en ai marre.Conclusion, après nous être dits mutuellement hier soir qu’il faudrait que nous commencions à dire non :

- Mayeul a accepté d’aider Théophile à ré-écrire sa pièce de théâtre et à lui taper à l’ordinateur

- Et moi j’ai accepté dans le même genre de mettre au propre les écrits d’Aristide, et de faire du soutien scolaire à domicile tous les jeudi avec Rimhorbe, un jeune du centre handicapés, qui a raté le début de l’année à cause d’une opération chirurgicale.

Deux gros bêtas que nous sommes !!

Dimanche 17 avril : sport de haut niveau !

La nuit la pire pour l’instant… jamais en dessous de 38°, une sensation de chaleur moite que n’arrange pas les draps trempés.On se réveille le matin avec l’impression d’être tout sauf reposés.

Il y a trop de chants dans leurs messes du dimanche : tout le monde n’a pas de place à l’ombre, et à partir de 9 heures, ça devient vraiment une fournaise.Nous revenons à la maison dégoulinants, mais enchaînons sur le marché car nous n’avons plus rien à manger.Est ce que c’est parce que nous nous sommes habitués ou parce que les gens commencent à nous connaître ? en tous cas, les passages par le marché deviennent mois pesants, moins « agressant »… passage chez les femmes pour les tomates, les carottes et les mangues. Maintenant que c’est la pleine saison, il

y en a à vendre absolument partout, à 25Fcfa. Beignets de haricots avec piment, 5F l’unité…Petit tour chez les tailleurs et chez Babou pour le prévenir des futurs commandes. Nous croisons un jeune, Eloi, qui est tailleur aussi, ce que j’avais oublié. Il coud devant l’échoppe de son maître, sur leurs belles machines à coudre à l’ancienne noir et or. Il y a Isaac aussi grâce à qui nous retrouvons les chemin du coin des pagnes, que j’ai toujours du mal à retrouver. Mais j’ai le même problème que la dernière fois : les pagnes que je trouve beaux et chatoyants sur les femmes, j’ai du mal à les imaginer sur moi et les trouve tous assez laids…

Au niveau du terrain de basket, les joueurs et les coachs se bougent. Ils arrosent le terrain, le dament, matérialisent les limites à la peinture blanche, installent les chaises empruntées au lycée. Il va y avoir du sport !

Joie de retrouver le chemin des fourneaux de temps en temps. Mais je ne sais pas comment JB fait pour tenir là dedans, il fait une chaleur de dingue à côté du charbon. Quand c’est Mayeul et moi aux fourneaux, c’est plus simple : à midi, pâtes au chocolat top branchées envoyées de France, salade de tomate et crème à la mangue.

Les bruits de la sono nous indiquent qu’il est l’heure d’aller au terrain pour le match d’ouverture du championnat de basket. Aujourd’hui se rencontrent l’équipe Case Vie (sponsorisée par l’entreprise de Mathieu du même nom) et l’équipe Coupé Décalé (LE rythme à la mode…). Vue la chaleur, ils ont bien du courage !Les invités arrivent, mais pas de préfet ni de maire en vue. Je ne coupe pas au mot d’ouverture, je vais commencer à avoir l’habitude des discours improvisés. Présentation des équipes, photos officielles… le match commence. Tap qui est chez Case Vie assure le spectacle, finissant parfois sa course dans le public, mais marquant de nombreux paniers. Le public respecte gentiment la ficelle qui délimite les espaces.A la deuxième mi-temps, l’ambiance monte : les coachs sont montés sur le terrain, et il y a du grand sport sur le plateau !Il y a une grosse foule, qui ne respecte plus vraiment les limites (ce qui m’a valu une sympathique réflexion : « laissez nous tranquille, on est en Afrique ici, la terre appartient à tout le monde »…). Mais une très bonne ambiance en général, en particulier sur le terrain où les joueurs s’amusent.Dans les invités, il n’y a que le coach de volley, saoul comme souvent, qui me gonfle en venant me souligner toutes les erreurs de protocole (le délégué au sport n’est pas au premier rang, les équipes n’ont pas salué les invités, etc.).Le score est serré et le public à fond dans le match. Un joueur fait un saut périlleux arrière après avoir marqué un panier.Case Vie gagne ! Mathieu est aux anges !!Je vois comme dans un rêve les jeunes qui sous les ordres du coach aident à ranger le matériel et le terrain. Ca marche vraiment bien cette histoire de basket qui avait mal commencé, et les coachs y sont pour beaucoup. L’un d’entre eux était en national et bénéficie d’une grande admiration de la part des joueurs. Mais tous arrivent à faire passer pas mal de messages intéressants.

Voilà, tout est rangé, il y a juste un ballon qui a disparu dans la cohue de l’après match où tout le public accourt sur le terrain.Case Vie s’entasse à l’arrière de la 504 (qui marche !) : direction chez Mathieu, puis au Pili Pili où ce dernier paye la tournée pour ses joueurs.

Tap est gonflé à bloc et va directement sur la piste de danse !Enfin ! nous croisons les deux autres blancs de Kélo, les peace-corps américains, profs d’anglais au lycée. Rendez vous est pris pour manger ensemble demain soir.Je profite de la présence d’Ashta pour l’informer des problèmes avec Tobry, comme il travaille également ici, avant que celui ci n’aille raconter n’importe quoi sur moi. Je suis rassurée, Ashta vient de le suspendre : pas assez sérieux, des trous dans la caisse…En revanche, elle accepte de parrainer une équipe de basket !Un beau match, une bonne ambiance, des gars sympas : un bon dimanche…

Lundi 18 avril : tous les deux en déplacement

Enfin en théorie…Parce que si Mayeul décolle plus tôt que prévu (merci Courto de passer à 7h30 alors que nous sommes en train de petit déjeuner) pour Dogou, les gens de Bologo où je devais aller pour les aider à installer la bibliothèque ont l’air de m’avoir oublié.A Dogou, Mayeul « inspecte » les bâtiments qui ont été finis en 2003 et qui ont aujourd’hui pas mal de problèmes, dont certains dus à des malfaçons, notamment les fondations… l’eau passe sous les murs !!Le plus difficile en ce moment pour lui est de devoir essayer de partager le « gâteau », entre le entrepreneurs, les fournisseurs… surtout que beaucoup ne comprennent pas que s’ils ne sont pas retenus c’est une histoire de budget qui ne colle pas, pas une histoire de personnes.Heureusement que les gros chantier lui avance bien, avec une entreprise de confiance, ça fait toujours des soucis en moins. Le chantier se visite comme l’attraction touristique. Aujourd’hui c’est Kévain, le directeur de l’école primaire Notre Dame qui a accompagné Mayeul, demain c’est Rodrigue, le technicien de la radio qui assure les vacations du matin et du midi, qui nous permettent d’envoyer des messages dans tous les diocèses.

Mon contre temps et surtout l’absence de communication m’agace, mais j’en profite pour recouvrir les livres neufs. Activité passionnante, et qui me fait dégouliner sous le soleil implacable.L’avantage, c’est que je suis à la maison avec Jean Baptiste, à qui je demande mon premier cours de ngambaye. Il a beau dire que c’est simple, c’est assez compliqué.Kar koussa mourou as = le repas est prêtMa maougdou sougdou = je vais au marchéEtc…

Nous avons également la visite d’un tailleur qui travaille à domicile et à qui nous confions la réalisation de gants en mousse pour la cuisine : 700F de matériel, 300F de main d’œuvre.

