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Des joies et des peines !Cette fin d’année 2015 aura été particulièrement sanglante pour l’humanité en général et l’Afrique en particulier. Outre les « tueurs classiques » que sont le paludisme, le VIH-Sida et la famine, le terrorisme est venu allonger la liste des morts sur le continent. Le Niger, le Tchad et la Tunisie ont rejoint le cercle immonde des Etats ciblés par les groupes terroristes. Un cercle dans lequel on retrouvait déjà la Libye, le Mali, l’Algérie, le Nigeria et le Cameroun. C’est dire que la mort rôde sur le continent. Pourquoi cette récurrence du terrorisme en Afrique ? Tentative de réponse dans cette édition du Journal de l’Afrique (JDA).Tranchant avec les peines imposées par les terroristes, le Burkina Faso vient d’écrire une nouvelle page de son histoire politique en organisant le 29 novembre 2015 une élection présidentielle à l’issue de laquelle Rock Marc Christian Kaboré a été déclaré élu. L’homme est certes un ancien Premier ministre de Blaise Compaoré, mais il a dû rompre avec son mentor pour solliciter les suffrages des Burkinabè. Le nouveau président sait qu’il doit désormais se mettre au service du peuple pour ne pas se voir chasser du pouvoir par les Burkinabè résolument prêts à défendre leurs intérêts. Ainsi, après un quart de siècle, les électeurs du Burkina Faso ont participé à une élection dont le vainqueur n’était pas connu d’avance. Un motif de fierté pour les Burkinabè et un exemple à suivre par d’autres Africains qui doivent se mobiliser pour ne plus subir les régimes sans fin.Au cours de cette année 2015 qui tire inexorablement vers la fin, un combattant de la liberté ayant consacré sa vie à l’Afrique a tiré sa révérence. René Vautier nous a quittés le 4 janvier. Le JDA rend hommage à ce cinéaste qui a porté la brutalité coloniale française en Algérie à l’attention du public.

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Le Journal de l’Afrique N°16. Décembre 2015

Sommaire

Editorial : Des joies et des peines !

Carlos Sielenou & Olivier A. Ndenkop

La vidéo du mois de novembre

Burkina-Faso : Les défis qui attendent le nouveau président

Sarkozy, BHL et l’OTAN sont responsables des attaques terroristes enTunisie et au Mali

Par Olivier Atemsing Ndenkop

Le cerveau de l’attaque terroriste de Bamako Mokhtar Belmokhtar: un«agent» des services secrets parrainé par la CIA?

Par Michel Chossudovsky

Suez 1956 ou le glas de la présence coloniale franco-britannique au Moyen orient

Par René Naba

Côte d’Ivoire : Ouattara président par une majorité dérivée de laminorité

Par Dr Ahoua Don Mello

Le Journal de l’Afrique rend hommage à René Vautier (1/4)

Par Olivier Bitoun

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Editorial

Des joies et des peines !

Cette fin d’année 2015 aura été particulièrement sanglante pour l’humanité en général etl’Afrique en particulier. Outre les « tueurs classiques » que sont le paludisme, le VIH-Sidaet la famine, le terrorisme est venu allonger la liste des morts sur le continent. Le Niger,le Tchad et la Tunisie ont rejoint le cercle infernal des Etats ciblés par les groupesterroristes. Un cercle dans lequel on retrouvait déjà la Libye, le Mali, l’Algérie, le Nigeriaet le Cameroun. C’est dire que la mort rôde sur le continent. Pourquoi cette récurrencedu terrorisme en Afrique ? Tentative de réponse dans cette édition du Journal del’Afrique (JDA).

Se démarquant d’avec les peines imposées par les terroristes, le Burkina Faso vientd’écrire une nouvelle page de son histoire politique en organisant le 29 novembre 2015une élection présidentielle à l’issue de laquelle Rock Marc Christian Kaboré a été déclarévainqueur. L’homme est certes un ancien Premier Ministre de Blaise Compaoré mais il adû rompre avec son mentor pour solliciter les suffrages des Burkinabè. Le nouveauPrésident sait qu’il doit désormais se mettre au service du peuple pour ne pas se voirchasser du pouvoir par les Burkinabè résolument prêts à défendre leurs intérêts. Ainsi,après un quart de siècle, les électeurs du Burkina Faso ont participé à une élection dontle vainqueur n’était pas connu d’avance. Un motif de fierté pour les Burkinabè et unexemple à suivre par d’autres Africains qui doivent se mobiliser pour ne plus subir lesrégimes sans fin.

Au cours de cette année 2015 qui tire inexorablement vers la fin, un combattant de laliberté ayant consacré sa vie à l’Afrique a tiré sa révérence. René Vautier nous a quittés le4 janvier. Le JDA rend hommage à ce cinéaste qui a porté la brutalité coloniale françaiseen Algérie à l’attention du public.

Carlos Sielenou & Olivier A. Ndenkop

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La vidéo du mois de novembre

Intervention de Aziz Fall, Coordonnateur de la Campagne internationale Justice pourSankara au congrès panafricain de Munich en faveur de la construction étatiquepanafricaine

Pour accéder à la vidéo, cliquez sur le lien : http://youtu.be/eSihIKbvc7w

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Les défis qui attendent le nouveau président du FasoElu avec 53,49 % Roch Marc Christian Kaboré a certes, la confiance du peupleburkinabé. Mais pour autant passera-t-il par perte et profit toutes ses annéespassées auprès de son mentor Blaise Compaoré ?

Par Simplice Allard

Le nouvel élu du peuple burkinabé doit son ascension fulgurante à l'ancien président duFaso. Que serait-il devenu sans le parrainage de ce dernier ? Pour certains observateurs,Roch Marc Christian Kaboré n'aurait pas eu ce parcours exemplaire si Blaise Compaoréne l'avait pas pris sous ses ailes. En effet, ce dernier lui accorda son amitié et surtout saconfiance malgré les ambitions politiques affichées et la concurrence très féroce quirégnait au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) crée par l'ex-chef del'Etat burkinabé.

L'ancien président vit depuis sa chute en Côte d'Ivoire voisine. Le régime d'Abidjan quin'aurait jamais existé sans le soutien de l'ancien pouvoir burkinabé, a dû faire des mainset des pieds pour renvoyer l'ascenseur à Blaise Compaoré en lui offrant protection, giteet couvert. Au moment où tout semblait possible, le pire n'étant pas écarté en octobre2014 dès lors que le peuple du Faso fulminait de rage contre le dictateur. Ce mêmepeuple burkinabé qui a chassé Blaise Compaoré n'est pas oublieux des dramesantérieurs. Il y a l'affaire Sankara. Le capitaine qui a dirigé la révolution burkinabé a étéassassiné dans des conditions qui restent à être élucidées.

Le Conseil national de la transition va bientôt passer la main au nouvel élu sans avoirtrouvé un début de piste. C'est dire que le dossier reste entier. Mais aussi et surtout lesdeux dossiers les plus récents et les plus sensibles du fait des implications despuissances étrangères. Le coup d'État manqué du 16 septembre 2015 dont les enquêtesincriminent deux anciens proches de Blaise Compaoré, à savoir les Généraux GilbertDiendéré et Djibril Bassolé. Le premier était à la tête du putsch manqué au cours duquelses éléments du Rsp avaient pris en otage tout le gouvernement de la Transition réuni enconseil des ministres, y compris le président Michel Kafando et le Premier ministre IsaacYacouba Zida.

Les deux hommes impliqués sont emprisonnés et les résultats de l'enquête pointent undoigt accusateur sur le président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. Une fuitetéléphonique laisse entendre la voix de Soro Guillaume s'entretenir avec Djibril Bassolé,le premier promet d'apporter son soutien financier, logistique et militaire au secondsensé lui envoyer "quelqu'un" pour les réceptionner. Au cours de la perquisition menéepar le tribunal militaire au domicile ouagalais de Soro Guillaume, des gilets par balles,des minutions, de l'argent et des lingots d'or, sont trouvés par les enquêteurs. La maisonest d'abord mise sous séquestre judiciaire pour être finalement reversée dans lepatrimoine immobilier de l'Etat du Faso. Les autorités du Conseil national de latransition avaient évoqué « un crime contre l'humanité » dans les 19 chefs d'accusationdont sont accusés les putschistes.

De bonnes sources, il est plutôt question d'enclencher une procédure qui impliquerait la

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mise sur pied d'une commission rogatoire en vue de lancer des mandats d'arrêtinternationaux contre les complices ressortissants des « puissances étrangères » d'oùseraient acheminés l'argent et le matériel qui ont servi dans le coup d'Etat manqué. Cequi rend davantage inextricable la tâche qui attend le nouveau président élu, c'est que lapiste du complot mène droit vers la Côte d'Ivoire voisine où s'est mis à l'abri l'anciendictateur Blaise Compaoré et où le principal suspect est l'actuel président de l'Assembléenationale. La question devient alors de savoir comment démêler l'écheveau et trouver unjuste milieu.

