le figaro - 20-07-2020

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2,90lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO - N° 23 615 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement 3’:HIKKLA=]UW^U[:?a@h@m@a@k"; M 00108 - 720 - F: 2,90 E AND : 3,20 € - BEL : 2,90 € - CH : 4,20 FS - CAN : 5,70 $C - D : 3,60 € - A : 3,60 € - ESP : 3,20 € - Canaries : 3,20 € - GB : 2,90 £ - GR : 3,40 € - DOM : 3,20 € - ITA : 3,30 € LUX : 2,90 € - NL : 3,40 € - PORT.CONT : 3,30 € - MAR : 23 DH - TUN : 4,40 DT - ZONE CFA : 2.400 CFA ISSN 0182.5852 PHOTO12 VIA AFP - MANUEL SILVESTRI/REUTERS - ŠBIANCHETTI/ LEEMAGE L’Europe paie au prix fort la paralysie du tourisme mon- dial. La moitié des 37 millions d’emplois du secteur sur le Vieux Continent sont mena- cés. Et cette crise est d’autant plus violente qu’elle affecte le plus les pays d’Europe du Sud, dont les économies sont aussi les plus fragiles. PAGES 20 ET 21 Italie, Espagne, Grèce : l’économie en manque de touristes Conseil européen : Macron et Merkel reculent face aux « frugaux » Symbole de la solidarité euro- péenne en période de crise, l’enveloppe des subventions devrait fondre d’au moins 100 milliards d’euros. Elle de- vrait passer de 500 milliards à 400 milliards devant l’insis- tance des pays « frugaux » - Pays-Bas, Autriche, Dane- mark et Suède. PAGE 7 FRANCE TÉLÉVISIONS HUIT CANDIDATS POUR UNE PRÉSIDENCE À HAUT RISQUE PAGE 24 Après l’émotion, les questions L’incendie qui a endommagé la cathédrale de Nantes pose à nouveau le problème de la sécurité des édifices religieux. Un bénévole a été placé en garde à vue. è À NANTES, LA GARDE À VUE DU SERVANT D’AUTEL INTERPELLE LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE è TROIS MINISTRES DÉPÊCHÉS SUR PLACE POUR PARTAGER L’ÉMOTION DES NANTAIS è DES DIZAINES DE MILLIONS D’EUROS ET PLUSIEURS ANNÉES DE TRAVAUX è LES ÉGLISES, DES MUSÉES EN DANGER PAGES 2 À 5 ET L’ÉDITORIAL U n an et demi après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame, la cathédrale de Nantes est livrée aux flammes. Un orgue du XVII e siècle a été détruit, une toile de maître réduite en cendres. L’émo- tion est grande. Sur les réseaux sociaux, les ricaneurs ricanent : que d’émoi pour quel- ques vieilles pierres ; que de larmes pour un symbole de la chrétienté honnie. D’autres cherchent les coupables : l’État, incapable d’assurer l’entretien de son patrimoine reli- gieux ? Une main criminelle ? L’enquête est en cours. Gageons que si la deuxième thèse, hélas plausible, était avérée, la figure du « déséquilibré », alibi programmé de tous les aveuglements, referait rapidement surface. Quelle que soit la cause retenue - et d’autant plus si la version accidentelle est écartée -, ce nouveau drame, vécu par une immense majorité des Français avec tristes- se, doit nous inciter à réagir. On ne peut se contenter de s’apitoyer, ni de prendre des mines graves. Les civilisations sont mortel- les, avertissait Valéry. La nôtre est en dan- ger. Depuis des mois, les avertissements de personnalités attachées à la défense du pa- trimoine se multiplient : les églises de Fran- ce sont en péril. En 2019, 875 d’entre elles ont été vandalisées. Un récent audit du mi- nistère de la Culture révèle que sur quatre- vingt-sept cathédrales d’État, plus de la moitié ne sont pas équipées d’un système de sécurité anti-incendie (à Nantes, c’est un riverain qui a donné l’alerte). Combien d’églises laisserons-nous piller, de cathédrales brûler avant de prendre la me- sure de l’enjeu ? Enfouies jusque dans le moindre de ses villages, les ra- cines chrétiennes de la France sont intimement liées à sa grandeur. Elles évoquent son histoire, son mystère, ses dé- chirements. Que l’on soit croyant ou non, le respect de ces lieux sacrés, ouverts à tous, est le socle de son identité. En ces temps troubles, soumis à des vents mauvais, céder à la pression de ceux qui ne croient plus en rien - et surtout pas en la France - en aban- donnant ses « vieilles pierres » serait courir à la ruine. Réagir On ne peut se contenter de prendre des mines graves Première édition Réponses à la question de samedi : Croyez-vous la promesse d’Emmanuel Macron de ne pas augmenter les impôts ? TOTAL DE VOTANTS : 112 298 Votez aujourd’hui sur lefigaro.fr L’État doit-il prévoir un plan de rénovation des églises et cathédrales ? OUI 27 % NON 73 % @ @ FIGARO OUI FIGARO NON ÉDITORIAL par Bertrand de Saint Vincent [email protected] n La chronique de Nicolas Baverez n La tribune de Jean-Louis Thiériot PAGE 17 CHAMPS LIBRES Un incendie a frappé samedi matin la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint- Paul de Nantes. Alertés par des pas- sants, les pompiers sont intervenus à 7 h 45. Il leur a fallu deux heures pour maîtriser le sinistre, qui a provoqué d’importants dégâts. Le grand orgue a été totalement détruit et une toile du peintre Hippolyte Flandrin ré- duite en cendres. Des questions se posent sur l’origine de l’incendie. Aucune trace d’effraction n’a été re- levée et « trois points de feu dis- tincts » ont été repérés à l’intérieur de l’édifice. Un bénévole du diocèse a été placé en garde à vue. Ce réfugié rwandais avait fermé, seul, la cathé- drale vendredi soir. Paris 15 e • 7j/7 : 66 rue de la Convention 01 40 59 02 10 • M° Boucicaut, parking gratuit Paris 12 e • 7j/7 : 56-60 cours de Vincennes 01 43 41 80 93 • M° Porte de Vincennes ou Nation Canapés, armoires lits, dressings, gain de place, mobilier contemporain : toutes nos adresses sur www.topper.fr © Studio Garnier • (1) éco participation incluse 10 € LUDOVIC STANG VIA REUTERS « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais lefigaro.fr ENTRETIEN Amélie de Montchalin : « Je suis la ministre des résultats et de l’action » PAGE 6 ALLEMAGNE Le Bavarois Markus Söder favori à la succession d’Angela Merkel PAGE 8 DÉFENSE Les armées se fixent l’objectif de 10 % de femmes généraux en 2022 PAGE 9 FOOTBALL Zinédine Zidane, les clés d’un succès XXL PAGE 10 DES BIJOUX À L’AFFICHE LES DIAMANTS DE « LA BELLE ET LA BÊTE », DE JEAN COCTEAU PAGE 12 VOYAGES IMAGINAIRES « LE MONDE DE NARNIA », DE C. S. LEWIS PAGE 18 JEUX D’ÉTÉ PAGE 15 LA CHINE FACE AU MONDE MARCO POLO DÉCOUVREUR DE MERVEILLES PAGE 16

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Le Figaro - 20-07-2020

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Page 1: Le Figaro - 20-07-2020

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2,90€ lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO - N° 23 615 - www.lefigaro.fr - France métropolitaine uniquement3’:HIKKLA=]UW^U[:?a@h@m@a@k";

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PHOTO12 VIA AFP - MANUEL SILVESTRI/REUTERS - ŠBIANCHETTI/LEEMAGE

L’Europe paie au prix fort laparalysie du tourisme mon-dial. La moitié des 37 millionsd’emplois du secteur sur leVieux Continent sont mena-

cés. Et cette crise est d’autantplus violente qu’elle affecte leplus les pays d’Europe du Sud,dont les économies sont aussiles plus fragiles. PAGES 20 ET 21

Italie, Espagne, Grèce : l’économie en manquede touristes

Conseil européen : Macron et Merkel reculentface aux « frugaux »Symbole de la solidarité euro-péenne en période de crise,l’enveloppe des subventionsdevrait fondre d’au moins100 milliards d’euros. Elle de-

vrait passer de 500 milliards à400 milliards devant l’insis-tance des pays « frugaux » -Pays-Bas, Autriche, Dane-mark et Suède. PAGE 7

FRANCE TÉLÉVISIONSHUIT CANDIDATS POUR UNE PRÉSIDENCE À HAUT RISQUE PAGE 24

Après l’émotion,les questionsL’incendie qui a endommagé la cathédrale de Nantes pose à nouveau le problème de la sécurité des édifices religieux. Un bénévole a été placé en garde à vue.

è À NANTES, LA GARDE À VUE DU SERVANT D’AUTEL INTERPELLELA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE è TROIS MINISTRES DÉPÊCHÉS SUR PLACE POUR PARTAGER L’ÉMOTION DES NANTAIS è DES DIZAINES DE MILLIONS D’EUROSET PLUSIEURS ANNÉES DE TRAVAUX è LES ÉGLISES, DES MUSÉES EN DANGER PAGES 2 À 5 ET L’ÉDITORIAL

Un an et demi après l’incendiequi a ravagé Notre-Dame, lacathédrale de Nantes est livréeaux flammes. Un orgue duXVIIe siècle a été détruit, une

toile de maître réduite en cendres. L’émo-tion est grande. Sur les réseaux sociaux, les ricaneurs ricanent : que d’émoi pour quel-ques vieilles pierres ; que de larmes pour un symbole de la chrétienté honnie. D’autres cherchent les coupables : l’État, incapable d’assurer l’entretien de son patrimoine reli-gieux ? Une main criminelle ? L’enquête est en cours. Gageons que si la deuxième thèse, hélas plausible, était avérée, la figure du « déséquilibré », alibi programmé de tous lesaveuglements, referait rapidement surface.Quelle que soit la cause retenue - et d’autant plus si la version accidentelle est écartée -, ce nouveau drame, vécu par une immense majorité des Français avec tristes-se, doit nous inciter à réagir. On ne peut se contenter de s’apitoyer, ni de prendre des mines graves. Les civilisations sont mortel-les, avertissait Valéry. La nôtre est en dan-ger. Depuis des mois, les avertissements de personnalités attachées à la défense du pa-

trimoine se multiplient : les églises de Fran-ce sont en péril. En 2019, 875 d’entre elles ont été vandalisées. Un récent audit du mi-nistère de la Culture révèle que sur quatre-vingt-sept cathédrales d’État, plus de la moitié ne sont pas équipées d’un système desécurité anti-incendie (à Nantes, c’est un riverain qui a donné l’alerte).Combien d’églises laisserons-nous piller, de cathédrales brûler avant de prendre la me-

sure de l’enjeu ?Enfouies jusquedans le moindre deses villages, les ra-cines chrétiennesde la France sontintimement liées àsa grandeur. Elles

évoquent son histoire, son mystère, ses dé-chirements. Que l’on soit croyant ou non, le respect de ces lieux sacrés, ouverts à tous, est le socle de son identité. En ces temps troubles, soumis à des vents mauvais, céder à la pression de ceux qui ne croient plus en rien - et surtout pas en la France - en aban-donnant ses « vieilles pierres » serait courir àla ruine. ■

Réagir

On ne peut se contenter de prendre des mines graves

Première édition

Réponses à la question de samedi :Croyez-vous la promesse d’Emmanuel Macronde ne pas augmenterles impôts ?

TOTAL DE VOTANTS : 112 298

Votez aujourd’huisur lefigaro.frL’État doit-il prévoir un plan de rénovation des églises et cathédrales ?

OUI27 %

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@@ FIGARO OUI FIGARO NON

ÉDITORIAL par Bertrand de Saint Vincent [email protected] La chronique de Nicolas Baverezn La tribunede Jean-Louis ThiériotPAGE 17

CHAMPS LIBRES

Un incendie a frappé samedi matinla cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes. Alertés par des pas-sants, les pompiers sont intervenus à7 h 45. Il leur a fallu deux heures pourmaîtriser le sinistre, qui a provoquéd’importants dégâts. Le grand orguea été totalement détruit et une toiledu peintre Hippolyte Flandrin ré-

duite en cendres. Des questions seposent sur l’origine de l’incendie.Aucune trace d’effraction n’a été re-levée et « trois points de feu dis-tincts » ont été repérés à l’intérieurde l’édifice. Un bénévole du diocèsea été placé en garde à vue. Ce réfugiérwandais avait fermé, seul, la cathé-drale vendredi soir.

Paris 15e • 7j/7 : 66 rue de la Convention01 40 59 02 10 • M° Boucicaut, parking gratuit

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« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

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ENTRETIENAmélie de Montchalin : « Je suis la ministre des résultatset de l’action »PAGE 6

ALLEMAGNELe Bavarois Markus Söder favorià la succession d’Angela MerkelPAGE 8

DÉFENSELes arméesse fixent l’objectifde 10 % de femmes généraux en 2022 PAGE 9

FOOTBALLZinédine Zidane,les clés d’unsuccès XXLPAGE 10

DES BIJOUXÀ L’AFFICHE

LES DIAMANTS DE « LA BELLE ET LA BÊTE », DE JEAN COCTEAU PAGE 12

VOYAGES IMAGINAIRES

« LE MONDE DE NARNIA », DE C. S. LEWISPAGE 18

JEUX D’ÉTÉ PAGE 15

LA CHINE FACE AU MONDE

MARCO POLO DÉCOUVREURDE MERVEILLESPAGE 16

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À L’AFFICHE

LES DIAMANTS DE « LA BELLE

DES BIJOUXÀ L’AFFICHE

LES DIAMANTS

L’été du Figaro L’été du Figaro L’été du Figaro

Page 2: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

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PLACE Saint-Pierre, baignée desoleil ce dimanche, quelques di-zaines de badauds défilent, pren-nent des photos. Encadrée de sesdeux tours plutôt massives, la fa-çade de tuffeau blanche, éclatan-te, est presque intacte. À l’excep-tion de cette béance incongrue,noircie, en guise de vitraux.

La quinzaine de sapeurs-pom-piers qui a veillé toute la nuit alaissé la place aux enquêteurs dansla cathédrale. Le recteur HubertChampenois raconte inlassable-ment aux nombreux journalistesce lieu spirituel « emblématique deNantes » où des concerts devaientse tenir cet été tous les mercredis.

Le couple qui devait sceller sonalliance samedi après-midi en Saint-Pierre-et-Saint-Paul a dû semarier dans une autre église de fa-çon impromptue. Hubert Cham-penois anticipe « hélas » une fer-meture de plusieurs mois. « Ce qui domine, c’est l’émotion et la tristes-se pour les catholiques nantais, car c’est un lieu emblématique mais aussi au-delà, pour toutes les Nan-taises et les Nantais », a souligné la maire de Nantes, Johanna Rolland,qui a pu entrer dans la cathédrale. Les prêtres qui ont pu également y entrer racontent avoir découvert les misérables vestiges de l’orgue en bois, noircis, jonchant le sol.

Ancien fonctionnaire de poli-ce, Jean-François voulait fairevisiter sa ville à ses belles-sœursvenues du Nord. Il n’aura pas eule temps et se désole pour les vi-traux qui occupaient les lancettesde gauche, de droite et du centre.Il s’agissait des seuls fragmentsdu XVe siècle laissés intacts aprèsles bombardements de la Secon-de Guerre mondiale. On y voyaitnotamment Anne de Bretagne.« J’ai pensé à Notre-Dame de Pa-ris en 2019, à l’incendie de Saint-Donatien, non loin d’ici, en 2015.Nous sommes un peu tristes,même si les dégâts auraient puêtre bien pires. Je ne comprendspas toutefois pourquoi il n’y avaitpas d’alerte incendie à l’intérieur.C’est assez scandaleux », s’éton-ne-t-il.

Nantaise « depuis six généra-tions », Marie-Christine, 67 ans,contemple l’édifice avec tristesse.Elle a tenu à se rendre sur les lieuxaprès la messe dominicale à Saint-Nicolas, lors de laquelle HubertChampenois a rendu un vibranthommage à l’édifice. « J’ai déjàconnu ça en 1972, ça me rappelledes souvenirs difficiles, toute lacharpente avait brûlé. Heureuse-ment, le toit a été reconstruit en bé-ton, cela a peut-être sauvé notrecathédrale. Les Parisiens qui veu-

lent reconstruire le leur en bois de-vraient y songer... »

Patron du café le Saint-Pierre,voisin le plus proche de l’édifice,Benjamin a pu rouvrir sa terrassedimanche. « Je suis d’autant plustouché que les compagnons etautres tailleurs de pierre viennentrégulièrement prendre un verrechez moi. Cette cathédrale, on l’atoujours connue en réfection. » Leséchafaudages de la façade « ve-naient d’être enlevés il y a cinq ans.On pouvait enfin en profiter », sedésole Fred, un chanteur-compo-siteur habitué du quartier. « Jesuis athée mais j’aime bien entrerdedans. Je m’assieds, j’observe.C’est un superbe lieu. »

Kinésithérapeute, la jeune Ma-delon s’est réveillée en sursaut sa-medi, l’œil attiré par les notifica-tions de son téléphone. Lacathédrale, « même si ce n’est pasma paroisse, c’est le lieu où je merends régulièrement pour les gran-des fêtes du diocèse, les ordina-tions, les fêtes chrismales, etc.C’est la maison ! » En dépit de sonjeune âge, ce n’est pas à l’incendiede Notre-Dame de Paris qu’elle apensé en voyant les flammes lé-cher la rosace. Mais à celui de1972. « Même si nous n’étions pasnés, nous en avons tous beaucoupentendu parler dans nos familles.

Cet incendie reste un événementtraumatique pour tous les Nantais.Et ça nous touche plus que Notre-Dame de Paris », explique-t-elle,approuvée par sa bande d’amiscatholiques et trentenaires. Marie,ingénieur et musicienne, se désoleaussi de la perte de l’orgue. « Per-dre un instrument de cette qualité,c’est déchirant. Nous n’avons plusde grand orgue de concert à Nan-

tes. C’est terminé. » Ils se réjouis-sent malgré tout du fait que la fa-çade ne soit pas « défigurée » etespèrent que l’édifice pourra rou-vrir « rapidement ».

Samedi, ce sont des passants quiont alerté les pompiers de la pré-sence de flammes sortant de la ca-thédrale, vers 7h45. Il a fallu envi-ron deux heures aux sapeurs-pompiers pour circonscrirel’incendie, qui a principalement

“Ce qui domine, c’estl’émotion et la tristesse pour les catholiques nantais (…) mais aussi au-delà, pour toutes les Nantaises et les Nantais”JOHANNA ROLLAND, MAIRE DE NANTES

MARIE-ESTELLE PECH £@MariEstellPechENVOYÉE SPÉCIALE À NANTES (LOIRE-ATLANTIQUE)

EMMANUEL, un bénévole du dio-cèse de Nantes, a passé la nuit de samedi à dimanche en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur l’in-cendie dans la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Une garde à vue prolongée dimanche après-midi « notamment en raison de pro-blèmes de traduction ».