Ce soir, j’accompagne le coach et le capitaine de l’équipe Coupé Décalé, Moïse, chez Achta. Nous attendons qu’elle essaie de régler ses problèmes avec le Cameroun au téléphone. Sa fille a appelé pour dire qu’il y avait un souci, et depuis impossible de la joindre. Elle suppose que c’est parce qu’elle n’a pas encore payé la dernière tranche des frais de leur collège. C’est vrai que depuis Kélo, ce n’est pas évident, vu qu’il n’y a ni banque, ni agence de transfert d’argent.

Elle songe ainsi à les rapatrier à Kélo, mais se lamente de la mauvaise influence des enfants des rues, insolents et sans respect pour les anciens.Et là, ça m’a clouée sur ma chaise de l’entendre dire ça elle, une femme moderne : elle a ajouté que les petits qui insultent les vieux font ça par ignorance, car ils ne savent pas que ces paroles leur raccourcissent l’existence… Parce que les vieux s’y connaissent en malédictions !Et mes deux basketteurs d’opiner du chef…

Elle accepte donc de les sponsoriser, en rappelant les engagements de chacune des deux parties. Elle aidait une équipe de foot, mais elle a arrêté car ils essayaient de lui soutirer toujours plus. Et comme elle le dit si bien : la maison est grande, mais il ne faut pas croire que je n’ai pas de difficultés. Je ne suis pas une société, juste une commerçante, et il faut accepter que j’ai des hauts et des bas. Il faut vous contenter de ce que je vous donnerai.Les bonnes choses sont dites, rendez-vous est pris sur le terrain !

Ce soir, nous avons Aaron et Emily, les deux américains à dîner. Leur quotidien ne doit pas être évident, les peace corps sont bien plus à la dure que nous, et en plus, ils ont le problème de la langue, car ils parlent assez mal le français. Ils habitent de l’autre côté du lycée, dans une maison en dur, mais sans eau ni électricité. Ils se font la cuisine sur un petit réchaud. Ils sont donc au régime spaghettis…Leurs cours d’anglais au lycée ne les occupent que 16 heures par semaine. Le reste du temps, ils sont chez eux, pour préparer leurs cours et examens, mais aussi coincés par les multiples règlements des peace-corps (par exemple, ils ne peuvent pas utiliser leurs vélos car le règlement les oblige à porter un casque qu’ils ne peuvent pas trouver ici), et par la mauvaise expérience des filles qui les ont précédé. Elles ont eu des soucis car elles sortaient trop souvent, et ont dû quitter Kélo précipitamment. Du coup, ils ont un peu la hantise des rumeurs. D’ailleurs, ce sport local ne se base pas sur grand chose, les gens ne savent rien mais parlent beaucoup. Quand nous les avons croisé au Pili Pili, ils étaient accompagnés par un tchadien qui, en nous désignant, leur a dit « ce sont les français de la mission catholique. Ils sont souvent ici ». Effectivement, on y va au moins une fois par mois !!!En tous cas, le repas de JB leur a bien plu : salade d’épinards, poule et gratin de patates douces, glace mangue-banane…

Mardi 19 avril : du boulot et du chaud

Une journée bien normale…La chaleur est devenue notre ennemi numéro 1. Ce qui est vraiment le plus dur, c’est qu’elle ne nous laisse aucun répit. Nous savons que nous en avons pour 6 mois, sans pause, et sans aucun moyen de lui échapper.Le plus accablant, c’est l’heure du repas, où l’air brûlant que nous respirons nous donne l’impression de suffoquer. Pourtant nous gardons un bon appétit, heureusement !!Les corps commencent à se rebeller, la peau se couvre d’irritations rouges dans les endroits qui sont mouillés 24h/24 par la transpiration. Mayeul a vraiment maigri… Dans quel état va t’on être à la fin de la saison chaude ?!Mais tout le monde souffre de la chaleur. Et quand on voit JB qui s’active dans la cuisine devant le charbon qui chauffe, on admire !

Comme d’habitude pour Mayeul, ce sont les petits chantiers qui lui donnent plus de souci que le gros. Aujourd’hui c’est Christian, le tout jeune curé de Dogou qui

fait des siennes : Mayeul a réussi à présenter un devis qui rentrer dans le budget et qui permet de tout remettre en état. Mais pour cela, il faut que les équipes d’ouvriers soient logées sur place, dans les cases de passage, pour ne pas avoir à payer les déplacements. Ca fait râler Christian, qui veut faire payer les gars qui vont venir bosser pour lui…Quand on sait qu’ils sont logés gratuitement, ça énerve. C’est un peu une manie ici de grapiller sur tout ce qui passe à portée de main. Comme l’autre jour, quand les sœurs ont voulu utiliser les bons d’essence du diocèse pour mettre dans la peinture qui leur servait à rafraîchir leurs murs… Ca commence où la corruption ??

De mon côté, c’est plus tranquille. L’arrivage de tous les livres neufs et d’occasion demande et un bon boulot, que je quitte pour rejoindre mon petit groupe de matheux. Je suis juste interrompue par un groupe de lycéens qui préparent un exposé et ont besoin d’aide pour les aider à trouver les « causes et conséquences de la pollution ». Ils ont l’air de me voir débarquer comme le sauveur, et c’est là où je me rends compte que les professeurs n’ont pas le temps, et qu’à la maison, leurs parents ne sont en général pas en mesure de les aider. Il n’y a pas beaucoup d’interlocuteurs disponibles en face d’eux !

Le soir, nous sommes invités chez la tante de Missisipi (le coordinateur sports et culture du comité des jeunes), chez laquelle il vit, car sa maman est de passage , et nous voulions la saluer. Bonne excuse pour pénétrer dans une famille…Ils habitent une grande concession près du rond point de Pala : une grande cour sans arbre, une case pour la famille, une chambre, et des chambres sur rue qu’ils louent, car le propriétaire de la concession, le cousin de Mississipi, est mort l’année dernière.La maman et la tante sont assises sur la natte. Je suis toujours étonné de voir si peu d’activité à l’heure du repas, mais j’oublie toujours que ce sont maintenant elles qui se reposent, et que le travail est fait par leurs grandes filles. Nous nous asseyons au clair de lune. Les deux femmes n’ont pas été à l’école, et ne parlent pas un mot de français. Notre petit ngambaye ne nous permet pas encore de grandes conversations. Mississipi fait le traducteur : elles regrettent de ne pas pouvoir parler, mais sont très contentes de notre visite.Toutes les sœurs et cousines viennent nous saluer, à la manière d’ici, tendant la main tout en s’inclinant dans une sorte de révérence.Ils nous offrent très gentiment des mangues (la cadette en vend devant le pas de la porte après les avoir acheté au marché), puis nous proposent du thé. Je ne suis pas très partante, mais bon… Finalement, c’est assez délicieux : du thé vert, des feuilles du citronnelle qui donnent un très bon goût et beaucoup de sucre.Nous repartons après avoir chaudement remercié et être resté un bon moment. Mississipi nous dit que nous reviendrons causer plus longuement , parce que là « ça a été un peu brusque »…

Mercredi 20 avril : rien de spécial sauf le temps

Boulot boulot… ce n’est plus la même qu’avant, mais il y a une certaine routine qui se crée aussi, forcément !Sortant acheter quelques fournitures à la librairie Mozart (et recevant du même coup une invitation pour un pari vente que Mme Odile la libraire organise au Pili pili le 30 avril à l’occasion du 1er mai), je tombe sur une jeune femme qui attend avec son enfant sous le boukarou devant chez les sœurs.Elle ne demande rien, ne parle d’ailleurs pas le français, mais je n’ai jamais vu de mes yeux un enfant aussi maigre : gros ventre, des bras et des jambes de la

taille de l’os, des fesses qui pendent, vides. Et le regard, apeuré et hagard. Comme je n’arrive pas à communiquer, je ne sais pas ce qui se passe, mais je retourne illico lui trouver des gâteaux et de l’eau. Quand je reviens, l’enfant avale goulûment une bouillie, je suppose donnée par les sœurs. La dame de l’Unicef que nous avions rencontré nous avait signalé des cas de sous nutrition à Kélo, mais nous n’avions jamais encore croisé ces enfants là, qui t’arrachent le cœur.