C'est-à-dire si Roch Marc Christian Kaboré parviendra à contenter le peuple burkinabésouverain qui lui a accordé sa confiance et qui attend que toutes les questions de justiceet d'impunité, laissées sans réponses par la Transition trouvent des réponsessatisfaisantes. Et dans le même temps faire en sorte que la réconciliation nationale soitune réalité pour que le Burkina Faso fasse un nouveau départ. Le nouveau président estd'ethnie Mossi comme l'ancien dirigeant fondateur du CDP. L'affaire pourrait prendreune tournure tribale pour se régler dès lors que le Môghô Naaba le très vénéré souverainMossi s'y implique et appelle à la tolérance entre "frères". En Afrique la notion deréconciliation nationale fait appel à la tolérance et au pardon. C'est donc une notion quijure avec la considération de justice universelle qui elle se veut équitable telle queprônée dans le concert des nations modernes. Entre passer l'éponge sur les longuespériodes d'assassinats, les tueries du putsch manqué et ; relancer la machine judiciairepour sanctionner les auteurs et les complices de sorte à décourager d'éventuels lesfauteurs de trouble le tout dans l'objectif de mettre fin à l'impunité, il y a un équilibreque le nouveau pouvoir burkinabé devra trouver.

Source: LG Infos

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Le cerveau de l’attaque terroriste de Bamako Mokhtar Belmokhtar: un«agent» des services secrets parrainé par la CIA?

En réaction aux événements tragiques de Paris du 13 novembre dernier, le directeur del’Agence centrale de renseignement (CIA) John Brennan a lancé une mise en garde : « Legroupe État islamique (EI) prépare de nouvelles attaques… À mon sens, il est clair qu’ilprépare des attaques à l’étranger, qu’il est déterminé à perpétrer ce type d’attaques. » (Citédans le Daily Telegraph du 16 novembre 2015). Cinq jours après la prémonition du chefde la CIA, l’Hôtel Radisson Blu de Bamako, capitale du Mali, était la cible d’une attaqueterroriste faisant 21 morts. Après l’attaque et la prise d’otages par les terroristes, lesforces spéciales françaises et maliennes ont effectué une descente sur l’hôtel. LeCommandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a lui aussi confirmé laprésence de forces spéciales US.

Par Michel Chossudovsky

Selon certaines allégations, l’opération terroriste de Bamako aurait été coordonnée parMokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abu al-Abbas), chef d’une filiale d’Al-Qaïda auMaghreb islamique (AQMI), la brigade islamiste Al-Mulathamin (ou « brigademasquée »), ou « Ceux qui signent par le sang ».

Le groupe de Belmokhtar a été créé en 2012 au lendemain de la guerre contre la Libye.Son organisation se livrerait aussi au commerce de la drogue, à des activités decontrebande ainsi qu’à des opérations de kidnapping d’étrangers en Afrique du Nord.Même si les allers et venues de Belmokhtar sont prétendument connus, les servicesfrançais l’ont surnommé « l’insaisissable ».

En juin dernier, on le déclarait mort au cours d’une frappe aérienne US en Libye,déclaration qui a ensuite été démentie.

À partir de preuves peu convaincantes, un article du New York Times du 20 novembre(ci-dessous) conclut que le groupe de Belmokhtar (avec AQMI) se trouve de touteévidence derrière les attaques de Bamako :

Un membre d’Al-Qaïda en Afrique a confirmé samedi que l’attaque de vendredi ayantvisé un hôtel de Bamako au Mali a été menée par un groupe djihadiste loyal àMokhtar Belmokhtar, un agent algérien d’Al-Qaïda. Ce membre d’Al-Qaïda, qui a parlé parl’entremise d’échanges en ligne, a affirmé qu’un message audio et qu’une déclarationécrite similaire dans lesquels le groupe revendique la responsabilité de l’attaque étaientauthentiques. Le SITE Intelligence Group, qui surveille les groupes djihadistes, confirmelui aussi l’authenticité de la déclaration.

Le membre d’Al-Qaïda, qui souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité,dit que les hommes de M. Belmokhtar ont collaboré avec l’émirat saharien d’Al-Qaïda auMaghreb islamique… Dans l’enregistrement audio, le groupe, connu sous le nomd’Al Mourabitoun, dit avoir mené l’opération de concert avec la branche d’Al-Qaïda auMaghreb islamique.

L’enregistrement a été remis à la chaîne Al Jazeera et, simultanément, à Al Akhbar… Onpeut y entendre ce qui suit : « Nous, du groupe des Mourabitoun [groupe rebelle

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arabique], de concert avec nos frères d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, la grande régiondésertique, revendiquons la responsabilité de la prise d’otages de l’Hôtel Radisson deBamako. » (C’est nous qui soulignons.)

SITE Intelligence Group est présenté comme un groupe de réflexion « indépendant »établi à Washington qui a pour mandat d’analyser des données se rapportant auxorganisations terroristes affiliées à Al-Qaïda. SITE travaille aussi comme contractuelauprès d’un certain nombre d’organismes du gouvernement US et entretient des liensétroits avec les services secrets US.

SITE n’a présenté aucune preuve concrète corroborant l’authenticité de l’enregistrementde l’échange audio en ligne, qui est considéré comme une source fiable. Mais il pourraittrès bien s’agir d’un élément de preuve volontairement introduit.

Après la diffusion du document audio, les médias occidentaux ont immédiatementdéclaré en chœur qu’il s’agissait d’un acte de revanche dirigé contre la Républiquefrançaise du fait de l’intervention militaire française au Mali de 2013 ordonnée par leprésident François Hollande.

« La France a sauvé le Mali d’Al-Qaïda, mais elle n’a jamais enrayé la menace terroriste »…« La France a sauvé le nord du Mali du joug brutal d’Al-Qaïda… Mais le pays demeure sousla coupe d’étrangers et, comme l’ont démontré les événements de l’Hôtel Radisson,extrêmement vulnérable aux pires actes de terrorisme. » (The Independent,20 novembre 2015)

Capture d’écran de The Independent, 20 novembre 2015

À son tour, le Ministre français de la Défense a reconnu – avant même la conduite d’uneenquête policière – que les auteurs de l’attaque étaient « très vraisemblablement »dirigés par le groupe de Mokhtar Belmokhtar en association avec Al-Qaïda au Maghrebislamique (AQMI).

Ce que le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a omis de mentionner c’est qu’aussibien Belmokhtar qu’AQMI entretiennent des liens de longue date avec la CIA, qui, à sontour, collabore avec la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de la France.

Les médias occidentaux omettent tout bonnement de signaler que les chefs d’AQMI, dontBelmokhtar, ont été recrutés et entraînés par la CIA en Afghanistan, ce que reconnaît leCouncil on Foreign Relations (CFR) à Washington :

La plupart des principaux chefs d’AQMI auraient suivi leur entraînement en Afghanistandurant la guerre de 1979 à 1989 contre les Soviétiques alors qu’ils faisaient partie dugroupe de volontaires nord-africains connu sous le nom d’« Arabes afghans » et qui sontretournés dans la région au cours des années qui ont suivi pour y radicaliser desmouvements islamistes. Le groupe se divise en « katibas », ou brigades, qui seregroupent en différentes cellules, souvent indépendantes les unes des autres.

Depuis 2004, le principal chef du groupe, ou l’émir, est Abdelmalek Droukdel, aliasAbou Moussab Abdelwadoud, un ingénieur de formation et expert en explosifs qui acombattu en Afghanistan et dont la carrière a débuté en Algérie au sein du GIA. (Councilon Foreign Relations, Al Qaeda in the Islamic Maghreb , cfr.org, pas de date)

Ironiquement, le cerveau terroriste d’origine saoudienne Oussama ben Laden a étérecruté en 1979 sous les auspices de la CIA. Lancé en 1979, le programme

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d’entraînement, de recrutement et d’endoctrinement des moudjahidines était considérécomme « la plus vaste opération secrète de l’histoire de la CIA » et se voulait la réponseau soutien militaire de l’Union soviétique au gouvernement afghan laïc etprocommuniste de Babrak Kamal.

En arabe, al-qaïda signifie « la base ». Cette appellation renvoyait à la « base dedonnées » de recrues moudjahidines de la CIA, que le président Ronald Reagan qualifiaitde « combattants de la liberté » :

Peu avant sa mort survenue à un moment inopportun, l’ancien secrétaire aux affairesétrangères britanniques Robin Cook affirmait devant la Chambre des communesqu’« Al-Qaïda » n’est pas vraiment le nom d’un groupe terroriste, mais celui d’une basede données de moudjahidines et de trafiquants d’armes internationaux utilisés par laCIA et par les Saoudiens pour faire passer des guérilleros, des armes et de l’argent enAfghanistan sous occupation soviétique. (Voir Pierre-Henri Bunel, Al Qaeda: TheDatabase, Global Research, 20 novembre 2005; c’est nous qui soulignons.)

Mokhtar Belmokhtar : un « agent » de la CIA de l’après-guerre froide?

Le Council on Foreign Relations décrit à tort Mokhtar Belmokhtar comme « le vétéranborgne de l’insurrection afghane antisoviétique ». (CFR, op. cit., c’est nous quisoulignons.) Belmokhtar (né en 1972) n’a pas combattu durant la guerre soviéto-afghane(1979-1989). Il a été recruté en 1991 à l’âge de 19 ans au lendemain même de la guerrefroide.