Cet homme de 39 ans, unRwandais de confession catholi-que arrivé en France il y a quatreou cinq ans, « était chargé de fer-mer la cathédrale vendredi soir etles enquêteurs voulaient précisercertains éléments de son emploi dutemps », indique au Figaro le pro-cureur de Nantes, Pierre Sennès.D’autant que quelques contradic-tions ont pu être constatées dansses propos. Il est entendu en pré-sence d’un interprète et de sonavocat, Me Quentin Chabert, selonqui aucun élément « ne permet à cestade de relier [s]on client à l’incen-die ». Ce servant de messe devraitêtre relâché ou mis en examendans la soirée.

Aucune trace d’effractionL’homme était seul pour fermer la cathédrale à 19 heures, vendredi. Il avait pour mission d’éteindre tou-tes les veilleuses, d’inspecter les lieux, les confessionnaux puis de fermer les quatre portes à l’aide de quatre clefs. « Sept bénévoles de toute confiance se relaient tous les matins à 8 heures et les soirs à 19 heures pour ouvrir et fermer l’édifi-ce. C’est un même jeu de clefs qui passe de main en main et que l’on range dans la sacristie avant de sor-tir par une autre petite porte avec une autre clef », explique le recteur, Hubert Champenois. Or, on sait qu’aucune trace d’effraction n’a étéobservée dans le bâtiment. Le pro-cureur souligne cependant que « toute interprétation qui pourrait impliquer cette personne dans la commission des faits est prématurée et hâtive. Il faut rester prudent quant à l’interprétation de cette garde à vue, c’est une procédure normale ». Il ajoute que la piste d’un accident, éventuellement électrique, est tou-jours étudiée au même titre que l’hypothèse criminelle.

Le jeune Rwandais est suivi ethébergé par le diocèse, comme d’autres hommes. Il cherchait à faire renouveler son visa et « était en discussion avec la préfecture », précise le procureur. Ses deman-des pour acquérir le statut de réfu-gié avaient toutes été rejetées. Aurait-il pu nourrir du ressenti-ment ? « Je ne crois pas une secondequ’il aurait pu incendier la cathé-drale. C’est un lieu qu’il adore, in-dique Jean-Charles Nowak, clerc de la cathédrale. C’est un homme de devoir, très gentil, souriant, maisplutôt taiseux. Je sais qu’il a beau-coup de problèmes de santé et qu’il asouffert au Rwanda. Il a rendu ser-vice au père Champenois, qui n’avait personne pour servir la messe le samedi soir. Il était donc également régulièrement servant demesse. »

Le recteur de la cathédrale croi-

sait régulièrement cet homme, « très pieux » qui venait prier dans la cathédrale. Il déclare avoir « to-talement confiance » en lui. « C’est tombé sur ce garçon, car c’est lui qui a fermé la cathédrale », affirme-t-il.

« Trois points de feu distincts »Si Pierre Sennès a ouvert une en-quête pour « incendie volontaire » c’est parce que « trois points de feu distincts » ont été constatés par les pompiers à leur arrivée, vers 8 heures du matin. « Entre le grand orgue, qui est sur la façade, et les autres feux, vous avez quasiment les deux tiers de la cathédrale », note-t-il. Un élément qui peut sembler suspect à première vue. Ces trois départs de feu dont on ne sait tou-jours pas s’ils sont concomitants ousuccessifs étaient tous situés à côté d’installations électriques. Ce qui

pourrait aussi faire penser à un problème de défaillance, hypothè-se soutenue par le recteur de la ca-thédrale. Pourtant, l’installation électrique de l’orgue venait d’être examinée il y a trois jours par le facteur d’orgue. Quant à celle de la cathédrale, elle était « en bon état », assure-t-il.

Depuis samedi, les policiers ontlancé une enquête de voisinage autour de Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Les experts, venus du labora-toire de police technique et scien-tifique de la Préfecture de police de Paris, ont quant à eux commencé à travailler dimanche à l’intérieur de l’édifice autour de deux des dé-parts de feu. Certaines parties de-vront peut-être être sécurisées avant qu’ils ne puissent intervenir sans difficulté au niveau de la pla-te-forme de l’orgue, située au pre-mier étage. ■

À Nantes, la garde à vue du ser vant d’autel interpelle la communauté ca tholiqueLe jeune Rwandais, pratiquant et bénévole dans la paroisse, est le dernier à avoir quitté les lieux vendredi soir. Il possédait les clefs de l’édifice.

Je voulaismanifester

à l’endroit des Nantaises et des Nantais et de la communauté catholique de cette ville la solidarité de la nation (…) Place à la reconstruction que je souhaite la plus rapide possible et à laquelle l’État prendra toute sa part»JEAN CASTEX, PREMIER MINISTRELE 18 JUILLET, À NANTES

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104pompierssont intervenus au chevet de la cathédraleSaint-Pierre-et-Saint-Paul pour éteindre l’incendie

401ansl’âge du grand orgue et de la verrière de façade qui ont été détruits par les flammes

Les pompiers auront lutté durant deux heures samedi matin pour venir à bout de l’incendie qui a principalement détruit les vitraux de la facade et le grand orgue de la cathédrale. SEBASTIEN SALOM-GOMIS/AFP

touché le grand orgue. Grâce àune centaine de pompiers et unequarantaine d’engins, l’incendie apu être circonscrit vers 10h00, aexpliqué Laurent Ferlay, directeurdépartemental des pompiers.

Laurent Delpire, conservateurdes antiquités et objets d’art deLoire-Atlantique, a pu lister leséléments touchés : l’orgue et lebuffet d’orgue du XVIIe siècle, untableau d’Hippolyte Flandrin duXIXe, une partie des stalles duchœur, qui étaient récentes, et lesvitraux de la façade, dont unepartie était des vestiges de vitrauxdu XVIe siècle, le reste étant mo-derne. M. Ferlay a indiqué que lesdégâts ne pouvaient être compa-rés à eux de l’incendie de Notre-Dame de Paris, de cette même ca-thédrale en 1972, ni de Saint-Donatien, à Nantes, en 2015.

Le premier ministre, Jean Cas-tex, accompagné sur place desministres de l’Intérieur, GéraldDarmanin, et de la Culture, Ro-selyne Bachelot, a rendu samediaprès-midi hommage « au dé-vouement et au très grand profes-sionnalisme » de la centaine de sa-peurs-pompiers mobilisés. L’État« prendra toute sa part » dans lareconstruction « que je souhaite laplus rapide possible », a-t-il pro-mis. ■ M. - E. P.

Place Saint-Pierre, la tristesse de tous les riverains

2 L'ÉVÉNEMENT

Page 3: Le Figaro - 20-07-2020

LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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Depuis 1987, l’Association Petits Princes réaliseles rêves des enfants gravement malades.Pour leur donner l’énergie de se battre contre lamaladie, nous avons besoin de vous.

Tous les enfants font des rêvesmais pour certainsc’est vital de les réaliser.

Devenez bénévole ou faites un donwww.petitsprinces.com - 01 43 35 49 00

JEAN-MARIE GUÉNOIS [email protected]

L’ÉCHO du drame de l’incendie de la cathédrale de Nantes est natio-nal. Depuis Bruxelles, où il était en réunion, Emmanuel Macron a ain-si téléphoné, samedi, au président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, pour lui dire sa « com-passion » selon un communiqué de la CEF. Le chef de l’État assu-rant à l’homme d’église, selon la même source, du « lien qui unit la communauté nationale à la commu-nauté catholique devant ce nouveau drame ».

Une occasion pour Mgr de Mou-lins-Beaufort de rappeler au prési-dent de la République « l’urgen-ce » de la mise en œuvre du « plan de sécurité » touchant les lieux de culte. Un point qui fut évoqué lors de « l’instance de dialogue » entre le gouvernement et l’Église catho-lique le 9 mars 2020.

Pour la Conférence des évêquesde France, avec l’incendie de Nan-tes « c’est non seulement une part du patrimoine religieux qui est dé-truit, mais aussi un symbole de la foi catholique qui est entamé, blessant le cœur de toutes celles et tous ceux pour qui ces édifices sont des lieux de prière, des refuges spirituels, des repères pour leur foi ». La Confé-rence des évêques a d’ailleurs ap-pelé « tous les catholiques à s’unir dans une prière de soutien aux ca-tholiques du diocèse de Nantes ».

Quant au nonce apostolique, re-présentant du pape en France, il a appelé directement le père Fran-çois Renaud, l’administrateur dio-césain de Nantes qui fait office d’évêque, pour lui dire son sou-tien. Mgr Jean-Paul James a en effetquitté le pays nantais en jan-vier 2020 pour devenir archevê-que de Bordeaux et n’est toujours pas remplacé. Le père Renaud s’est vu également « encouragé par d’innombrables messages reçus de tous les diocèses et de la conférence épiscopale, mais aussi des respon-sables religieux, juifs et musulmans,de la région ». Cela étant dit, jus-qu’à dimanche, aucune instance nationale religieuse non catholi-que ne s’est exprimée sur cet in-cendie.

Outre l’émotion, le milieu ca-tholique commence à s’interroger sérieusement sur cette succession d’incendies, plus ou moins graves, qui touchent les églises ces derniè-res années. L’Observatoire du pa-trimoine religieux en recensait 20 en France entre le 1er janvier 2018 et avril 2019, au moment de l’in-cendie de Notre-Dame de Paris. Pour autant, chez les catholiques nantais, la mobilisation avait déjà remplacé, dimanche après-midi, l’abattement de la journée de sa-medi. Il n’est « pas question de baisser les bras », assure Jean-François Henry, catholique prati-

CHRISTINE DUCROS £@ChristineDucros

CAP sur le terrain ! Ensemble commeun pack de rugby. Quelques heures à peine après le départ de feu, Jean Castex, le premier ministre, Rosely-ne Bachelot, ministre de la Culture, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, étaient sur place pour partager l’émotion des Nantais. « Je rends hommage à la grosse centaine de sapeurs-pompiers mobilisés qui ont géré l’incendie avec une efficacité remarquable. J’exprime la solidarité de la nation aux catholi-ques de France. »

Être avec les Français qu’ils souf-frent ou se réjouissent, partager leur quotidien, c’est la méthode Castex. Avec le franc-parler à l’accent ro-cailleux qui fait déjà sa marque de fa-brique, le premier ministre avait prévenu ses ministres lors du sémi-naire gouvernemental du samedi 11 juillet : « Il faut aller sur le terrain pour entendre les demandes des Fran-

logique, Barbara Pompili. Le retour au pays attendra. L’urgence est ailleurs. Au même moment, Rosely-ne Bachelot descend d’un TGV en gare de Lille, c’est l’une de ses pre-mières sorties. Le préfet Michel La-lande et Martine Aubry l’attendent pour lui faire découvrir l’exposition « Voyages-Voyages » qui met en scène des initiatives valorisant la vil-le. Les échanges seront brefs. Elle prend illico un TGV en sens inverse avant de monter à Paris dans un hé-licoptère pour Nantes. Le bilan car-bone de son vol a été raillé tout le week-end notamment par Ségolène Royal qui a twitté : « Pour Nantes, il y a le TGV. Bonjour le bilan carbone. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. » Peut-être ne connaissait-elle pas le matinal périple lillois de la mi-nistre…

Quant à Gérald Darmanin, en ar-rivant sur place, il a fait face une nouvelle fois à des manifestantes protestant contre sa venue. Le ter-rain, ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille… ■

çais, des entreprises et des élus locaux.L’efficacité, ce n’est pas seulement al-ler vite, c’est embarquer du monde autour de soi. » Pour marteler le mes-sage, Jean Castex l’avait lui-même twitté avant de s’envoler pour une visite éclair en Guyane. Alors, quand il apprend l’incendie de la cathédra-le, il décide de se rendre sur place. Il prend le temps d’un bain de foule chez lui à Prades où il est revenu pourassister à un conseil municipal « ex-traordinaire » qui doit élire son suc-cesseur, Yves Delcor. Une centaine de Pradéens assistent à la passation de pouvoir. « C’est avec une grande émotion que je m’adresse à vous. Rien ne serait pire dans les fonctions que j’occupe aujourd’hui que de s’éloigner du plancher des vaches. C’est pour cela que je tiens à rester conseiller mu-nicipal. » Le terrain encore.

Des échanges brefsLe discours à peine achevé, il annule ses autres déplacements du week-end prévus au Boulou et à Gruissan avec la ministre de la Transition éco-

Trois ministres dépêchés sur place pour partager l’émotion des Nantais

À Nantes, la garde à vue du ser vant d’autel interpelle la communauté ca tholiqueLe jeune Rwandais, pratiquant et bénévole dans la paroisse, est le dernier à avoir quitté les lieux vendredi soir. Il possédait les clefs de l’édifice.

Après Notre-Dame de Paris, un drame qui blesse tous les cœurs

quant et président de l’Association des amis de la cathédrale. L’hom-me est un amoureux du lieu. Il le faisait visiter avec autant d’érudi-tion que de passion. « Après la stu-péfaction, confie-t-il, puis l’im-mense tristesse, voilà le temps de l’espérance. Il faut faire en sorte quela cathédrale continue à être un lieu de culte et de culture. »

Camille Bartoteau, une jeunemère de famille de 28 ans, catholi-que et nantaise, explique cet esprit combatif : « On a la chance d’avoir ici un diocèse très dynamique, té-moigne-t-elle. Les paroisses sont très vivantes. Le séminaire se porte bien. L’Église n’est pas vieillissante. Elle est ouverte. Elle fait partie du quotidien des gens, même de ceux qui ne sont pas pratiquants. Du coup, on a l’habitude de se bouger. La solidarité en cas de coup dur n’est pas ici un vain mot. Les Nan-tais, catholiques ou non, ont déjà retroussé les manches. »

Ancien professeur d’histoire etde géographie, Nicolas Harel, 42 ans, était entré dans cette ca-thédrale revêtu de l’aube blanche de séminariste le 23 juin 2019. Vo-cation tardive, il en était sorti, deux heures plus tard, en chasuble de prêtre, tout juste ordonné au cœur de ce joyau architectural et

ecclésial. Il refuse de se laisser abattre : « En cette région où le ca-tholicisme est très implanté - un ca-tholicisme social très ouvert sur le monde -, notre cathédrale était souvent pleine à craquer, cet édifice étant le signe du souci des chrétiens d’honorer Dieu dont elle est un re-flet. Et, avec Dieu, nous ne pouvons pas perdre l’espérance ! »

Même analyse pour Mgr PatrickChauvet, le recteur de Notre-Da-me de Paris : « En voyant les ima-ges de Nantes, j’ai eu l’impression de revivre le cauchemar vécu à Pa-ris. J’éprouve donc beaucoup de compassion pour les Nantais. » Malgré son expérience d’un incen-die ravageur il ne veut pas donner de conseil, « sinon l’attitude spiri-tuelle de l’espérance ! Mais sans se tromper d’appui : si l’on compte sur nous-mêmes, c’est le décourage-ment ; si l’on s’appuie sur Dieu, c’est la force et la patience. Et puis, ne pas se précipiter, faire confiance aux hommes de l’art, rester proche d’eux. Comme de tous ceux à qui la cathédrale manquera ». ■

“Après la stupéfactionpuis l’immense tristesse, voilà le temps de l’espérance. Il faut faire en sorte que la cathédrale continue à être un lieu de culte et de culture”JEAN-FRANÇOIS HENRY, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CATHÉDRALE

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« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge �atteur » Beaumarchais

De gauche à droite, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, Jean Castex, premier ministre, Johanna Rolland, maire de Nantes, et Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, samedi à Nantes après l’incendie de la cathédrale. SEBASTIEN SALOM-GOMIS/AFP

3L'ÉVÉNEMENT

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A avec le Dr DamienMascret du Figaro

Du lundi au vendredi

Sans rendez-vousAnneLeGall15h-16h

À réécouter en podcastsur Europe1.fr

Historien de l’art et de l’architec-ture, enseignant, Mathieu Lours commente l’incendie survenu sa-medi à Nantes.

LE FIGARO.- Saint-Pierre de Nantes avait déjà brûlé en 1972. Est-ce le destin des cathédrales d’être menacées ?Mathieu LOURS.- Exister, c’est s’exposer à mourir ! Une cathé-drale est un édifice vivant soumis au risque de l’usage. En 1972, Saint-Pierre de Nantes avait brûlé, car un ouvrier avait fait tomber un chalumeau sur la charpente. À l’époque, le grand orgue avait été sauvé par le facteur d’orgue. Cette fois-ci, au moment où je vous par-le, on ne connaît pas les causes de l’incendie. Il peut être accidentel, dû à un mauvais entretien ou in-tentionnel. Les cathédrales sont des édifices politiques et religieux, et donc, identitaires. Par essence, ils attirent les actes attentatoires. Le vandalisme, qui peut les frapperindistinctement, mais aussi des actes de haine qui ciblent des édi-fices afin de tenter de diviser les citoyens de la République au nom de la pluralité des religions.

Pourquoi un incendiecomme celui de Nantes suscite-t-il une telle passion ?Le patrimoine est une passion fran-çaise, on le sait. Il y a 24 heures, Les Français croyaient Saint-Pierre éternelle, et l’accident l’a fait reve-nir au centre de leurs peurs. Dans les minutes qui ont suivi l’annonce, les réseaux sociaux se sont immé-

diatement mis à chercher un res-ponsable, que cela soit l’État, censé mal entretenir ses bâtiments, un criminel ou autre. Cela met en lu-mière le rapport étrange que la France entretient avec son patri-moine religieux, marqué par des statuts juridiques divers : celui construit avant 1905 est propriété de l’État pour les cathédrales, des communes pour les églises parois-siales, les temples protestants et sy-nagogues. Celui construit plus tard - églises, synagogues, mosquées, temples - appartient aux associa-tions cultuelles qui l’ont édifié. Certains de ces édifices sont proté-gés au titre des Monuments histori-ques et d’autres non. Or, ce patri-moine, pris dans son ensemble possède un destin commun : il rap-pelle les stratifications spirituelles toujours vivantes en France, il a pour particularité de posséder une dimension culturelle mais de conti-nuer à abriter un culte vivant.

Mathieu Lours : « Il faut une pédagogie de l’État »

« II faut donner un sens à ce patrimoine religieux dans sa spécificité,et discuter de sa place dans la viede la République », explique Mathieu Lours.VINCENT GERBET

Samedi, à l’intérieur de la cathédraleSaint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, juste après l’incendie.

CLAIRE BOMMELAER [email protected]

LES IMAGES de trous béants et de pierres carbonisées ont très vite circulé sur les réseaux sociaux. Si l’intérieur de Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes n’est pas parti en fumée, plusieurs éléments de patrimoine inestimable ont disparu à jamais, ce 18 juillet 2020. Outre un tableau du XIXe siècle de Flandrin, les stalles XVIIIe siècle ont été dé-truites, une partie des vitraux, qui possédaient des éléments datant du XVIe siècle, ont volé en éclat et l’or-gue du XVIIe siècle n’est plus. Une grosse armoire électrique est dé-truite, et des élévations noires de fumée sont visibles jusqu’à la voûte. « La tribune d’orgue est en état de stabilité, mais les trois murs qui l’en-tourent sont endommagés », témoi-gne Pascal Prunet, l’architecte en chef des monuments historiques dépêché sur place samedi alors qu’il était en train d’œuvrer sur Notre-Dame de Paris. « Il va falloir sécuri-ser le tout, mettre des filets, faire l’inventaire de ce qui a été détruit. » Heureusement, le tombeau des ducs de Bretagne, François II et Marguerite de Foix, monument fu-néraire en marbre de Carrare, a échappé au pire.

