le jour se leve a la fin de la gatha ahunauuaiti- kellens 2013

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Journal Asiatique 301.1 (2013): 53-84 LE JOUR SE LÈVE À LA FIN DE LA GÂTHÂ AHUNAUUAITI JEAN KELLENS * 0. AVERTISSEMENTS Il y a déjà bien longtemps, dans les années soixante-dix, Karl Hoff- mann m’expliquait qu’il serait peut-être fertile d’aborder les Gâthâs non plus par la somme massive d’une édition, d’une traduction et d’un com- mentaire, mais en tirant les conclusions les plus claires de ce qui paraît raisonnablement observable. Cet essai est inspiré de cette idée, qu’inévi- tablement, il ne cesse de trahir. Les textes constitutifs de l’Avesta ancien seront mentionnés de la manière suivante: Gâthâ ahunauuaiti (GA: Y28-34), Gâthâ ustauuaiti (GU: Y43-46), Gâthâ sp¢ta.mainiiu (GS: Y47-50), Gâthâ vohuxsara (Y51), Gâthâ vahistoisti (Y53), Yasna haptahaiti (YH35.2-41). Cet article est fidèle à deux perspectives. Sauf avis contraire, les interpré- tations grammaticales restent celles qu’Eric Pirart et moi avons défendues dans Les textes vieil-avestiques (TVA I – III: 1988-1991). La seconde est la concep- tion de la structure du texte que j’ai exposée en 2007, selon laquelle l’unité de base est la Gâthâ, dont la succession des sous-unités, les haitis, homogènes mais non indépendantes, tissent progressivement la teneur conceptuelle. 1. LE VOCABULAIRE DU RITE DANS LA GA a. La concentration finale. C’est un fait de pure observation que les mots désignant un acteur ou un acte du culte 1 sont massivement concentrés * Professeur au Collège de France, chaire de Langues et religions indo-iraniennes, 11, place Marcelin Berthelot, F-75005 Paris. Cet article expose la matière d’un enseignement délivré au Collège de France durant l’année académique 2011-2012. 1 L’appartenance au vocabulaire rituel est volontairement comprise de manière très res- trictive, car, si chaque mot d’un texte liturgique peut recevoir des connotations rituelles, on doi: 10.2143/JA.301.1.2994460

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Page 1: Le Jour Se Leve a La Fin de La Gatha Ahunauuaiti- Kellens 2013

Journal Asiatique 301.1 (2013): 53-84

LE JOUR SE LÈVE À LA FIN DE LA GÂTHÂ AHUNAUUAITI

JEAN KELLENS*

0. AVERTISSEMENTS

Il y a déjà bien longtemps, dans les années soixante-dix, Karl Hoff-mann m’expliquait qu’il serait peut-être fertile d’aborder les Gâthâs non plus par la somme massive d’une édition, d’une traduction et d’un com-mentaire, mais en tirant les conclusions les plus claires de ce qui paraît raisonnablement observable. Cet essai est inspiré de cette idée, qu’inévi-tablement, il ne cesse de trahir.

Les textes constitutifs de l’Avesta ancien seront mentionnés de la manière suivante: Gâthâ ahunauuaiti (GA: Y28-34), Gâthâ ustauuaiti (GU: Y43-46), Gâthâ sp¢∞ta.mainiiu (GS: Y47-50), Gâthâ vohuxsa‡ra (Y51), Gâthâ vahistoisti (Y53), Yasna hapta∞haiti (YH35.2-41).

Cet article est fidèle à deux perspectives. Sauf avis contraire, les interpré-tations grammaticales restent celles qu’Eric Pirart et moi avons défendues dans Les textes vieil-avestiques (TVA I – III: 1988-1991). La seconde est la concep-tion de la structure du texte que j’ai exposée en 2007, selon laquelle l’unité de base est la Gâthâ, dont la succession des sous-unités, les haitis, homogènes mais non indépendantes, tissent progressivement la teneur conceptuelle.

1. LE VOCABULAIRE DU RITE DANS LA GA

a. La concentration finale. C’est un fait de pure observation que les mots désignant un acteur ou un acte du culte1 sont massivement concentrés

* Professeur au Collège de France, chaire de Langues et religions indo-iraniennes, 11, place Marcelin Berthelot, F-75005 Paris. Cet article expose la matière d’un enseignement délivré au Collège de France durant l’année académique 2011-2012.

1 L’appartenance au vocabulaire rituel est volontairement comprise de manière très res-trictive, car, si chaque mot d’un texte liturgique peut recevoir des connotations rituelles, on

doi: 10.2143/JA.301.1.2994460

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dans les vingt-cinq dernières strophes de la Gâthâ, entre Y33.5 et Y34.15, soit dans le dernier quart du texte (il compte 100 strophes, 101 avec l’Ahuna Vairiia).

Y33. 5: zbaiia … ¢r¢zus pa‡o 6: zaota 7: n¢maxvaitis … rataiio 8: yasn¢m … a+a.staomiia vaca … draono 9 – 10: vides 11: adai 12: ada 13: vide 14: rat∏m

Y34. 1: yasna 2: vahme… garoibis stut∏m2

3: miiazd¢m … n¢ma∞ha 4: atr≠m 5: vide 6: yaz¢mnasca … stauuas 7: ar¢dra 8 – 11: vides3

12: razar≠ … stuto … yasnahiia … rasn∏m … pa‡o 13: aduuan¢m 14: vide 15: srauuasca … isud¢m stuto

Soit:

aduuan- «chemin» (scr. ádhvan-): 34.13; une attestation douteuse en 31.2.ar¢dra- «qui obtient le succès rituel»: 34.7, seule attestation de la GA, sauf 28.7

radah- «succès rituel» (scr. r0dhas-)4.at¢r¢- «feu»: 34.4, aussi 31.3 et 19.ada- «dépôt d’offrande»: 33.11, 12.

ne peut méthodologiquement en tenir compte. La seule exception au refus de l’extension sémantique sera aduuan- / pa‡- «chemin» en raison de son évident emploi métaphorique.

2 Où Humbach (1959 II, 44) a justement reconnu la stylisation de YH 41.1 stuto garo vahm≠∞g.

3 Mais 11. xvar¢‡ai.a semble se référer à la même réalité que 33.8 draono. Pour le reste, 8-9 est caractérisé par le passage à la rhétorique blame et 9-11 est une zone armaiti (sur la notion de zone, voir Kellens 2007, 420).

4 29.9 rad¢m est d’interprétation incertaine et 33.2 varai rad (aussi 51.6) est idioma-tique.

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isud- «apport de vigueur» (scr. iÒídh-): 34.15, aussi 31.14; propre à la GA, sauf YH. isuidiia-.

gar- «chant de bienvenue» (scr. gír-): 34.2, aussi 28.4 gaire (et YH 41.1 garo); les autres Gâthâs ont exclusivement garo d¢mana- «maison du chant de bienvenue», absent de la GA.

draonah- «ration» (scr. drávi∞as-): 33.8, seule attestation vieil-avestique.pa‡- «chemin» (scr. páth-): 33.5, 34.12, aussi 31.9 pa‡∏m.n¢mah- «hommage» (scr. námas-): 33.7 n¢maxva∞t-, 34.3, aussi 28.1 n¢ma∞ha.miiazda- «offrande solide» (scr. miyédha-): 34.3, seule attestation vieil-aves-

tique.yasna- «sacrifice» (scr. yajná-): 33.8, 34.1, 12; seules attestations de la GA,

mais 30.1 yesniia.yaz «sacrifier» (scr. yaj): 34.6, aussi 32.3 yazaite et 33.4 yazai apa.vahma- «chant»: 34.2, seule attestation de la GA, mais 28.2 ufiiani et 29.9 vafus.rata- «cadeau»: 33.14, seule attestation de la GA, mais voir suivant.raiti- «générosité» (scr. ratí-): 33.7, seule attestation gâthique, mais 28.8 ra:

ra∞hahoi et 29.11 ¢hma.raiti-.razan- «adresse?»: 34.12 (2 x).stu «louer» (scr. stu): 34.6, seule attestation du verbe dans la GA.stut- «éloge» (scr. stút-): 34.2, 12, 15, aussi 28.9 stut∏m ; mot propre à la GA

(aussi YH 41.1), les autres Gâthâs ayant exclusivement staota- (comme 30.1 staota et YH35.10); aussi 33.8 a+a.staomiia.

srauuah- «hymne» (scr. srávas-): 34.15, mot propre à la GA, où il est fréquent: 28.10, 32.10, 12; aussi 32.6 srauuahiia-.

zaotar- «libateur» (scr. hótar-): 33.6, seule attestation vieil-avestique.

b. Les exceptions. Les mots du vocabulaire rituel qui sont attestés dans le reste de la GA et ne le sont pas entre 33.5 et 34.15 sont les sui-vants: azuiti- «libation de graisse» (scr. 0huti-) et xsuuid- «libation de lait» 29.7; car¢k¢r¢‡ra- «célébration» 29.8; da‡ra- «don» (scr. datrá-) 31.14; fri «propitier» (scr. pri) 29.5; m∏‡ra- «formule» (scr. mántra-) 28.7, 29.7, 31.6, 18; m∏‡ran- «dépositaire de la formule» (scr. mantrin-) 32.13; vidaiti- «répartition» 31.19. La distribution du vocabulaire rituel avant 33.5 est donc la suivante: Y28.1, 4, 7, 8, 9, 10, Y29.5, 7, 8, 11, Y30.1, 10, Y31.3, 6, 9, 14, 18, 19, Y32.3, 9, 10, 12, 13, Y33.4. Elle appelle les remarques suivantes:

1. Y28 est la seule haiti qui montre une concentration relativement comparable à celle du secteur 33.5 – Y34.15. Or, ce chapitre relève d’un genre rhétorico-rituel que lui-même définit comme yana- «demande» (28.9). C’est la seule attestation vieil-avestique du mot, mais celle de ya:

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yasa- en 49.8 et 12 montre que le motif est lié à l’énumération des noms-propres5.

2. L’ensemble 29.5-8 correspond à un moment précis du texte: la réponse d’Ahura Mazda à l’âme de la vache.

3. La fréquence relative du Y31 s’explique par deux strophes paral-lèles concernant le feu (3 et 19), l’emploi de pa‡- et celui de m∏‡ra- (6 et 18). 32.9-13 semble une zone srauuah.