Les activités de recrutement de la CIA se sont poursuivies au lendemain de la guerrefroide. Elles étaient en grande partie dirigées contre la Fédération de Russie et lesanciennes républiques soviétiques, mais aussi contre le Moyen-Orient.

Ce recrutement tardif visait à constituer un réseau d’« agents des services secrets » quidevait servir dans le cadre des insurrections armées de l’après-guerre froide orchestréespar la CIA. Les chefs des mouvements d’insurrection islamistes tchétchènes ont eux aussisuivi leur entraînement dans des camps de la CIA de l’Afghanistan et du Pakistan,notamment le tristement célèbre chef de l’insurrection tchétchène Ibn al-Khattab (uncitoyen de l’Arabie saoudite).

Après son entraînement et son recrutement et au bout d’une période de service de deuxans en Afghanistan (1991 à 1993), Mokhtar Belmokhtar a été renvoyé en Algérie en1993 à l’âge de 21 ans, où il a rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat(GSPC) (voir l’emblème à gauche). Ce dernier faisait initialement partie du prétenduGroupe islamique armé (GIA) en Algérie, qui cherchait à renverser le gouvernementalgérien laïc pour instaurer un état islamique théocratique.

Avec l’appui clandestin de la CIA, Belmokhtar a combattu dans le sud de l’Algérie dans laguerre civile opposant les forces islamistes au gouvernement laïc. Il a aussi contribué àl’intégration et à la fusion des forces « djihadistes ».

En janvier 2007, le GIA changeait officiellement son nom pour celui d’Al-Qaïda auMaghreb islamique (AQMI) et ce, après avoir été au centre de l’attention dans lesannées 1990.

Depuis 2007, l’organisation nouvellement formée d’AQMI a de son côté noué des liensétroits avec le Groupe islamique combattant en Libye (GIGL), groupe qui, durant la

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guerre de 2011 contre la Libye, a bénéficié du soutien direct de l’OTAN, « qui a entraînéses membres, leur a fourni des armes, des forces spéciales et même des aéronefs pour lesaider à renverser le gouvernement libyen ». (Tony Cartalucci, The Geopolitical Reorderingof Africa: US Covert Support to Al Qaeda in Northern Mali, France “Comes to the Rescue”,Global Research, janvier 2013).

Les forces spéciales du SAS britannique avaient elles aussi été amenées en Libye avant ledébut de l’insurrection pour y servir de conseillers militaires auprès du GIGL.

En fait, ce qui est advenu depuis la guerre contre la Libye c’est la fusion des forces duGIGL et d’AQMI. À leur tour, nombre des agents du GIGL ont été envoyés en Syrie pourcombattre dans les rangs d’Al-Nosra et d’ISIS.

Robert Stephen Ford, ambassadeur US en Algérie (2006-2008)

Il convient de noter que la restructuration de 2007 des forces djihadistes d’Algérie et duMaghreb a coïncidé avec la nomination de Robert Stephen Ford au posted’ambassadeur US en Algérie en août 2006. Ford, en poste à Bagdad, avait été réassigné àAlger par le Département d’État. De 2004 à 2006, il avait travaillé en étroitecollaboration avec John Negroponte, ambassadeur à Bagdad, dans le but de soutenirla création en Iraq d’escadrons de la mort tant sunnites que chiites.

Ce projet consistait à recruter et à entraîner des terroristes en s’inspirant du modèle ditde « l’Option Salvador » que la CIA avait mis en œuvre en Amérique centrale.Rappelons-nous que Negroponte a joué un rôle central dans le soutien aux terroristesContras au Nicaragua au titre d’ambassadeur au Honduras de 1981 à 1985. Pour ensavoir plus à ce sujet, voir l’article de Michel Chossudovsky intitulé “ The Salvador OptionFor Syria”: US-NATO Sponsored Death Squads Integrate “Opposition Forces ”,Global Research, 28 mai 2012.

La nomination en 2006 de Robert Stephen Ford à la tête de l’ambassade US d’Algériearrivait à point nommé. Elle coïncidait avec la consolidation des groupes djihadistes enAlgérie et au Maghreb. Elle a précédé les insurrections libyennes et syriennes de 2011soutenues par les États-Unis et l’OTAN.

En 2010, la nomination de Ford au poste d’ambassadeur US en Syrie recevaitl’approbation du Congrès. Ford a présenté ses lettres de créances au présidentBachar al-Assad en janvier 2011, à peine deux mois avant le début de l’insurrectionterroriste dans la ville frontière de Daraa, à la mi-mars 2011. Ford a joué un rôle centralen favorisant l’acheminement du soutien US et allié aux groupes de l’« opposition »syrienne, dont Al-Nosra et ISIS.

Pour conclure

L’histoire de Belmokhtar et sa présence en Afghanistan confirment soninstrumentalisation depuis le début par les services US. Même s’il agit avec un certaindegré d’autonomie par rapport à ses parrains, lui-même et son organisation sontd’authentiques « agents » de ces mêmes services, qui peuvent les utiliser dans le cadred’un programme clandestin.

Il existe différentes définitions de ce qu’est un « agent des services secrets ». Du point devue des services US, les « agents » associés à des organisations terroristes ne doivent pas

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savoir qu’ils ont le soutien des services occidentaux et qu’ils font l’objet d’unesurveillance par ces mêmes services.

En ce qui concerne Al-Qaïda, la CIA a choisi dès le début, en 1979, d’agir par letruchement de diverses organisations de front, mais aussi indirectement parl’intermédiaire de ses partenaires des services saoudiens, qataris et pakistanais.Milton Beardman, de la CIA, qui a joué un rôle central dans la guerre soviéto-afghane,confirme que les membres d’Al-Qaïda, dont Oussama ben Laden, n’étaient pas conscientsdu rôle qu’ils jouaient pour le compte de Washington. Comme le dit Ben Laden lui-même(cité par Beardman), « ni moi ni mes frères n’avons vu de preuves d’une aide américaine »(Michel Chossudovsky, Who is Osama bin Laden, Global Research, 12 septembre 2001) :

Motivés par le nationalisme et leur ferveur religieuse, les guerriers islamiques n’étaientpas conscients de combattre l’armée soviétique pour le compte d’Oncle Sam. Même s’il yavait des contacts aux échelons supérieurs des services, les chefs des rebelles islamiquesprésents sur le théâtre d’opérations n’avaient pour leur part aucun contact avecWashington ou avec la CIA. (Ibidem) Fait amplement documenté, Al-Qaïda au Maghrebislamique (AQMI) et ses groupes affiliés, y compris le Groupe islamique combattant enLibye (GIGL), servaient les intérêts de l’alliance militaire occidentale. Comme le confirmele Washington Post du 29 juin 2011 (voir ci-dessous), la France approvisionnait le GIGLen armes au plus fort des raids de bombardement de l’OTAN.

À son tour, AQMI recevait des armes du GIGL, qui bénéficiait de l’appui de l’OTAN. Deplus, les mercenaires du GIGL s’étaient ralliées aux brigades d’AQMI.

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Selon le prétendu cerveau terroriste Mokhtar Belmokhtar, qui a aussi coordonné en2013 l’opération de kidnapping d’In Amenas au Mali :

« Nous sommes parmi ceux qui ont le plus profité des révolutions du monde arabe. Etquant au fait d’avoir bénéficié des armes (libyennes), c’est une chose tout à fait naturelledans ce genre de circonstances. » http://www.hanford.gov/c.cfm/oci/ci_terrorist.cfm?dossier=174

Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) est lié de façon indélébile aux activités desservices occidentaux. Alors qu’il est décrit comme « l’un des groupes de militants parmiles plus riches et les mieux armés de la région », financé secrètement par l’Arabie saouditeet le Qatar, en France Le Canard Enchaîné a révélé (juin 2012) que le Qatar (un fidèle alliédes États-Unis) finance diverses entités terroristes au Mali :

Le rapport original cite un rapport des services de renseignements militaires françaisqui indique que le Qatar fournit un soutien financier aux trois principaux groupes armésdu nord du Mali : le mouvement Ansar ed-Dine d’Iyad ag-Ghaly, Al-Qaïda au Maghrebislamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest(MUJAO).

Le montant de l’aide financière accordée à chacun de ces groupes n’est pas mentionné,mais il est dit que, dans plusieurs rapports remis au ministère de la Défense français, laDGSE mentionne le soutien du Qatar au « terrorisme » dans le nord du Mali. (Cité parJeune Afrique en juin 2012)

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Le Qatar est un État allié interposé, un territoire du golfe Persique largement contrôlé defait par Washington et qui abrite un certain nombre de dispositifs militaires et derenseignement occidentaux.

L’émir du Qatar ne finance pas le terrorisme sans le consentement de la CIA.

Et en ce qui concerne le Mali, la CIA coordonne ses activités en liaison avec sespartenaires et homologues des services français, dont la Direction du renseignementmilitaire (DRM) et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Les implications de tout ceci sont évidentes et devraient être bien comprises de l’opinionpublique occidentale. Dans la mesure où Belmokhtar et AQMI sont des « agents desservices secrets », aussi bien les services US que les services français se trouvent(indirectement) derrière l’attaque de Bamako.

Tant les services US que français sont complices de terrorisme d’État.