« On est loin d’un drame patrimo-nial comme celui de Notre-Dame de Paris. L’incendie n’a pas touché la charpente ou les voûtes, et il n’y a pasde risques d’effondrement. Par ailleurs, l’édifice est plutôt considéré comme étant en bon état, et n’était pas jusque-là jugé en danger », tempère-t-on à la direction du Pa-trimoine. Dans la foulée de l’incen-die de Notre-Dame, le ministère de la Culture avait conduit une étude sur l’état de sécurité des 87 cathé-drales dont il a la charge, et dégagé 2 millions d’euros pour améliorer les systèmes de prévention face au risque d’incendie. En juin 2019, Nantes avait bénéficié d’un avis fa-vorable de la commission de sécuri-té, ses systèmes électriques ayant été jugés aux normes. « Des travauxcomplémentaires, et notamment un système de veille en lien avec les ser-vices départementaux, étaient en train de se mettre en place », pour-suit-on à la direction.

Si Nantes était « en bon état »,c’est paradoxalement parce qu’elle a déjà souffert dans sa longue vie et bénéficié, à plusieurs reprises, de restaurations lourdes. Construite entre 1434 et 1891, de style gothi-que, elle est touchée par les bom-bardements en 1944. La sacristie, l’abside et trois chapelles, très for-tement endommagées, sont restau-rées après-guerre. Puis l’immense incendie du 28 janvier 1972 détruit la plus grande partie de sa toiture. Les travaux de reconstruction, y compris de la charpente, dureront jusqu’en 1985. Le chœur définitif, dû aux architectes Jean-Marie Duthilleul et Bruno Ferré, date même de 2013 ! À l’époque, on choisit de remplacer la charpente en bois par une structure en béton, afin de limiter les futurs risques. Et on profite des travaux pour recons-

tituer le décor de la façade ouest, en s’appuyant sur la façade d’origine du XVe siècle.

Samedi 17 juillet, la ministre de laCulture a affirmé que « l’État sera forcément là » pour aider Saint-Pierre-et-Saint-Paul à se reconsti-tuer. En rythme de croisière, son

ministère consacre 40 millions d’euros par an à la restauration des cathédrales d’État, ce que chacun s’accorde à trouver insuffisant. Dans le contexte de la crise sanitai-re, Bercy va devoir trouver les mil-lions nécessaires à Saint-Pierre. Pascal Prunet ne sait pas encore

chiffrer avec exactitude le montant des dégâts. « Cela s’élève au mini-mum à plusieurs millions d’euros, et sans doute trois ans de travail », es-time-t-il. Une cellule de crise s’est tenue, tout le week-end afin d’éva-luer l’action à mener pour restaurer la cathédrale. Pressentant que l’ar-

gent manque toujours pour ces chantiers d’exception, la Fondation du patrimoine a lancé, dès samedi soir, une souscription pour les grandes orgues. « Nous avons réagi très vite, mais c’est notre rôle de vo-ler au secours du patrimoine », ex-plique Bertrand de Feydeau, vice-

Des dizaines de millions d’euros et plusieurs années de travauxLe chantier de rénovation de la cathédrale s’annonce long et coûteux dans un contexte de manque de moyens du ministère de la Culture.

“L’incendie n’a pas touché la charpente ou les voûtes, et il n’y a pas de risques d’effondrement”LA DIRECTION DU PATRIMOINE

La ministre de la Culturea tout de suite dit que l’État trouverait des fonds pour restaurer Saint-Pierre, preuve que le pays est tout de même conscient de leur importance ! C’est une bonne nouvelle pour Nantes, mais cela ne change rien au fond : aujourd’hui, le budget consacré par la nation pour assurerl’entretien des cathédrales est notoirement insuffi-sant, et il faut un changement complet de mentalité. Le pa-trimoine religieux est un des lieux où se ré-concilient la citoyen-neté et l’enracine-ment. Les cathédrales sont un héritage com-mun, un symbole du génie bâtisseur de la nation. Elles sont qui plus est vivantes, et jouent un rôle non né-gligeable dans l’es-thétique d’une ville et des paysages.

Comment mieux protégerles cathédrales et le patrimoine religieux ?D’abord, par un usage vigilant de tous ceux qui s’en occupent : l’État,les communes, le diocèse, et les as-sociations. Ensuite, il faudrait une action régalienne du pouvoir. Il faut donner un sens à ce patrimoi-ne religieux dans sa spécificité, et discuter de sa place dans la vie de laRépublique. Ces édifices sont par-fois la cible d’extrémistes : l’État

doit garantir leur sécurité, en ex-pliquant que ce patrimoine est à tout le monde. Il faut que l’État ait une pédagogie sur les grands édifi-ces de culte, de quelque religion que cela soit. Il existait voici quel-ques années un comité du patri-moine cultuel au ministère de la Culture, il a cessé de se réunir. Au-delà des émotions liées aux incen-dies, pourquoi ne pas recréer un

outil, plus large, inter-ministériel, sur cettequestion ? Il aborderaitles problèmes de pré-servation, de valorisa-tion, d’inscription ausens large dans une po-litique publique. Elleprendrait acte que lepatrimoine religieuxest un des fermentspossibles de l’unité dupays, dans le respect dela laïcité. La liaison en-tre le culturel et lecultuel – on visite dé-sormais aussi les cathé-drales comme des mu-sées - rencontre l’idée

de dépasser les clivages et les reli-gions. Au total, la sauvegarde des églises anciennes, notamment des édifices ruraux non classés, la res-tauration des fleurons que sont les cathédrales, l’intégration dans les nouveaux paysages urbains des édifices de culte qui s’y construi-sent en ce début de millénaire, re-lèvent de la même mémoire qui se construit. ■

PROPOS RECUEILLISPAR C. B.

« Les cathédrales

sont des édifices politiques et religieux, et donc, identitaires. Par essence, ils attirent les actes attentatoires»MATHIEU LOURS

4 L'ÉVÉNEMENT

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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5L'ÉVÉNEMENT

président de la Fondation. Selon lui, la disparition de ces orgues du XVIIe siècle devrait toucher un largepublic, à commencer par les Nan-tais. Les amateurs d’orgue du mon-de entier, et la France - qui possède encore des facteurs d’orgue - pour-raient se mobiliser. Dimanche, en

milieu d’après-midi, la souscrip-tion avait déjà récolté plus de 20 000 euros de promesses de dons. C’est sans doute un des effets posi-tifs de Notre-Dame de Paris, qui a fait prendre conscience de l’im-mense attachement des Français pour les cathédrales et le patrimoi-

ne monumental historique. La ca-thédrale devrait aussi pouvoir compter sur des entreprises locales. Dès 8 h 30 du matin, samedi, l’en-treprise Lefèvre, qui travaille de-puis vingt-cinq ans au chevet de Saint-Pierre, a fait savoir qu’elle était prête à donner un coup de col-

lier. « Nous avons déjà un chantier sur place, et nous avons commencé à regarder si nous avions une respon-sabilité dans l’incendie. Ce qui n’est pas le cas. Pour le reste, nous som-mes là », a lancé Christophe Loeb, directeur régional de l’entreprise Lefèvre. ■

Des dizaines de millions d’euros et plusieurs années de travauxLe chantier de rénovation de la cathédrale s’annonce long et coûteux dans un contexte de manque de moyens du ministère de la Culture.

Ci-dessous, les débris du grand orgue baroque. À droite,le mur calciné où a disparu dans les flammes le tableau d’Hippolyte Flandrin Saint Clair guérissant les aveugles.

MARIE-ESTELLE PECH £@MariEstellPech

LE GRAND ORGUE baroque s’enest allé. Il aura résisté pendant401 ans à toutes les menaces del’Histoire. Lors de la Révolutionfrançaise, le comité révolutionnai-re local envisageait de le détruire.En 1849, on découvrit juste àtemps un début de foyer d’incen-die. Une main criminelle avait dé-posé étoupes, allumettes et ama-dou entre le sommier et le fauxsommier. Deux bombardementssuccessifs pendant la DeuxièmeGuerre mondiale l’endommagè-rent. En 1972, lors du grand incen-die, c’est le facteur d’orgue JosephBeuchet qui le protégea in extre-mis de l’eau glaçée des lances à in-cendie, le recouvrant de bâchesavec l’aide de pompiers. « Nousavions évité le pire. Même s’il fallutencore le réparer », se souvient-il.

Pour ce Nantais de 90 ans, issud’une famille de quinze enfants, ladisparition de cet instrument dontil ne peut encore parler qu’au pré-sent est un « cauchemar ». Son ar-rière-grand-père, son père et lui-même, à la tête de la manufactureBeuchet, ont continuellementchoyé et réparé cet instrumententre 1860 et 1990. Si la partie cen-trale du buffet datait de 1620, l’es-sentiel de l’orgue a été réalisé lorsd’une extension de 1780 effectuéepar le facteur Lépine et son célèbrebeau-frère Cliquot, facteur du roi.La forêt de tuyaux, dont certainsétaient encore en bois, la pluparten plomb et en étain, couvrait tou-tes les époques. Elle a intégrale-ment fondu. Envolés aussi cariati-des, écussons et tourelles. À sonorigine en 1621, l’instrument étaitdoté de 27 jeux.

« Touchée en plein cœur »Au cours des siècles, l’orgue a faitl’objet de cinq restaurations,portant leur nombre à 74, soit5 500 tuyaux. « C’est très impor-tant. Il rivalise avec les orguesde Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Eustache et Notre-Dame de Paris.C’était le plus grand orgue de pro-vince. Il était en très bon état avec

THIERRY HILLÉRITEAU [email protected]

COTITULAIRE du grand orgue deNotre-Dame de Paris, PhilippeLefebvre est également présidentd’Orgue en France. Il réagit à ladisparition des orgues de la ca-thédrale nantaise. L’homme sedit consterné et en colère face àcette immense perte. « L’instru-ment de la cathédrale nantaiseétait l’un des plus beaux buffetsd’orgue de France ! Du point devue sonore, il y avait des élémentsde tuyauterie des XVIIIe etXIXe siècles d’une grande va-leur », explique-t-il. L’heure està la désolation alors qu’il ne sub-siste presque plus rien de cejoyau. « Il ne reste au milieu desdébris que deux ou trois tuyaux debois par terre, que l’on conserverapeut-être pour la mémoire, maisils ne pourront jamais être réutili-sés » déplore Philippe Lefebvre.

Ce passionné est révolté par lemanque de prévention face à detels sinistres. « C’est incompré-hensible qu’une telle tragédie

puisse intervenir, même pas un anet demi après celle de Notre-Damede Paris. Dans notre pays, il sem-ble toujours qu’il faille une catas-trophe pour que l’État intervienne.L’orgue de la cathédrale étaitclassé, comme 1 400 autres orguesfrançaises, protégé au titre desmonuments historiques. »

Le chantier de l’orgue de No-tre-Dame de Paris, sérieusementendommagé par l’incendie sur-venu le 15 avril 2019 suit soncours. « Un échafaudage a étémonté au pied du grand orgue. Ledémontage de l’orgue va pouvoircommencer », explique PhilippeLefebvre. « Tous les tuyaux vontêtre déposés dans des caissonsétanches avant d’être dépollués.Ils resteront sous climatisation,avec tous les impératifs hygromé-triques. Cela devrait prendre entrecinq et six mois », précise-t-il,confiant dans l’avancée des tra-vaux. « Puis nous entrerons dansla seconde phase. Celle de la res-tauration, avec un appel d’offresau plus tard début 2021. On en aensuite pour deux ans et demi detravaux, si tout va bien. » ■

L’organiste de Notre-Dame de Paris mortifié

cet instrument « exceptionnel »par son ancienneté et sa puissance« considérable » qui devait « êtrerestauré prochainement ». Depuis1627, 34 organistes se sont succédéà ses claviers. Des récitals étaientprévus tout l’été. Festivals,concerts prestigieux… Nantes auraréellement pu profiter d’un orgueen parfait état entre 1985, date dela réouverture de la cathédraleaprès le grand incendie de 1972, et2020. « Il est possible de le refaire àl’identique. Tous les plans sont auxarchives, pourvu que l’on trouve lesfinancements… Je serai malheureu-sement rappelé à Dieu avant quel’on entende encore ce son magnifi-que dans la cathédrale », regretteJoseph Beuchet. ■

une excellente sonorité, ce qui estloin d’être le cas de tous », préciseJoseph Beuchet. Pour ce passion-né, c’est le « vent qui fait parler lestuyaux. Pour qu’un instrumentsonne bien, il a besoin de poumonslargement alimentés. Nous nous yétions employés. »

Titulaire du grand orgue depuis2002, Marie-Thérèse Jéhan a passél’après-midi de samedi derrière lesbarrières protégeant l’accès à lacathédrale, « touchée en pleincœur ». Venue de Saint-Nazaire,où elle réside, elle est désolée de nepouvoir entrer. « La dernière foisque j’ai joué, c’était le dimanche5 juillet, une toccata de Louis Vier-ne, morceau de choix pour les orga-nistes. » Elle décrit avec émotion

ADRIEN GOETZ

SUSPENDU au-dessus d’une ar-moire électrique, un tableau d’Hip-polyte Flandrin, Saint Clair guéris-sant les aveugles, ne s’attendait pas au martyre qu’il a subi samedi. Le saint a disparu dans les flammes, qui auraient pu ravager aussi le tombeau du duc François II de Bre-tagne et de Marguerite de Foix, œuvre de Michel Colombe et de Jean Perréal, qui se trouvait juste devant lui. Certains ont osé se ré-jouir que ce monument de la sculp-ture de la Renaissance ait été sauvé du désastre et qu’on n’ait à déplorerque cette moindre perte, dans cette partie de l’édifice : un grand format du XIXe siècle.

Flandrin est le plus doué des élè-ves d’Ingres. On admire, au Lou-vre, son très célèbre tableau : le Jeune homme nu au bord de la mer et, au Musée d’Orsay, son fascinant portrait du prince Napoléon, cousinde Napoléon III et ami des arts. Le Musée des beaux-arts de Lyon pré-pare en ce moment une rétrospec-tive consacrée à son œuvre et à cel-le de ses deux frères.

Une vérité tragique Le Flandrin de Nantes, de 1836, n’était en rien une œuvre « sulpi-cienne », une bondieuserie démo-dée : sous un vaste ciel bleu, avec ses hautes figures prises dans des drapés harmonieux, c’était un morceau de poésie sacrée, une mu-sique jouée à l’orgue sur un thème inspiré par Giotto ou par Masaccio. La perte du tableau de Nantes, tom-be mal, au moment où Flandrin, porte-drapeau d’un art sacré enco-re largement voué au purgatoire, s’apprête à ressusciter.

L’incendie de Nantes, ce n’estpas seulement un Flandrin de moins, c’est l’événement qui met sous les yeux de tous une vérité tragique : les lieux de culte sont des musées, qui exposent des tableaux très importants dans la pénombre des chapelles et des transepts, ouverts à tous, gratuits, mais où n’importe qui peut pénétrer sans

contrôle, sans être filmé par le moindre dispositif de sécurité, où des trésors accumulés depuis des siècles sont en péril de mort.

Deux tableaux d’Ingres, dignesdes plus grands musées du monde, sont exposés dans des cathédrales, à Montauban et à Autun. L’art reli-gieux du XIXe siècle, longtemps si mal connu et encore mal aimé, s’ef-face sur les murs. À Paris, malgré quelques récents chantiers qui sem-blent enfin débuter, il suffit de déambuler à Saint-Sulpice, à Saint-Séverin, à Saint-Philippe-du-Roule, pour être effaré par la crasse, l’hu-midité qui ronge tout, les fresques qui s’écaillent. Les biens mobiliers ne sont pas en sécurité : le trésor de la cathédrale d’Angoulême, œuvre contemporaine de Jean-Michel Othoniel, a été violé, la cathédrale Sainte-Marie d’Oloron a été pillée, des cambrioleurs se sont introduits en mai dernier dans l’église Notre-Dame de Ramatuelle.

La Sauvegarde de l’art français,vénérable association fondée en 1921, devenue fondation en 2017, a lancé depuis quelques années un programme en faveur du patrimoine cultuel baptisé « Le plus grand mu-sée de France ». Olivier de Rohan-Chabot, qui a inventé la formule, a réuni autour de lui des cohortes d’étudiants qui parcourent la France en cherchant du mécénat pour des centaines de sites menacés, écrins detrésors insoupçonnés. La liste est ac-cessible en ligne, il est possible de faire des dons.

Mais ce que les « cauchemars » –c’est le mot qu’employait Stéphane Bern samedi – de l’incendie de No-tre-Dame de Paris et de la cathédralede Nantes viennent rappeler à tous, c’est qu’il appartient d’abord à l’État, aux municipalités, d’effectuer un indispensable travail de conser-vation. Il faut agir préventivement, exactement comme on le ferait dans un musée, où l’on ne mettrait jamais un Flandrin sur une armoire électri-que, pour que les générations à venir ne puissent pas accuser la nôtre d’avoir laissé partir en fumée des chefs-d’œuvre que notre époque n’était pas capable d’aimer. ■

Les églises, des musées en danger

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L’instrumentde la cathédrale nantaise était l’un des plus beaux buffets d’orgue de France ! Du point de vue sonore,il y avait des éléments de tuyauterie des XVIIIe et XIXe siècles d’une grande valeur»PHILIPPE LEFEBVRE,COTITULAIRE DU GRAND ORGUE DE NOTRE-DAME DE PARIS, PRÉSIDENT D’ORGUE EN FRANCE

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Chacun ressent,

même s’il ne croit pas, chacun se sent touché au cœur. L’État va bien sûr être là pour une opération qui va forcément être longue (…)Il y a des choses irrécupérables. Le tableau d’Hippolyte Flandrin est perdu définitivement. C’est un grand chagrin»ROSELYNE BACHELOT, MINISTRE DE LA CULTURELE 18 JUILLET, À NANTES

L’orgue, ces poumons disparus de la cathédrale

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

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tient, c’est comme le vélo, cela ne se perd pas ! », ajoute-t-il.

Une nuit, lors d’une conversationtéléphonique avec une personne tou-chée par le virus, journaliste de pro-fession, Douste-Blazy tente de la ras-surer en parlant de choses et d’autres. Mais au fil de l’échange, le médecin aiguilleur se fait trahir par sa voix et son accent, à la grande surprise de son interlocutrice.

« Il est important d’agir » La collaboration avec le Samu s’étale sur une quinzaine de jours environ, au moment le plus brûlant de la crise. L’ex-secrétaire général des Nations unies se retrouve au contact des pro-fessionnels de santé, d’urgentistes chevronnés, de médecins retraités et de généralistes. Les tours de garde sont régulièrement affichés sur une boucle WhatsApp où chacun peut s’inscrire, comme cela se fait habi-tuellement dans les salles de garde. « Quand vous êtes médecin, explique Douste-Blazy, vous l’êtes à vie. Cha-cun a sa propre expérience, mais on ne peut pas ne pas participer à un tel effortcommun. Que vous ayez été ministre oupas, ce n’est pas le sujet. Vous êtes pré-sent, comme un autre, face à une vague

extrêmement impressionnante de per-sonnes impactées. Vous savez simple-ment qu’il est important d’agir. »

L’ancien ministre des Affairesétrangères de Jacques Chirac n’oubliera pas de sitôt la traversée de la capitale au cœur de l’épidémie. Un Paris désert, complètement vide, fantôme presque. « C’était absolu-ment incroyable », se souvient-il.