4. L’écho 32.3 yazaite - 33.4 yazai apa semble cerner approximative-ment le développement blame qui commence avec 31.18. 33.4 y met fin en même temps qu’il introduit le secteur 33.5 – 34.15.

c. Vérification sur les autres Gâthâs polyhâtiques. Une situation similaire, quoique moins nette, semble affecter la GU, où l’on observe une concentration particulière du vocabulaire rituel entre 45.3 et 10:

Y45. 3: m∏‡r¢m 6: stauuas… vahme 7: rada∞ho 8: staotais n¢ma∞ho … vahm≠∞g d¢mane garo 10: yasnais

Soit:

gar-: (d¢mane garo) 45.8n¢mah-: 45.8, aussi 43.9 et 44.1 (2 x)m∏‡ra-: 45.3, aussi 43.14 et 44.14, 17yasna-: 45.10vahma-: 45.6, 8, aussi 46.8, 17 et vaf : ufiia° 43.8radah-: 45.7, aussi 46.13, 17 et ar¢dra- 43.3 et 46.9, 16stu-: stauuas 45.6, aussi 43.8 staumistaota-: 45.8

Les mots attestés dans le reste de la Gâthâ qui ne le sont pas entre 45.3 et 10:

atar- : 43.4 et 9pa‡-: 43.3 (aduuan- de Y44.3 n’est pas métaphorique du rituel, mais de la cosmogonie)rata- : 43.9

5 Les autres Gâthâs suggèrent que maga- (29.11 magai.a, aussi 33.7 magauno) et yah- (30.2 ya∞ho) appartiennent à un contexte lui aussi lié à l’énumération des noms-propres.

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Ces exceptions sont analogues à celles de la GA:

1. La haute fréquence que l’on observe dans les dyptiques 43.3-4 et Y43.8-9 semble cristallisée par l’évocation d’Atar, comme dans Y31.3 et 19. 43.14, 44.14 et 17 ne sont pris en compte qu’en raison de m∏‡ra-, absent du secteur 33.5-34.15 et qui semble dès lors annexer 45.3 à une zone de saupoudrage avec 44.14 et 17. La concentration du vocabulaire rituel serait alors réduite à Y45.6-10.

2. La relative concentration observable de 46.7 à 17 conflue finale-ment, comme celle de 28, dans l’énumération des noms-propres.

Le cas de la GS est fort semblable à celui de GA. Le vocabulaire rituel se manifeste avec une certaine discrétion depuis 49.1 jusqu’à 50.1, enser-rant l’énumération des noms-propres (stricto sensu 49.8, 9 et 12), puis imprègne massivement les strophes finales 50.4 – 11:

Y49. 1 ada 5 izaca azuitisca 8 yasa 10 n¢masca … izaca 12 zbaiie∞te … staotais … frinai … yas∏s

Y50. 1 zuta 2 yazai … stauuas … iso … pai‡i … ar¢dr≠∞g d¢mane garo 5 m∏‡rane 6 m∏‡ra … n¢ma∞ha … raz≠∞g 7 vahmahiia 8 izaiia … ar¢draxiiaca n¢ma∞ha 9 yasnais … stauuas 10 vahmai 11 staota

Soit:ar¢dra-: 50.4, 8, aussi 48.8ada-: 49.1azuiti-: 49.5is-: 50.4iza- : 49.5, 10, 50.8gar-: (d¢mana- garo) 50.4pa‡-: 50.4fri : frinai: 49.12n¢mah-: 49.10, Y50.6, 8

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m∏‡ran-: 50.5, 6yasna-: 50.9yaz : yazai-: 50.4ya : yasa Y49.8, yas∏s 49.12vahma- 50.7, 10, aussi 48.1 et vafus- 48.9razar-: 50.6stu : stauuas : 50.4, 9staota-: 49.12 et staotar-: 50.11zu: zbaiie∞te 49.12zuiti-: 50.1

Les seuls mots attestés ailleurs sans l’être ici sont atar- et vidaiti-, qui font de 47.6 un passage parallèle à 31.19.

d. Le moment sacrificiel. Ainsi, dans chaque Gâthâ polyhâtique, la concentration du vocabulaire rituel délimite un «moment sacrificiel». Celui-ci apparaît comme une phase obligée du processus liturgique dont la Gâthâ est le récitatif, au même titre que la dissertation sur le mainiiu, les questions adressées à Ahura Mazda et l’énumération des membres d’un groupe humain (voir TVA I: 1988, 14), que nous désignerons res-pectivement comme avis (mainiiu-), interrogatoire (frasa-) et appel6. Elles se distribuent de la manière suivante (le renvoi est réduit au noyau dur, sans les éventuels préambules et prolongements):

GA: appel (Y28.6-8), avis (30.3-6), interrogatoire (Y31.14-17), sacrifice (Y33.5-Y34.15).

GU: avis (Y43.5-15), interrogatoire (Y44), sacrifice (Y45.3-10), appel (Y46.13-17).

GS: avis (Y47), interrogatoire (Y48.9-11), appel (Y49.8-11), sacrifice (Y50.4-11).

Clairement, l’ordre de succession n’est variable qu’en raison de la mobilité de l’appel. Celui-ci et le moment sacrificiel sont une fois situés

6 Je doute à présent de l’existence d’une phase que l’on pourrait définir comme décla-ration de bonne volonté rituelle, a fortiori de sa désignation comme razar-. Je doute aussi que yah- soit le nom de l’énumération des noms-propres. Il semble que le nom de la cérémonie, toutes phases réunies, soit das¢ma-, attesté par Y28.9 et dont la variante *das-man- a donné lieu, en récent, au dérivé secondaire en -i- Y10.18 dasmaini- «convenant au moment de la cérémonie» (Klingenschmitt, ap. Kellens, NRA 1974, 323). Sur la racine das = scr. das: d0Ò†i, voir Mayrhofer, EWA: 1992, 722 sq., et, sur les noms-propres Yt13.125 paro.dasma- et dastagni-, le même 1977, 36 et 68.

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aux antipodes de la Gâthâ, deux fois réunis dans le mouvement final, mais en ordre inverse.

La GA, qui est la Gâthâ la plus longue, est naturellement celle qui comporte, entre ses phases obligées, le plus de texte interstitiel. De celui-ci émergent deux passages originaux et passablement énigmatiques: le dialogue avec l’âme de la vache (Y29) et, au cœur d’un long développe-ment blame (Y31.18 – Y33.4), la condamnation des daeuuas (Y32).

2. LE CURSUS RITUEL DE LA GA

a. Le sacrifice sanglant. L’acte7 qui fonde le moment sacrificiel a été identifié en partie avec une forte probabilité. Helmut Humbach a bien vu, en 1964 (271 sq.), que les strophes 34.2 et 3 parlaient de l’offrande car-née d’une manière inusuellement explicite pour le discours gâthique. Il s’agit de disposer les vivants autour du chant d’adoration (pairigae‡e … vahme) et de les offrir (dama gae‡a vispa), à titre d’hommage (n¢ma∞ha), comme offrande solide (miiazd¢m). Il y a peu, l’examen du Y58 m’a convaincu que l’arrangeur du Yasna savait pertinemment que, dans le rite primitif de la GA, les strophes 34.1-5 correspondaient à la phase de l’of-frande carnée, que, pour cette raison, il les avait mises au début de son propre processus et avait amplifié celui-ci jusqu’au Y58 (EAM IV: 2011, 107-118).

Y341. ya /iiao‡ana ya vaca∞ha, ya yasna am¢r¢tatat¢m a+¢mca taibiio da∞ha, mazda xsa‡r¢mca hauruuatato aes∏m toi ahura, ≠hma pourut¢mais daste

«L’acte, la parole et le sacrifice par lesquels tu t’empares de l’immortalité, de l’Agencement et du pouvoir sur la santé, ô Ahura Mazda, nous te les offrons sans cesse».

2. a†ca i toi mana∞ha, mainii≠usca va∞h≠us vispa data sp¢∞taxiiaca n¢r¢s /iiao‡ana, yehiia uruua a+a hacaite pairigae‡e xsmauuato, vahme mazda garoibis stut∏m

7 L’acte rituel (/iiao‡ana-), mentionné avec une fréquence inégalée entre 33.14 et 34.15 (Kellens et Pirart, TVA III: 1991, 111), inaugure de manière abrupte le Y34.

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«Tous te sont donnés, d’une part par la pensée de la bonne passion, d’autre part par l’acte de l’homme faste, dont l’âme s’unit à l’Agencement quand le chant-d’adoration qui vous est dû, ô Mazda, s’entoure des êtres-vivants avec les bienvenues des éloges».

3. a† toi miiazd¢m ahura, n¢ma∞ha a+aica dama gae‡a vispa a xsa‡roi, yå vohu ‡raosta mana∞ha aroi zi huda∞ho, vispais mazda xsmauuasu sauuo

«Nous déposons en hommage comme offrande-solide, pour toi, ô Ahura, et pour l’Agencement, à l’endroit même de ton Pouvoir, tous les êtres-vivants que vous avez engraissés de bonne Pensée. C’est bien par eux tous, ô Mazda, que le gonflement du généreux a été mis en mouvement parmi vous».

4. a† toi atr≠m ahura, aojo∞huua∞t¢m a+a us≠mahi asistim ≠mauua∞t¢m, stoi rapa∞te ci‡ra.auua∞h¢m a† mazda daibisaiia∞te, zastaistais d¢r¢sta.aena∞h¢m

«Nous voulons que ton feu, ô Ahura, soit fort par l’Agencement, instruc-teur et agressif, pour apporter à celui qui le favorise une aide claire, mais à celui qui lui nuit, ô Mazda, un tort visible par les projectiles de ses mains».

5. ka† v≠ xsa‡r¢m ka istis, /iiao‡anai mazda ya‡a va hahmi a+a vohu mana∞ha, ‡raiioidiiai drigum yusmak¢m par≠ va vispais par≠.vaox¢ma, daeuuaisca xrafstrais ma+iiaisca

«Quel est votre pouvoir? Quelle recherche (de celui-ci) est loisible à mon activité ou à mon sommeil, ô Mazda, pour qu’il protège par l’Agencement et la bonne Pensée celui qui a besoin de vous? Nous vous avons toujours déclarés supérieurs à tous les dieux infects et à leurs hommes».