Il fait trop chaud pour manger… une chaleur lourde, mais qui laisse progressivement la place à un ciel gris et menaçant. Ce vent est agréable, mais pas moyen d’en profiter : il faut rentrer la lessive en toute hâte et ne pas rester sous les arbres pour cause de risque de chutes de branches mortes.Finalement, il finira par pleuvoir, mais une petite pluie.Mayeul s’acharne sur ses devis pour Dogou essayant de trouver le tour de passe passe qui lui permettrait de tout faire avec les ajouts dans le devis…De mon côté, c’est la réunion du comité des jeunes. Ordre du jour : organisation de la semaine de clôture des activités. J’aurais du m’y attendre, me voilà dans le comité restreint d’organisation : sport, théâtre, tombola et soirée dansante, voilà ma mission.Les élèves ne connaissent même pas la date de la fin des cours. Normalement le bac est fin juin, les autres élèves finissent 15 jours avant. Mais comme cette année, il y a le 06 juin le référendum pour que Mr Idriss Déby puisse changer la constitution et se représenter une troisième fois… la fin des cours sera peut être avancée à la fin mai !Sur le coup, je n’ai pas bien compris le rapport… et je ne comprends pas toujours très bien d’ailleurs ! on a essayé de nous expliquer que c’était parce que beaucoup de professeurs sont politiciens…

Autre sujet perpétuel d’étonnement : la découverte de l’âge des gens. En général, nos estimations sont complètement à côté de la plaque.Sam l’entrepreneur de construction métallique est né en 1976 ! alors que je lui donnais au moins 40 ans.Le directeur de l’école Notre Dame, Kévain, père de 5 enfants et à qui nous donnions au moins 45 ans, a en fait 3 ans de plus que Mayeul.D’une part, les conditions de vie doivent fatiguer plus les corps et tirer les traits du visage, et d’autre part, nous n’intégrons pas toujours que les gens de notre âge sont chefs d’une famille plus que nombreuses, et parfois chefs d’entreprise !

Décidément, nous avons du mal à être à la pointe de l’actualité. RFI se capte vraiment mal, et cette semaine, pas de Monde, ni de Jeune Afrique. Nous apprenons aujourd’hui par hasard, et de la bouche de Nathanaël, le choix du nouveau pape allemand, Benoit XVI. Pour l’instant, l’information est peu commentée ici. Peut être dans les jours suivants ?Mais personne n’avait l’air d’espérer un pape noir en tous cas. En revanche, j’ai perdu mon pari avec la sœur Marie Thérèse.Un partout, Mayeul gagne le sien avec Félicité, passée nous voir, et qui croyait que le Tchad était dans l’hémisphère Sud.Nous avons le passage de Blouze aussi, le cuisinier des gars de Laï. Il revient de voyage. Samedi, comme il n’a pas trouvé d’occasion, il a marché 47km sous le soleil…

Jeudi 21 avril : journée théoriquement chôméeJean Baptiste nous apprend en arrivant que la journée vient d’être décrétée chômée pour cause de fête de naissance du Prophète. Je ne m’habituerai jamais à ces jours fériés du dernier moment ! Tous les élèves se sont déplacés ce matin,

et ont été renvoyés chez eux… Comme nous sommes un peu pris au dépourvu, JB accepte de travailler ce matin et de partir à midi. Avec un emploi du temps de travail, c’est difficile de caser les courses au marché et la préparation du repas.Au point de vue nourriture, avec les chaleurs, nous avons moins de poisson, plus de citron. Nous avons beaucoup de mangues, patates douces, parfois pommes de terre, des tomates, concombres (format grosse balle de tennis), poivrons. Nous mangeons les riz acheté en prévision car son prix est déjà en train d’augmenter. Pour la viande, toujours du poulet, du porc ou du bœuf. Le poulet qu’Emile nous a offert et que nous songions à élever a finalement fini à la casserole dans la journée pour un invité de dernière minute.

Bref… la matinée se passe mieux que prévu pour Mayeul qui devait annoncer ses choix aux différents intervenants du chantier de Dogou. Il a essayé de faire travailler tout le monde, et c’est passé.Ma bête noire à moi en ce moment, ce sont les « pré-séminaristes ». Je crois que cela n’existe plus en France. C’est une école de la mission catholique pour les petits garçons. Ce qui ne veut absolument pas dire que tous seront prêtres, loin de là. Isaac qui y était jusqu’à l’année dernière s’en est fait sortir parce qu’il n’était toujours pas baptisé.Certains se croient un peu chez eux, et viennent faire les insolents au centre culturel. Un par un, ils sont sympas et marrants, mais l’effet de groupe vient pourrir tout ça. Ils passent par dessus le mur du centre et montent dans les arbres, font tomber des feuilles et des branches pour récupérer les mangues. 5 minutes après un bon savon, ils recommencent… Ce genre de petites choses sont montées en épingle quand on n’a dormi que quelques heures à cause de la chaleur, c’est bien ça le problème de ces températures !!Et ça ne s’arrange pas quand je rentre à la maison et que je tombe sur un gars inconnu, lourdement handicapé, qui est en train de réclamer de l’argent à Mayeul. Je n’ai pas le calme nécessaire pour lui parler, je lui sors un cours de morale à 2 francs sur sa propre prise en charge et le gars se braque me disant que je n’étais pas là pour entendre le début de son histoire. Bon, du calme… s’excuser… rattraper le coup.Mayeul me racontera ensuite ce que j’ai raté. L’homme lui a dit que sa copine était repartie à Moundou en lui laissant une maladie, qu’il revenait de l’hôpital où il fallait qu’il paye une ordonnance de 2000F. Il a continué qu’il ne fallait pas qu’il mente devant Mayeul et ne lui laissant pas le temps de réagir, il s’est déculotté. Il paraît que l’infection n’était pas belle à voir et que le gars doit souffrir terriblement…Nous n’avons pas la solution miracle dans ce genre de demande, mais nous essayons plutôt d’aider en nature qu’en argent. Il est donc reparti avec de la bétadine.Lui avait l’air plutôt satisfait. Mais par exemple, il y a un mendiant qui vient de temps en temps et qui nous a bien fait comprendre qu’il préférait l’argent au pain et autres tomates…J’enchaîne au centre handicapés, où j’ai promis à Rimhorbe de l’aide en français. Il a été opéré à Moundou en décembre, et à cause du temps de la rééducation, a raté les deux premiers mois de cours. Je me tape donc de lui ré-expliquer son cours, sur la langue française au travers des âges…Pause… notre nouveau système, une grande natte étalée sous l’arbre, nous permet une sieste non pas fraîche, mais au moins plus aérée qu’à l’intérieur.Cela nous recharge nos batteries pour la suite !Jour chômé donc absence de Tobry que je remplace, ce qui m’empêche d’assister à la réunion de la ligue de basket. Les deux coachs arrivent et se mettent à jouer

aux dames dans la cour. A deux, face à face, ils sont impressionnants… les tables et les bancs ne sont pas tout à fait destinés à des carrures pareilles !Cours d’anglais pour Mayeul, puis fermeture à 19 heures : « Mais Madame, ça ferme à 19h45 normalement ! ». Oui, mais pour un jour férié où j’aurais pu me reposer, je trouve ça déjà pas mal, non ? Je vous jure, les jeunes d’aujourd’hui… !Mayeul aussi enchaîne… puisque je le retrouve à mon retour en cours particulier d’anglais avec Samuel qui prépare toujours son voyage au Nigeria.