L’intégration au sein de cette com-munauté médicale mobilisée dans l’urgence aura été d’autant plus facile pour Philippe Douste-Blazy qu’il portait une blouse et un masque, comme tout le monde. Cet anonymat a créé des situations parfois cocasses comme le jour où l’ancien ministre s’est fait remonter les bretelles par une jeune interne alors qu’il avait pris la liberté d’échanger par SMS durant quelques secondes avec sa femme. « Hé, oh ! On n’est pas là pour discuter.Prends plutôt les appels», lui lance sa voisine de standard. Deux heures plustard, après l’orage, la jeune femme lui demande ce qu’il fait dans la vie. En s’excusant presque, il lui répond : «Je suis cardiologue. » Réplique immé-diate de sa collègue des urgences, qui ne l’avait pas encore reconnu : « C’estcool ! C’est cool cardiologue… » ■

Philippe Douste-Blazy a été intégré au sein de l’équipe renfort du Samu au moment le plus brûlant de la crise. « Quand vous êtes médecin, vous l’êtes à vie », explique l’ex-ministre. COLL. PERS

Philippe Douste-Blazy, un anonyme du Samu au cœur de la crise sanitaireL’ex-ministre de la Santé raconte son retour sur le terrain des urgences au standard du Samu à Garches.

EMMANUEL GALIERO [email protected]

SANTÉ Il s’était porté volontaire pourla réserve sanitaire et il a rejoint les renforts du Samu pour faire face à l’inflation des appels d’urgence durant la crise. Si Philippe Douste-Blazy, adminis-trateur de l’IHU du pro-fesseur Raoult, s’est il-lustré sur les plateaux télé, il est resté plus dis-cret sur son implication médicale de terrain.

Via le service desmaladies infectieuses à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, di-rigé par le professeur Christian Perrone, le cardiologue a été intégré au sein de l’équipe ren-fort du Samu pour ré-pondre au « 15 ». Mobi-lisé sur le troisième niveau de ce standard d’urgence, il a rejoint une équipe de médecins placée sous l’autorité

COVID : CES ÉLUS QUI ONT REMIS LA BLOUSE BLANCHE # 1/12

d’un chef d’équipe. « La plupart des appelants présentaient des symptômes Covid et une sensation d’oppression thoracique, d’autres des céphalées, de la fièvre ou une grande fatigue et cer-tains des pertes de goût et d’odorat.

Quand certains présen-taient un essoufflement,on les hospitalisait immé-diatement », se souvientPhilippe Douste-Blazy.

Chargé d’évaluer lescas et de prendre desdécisions, le volontaire asuivi une petite forma-tion préalable aux pro-cédures et outils infor-matiques. « L’encadrement étaitformidable. Fort judicieu-sement, l’APHP avait crééun système pour suivreles patients Covid via unsuivi téléphonique », saluel’ancien ministre, qui nepratique plus la cardiolo-gie depuis les années1990. « Mais quand vousavez soigné des milliers demalades et exercé dans unservice de soins intensifs,l’interrogatoire d’un pa-

BioEXPRESSNaissanceNé à Lourdes en 1953. Maire de Lourdes en 1989Il sera aussi cardiologue dans cette ville après ses études de médecine à Toulouse.MinistreMinistre de la Santé dès 1993 puis de la Culture, à nouveau de la Santé et des Affaires étrangères.De 2008 à 2017Il devient conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies.

Philippe Douste-Blazy, au cœur de la crise sanitaire

L’été du Figaro L’été du Figaro L’été du Figaro

Philippe Douste-Blazy, au cœur de la crise sanitairePhilippe Douste-Blazy, au cœur de la crise sanitaire

COVID : CES ÉLUS QUI ONT REMIS LA BLOUSE BLANCHE

Philippe Douste-Blazy,

COVID : CES ÉLUS QUI ONT REMIS LA BLOUSE BLANCHE

PROPOS RECUEILLIS PARMATHILDE SIRAUD £@Mathilde_Sd

GOUVERNEMENT Après avoir dressé un état des lieux, Amélie de Montchalin veut combattre les blocages du pays. Malgré son pragmatisme, elle n’a que 600 jours.

LE FIGARO. -Vous êtes ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, que signifie cet intitulé ?Amélie DE MONTCHALIN. - Nous sommesdans un temps de crise, nous devons re-construire le pays et notre action publique doit profondément gagner en efficacité, enproximité, en simplicité, en justice. Le président de la République et le premier ministre me demandent de faire en sorte que nous soyons plus simples, plus effica-ces, plus justes. Les Français ont besoin que les changements se voient concrète-ment dans leur vie. Sinon, nous sommes au cœur de ce qui alimente la défiance dé-mocratique, de ce qui détruit la crédibilité : voter des lois, dire qu’elles s’appliquent, alors que ce n’est pas le cas. Le sujet cru-cial, c’est de restaurer la confiance en ayant une action publique puissante. Nous avons créé un ministère du service public, dans lequel nous rassemblons tous les le-viers d’action nécessaires pour réussir. Mon ministère est celui du porte-action dugouvernement. Je suis la ministre des ré-sultats et de l’action. Il s’agit d’accélérer les transformations, débloquer, et faire en sorte que ce soit visible sur le terrain. Je suis en quelque sorte un assemblier.

Avec quelle méthode ?Les Français ne veulent pas que j’aille uni-quement faire le tour de la France qui va bien. Nous devons d’abord rétablir la confiance avec les agents publics, ceux

c’est une bonne idée, mais si l’agent publicne sait pas comment il doit l’appliquer, il ne l’applique pas. Il faut voir où ça coince et former les agents. Nous avons 600 jours,la bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas le temps de se perdre en grandes idées. Il fautdes idées très pragmatiques et directe-ment opérationnelles. C’est ainsi que nous redonnerons confiance. Je vais écrire la semaine prochaine à tous les agents pu-blics pour leur poser deux questions : quelle mesure urgente le gouvernement doit-il prendre pour améliorer l’action publique, et que doit-il urgemment faire pour que chaque agent puisse se consacrer pleinement à sa mission ? Jusqu’ici, quand on entend que les agents publics ont be-soin de moyens, on pense uniquement budgétaire. Or, ils ont surtout besoin d’une capacité à faire, à bien remplir leur mission. On ne va pas transformer par le haut mais par ceux qui font.

Le but, c’est de pouvoir publier

des résultats en vue de la campagne présidentielle…C’est une forme de premier bilan, mais un bilan dynamique. Le but n’est pas que ce soit une photo, mais un film. Je ne veuxpas juste faire bouger des chiffres, mais la vie quotidienne. La démocratie ne peut pas se fonder sur le secret. Mon rôle n’est pas de donner des notes ou des bons points aux ministres mais d’être en sou-tien. Il y aura peut-être des mesures qu’on devra arrêter. Il faut une forme de lucidité sur où on en est. Le premier mi-nistre l’a dit, l’impuissance publique a faitle lit du discrédit politique. Elle nourrit le discours des extrêmes. Nous veillerons scrupuleusement à ce que les textes se traduisent dans la réalité ! L’application des lois, ce n’est pas simplement sortir des décrets d’application. Aujourd’hui d’ailleurs, 90% de ce qu’on a voté est ap-plicable juridiquement et c’est un énor-me travail. Il faut maintenant passer du juridique au concret. ■

Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, le 7 juillet, sur le perron de l’Élysée. JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO

Montchalin : « Je suis la ministre des résultats et de l’action »Chargée de la Transformation et de la Fonction publiques, elle veut aller sur le terrain pour ne plus « piloter » depuis Paris.

qui se sont engagés pour servir les Fran-çais. Pendant la crise du Covid, ils se sont adaptés. Il faut aussi être transparent avec les Français, identifier les blocages. Nous avons des tableaux de bord avec des chif-fres, mais l’important c’est de savoir si ça marche ou si ça ne marche pas sur le ter-rain, si tel changement est visible ou non dans la réalité. Il faut sortir d’une logique de pilotage par tableaux de bord dans les ministères à Paris, pour aller dans les ter-ritoires. Nous publierons à l’automne le baromètre des résultats : un baromètre indique aussi bien la pluie que le soleil. Nous dirons aussi ce que les usagers pen-sent du service public. Ce baromètre per-mettra de prendre des engagements pour améliorer la mise en œuvre de nos enga-gements, politique par politique, et terri-toire par territoire. Nous devons nous in-téresser aux blocages concrets. Je passerai la moitié de mon temps sur le terrain en

concertation et l’autre à Paris avec mes collègues ministres. Le mot de transfor-mation est un beau mot si nous le prenons sous l’angle du rugby : transformer l’es-sai, c’est réussir, faire les derniers mètres pour que le ballon arrive au bon endroit. Ilfaut pour cela se faire des passes. Mon rôle sera d’être en lien permanent avec mes collègues ministres.

Vous êtes donc une sorte de vigie de l’exécution…Le droit à l’erreur est un très bon exemple :

“Le sujet crucial, c’est de restaurer la confiance en ayant une action publique puissante”AMÉLIE DE MONTCHALIN

Darmanin ne sera plus maire mais restera au conseil municipal de Tourcoing Un nouveau maire prendra ses fonctions à Tourcoing (Nord) « d’ici la fin du mois de juillet », a assuré Gérald Darmanin dans un interview à La Voix du Nord, confirmant sa volonté de démissionner pour se concentrer sur son poste de ministre de l’Intérieur :« Je ne serai plus maire de Tourcoing, mais je resterai au conseil municipal ». Le ministre a précisé qu’il souhaitait redevenir maire de Tourcoing dès que sa mission place Beauvau sera terminée. Le ministre, qui a déjà démissionné du Conseil régional des Hauts-de-France dans la foulée de sa nomination place Beauvau, avait été réélu maire dès le 15 mars, au premier tour avec 60,9% des voix. Il avait ceint l’écharpe tricolore le 23 mai, retrouvant un siège déjà occupé entre mars 2014 et septembre 2017.

ZOOM

Moreno s’engage à « réduire le nombre de femmes victimes » de féminicides La ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, s’engage, dans une interview au Parisien, à faire baisser le nombre de femmes victimes de féminicides. « S’il y a une chose que je laisserai de mon passage au gouvernement, ce sera celui-là. Dans 600 jours, on aura réduit le nombre de femmes victimes », promet-elle affirmant ne pas être « là pour briller ». Avec quel budget ?« Je peux vous affirmer que je sais négocier », avance celle qui fut appelée au gouvernement alors qu’elle était dirigeante de Hewlett-Packard pour l’Afrique.

Grenoble : Piolle (EELV) échoue à faire élire son candidat à la tête de la métropole Le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle a échoué à imposer son candidat à la tête de la métropole, qui restera dirigée pour six années supplémentaires par Christophe Ferrari (ex-PS), réélu au troisième tour. Il l’a élu au terme d’un duel à suspense qui a fait vaciller l’union des groupes de la majorité écologiste et de gauche. Alain Carignon a eu beau jeu de relever une tentative de « petit meurtre entre amis ».

EN BREF

6 POLITIQUE

Page 7: Le Figaro - 20-07-2020

LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

A

Michel tombait à 450 milliards d’euros. Di-manche, elle avait encore fondu de 50 mil-liards d’euros, à 400 milliards d’euros. Un seuil en deçà duquel Paris ne souhaite pas descendre. « Si les pays du Sud acceptent, il serait possible de réduire encore un peu », estimait au contraire un diplomate.

Dimanche, les Néerlandais proposaient350 milliards de subventions, considérant qu’ils font là un pas très important. Cela si-gnifie-t-il que les pays les plus impactés par la crise toucheront moins d’argent pour financer leur plan de relance respec-tif, notamment la France qui table, comme l’a dit le premier ministre Jean Castex, sur 35 milliards d’euros ? Absolument pas. Il pourrait même, au final, toucher plus. En effet, une partie de ces 500 milliards - 190 milliards - devaient venir abonder des programmes du budget européen. Ces pro-grammes seraient donc réduits. Par exem-ple la santé, qui tomberait à 5 milliards au lieu de quelque 9 milliards envisagés.

Curieux message alors que l’Europe estmenacée par une seconde vague de conta-mination. L’instrument de solvabilité des-tiné à aider les entreprises en difficulté et doté de 26 milliards d’euros serait enterré avant même d’avoir été créé. Pour la Com-mission, toutes ces coupes ne sont pas une bonne nouvelle. Pour l’UE non plus puis-que la logique de guichet l’emporte sur les

politiques communautaires. Les Vingt-Sept doivent aussi composer avec les états d’âme de la Hongrie et de la Pologne qui voient d’un très mauvais œil la condition-nalité sur l’État de droit et la menace que cela représente pour les fonds qu’ils tou-chent de l’UE. Un sujet auxquels sont atta-chés les pays du Nord, dont les Pays-Bas… Mais il se dit qu’ils seraient prêts à faire un effort, en contrepartie d’une diminution des fonds qu’ils doivent toucher.

Qu’un compromis soit ou non trouvé àl’issue de ce sommet ne change rien à l’af-faire. La réunion du week-end est un aveu d’échec pour l’Union. Alors qu’une crise d’une rare gravité frappe le continent, les Européens ont sacrifié au grand marchan-dage financier. C’est aussi un revers pour Paris et Berlin qui ont cru que la puissance du moteur franco-allemand viendrait à bout des désaccords de certains États membres. La principale erreur d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron aura été de sous-estimer la force d’inertie de Mark Rutte. Et de considérer qu’une flopée de déplacements à La Haye et le maintien des confortables rabais permettraient de venir à bout de ses réticences. « Mark ne change pas d’avis sous la pression. Il ne peut chan-ger d’avis que si les arguments sont les bons », confie son ami, l’ex-DG d’Alcatel-Lucent, Ben Verwaayen. ■

assez pertinents ou si les réformes promi-ses n’étaient pas mises en œuvre. Lui-mê-me devra aussi le moment venu rendre des comptes sur l’usage de ces fonds devant le Parlement néerlandais, où sa coalition n’a pas la majorité.

Une solution semblait avoir été trouvéeen début de soirée. Quid des rabais ? Les « frugaux » - et l’Allemagne - vont les conserver. Le prix à payer pour obtenir leuraccord. Mais les « frugaux » sont gour-

mands et ils tentaient encore dimanche d’arracher davantage de ristournes au budget de l’UE. Les pays nordiques ont aussi bataillé ferme sur le volume global dessubventions dont ils ont finalement accep-té le principe. Et le couple franco-allemand a bien été contraint de caler face à eux et d’accepter de réduire cette enveloppe de dons, symbole de la solidarité européenne en période de crise qu’ils ont tant vantée. Samedi, l’enveloppe proposée par Charles

“J’ai rarement vu en sept ans des positions aussi diamétralement opposées...”XAVIER BETTEL, PREMIER MINISTRE DU LUXEMBOURG

Relance : Paris et Berlin calent face aux « frugaux »L’enveloppe des subventions, symbolede la solidarité européenne en périodede crise, devrait fondre de 100 milliards.

Nétanyahou contesté dans la rue pour sa gestion du CovidLe premier ministre israélien est en chute libre dans les sondages et critiqué au sein du Likoud.MARC HENRYJÉRUSALEM

ISRAËL Benyamin Nétanyahou livredes batailles tous azimuts dans la rue,devant la justice, au sein de son gou-vernement et du Likoud, son parti. Surle front judiciaire, la deuxième sessionde son procès pour corruption, abus deconfiance et fraude ouvert au mois demai a eu lieu dimanche. Les juges ontdécidé que la comparution des témoinsdébutera en janvier. Un des avocats dupremier ministre, qui se présente com-me l’innocente victime d’un complotde la gauche, des médias, de la police etdu procureur général, a expliqué qu’untel report était nécessaire car il est diffi-cile de savoir si un « témoin portant unmasque dit la vérité ».

La contestation dans les rues neconnaît en revanche aucun répit. Plu-sieurs milliers de manifestants se sont rassemblés ce week-end à Jérusalem et Tel-Aviv. Certains mènent le combat contre Benyamin Nétanyahou qu’ils sur-nomment, avec un jeu de mots en an-glais de « crime minister » au lieu de « prime minister », d’autres pour expri-mer la détresse des secteurs les plus si-nistrés du fait de l’épidémie. Une deuxième vague de Covid-19 encore plusbrutale que la première laisse en effet peu de place à l’espoir d’un retour rapideà la « normale » alors qu’entre 1 500 et 2 000 personnes supplémentaires sont contaminées chaque jour et que le nom-bre de malades gravement atteints re-commence à grimper dangereusement.

Face à cette situation, Benyamin Né-tanyahou donne l’impression de neplus savoir où donner de la tête. Sa cote

de popularité est en chute libre alorsqu’au début de l’épidémie, il est apparucomme maître du jeu. Confronté à unerévolte des patrons de restaurants quimenaçaient de défier les ordres de fer-meture du gouvernement, le premierministre a fait machine arrière et per-mis qu’ils restent provisoirementouverts. Au sein même du Likoud, sonparti, qu’il contrôlait jusqu’à présentd’une poigne de fer, un début de frondeest perceptible. Comme le proclamait àla radio un « bibiste », c’est-à-dire unpartisan inconditionnel du premierministre, « peu m’importe s’il lave sestapis avec du champagne, l’essentielpour moi c’est que mon gagne-pain nesoit pas menacé ».

Carnet de chèquesPour tenter de ramener le calme,Benyamin Nétanyahou a sorti le carnetde chèques afin de doper la consomma-tion et la création d’emplois. Il a an-noncé que tous les Israéliens de plus de18 ans allaient toucher 190 euros et770 euros pour les familles avec troisenfants. Cette mesure très onéreuse(1,5 milliard d’euros) s’est retrouvéeaussitôt taillée en pièces, car elle ne faitaucune distinction entre ceux dont leniveau de vie est en chute libre et ceuxqui s’en sortent indemnes.

Résultat : des ministres, le gouver-neur de la Banque d’Israël, la directricegénérale du ministère des Financesn’ont pas ménagé leurs critiques. Unedéputée du Likoud, Yifat Shasha-Biton,présidente de la commission du Parle-ment en charge de la lutte contre le Co-vid-19, a même infligé un camouflet aupremier ministre en bloquant une par-tie de ses décisions. ■

ANNE ROVAN £@AnneRovanCORRESPONDANTE À BRUXELLES

EUROPE Le Hongrois Viktor Orban accu-sant publiquement son homologue néer-landais, Mark Rutte, de le détester. Le tan-dem Macron-Merkel menaçant de quitter le sommet. L’Italien Giuseppe Conte pre-nant la parole sur Facebook pour égrati-gner les dirigeants des pays « frugaux ». Les leaders de l’UE auront donné un bien piètre spectacle au cours du week-end. Réunis à Bruxelles depuis vendredi matin, ils tentaient encore dimanche soir de se mettre d’accord sur le budget de l’UE pour la période 2021-2027 et, surtout, sur le plande relance à 750 milliards d’euros - 500 milliards de subventions et 250 mil-liards de prêts - destiné à faire repartir les économies du bloc. La réunion qu’ils de-vaient avoir à vingt-sept dans la grande salle ronde du Conseil a été reportée à trois reprises au cours de la journée. Ils se sont finalement retrouvés vers 19 heures pour le dîner. « Soit il y a un atterrissage possible et on reste toute la nuit pour arriver avec un accord demain matin. Soit ce n’est pas pos-sible et alors on se retrouve en août », confiait dimanche un diplomate.