6. yezi a‡a sta hai‡im, mazda a+a vohu mana∞ha a† ta† moi daxst¢m data, ahiia a∞h≠us vispa mae‡a ya‡a va yaz¢mnasca, uruuaidiia stauuas aiieni paiti

«Si vous êtes en permanence doués d’Agencement et de bonne Pensée, ô Mazda, comme (vous l’êtes quand) je viens plus droit vous sacrifier et vous louer, donnez-moi pour impulsion chaque changement de l’état-d’exis-tence!».

7. ku‡ra toi ar¢dra mazda, yoi va∞h≠us vaed¢na mana∞ho s≠∞ghus raex¢na asp≠∞ci†, sadraci† caxraiio us¢uru naecim t≠m anii≠m yusma†, vaeda a+a a‡a na ‡razdum

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«Où sont les prêtres-compétents, ô Mazda, qui, par leur capacité à repérer la bonne Pensée, ne cessent de changer même les choses néfastes en restes notoires et les choses frustrantes en usarus ? Je ne connais d’autre (protec-teur) que vous, alors protégez-nous par l’Agencement!».

Le moment sacrificiel est scandé par l’annonce de l’offrande d’immor-talité, qui assure sa compacité textuelle: 33.8 data v≠ am¢r¢tasca utaiiuiti hauruuatas draono «vous avez fait de l’immortalité, de la jouvence et de la santé votre ration-sacrificielle»; 33.12 mentionne explicitement t¢uuisi- «robustesse», impliqué en 8 par le duel elliptique utaiiuiti ; 34.1 ya yasna am¢r¢tatat¢m a+¢mca taibiio da∞ha mazda xsa‡r¢mca hauruuatato «le sacrifice par lequel, ô Mazda, tu t’empares de l’immortalité, de l’Agence-ment et du pouvoir sur la santé»; 34.11 a† toi ube hauruuasca xvar¢‡ai.a am¢r¢tatasca «les deux , santé et immortalité, sont pour te nourrir». Mais l’offrande carnée n’est pas toute l’offrande d’immortalité. L’espace qui lui est consacré ne représente d’ailleurs que la cinquième partie du moment sacrificiel (peut-être un peu plus si l’écho ‡raiioidiiai - ‡razdum prolonge jusqu’à 34.7 la demande d’aide): 10 strophes précèdent et 10 suivent.

b. La libation de haoma. Sur les strophes qui appartiennent au Y33 (5-14), nous disposons d’un témoignage analogue à celui du Y58 sur 34.1-5. Dans le rite actuel du Yasna, le troisième pressurage de haoma commence avec la récitation du dernier vers de 33.4. Le rythme sonore du mortier accompagne les strophes 7 à 10 et des opérations complexes de transvasement, nettoyage et aspersion commencent avec 11 et se ter-minent avec la haiti, culminant par une libation sur le sol à l’ouest du feu pendant la récitation insistante de l’hémistiche 11 c’ adai kahiiaci† paiti (Kotwal et Boyd 1991, 110 sq.). Or, nous pouvons être sûrs que cette phase du rite est constitutive de l’organisation du Yasna. Les deux der-nières strophes originales du Homast, Y27.6 et 7, attirent l’attention audi-tive (sraosa-) des dieux sur le mouvement sonore des pressoirs et débouchent sur la citation de Y33.11 à 14 (= Y27.8-11): voir Kellens, EAM IV: 2011, 71-73. De même que l’auteur du Y58 savait que, dans le rite primitif de la GA, 34.1-5 était l’expression même de l’offrande carnée, celui du Y27 (dont un fragment inclus dans 6 est moyen-aves-tique) savait que 33.5-14 correspondait à la libation de haoma (que désigne peut-être ada-).

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Pour l’auteur du Y27, c’est clairement l’appel à entendre le bruit des pressoirs qui structure l’offrande haomique du Y33. L’invocation initiale du/de sraosa (5. s¢raos¢m zbaiia) se réalise verbalement dans l’impératif sraota de 11 (épinglé aussi par Vr 21.3: voir EAM IV: 2011, 49 sq.) et donne finalement accès au pouvoir (14. s¢raos¢m xsa‡r¢mca). L’auteur du Hom Stom (Y9-11) exprime autrement la magie de la rumeur en faisant métaphoriquement du lieu où le pressurage va avoir lieu (Y10.2) la mai-son de Sraosa (Y10.1). Dans le détail, les opérations du Y33 vieil-aves-tique et celles du Hom Stom récent ont en commun trois étapes: la purge préalable des cercles sociaux (33.4, Y9.28-29, qui se prolonge de manière imagée en 30-32)8, la croissance du corps du sacrifiant consécutive à l’ingestion du suc (33.10, Y10.14 et 11.10) et l’offrande de l’ustana de ce corps transcendé (33.14, Y11.18 directement calqué sur le précédent).

Le moment sacrificiel de la GA a fourni à l’arrangeur du Yasna deux principes directeurs: amplification par anticipation de l’offrande hao-mique à partir du Y9, amplification par prolongement de l’offrande car-née jusqu’au Y58. Si Alberto Cantera (2012, 217-227) a raison de penser qu’un jour, le Yasna a été disposé non pas en 72, mais en 66 chapitres, il apparaît que la partie haomique et la partie carnée forment les exactes moitiés de la liturgie. Et on ne peut manquer de relever avec étonnement que la dernière strophe de la première moitié, 33.14, atteste, dans le dédale de ses coordinations, le mot pauruuatat-, puis de se souvenir que, selon Y1.10 et par., les ratus pairishauuani-, c’est-à-dire qui concernent d’une manière ou d’une autre le pressurage, sont 33…

L’apparente condamnation du pressurage et de l’immolation par 32.14 se situe seulement cinq strophes en amont de 33.4 et sans doute faut-il la comprendre en fonction de ce qui va suivre: comme une interdiction de pressurer et d’immoler à un mauvais moment, pour un mauvais bénéfi-ciaire, c’est-à-dire avant l’aube et pour le représentant des ténèbres. Il faut attendre que s’éclairent les chemins…

c. Les chemins de l’aurore. Non seulement 33.5 compose un seul ensemble syntaxique avec 33.4 (et 6), mais les deux strophes sont encore

8 Cette idée a un parallèle en RV1.133.7: sunvanó hí Òma yájaty áva dvíÒo dev0nam «celui qui pressure écarte par le sacrifice les hostiles aux dieux».

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unies par l’anaphore de propositions relatives à la 1ère sing. et la multi-plication des échos antonymiques: 4. asrustim ak¢mca mano yazai apa… druj¢m: s¢raos¢m zbaiia… va∞h≠us mana∞ho… a+a† a (Schmidt 1985, 24 sq.). Cette antonymie est en réalité l’expression d’un changement conceptuel radical. 33.5 estompe le discours blame de manière durable jusqu’à 34.8 et dessine une métaphore innovante, celle du chemin, qui servira finalement à clôturer le moment sacrificiel (33.5-6: 34.12-13). Ainsi, entre les deux strophes étroitement soudées 4 et 5, le contraste, tout en contribuant à la soudure, révèle qu’un événement décisif s’est produit.

Paraphrasons: alors que la situation est celle du détellement à l’étape du soir (Narten 1982, 51 n. 112), donc de l’immobilité, des chemins directs viennent d’être obtenus qui donnent à la Bonne Pensée le pouvoir sur la longue vie en menant à l’Agencement et aux demeures d’un Ahura; aussi le récitant, qui va s’identifier comme zaotar, implore Sraosa de le guider9 sur ces chemins.

Trois mots fondent l’innovation conceptuelle de 33.5: le premier énig-matique, ahuro, le deuxième en principe usuel, s¢raos¢m, et le troisième exceptionnel, zaota, qui appartient à 6, mais que l’homogénéité syn-taxique, la contiguïté elliptique avec ¢r¢zus et l’assonance avec zbaiia intègrent à 5.

1. Il y a nécessairement un ahura qui n’est pas Mazda. Pirart et moi avons corrigé mazda en xmazda contre tous les manuscrits parce que le pronom de 2e sing. te de la relative primaire, alors que 4. ‡ba† mazda assure qu’il est adressé à l’ahura Mazda, rend intolérable le nominatif mazda ahuro de la relative secondaire. Il y a dans chaque Gâthâ une strophe, et peut-être une fois encore une seule, qui fait la distinction entre Mazda et un ahura anonyme: Y43.3 pa‡o… y≠∞g a.saeiti ahuro ar¢dro ‡bauu∏s… mazda, Y48.3 sasti a+a ahuro… ‡bauu∏s mazda, Y51.3 a v≠ g≠us.a h≠miia∞tu… ahuro… uxdais… yaes∏m tu pouruiio mazda fradaxsta

9 Le contexte est évidemment favorable à l’interprétation de (m)azist¢m comme super-latif formé sur la racine az «conduire» (Kellens et Pirart, TVA III: 1991, 100). Le carac-tère inusuel d’un composé ayant pour second terme un superlatif et pour premier son complément a été relevé par Schmidt (1985, 12) et A3.1 ra‡b∏m vispe mazistan∏m n’est qu’une stylisation fautive de Y1.22 et par. ratauuo vispe mazista.

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ahi. La situation est moins claire dans la Gâthâ Vahistoisti, où la distinc-tion réside peut-être dans la juxtaposition finale de Y53.9 ku a+auua ahuro… ta† mazda tauua xsa‡r¢m. Le jeu des parallèles montre que cet ahura est lié au motif des chemins (Y33.5, Y43.3) et participe de la nature de Mazda (Y43.3 et Y48.3 ‡bauu∏s mazda).