Source : Mondialisation.ca

Article original en anglais :

Mastermind of The Bamako Te rror Attack Mokhtar Belmokhtar: A CIA Sponsored “Intelligence Asset”?

Traduction par Jacques pour Mondialisation.ca

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Sarkozy, BHL et l’OTAN sont responsables des attaquesterroristes en Tunisie et au Mali

Le mardi 24 novembre 2015, une attaque terroriste, la troisième dugenre revendiquée par Daesh a visé un bus de la garde présidentielle,faisant 12 morts en Tunisie. 24 heures après l’attaque kamikaze, legouvernement tunisien a décidé de fermer sa frontière avec la Libye. Pour leprésident Béji Caïd Essebsi, les choses sont claires : les auteurs de cette barbarie,quelle que soit leur nationalité, viennent de la Libye où, depuis l’assassinat deKadhafi, ils sont des milliers à être entrainés et équipés pour aller semer la mortpartout en Afrique du Nord et au-delà. Du vivant de Kadhafi, personne nepouvait s’aventurer à installer une base d’entrainement au Jihad dans ceteldorado particulièrement sécurisé et surveillé de jour comme de nuit par unearmée qui comptait parmi les plus équipées du continent. Les assassins deKadhafi sont donc, de fait, les responsables de la montée du Jihad qui endeuillel’Afrique du Nord.

Par Olivier Atemsing Ndenkop

Comme toute guerre, celle contre la Libye a été vendue aux peuples commeune guerre de libération, une guerre « juste ». Il fallait aider les Libyens à sedébarrasser de la dictature de Kadhafi, nous a-t-on dit. Le Français Bernard-HenriLevy, posant avec un rebelle à Benghazi, a fait croire aux lendemains qui chantentpour les Libyens. Nicolas Sarkozy, alors Président français, est monté au créneaupour indiquer que la paix dans le monde arabe voire dans le monde tout courtpassait par la neutralisation de Kadhafi présenté comme l’incarnation du diablesur terre ! Les médias du monde entier ont repris cette propagande de guerre. Pis,sans aucune vérification, les médias ont raconté que Kadhafi avait bombardé sapropre population ; qu’il utilisait des armes de guerre et autres bombesmortifères contre un peuple aux mains nues.

L’occasion faisant le larron, un certain Ali Zeidan s’autoproclame alorsporte-parole de la Ligue libyenne des Droits de l’Homme. Pour retenir l’attentiondu public, M. Zeidan déclare que Kadhafi a bombardé son peuple, faisant six millemorts. Aucune preuve de ces allégations n’est donnée. N’empêche, les médiasvont se mettre à diffuser le bilan de ces morts qui n’existent que dans la tête d’AliZeidan.

S’appuyant sur ces chiffres préfabriqués, la France de Sarkozy vainstrumentaliser l’Organisation des Nations Unies afin d’obtenir un feu vert pourtuer Kadhafi. C’est ainsi que le 26 février 2011, à la demande du Ministre françaisdes Affaires Etrangères, Alain Juppé, le Conseil de Sécurité de l’ONU vota laRésolution 1973 instituant une zone de non-vol au-dessus de la Libye. Parés de cebouclier juridique, les pays de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord(OTAN) dirigés par la France de Sarkozy bombardèrent intensivement la Libye,tuant son chef !

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Refusant toutes les mains tendues de Kadhafi, rejetant la voie de lanégociation proposée par le Gabonais Jean Ping1, Président de la Commission del’Union Africaine, l’OTAN, dominée par les impérialistes occidentaux a tuéKadhafi.

L’assassinat de Kadhafi a apporté le terrorisme et non ledéveloppement promis

Après la guerre de l’Otan contre la Libye, le pays le plus prospère del’Afrique est devenu un cimetière géant ! Un No man’s land où l’on égorge desêtres humains comme des moutons de la Tabaski2 ! Le pays est devenu un repairede djihadistes. Les écoles et les hôpitaux ont été largement détruits.Conséquences : les gens ne peuvent plus aller à l’école ni se soigner gratuitementet massivement comme à l’ère de Kadhafi. Les groupes rebelles rivaux s’yaffrontent pour le contrôle des puits de pétrole. Le gouvernement de Tripoliconteste la légalité et la légitimité de celui de Tobrouk, et vice-versa. L’économiedu pays est à l’arrêt. En Libye, le développement a cédé la place à la misère ! Voilàcomment une guerre néocoloniale, déguisée en « guerre humanitaire 3» a éteintles espoirs de tout un peuple. Les conséquences de cette guerre néocoloniale vontplus loin et personne n’est sûr d’en être totalement épargné, où qu’il se trouve.

Il est évident que tous les voisins de la Libye (Tunisie, Algérie, Niger, Tchadet Soudan) sombrent progressivement dans l’insécurité. Chacun de ces cinq paysa déjà été au moins une fois victime d’attaque terroriste. Le pays de Kadhafioccupe une place importante au sein de l’internationale terroriste pour troisraisons principales : 1- la Libye est une grande pourvoyeuse de fonds auterrorisme (argent issu de la vente de pétrole et autres trafics dans les zonescontrôlées par les barbus). 2- Elle est une base de recrutement et d’entrainement.3-Et une base de repli.

Le cercle des Etats victimes de l’insécurité en Libye est bien plus grand.Pour déstabiliser la République Centrafricaine en décembre 2013, la Séléka deMichel Djotodia mettait ainsi en application un projet franco-tchadien au moyend’armes venues entre autres de… Libye. Les spécialistes des questionssécuritaires expliquent que Boko Haram doit aussi sa force dans une large mesureau chaos libyen qui permet au groupe terroriste d’obtenir des financements et desarmes sans grande surveillance. Les islamistes qui ont semé le bordel au Mali sesont approvisionnés à peu de frais dans les arsenaux libyens. Ainsi, qu’il s’agissedes attaques de Tombouctou, de Gao ou de Bamako, il apparaît que la Libye acontribué à l’endoctrinement, à l’entrainement, au financement et/ou àl’armement.

1 Jean Ping a publié en 2014 un livre sous le titre : Eclipse sur l’Afrique : fallait-il tuer Kadhafi ? En regrettant que les Etats impérialistes aient refusé toute solution négociée dans la crise libyenne, il tient ces derniers responsables du chaos qui règne actuellement dans ce pays.

2 L’image des 20 Egyptiens coptes égorgés en Libye par les terroristes a fait le tour du monde.

3 Pour mieux comprendre la guerre de l’OTAN contre la Libye, lire le livre de Michel Collon intitulé : Libye, OTAN et Médiamensonges. Manuel de contre propagande, Investig’Action-Couleur livres, 2011.

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Pour parvenir à déstructurer la Libye, les Etasuniens reconnaissent avoirlargué plus de 192 missiles BGM-109 tomahawk. La France se vante d’avoireffectué 2.225 frappes aériennes dont 11 missiles de croisière. Bien plus, au plusfort de la guerre contre Kadhafi, la France a armé les terroristes pour combattreet tuer un dirigeant en poste. Comme le confirme Tony Cartalucci, l’organisationterroriste qui combattait le régime de Kadhafi en 2011 a bénéficié du soutiendirect de l’OTAN « qui a entraîné ses membres, leur a fourni des armes, des forcesspéciales et même des aéronefs pour les aider à renverser le gouvernement libyen 4 ».Y aura-t-il un Tribunal de Nuremberg pour ces gens-là un jour ?

Curieusement, lorsque les spécialistes, parfois de circonstance, nousexpliquent la montée du terrorisme en Afrique après le Journal TV de 20h, ils segardent tous de nous dire pourquoi ce qui arrive, arrive avec tant de facilité et derécurrence. Comme si la loi de la causalité selon laquelle il n’y a jamais d’effetsans cause était devenue subitement inopérante. Vous aurez remarqué quepersonne, parmi toute cette armée de « spécialistes de l’Afrique » qui ont défilésur votre petit écran pour « expliquer » l’attaque de l’hôtel Radisson Blu deBamako, n’a cru utile de vous dire que le fameux Mokhtar Belmokhtar qui arevendiqué l’attaque de cet établissement hôtelier est un pur produit de la CIA quil’a recruté, formé, armé et utilisé sur plusieurs « fronts ».

Libye de Kadhafi : la vérité des chiffres

Au-delà de la propagande menée par les impérialistes et leurs médias surla Libye, il est important de dire ce qu’a fait Kadhafi pour son pays et pourl’Afrique, avec les limites inhérentes à la nature humaine.

La Libye accède à l’indépendance le 24 décembre 1951 après une guerrecontre les colons italiens. Appuyé par les Anglais et les Etasuniens, le Roi Idriss,chef de la confrérie religieuse des Senoussi, devient Président de la jeuneRépublique. En cette année 1951, le pétrole libyen n’est pas encore découvert etencore moins exploité.

Mais l’Angleterre et les USA ont installé dans ce pays des bases militairesqui leur permettent de contrôler la mer Rouge et la mer Méditerranée. En 1954,Nelson Bunker Hunt, un riche Texan y découvre le pétrole5. Le potentiel esténorme, 44 milliards de barils. Et la qualité y est.