Ce plan de relance est une épreuve pourl’UE. Il s’agit de montants astronomiques et d’un montage inédit puisque l’Union aura recours, pour la première fois, à un emprunt commun. Il n’y a donc pas de rai-son objective pour que les discussions se passent mieux qu’il y a sept ans, quand la négociation portait sur le seul budget plu-riannuel de l’UE. Du reste, personne ne

s’attendait à ce que les échanges soient fa-ciles. Mais ils se sont révélés bien plus complexes qu’attendu. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a d’ailleurs mis plusieurs propositions sur la table au cours du week-end. Sans parler deces innombrables réunions à deux, à trois, à quatre ou plus pour tenter de trouver les voies de passages. « J’ai rarement vu pen-dant sept ans des positions aussi diamétra-lement opposées… sur de nombreux points », a admis Xavier Bettel, le premier ministre luxembourgeois. « Tout le monde essaie de tirer la couverture à lui. C’est in-supportable ! », pestait dimanche un di-plomate. À ce jeu-là, les pays dits « fru-gaux » ou économes - Pays-Bas, Autriche, Danemark et Suède - ont été les plus re-doutables de tous. D’autant qu’ils ont pu compter sur le soutien de la Finlande dans leur croisade contre « l’argent facile » du plan de relance, ces 500 milliards d’euros de subventions voulus par Paris et Berlin pour aider les pays les plus touchés par la crise du coronavirus. Mark Rutte, le chef de file de ces pays et le partenaire le plus coriace de cette négociation, aurait d’ailleurs eu droit à plusieurs mises au point de la part d’Angela Merkel. « Moi aussi j’ai un Parlement. Mais la politique c’est de convaincre !, aurait mis en garde la chancelière. Tu as obtenu beaucoup de cho-ses et maintenant c’est à toi d’être flexible »,aurait-elle ajouté.

Le Néerlandais, qui est arrivé à Bruxellesavec une longue « liste de courses », veut être certain de pouvoir exercer un droit de veto sur le déblocage des fonds si les plans de relance nationaux ne lui semblaient pas

Le chef de file des pays « frugaux », le premier ministre néerlandais, Mark Rutte (à gauche), aux côtés d’Angela Merkel,d’Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (au second plan), dimanche à Bruxelles.

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Page 8: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

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Le Bavarois Markus Söder, favori à la succession d’Angela Merkel

IL FUT un temps en Allemagne, iln’y a pas longtemps, où les Vertsse considéraient, déjà, comme unparti gouvernemental, où la socia-le-démocratie avait disparu etl’extrême droite incarnait à elleseule l’opposition. C’était avant lapandémie de coronavirus qui enquelques semaines, a balayé lepaysage politique du pays. Outre-Rhin, la crise a profité aux deuxformations conduisant le gouver-nement et, en premier lieu, à laCDU d’Angela Merkel, suivie duSPD. Face à ces derniers, l’opposi-tion cherche ses marques, lors-qu’elle n’est pas condamnée à unetraversée du désert.

Selon la dernière édition hebdo-madaire du sondage Forsa, livréesamedi 18 juillet, les chrétiens-dé-mocrates caracolent dans les in-tentions de vote. 38 % des ci-toyens se disant prêts à voter enleur faveur si les élections législa-tives avaient eu lieu dimanche.Cela représente dix points de plusque le 14 mars, la semaine où touta basculé et la question du virus a

submergé la vie publique. Derriè-re, les Verts (Die Grünen) perdentquatre points (18 %). Ils sont lesprincipaux perdants du virage sa-nitaire, devant l’Alternative fürDeutschland (AfD) qui, de pluslongue date, subit une lente éro-sion (9 %). Le SPD, pour sa part,reprend quelques couleurs.

Personne n’incarne mieux cebouleversement que le ministresocial-démocrate des Finances,Olaf Scholz. À l’automne dernier,ce partisan de la rigueur budgétai-re avait été sèchement battu à lacandidature à la présidence de sonparti, et ceci au profit d’un tan-dem paritaire situé à l’aile gauchedu parti.

La popularité des deux vain-queurs, Saskia Esken et NorbertWalter-Borjans, n’a jamais décol-lé. Leur rôle est cantonné à la ges-tion du parti, et le couple se faitrégulièrement étriller dans lapresse. Entre-temps, le grand ar-gentier, perdant de la primaire,qui refusait d’enfreindre les sacro-saints principes de la stabilité

lins de l’ex-RDA. C’est surtout lamenace d’une mise sous sur-veillance des services de sécuritéintérieure qui risque de paralyserson activité.

Cette perspective, rendue pos-sible par la Constitution alleman-de, elle-même érigée sur les dé-combres du nazisme, précipitedans l’immédiat le divorce entremodérés et radicaux, qualifiés de« néo-nazis ». « L’étiquette d’ex-trémiste de droite désormais offi-ciellement accolée à l’AfD risqued’avoir un effet démobilisateur surl’électorat et quoi que le parti fasse,la situation est très dangereuse »,explique au Berliner Zeitung Mi-chael Lühmann, politologue àl’Institut pour l’étude démocrati-que, à l’université de Goettingen.

Enfin, les Verts ont perdu deleur superbe, même s’ils conser-vent la deuxième place dans lessondages. Il y a quelques mois,lorsque la CDU stagnait à 26 %,leurs deux présidents AnnalenaBaerbock et Robert Habeck, pou-vaient, chacun pour soi, rêver au

Les partis de gouvernement confortés par leur gestion de la pandémie

Les sondages ne m’empêchent pas de dormir, mais il est important que nous sortions de cette crise de manière constructive»ANNELENA BAERBOCK,

COPRÉSIDENTE

DES VERTS

Söder lui-même préférait cultiver sa proximité avec le chancelier Kurz, allié à l’extrême droite, plutôtque s’afficher avec Merkel.

La pandémie a figé la CDU à cemoment précis de son histoire. De-puis, Armin Laschet a creusé son sillon de chef de région indépen-dant. Il a poussé au déconfinement lorsque la chancelière prônait la prudence. Or c’est dans ses terres que le scandale des abattoirs a ex-plosé, l’obligeant à reconfiner deux districts de 600 000 habitants. Markus Söder a fait l’inverse. Il a renforcé les règles sanitaires en Ba-vière, et s’est rapproché d’Angela Merkel. Parallèlement, celle-ci est devenue très populaire. Et grâce à son plan de relance élaboré avec Emmanuel Macron, elle a fait taire ceux qui lui reprochaient sa tiédeur européenne. En premier lieu Las-chet.

Angela Merkel « a donné la bonneréponse à une situation inédite et ex-ceptionnelle », a salué le chef de la Rhénanie dans un récent entretien au Figaro, tout en contestant le ter-me de « revirement ». Si son concurrent bavarois le dépasse dans les sondages, il possède l’avantage d’appartenir à la CDU, dont il vise la présidence en même temps que la Chancellerie. Söder, pour sa part, se situe à la périphérie du parti. La seule fois que la CDU/CSU a présenté un candidat CSU à la Chancellerie, ce fut Edmund Stoiber, qui s’était présenté contre Merkel. Il fut sèchement battu en 2002 par le social-démocrate Ge-rhardt Schröder. Or, comme le rappelle Andrea Römmele, il existe à la CDU une règle non écrite selon laquelle le président du parti dé-tient la primauté dans la candida-ture à la Chancellerie. « Cela signi-fie que Söder a besoin, à la tête de la CDU, d’un président qui puisse lui ouvrir la voie vers la Chancellerie. Or, Laschet ne sera jamais cet hom-me, ni même Friedrich Merz », pro-nostique la politologue de l’institut Herta. Angela Merkel jouera-t-elle à défaut les passeuses ? Tout en conjurant l’histoire, ce serait une curieuse façon de couper le cordon ombilical. ■

Le ministre-président du Land le plus riche d’Allemagne est salué pour sa gestion de la crise du Covid-19.

“Le principal problème auquel est confrontée depuis longtemps la CDU – à savoir sa vision de l’ère post-Merkel – s’est aggravé”ANDREA RÖMMELE, PROFESSEUR DE SCIENCES POLITIQUES À L’ÉCOLE HERTIE

poste de chancelier. Désormaiscet horizon s’éloigne. Même si lesdeux dirigeants s’efforcent de liercoronavirus et environnement, lacrise sanitaire a fait passer l’ur-gence écologique au second plan.

« Les sondages ne m’empêchentpas de dormir, mais il est importantque nous sortions de cette crise demanière constructive », plaide An-nelena Baerbock, devant le clubde la presse étrangère à Berlin.Cette dernière met en garde de-vant la volatilité des sondages quine font pas dévier la ligne du parti.Les Grünen continuent à privilé-gier une alliance électorale avec laCDU, qui exclurait le SPD.

Dans le cadre de l’actuel rap-port de force, une telle coalitionles placerait dans une situation si-milaire à celle de leurs camaradesautrichiens. À Vienne, les Vertsjouent le rôle ingrat de sparring-partner du chancelier conserva-teur Sebastien Kurz, qui défend larigueur à Bruxelles. À Berlin, leursamis espèrent pouvoir conjurer cesort. ■ P.A (À BERLIN)

budgétaire, accède au statut desauveur après avoir promu unplan d’aide de plus de 1 000 mil-liards d’euros, faisant fi de touterègle prudentielle.

« Olaf le bazooka », comme on lesurnomme aujourd’hui, est saluépour la vigueur de sa politiquekeynésienne. « Ces jours-ci, il faitsacrément bien son boulot », admi-re le leader des Jeunes sociaux-démocrates, Kevin Kühnert, quifut longtemps son ennemi intime àla gauche du SPD. Désormais, ycompris les fondamentalistes sou-tiennent l’argumentaire de leurministre, selon lequel il faut jouerles fourmis en période de prospé-rité pour mieux pouvoir dépenseren temps de crise.

Crise interne à l’AfDÀ l’extrême droite, l’AfD, même sielle résiste dans les sondages, tra-verse une crise politique interne.Bien qu’inaudible durant la crisesanitaire, elle garde le mêmenoyau dur de supporteurs, enl’occurrence les électeurs mascu-

La chancelière Angela Merkel avec les quatre candidats à sa succession : de gauche à droite et de haut en bas, Markus Söder, Armin Laschet, Norbert Röttgen et Friedrich Merz. FRANK HOERMANN/PICTURE-ALLIANCE VIA AFP, MICHAEL KAPPELER/PICTURE ALLIANCE/DPA, RAINER JENSEN/PICTURE ALLIANCE / DPA-EPA/MAXPPP

PIERRE AVRIL [email protected] À BERLIN

ALLEMAGNE À Bayreuth même, dans la torpeur de juillet, l’ombre de Markus Söder, 1,94 mètre, se fait sentir. Le ministre-président de Bavière, qui porte scrupuleusement son masque, souligne régulière-ment les risques de la pandémie, a mis sa région en coupe réglée, alors que celle-ci détient le record alle-mand des contaminations. Alors que dans le reste du pays déconfiné,les mœurs se relâchent, dans la pa-trie de Wagner au contraire, déser-tée des festivaliers pour cause de coronavirus, le respect des distan-ces de sécurité reste infaillible.

Après trois mois d’un tel régimedans cette région la plus riche du pays, le chef de la CSU, petite sœur bavaroise de la démocratie chré-tienne, pourrait exporter, à Berlin, son énergie et son modèle de ges-tion. Markus Söder, 53 ans, fait fi-gure de favori à la succession d’An-gela Merkel. « Manager de crise » à la tête du pays : la formule fait florèsoutre-Rhin. 57 % des Allemands estiment qu’il a bien géré l’épisode sanitaire et selon un baromètre de la ZDF, 64 % le créditent d’un ave-nir à la Chancellerie, loin devant tout le monde.

« Je suis ministre-président et matâche de toute une vie repose en Ba-vière », réplique l’intéressé à ceuxqui lui prédisent un destin natio-nal. Mais certains signes ne trom-pent pas, comme l’attention scru-puleuse portée par le Bavarois àgommer de ses discours nationaux,les intonations du Sud qui le fe-raient passer pour un provincial.Un pas supplémentaire a été fran-chi il y a une semaine lorsque leMunichois a accueilli sur ses terres,Angela Merkel, lors d’un déplace-ment ressemblant à une cérémonied’adoubement.

La chancelière a participé à unconseil régional des ministres dansle château de Herrenchiemsee, unVersailles bavarois en miniature.Elle s’est promenée en bateau et encalèche avec son allié, tout en seretenant d’aller plus loin : « La Ba-vière a un bon ministre-président »,a simplement glissé la chef du gou-vernement, ajoutant qu’elle se prê-terait aux mêmes mises en scène sid’autres dirigeants de région ve-naient à l’inviter. La référence visedirectement Armin Laschet, prin-cipal concurrent de Söder, respon-sable de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et qui, à sa différence,est candidat déclaré. Il fait face àdeux concurrents de moindre en-vergure, Norbert Röttgen et Frie-drich Merz.

Trompeuse, la rencontre de Her-renchiemsee, sur fond de monta-gnes et paysages idylliques, résume le casse-tête auquel est confrontée la démocratie-chrétienne alleman-de. Cette dernière caracole en tête des enquêtes d’opinion, non pas par la justesse de sa plateforme idéologique, mais par la seule grâce d’une chancelière parvenue au zé-nith de sa popularité après quinze ans de règne, et dont les sympathi-sants ont du mal à se défaire. Depuisqu’elle a quitté la présidence de la CDU et s’abstient officiellement de toute ingérence dans les affaires du parti, elle s’impose paradoxale-ment comme faiseuse de roi. « Le principal problème auquel est confrontée depuis longtemps la CDU – à savoir sa vision de l’ère post-Me-

rkel – s’est aggravé », constate An-drea Römmele, professeur de sciences politiques à l’École Hertie.

La première tentative de lachancelière d’adouber AnnegretKramp-Karrenbauer, a échoué.L’actuelle présidente du parti avaitdû démissionner après le scandaleprovoqué par l’alliance nouée enThuringe entre l’AfD, la CDU et leslibéraux du FDP. Par ricochet, lachancelière était sorti affaiblie decet épisode, suffisamment pourque ses successeurs putatifs soienttentés de solder au plus vite sonhéritage.

Armin Laschet fut l’un des pre-miers à tenter de tuer César, criti-quant en février 2020, le manque d’ambition et de courage de la poli-tique européenne d’Angela Merkel.

Reprochant à la chancelière l’ab-sence de réponses aux propositions européennes d’Emmanuel Macron, il s’est attiré les faveurs du prési-dent français qu’il a rencontré en marge de la Conférence sur la sécu-rité de Munich. Il fut ensuite invité dans la tribune VIP lors du défilé du 14 Juillet.

Markus Söder n’a pas bénéficiéd’autant d’égards. « Le premier est un Européen convaincu qui s’inspire d’Helmut Kohl. Le second est un Ba-varois conservateur antieuropéen », tranche le député du parti libéral FDP, Alexander Graf Lambsdorff. Angela Merkel eut elle-même du fil à retordre avec son allié bavarois. La CSU avait vivement critiqué le plan d’accueil des réfugiés de la chancelière en 2015, et à l’époque,

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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SOCIÉTÉ 9

d’âge de 41 ans va être supprimée. Trop de trentenaires renonçaient au concours pour ne pas sacrifier leur vie personnelle et offrir du temps à leurs enfants. Celles-ci sont encore peu nombreuses dans les promo-tions : 13,2 % pour la marine, 9,1 % pour l’armée de l’air. L’armée de terre a montré le plus de volontaris-me depuis cinq ans : de 2 femmes en 2015 (soit 2,5 % de la promotion), elles sont passées à 7 en 2019 (8,8 %).La progression reste lente. Mais l’armée de terre, la plus volumineu-se en personnels, n’est pas non plus la plus propice à la féminisation, compte tenu de la dimension physi-que de ses missions.

Au sein des écoles militaires, lesdéséquilibres initiaux sont aussi vi-sibles avec de grandes variations d’une année sur l’autre : environ 10 % de femmes en moyenne à Saint-Cyr depuis dix ans (mais

6,4 % en 2019), moins de 10 % à l’école navale (15,2 % en 2019), un peu plus de 20 % à l’école de l’air (27,5 % en 2019), la parité au Com-missariat des armées et une majori-té de femmes pour les écoles de la santé (57,3 % en 2019).

Le SSA est globalement le plus fé-minisé des services, avec 60 % de femmes. « On s’en enorgueillit par propagande », s’agace un haut gra-dé. Mais le déséquilibre est venu amplifier les difficultés d’un corps sous tension, estime-t-il. « La fémi-nisation pose une contrainte de ges-tion : les femmes ne sont pas aussi projetables en opération. La charge repose sur d’autres », argumente-t-il. « La question est réelle et, au-delà, elle pose celle de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle », ré-pond-on au ministère. « Les atten-tes des hommes et des femmes se rap-prochent en la matière. C’est vers

35 ans que les officiers sont les plus employables et les plus projetables. Mais c’est aussi à ce moment de leur vie qu’eux-mêmes ont envie de pren-dre du temps pour leur famille », constate-t-on. Le problème n’est pas sans solution. « Les militaires sa-vent pourquoi ils se sont engagés. Ce qu’ils demandent, c’est de la prévisi-bilité », dit-on, en prônant une meilleure planification des missions. Dans la marine, « les bâtiments à double équipage permettent aux ma-rins de connaître 6, 8, voire 12 mois à l’avance leur rythme de projection ».

Au ministère, on n’envisage évi-demment pas de fixer les mêmes ob-jectifs à chaque armée, qui est confrontée à ses propres contrain-tes. Aujourd’hui, 8 % des militaires déployés en opération extérieure sont des femmes. Le ministère en compte dans son ensemble 15,5 %, soit environ 32 000. ■

Le général Dominique Arbiol, le 9 juillet sur la base aérienne de Salon-de-Provence.SGC PAULINE MERKEL/ARMÉE DE L’AIR

Les armées se fixent l’objectifde 10 % de femmes généraux en 2022Un an après le lancement du plan « mixité », la ministre des Armées, Florence Parly, travaille à faire croîtrele « vivier » des officiers généraux de demain.

POUR S’APPROCHER des avions,pour s’approcher de la ligne defront, Dominique Arbiol a dû fairepreuve de volonté. « Mais j’ai uncaractère tenace », dit-elle sanshésiter, sans insister non plus.Comme un défaut qu’elle avoue-rait. Mais elle a atteint son objec-tif. Après avoir été en 1983 la pre-mière fille à intégrer l’École despupilles de l’air en classe prépara-toire, et mené carrière au sein del’armée de l’air jusqu’à être nom-mée « sous-chef synthèse », unposte clé à l’état-major, elle vadevenir, à 55 ans, la nouvelle di-rectrice de l’École de l’air.

Installée sur la base de Salon-de-Provence, dont Dominique Arbiol prend aussi le commandement, l’école forme les officiers de l’ar-mée de l’air. Le général est la pre-mière femme à ce poste. Elle tient au masculin du grade. Elle prend ses fonctions le 24 juillet au mo-ment du baptême de la promotion.