Nous dînons ensemble, avec un rôti que JB le prévoyant nous avait laissé et des vraies frites de pomme de terres que nous faisons frire dans l’huile d’arachide. Ca donne un bon goût !Samuel est dans sa forme des grands jours, nous charrient sur le fait que ce soir Mayeul qui me serve mon assiette et pas l’inverse…

Nuit moite… infernale…

Vendredi 22 avril : il fait beau, non ?

Nous sommes tout à fait d’accord, mais la remarque nous surprend. Nous n’avons pas tellement l’habitude de l’entendre pour commenter un ciel gris, du venet et même de la pluie.Mais c’est vrai qu’il fait tellement bon, juste 30°.Ce matin, c’est crèche. Claudine m’accueille en me disant que mes petits sont prêts. Je retrouve les mêmes fripouilles que la semaine dernière, les Ndigi, Sol, Rita, Eric, Firmin… L’hygiène est presque impossible avec si peu d’eau. Les puéricultrices mouchent les enfants à la main, s’essuient sur les poteaux. Un bébé tout nu fait pipi sur une des assistantes. Celle-ci l’essuie mais ne se lave pas les mains.Aujourd’hui, c’est la campagne de vaccination contre la méningite. Comme les parents ont vu les effets des épidémies, il n’y a pas d’opposition au vaccin, contrairement aux autres… Je les vois tous revenir en me montrant fièrement leur bras. Avec le problème de langue, au début je crois qu’ils me montrent des gouttes de pluie sur leur peau, mais je finis par comprendre.Après avoir joué avec eux près de trois heures, je rejoins les puéricultrices et Monique qui sont sur la natte avec les derniers enfants pas encore rentrés.C’est agréable de discuter avec elles. Elles me racontent les histoires des enfants, cette mère lycéenne qui s’est séparée de son mari car il avait trop d’histoires avec des filles et qu’elle ne voulait pas risquer d’avoir le sida… Cette petite qui est là depuis 2 ans et qui est devenue sociable : ses parents enseignants tous les deux, l’ont eue juste après avoir été mutés loin de la famille dans le nord. Quand ils partaient travailler, ils l’enfermaient dans une pièce. A la naissance de son petit frère, elle a failli le tuer tellement elle n’était pas habituée à la présence d’autres enfants…Il y a vraiment un nombre de tragédies incalculables ici. Monique m’explique qu’elle même a été orpheline à 13 ans et que c’est pour cela qu’elle a beaucoup d’affection pour les orphelins et qu’elle essaie de les aider. En discutant, grosse déception : nous apprenons que nous avons l’une comme l’autre donné de l’argent à Pierre, le grand frère de Cali et Issibey, pour payer les écoles et le concours d’entrée en 6ème…Moi je serai d’avis d’aller voir Pierre tout de suite pour éclaircir cela vite fait, mais Monique me dit que ce n’est pas possible, qu’il faut juste que nous soyons plus vigilantes les prochaines fois. Je crois comprendre que nous ne pouvons pas y

aller, car cela signifierait que nous avons parlé ensemble. Peut être que cela ne se dit pas qu’on a aidé telle ou telle personne ??Elle me raconte ses problèmes, les critiques qu’elle endure, alors que la crèche (la deuxième du Tchad sur deux !) est vraiment appréciée. On l’accuse d’avoir monté une structure économique et non sociale. C’est sûr que 200F par jour (et encore tout le monde ne paie pas) pour garder un enfant, le faire jouer et le nourrir, on s’enrichit avec ça !

Au service construction, c’est une fois de plus le bureau des plaintes à propos de Courto.C’est le gars avec qui il bossait, qui était venu bourré sur le chantier des sœurs. Mayeul avait alors demandé à Courto, l’entrepreneur, de faire en sorte qu’il ne revienne plus bourré. Courto l’avait alors renvoyé purement et simplement disant que c’était Mayeul qui voulait ça…La vérité avait été rétablie. Mais ce que Mayeul ne savait pas et que le gars lui apprend aujourd’hui, c’est en fait que c’est lui qui a hébergé Courto à sa sortie de prison et qu’ils avaient alors décidé de faire quelques petits chantiers ensemble et de partager. Ils avaient été ensemble sur le chantier du Lycée, mais comme Courto avait des prétentions de chef de chantier, poste déjà pourvu, ils n’avaient pas été retenus.C’est à ce moment là qu’ils étaient aller voir Mayeul pour la première fois, et qu’ils avaient eu le marché du petit chantier des sœurs. Chantier duquel « l’associé » s’est fait virer par Courto.Il n’a donc pas apprécié le lâchage de Courto, qui se retrouve aujourd’hui, seul, avec le chantier de Dogou. Ce sera son dernier chantier, c’est une personne à histoires ce Courto !Mais le gars n’en veut pas à Mayeul, a bien compris sa position dans l’affaire, et venait juste demander s’il y aurait d’autres chantiers.Aujourd’hui il est sobre et très aimable. Mais d’après ce que nous avons compris, c’est lui qui a traîné Sébastien en justice pour une histoire de CV jeté à la poubelle.Les relations humaines sont vraiment vraiment compliquées ici, et c’est fatigant à gérer !

Ce « beau temps » est vraiment relaxant, reposant, réparateur…Tant mieux pour les deux équipes de basket qui se rencontrent cette après midi, ils auront moins chaud que celles de dimanche.Nous n’avons pas sorti la sono, mais il y a quand même du monde. Tous les enfants, commères en herbe, s’enfuiront tous à un moment donné, alertés par une fumée noire qui s’élève des bâtiments du collège. Je m’affole, mais on me répond qu’il n’y a pas de pompiers et qu’il n’y a rien à faire. Finalement, l’incendie ne durera pas et s’arrêtera de lui même.Le match ne sera plus perturbé, sauf pendant les quelques secondes où toute vie doit s’arrêter pendant la descente des couleurs à la gendarmerie. Je ne sais même pas comment ils ont fait pour entendre le coup de sifflet des gendarmes parmi tous les sifflets des arbitres !!

Samedi 23 avril :

Une journée bien agréable, avec un climat moins agressif, et du temps pour nous. Après avoir nettoyé le centre culturel, j’ai demandé conseil à mon architecte apprenti muséographe, pour essayer de penser les installations de l’exposition prêtée par le centre culturel français de Ndjamena.