2. La présence de Sraosa dans la littérature vieil-avestique est étran-gement poreuse. Absent non seulement du Yasna Hapta∞haiti, mais aussi des trois dernières Gâthâs, son nom, attesté trois fois dans la GA, sert à ceinturer la partie sacrificielle appartenant au Y33 (5-14) et semble donc essentiellement lié à l’offrande haomique. En invoquant Sraosa, le réci-tant demande que la sonorité des pressoirs lui ouvre la route et lui assure l’audience d’Ahura Mazda, comme le fera, à son exemple, l’auteur du Y27 (et celui de Y10.1 fera du lieu du pressurage la maison de Sraosa). Dès lors, l’attestation rémanente de Y28.5 a+a ka† ‡ba dar¢sani… vaed¢mno gatumca… s¢raos¢m mazdai «A+a, quand te verrai-je, trou-vant accès et audience auprès de Mazda?», en associant, dans une ques-tion au subjonctif aoriste, les idées du chemin (gatum°) et d’attention auditive, semble bien relever de l’espoir impatient.

3. Le récitant s’identifie ouvertement comme zaotar, c’est-à-dire offi-ciant principal d’une cérémonie sacrificielle. Les trois mots zaotar- (33.6), draonah- (33.8) et miiazda- (34.3), dont c’est l’unique attestation vieil-avestique, font de la GA la Gâthâ qui dévoile le plus explicitement sa fonction liturgique. En contraste, la relative discrétion des autres révèle l’un des principaux facteurs de notre mauvaise compréhension des Gâthâs: elles taisent, voire dissimulent, la situation de référence de leur récitation. A nous de la détecter au risque de l’arbitraire. Bartholomae l’a audacieusement et malheureusement tenté en faisant des Gâthâs des «Verspredigten». Une fois qu’on les a identifiées commes des «Lieder» (Humbach), tout le travail d’imagination reste à accomplir, car des hymnes peuvent servir à beaucoup de choses. Par bonheur, Y33.6 ne laisse aucun doute: «je» ne dit certes pas son nom, comme ne le fait (presque) jamais le «je» gâthique, mais il est le directeur d’un sacrifice10.

10 Vu l’incompréhensible obstination des meilleurs spécialistes à refuser de donner à zaotar- son sens pleinement technique, on comprend l’irritation qui sourd du commentaire de Humbach (2010, 175): «We repeat that zaotar- does not mean «member of the priest class», but «officiating priest»».

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33.4. y≠ ‡ba† mazda asrustim, ak¢mca mano yazai apa xvaet≠usca tar≠maitim, v¢r¢z≠naxiiaca nazdist∏m druj¢m airiiamanasca nad¢∞to, g≠usca vastra† acist¢m ma∞tum «Moi qui veux purger ton sacrifice, ô Mazda, de la surdité, de la mauvaise

pensée, de l’indifférence de ma famille, de la tromperie contiguë à mon clan, des rouspéteurs de ma tribu et (purger) la pâture de la vache du pire procédé-mental,»

5. yaste visp≠.mazist¢m, s¢raos¢m zbaiia auua∞hane apano dar¢go.jiiaitim, a xsa‡r¢m va∞h≠us mana∞ho asa† a ¢r¢zus pa‡o, yaesu xmazda ahuro saeiti «moi qui, au temps du détellement, implore ton écoute de bien guider

chacun, alors que j’ai atteint le pouvoir de la bonne Pensée sur la longue vie (et) les chemins directs menant à l’Agencement, sur lesquels, ô Mazda, réside l’Ahura,»

6. y≠ zaota a+a ¢r¢zus, huuo mainii≠us a vahista† kaiia ahma† auua mana∞ha, ya v¢r¢ziieidiiai ma∞ta vastriia ta toi iziia ahura, mazda darstoisca h≠m.parstoisca

«moi, le libateur (ayant atteint ces chemins) directs qui me réjouis auprès de cette excellente passion-ci de cette pensée-là, dont (x) a pensé que les travaux de pâture devaient être accomplis, voici ce que j’attends, ô Ahura Mazda, à te voir et à m’entretenir avec toi:»

Le reste du Y33, à l’exception de la dernière strophe, est un long pas-sage à l’impératif où se dessinent des mouvements divers. 7 et 8 sont introduits par 6 cc’ ta toi iziia ahura, mazda darstoisca h≠m.parstoisca «voici que j’attends, ô Ahura Mazda, du fait de te voir et de m’entretenir avec toi» et sont fortement caractérisés par l’anaphore de la 2e plur. imp. M. (7. a ma aidum, 8. fro moi frauuoizdum). Le fugitif passage de 9 à la 3e personne (bar¢tu) précède un bloc en 3 x 7 + 811, où le singulier (10, 12) enrobe le pluriel (11) avant que les deux fusionnent, comme il arrive si étrangement souvent dans les Gâthâs (13. doisi moi ya v≠ abifra).

Les chemins apparus au sacrifiant ne sont pas à sens unique. Les dieux peuvent aussi les emprunter pour formuler leurs exigences (7. a ma aidum), se présenter comme objectifs sacrificiels (8. fro moi frauuoizdum ar¢‡a) et s’emparer de leur ration (8. data v≠… draono). La mise en contact qui

11 A l’exception apparente de 10 b’ et de 12 a’. Tel quel, 10 c’ compte étrangement 10 syllabes.

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permet de se voir (6. darstoisca) et de conférer (6. h≠m.parstoisca) trouve un constat explicite dans 7 cc’ auuis a∞tar¢ na h¢∞tu, n¢maxvaitis ci‡ra rataiio «que manifestes soient entre nous les clairs cadeaux de l’hom-mage!» La situation nouvelle, qui se développe depuis 33.5, est le fait de la lumière. L’aurore n’est-elle pas montreuse de chemins?

7. a ma aidum vahista, a.xvai‡iiaca mazda dar¢sa†ca a+a vohu mana∞ha, ya sruiie par≠ magauno auuis na a∞tar¢ h≠∞tu, n¢maxvaitis ci‡ra rataiio «Faites-moi les meilleures demandes, en personne et hardiment, ô Mazda,

grâce à l’Agencement et à la bonne Pensée qui me font entendre plus loin que les bienfaiteurs! Que manifestes entre nous soient les clairs cadeaux de l’hommage!»

8. fro moi (fra)uuoizdum ar¢‡a ta, ya vohu /iiauuai mana∞ha yasn¢m mazda xsmauuato, a† va a+a.staomiia vaca data v≠ am¢r¢tasca, utaiiuiti hauruuatas draono

«Présentez-vous à moi comme des objectifs, vu la bonne Pensée avec laquelle je veux activer le sacrifice qui vous est dû, ô Mazda, et les paroles propres à louer l’Agencement! Vous avez fait de l’immortalité, de la jeu-nesse (avec la force) et de la santé votre ration-rituelle»12.

d. Apparition et abandon du monde matériel. L’espace de trois strophes, nous n’en saurons pas plus à cet égard, pour des raisons diverses: l’obscurité massive de 9, la manière détournée de désigner les déesses de 10 («les belles vivantes» ou «les belles victorieuses») et le soin mis par 11 à rassembler le corps entier des entités13. 10 entérine cependant un fait nouveau et d’importance: l’intrusion du principe féminin (vispa.stoi huji-taiio), du monde matériel (°jitaiio, tanum) et de l’existence transitoire (ya zi a∞har≠ yasca h¢∞ti yasca… buuai∞ti). Cette présence se prolonge dans la strophe suivante avec l’épithète frada†.gae‡a-14 attribuée à A+a et l’entité Armaiti (A+i, qui apparaît en 13, est contaminée par l’obscurité de abifra). Celle-ci, jusqu’à présent absente du moment sacrificiel, va

12 a+a.staomiia vaca nous rappelle que Y11.19 staomi aâ¢m est l’ultime déclaration du Hom Stom, transférant l’éloge de Haoma à A+a.

13 Il est intéressant de noter que cette liste, une fois élargie de 12. fs¢ratum et de 13. daena, est identique à celle du Y37 haptahâtique.

14 Ce qui nous rappelle aussi que les héros mythiques du Hom Stom pressurent «au bénéfice de leur vie osseuse» (Y9.3 etc. astuuai‡iiai… gae‡iiai).

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imprégner trois strophes successives pour finalement accomplir l’acte décisif qui clôture le développement à l’impératif et introduit dans le jeu la daena : 13 cc’ fro sp¢∞ta armaite, a+a daena fradaxsaiia «ô bénéfique Armaiti, selon l’Agencement, propulse les daenas »15.

La situation que nous pensons pouvoir restituer inspire une hypothèse quant à la double énigme de 9 et de 10. Les deux acteurs («retentis-sants»?: sárdhya- est dit d’un char en RV1.119.5) de 9 ne seraient-ils pas les pressoirs du haoma, que l’Avesta récent appelle couramment hauuana-. Je proposerai alors

9. a† toi mazda t≠m mainiium, a+aoxsaiia∞ta sar¢idiiaiia xxa‡ra mae‡a maiia, vahista bar¢tu mana∞ha aiia aroi hakur¢n¢m, yaiia hacai∞te uruu∏no

«Que le mouvement alterné apporte avec bonne Pensée, à toi, ô Mazda, la passion des deux (pressoirs) qui retentissent en accroissant l’Agencement (et), à moi, le bien-être, (car) l’accord de ces deux (à la passion) desquels (nos) âmes s’associent a été mis en mouvement».

Et les belles impermanentes de 10, qui soit ont été, sont ou seront, ne sont-elles pas les aurores, que le Rigveda présente, en succession, comme celles qui ont lui, celles qui luisent et celles qui luiront (e.g. RV 1.113.10 y0 vyuÒúr y0s ca nunáμ vyuch0n… 13. uÒ0 vy ùvasa devy átho adyédáμ vy 5vo maghóni átho vy ùchad úttaran̨ ánu dy4n):

10. vispa.stoi hujitaiio, ya zi a∞har≠ yasca h¢∞ti yasca mazda buuai∞ti, ‡bahmi his zaose abaxso.huua vohu uxsiia mana∞ha, xsa‡ra a+aca usta tanum «Toutes tes belles vivantes (ou victorieuses), celles qui ont été, celles qui

sont et celles qui seront, ô Mazda, fais leur partager ton plaisir! (Moi,) la bonne Pensée, le Pouvoir et l’Agencement me font croître à souhait de tout mon corps».