Sa nomination fait partie dessymboles qui ouvrent des voies.« Je serai un peu plus observée,c’est une première, reconnaît-elle.Mais c’est une source de motivationsupplémentaire. Les plafonds deverre tombent peu à peu. » Et d’as-surer que la mixité dans l’arméede l’air, avec 20 % de femmes,« n’est plus une question ». Cetteannée, la promotion des élèves of-ficiers comptait 34 femmes sur139 élèves. Toutes les spécialitéssont désormais ouvertes aux« personnels féminins », commeon dit au sein des armées.

Ce n’était pas le cas quand legénéral s’est lancé. En 1983, iln’était pas possible pour des fem-mes de devenir pilote de chasse.Tant pis pour le rêve de voler.Quoi qu’il en soit, cette année-là,

Dominique Arbiol,une femme généralà la tête de l’École de l’air

concours interne pour devenir offi-cier », raconte le général.

La suite de son parcours estexemplaire. Elle part en missionen Turquie, en Arabie saoudite,elle est projetée en ex-Yougosla-vie… Elle apprend le russe. Ellecommande le centre militaired’observation par satellite àCreil. Auparavant, elle était de-venue officier de renseignementparce qu’il était plus simple pourune femme de partir ainsi enmission. Elle en garde un sens ré-flexe de la retenue. « Je ne saispas si on peut aller sur ce terrain-là », répond-elle quand on l’in-terroge sur l’état du monde.« L’essentiel c’est d’être prêt »face aux menaces, dit-elle. À latête de l’École de l’air, elle ac-compagnera l’ouverture d’unmaster en cybersécurité.

Elle semble avoir effacé de samémoire le sexisme ou la misogy-nie du quotidien. « Personnelle-ment, je n’ai jamais eu de difficultésparticulières à m’intégrer. Quandj’étais lieutenant, je ne voulais pasqu’on m’appelle “Miss”, précise-t-elle cependant. J’avais un grade.Je voulais qu’on m’appelle lieute-nant, quand bien même c’était uneautorité qui s’adressait à moi. Jedisais : “Mon général, pourriez-vous m’appeler lieutenant ?” Cettegénération n’avait pas connu lamixité dès l’école. Moi-mêmej’étais à l’école des filles au début dela primaire. Mais maintenant c’estdans les mœurs. » Parfois pour-tant, cela ne suffit pas. « S’il y ades remarques désobligeantes,alors je traite », dit-elle. ■ N. B.

LE SORT de Vanessa Guillen aému les États-Unis. Le corps mu-tilé de la jeune militaire de 20 ansa été retrouvé fin juin et identifiéune semaine plus tard. Elle avaitdisparu en avril après avoirconfié, selon sa famille, subir leharcèlement sexuel de l’un de sescamarades à Fort Hood, l’une desplus grandes bases militaires dupays. Mais elle n’avait pas voulurévéler l’identité de son agres-seur par crainte de représailles oude ne pas être prise au sérieux.

L’enquête s’est orientée vers lesoldat Aaron Robinson, 20 ans luiaussi, qui s’est suicidé après avoirété interrogé par la police. Unecomplice présumée, qui l’aurait

aidé à démembrer le corps aprèsqu’il a assassiné Vanessa Guillen àcoups de marteau, a été arrêtée.Portée par la famille de VanessaGuillen et son avocate, l’affaire apris une ampleur nationale. Unaudit interne va être conduit surla culture du commandement ausein de la base pour savoir si ellecorrespond bien « aux valeurs »de l’institution.

6 236 cas de harcèlement sexuel en 2019À quelques mois de l’électionprésidentielle de novembre, lecandidat démocrate Joe Bidens’est aussi saisi du sujet. « Nousdevons à ceux qui portent l’unifor-me et leur famille de mettre unterme au sein de l’armée au harcè-lement et aux agressions sexuel-les », a-t-il dit. Le président Do-nald Trump a invité la famille deVanessa Guillen à la Maison-Blanche le 29 juillet.

Selon un rapport paru en avril,6 236 cas de harcèlement sexuelont été rapportés au sein de l’ar-mée américaine en 2019. EnFrance, la cellule « Themis » aété saisie de 120 cas de harcèle-ment ou de discrimination en2019, contre 68 en 2018. La paroles’est libérée au sein de l’arméefrançaise. ■ N. B.

L’affaire Vanessa Guillen bouleverse les États-Unis

Des passants déposent des fleurs au pied d’une fresque peinte en mémoire de Vanessa Guillen, le 5 juillet à Houston.GODOFREDO A. VÁSQUEZ/AP

15,5 %Pourcentage

des femmes dansles effectifs militaires, soit 32 000 personnes.

L’armée françaiseest la quatrième plus féminisée du monde

pour la première fois, un chemins’ouvre aux jeunes filles. Passion-née par ces engins « plus lourdsque l’air mais qui parviennent àdécoller », Dominique Arbiol, fillede gendarme, décide de se frayerun chemin dans cet univers mas-culin. « J’étais logée chez leschasseurs alpins, dans une cham-bre de cadre », raconte-t-elle.Après, en classe prépa, « il n’yavait pas d’internat pour les per-sonnels féminins, à cette époque. Jefaisais des allers-retours tous les

matins. C’était loin. Une bonnedemi-heure de marche, poursuit-elle. Cela me paraissait très long,surtout en hiver, à Grenoble,quand il faisait nuit et qu’il nei-geait. C’était un petit parcours ducombattant. Cela forge le caractè-re », résume-t-elle.

Mais ses efforts ne sont pas suf-fisants. Il y avait alors des quotasde femmes au sein de l’École del’air. Aussi, en dépit de bien avoirle niveau requis, elle n’est pas ad-mise. Elle se tourne alors vers unparcours de mécanicien en spé-cialité système de navigation etd’armement. « Après l’école, j’aiété affectée dans l’escadron 2/5Île-de-France sur mirage F1. Celam’a permis d’être auprès des avi-ons de combat. Puis j’ai passé le

“Je serai un peu plusobservée, c’est une première. Mais c’est une source de motivation supplémentaire. Les plafonds de verre tombent peu à peu”LE GÉNÉRAL DOMINIQUE ARBIOL

NICOLAS BAROTTE [email protected]

ARMÉES Le 24 juillet prochain, la ministre des Armées, Florence Parly, se déplacera sur la base de Sa-lon-de-Provence pour une bonne raison : une femme, le général Do-minique Arbiol, va en prendre le commandement. Elle a aussi été nommée directrice de la prestigieuseÉcole de l’air qui s’y trouve (lire ci-dessous). « Cette nomination partici-pe au travail sur la représentation » des femmes au sein de l’armée, commente l’entourage de la minis-tre tout en insistant sur les qualités professionnelles du général, qui lui ont valu cette désignation. « Il faut donner aux jeunes femmes officiers l’idée qu’accéder à de hautes respon-sabilités est possible », précise-t-on.

La mixité des armées est un enjeuclé pour Florence Parly. La ministre est donc attentive à ces nominations fortes en symbole. « Mais, pour le faire, il faut un vivier, estime-t-elle. Il faut mettre une pression inferna-le. » Car, selon elle, « ce sont les pe-tits renoncements d’aujourd’hui qui feront l’absence de choix pour mes successeurs ». Surtout, « l’armée ne peut se priver des talents de 50 % de l’humanité », a-t-elle martelé dans les colonnes de Libération en propo-sant de « créer des conditions d’ac-cueil propices [aux femmes], qui pas-sent par un principe de base non négociable : tolérance zéro sur le har-cèlement de toute nature ».

Il faut des décennies pour formerun général et, aujourd’hui, les can-didates sont rares. Mais l’objectif de 10 % de femmes généraux en 2022 semble à portée de main. De 7,5 %

en 2018, le taux est passé à 9 % au 1er janvier 2020. Le chiffre recouvre cependant des réalités extrêmement différentes qui correspondent aux contraintes de chaque corps : deux femmes généraux sur 169 dans l’ar-mée de terre, 1 sur 59 dans la mari-ne, 3 sur 72 dans l’armée de l’air, mais 6 sur 29 au Commissariat des armées, 20 sur 115 à la Direction gé-nérale de l’armement et 12 sur 45 au sein du Service de santé des armées (SSA). Les femmes sont surrepré-sentées dans les missions moins ex-posées, ou bien d’encadrement.

L’armée française est déjà la qua-trième plus féminisée du monde. Mais, compte tenu de ses besoins de recrutement, elle redouble d’effort pour toucher le public féminin. Le plan mixité de Florence Parly a été lancé il y a un an. Pour attirer les jeu-nes filles et les faire rester, le minis-tère mise sur des mesures concrètes :présence de femmes dans les centres de recrutement, dans les jurys d’ad-mission, mise en place de mentorat et de référents mixité (1 200 aujour-d’hui). Pour faciliter l’accès à l’École de guerre, passage obligé pour accé-der aux responsabilités, la limite

“Il faut créer des conditions d’accueil propices aux femmes, qui passent par un principe de base non négociable : tolérance zéro sur le harcèlement de toute nature”FLORENCE PARLY, MINISTRE DES ARMÉES

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A

Durant cette période, Sergio Ra-mos (34 ans), Luka Modric (34 ans)et Karim Benzema (32 ans) ontdonné entière satisfaction avecune « caisse » de premier plan, lereste de l’équipe n’a fait que suivrele chemin dicté par les trois « an-ciens » de la Maison blanche.« C’est la grande victoire de Zidane,enchaîne Pablo Polo. Il a fait revi-vre ce groupe vieillissant en tirant lemaximum de chaque élément, ajou-tant à cela une gestion de l’effectifbien sentie. Après le confinement,ces trois joueurs étaient les plus enforme, ce n’est pas le hasard. Cequ’il a fait avec eux, c’est extraor-dinaire. Surtout avec Modric, quiétait à bout de souffle, moins bonaprès son Ballon d’or et qui a re-trouvé ses jambes de 20 ans. »

Un savant travail de précision,où la mécanique ne tolère aucungrain de sable, pensé par Zidane etmis en œuvre par Grégory Dupont,préparateur des Bleus durant laCoupe du monde 2018 et débauchéen juillet dernier par le Real Ma-drid. « Un chercheur, un hommemoderne et un très gros calibre dansle milieu », nous souffle un prochede la sélection. Pendant le confine-ment, et pour ne pas découragerles joueurs madrilènes tels des éco-liers face à la masse de travail ré-clamé, Zidane a demandé à sonpréparateur physique de planifiersix semaines de préparation à do-micile, mais de ne donner le pro-gramme que tous les quinze jours.

Biographe de l’ancien internatio-nal français et auteur de l’ouvrage Zidane (Éditions Flammarion), Fré-déric Hermel nous dévoile les nom-breuses facettes de l’idole de Berna-beu. Bien loin de l’homme introvertiet taiseux qu’il laissait poindre lors de ses débuts sur le banc. « Dans sa tête, il pense encore comme un joueur et vous ne le verrez jamais critiquer l’un d’entre eux en conférence de presse. En privé, c’est une autre his-toire, mais il n’en prendra pas un en tête à tête pendant 20 minutes, car il détestait ça quand il jouait. Pour lui, quelques phrases suffisent. En clair, il ne fait pas à ses joueurs ce qu’il n’aimait pas qu’on lui fasse. »

Calme, réfléchi, posé mais tra-vailleur exigeant, voire intransi-geant, perfectionniste et sans cesse en alerte, Zidane, par son CV mais surtout ses actes, a gagné le respect de ses troupes. « Il me dit souvent cette phrase : “A moi, on ne me la fait pas, j’ai 18 ans de vestiaire”, avance Frédéric Hermel, qui réside à Ma-drid. Les joueurs savent qu’ils ne peuvent pas lui faire à l’envers. » Soucieux du fameux « moindre dé-tail », tant cité en gage de réussite auplus haut niveau, « Zizou » se plaît à

tout contrôler. « Il considère que, dans un club comme le Real, un coach doit tout maîtriser, jusqu’à l’huile mise dans la salade des joueurs », sourit son biographe. Avec une seu-le ambition : tirer la quintessence de ses troupes et viser l’excellence. La gagne chevillée au corps.

Impossible pour lui de penserdifféremment au sein du plusgrand club du monde. Capabled’envoyer des SMS à son staff dès6 heures du matin, soucieux deréaliser parfois lui-même les vi-déos à montrer aux joueurs et dé-sireux de connaître le moindreproblème personnel hors terrainde ses protégés pour limiter leurimpact une fois le match lancé,Zinédine Zidane se plaît dans sonrôle de technicien. « C’est unacharné et il bosse comme un mala-de, ajoute Frédéric Hermel.Joueur, il laissait beaucoup de placeà l’improvisation et à son génie. Entant que coach, c’est tout l’inverse.Bien sûr, il prend des décisions àl’instinct, comme changer dejoueurs ou de systèmes de jeu, mais99 % de son temps n’est que travailet planification. » Avec l’exigencepermanente en bandoulière. Etses expériences de joueur plus quejamais en mémoire, à l’image deses cinq années à la Juventus dontil garde aujourd’hui de nombreu-ses « séquelles ».

« Il a fait de ce groupe une équipesolide et efficace, plante Pablo Polo. On y retrouve ce qu’il a appris en Italieavec un Real Madrid prêt physique-ment. Ça fait aussi penser à l’équipe de France 1998, moins flamboyante mais très précise. Son Real est comme ça. » Doté d’un calme olympien sur le banc de touche, Zinédine Zidane reste malgré tout humain et certains sujets l’ont agacé au moment d’évo-quer le parcours sans faute des Ma-drilènes dans le mano a mano livré avec les Catalans. Les critiques sur l’arbitrage supposé favorable aux siens ou encore la capacité des Me-rengue à vivre sans Cristiano Ronal-do, parti de Madrid à l’été 2018. Autant de sujets qui n’ont plus lieu d’être à ses yeux avec ce succès en Liga. Comme une façon, majestueu-se, de remettre les pendules à l’heu-re. « Il n’avait pas Messi, Mbappé ou Lewandowski dans son équipe, mais il a fait de Benzema le meilleur numé-ro 9 d’Europe, reconnaît notre confrère ibérique. C’est la force de Zidane d’avoir changé les choses à ce niveau-là. Au Real, tout le monde dé-fend. Il a trouvé la clé sans Ronaldo et prouvé qu’un groupe valait toujours mieux qu’une individualité. »

Formateur de « Z » à l’AS Cannesà la fin des années 1980, puis tuteur de l’ancien Ballon d’or lors de son

situation. Pas seulement un symbolemais une maxime de vie. « Mourir avec vos idées, c’est vivre avec vos idées, avouait-il, lui qui exècre se mettre en avant et place les joueurs avant tout le reste. Je crois en mon équipe et en les personnes qui m’ac-compagnent. Il peut y avoir des hauts et des bas, mais le soleil se lève tou-jours. C’est ce qui me fait vivre et me fait avancer. »

Au point de s’inviter désormais àla table des plus grands techniciensde ce monde comme Pep Guardiolaou Jürgen Klopp ? « Qu’est-ce qu’ilpeut faire de mieux, interroge PabloPolo. Il est parmi les meilleurs dumonde et la seule différence, c’estque ces coachs sont là depuis long-temps. Ce qu’a fait Zidane en quatreans, c’est fabuleux. » Observateuravisé du parcours de son ancienélève, Guy Lacombe abonde en cesens. « Il n’y a pas de débat, son pal-marès en dit long sur le garçon ettactiquement ce n’est plus le mêmeentraîneur. Dans ce métier, il n’y apas de hasard, encore plus à ce ni-veau d’excellence. »

Pour Frédéric Hermel, la seuledifférence avec les techniciens cités réside dans l’image que chacun d’entre eux renvoie. Rien d’autre. « Zinédine souffre d’un déficit à ce ni-veau par rapport à Klopp ou Guar-diola, parce qu’il ne se “vend” pas, il ne raconte rien. Il ne sait pas faire et n’aime pas ça. Alors que les deux autres sont des monstres dans ce do-maine. Mais avec ce titre, le monde dufoot est contraint de reconnaître tout son talent de technicien. Ce n’est pas un homme qui se met en scène. Parler de lui, ça n’est pas son truc. Il va combler ce déficit d’image avec les résultats, ce qui prime finalement le plus dans le foot de haut niveau. » ■

Champion d’Espagne avecle Real Madrid, Zidane s’installe définitivement parmi les grands techniciens de la planète football.

Zinédine Zidaneporté en triomphepar les joueursdu Read Madrid, champions d’Espagneaprès leur victoireà domicile faceà Villarreal, le 16 juillet,au stade Alfredo-Di Stéfano, à Madrid.GABRIEL BOUYS/AFP

BioEXPRESS23 juin 1972Naissance à Marseille.20 mai 1989Premier match professionnelavec l’AS Cannes.1992Rejoint Bordeaux.En 1996, il est recruté par la Juventus.En 2001, il partau Real Madrid.Juillet 2006Prend sa retraitede joueur.26 juin 2013Nommé entraîneur adjoint du Real Madrid. 4 janvier 2016Nommé entraîneurdu Real à la placede Benitez. Remporte9 titres dontla Liga (2017) et trois Ligues des champions( 2016, 2017 et 2018).31 mai 2018Annonce sa démission.11 mars 2019Revient au Realpour remplacer Solari, limogé.

Zinédine Zidane, les clés d’un succès XXL

BAPTISTE DESPREZ £@Batdesprez

FOOTBALL Zinédine Zidane est un monstre. Doublé d’un destin hors du commun. À 48 ans, après à peine quatre saisons dans le costume d’entraîneur, le Français possède un palmarès à faire pâlir - quasi - tous les techniciens de la planète foot-ball. Onze titres. Trois Ligues des champions. Deux Liga. Autant de Coupes du monde des clubs, de Su-percoupe de l’UEFA et d’Espagne. Prodigieux. Il ne manque plus qu’à l’ancien numéro 10 des Bleus de ra-fler la Coupe du monde ou l’Euro pour garnir encore un peu plus une armoire à trophées déjà bien rem-plie. Époustouflant.

Jeudi soir, le coach au crâne rasé aoffert au Real Madrid son trente-quatrième titre de champion d’Es-pagne, le premier depuis 2017 et seulement le deuxième glané par les Merengue depuis 2009. Signe d’une domination presque sans faille du rival de toujours, le FC Barcelone. Si le sacre tant attendu n’a pas connu l’ambiance des grands soirs - crise du Covid-19 oblige - l’écho entendu à travers toute l’Europe du foot té-moigne de l’accomplissement des troupes de Zidane. Pour le plus grand bonheur du principal intéres-sé. « Je ne suis pas tellement expres-sif, mais à l’intérieur, je suis très heu-reux, a-t-il confié après le sacre. C’est gagné, alors je peux sortir mon plus beau sourire. »

Malgré ses trois C1 au palmarès, leMarseillais n’a jamais caché son dé-sir de remporter à nouveau la Liga, yvoyant la récompense d’un travail de longue haleine. D’une régularité de premier plan. Et d’asseoir défini-tivement sa réputation au sein du Vieux Continent. Comme si, en dé-pit de débuts retentissants sur le banc de touche et d’un CV gigantes-que d’ancien joueur (Coupe du monde, Euro, Ligue des champions, Ballon d’or …), le futur cinquante-naire, costume bleu et chemise blanche cintrés lors de la soirée du

sacre, souffrait d’une forme de dé-fiance. « C’est la vérité, cela ne lui plaisait pas, et, en Espagne, il a long-temps été dit que c’était un coach de finale, un peu chanceux, atteste Pa-blo Polo, reporter à Marca et suiveurdu Real Madrid depuis de nombreu-ses années. Cette Liga prouve le contraire et il va faire taire les criti-ques. Après avoir été l’idole de Berna-beu en tant que joueur, il le devient en tant que coach, c’est incroyable. »

Un tour de force réalisé malgréun retard de deux points sur leBarça après le déconfinement et leretour sur les terrains le 14 juindernier. Avec 10 succès en 10 ren-contres (avant la dernière journée,dimanche soir, NDLR), le Real de« Zizou » a fini cette saison tron-quée telle une machine de guerreparfaitement huilée. Sans négligerle moindre détail, avec des effetsrapidement entrevus sur le ter-rain, comme cette condition phy-sique qui a sauté aux yeux de tous.Impensable quelques mois plus tôtpour un groupe jugé en fin de cycleet à bout de souffle.