Pendant une décennie, le Roi Idriss va vendre le pétrole libyen à 30% duprix mondial. Le peu d’argent obtenu sert essentiellement à l’enrichissementpersonnel du Roi et de ses proches. Le 1er septembre 1969, un jeune officiermilitaire de moins de 30 ans accède au pouvoir après un coup d’Etat contre le RoiIdriss. Son nom ? Mouammar Kadhafi. Comme première décision, Kadhafi décidede fermer les bases militaires étrangères dans son pays. Il augmente le prix dupétrole libyen qu’il a tôt fait de nationaliser. Les importantes sommes d’argent

4 The Geopolitical Reordering of Africa: US Covert Support to Al Qaeda in Northern Mali, Franc e “Comes to the Rescue”, Global Research, janvier 2013.

5 Michel Collon, Grégoire Lalieu, La stratégie du chaos. Impérialisme et islam. Entretien avec Mohamed Hassan, Investig’Action-Couleur livres, Bruxelles, 2011, P.203.

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générées par la vente du pétrole désormais mieux vendu sont investies pourdévelopper la Libye.

Sous Kadhafi, le taux d’alphabétisation est passé de 10% en 1969 à 88% en2011. L’espérance de vie à la naissance a progressé de 57 ans en 1969 à 74 ans en2010. Avant son assassinat, Kadhafi avait porté le PIB de la Libye à 12 062 dollarsUS par habitant. Les Libyens bénéficiaient d’un crédit de 20 ans sans intérêts pourconstruire leur maison. Les nouveaux mariés recevaient 64 000 dollars pouracheter leur appartement conjugal. L’Etat accordait une aide financière de 20 000dollars aux Libyens qui lançaient une activité privée susceptible d’impacterpositivement sur l’économie du pays…

Sur le plan africain, Kadhafi a permis au continent d’avoir son tout premiersatellite en déboursant la somme de 300 millions de dollars en 2006. L’Afriquepouvait ainsi disposer d’une téléphonie bon marché et d’une télévision à largeéchelle. Il ne s’arrête pas en si bon chemin car il constitue une réserve de 30milliards de dollars pour financer la Banque centrale africaine (Nigéria), laBanque africaine d’Investissements (Syrte) et le Fonds monétaire africain(Yaoundé).

Pourquoi a-t-on tué un homme malgré son bilan largement positif ?

La guerre déclenchée le 19 mars 2011 contre Kadhafi avait un seulobjectif : arrêter le développement de la Libye et la libération de l’Afriquecourageusement portés par le Guide libyen.

Précision importante : avant le premier satellite africain financé au ¾ parKadhafi, l’Afrique déboursait chaque année la somme de 500 millions de dollarspour louer les satellites occidentaux. Ce qui veut dire que Kadhafi a privé lescapitalo-impérialistes d’une rente de 500 millions de dollars par an.

Dotée d’institutions financières telles que la Banque centrale africaine, leFonds monétaire africain et la Banque africaine d’Investissements, l’Afriquemenaçait de mort le capitalisme financier international. Car ces institutionspurement africaines allaient entrainer trois conséquences fatales pour lesimpérialistes 1) Fin du service de la dette qui génère des intérêts astronomiquesau FMI et à la Banque mondiale. 2) L’Euro et le dollar perdraient leur pouvoir demonnaie hégémoniste, incontournable dans les échanges Nord-Sud et parfoisSud-Sud (la Banque centrale africaine avait charge de battre une monnaieafricaine). 3) Renforcement de la coopération Sud-Sud, préalable audéveloppement du continent.

Source : Investig’Action

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Suez 1956 ou le glas de la présence coloniale franco-britannique au Moyen orient

Ce papier a été rédigé le 26 octobre 1986 à l’occasion du 30ème anniversaire del’agression tripartite franco-anglo-israélienne de Suez, en réplique à la nationalisationpar Nasser de l’unique ressource financière du pays, le Canal de Suez, que www.madaniya.info reproduit à l’occasion du 60 me anniversaire du mouvement des non-alignés.

Par René Naba

L’expédition franco-britannique de Suez, il y a 30 ans, a sonné le glas de l’ère coloniale et misfin dans cette région aux ambitions des grandes puissances qu’étaient la France et la Grande-Bretagne, véritable tuteurs du Moyen Orient pendant un demi-siècle.

Pour les historiens, cette expédition de par ses retombées militaires et diplomatiques aégalement permis aux États-Unis et à l’Union soviétique de faire leur entrée sur la scèneproche-orientale.

Conçue en riposte à la nationalisation du Canal de Suez par Nasser, l’expédition a été l’œuvrede trois hommes, tous trois chefs de gouvernement, mus par des considérations différentes : lesocialiste français Guy Mollet qui se déclarait « hanté par le spectre de Munich et ledéfaitisme européen » mais qui cherchait en fait à couper la rébellion algérienne de saprincipale base d’appui dans le Monde arabe, le conservateur britannique Anthony Eden,pressé par son ami le premier ministre de la Monarchie irakienne Noury Saïd d’en découdreavec Nasser, nouveau chef de file du nationalisme arabe militant, ainsi que l’israélien DavidBen Gourion, soucieux de prévenir l’édification d’une force militaire du plus grand Étatarabe, l’Égypte.

L’opération commence le 29 octobre 1956, alors que le monde entier a les yeux braqués surles insurgés de Budapest. L’armée israélienne franchit le désert du Sinaï et parvient sur lesrives du Canal de Suez. Cette première opération fait partie d’un plan secret anglo-franco-israélien visant à reprendre le contrôle de la voie d’eau qui symbolise, aux yeux des Arabes, lecolonialisme. Construit par le Français Ferdinand de Lesseps, le canal qui assure la jonctiondu vieux continent au sous-continent indien est administré par un consortium dominé par lesBritanniques.

Paris et Londres, en application de l’accord de Sèvres, lancent un « ultimatum » aux

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Égyptiens et aux Israéliens. Ils exigent un cessez-le-feu et « demandent » aux seuls Égyptiensde « permettre » l’occupation de Port Saïd, Ismaïlia et Suez, les points-clé du canal, par lestroupes franco-britanniques.Nasser refuse. Le 5 novembre, au lendemain du retour à Budapest des chars soviétiques,Français et Britanniques débarquent. Ils occupent Port Saïd et se préparent à descendre le longdu canal quand Moscou et Washington ordonnent un cessez- le-feu. Celui-ci devient effectif le7 Novembre.

Si l’opération a été une réussite sur le plan militaire, elle a constitué par ses conséquencesdiplomatiques un désastre tant pour les Français que pour les Anglais, à l’aube de ladécolonisation et de la montée en puissance du tiers-monde.

Nasser coule des bateaux dans le canal pour y entraver la navigation, obligeant les pétroliers,qui ravitaillent l’Europe à partir du Golfe, à faire le long détour du cap de Bonne espérance(Afrique du sud). C’est la première utilisation de l’arme du pétrole au lendemain de lapremière nationalisation réussie par un pays du Tiers monde. L’Europe connaît ses premièrespénuries d’or noir. Pour faire face au coût supplémentaire du transport du brut, la Franceinstaure la vignette auto.

Le Commonwealth, sous la conduite du bouillant ministre indien de la Défense KrishnaMenon, est au bord de l’éclatement, tiraillé entre la solidarité du premier ministre indienNehru avec Nasser et la « haine viscérale » du premier ministre britannique à l’égard du «Raïs » égyptien, selon l’expression de Robert Rhodes James, biographe d’Eden.

Le Monde arabe, à l’exception du Liban, rompt ses relations diplomatiques avec Londres etParis. L’onde de choc de cette affaire qui a déclenché une virulente poussée anti-occidentale,se répercutera deux ans plus tard sur l’ensemble du Moyen-Orient. L’Égypte et la Syriefusionneront en un seul État, en Février 1958, et forment la «République arabe unie, laMonarchie irakienne chutera cinq mois plus tard, en juillet 1958, conduisant les parachutistesbritanniques à intervenir en Jordanie pour sauver le Trône vacillant du Roi Hussein, alors que,parallèlement, les Marines américains débarquaient à Beyrouth pour soutenir le présidentCamille Chamoun dont le pays est ravagé par la première Guerre civile.

Trente ans après cette expédition, plusieurs questions restent sans réponse et notamment laquestion de savoir quel fut l’élément déterminant dans l’instauration du cessez-le-feu du 7Novembre : les menaces soviétiques d’employer l’arme atomique ou les pressionsaméricaines ?

Pour Robert Rhodes James, il n’y a aucun doute : c’était le refus américain d’intervenir poursoutenir la Livre sterling qui a semé une « quasi-panique » à la City de Londres. Pourd’autres, il s’agissait de l’irritation du Président Dwight Eisenhower devant l’incartade de sesalliés qui a terni sa réélection triomphale. Pour les Arabes, la menace du Kremlin a étédéterminante.

Le retrait franco-britannique de Suez a fait de Nasser le champion de la Cause arabe, et dansl’imaginaire des peuples colonisés, un héros à l’égal de Mao Zedong, Nehru et Tito. Israël,après ce coup d’épée dans l’eau, apprît à connaître sa marge d’autonomie face aux États-Unis.