11. y≠ s¢uuisto ahuro, mazdasca armaitisca a+¢mca frada†.gae‡¢m, manasca vohu xsa‡r¢mca sraota moi m¢r¢zdata moi, adai kahiiaci† paiti «Ahura Mazda qui confère si bien le gonflement, Juste-pensée, Agencement

qui multiplie les vivants, bonne Pensée et Pouvoir, écoutez-moi, ayez pitié de moi lors de la présentation-d’offrande, chaque fois!»

15 Le vocatif sp¢∞ta rapporté à armaite n’est pas original, mais il est usuel (Hoffmann – Forssman 1996, 122).

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Les strophes 12 et 13, greffées sur l’hémistiche adai kahiiaci† paiti de la libation haomique, évoquent quasi explicitement la propagation de la lumière diurne. Le soleil est présent du premier mot de 12, uz + ar, qui est le verbe même de son lever, au 2e de 13, vouru.casani-, dont l’équi-valent védique urucákÒas- «au vaste regard» est l’une de ses épithètes traditionnelles, et le catalogue des forces mises en œuvre, qui occupe l’intervalle, semble traduire son irrésistible montée en puissance. La question se pose inévitablement de savoir si les deux vocatifs ahura et mazda, qui ne dépendent pas du même verbe, ne doivent pas être disso-ciés et le premier identifié au soleil, une perspective du même coup ouverte pour ahuro de 5 et le sujet elliptique de 6b’.

Après la zone d’incertitude générée par le mot inconnu abifra, Armaiti est priée de propulser les daenas. Sous l’appellation qui réfère à sa part immatérielle, on peut comprendre que la terre va projeter dans le ciel les lumières aurorales qui jaillissent d’elle à l’est. L’aurore-vision entre en scène et, dans une strophe de rupture, tant par le retour à la métrique normale 7 + 9 que par le passage de tous les interlocuteurs à la 3e per-sonne grammaticale, Zara‡ustra abandonne aux dieux tout ce qui, dans son être, ne s’identifie pas à elle (son uruuan, qui s’y associe, est épar-gné et réapparaîtra en 34.2). Ainsi procède-t-il à l’auto-immolation sym-bolique de son corps, que l’aurore a fait apparaître et que Haoma a transcendé.

12. us moi (uz) ar¢suua ahura, armaiti t¢uuisim dasuua sp≠nista mainiiu mazda, va∞huiia zauuo ada a+a hazo ≠mauua†, vohu mana∞ha fs¢ratum «Lève-toi devant moi, ô Ahura, de la Juste-pensée reçois la robustesse, de

la bonne présentation-d’offrande la vivacité, de l’Agencement la force-dominante agressive, de la bonne Pensée la fs¢ratu, (reçois tout cela) de la très faste passion, ô Mazda».

13. raf¢drai vouru.casane, doisi moi ta v≠ abifra ta xsa‡rahiia ahura, ya va∞h≠us a+is mana∞ho fro sp¢∞ta armaite, a+a daena fradaxsaiia «A (mon) aide, toi qui as vaste regard! Montre-moi vos aptitudes-à-fran-

chir! Ces (aptitudes) de ton pouvoir, ô Ahura, sont le mouvement (même) de la bonne Pensée. O Juste-pensée, propulse les visions selon l’Agence-ment!».

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14. a† rat∏m zara‡ustro, tanuuasci† xvaxiia ustan¢m dadaiti pauruuatat¢m, mana∞hasca va∞h≠us mazdai /iiao‡anahiia a+a.yaca, uxdaxiiaca s¢raos¢m xsa‡r¢mca

«Voici que Zara‡ustra, en premier cadeau, fait don à Mazda et à l’Agence-ment de la mobilité de son corps et de sa bonne Pensée, de la sonorité et du pouvoir de l’acte et de la parole».

e. Et tout devient sp¢∞ta. Ainsi, les opérations de l’offrande hao-mique accompagnent ou provoquent le lever du soleil et la diffusion de la lumière aurorale, mais ce n’est pas tout. La fréquence de l’adjectif sp¢∞ta- n’est pas à la mesure de l’importance conceptuelle que nous lui prêtons d’ordinaire. Avant le moment sacrificiel, il n’est attesté que quatre fois dans la GA: dans la dissertion sur le mainiiu (30.5 mainiius sp≠nisto) et sa mise au programme initial (28.1 mainii≠us… sp¢∞tahiia), et dans deux discours directs rapportés (Y29.7 mazda… huuo… sp¢∞to, 32.2 sp¢∞t∏m… armaitim). Les cinq attestations du moment sacrificiel, groupées entre 33.5 et 34.10, n’en sont que plus frappantes, et la qualité que traduit le mot apparaît elle aussi comme un effet de l’offrande hao-mique. Le pressurage transfigure la passion religieuse des hommes (33.12 sp¢nista mainiiu), la libation la terre qui la recueille (13. sp¢∞ta armaite, repris par 34.9 sp¢∞t∏m armaitim et 10. sp≠∞t∏mca armaitim) et l’en-semble du rite la personnalité du sacrifiant (34.2 sp≠∞taxiiaca n¢r¢s). Le mainiiu, Armaiti et l’homme communient désormais dans le même carac-tère «faste»16 qui permet au premier d’invigorer les dieux du monde diurne, à la deuxième de donner son élan à l’aurore et au troisième de procéder à l’immolation animale. Et au nom de la pensée, répété de strophe en strophe depuis 33.5, se substitue en 34.1, au bout de la triade, celui du sacrifice: ya /iiao‡ana ya vaca∞ha ya yasna.

L’importance de ce processus a été relevée par l’auteur de Vr 19.2. Partant d’une évocation de Y50.10 raoca xv≠∞g «les lumières du soleil», il procède à l’énumération de diverses forces lumineuses et la clôture par l’adaptation damim yazamaide y∏m armaitim sp¢∞t∏m de 34.10 sp¢∞t∏mca armaitim d∏mim (EAM IV: 2011, 41 sq.)

Les variations de point de vue coutumières à la rhétorique gâthique ne nous permettent pas de nous faire une idée précise du groupe des acteurs

16 La daena est elle aussi sp¢∞ta selon 45.11.

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humains. La succession de «je» le zaotar (33.6), de «il» Zara‡ustra (13) et du nar sp¢∞ta (34.2), qui, comme génitif, est indifférencié quant à la personne grammaticale, recouvre-t-elle une seule, deux ou trois per-sonnes? Il faut toutefois relever comme éclairantes les analogies entre le processus du moment sacrificiel de la GA et celui de la zone des décla-rations (Y11-15) du Yasna récent.

Selon 33-34: début des opérations haomiques (33.4cc’), identification du récitant comme zaotar (6), apparition de la daena (13), abandon par Zara‡ustra de son ustana (14), accession d’un officiant à la dignité de nar sp¢∞ta (34.2).

Selon Y11-15: ultime ingestion de haoma (Y11.10), investiture du collège des officiants (Y11.16), abandon par un officiant de son ustana (Y11.18), déclaration frauuarane (Y12.1), apparition de la daena (Y12.9), accession des officiants à la dignité de saosiia∞t (dès Y13.3).

Les différences elles-mêmes, aussi frappantes que les analogies, peuvent aussi être révélatrices de la similitude foncière des deux processus.

1. Le temps du moment du sacrificiel gâthique est comprimé. Tous les développements sont imbriqués dans l’opération haomique.

2. L’apparition de la daena précède l’abandon de l’ustana au lieu de le suivre, si bien que le rôle déterminant des deux âmes se trouve inversé. Dans le Yasna récent, le don de l’ustana semble une condition à remplir pour acquérir une daena; dans la GA, l’apparition de la daena semble inciter à l’abandon de l’ustana. Mais, dans chaque cas, il y a troc des deux âmes.

3. Nous le savons bien, le schème de la déclaration du choix sacrificiel est absent des Gâthâs17. L’auteur du Y12.2 a toutefois voulu l’y trouver en démarquant Y32.2 sp¢∞t∏m v≠ armaitim, va∞vhim var¢maidi ha n≠ a∞ha† par sp¢∞t∏m armaitim va∞vhim v¢r¢ne ha moi astu, qui lui permet de surcroît de mentionner incidemment le caractère sp¢∞ta d’Armaiti.

4. La personnalité sacrificielle achevée de l’officiant est définie par nar sp¢∞ta dans les Gâthâs, par saosiia∞t dans le Yasna récent. Si l’Avesta récent ignore nar sp¢∞ta, les Gâthâs connaissent et utilisent saosiia∞t, qui ne va pas se faire attendre…

17 Mais non du Yasna Hapta∞haiti: ainsi YH35.3 ta† a† var¢maidi… (EAM II: 2007, 148 n. 67). Voir toutefois n. 32.

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3. LA FINALITÉ DU SACRIFICE

a. Une eschatologie discrète: les «strophes de la damnation». L’in-terprétation des Gâthâs que Helmut Humbach a publiée en 1959 a induit au scepticisme envers l’importance de l’eschatologie. Eric Pirart et moi partagions ce sentiment au début de notre travail, mais avons changé d’avis en cours de route18. La question, cependant, n’est pas si claire, car elle tient presqu’exclusivement au fait que l’on accepte ou refuse le pos-tulat de la fonction eschatologique du sacrifice. Du strict point de vue observationnel, l’eschatologie collective n’est pas repérable et la part réservée à l’eschatologie individuelle apparaît singulièrement limitée et réglée par une convention littéraire que nous commençons à bien connaître. A l’exclusion du Y53, que son caractère théâtral rend moins clair à cet égard, chaque Gâthâ consacre une strophe et une seule, claire et relativement colorée, au sort post mortem des trompeurs. Seule la GS assortit, en diptyque contrasté, sa «strophe de la damnation» d’une évo-cation beaucoup plus abstraite du destin des a+auuans19.

Y31.20… diuuamn¢m hoi apar¢m xsiiodar¢g≠m aiiu t¢ma∞ho, dus.xvar¢‡≠m auuaetas vacot≠m va ahum dr¢guua∞to, /iiao‡anais xvais daena naesa†«…, son lot final sera les lamentations,la longue durée de ténèbres, la mauvaise nourriture, le mot hélas.C’est à cet état, ô trompeurs, que la daena vous conduira à cause de vos propres actes».