“En Espagne ila longtemps étédit que c’étaitun coach de

finale un peu chanceux. Cette Liga prouvele contraire et il va faire taire les critiques”PABLO POLO, JOURNALISTE ESPAGNOL

Auto-moto : Quartararoet Hamilton brillent Fabio Quartararo a remporté dimanche le GP d’Espagneen ouverture de la saisonde MotoGP. Son premier succès dans la catégorie reineet la 1ère victoire d’un pilote français depuis Régis Laconien 1999. Lewis Hamiltons’est imposé lui lors du GPde Formule 1 de Hongrie.Un succès qui permet au pilote Mercedes de prendre la têtedu championnat du monde. Verstappen (Red Bull) et Bottas (Mercedes) complètentle podium. Les deux prochains Grands Prix se déroulerontles 2 et 9 août à Silverstone.

ZOOM

entame de carrière d’entraîneur, Guy Lacombe, 65 ans, n’est pas étonné par le parcours et la réussite de son « Yazid ». Une ascension de technicien savamment pensée, sans brûler d’étapes, entre un diplôme demanager empoché au Centre de droit et d’économie du sport de Li-moges (CDES), un rôle d’adjoint de Carlo Ancelotti, des fonds de culotte usés sur le banc de la Castilla (équipe B du Real) en D3 espagnole, puis l’avènement en équipe première du Real Madrid en janvier 2016. Entre-

coupé d’un départ à l’été 2018, puis d’un retour en mars 2019. Avec les réussites qu’on lui connaît. « Yaz (diminutif de Yazid), ce n’était pas un causeur, mais il avait déjà une grande capacité d’écoute, d’adapta-tion, se rappelle l’homme à la fameusemoustache, très touché par la réussitede son ancien poulain qu’il s’est em-pressé de féliciter par SMS le soir du sacre. Il avait une façon d’ingérer les informations au-dessus de la moyen-ne. Il s’est construit avec intelligen-ce. » Sans strass ni paillettes. Pas le style du garçon. « Ce qui caractérise Zinédine, c’est son humilité et sa gé-nérosité », ajoute Jean-Pierre Kara-quillo, cofondateur et directeur du CDES, qui a vu passer Zidane à Li-moges. Et l’ancien coach du Paris SGde poursuivre. « Avec son CV, il aurait pu débuter dans un environne-ment plus clinquant, mais ce n’est pas lui, ça. Il devait “ouvrir le capot”. Beaucoup de gens pensent connaître les Porsche, les Ferrari, différencier les deux, mais une fois le capot ouvert, la plupart sont incapables de faire la différence de moteur. Yaz’, c’est tout le contraire. Il a ouvert le capot, a mis les mains dans le cam-bouis pour voir le moteur, faire ses gammes, apprendre. C’est un tra-vailleur avant tout, mais il a quelque chose de plus que les autres. Tu peux t’appeler Zidane, si au bout d’un mois d’entraînement tu ne fais pas l’affai-re, les joueurs te fracassent. »

Interrogé avant le sacre du Realsur sa philosophie et sa façon de voir son métier, le principal intéressé avait laissé entrevoir le fond de sa pensée. Et une vision optimiste de la

“Il considèreque, dans unclub commele Real, un coachdoit tout

maîtriser, jusqu’à l’huile mise dans la saladedes joueurs”FRÉDÉRIC HERMEL,BIOGRAPHE DE ZINÉDINE ZIDANE

10 SPORT

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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CULTURE 11

uUne bonne table pour le déjeuner :le Bistrot des grands crus,

à ChablisÀ Chablis, le Bistrot des grands crus propose une belle cuisine de terroir, gourmande et approvisionnée par les producteurs locaux. Compter 22 € le menu du jour. 8, rue Jules-Rathier, tél.: 03 86 42 19 41 ; bistrotdesgrandscrus. com. En outre, Chablis abrite aussi l’un des plus beaux marchés bourguignons du département, le dimanche matin.

uAffaire de goût : la gougèreC’est une spécialité gastronomique

dont la notoriété dépasse de loin lesfrontières du département. Un incon-tournable des apéritifs qui se servait,jadis, « en dessert des déjeuners domini-caux bourgeois » en Bourgogne, lit-onsur le site de la Guilde des goûteurs degougère. Celle-ci s’est donné pour mis-sion de promouvoir ce petit chou aufromage, qui serait né à Flogny-la-Chapelle (15 minutes de Tonnerre), il ya plus de deux siècles. « Son succès pro-vient certainement de l’association rarede deux caractéristiques : elle est festivepar sa technicité qui lui donne une appa-rence séductrice. Et elle est à la portée detous, car elle n’est faite que d’ingrédientsqui se trouvent tous les jours dans toutesles maisons : de l’eau, de la farine, dubeurre, des œufs et du fromage à pâtecuite », explique-t-on à la Guilde. Laprochaine fête dégustation de la gougè-re est prévue le 13 septembre. Infos surgougeres.com et tourisme-yonne.com

uUn coup de cœur : la fosse Dionnede Tonnerre

Au cœur de la petite cité de caractère deTonnerre, à 140 mètres d’altitude, c’est une source aux 50 nuances de bleu, qui fascine depuis des siècles: la fosse Dion-ne (ci-dessous). La deuxième plus lon-gue percée hydrogéologique de France. Une source à l’écosystème unique et à laflore abondante. Le cadre est somp-tueux et insolite à la fois. Un immense bassin dominé par les habitations et doublé d’un lavoir circulaire suivant la ligne des toits de tuiles. On s’interroge sur la provenance de son eau au débit contenu. Une source de légendes, dont celle du serpent basilic, dont on racon-tait naguère qu’il vivait dans les profondeurs. Malgré des investigations spéléologiques, elle reste encore aujourd’hui bien mystérieuse. tonnerrois.fr/la-fosse-dionne

Et au milieu coule l’Yonne

Maulnes fait sa révolution de palais

CLAIRE [email protected]

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JUIN / JU

ILLET 20

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NOUVEAU

Palmyre, la splendeur et le chaosAlors que la guerre se prolonge dans une Syrie ruinée,la mythique Palmyre n’en finit pas de panser ses plaies.Trois ans après le départ des soldats de Daech, Le FigaroHistoire a mené l’enquête sur place et fait le point sur lesdestructions infligées par l’Etat islamique à la « perle dudésert », gravement mutilée mais miraculeusement sauve.Aidé des meilleurs spécialistes, il retrace l’histoire de cetteantique cité caravanière passée dans l’orbite de Rome. Il faitrevivre ses monuments somptueux, explore ses tombeauxfascinants, démêle la vérité et la légende de la fameusereine Zénobie.

Au cœur de l’actualité, Le Figaro Histoire retrace l’inventionet le développement de la quarantaine, ancêtre duconfinement que nous venons de vivre. Côté reportage,il vous emmène sur les traces de la forteresse oubliée deHitler, nichée dans un petit village de l’Aisne, et vous ouvreles portes des flamboyants Hospices de Beaune, toujoursfidèles à leur vocation après bientôt six siècles d’existence.

Le Figaro Histoire, 132 pages.

fluencée par l’Italie, dotée de six étages- dont un caché - tournant autour d’unescalier et d’un grand puits de lumière.Ses concepteurs imaginent un niveaudit « du nymphée » : de plain-pied,trois sources se déversent dans un longbassin qui débouche dans le jardin.

De Crussol décède en 1573, et Maul-nes sera finalement très peu occupé parle couple. Il est un temps investi par uneverrerie, puis devient un lieu de ferma-ge, avant de menacer ruines. Classémonument historique, il est finalementacquis et restauré par le conseil généralde l’Yonne, en 1997 - lequel vient toutjuste de concéder la gestion de Maulnesà la petite société de valorisation dupatrimoine Alfran. Grâce à son jeunepatron, Ronan de Pins, et à MaximeChalard qui occupe le terrain quoti-diennement, le château est en train deconnaître un renouveau.

Ouvert depuis le 15 juin, précédé d’un« buzz » local et d’une campagne de

Le château de Maulnes « neconnaît pas d’équivalent en France »,jure Maxime Chalard, l’administrateurqui en a la charge. Bâtisse pentagonaleblanche du XVIe siècle, située au milieud’un champ bourguignon, Maulnes peuten effet être rangé dans le camp des cu-riosités. On l’aperçoit brièvement de-puis la route de Montbard, dans l’Yon-ne, avant de la quitter des yeux. Arrivéaux pieds du monument, il faut grimperune dizaine de minutes à travers une fo-rêt de chênes avant de pouvoir faire face

PATRIMOINE La gestion de ce château de Bourgogne vient d’être confiée à une petite société, Alfran, qui fourmille de projets pour réhabiliter cette curiosité architecturale de la Renaissance.

à cet objet patrimonial tout en angles.Impossible de le raccrocher à quelquechose de connu et de lui attribuer im-médiatement un usage. D’autant qu’il seprésente dans une quasi-nudité, avecun intérieur pour l’instant vide.

Érigé entre 1566 et 1573, Maulnes futle « palais idéal » de Louise deClermont-Tallard, confidente de la rei-ne Catherine de Médicis, et son épouxAntoine de Crussol, chevalier d’hon-neur de la mère du roi. Figures brillan-tes de la Renaissance, curieux, ouvertset cultivés, ils souhaitent posséder unrelais de chasse à quelques kilomètresdu château d’Ancy le Franc, propriétédu frère de Louise. Maulnes est conçucomme une demeure « originale », in-

communication dans le métro parisien,le monument accueille ses premiers tou-ristes. C’est encore modeste, avec 100 à200 personnes par jour. Mais en dépit dela crise sanitaire, c’est tout de mêmemieux que l’année dernière - preuve queles monuments attirent toujours davan-tage lorsque quelqu’un y siège.

Des nocturnes pour l’étéDepuis la mi-juin, un accueil digne dece nom a fait son apparition. Les visitesguidées régulières dans la journée ontmis fin au relatif désarroi qui pouvaitsaisir le public jusque-là - tant il estdifficile de se projeter dans un bâti-ment vide. Pour les familles, des par-cours « aventure », conçues commedes escape games, font toucher dudoigt les méandres du bâtiment. Cetété, si particulier, des nocturnes vontêtre proposées. Outre des dialoguesthéâtralisés entre Ronsard et Joachimdu Bellay (le poète était le cousin de

Louise), quatre séances de cinéma sontannoncées les week-ends d’août avecLa Reine Margot de Patrice Chéreau,dont une scène a été tournée à Maul-nes, et La Princesse de Montpensier deBertrand Tavernier.

« La saison 2020 est une année de ro-dage », explique Ronan de Pins, qui dé-borde d’idées pour Maulnes. Outre de lavidéo mapping, permettant de raconterla vie du couple et de mettre en valeurla personnalité de la piquante Louise,une reconstitution des jardins à la fran-çaise est envisagée. Il semble qu’ilsn’aient jamais été achevés du temps deLouise et d’Antoine. Mais les dessins duparterre figurent dans l’ouvrage de Jac-ques Androuet du Cerceau, « les plusexcellents bâtiments de France », publiéen 1576. Voilà un aiguillon pour l’avenirde Maulnes. ■Le château de Maulnes à Cruzy-le-Châtel (89).www.maulnes.com

Érigé entre 1566 et 1573, Maulnes fut le « palais idéal » de Louise de Clermont-Tallard, confidente de la reine Catherine de Médicis, et de son époux Antoine de Crussol, chevalier d’honneur de la mère du roi. XAVIER MORIZE

VALÉRIE SASPORTAS [email protected]

C’est une destination fluviale (nos édi-tions du 29 mai 2020), à l’ouest de la Bourgogne-Franche-Comté, qui doit son nom à une rivière avant d’être un département, l’Yonne. Les Parisiens souvent l’ignorent, mais c’est elle qui coule à Paris et non la Seine, selon les règles de l’hydrographie que rappellent nos confrères du quotidien local L’Yon-ne républicaine, dans un article éclai-rant, « Rivière ou fleuve : pourquoi l’Yonne a été détrônée par la Seine », toujours visible sur internet. Depuis Pa-ris on y va en 1 h 30 par la route, 1 h 05 enTGV jusqu’à la gare de Montbard où l’on descend pour aller découvrir le château de Maulnes, le seul pentagonal de Fran-ce, à Cruzy-le-Châtel (lire ci-dessus). Laplupart des touristes connaissent sur-tout le canal de Bourgogne sur lequel ils naviguent au départ de Joigny. Mais dans les méandres de l’histoire, l’Yonne recèle bien d’autres trésors.

uUne jolie balade : le village médiéval de Noyers-sur-Serein

Le week-end ou la journée pourraitcommencer comme ça : une jolie bala-de dans les ruelles pavées et bordées demaisons à pans de bois du village mé-diéval de Noyers-sur-Serein (ci-des-sus). C’est l’un des cent plus beaux vil-lages de France. Une petite communede 500 habitants où les métiers d’artse transmettent à travers des artisans,potier, enlumineur, maroquinier, bro-canteur, mais aussi des galeries et leMusée des arts naïfs et populaires fondéen 1876. Le village est enserré entre unepetite rivière, le Serein et une colline,sur laquelle trônait autrefois un châ-teau. Détruit sur ordre d’Henri IV, sesruines sont sauvegardées par une asso-ciation, Le Patrimoine oublié (lepatri-moineoublie.fr), qui multiplie les ani-mations. Ainsi du « Gargouillosium »,étonnante rencontre de tailleurs depierre sculptant en un week-end unegargouille, dont la 19e édition doit avoirlieu du 24 au 26 juillet. On accède ausite à pied par un chemin boisé de prèsde 250 marches. Un conseil : suivre laSerpentine, sentier de découverte à lafois historique, environnemental et ar-tistique. Accès possible par la route, ensuivant la signalétique dans le village.noyers-et-tourisme.comNIC

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A

Dans le premier long-métrage du poète français,adapté du fameux conte de fées, l’héroïne pleuredes larmes prêtées par le joaillier Cartier,maison proche du futur académicien.

bouleversent les lois de l’espace etdu temps (l’action se passe auXVIIe siècle), convoquent le surna-turel. Les cariatides du château deRaray sont vivantes, les objets,magiques, et des mains sortent dela table et des murs. On croit voirs’animer des tableaux de Vermeeret des gravures de Gustave Doré.La musique de Georges Auric etl’image d’Henri Alekan nourris-sent cette féerie. Quant aux dialo-gues, ils sont si restreints que quel-ques maisons d’édition désirant en

posséder le texte renoncent à leurprojet. « Les images parlent d’elles-mêmes », répond Cocteau.

René Clément, alors jeune réali-sateur technique caché derrière la collerette du monstre de la Bête pour en bouger les oreilles à l’aide de fourches, y fait ses premiers pas. Son ami et futur amant Jean Marais, s’avère majestueux dans son triple rôle d’Avenant, du prince mais sur-tout de la Bête. Pour jouer ce per-sonnage, il subit chaque jour de tournage cinq heures de maquillage

« La Belle et la Bête » de Jean Cocteau (1946)Il était une fois des diamants

DES BIJOUX À L’AFFICHE# 1/6Qu’ils tiennent un rôle central dans l’intrigue, servent la construction d’un personnage ou parlent de leur époque,

ces joyaux brillent de mille feux dans six chefs-d’œuvre du cinéma.

RETROUVEZ MARDILe Cercle rouge de Jean-Pierre Melville (1970)

nécessaires à fixer le masque mobi-lisant chaque trait de son visage, ra-vagé par l’eczéma et les poussées d’herpès. De faux crocs sont atta-chés sur ses dents, ce qui ne lui per-met d’être nourri que de bouillies, données à la becquée par sa parte-naire, Josette Day, plus pure et plus belle que dans tous les Marcel Pagnol dans lesquels elle a joué. Pour parfaire son chef-d’œuvre, il s’entoure d’un directeur artistique, Christian Bérard - une innovation pour l’époque - et de costumes pen-sés par la maison Paquin et Pierre Cardin. Il fait également appel à Cartier, dont il est si familier.

« J’espère que la maison a rendul’actrice plus joyeuse après ces lar-mes, s’amuse Pierre Rainero, direc-teur du style et du patrimoine du joaillier. La pureté des pierres prê-tées contraste avec les bijoux que Josette Day s’offrit, en fidèle cliente, chez Cartier, toujours très gais et co-lorés, parfois issus du bestiaire. Beaucoup d’entre eux font partie de notre collection patrimoniale. Dans La Belle et la Bête, les autres bijoux ne sont que des costumes alors que ces larmes de diamants sont magi-ques, prennent vie. Dans les années 1940, le diamant n’a pas du tout le monopole de l’engagement, de l’amour. En France, à cette époque, les bagues de fiançailles sont des sa-phirs, mais chez Cocteau ces larmes symbolisent la pureté absolue : la Bel-le est noble dans ses sentiments, à l’image de ce diamant à la transpa-rence inaltérable. »

Cette idée géniale de Cocteauvient de sa proximité avec la maisonde la rue de la Paix. Il connaît per-sonnellement - par son frère - Jean-ne Toussaint, responsable de la création des collections. Devenu client au début des années 1930, soncompte reste ouvert jusqu’à sa mort en 1963. Déjà, à 18 ans, il évoque le joaillier dans un poème : « Cartier qui fait tenir, magicien subtil, de la lune en morceaux sur du soleil en fil. » Il reste à ce jour le plus célèbre ambassadeur de la bague trois ors, Trinity, qu’il dessine pour la mar-que en 1926, et qu’il offrit tant de fois que l’on a jamais vraiment su à qui la première était destinée. Sûre-ment au seul amour féminin de sa vie, la princesse russe Nathalie

Paley. Plus tard, en 1955, il fait réa-liser dans les ateliers du joaillier son épée d’académicien sur laquelle est repris le motif des trois anneaux.