Quant aux populations arabes, elles vécurent cette «agression tripartite» comme uneillustration de la « collusion entre Israël et les puissances occidentales ». Pendant unedécennie, l’épisode de Suez va donner un élan aux Guerres de Libération Nationale dans le

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Tiers-Monde.

ÉPILOGUE

Cinquante ans plus tard, en juillet 2006, Israël soutenu cette fois par les États-Unis, lanouvelle puissance occidentale dominante de la zone, déclenche sa guerre de destructioncontre le Liban, en représailles à la capture de deux de ses soldats par le mouvement chiitelibanais « Hezbollah ».

Suez s’est conçue comme une « expédition punitive » à l’encontre de Nasser, le nouvel «Hitler contemporain », selon l’expression des commentateurs politiques de l’époque. Laguerre du Liban, en 2006, visait à imposer des « mesures coercitives » contre le Hezbollah,selon l’expression du président français de l’époque Jacques Chirac.

En 2011, la France, récidiviste, de concert avec le Royaume Uni prennent, à nouveau, la têted’une nouvelle offensive contre les pays à structure républicaine du Monde arabe, (Libye etSyrie), au prétexte d’y instaurer la démocratie, dans le prolongement de l’invasion américainede l’Irak (2003). Le socialiste François Hollande reprendra les mêmes arguments que sonprédécesseur socialiste Guy Mollet : « le spectre de Munich » et sa hantise que le peuplesyrien ne soit les « Sudètes du XXI me siècle », détournant ainsi l’attention sur la Palestine,en focalisant sur la Syrie, occultant magistralement la responsabilité du Royaume Uni(Promesse Balfour), de la France (Dimona) et d’une manière générale des pays occidentauxdans la tragédie palestinienne, le véritable sudète du XXI me siècle.

Cette guerre de « prédation économique », à l’identique de Suez, a tourné au désastre pour lesassaillants occidentaux en ce que la Libye est devenue une pétaudière à ciel ouvert, grosexportateur de migrants clandestins du continent africain vers l’Europe occidentale en crisesystémique, l’Irak et la Syrie, les principaux foyers d’exportation du djihadisme erratique àl’échelle planétaire.

Cinquante-neuf ans après, les réflexes coloniaux demeurent tenaces dans les pays occidentauxà l’égard de toute velléité indépendantiste des pays arabes, de surcroît avec la mêmeconstance : l’alliance d’Israël avec la principale puissance occidentale du moment et le mêmerevers militaire dans la satisfaction des objectifs stratégiques du camp occidental. FrançoisHollande prendra définitivement acte de la déconfiture française de Suez de son prédécesseursocialiste Guy Mollet en co-président avec le Maréchal Abdel Fattah Al Sissi, le 6 août 2015,la cérémonie d’inauguration de l’élargissement du Canal de Suez. En s’affichantostensiblement avec l’héritier de Nasser, le social libéral français s’imagine pouvoir gommeret de la mémoire et l’ignominie de son prédécesseur et son alliance honteuse avec les régimesles plus régressifs arabes.

Sophistication suprême: La recolonisation du monde arabe par le bloc atlantiste, sous couvertde « l’open society » et du mal nommé « printemps arabe » se fait cette fois avec leconsentement servile de leurs supplétifs arabes, les pétromonarchies du Golfe, la constellationla plus obscurantisme, la plus répressive de la planète, dont les Occidentaux en sont devenus,paradoxalement, les mercenaires dans leur guerre de survie dynastique.

Source : madaniya.info

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Côte-d’Ivoire : Ouattara président par une majorité

dérivée de la minorité

On aura tout vu dans cette élection de 2015. L’éligibilité constitutionnelle a étéremplacée par une éligibilité dérivée qui a permis la candidature de M.OUATTARA.En se référant aux explications mathématiques ci-dessous, les résultats desélections de 2015 nous permettent de voir comment une majorité peut êtredérivée d’une minorité.

Pa r Dr Don Mello Ahoua

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I- Le contexte des élections de 2015

L’électorat de 2010 était de 5 725 721. Statistiquement parlant, à l'analyse des résultatsconsensuels du 1er tour des élections de 2010 des principaux candidats, la populationélectorale se répartit de la manière suivante :

Gbagbo Laurent : 38,4% soit 2 198 676 voix

Ouattara Alassane : 32,07% soit 1 836 238 voix

Bédié Henry Konan : 25,24% soit 1 445 171 voix

Au 2ème tour, les résultats acceptés par tous les membres de la CEI pour les 14 régionssur les 19 que comptait la Côte d’Ivoire sont :

Laurent Gbagbo 53,87% soit 2 031 694 voixAlassane Ouattara 46,13% soit 1 739 945 voix.

Les 14 régions constituent 82,95% de la population électorale tandis que les régions dunord font 17,05%.

Le résultat électronique du second tour hors fraude affichait les résultats suivants :Laurent Gbagbo : 51,33%Alassane Ouattara : 48,67%

Ces chiffres allaient être certainement ceux qu’aurait trouvés la communautéinternationale si elle avait accepté le recomptage des voix. Ban Ki Moon avait jugéinacceptable un recomptage pour ne point causer une « injustice » à M. Ouattara selonses propres termes.

Il a donc certifié les résultats du QG de M. Ouattara qui étaient les suivants :Alassane Ouattara : 54,10% soit 2 483 167 voixLaurent Gbagbo : 45,90% soit 2 107 055 voix

Craignant donc que le pot aux roses ne soit mis à nu, le régime Ouattara a résolu de faireoublier la forfaiture de 2010 en résolvant la difficile équation de transformer uneminorité réelle de 48,67% en 2010 en une majorité de 83,66% en 2015.

II-Un peu de mathématiques

Nous savons tous que 40/100 est égal à 40%. Si nous voulons passer de 40/100 à80/100, nous avons le choix entre multiplier le chiffre du haut (le numérateur) par 2.Ainsi 40X2/100= 80/100 ou diviser le chiffre du bas (le dénominateur) par 2 soit 40/(100 :2)= 40/50. Or 40/50=80/100=80%.

M. Ouattara ayant obtenu autour de 2 200 000 voix en 2010, il suffisait soit de rallongerla liste électorale de 2 200 000 électeurs favorables à M. OUATTARA à travers desartifices d'audiences foraines et de nationalité par déclaration ou soit de réduire demoitié la population électorale en emprisonnant, en contraignant en exil ou en refusanttoute concession à l’opposition pour provoquer l’abstention et passer donc de 40% à80%.

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Malheureusement pour M. Ouattara, les 2 200 000 nouveaux Ivoiriens issus desaudiences foraines et de la naturalisation par déclaration, ne se sont pas présentés pours'inscrire sur la liste électorale 2015 à cause des changements politiques au Mali et auBurkina. Devant servir de mercenaires électoraux pour les élections de 2015, la chute deleur parrain Blaise Compaoré et le non payement des primes de guerre ont découragétoute nouvelle aventure en Côte d’Ivoire au profit de M. Ouattara.

Ainsi, les nouveaux inscrits sur la liste électorale ont été de 574 421 pour 2 200 000attendus. Les nouveaux inscrits sont composés de 144 000 issus des audiences foraineset de 430 421 nouveaux majeurs. Le nombre total d’électeurs pour 2015 est donc de 6300 142, à peu près identique à l’électorat de 2010 qui était de 5 725 721.

L’opération de multiplication par 2 des électeurs favorables à M. Ouattara ayant échoué,cela l'a donc conduit au refus de toute concession à l’opposition pour provoquerl’abstention dans le but de diviser par 2 le nombre des votants afin d’obtenir la légitimitémécanique écrasante de 80%.

III-Derrière les chiffres des élections de 2015 se cache une majorité dérivée d’uneminorité

Sur 6 300 142 seuls 54.63% (chiffre officiel) se sont rendus aux urnes. Derrière ce chiffrequi est fait pour rassurer l’opinion internationale et leur permettre de justifier leursoutien sans faille à M. Ouattara, se cache une illégitimité qui reste problématique.Sachant que l’Occident préfère des Présidents illégitimes qui lui sont redevables et quiont recours à son soutien militaire et judiciaire pour régner, le nouveau contextedémocratique les oblige à fabriquer une majorité acceptable par l’opinion publiqueoccidentale afin de justifier les accords de coopération lourdement payés sous forme dematières premières et de marchés publics. Le cas de la Côte d’Ivoire est donc un cas delaboratoire dans cette nouvelle stratégie de l’Occident en Afrique.

En accordant le bénéfice du doute à la CEI (Commission Électorale Indépendante), cetaux de participation ne sauve pas la légitimité du régime OUATTARA mais dévoile plutôtle mécanisme de fabrication d’une majorité à partir d’une minorité. Cette majoritédérivée de la minorité constitue précisément une bombe à retardement qui justifiera lasuspension ou l’annulation de l’embargo sur les armes et l’application des nouveauxaccords de coopération militaire. Ce qui favorisera les bonnes affaires pour lesmarchands d’armes français, seuls secteurs où la France détient le monopole en Côted’Ivoire grâce au renouvellement des accords de coopération militaire face à lacompétitivité des produits chinois dans les autres secteurs.