15 grands panneaux sur la biodiversité, ce n’est pas évident de leur trouver de la place…

Petit malentendu avec Jean Baptiste. Ici, les paroles sont pleines de sous-entendus, et il y a des choses qui ne doivent pas se dire. Mais pour nous, ça nous complique la compréhension !Hier je lui demandais conseil, disant que nous voudrions apporter un petit cadeau à sa famille qui va nous recevoir dimanche, mais que nous ne savions pas quoi apporter.Au début réticent (ce qu’on donne, on le reçoit ; ce n’est pas possible de faire des propositions), je le rassure, assurant qu’il ne s’agit pas d’une proposition mais d’un conseil pour les ignorants que nous sommes. Nous ne savons pas ce qui manque au village : des cahiers pour les enfants ?Déblocage, JB nous suggère l’achat de sel et de natron. Devant les prix annoncés, nous pensons que pour une première visite, le sel serait suffisant.Mais ce matin, au moment de donner l’argent pour le marché, impossible de se faire comprendre, Jean Baptiste associe toujours le sel et le natron.Pas de remous, mais nous aimerions que les échanges puissent être plus directs que ce que permettent les usages locaux…Du coup, nous répartissons les achats en deux sacs pour les deux familles visitées, gardant du sel à la maison pour de prochains cadeaux !

Après une bonne sieste sur la natte à l’ombre du tamarinier, Mayeul part au marché en quête de Courto : il devait venir signer le marché jeudi mais est introuvable depuis, et le chantier de Dogou doit commencer lundi…Nous repartons ensemble voir Babou le tailleur et lui passer de nouvelles commandes (au moins une taille en moins par rapport à la France), mais toujours pas de Courto en vue.Je me remets à mon rapport d’activité du centre, à destination de l’association Ici Kélo ici le Tchad, fondée par les parents de Charlotte et Sébastien. Voilà Kévain qui arrive, mon lycéen relieur de livres, qui se débrouille pas mal du tout. Il me fait remarquer que mon mari est très accueillant, très gentil avec les « enfants ». Je suis toujours surprise par cette appellation qui comprend des jeunes de 18 ans !En face de moi, Mayeul donne un cours d’utilisation de l’appareil photo à Jean Baptiste. Celui ci proposait de l’emporter pour faire des photos demain. Mais comme nous n’osons pas toujours en prendre, ce sera plus simple si c’est lui qui opère.La bonne ambiance entre nous est revenue, il y a dans l’air une petite excitation pré-voyage… La voiture a été lavée et bichonnée, espérons qu’elle ne va pas nous lâcher en cours de route…

Dimanche 24 avril : en famille et en route

Nous avons rendez vous à 7 heures avec la famille Tarndoloum, toute prête devant le pas de sa porte, les enfants sautent de joie. Seule Mariette, qui a été désignée pour garder la maison, n’a pas l’air très heureuse de cette sortie.Juliette avec le petit Sébastien à l’avant avec Mayeul, tout le reste de ce petit monde à l’arrière du pick-up sur une natte. Bien sûr tous les échanges se font en ngambaye, ce qui me met un peu à l’écart, mais les sourires et les jeux avec les petits rattrapent un peu le coup.Jean Baptiste se transforme en conférencier et me commente tous les villages traversés : celui là, c’est le village des parents de Cali et Issibey, la tombe sur le

côté avec un drapeau tchadien, c’est celle de leur grand père, ancien chef du village ; ailleurs il me fait remarquer toutes ces herbes qui ont poussé après les première petites pluies des derniers jours.En tous cas la piste est mauvaise, dés la sortie de Kélo. Séraphin, debout à l’arrière, s’amuse comme un petit fou et trouve que Mayeul va plus vite que Sébastien.L’inconvénient, c’est que le petit Christian qui était assis sur mes genoux ne supporte pas très bien toutes ces bosses et finit par me vomir dessus…Nous arrivons à Bao, à 47 km de Kélo, après une heure et quart de piste fatigante. Nous sommes en retard sur l’horaire, mais passons d’abord saluer le chef de canton, auquel Jean Baptiste présente « ses étrangers ».Le chef, qui a une carrure de chef, et une formation de vétérinaire nous explique trop brièvement son rôle, que nous ne comprenons pas très concrètement. Le préfet s’occupe de l’administratif, et lui, chef coutumier, dont le père était chef avant lui, s’occupe des valeurs traditionnelles.Nous prenons congé de lui pour aller à la messe. Arrivée très discrète en voiture, tous les regards se braquant sur nous. J’étais gênée d’arriver si tard, presque une heure après le début, mais quand j’ai vu que ça allait durer encore deux heures, ça m’a déculpabilisée… Nous commençons à avoir du mal avec ses cérémonies à rallonge, d’autant que tout est dit en ngambaye ici. C’est la journée des vocations, et en guise d’homélie, 4 bavards vont prendre la parole pour témoigner : un moine, une religieuse et un couple. Visiblement la femme a beaucoup de succès et fait réagir l’assemblée. On nous expliquera après qu’elle a raconté comment elle a lutté contre la polygamie…JB voudra nous présenter à la tribune après les annonces, pour « expliquer pourquoi des blancs descendent parmi des noirs », mais cela fait déjà deux heures que les gamins ont les yeux fixés sur nous, et nous n’avons pas le courage pour cette épreuve !A la sortie, nous allons saluer le prêtre, un jeune nigérian (contrairement au Tchad, il y a beaucoup de prêtres au Nigeria, et ceux-ci sont souvent appelés en renfort chez leur voisin). Leur installation est confortable, mais plus sommaire qu’en ville. Déjà, il n’y a pas l’eau courante. Mais, il y a la télévision, où nous voyons les premières images de Benoît XVI. Autant la mort de Jean Paul II a été beaucoup commentée ici, autant son successeurs engendre le silence. Je crois que son âge et le courant qu’il représente ont un peu déçu.Nous les quittons pour aller saluer la famille de Juliette. On s’accroche pour comprendre les liens de parenté, mais un père qui a trois femmes et « trente et quelques » enfants, on déclare rapidement forfait !Son père est chef de quartier et possède une grande concession ouverte autour de grand manguiers à l’ombre fraîche. Plusieurs cases rectangulaires dispersées accueillent les différentes femmes et leurs enfants.Nous sommes toujours un peu décontenancés par les coutumes : après avoir salué tout le monde, nous sommes invités à nous asseoir sur des fauteuils. Le reste de la famille s’asseoit derrière nous sur des sièges ou des nattes, et nous tournons ainsi le dos à tout le monde… Seul Jean Baptiste est assis à côté et nous réexplique les incompréhensibles liens familiaux.Il y a donc assez peu d’échanges. Ce sera plus facile quand nous arriverons à sortir un peu plus que quelques mots en langue. Nous procédons à la remise du cadeau que nous remettons à la maman de Juliette. Celle ci va ranger le sel, puis revient nous saluer à la manière traditionnelle dans une espèce de révérence.Nous sommes carrément déçus par la suite du programme, nous avions en effet compris que nous partagerions le repas avec eux. En fait, JB avait bien laissé de l’argent pour la préparation du repas, mais les sœurs de la mission ont insisté

pour nous avoir à déjeuner. Nous mangerons malgré tout une boule de mil, mais quitte à venir en brousse, nous aurions de loin préféré rester avec la famille.L’ambiance est sympa entre la sœur, le curé, un séminariste, et les 4 témoins de ce matin, ainsi que Jean Baptiste. Boule de mil (pas la meilleure…), sauce gombo, boulettes de viande, haricots, épinards avec arachide, suivis des inévitables mais non moins délicieuses mangues !