Y46.11… karapano kauuaiiasca…y≠∞g xv≠ uruua, xvaeca xraoda† daenahiia† aibi.g¢m¢n, ya‡ra cinuuato p¢r¢tusyauuoi vispai, drujo d¢mane astaiio«Les Karapans et les Kavis…que leur propre uruuan et leur propre daena mettent en colèrequand ils arrivent où se trouve le pont du maçon,(car ils sont) pour l’éternité des hôtes dans la maison de la Tromperie.»

18 Sur cette péripétie des études gâthiques, voir l’exposé de Kellens 2006, 127-132. 19 Comme seul Y46.10 nous apprend que le «pont du maçon» (cinuuato p¢r¢tu-)

jalonne aussi l’itinéraire des a+auuans.

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Y51.13… dr¢guuato … daena…yehiia uruua xraodaiti, cinuuato p¢r¢tau akaxvais siiao‡anais hizuuasca, a+ahiia n∏suua pa‡o

«La daena du trompeur…que son uruuan met en colère devant le pont du maçon(car) à cause de ses actes et (des paroles) de sa langue, il a perdu le chemin de l’Agencement.»

Y49.10ta†ca mazda, ‡bahmi a d∏m nipa∞´hemano vohu, urunasca a+aun∏mn¢masca ya, armaitis izacamaza.xsa‡ra, vazda∞ha auu¢mira

«Voici ce que tu abrites dans ta demeure, ô Mazda: la bonne Pensée, l’être des partisans de l’Agencement et l’hommage avec lequel se trouvent la Juste-pensée et la libation, (hommage) charmeur, qui confère le Pouvoir et qui vous attire ici.»

49.11a† dus¢.xsa‡r≠∞g, dus./iiao‡an≠∞g duzuuaca∞hoduzdaen≠∞g, duzmana∞ho dr¢guuatoakais xvar¢‡ais, paiti uruu∏no paitiiei∞tidrujo d¢mane, hai‡iia a∞h¢n astaiio«Mais aux trompeurs au mauvais Pouvoir, aux mauvais actes, aux mau-vaises paroles, à la mauvaise daena, à la mauvaise Pensée, leur uruuan fait tribut de mauvaises nourritures. Qu’ils soient, dans la maison de la Trom-perie, des hôtes permanents!»

b. La dialectique des âmes et le moment sacrificiel. Il est évident que la daena, comme dans l’Avesta récent, concentre les représentations eschatologiques des Gâthâs et Y31.20, avec naesa†, ne laisse aucun doute sur sa fonction psychopompe. Trois remarques préliminaires, de nature purement formelle, s’imposent:

1. Sauf dans la GA, la «strophe de la damnation» est liée à l’énumé-ration des noms-propres. Elle fait le fond de l’évocation préalable des antagonistes karapans et kavis dans le Y46.11 et dans le Y51.13, et elle conclut l’énumération du Y49.8-9, mais en rappel d’une zone daena pré-alable (Y49.4-6). De même, le début du Y53 mêle indissolublement les attestations de daena- et la mention des noms-propres.

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2. Le mot daena- tend à former zone (TVA III: 1991, 229 et 2007, 420), mais de manière irrégulière selon les Gâthâs. Il n’y a pas de zone daena dans la GA, il y en a deux dans la GU (Y44.9-11, puis Y46.6-7, avec reprise en Y46.11, à l’orée de l’énumération des noms-propres) et une dans la GS (Y49.4-6, enserrant l’énumération des noms-propres avec 9 et 11). Le mot est saupoudré dans le Y51 (13, 17, 19, 21) et occupe massivement le début du Y53 (1, 2, 4, 5), avant de réapparaître dans l’Airiiaman Isiia (Y54.1).

3. Les mots uruuan- et daena- ne sont attestés ensemble que dans les «strophes de la damnation», mais trois exceptions de nature différente conduisent à relativiser cette exclusivité:

a. uruuan- est absent de Y31.20, où la personne des trompeurs est représentée par le pronom va. Cette strophe étant la seule à adopter la perspective de la 2e personne grammaticale, on peut lier l’économie d’uruuan- à ce choix rhétorique.

b. uruuan- et daena- sont attestés ensemble dans la recension des composantes mentales de la personne de Y45.2. Il y a, dans chaque Gâthâs polyhâtique, une strophe de «catalogue psychologique», respec-tivement Y31.11, Y45.2, Y48.4. Y31.11 et 48.4 n’attestent pas uruuan-, mais Y45.2, plus développé, montre qu’ils auraient pu le faire.

c. Il y a contiguïté entre 8ee’ ka m≠ uruua, vohu uruuaxsa† ag¢ma†.ta et la zone daena de Y44.9-11. Or, la seule autre attestation du verbe uruuaj «cheminer» a daena- pour sujet (Y34.13).

4. Dans les Gâthâs polyhâtiques, strophes de la damnation, catalogues psychologiques et zones épuisent la quasi totalité des attestations de daena-. Les seules exceptions sont Y33.13, Y34.13 et Y45.11, qui appar-tiennent au moment sacrificiel de leur Gâthâ respective. uruuan- est un mot incomparablement plus rare (si on fait abstraction de g≠us uruuan-): 3 attestations dans la GA (Y31.2 est probablement illusoire), 4 dans la GU, 3 dans la GS, 1 dans le Y51, aucune dans le Y53. Les seules attes-tations que les remarques précédentes n’ont pas évoquées sont toutes celles de la GA, Y45.7 et Y50.1.

c. Prendre la route. La GA présente donc ceci de particulier que 2 attestations sur 3 de uruuan- et 2 sur 4 de daena- jalonnent le moment

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sacrificiel (33.9 uruu∏no, 13. daenå, 34.2 uruua, 13. daena), de sorte que la daena est finalement intégrée au motif du chemin quand celui-ci revient en écho de 33.5 pour introduire à l’ultime strophe de la Gâthâ. L’image complexe et insistante qui s’installe alors sur les strophes 34.12-14 est articulée de la manière suivante: 1. il existe un ou des chemins (12. pa‡o, 13. aduuan¢m); 2. ils invitent au voyage (12. xvaet≠∞g, 13. uruuaxsa†); 3. la daena est l’acteur de ce voyage (13); 4. la daena appartient à des personnages définis par le mot saosiia∞t (13); 5. le but du voyage est le mizda «prix de victoire» (13, persistant en 14 via son épithète vairim), dont c’est la seule attestation dans la GA:

34.12… sisa na a+a pa‡o va∞h≠us xvaet≠∞g mana∞ho

«Enseigne-nous par l’Agencement les chemins faciles de la bonne Pen-sée!»

13t≠m aduuan¢m ahura, y≠m moi mraos va∞h≠us mana∞hodaena saosiia∞t∏m, ya hu.k¢r¢ta a+aci† uruuaxsa†hiia† ciuuista hudabiio, mizd¢m mazda yehiia tu da‡r¢m«Le chemin dont tu me dis, ô Ahura, qu’il est celui de la bonne Pensée, bien tracé, au long duquel les daenas des saosiia∞ts cheminent selon l’Agencement vers le mizda, ô Mazda, que vous avez accordé aux généreux et dont tu es le donateur».

14ta† zi mazda vairim, astuuaite ustanai data…

«Ce (mizda) désirable, donnez-le donc, ô Mazda, à l’animation osseuse!»

Les autres Gâthâs consacrent chacune un passage à la combinaison de quelques-uns de ces éléments, sans que la configuration soit jamais com-plète, mais en livrant parfois un indice supplémentaire.

1. Dans la GU: entre 45.11, qui mentionne la «faste» daena du saosiia∞t (saosiia∞to … sp¢∞ta daena) et la zone daena de 46.6-720, les strophes 46.3-4 attribuent à la «force mentale» (xratu-) des saosiia∞ts un

20 A noter que l’interstice est cerné par la mise en écho du verbe de mouvement i «aller» (46.1 aiieni… 5. aiia∞t¢m).

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trajet spatial dont le nom du vol (4. pa‡m≠∞g), la racine exprimant la propagation de la lumière diurne (3. frar¢∞te … 4. fror¢tois) et la méta-phore de l’attelage taurin (3. asn∏m uxsano… a+ahiia vazdr≠∞g… fro. ga) relèvent explicitement le caractère céleste et auroral:

(45.11 daena)

46.3kada mazda, yoi uxsano asn∏ma∞h≠us dar¢‡rai, fro a+ahiia frar¢∞tev¢r¢zdais s≠∞ghais, saosiia∞t∏m xratauuo…

«Quand, ô Mazda, les efficactés-mentales des saosiia∞ts, ces taureaux des jours, se propageront-elles en vertu de définitions anciennes, pour apporter le soutien de l’Agencement à l’état d’existence?»

46.4a† t≠∞g dr¢guua, y≠∞g a+ahiia vazdr≠∞g pa†ga fror¢tois…huuo t≠∞g fro.ga, pa‡m≠∞g hucistois cara†«Le trompeur qui empêcherait les taureaux véhiculeurs de l’Agencement de se propager… Celui-là (, au contraire,) ferait d’eux les taureaux de tête du vol de l’illumination».

(46.6-7 daena)

Le chemin et le prix de victoire manquent au tableau, mais mizda- sur-gira dans la dernière strophe de la haiti (46.19), qui est aussi la dernière de la Gâthâ, une situation analogue à celle de ses attestations de 34.13-1421, et pa‡- est généreusement suppléé par les notations de mouvement. Par ailleurs, son unique attestation de la GU est déterminée par le génitif de sauuah-, étymologiquement et sémantiquement apparenté à saosiia∞t- (43.3 sauua∞ho pa‡o).

2. Dans la GS: 49.9 combine la daena, dont la zone 49.4-6 précède de peu, le voyage représenté comme un attelage et le mizda-, dont c’est la seule attestation dans la Gâthâ:

(48.12 saosiia∞t)(49.4-6 zone daena)

21 Ses attestations de Y44.18-19 relèvent peut-être d’un autre sens, celui de «salaire sacerdotal».

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49.9… suiie …… hiia† daena, vahiste yuj≠n mizdea+a.yuxta, yahi d≠jamaspa

«… lorsque les Djamaspas, lors du yah, attellent leurs daenas à l’équipage de l’Agencement pour (gagner la course au) mizda ».