Première surprise de taille que révèlent les résultats de 2015 :

En 2010, pour justifier son score de 54% qu’il s’est octroyé, le nombre d’électeurssupposé avoir voté en sa faveur était voisin de 2 500 000 contre 2 618 000 en 2015, soitune différence de 118 000 voix. Le nombre de votants en faveur de M. Ouattara est doncresté constant entre 2010 et 2015 malgré les ponts, les distributions de billets debanque, le monopole des médias publics pour louer le génie du « Warri Fatchè » et letaux de croissance à deux chiffres. Même les 144 000 nouveaux Ivoiriens par déclarationinscrits sur la liste électorale n’ont pas voulu accorder la totalité de leur suffrage à leur «bienfaiteur ». Comment avec le même nombre de voix supposé avoir eu en 2010, M.Ouattara passe de 54% à 84% ? C’est là qu’intervient la science juridico-mathématique

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inventée par les savants du RDR : il suffit tout simplement d’appliquer la justice desvainqueurs à la moitié de l’électorat pour les contraindre à l’abstention.

En divisant par deux les électeurs par la justice des vainqueurs, M. Ouattara passemécaniquement du taux réel de 48.67% en 2010 à 83,66% en 2015. Il dérive ainsi unemajorité d’une minorité sans un accroissement significatif de nouveaux votants en safaveur. Le droit des vainqueurs vient encore au secours des mathématiques :

la contrainte à l’abstention de la moitié de l’électorat par l’emprisonnement, l’absence dedialogue, l’étouffement des libertés démocratiques, les menaces, la violence, l’exil et legel de leurs avoirs, permet donc de transformer une minorité en une majorité.

Toutefois, ces chiffres montrent que la réalité aurait été différente si le candidat sortantOuattara avait affronté son principal adversaire Laurent Gbagbo ou si les conditionsavaient été créées pour une participation effective de l’opposition dans son ensemble.

M. Ouattara est donc bel et bien Président par dérivation d’une minorité en une majoritéet non par son bilan qui n’a pas insufflé un accroissement du nombre de ses votants. Larépartition de l’électorat est restée stable de 2010 à 2015.

IV- Ouattara Roi du « désert » ivoirien

L’examen des résultats de 2015 montre que M. Ouattara reste le Roi du Nord avec untaux de participation variant de 80% à 97% correspondant aux résultats de M. Ouattaradans le Nord. Cette région, malheureusement ne représente que 17.05% de l’électorat.

V-Bédié Roi de la « savane »

L’appel de Daoukro a eu un écho plus ou moins favorable dans la savane qui forme le V-Baoulé où le taux de participation varie de 50% à 60%. Au vu du score du principalchallenger Affi N’Guessan voisin de 5% dans le V-Baoulé, nous pouvons conclure queBédié reste le Roi de la savane et la principale béquille de M. Ouattara.

Cette zone représente 11.5% de l’électorat mais la population de cette zone estmajoritairement dans les forêts de l’Ouest. Souvent en phase électorale avec sa régiond’origine cet électorat constitue une composante essentielle des voix du PDCI donc duRHDP à l’Ouest.

VI- Affi, lion du Moronou et lionceau orphelin de la forêt

Premier maire FPI au lendemain du multipartisme dans le Moronou, Affi N’Guessanconfirme son implantation et son leadership dans le Moronou avec 54.06% contre ladouble adversité de M. Bédié et de M. Ouattara dans l’ancienne boucle du cacao en zoneforestière. Il fait une percée dans les autres zones forestières de l’Est : le Gontougouo(Bondoukou) avec 15%, l’Indénié-Djuablin(18%), le Sud Comoé (18%), dans l’Agnéby-Tiassa(27%), la ME (39%). Dans les forêts de l’Ouest et du Sud il tourne entre 3% et11% avec un taux d’abstention au-dessus de 50% dans la zone en l’absence du soutiendu « lion ».

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La zone forestière représente 71% de l’électorat et a été majoritairement abstentionnisteà plus de 50%.

VII-Conclusion et perspective

« Warri fatchè », victime de sa politique de rattrapage, n’a pas pu augmenter ses suiveursmalgré les ponts et les taux de croissance à deux chiffres. Il s’est enfermé dans sa bulled’ancien DG du FMI réduisant le désir des ivoiriens à du béton, du bitume et des chiffres.

Il est trop facile d’emprisonner ses opposants, de geler leurs avoirs, de les expédier enexil et de limiter leur liberté d’expression pour s’autoproclamer élu à 83% !La fracture entre le Nord et le Sud représente donc une bombe à retardement dans lamesure où les vainqueurs fondent leur victoire sur un désert humain ayant voté et uneforêt humaine abstentionniste.

Si aucune mesure sérieuse n’est prise dans le sens de la réconciliation pour permettre laparticipation effective de l’opposition au jeu démocratique lors des consultationslégislatives, la Côte d’Ivoire court vers une catastrophe prévisible maismalheureusement le marché des armes a besoin de débouchés et les gouvernementsillégitimes qui portent en leur sein une crise potentielle certaine sont un bon fertilisantpour le marché des marchands d’armes. Il n’y aura aucune surprise si l’embargo sur lesarmes est levé.

Toutefois, le pouvoir par dérivation est pris entre le marteau et l’enclume car lalibération des cadres de l’opposition et le dégel des avoirs pour une réconciliation vraierisquent de lui faire perdre la majorité parlementaire et donc le gouvernement. Lapersistance dans la justice des vainqueurs et l’asphyxie financière de l’oppositionrisquent de radicaliser l’opposition et donc de plonger la Côte d’Ivoire dans unerévolution dont il est difficile de prévoir l’issue ou dans une catastrophe humanitaire à lamoindre crise financière ou sociale à la grande joie des marchands d’armes.La clé de l’avenir de la Côte d’Ivoire est donc entre les mains du pouvoir par dérivation, àlui de savoir la tourner dans le bon sens.

Quant à l’opposition, elle a une gauche à reconstruire en combattant le sectarisme faceaux forces de droite coalisées. C’est une course de fond et non une course de vitesse qui abesoin du temps et donc d’un bilan et du renforcement de l’avant garde par des énergiesintellectuelles et physiques jeunes.

La conquête de la souveraineté dans sa dimension politique, syndicale, patronale oumutualiste et coopérative est un devoir de la gauche. La souveraineté est une conquêtepermanente de l’individu sur lui-même et de la société sur elle-même. Le sectarisme etl’irrationalité n’ont pas leur place dans une dynamique victorieuse.

La souveraineté appartient au peuple. Aucune section du peuple ni aucun individu nepeut s’en attribuer l’exercice. « Constitution ivoirienne de 2000, Titre II, article 31 ».

Source : http://www.legrigriinternational.com/

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Le Journal de l’Afrique rend hommage à René Vautier (1/4)Major de sa promotion à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDH EC) en 1948, RenéVautier prend la direction de l’Afrique dès 1949. Il met son art au service des opprimés et porte labrutalité coloniale algérienne à l’attention de l’opinion publique, malgré la censure. Politique etcinéma ne font qu'un chez René Vautier, et c'est pourquoi pour comprendre sadémarche et son geste cinématographique on ne peut dissocier le contexte historique del'oeuvre. C'est ce que nous nous proposons de faire dans ce dossier qui est aussi unhommage au cinéaste, disparu le 4 janvier 2015. Cet hommage vous sera présenté sous laforme d’une série en quatre épisodes.

Par Olivier Bitoun

Grâce à la sortie du coffret DVD édité par Mutins de Pangée, une partie de l’œuvre de RenéVautier est enfin rendue facilement accessible. Au sein d'une filmographie prolifique (il aréalisé ou participé à près de 180 films), l'éditeur a fait le choix de s'intéresser à la longue

histoire entre le cinéaste militant et l'Algérie. Une histoire qui débute en 1954 en Tunisie, quipasse par les maquis indépendantistes, la création du Centre Audiovisuel d'Alger, les ciné-Pops et la réalisation d'une quinzaine de films entre 1954 et 1988, dont le plus célèbre resteAvoir 20 ans dans les Aurès. Politique et cinéma ne font qu'un chez René Vautier, et c'est

pourquoi pour comprendre sa démarche et son geste cinématographique on ne peut dissocierle contexte historique de l'oeuvre. C'est ce que nous nous proposons de faire dans ce dossier

qui est aussi un hommage au cinéaste, disparu le 4 janvier dernier.

LE BLACKOUT ALGERIEN

A cause de la censure étatique et de l'autocensure, il n'existe pas d'images libres à la télévisionfrançaise ou dans les actualités cinématographiques de la guerre d'indépendance algérienne. Ilconvient de préciser que ce blackout ne tient pas seulement à la guerre, l'Algérie étant très peuconnue des Français de métropole avant même le début du conflit. Son histoire n'est quasiment pas étudiée à l'école et l'Algérie n'est que très rarement évoquée à la télévision ou au cinéma. Il est exemplaire par exemple qu'il n'y ait pas un film racontant la guerre de dix-

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sept ans pour la conquête de l'Algérie ! Sacha Vierny - futur chef opérateur d'Alain Resnais - avait essayé en 1947 de réaliser un film qui devait s'appeler Algérie liberté, un documentaire racontant le chômage dans les villes, la pauvreté des paysans, et dans lequel Vierny exprimait par ses commentaires sa conviction que l'Algérie allait dans un futur proche devenir une nation indépendante. Mais les images du film sont saisies au laboratoire et détruites, tuant dans l’œuf l'une des rares tentatives de parler de ce pays qui reste aux yeux des Français exotique, lointain, dont on ne sait rien et dont on ne veut rien savoir...