Nous récupérons le reste de la famille chez Juliette et reprenons la route vers Besseye II, le village des parents de Jean Baptiste à 15 km de Bao.C’est beaucoup plus petit, Besseye n’a pas le statut de sous préfecture comme Bao. La concession des parents est au bout du bout du village. Une très belle concession, mais… vide. Nous attendons sous le manguier, et des voisins affluent pour saluer et nous informer que les parents sont à une place mortuaire. Nous repartons donc bredouilles, et nous arrêtons à la place mortuaire pour essayer d’y trouver les parents de Jean Baptiste. Mayeul et moi les laissons partir ne voulant pas perturber la cérémonie.Les anciens viendront à nous, tous en pseudo uniformes de militaires, et portant à la main des bois sculptés en forme de fusils… JB nous présentera à un vieux, et nous comprendrons bien plus tard qu’il s’agissait de son père. Très accueillant, et ardent défenseur de la monogamie d’après son fils !Juliette revient du deuil, le visage en larmes. Je n’arrive pas très bien à saisir si c’est une vraie peine ou si elle a joué le rôle de « pleureuse ». Je pense que c’était une peine sincère, le défunt était son cousin, marié à 3 femmes et père de nombreux enfants, mais la vie reprend rapidement le dessus, et trente secondes plus tard elle retrouve sa gouaille qui fait marre toute la voiture (enfin les ngambayophones…).Retour vers Kélo, avec arrêt de salutation chez les parents de Juliette où un poulet nous est remis : le père vient me le remettre, je cherche une seconde à esquiver, mais je suis bien obligée d’attraper pour la première fois de ma vie un poulet vivant à pleine main. Ah la la, j’étais plus à l’aise dans les rayons du supermarché pour choisir un poulet sans goût mais sous cellophane !Adieux plus chaleureux que ce matin, puis nouvelle halte chez le chef de canton, qui lui nous remet… un canard !Autant vous dire qu’au retour, j’aurais bien pris de photos depuis l’arrière du pick-up, mais j’étais un peur trop occupée entre les bosses, le bec du canard à ma droite et celui de la poule à ma gauche…C’est fou comme ces trajets cahotants sont épuisants, nous arrivons à Kélo sur les rotules. Nous redéposons la famille de Jean Baptiste à la maison, puis nous nous traînons chez nous. Le repos ne sera pas pour tout de suite : Mayeul nous partir à la recherche de son entrepreneur invisible pour le chantier qui commence demain, et moi (mais je suis coupable) je dois gérer le retour du matériel après le match de basket. Heureusement que Samuel était là en début d’après midi avec la clé, parce que j’avais complètement oublié qu’il fallait sortir les ballons et les bancs…Un petit passage de la sœur Colette qui vient nous avertir de la visite rapide de l’évêque demain, qui voudrait soumettre un projet de chapelle à Mayeul.Voilà, une fois la basse cour installé, nous sommes enfin seuls, malheureusement, après quelques jours d’accalmie, il fait à nouveau très lourd.En revanche, le ciel va exploser en milieu de nuit, avec un vent, et une pluie forte et durable. C’est la première fois que nous trouvons des flaques d’eau au réveil !

Lundi 25 avril : les débuts mouvementés du chantier de Dogou

Mayeul part à l’aube faire le point avec les fournisseurs de sable et de ciment. Il trouve enfin Laurent et obtient l’information sur l’heure de livraison. Toujours pas de Courto en vue. Sans entrepreneur, le chantier va avoir du mal à démarrer.Autre crainte : qu’il n’ait entrepris dans son coin de faire livrer du sable. Comme cela fait maintenant plusieurs jours que Mayeul ne l’a pas vu, les dernières informations n’ont pas pu circuler. Pas évident sans téléphone !

En revanche, Mathieu revient de Ndjamena, et le chantier un peu bloqué en attente de la livraison des bois de coffrage va redémarrer à plein.Le temps clément leur est propice pour le coulage de la dalle du premier étage, il faut en profiter !

De mon côté, j’attends Henri avec qui je dois aller voir l’imam Oumar pour la préparation de la conférence débat de demain.Miracle, il est là et nous reçoit dans sa librairie. Ca commence bien, il refuse de me serrer la main… et nous explique qu’il y a plusieurs branches dans l’islam, et que lui ne serre pas la main des femmes. OK…Finalement, ça ne s’annonce pas trop mal, il souhaite comme nous aider les jeunes à progresser dans la connaissance pour éviter l’intolérance.En revanche, comme il ne se sent pas de faire un exposé en français, il l’a préparé en arabe et c’est une autre personne qui va le lire demain, celle qui avait fait l’exposé un peu extrémiste au CLAC l’autre jour.Heureusement Henri était présent et servira de modérateur.

La pluie de cette nuit a laissé des traces en ville, certaines rues deviennent déjà peu praticables à cause des mares d’eau boueuses. Deuxième signe de fin de saison : le prix des mangues a atteint son plancher et est reparti à la hausse…

Mayeul revient de Dogou, le sable et le ciment y sont livrés. Laurent, le fournisseur de sable, qui avait presque harcelé Mayeul, se présentant comme membre de la paroisse, le « repas devant se partager en famille », a été odieux comme d’habitude, faisant la tête parce qu’il n’a pas eu plus de marché, parce que Mayeul lui fait remarquer que ce n’est pas normal que ce soit à lui de payer les gars qui ont déchargé la livraison, etc…Tout devrait lui être du parce que nous sommes dans la même communauté religieuse !Bref, difficile de faire passer que les affaires sont les affaires.

Mardi 26 avril : essayer de faire passer un message de tolérance

Nous filons en fin de matinée vers Baktchoro, laissant JB acheter les sékos pour installer notre nouvelle basse cour. Hier poupoule a pondu son premier œuf ici !Un grand moment d’émotion.A Baktchoro, nous faisons connaissance de Carmen, que nous avions raté lors de nos précédents passages car elle se faisait soigner en Espagne. Très sympa, nous sommes invités à déjeuner (faut dire que quand on arrive à midi…) avec leur « générale » espagnole, de passage dans leur communauté.Autour du boule de riz, nous échangeons nos impressions sur … la chaleur, qui est vraiment le sujet de conversation n°1 ici !!Nous sommes venus d’une part pour recueillir leurs idées de projets à faire financer par l’association Ici Kélo ici le Tchad, et d’autre part pour Mayeul, faire un relevé de la chapelle pour arriver à estimer des travaux dont le but serait de diminuer la chaleur intenable à l’intérieur du bâtiment.