Le chemin et le saosiia∞t font défaut, mais l’unique attestation de pa‡- dans la GS est déterminée par le gén. sing. de is- (50.4 iso… pai‡i), une force associée à sauuah- par Y28.9 (iso xsa‡r¢mca sauua∞h∏m), et, si les deux attestations de saosiia∞t- sont relativement lointaines (48.9, 12), le mot semble suppléé par suiie, dat. sing. de su-.

3. Dans le Y51: trois strophes difficiles assignent successivement et respectivement le mizda à Zara‡ustra (15. mizd¢m zara‡ustro), les che-mins à Vistaspa (16. vistaspo… n∏sa† va∞h≠us pad¢bis mana∞ho) et la daena à F¢rasaostra (17. f¢rasaostro… daenaiiai va∞huiiai… a+ahiia azdiiai g¢r¢zdim; voir aussi 19. maidiioi.ma∞ha … daenaiia), les deux dernières y associant une forme du verbe nas «atteindre»22. saosiia∞t- pourrait être suppléé par 15. sauuais, mais il importe surtout de constater que le mot fait défaut quand le motif du voyage coïncide avec l’énumé-ration des noms-propres (GS, Y51, mais non Y53)23. Il est difficile de ne pas en conclure que les saosiia∞ts sont les hommes dont le nom est mentionné.

4. La dramaturgie complexe du Y53 est essentiellement fondée sur la configuration que nous étudions. Citons-en les éléments reconnaissables:

1e’ daenaiia va∞huiia

2ee’e’’ da∞ho ¢r¢zus pa‡o, y∏m daen∏m ahuro, saosiia∞to dada† «Ahura fait des droits chemins du don la daena du saosiia∞t ».

22 51.16 n∏sa†… pad¢bis contraste ainsi, en homonymie-antonymie, avec nasuua pa‡o «ayant perdu les chemins» de la strophe de la damnation 51.13. A noter aussi le verbe de mouvement dans 15. ahuro mazda jasa†.

23 Peut-être aussi est-ce plus compliqué. Le Y51 est, avec le YH, le seul texte vieil-avestique qui n’atteste pas saosiia∞t- (des dérivés de su, le YH n’atteste que 39.3 yauuaesu- «qui prospère pour l’éternité»). Or, le Y51 présente deux traits d’apparence haptahâtique: une liste de 7 entités identique à celle de YH37 à ceci près que m¢r¢zdika- (ou m¢r¢zdika-?) est substitué à daena (4) et une cosmogonie matérielle où la vache occupe la position initiale (7, comme YH 37.1).

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4e’ daenaiiai va∞huiiai

5a vaziiamnabiio… b vad¢mno… c daenabis7a a†ca v≠ mizd¢m a∞ha†Y54.1 (Airiiaman Isiia) ya daena vairim hana† mizd¢m «la daena qui gagne le mizda enviable» (qui évoque directement YH40.1 mizd¢m mauuai‡im fradada‡a daenabiio mazda ahura «le mizda digne de moi que tu as insti-tué pour les daenas, ô Ahura Mazda»).

d. Métamorphoses de l’aurore. La configuration quadriangulaire pa‡ - daena - saosiia∞t - mizda est typiquement exemplative de la pro-blématique des Gâthâs. Les deux noms du chemin (pa‡-, aduuan-), avec les verbes de mouvement qu’ils suscitent, et celui du prix de victoire (mizda-) sont bien connus, mais ils sont employés comme métaphores et on ne peut identifier ce qu’ils transposent que si on sait ce que sont exac-tement une daena et un saosiia∞t. Linguistiquement, même si cela ne fut pas toujours correctement perçu, les deux mots ne font aucune difficulté: daena- est à l’évidence le dérivé en -ana- de di «voir» ( d’où *dayana- «vision» )24 et saosiia∞t- le participe actif du présent secondaire futur saosiia- «être sur le point de gonfler»25. La question est donc séman-tique: qu’est-ce qui différencie la daena du sens ordinaire de la vue et en quoi la notion de gonflement est-elle apte à définir une fonction reli-gieuse?

Dans un article rédigé en 1990 pour le colloque mithriaque de Rome et paru quatre ans plus tard dans les Actes26, j’ai relevé trois affinités fondamentales entre la daena avestique et l’aurore (uÒ0s-) védique: 1. la fonction qui consiste à frayer des chemins, crûment mise en lumière par le paralllèle RV 5.80.3 pathó rádanti suvit0ya dev[ «la déesse (aurore) frayant des chemins pour bien aller» et Yt10.68 ye∞´he daena mazdaiias-nis xvite pa‡o radaiti «(Mi‡ra), à qui la daena mazdéenne fraye des chemins pour bien aller»; 2. l’usage systématique de la racine cit, qui est le verbe même de l’apparition de l’aurore (e.g. RV 7.78.4 áceti divó duhit0 «la fille du ciel vient d’apparaître») et sert à former, en récent, un autre nom de daena, Cista; 3. l’érotisme, qui émane discrètement, dans

24 J’abjure mes hésitations de EAM II: 2007, 151-155. 25 Définitivement Hintze 1995, 78-79. 26 1994, 165-171; voir à présent Alberto Cantera 2011, 50-55.

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l’Avesta récent, de la relation matrimoniale entre les deux âmes uruuan et daena (HN2)27 et, dans l’Avesta ancien, fonde brutalement la drama-turgie du Y53. Il m’a cependant échappé combien le deuxième trait était insistant. cisti- (= scr. cítti-) ou hucisti- sont véritablement le sixième élément de la configuration: 34.14 hucistim et 46.4 hucistois sont les deux seules mentions vieil-avestiques de hucisti-, cisti- est répété par Y51.16, 18 et 21. Le nom de la protagoniste du Y53, Pourucista, est le seul nom-propre gâthique qui apparaisse clairement calqué sur le rôle attribué à celle qui le porte: incarner l’aurore au moment de son mariage avec son père le soleil. Les dérivés de cit manquent toutefois à la confi-guration de la GS, malgré la relative fréquence de cisti- dans la Gâthâ (47.2, 48.5)28.

Le Yasna récent ne laisse pas douter que saosiia∞t est le titre des prêtres officiants qui ont acquis leur personnalité sacrificielle après avoir bu le haoma (Y9-11), fait le choix solennel de la divinité cible (Y12.1-7: frauuarane) et trouvé leur daena (Y12.8-9: astuiie)29. Il n’en va pas autrement dans le vieux rite gâthique, mais selon un rythme plus heurté: les saosiia∞ts sont les officiants que le lever du jour, la libation haomique et l’offrande carnée dans le feu pourvoient d’une capacité de vision par laquelle ils participent à la progression de la lumière diurne. Les strophes 46.3 et 4 disent clairement que le gonflement qu’ils portent dans leur nom, et que la métaphore des taureaux (aussi 50.10) transpose en érection sexuelle, s’identifie à celui de la lumière qui envahit le ciel et vaut à l’aurore son épithète sura-30. L’aurore mazdéenne, démulti-pliée, existe sous trois formes: 1. l’aurore matérielle, dont les couleurs changeantes se déploient dans le ciel (son nom traditionnel, usah-, est mentionné dans la strophe cosmogonique 44.5); 2. l’aurore immaté-rielle, érigée en entité divine sous le nom de daena (44.10 affirme sa nature de ha∞t : t∏m daen∏m ya hat∏m vahista); 3. l’intériorisation de cette dernière comme vision des sacrifiants (daena du/des saosiia∞t(s)).

27 Y31.20 naesa†, de ni «conduire», montre que la représentation matrimoniale appartient déjà aux Gâthâs, avec son intéressant renversement: c’est la femme qui conduit.

28 cisti- est attesté une fois hors configuration dans la GA (30.9) et dans la GU (44.10). 29 Voir Kellens, EAM II: 2007, 120-121. 30 Une interprétation un peu timide par Andrea Piras 2002, 253-260.

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Parallèlement, son apparition lumineuse, cisti-, est aussi le nom de l’idée, conçue comme une illumination mentale et dont la teneur est parfois directement énoncée (Kellens et Pirart, TVA II: 1990, 242). Ainsi, les acteurs cosmiques du lever du jour sont en même temps des dieux immatériels et l’intériorisation de ceux-ci comme des processus mentaux à l’œuvre dans le sacrifice. L’idée que les composantes de l’univers, depuis les dieux jusqu’à l’homme, existent sous deux états (ahu-), l’osseux et le mental31, est certainement l’innovation concep-tuelle centrale des Gâthâs. Et peut-être l’une des causes de leur agaçant mystère: comment produire un discours clair quand on parle des choses osseuses en termes mentaux?

Les strophes qui séparent l’expression de l’offrande carnée (34.1-7) de la métaphore des chemins (12-14) se présentent, d’un point de vue stric-tement formel, comme l’articulation, autour de 9, d’un passage blame (8-9) et d’une zone armaiti (9-11). J’en risquerai l’interprétation suivante. Il est frappant que les strophes blame 8-9 accumulent les mots qui tra-duisent la perte de contact qui, par séparation ou rejet, peut diviser un groupe de voyageurs. 8 a i‡iiejo «abandon», qui fait résonner duire «au loin», 9 les verbes auuazaza† «laisser derrière soi» et siiazda† «tenir éloigné», avec lesquels s’accorde ¢uuisti «absence de repérage». Il y a donc rupture entre «nous» et les forces mauvaises, soumises à un traite-ment qui les rend «plus faibles» et les «effraie», comme si les gens des ténèbres et ceux qui sacrifient au lever du jour prenaient une route diffé-rente. Celle des premiers leur fait quitter la terre-Armaiti (9), qui, livrée à la lumière diurne et à la dévotion des sacrifiants (10), donne force à l’offrande d’immortalité (11) annoncée dès 33.8 et dont le rappel intro-duit directement au retour de la métaphore des chemins. A propos de 12a-b’, on peut se demander si, dans ce contexte, il ne faut pas com-prendre razar- et a+i- au plus près de leur étymologie obvie, respective-ment comme «direction, parcours» et «mouvement».