Pendant la guerre, ce qui parvient au peuple français, ce sont des images contrôlées, soigneusement sélectionnées par les autorités militaires et l’État afin de taire la tragédie qui sedéroule de l'autre côté de la Méditerranée. On ne voit rien de ces centaines de milliers de morts, on ne dit rien des villages rasés, des bombardements au napalm, de la torture... Le conflit algérien ? Une simple mission de pacification... (1)

Le Petit soldat / Le Combat dans l'île

Si les médias français suivent sans broncher les directives imposées par l’État, le cinéma n'est guère plus combattif. La lourdeur des moyens de production, les multiples commissions et personnes qu'il faut solliciter et convaincre pour produire un film, expliquent plus que la timidité des auteurs le fait que l'Algérie ne fasse pas son apparition dans les œuvres réalisées dans le cadre du système de production classique.

Ainsi, les films doivent passer devant la Commission de contrôle des films, qui a un rôle consultatif, le visa d'exploitation étant remis in fine par le ministère de l'Information. A sa

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création en 1945, cette commission est paritaire, constituée pour moitié de représentants du ministère et pour moitié de professionnels du cinéma. En 1950, un décret fait rentrer dans la commission les associations familiales, ce qui provoque le départ de nombreux professionnelset un durcissement des recommandations faites au ministère. On imagine sans peine qu'avec ces deux couperets, ne serait-ce qu'évoquer la guerre d'Algérie devient une véritable gageure.

Des films de fiction qui de près ou de loin parlent de la Guerre d'Algérie, il n'en existe ainsi qu'une toute petite poignée. En 1960 Jean-Luc Godard tourne Le Petit soldat, mais le film estinterdit de diffusion et ne sortira sur les écrans qu'en 1963, sans que cette confiscation de la liberté d'expression ne provoque l'émotion de la profession. Alain Cavalier aura, lui, plus de chance en 1961 avec Le Combat dans l'île où il évoque clairement les agissements de l'OAS,là où la position de Godard se révélait bien plus ambiguë. Jacques Doniol-Valcroze, Pierre Kast, Roger Vadim ou Claude Chabrol ont chacun eu des projets de film, mais tous ces scénarios sont morts-nés, les producteurs fuyant à la simple évocation de l'Algérie...

J'ai huit ans / Octobre à Paris

C'est donc du côté du documentaire qu'il faut chercher les témoignages sur ce qui se déroule réellement en Algérie et sur l'impact qu'a cette guerre dans la société française. La production documentaire se fait dans des circuits alternatifs (économiquement, il est plus facile de monterun projet documentaire qu'une fiction) et donc plus propice à l'émergence d'une parole non censurée : c'est ainsi que Chris Marker et Pierre Lhomme filment avec Le Joli mai (1961) la guerre dans les yeux de la population française ou que Jean Rouch et Edgar Morin parlent de

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l'indépendance et de la colonisation dans Chronique d'un été. Plus emblématique encore, Jacques Panijel (qui n'est pas cinéaste mais biologiste au CNRS) tourne dans la clandestinité Octobre à Paris, un film magnifique qui revient peu après le drame sur la marche pacifique àParis des Algériens dénonçant le couvre-feu qui leur été imposé, marche qui s'est transformée en bain de sang (entre 80 et 200 morts, des milliers d'arrestations) suite à l'intervention de la police. Le film est naturellement interdit de projection. En 1973, René Vautier via l'UPCB (Unité de Production Cinématographique Bretagne) demandera un visa d'exploitation qui serarefusé par la commission, sans qu'aucune explication ne soit donnée comme c'est alors l'usage. Il se lancera alors dans une grève de la faim pour exiger que soit promulgué « la suppression de la possibilité pour la Commission de censure cinématographique de censurer des films sans fournir de raisons ; et l’interdiction, pour cette commission, de demander coupes ou refus de visa pour des critères politiques. » Au bout de trente jours de grève de la faim, soutenu par des cinéastes comme Alain Resnais et Claude Sautet, il obtiendra raison. La loi sera révisée en 1974 et la Commission de censure devra dorénavant justifier ses interdictions et ne pourra plus intervenir qu'au niveau de la pornographie et de la violence. (2)Comme ces trois exemples le montrent, le documentaire parle de la guerre, mais quasiment toujours depuis la France. Les cinéastes filment les secousses qu'elle provoque dans la société française mais peu se rendent sur place pour ramener des images du conflit lui-même. En Algérie, il est effectivement très difficile de filmer, les forces françaises interdisant et confisquant les films au titre du décret du 11 mars 1934 de Pierre Laval qui régit les prises de vues cinématographiques dans les colonies françaises d'Afrique. Ils seront cependant quelques-uns à passer dans la clandestinité pour témoigner.

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Visite de Charles de Gaulle en Algérie / Paysans abattus dans les Aurès

Propagande et contre-propagande

Il y a du côté des forces françaises une armée de 400 000 hommes et une propagande bien rodée, bien qu'elle s'avérera au final inefficace. L’Etablissement Cinématographique et Photographique des Armées (ECPA) fait plus de 300 000 clichés mais ceux-ci sont toujours ciblés et encadrés afin de défendre l'idée que l'armée française intervient dans le cadre d'une mission de pacification, et qu'il n'y a pas de velléités d'indépendance de la part du peuple algérien mais seulement des bandes terroristes désorganisées qui sévissent et perpétuent des actes barbares. La vérité du conflit reste ainsi délibérément cachée aux yeux de la population française, alors qu'à l'étranger il devient de plus en plus évident que c'est une guerre d'indépendance qui est en train de se dérouler.

Du côté algérien, la contre-propagande est difficile à mettre en place. L'unité du pays a été mise en miettes par le colonialisme et il faut donc d'abord réussir à se fédérer pour pouvoir porter une parole commune. De plus, les Algériens n'ont ni les outils ni le savoir-faire technique pour réaliser des images. La production cinématographique algérienne est en effet inexistante, les aides de la France ayant consisté à monter un très dense réseau de salles (on encompte près de quatre cent dans le pays) mais dans l'unique optique de diffuser des productions nationales et d'ainsi "franciser" la population algérienne. Il faut donc avant tout apprendre et s'équiper et ce n'est que petit à petit que de jeunes cinéastes - comme Mohamed Lakhdar Hamina (futur réalisateur de Chronique des années de braise, Palme d'or au Festival de Cannes 1975), Djamal Chanderli ou encore Mhamed Saadek Massaoui (futur fondateur du Centre Algérien de la Cinématographie) - parviennent à filmer la guerre, à témoigner des atrocités, luttant par leurs images mais aussi œuvrant à ce qu'advienne après l'indépendance ce cinéma national qu'ils appellent de leur vœu.

C'est en 1956 que le FLN monte un centre d'information et de communication. Au départ, il s'agit d'accompagner des journalistes étrangers venus filmer la guerre de libération. C'est ainsi

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que deux reporters indépendants, Herb Greer et Peter Throckmorton, filment cette année-là le maquis d'Oranie, rapportant des images qui seront diffusées lors de l'Assemblée Générale de l'ONU en 1957. Des cinéastes algériens s'installent à Tunis et créent - avec le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne qui y est installé - une agence de presse pour favoriserla diffusion des images du conflit. Des formations sont mises en place, ainsi que la collecte d'images et de documents de presse afin de constituer des archives complètes sur la guerre d'indépendance. En 1960 est réalisé Djazairouna, premier film produit par le GRPA via son service cinéma, et auquel collaborent Djamel Chanderli et Mohamed Lakhdar Hamina. La contre-propagande est en marche, mais l'équilibre des forces reste largement en défaveur des combattants algériens. Afrique 50 Source : http://www.dvdclassik.com

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Brèves

La Chine installe une base militaire en Afrique

Soldats chinois, Photo DR

Le 26 novembre 2015, le gouvernement chinois a annoncé avoir conclu un accord avecDjibouti pour la construction d'une base militaire navale dans ce pays de la Corne del'Afrique où les USA et le Japon disposent déjà de bases. Selon Hong Lei, porte-parole duministère chinois des Affaires étrangères, cette première base militaire chinoise àl’étranger servira à «effectuer des missions navales anti-piraterie au large de la Somalie etde fournir une assistance humanitaire». Elle facilitera aussi, selon lui, la participation destroupes chinoises aux missions de maintien de la paix de l'ONU en Afrique. Djibouti estun petit pays d'Afrique de l'Est, voisin de l'Ethiopie. Situé dans la Corne de l'Afrique, il estséparé du Yémen par le golfe d'Aden. La population, de moins d'un million d'habitants, yest majoritairement musulmane, malgré une minorité chrétienne. Sur son territoire,Djibouti héberge également le «Camp Lemonnier», une base maritime française passéesous contrôle étasunien avec 4 000 militaires US ayant pour mission d’agir dans larégion de la Corne de l’Afrique.

Devenu premier partenaire économique de l’Afrique, la Chine semble prête à défendreses intérêts sur le continent.

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