Mayeul part ensuite visiter son grand chantier qui est reparti de plus belle, le coffrage des grands poteaux ayant commencé.Au centre culturel, c’est la conférence débat avec l’abbé Henri et l’imam Oumar. Leurs exposés mutuels sont intéressants, clairs et ouverts. J’apprends pleins de choses sur l’islam. Par exemple, je ne connaissais pas leur croyances fortes en les anges : plus de 10 par personne, et au minimum et en permanence, un pour écrire ce qu’on fait de bien, et un pour écrire ce qu’on fait de mal. D’autres anges sont là pour la pluie, la mort, les fœtus…Je ne connaissais pas non plus ces concepts de mal volontaire et de mal involontaire.Le débat commence, plutôt calme au début…Le ton monte quand l’imam Oumar fait intervenir son collègue qui avait fait la conférence au CLAC l’autre jour. Son ton est plus agressif et il joue les érudits en balançant à la tête des gens des versets entiers de la Bible.Du coup, les questions de l’assemblée se font plus dures : pourquoi se converti-on à l’islam pour des question d’argent ou pourquoi portez vous de couteaux, ou côté musulman : ce que vous dites est faux, vous ne détenez pas la vérité.Avec Henri et Oumar, nous avons martelé le message : nous ne sommes pas là pour vous convertir mais pour faire progresser la connaissance et la tolérance. L’ambiance est restée courtoise et j’espère que certaines choses sont passées. Mais l’orgueil ou la supériorité de certains musulmans du public sont assez insupportables !C’est vraiment un sujet sensible, mais il faut en parler de manière posée et calme.J’espère que la conférence au CLAC prévue la semaine prochaine avec le jeune énervé comme intervenant (Que dit l’Islam de Jésus Christ ?) ne sera pas d’une tonalité opposée…Effectivement, « l’africain est un homme religieux »… Un jeune du public a pris la parole en disant qu’il ne savait pas quelle religion choisir, et ce paganisme bon teint a effrayé tout le monde !

A la maison, je retrouve le trio du chantier : Mayeul, Bédoum et Tap…Grande nouvelle : la poule a pondu un deuxième œuf !JB ne veut pas nous croire qu’une poule peut pondre sans coq. Il est persuadé qu’elle pond parce qu’elle s’est « activée » avant d’être emportée à Kélo.On va lui démontrer par a+b…Un peu d’élevage d’accord, mais de là à être réveillés toutes les nuits par un coq, très peu pour nous !Je n’aurais jamais cru que j’élèverais des poules un jour… élevées en plein air, nourries au bon mil du pays !

Mercredi 27 avril : première grosse pluie

Enfin, nous on appelle ça grosse pluie, mais il paraît que ce n’est rien à côté de ce qui nous attend au mois de juillet et août. C’est quand même bien impressionnant, des gouttes énormes qui font un bruit d’enfer sur les tôles, une terre bien sèche qui ne peut plus rien absorber, des flaques énormes, et surtout des fenêtres sans vitres et des toits non étanches qui font que l’eau rentre partout, au centre culturel comme à la maison.Ca fait le bonheur des enfants, en particulier des « enfants des rues », qui plongent à plat ventre dans les flaques boueuses comme à l’aquaboulevard.Ca perturbe un peu les activités, la cour du centre culturel étant impraticable pendant les pluies et le temps que ça sèche. Je commence un groupe de maths,

mais nous l’interrompons à la nuit car le ciel se fait menaçant, jaune et orange, et les jeunes veulent rentrer chez eux avant l’orage.

A la maison, nos nattes sont trempées, tit’poule et gros coincoin ont les plumes qui dégoulinent. Tout prend un aspect différent, plus sale. Les arbres ont perdu leurs feuilles et quelques branches dans la tempête, les déchets et les sacs plastiques en ont profité pour se balader partout…

Mayeul sur le chantier croise un Mathieu affecté par les soucis : la livraison du bois a encore du retard, il n’y a plus de planches de 6 mètres dans tout le pays, et pas non plus à Garoua, ville frontalière du Cameroun. Du coup, ils vont boire un verre ensemble, histoire de crever l’abcès. Les ouvriers lui créent aussi des problèmes : ils ont voulu être payés à la quinzaine, OK, Mathieu s’est arrangé, malgré le découvert que cela lui impose. Mais maintenant ils trouvent que ça ne fait plus beaucoup d’argent à la fin du mois… Logique ! Mais ils vont colporter au quartier des bruits comme quoi ils sont mal payés sur le chantier et viennent prendre le curé à partie… Les bruits qui courent sont vraiment un fléau.Et puis, Mathieu doit se rendre à Paris pour recevoir un trophée (liée aux réalisations qu’il a effectué pour les « Eperviers », les militaires français en poste à Ndjamena), ce qui lui donne d’autres préoccupations à gérer… Pauvre Mathieu !Les postes à responsabilité ne sont pas évidents au quotidien, personne ne fait de quartier.

Le soir, c’est Bédoum que nous avons à la maison, d’abord pour le cours d’Autocad (toujours la souris à deux mains…), puis pour une dégustation de crêpes sauce JB !Le ciel s’est calmé, mais nous dormirons à l’intérieur pour la première fois depuis longtemps, pour ne pas avoir à déménager à l’abri en cas de pluie.

Jeudi 28 avril : bestiaire en folie

Nous croyons avoir pris l’habitude d’un réveil matinal, mais à l’intérieur, sans le soleil et avec des bruits atténués, on se réveille à 7h30 : Théophile, le garagiste de Laï, a déjà ouvert le capot de la 504 pour arranger le filtre à air, et Jean Baptiste arrivera dans la foulée…Tit’poule et Groscoincoin sont maintenant bien installés dans leur maison, il y a même un bassine piscine, de quoi faire rêver les humains de la maison !En revanche, ce qui est moins agréable et même franchement horrible, ce sont les tonnes de bestioles grimpantes ou volantes qui ont fait leur apparition aujourd’hui, après les pluies d’hier. Nous sommes envahis par les termites sauvages, les hannetons, les grenouilles et plein de mini trucs qui se fichent royalement des moustiquaires aux portes et fenêtres. Les termites sauvages perdent leurs ailes et on trouve partout des tapis d’ailes blanches…

Côté boulot, le chantier de Dogou commence sur le site, les échafaudages ayant finis d’être préparés à Kélo. Mais l’entreprise qui a construit ça a vraiment fait un mauvais boulot, et Christian et Nathanaël qui y vivent découvrent des mauvaises surprises presque tous les jours. Dire que ce sont les mêmes qui travaillent en ce moment sur le chantier de l’hôpital de Donou Manga… Renseignements pris, le système de garanties pour le bâtiment n’existe pas ici, alors une décennale, ce n’est pas la peine d’y penser !!

Moi je prépare un carton de livres scolaires pour un collège communautaire qui se crée à Sania dans le village d’Henri. Si je peux vendre des « surplus » à des prix défiants toute concurrence, chacun peut y trouver son comptant.

L’après midi, le gars qui avait une IST revient, guéri, pour remercier Mayeul de son aide. Je l’introduis donc avant de filer au centre pour l’aide aux devoirs. OK c’est pour remercier, mais il s’avère que ce sera surtout pour demander encore de l’aide pour changer ses roues de fauteuil roulant. Mayeul finit par accepter de lui donner 1500F en échange de jardinage, même si cette tâche est normalement assurée par Jean Baptiste. Et là le gars dit que bon quand il viendra travailler, il faudra lui donner de l’argent pour manger. Il en faut beaucoup pour énerver Mayeul, mais là, ça a été la goutte d’eau, il lui a demandé de partir avec ses 1500F et de ne jamais revenir.Toutes ces sollicitations qui sont « dues » sont vraiment épuisantes. Cet après midi, je traversais la cour du centre avec des stylos que venaient de me remettre Etienne pour Bologo. Un jeune est venu se planter en face de moi en me disant le célèbre « donne moi le stylo ». Le fait que j’explique que ces stylos étaient à Bologo n’ont pas convaincu « un peu de clémence »…Pour finir la journée en morale… une réunion de la ligue de basket car une équipe veut se retirer du championnat : l’arbitre, prof au lycée, aurait menacé une équipe de sanctions si elle ne retirait pas un joueur, élève avec lequel il aurait des problèmes. Nguetto est parfait dans son rôle de président. Tout un discours sur le fair play et les bons comportements à tenir sur le terrain. Et bien ça passe !Le grand capitaine rebelle est tombé d’accord, l’équipe sponsorisée par Ciné Village continue.