34.8 tais zi na /iiao‡anais biie∞te, yaesu as pairi pourubiio i‡iiejo hiia† as aojiia naidiia∞h¢m, ‡bahiia mazda ∏sta uruuatahiia yoi noi† a+¢m mainiia∞ta, aeibiio duire vohu as mano

31 Car le vieil-avestique n’oppose pas gaei‡iia- à mainiiauua-, termes qu’il ignore, mais astuua∞t- à manaxiia- (ou gén. mana∞ho), eux-mêmes résiduels en récent.

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«Car ils ont peur de nous à cause des actes où tu lances l’abandon à l’écart du grand nombre comme le plus fort lance sur le plus faible les traits de ton alliance, ô Mazda. Ceux qui ne comprennent pas l’Agencement, jette loin d’eux la bonne Pensée!».

9. yoi sp¢∞t∏m armaitim, ‡bahiia mazda b¢r¢xd∏m viduso dus./iiao‡ana auuazaza†, va∞h≠us ¢uuisti mana∞ho aeibiio mas a+a siiazda†, yauua† ahma† auruna xrafstra

«Par leur incapacité à repérer la bonne Pensée, ceux qui font des mauvais actes laissent derrière eux la faste Juste-pensée, que celui qui te connaît admire, ô Mazda. Que vite elle tienne à l’écart d’eux les Agencements autant qu’à l’écart de nous les infects (dieux) fauves!».

10. ahiia va∞h≠us mana∞ho, /iiao‡ana vaoca† g¢r¢b∏m huxratus sp¢∞t∏mca armaitim, d∏mim viduua hi‡∏m a+ahiia taca vispa ahura, ‡bahmi mazda xsa‡roi a.voiia‡ra

«Par l’acte de cette bonne Pensée, celui qui a obtenu la bonne force-mentale déclare qu’il comprend et sait que la faste Juste-pensée est liée au piquet de l’Agencement, car, vraiment, tout ce qui ne chancelle pas, ô Ahura Mazda, se trouve en ton Pouvoir».

11. a† toi ube hauruuasca, xvar¢‡ai.a am¢r¢tatasca va∞h≠us xsa‡ra mana∞ho, a+a ma† armaitis vaxst utaiiuiti t¢uuisi, tais a mazda viduuaes∏m ‡boi ahi

«Santé et immortalité te servent toutes deux de nourriture (et), par le Pou-voir de la bonne Pensée, la Juste-pensée avec l’Agencement fait croître jouvence et force […]»

12. ka† toi razar≠ ka† vasi, ka† va stuto ka† va yasnahiia sruidiiai mazda frauuaoca, ya vidaiia† a+is rasn∏m sisa na a+a pa‡o, va∞h≠us xvaet≠∞g mana∞ho

«Quelle direction (montres-) tu? Veux-tu, ô Mazda, entendre ce qui relève de l’éloge ou ce qui relève du sacrifice? Dis quelles sont les directions qui partagent les mouvements! Enseigne-nous par l’Agencement les chemins faciles de la bonne Pensée,»

13. t≠m aduuan¢m ahura, y≠m moi mraos va∞h≠us mana∞ho daena saosiia∞t∏m, ya hu.k¢r¢ta a+aci† uruuaxsa† hiia† ciuuista hudabiio, mizd¢m mazda yehiia tu da‡r¢m «ce chemin dont tu me dis, ô Ahura, qu’il est celui de la bonne Pensée et

qu’au long de son bon tracé, les visions de ceux qui vont gonfler cheminent selon l’Agencement vers le prix de victoire, ô Mazda, que vous avez réservé aux généreux et dont tu es le donateur!»

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14. ta† zi mazda vairim, astuuaite ustanai data va∞h≠us /iiao‡ana mana∞ho, yoi zi g≠us v¢r¢z≠ne aziia xsmak∏m hucistim ahura, xrat≠us a+a frado.v¢r¢z≠na

«Ce (prix de victoire) enviable, ô Mazda, donnez-le à l’animation osseuse pour prix de l’acte de bonne Pensée! Au sein du clan de la vache pleine, je vous demande, ô Ahura, l’illlumination de ma force-mentale par l’Agence-ment qui multiplie ce clan».

e. Rendre la perfection définitive. La dernière strophe de chaque Gâthâ polyhâtique enferme un segment parallèle dont on peut présumer qu’il dit en quoi consiste le mizda32 et dévoile ainsi la finalité du sacri-fice:

Y34.15 dd’xsmaka xsa‡ra ahura, f¢ras¢m vasna hai‡ii≠m da ahum«Par votre pouvoir (et) le vasna, rends, ô Ahura, l’état d’existence parfait (et) permanent».

Y46.19 a-b’y≠ moi a+a† hai‡im haca var¢saitizara‡ustrai, hiia† vasna f¢raso.t¢m¢m…

«Celui qui, pour moi, Zara‡ustra, rendrait permanent selon l’Agencement ce qui est le plus parfait par le vasna…».

Y50.11 c-d’data a∞h≠us, ar¢da† vohu mana∞hahai‡iia var¢stæm, hiia† vasna f¢raso.t¢m¢m«Que le fondateur de l’état d’existence, remarquablement, rende perma-nents (les… et) ce qu’il y a de plus parfait par le vasna ».

Ces trois passages ont de nombreux éléments lexicaux en commun: les verbes varz ou da, qui peuvent avoir un usage synonyme, les deux noms vasna- et ahu- (le composé parahu- est attesté en 46.19 c’) et les

32 Si on veut bien admettre que l’Ahuna Vairiia (Y27.13) est la première strophe de la GA, l’Airiiaman Isiia (Y54.1) la dernière strophe du Y53 et que Y51-53-54.1 est un ensemble structuré ayant pour pivot le v¢r¢‡ragna «bris de l’obstacle» (selon Vr20.2: Kellens, EAM IV: 2011, 46-47), une étrange observation s’impose. Dans chacun des deux textes, vairiia- «qu’il faut choisir» glisse de xsa‡ra- dans la première strophe (Y27.13 vairiio… ratus… xsa‡r¢mca, Y51.1 xsa‡r¢m vairim) à mizda- dans la dernière ou avant-dernière (Y34.14 (mizd¢m) vairim, Y54.1 vairim … mizd¢m), de telle sorte que, par la même occasion, le glissement a lieu entre le premier et le dernier texte vieil-avestique.

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deux adjectifs hai‡iia- et frasa- (ou son superlatif). Une fois admis que hai‡iia- signifie «permanent» et constaté que seule la variante de 34.15 obéit à une syntaxe claire33, cette dernière peut être traduite comme nous venons de le faire. Reste vasna-, à l’étymologie et au sens équivoques. Compte tenu de l’analyse que nous venons de développer, je proposerai d’y reconnaître vasna- «lumière aurorale», dérivé de vah «éclairer» et variante de scr. vástu-.

34.15 mazda a† moi vahista, srauuasca /iiao‡anaca vaoca ta tu vohu mana∞ha, a+aca isud¢m stuto xsmaka xsa‡ra ahura, f¢ras≠m vasna hai‡ii≠m da ahum «Récite-moi, ô Mazda, les meilleurs hymnes et (fais les meilleurs) actes!

(Autant que) l’apport-de-vigueur de l’éloge (l’est) par la bonne Pensée et l’Agencement, rends par votre Pouvoir et la lumière-aurorale, ô Ahura, l’état-d’existence parfait et permanent!»

Le cursus sacrificiel de la GA traduit l’aspiration à la permanence d’une union parfaite entre deux états parfaits. L’état matériel, révélé par la lumière du jour et transcendé par l’effet du haoma, est introduit dans le texte par l’annonce de l’offrande d’immortalité (33.8 cc’ data v≠ am¢r¢tasca, utaiiuiti hauruuatas draono). Il entre en latence quand Zara‡ustra fait don du sien en une immolation symbolique qui s’apparie à l’effective immolation animale (33.14 sqq.). Annoncé par un rappel de l’offrande d’immortalité (34.11aa’ a† toi ube hauruuasca, xvar¢‡ai.a am¢r¢tatasca), il réapparaît à l’aboutissement de la pérégrination sacrifi-cielle comme bénéficiaire final du mizda (34.14 aa’ ta† zi mazda vairim, astuuaite ustanai data). Malheureusement, cette rhétorique parcimo-nieuse et déviée ne laisse pas voir si l’aspiration à la perfection et à la permanence est fragmentée en garantie pour chaque âme individuelle ou figée en attente d’un grand événement futur. Seule apparaît ce qui n’est peut-être que la métaphore de l’une ou de l’autre: la fixation dans la lumière diurne.

33 Sur le fait que ha∞t-, dont hai‡iia- est le dérivé secondaire, se réfère à l’éternité divine, voir Kellens 1989, 51-64. La restitution de /iiao‡ana- comme déterminé des deux adjectifs (Kellens et Pirart, TVA III: 1991, 122) est suggérée par la possible ellipse de l’objet interne en 46.19, mais l’hypothèse est inutile en 34.15 et malaisée en 50.11, en raison de la disparité de nombre entre hai‡iia et f¢raso.t¢m¢m.

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4. CONCLUSION GÉNÉRALE

La GA est le récitatif d’un rite quotidien (av. réc. asniia-) de type auroral (av. réc. usahina)34, dont le Yasna récent, dans la version des manuscrits du Vidêvdâd Sâde, est le remaniement amplifié. Tout ce qui précède la mise en œuvre du sacrifice proprement dit, qui commence avec 33.5, est l’expression d’une longue attente de l’aurore. Celle-ci est ponctuée d’une série de préliminaires: demande inquiète d’un échange auditif et visuel avec le monde divin (Y28); sainte impatience de la vache qui aspire à son ratu, c’est-à-dire au moment rituel de son immolation (Y29); dissertation sur la nécessité de distinguer entre les deux mainiius (Y30) en dépit de leur alternance cosmique (Y31); malédiction et disso-lution des forces des ténèbres (Y32). Cela fait, on peut prendre la route.

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34 Helmut Humbach (2010, 195) et Alberto Cantera (conférence inédite au Collège de France) s’entendent sur le fait que les Gâthâs observent trois temps rituels quotidiens, au lieu des cinq du Yasna récent, et qu’ils sont mentionnés par Y44.5: l’aurore (usah-), le midi (ar¢m. pi‡ba-) et la nuit (xsapan-).

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