Autre sujet où nous nous apercevons que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. J’ai appris que Tobry proposait de faire payer 250F les charges de téléphone portables à la bibliothèque le soir.En en discutant avec Samuel, lui trouve ça normal, ce sont les « à côté » qui permettent de se débrouiller pour vivre.Mais là en l’occurrence, c’est le centre culturel qui paye l’électricité et s’il y a retour dessus, ce serait juste que ce soit vers le centre. Mais Samuel ne comprend pas…

Vendredi 29 avril : Bologo et basket

Mayeul reprend une phase conception, avec un projet de chapelle pour le séminaire de Laï. Table et dessin puis image de synthèse, comme au bon vieux temps !Pour moi, c’est ma matinée bébés… Sur le chemin, je croise Florence, enceinte jusqu’aux yeux et qui s’occupe toujours de son groupement de filles mères. Elles préparent pour demain la journée de mobilisation sociale avec les associations de lutte contre le sida.Elle me demande ensuite des nouvelles de notre jardin.Comme je suis un peu étonnée, elle m’apprend qu’Emile, qui passe régulièrement chez elle, leur a dit que nous l’avions embauché pour faire notre jardin…Elle me raconte qu’il s’est un peu brouillé avec eux, car il est venu demander la main de la jeune tante qui est venue du village aider Florence à s’occuper des petits.Il lui aurait promis un vélo, une moto, puis même un voyage au Nigéria où ils auraient acheté une voiture, comme ça elle aurait pu devenir son chauffeur. Et puis elle aurait des beaux habits et des bijoux…

Pauvre Emile !Il fait de la survie au quotidien pour trouver de quoi manger pour lui et sa fille…

C’est sympa cette pause à la crèche avec toutes ces petites bouilles éveillées et ça me change de mes jeunes. Je m’entends bien avec Claudine, la « jardinière d’enfants », on fait une bonne équipe. J’explique les jeux ou les animations et elle traduit. J’enrichis ainsi mon vocabulaire ngambaye de : chien, chat, poisson…Manque de chance, je suis repérée dans ma « planque » par Missisipi qui vient me voir pour régler le problème du panneau de basket qui s’est encore dessoudé. Je salue mes petiots, les N’digui, Sol, Dingam, Daossoum, Naomi, Djibo … et retourne au terrain.

La 504 me chope au passage pour aller faire un saut à Bologo. L’association Ici Kélo ici le Tchad demande une liste de propositions de projets, et après Baktchoro, c’est au tour de Bologo.Nous prenons les mesures pour un aménagement extérieur de la bibliothèque toute neuve, mais toujours pas en activité. Le départ brusque du curé, Moumine, pour Baktchoro, a laissé les autres un peu démunis. Le nigérian Anthony et la sœur Rita, n’ont pas vraiment le temps de se saisir du problème. Ils vont essayer de nettoyer, et me referont signe pour que je passe une journée avec eux pour installer et lancer la bibli.La communication est un vrai problème… Moumine est parti sans rien dire, et maintenant qu’il est à Baktchoro, les communications entre les deux villages sont ardues !Anthony nous invite à déjeuner ( nous et notre manière d’arriver à midi !), après avoir profité de la présence de Mayeul pour lui montrer des fuites d’eau par les fenêtres…Nous étions un peu gênés car la table et le repas était préparé pour lui seul, mais visiblement, Dieudonné le cuisinier aime les larges portions !

Retour à Kélo, sur le chantier du collège pour Mayeul, au terrain de basket puis au tableau de maths pour moi…Nous avons la visite de Bienvenue, avec qui nous avions passé les 31 décembre à Pala et que j’avais croisé à Ndjamena la dernière fois.Comme elle fait le pont du 2 mai, elle arrive de la capitale et fait une pause avant de reprendre l’occasion du marché pour Pala.

Je quitte ensuite pour aller voir le Dr Claver, enfin revenu de Ndjamena, afin de mettre au point avec lui la venue de notre petite cousine en école de sage femme ! Malheureusement, il n’est pas payé depuis 6 mois (il a un statut de volontaire des Nations Unies) et envisage de mettre fin à son contrat fin juin, plus tôt que prévu. Il faut maintenant nous tourner vers le MCD (médecin chef de district)…

Samedi 30 avril : Laï en 504, hé oui !

Comme quoi, tout arrive !Nous partons sans problème, passant par chez Tab (en fait, c’est Tab et pas Tap…) pour emmener avec nous deux de ses tantes qui voyagent à Béré.Nous avions peur de trouver une route à nouveau défoncée après les premières pluies, mais malgré quelques nouveaux trous, dans l’ensemble, ça reste très correct. Il n’y a que les petits ponts en arrivant vers le Logone qui sont de plus en plus défoncés avec des clous qui se dressent sur les bouts de planches qui restent.

Le bac ne marche pas… nous laissons la voiture au bord du fleuve et traversons en pirogue. Le fleuve est tout petit à cette époque, et nous avons plus à marcher qu’avant pour rejoindre la maison des garçons. Heureusement, les enfants de Blouze nous repèrent de loin et viennent nous aider à porter les sacs et autres colis pour la radio.Ambroise est revenu de son séjour en France, mais est encore à Ndjamena, il n’y a donc que Jérémie, qui s’est occupé de la radio en son absence, et Bertrand.Nos séjours à Laï sont très rodés : passage à la procure, opérations bancaires et discussion avec Rosanna. Rendez vous pour Mayeul avec Colette pour le chantier de Bayaka. Passage à la radio pour nos transferts internet, grâce à Outlook express qui a révolutionné notre vie.C’est toujours intéressant de passer un petit temps à la radio, de les voir préparer une émission, puis la diffuser le soir. Aujourd’hui c’est Sport plus sur le tennis, avec une interview de Yannick Noah que Jérémie a chopé sur internet…Le temps est couvert et le fleuve tout petit, ça donne moins d’envies de baignades que la dernière fois.Après avoir dégusté toutes les bonnes choses d’ici (des brochettes de poisson aux épices de Blouze, et des nouveaux parfums de Foster Clarks (genre de Tang) rapportés de Ndjamena, ananas coco…), nous partons pour un pari vente au bar Renaissance où sont invités les garçons.Nous étions invités à celui de la libraire de Kélo organisé au Pili Pili, donc c’est sympa d’aller à un autre ici.Le principe est simple : les organisateurs (ce soir, 3 filles du lycée que connaissent les garçons) invitent de gens à se retrouver dans un bar, de 10h du matin à l’aube. Normalement, les boissons sont un peu plus chères, mais il y a à manger gratuitement (poisson quand c’est pari-poisson ou poulet quand c’est pari-poulet…). Sauf qu’il n’y en a jamais beaucoup et qu’après midi, les casseroles sont vides. Quand on vient le soir, on paye donc plus cher les boissons sans nourriture, mais en général, c’est aussi parce qu’il y a un effort côté ambiance et musique.Mais ce soir, c’est un peu raté, le son est quinze fois trop fort et manque de faire exploser les amplis, et l’électricité est souvent coupée. Les filles que connaissent Jérémie et Bertrand sont occupées par l’organisation et nous sommes donc un peu seuls…Bref, nous retournerons nous coucher plus tôt que prévu !