Ce merveilleux épisode des lar-mes de brillants n’est pas tiré du conte original, publié en 1757 par Jeanne-Marie Leprince de Beau-mont. Il vient de celui de Charles Perrault, Les Fées, qui inspira Coc-teau, où une jeune femme douce et bonne est récompensée de ses actes par une fée, lui faisant sortir de cha-que mot qu’elle dira fleurs et pierresprécieuses. Ses sœurs odieuses, el-les, crachent serpents et crapauds. « D’ailleurs le collier de perles donné par la Bête, que Belle offre à ses mé-chantes sœurs se transforme en ser-pents, note Jacqueline Kelen, auteurd’Une robe de la couleur du temps (Éd. Albin Michel), spécialiste des mythes et symboliques. La Belle comme la Bête se parent de nom-breux bijoux et médailles, pas tant pour l’aspect esthétique mais parce que les perles et pierres précieuses dans les contes expriment les qualités morales, spirituelles, la bonté de cœur et la sagesse de l’âme. Comme l’amour, elles ont cette vertu, pour paraphraser Cocteau , de rendre un homme bête mais de rendre beau un homme laid. » ■

« Un fauxdiamant

ne lance pasde feux, il me faut des vrais »

Sous le feu des critiquesLe Figaro,31 octobre 1946« Trop de fumée, beaucoup trop de fumée ! Très vite,elle engendre plusla monotonie que le rêve. (…) Les interprètes, eux, n’ontdroit qu’à des éloges.Mlle Josette Day a donnéà plusieurs reprises la preuve qu’elle n’était pas seulement ravissante, mais qu’elle pouvait être l’intelligence

et la finessemêmes. »

Le Paris libéré,1er novembre 1946« La trouvailledu masqueétrangement mobileet adhérantà la peau, l’humiditécanine du mufle noirest une des plusbelles imagesque le cinémanous aura données.

Quand elle retrouverala fatuité faussement viriledu vrai visage de Jean Marais, la Bête cesse de nous intéresser. »

Combat,2 novembre 1946« La Belle et la Bête compte parmi les tentativesles plus intéressantesdu cinéma français.Les critiques qu’on lui adressera sont cellesque provoquent des exigences auxquelles on ne se croit pas tenu en présence d’œuvres moins ambitieuses. »

Libération,2 novembre 1946« Jean Cocteau a eu beau essayer d’amadouer avecde beaux décors et de belles photos, la caméra fait ressortir tout l’artificiel de cette poésie qui n’est pas sienne. Allez voir quand même ce film. Et,ma foi, si cette Belle - qui est d’ailleurs très belle - et si cette Bête - une bien belle bête - parviennent à déclencheren vous le plaisir poétique espéré par M. Jean Cocteau, c’est que vous avez retrouvé votre âme d’enfant et sa naïve candeur. Je vous le souhaite. »

L’Étoile du soir,6 novembre 1946« M. Cocteau apporteune foi totale dans toutce qu’il entreprend et une intelligence aiguë mêmedans ce qu’il rate. La Belleet la Bête est un ratage,mais plane aisémentau-dessus des petites insanités sorties ces dernières semaines sur les écrans parisiens. »

MARIE-GABRIELLE GRAFFIN

JEAN COCTEAU est né trop tôt. Cet érudit à l’esprit en perpé-tuelle effervescence, qualifié de mondain (« Un cocktail, des Cocteau ») et à qui certains reprochaient son côté touche-à-tout, aurait été bien mieux accueilli de nos jours, où la création ne s’arrête pas à celle d’un métier. Dans les années 1940, un poète qui sait égale-ment être dramaturge, décora-teur et qui dessine aussi bien qu’il réalise des films effraie plus qu’il ne fascine.

Sur le plateau de La Belle et laBête, cet hyperactif s’attache aux moindres détails, au point de s’épuiser de fatigue et d’in-terrompre un temps le tourna-ge. Dans le château de Raray (Oise), il veut recréer l’atmos-phère Louis XIII et a à cœur de rendre son décor aussi vivant que magique, lui faisant jouer un rôle actif dans l’action elle-même. Exigeant et jamais à court d’idées, quand Belle re-trouve son père, un marchand pour lequel elle se sacrifie en vivant avec la Bête au château, les larmes de clémence qui roulent sur ses joues sont en diamants. Cocteau refuse tout recours à de fausses pierres. « Un faux diamant ne lance pas de feux, écrit-il en 1945 dans le journal du tournage. Il n’y a qu’un vrai dia-mant qui miroite. Je redoute d’avoir àrectifier les prises. » Il pense alors à la maison Cartier, qui lui est si chère et lui prête pour cette scène des gemmes en forme de gouttes, étin-celant de mille feux.

« Le Marchand. - Dieu du ciel, undiamant… ! Un autre… !

Belle. - C’est la preuve que les féesle protègent, car j’ai pleuré en pen-sant à lui.

Le Marchand. - Ces diamants sontpeut-être du diable !

Belle. - Rassurez-vous, mon Père,et cachez-les. Il vous les donne. Ils vous feront vivre. Si vous racontez ce prodige à mes sœurs, elles vous prendront ces diamants et il ne vous en restera rien. »

« Les images parlent d’elles-mêmes »Le 29 octobre 1946, La Belle et la Bête, premier long-métrage de Cocteau (après un court, tout aussi surréaliste, en 1932, Le Sang d’un poète), sort en salles, aux antipodes de la production de l’époque. « Je le réalise pour ceux qui ont gardé un peu de fraîcheur enfantine et pour ceux, plus nombreux sans doute, qui sont las de ce qu’on nomme la vie réelle, où l’on ne rencontre guère que des soucis », explique-t-il à propos de son poème cinématographique.

Le film est boudé à Cannes, maiscertains critiques reconnaissentque Cocteau demeure avec cetteœuvre ce qu’il a toujours été : unpoète. Ses procédés techniques

Genre Drame fantastique,adapté du conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1757).Durée 96 minutes.Distribution Josette Day,Jean Marais, Marcel André.

De retour de voyage, le père de Belle se perd et trouve refuge dansun château étrange. Le matin, il cueille une rose, promise à sa fille, dans le jardin de la Bête. Courroucée par cet acte, cette dernière lui laisse la vie sauve si une de ses filles vient vivre avec lui. La Belle accepte.

Belle, interprétée par Josette Day (ci-dessus), au pied du litde son père, pleure des larmes de diamants, en pensantà la Bête (jouée par Jean Marais, ci-dessous). Ces vraies pierres ont été fournies par Cartier,pour lequel Jean Cocteau(ci-contre, sur le tournage) dessina la bague Trinity en 1926.

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LE CARNET DU JOUR 13

lundi20 juillet2020

deuils

Bruxelles.

Pierre Dumolard,son époux,Victoria Dumolard Balthazard,sa fille,Tancrède et Farah Sabahi,ses petits-enfants,et leur père Serge Sabahi,Toune Dumolard,sa belle-mère,Gabriel Balthazardet Marie Pierre Mezin,Geneviève Balthazardet David Wishart,Odile et JérômeBalthazard-Lestang,Paul et Nicole Dumolard,Claire Dumolard,Bernard et Luce Sevez,ses frère, sœurs,beaux-frères et belles-sœurs,ses neveux et nièces,

les familles Cotte et Guillaud

ont la tristesse de vousfaire part de la disparition,le 15 juillet 2020, de

Marie-ChristineBALTHAZARD DUMOLARD

Les obsèques ont eu lieudans l'intimité familiale.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Rue Edmond-Picard 37,B-1050 Bruxelles.

Neuilly (Eure).

Marie-Christine Bossuyt,Agnès Bossuyt,ses filles,

Marie-Léa et Vincentde Gourdon Pompeu,Laurine Garciaet Maxime Bisutti,Jérôme Garcia,ses petits-enfants,

Bastien de Gourdon Pompeu,son arrière-petit-fils,

toute la famille,ses amis,le personnel de la maisonde retraite Villa La Providence

ont la douleurde vous faire part du décès de

Mme Jérôme BOSSUYTnée Renée Leblond,

survenu le 16 juillet 2020,à l'âge de 91 ans.

La cérémonie religieuseaura lieu le jeudi 23 juillet 2020,à 14 h 30, en l'égliseSaint-Denis de Neuilly (Eure).

Ni fleurs ni couronnes,des prières et des messes.

Marie-Christine Bossuyt,8, rue des Vallées,27730 Neuilly.

Le baronMichel de La Chapelle,

Priscille, Charles-Eric,Benoît, Dorothée,ses enfants,et leurs conjoints,

Artus, Blanche, Melchior,Camille, Inès, Louise,Mathilde,ses petits-enfants,

ont la tristessede vous faire partdu rappel à Dieu de la

baronneMichel de LA CHAPELLEnée Martine Sudre,

le 17 juillet 2020.

La célébration religieuse auralieu le jeudi 23 juillet, à 9 h 30,en la paroisse Notre-Dame-de-Grâce-de-Passy,10, rue de l'Annonciation,Paris (16e).

Ses enfants, petits-enfantset arrière-petits-enfants

vous font part du décès de

Mme Raymond CLAYEUXnée Simonne Bouvier,

survenu le 18 juillet 2020,dans sa 102e année.

L'inhumation aura lieu dansla stricte intimité familiale.

Cet avis tient lieu de faire-part.

1, rue de Lyon,89200 Avallon.

Mme Babeth Djian,M. Jean-Pierre Djianet leurs familles

ont la tristessede vous faire part du décès de

MmeViolette DJIANnée Battino,

survenu le 11 juillet 2020.

Béatricede Gorguette d'Argœuves,sa fille,toute sa familleet ses amis

ont la douleurde faire part du décès de

Suzannede GORGUETTE d'ARGŒUVES

née Marie,

survenu le 15 juillet 2020,à l'âge de 89 ans, à Paris (17e).

La cérémonie religieusesera célébrée en l'égliseSainte-Marie-des-Batignolles,à Paris (17e),le mercredi 22 juillet, à 10 h 30.

M. Colin Gruiaet Mme Emmanuelle Gruia,son fils et sa belle-fille,Mme Dana Gruia Dufautet Jacques Nizou,sa fille et son gendre,Mme Constance SorinaGruber,sa sœur,Alexandre et Aurore Gruia,ses petits-enfants,

ont la grande douleurde vous faire part du décès de

MmeMarie GRUIAnée Radulescu,

« Loli »,

docteur ès sciences chimiques,ancien chef

du département de catalysede l'Institut de chimie physique

de Bucarest (Roumanie),ancien maître de conférences

à l'universitéPierre et Marie Curie à Paris,

survenu le 16 juillet 2020,à Suresnes, à l'âge de 87 ans.

La cérémonie religieuseaura lieu le mardi 21 juillet,à 10 h 30, en l'église orthodoxegrecque, 7, rue Georges-Bizet,à Paris (16e).

L'inhumation suivraau cimetière de Saint-Cloud,à partir de 12 heures.

La famille remerciepar avance toutesles personnes qui prendrontpart à sa peine, ainsi queles médecins et le personnelde l'hôpital Foch de Suresnes,pour leur accompagnementet leur gentillesse.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Famille Gruia,40, boulevard Senard,92210 Saint-Cloud.

L'Aber-Wrac'h, Landéda,Lannilis (Finistère). Paris.

Marie-Christine Lostis,son épouse,Jean-Pierre et Elisabeth Lostis,Anne et Jean-Claude Ogor,François et Elisabeth Lostis,Alain et Marie-Pierre Lostis,Odile et Marc-AntoineHerrmann,Hélène et Jacques Le Hir,ses enfants,ses 17 petits-enfantset ses arrière-petits-enfantsont la tristesse d'annoncerle décès, à l'âge de 88 ans, de

Pierre LOSTISchevalier

de la légion d'honneur,officier dans l'ordre national

du Mérite,directeur de recherche

au CNRS,recteur des académiesde Caen et de Rennes.

La cérémonie religieuse seracélébrée le mardi 21 juillet 2020,à 14 h 30, en l'église de Lannilis.

Mme Gisèle Nordlinger,son épouse,

Bernard et DominiqueNordlinger,Frédéric et CorinneNordlinger,en union avecClaire et Gilles Kahn,ses enfants et leurs conjoints,

Guillaume, Aurélie, Emmanuel,Alice, Charles et Maximilien,en union avec Chloé,ses petits-enfants,ainsi que leurs conjoints,

ses arrière-petits-enfants

ont la tristessede faire part du décès de

M. Léopold NORDLINGER

survenu le 13 juillet 2020,dans sa 103e année.

La cérémonie aura lieudans l'intimité familiale,à Orsay (Essonne),le mercredi 22 juillet 2020.

Jean-Luc et Françoise Paret,le docteur Bruno Paretet son épouse Christine (†),ses enfants,

Sophie et Dinh-KhuongDuong,Nathalie et Fabrice Neveu,Pierre-Emmanuel et IsabeauParet,Isabelle et Charles Blanchot,Paul-Edouard Paret,ses petits-enfants,

Anaïs et Agathe,Pierre, Nicolas et Rémi,Melchior, Athénaïs, Mazarine,Sosthène et Bérénice,Amalia, Armand et Arsène,Théo et Arthur,ses arrière-petits-enfants,

Olivier et Martine Laflèche,son frère et sa belle-sœur,

ont la douleurde faire part du décès de

Brigitte PARETnée Laflèche,veuve de

Claude Paret

survenu le 15 juillet 2020,à l'âge de 98 ans, à la maisonde retraite Les Marronniers,à Levallois-Perret, muniedes sacrements de l'Église.

La cérémonie religieusesera célébrée en l'égliseNotre-Dame-de-La-Croixde Ménilmontant,3, place de Ménilmontant,à Paris (20e),le mercredi 22 juillet 2020,à 10 h 30,suivie de l'inhumationdans le caveau de famille,au cimetière du Père-Lachaise,où l'on se réunira à 12 heures.

La famille tient à remercierparticulièrement le personnelde l'Ehpad Les Marronniers,ainsi que Mme Malbertqui l'ont accompagnéeces derniers mois, pour leurgentillesse et leur dévouement.

Cet avis tient lieu de faire-part.

77, avenue des Gobelins,75013 Paris.« La Bougainvillée »,538, boulevard Grignan,83000 Toulon.

Morestel (Isère). Aoste.Lyon. Genève.

Mme Michèle Rival,son épouse,David, Nathalie et Thomas,ses enfants,et leurs conjointsLiza et Nordine,Axel, Victor, Ethan, Samuelet Eva,ses petits-enfants,Mme Claude Marquet,sa sœur,ses enfants et petits-enfants,M. Denis Rival,son frère,ses enfants et petits-enfants,Mme Paulette Blanc,sa belle-mère,Mme Henriette Gardon

ont la grande douleurde vous faire part du décès de

M. Christian RIVAL

survenu à l'âge de 69 ans.

Les obsèques auront lieuà Morestel,le mercredi 22 juillet 2020.

Un hommage républicainlui sera rendu le même jour,à 15 heures, en la sallede l'Amitié, à Morestel.

La famille remercietoutes les personnesqui s'associeront à sa peine.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Simone Ronsseray,son épouse,

ses filles,Dominique, Marie-Hélène,Caroline,et leurs époux,

ses petits-enfantset arrière-petits-enfants

ont la tristessede vous faire part du décès de

Pierre RONSSERAYavocat honoraire

au barreau de Paris,

survenu le 13 juillet 2020,à l'âge de 93 ans.

Ses obsèques ont été célébréesà Saint-Georges-de-Didonne,dans l'intimité familiale.

John C. Wilkinson,son époux,sa famille et ses amis

vous font part du décès,dans sa 86e année, à Paris, de

Anne SAUVYWILKINSON

Ses obsèques ont eu lieuà Montalba-le-Château(Pyrénées-Orientales).

Martine Schmidt,son épouse,

Clément et Alexandra Schmidt,Marie et Xavier Boucher,Georges et Isabelle Schmidt,Pierre et Laurence Schmidt,ses enfants,

Sixtine, Solène et Martin,Albane, Louis-Marie, Victoire,Henri, Charles, Hilaire,Hermine et Agnès,Paul, Juliette, Vladimiret Guillaume,Yves, Jean, Lise, Maud,Anna et Rémi,ses petits-enfants,

font part du décès de

Yvan SCHMIDT

le 17 juillet 2020.

La messe d'obsèques seracélébrée le jeudi 23 juillet,à 14 h 30, en l'égliseSaint-François-de-Paulede Tours.

Vannes, Quiberon (Morbihan).

Yann, Hugues, Brice et InèsVarene,ses enfants, et leurs conjoints,ses petits-enfantset arrière-petits-enfants,

sa sœur,Françoise Cozon,les familles Varene et de Clouet

ont la grande tristessede vous annoncer le décès de

Philippe VARENE

qui s'est éteint le 17 juillet 2020,dans sa quatre-vingt-seizièmeannée.

La cérémonie religieusesera célébréele mercredi 22 juillet, à 10 h 30,en l'église Saint-Patern,à Vannes.

Condoléances sur le registreà l'église.

Cet avis tient lieu de faire-part.

souvenirs

Le 20 juillet 2011, le

docteur LAZAR

nous quittait.

Le temps qui passe n'efface pasl'amour, les souvenirs,le chagrin.Il nous manquemais il est toujours avec nous.

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en majuscules

Demandez-le par courriel : [email protected] courrier : Le Carnet du Jour • Le Figaro • 14 boulevard Haussmann • 75009 Paris

Carnet des obsèques

Prévoir, organiser, accompagner

Les annonces sont reçues

avec justification d’identité

du lundi au vendredi

de 9h à 13h et de 14h à 18h

(excepté les jours fériés)

et tous les dimanches

de 9h à 13h.

Elles doivent nous parvenir

avant 16 h 30

pour toutes nos éditions

du lendemain,

avant 13 h les dimanches.

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par téléphone

01 56 52 27 27sur notre site

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Tarif de la ligne€ TTC :Du lundi au jeudi

25€ jusqu'à 25 lignes23€ à partir de 26 lignesVendredi ou samedi28€ jusqu'à 25 lignes26€ à partir de 26 lignesRéduction à nos abonnés :

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Les lignes comportant descaractères gras sont facturéessur la base de deux lignes ;les effets de composition

sont payants ;chaque texte doit comporterunminimumde 10 lignes.

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www.dansnoscoeurs.fr

Souvenez-vous,le 1er août 1995,il y a vingt-cinq ans,

Henri CAMAYOR

nous quittait.

Ses amis auront une penséepour lui.

Page 14: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A

14 TÉLÉVISION/MÉTÉO

ampleur » pour son staff. « Un enjeu constant » selon le judoka, qui veut rede-venir « ce gars qui a de la TNT dans les jambes ».

Chasser les idées noires Un immense champion, obnubilé par la victoire mais qui a dû en passer par une défaite douloureuse en 2010, et une autre le 9 février 2020, à Paris. Sa première après 154 victoires d’affilée. Là encore, rien n’est caché. Ainsi découvre-t-on le travail de Meriem Salmi pour chasser les idées noires, la colère ou les doutes d’un Riner beaucoup plus fort sur les tatamis pour infliger des ippons que pour se confier sur ses failles. Il les laisse cepen-dant percevoir, comme ce moment, à Montréal, où il n’a pas le temps de dire au revoir à son père avant de prendre son avion. Un instant simple et touchant, comme ce documentaire en comporte de nombreux. Et qui s’achève sur le confi-nement et l’annonce du report des JO à 2021. Un simple contretemps, sans doute,dans son rêve de triplé olympique. ■

Avec Teddy Riner, dans les pas d’une légendePORTRAIT Le double champion olympique s’est laissé filmer pour donner naissance à un magnifique documentaire.

Pendant un an et demi, les journalistes de France Télévisions ont suivi pas à pas le double champion olympique et décuple champion du monde. P. MILLEREAU/KMSP/DPPI

CÉDRIC CALLIER £@Corsicinho

France 3 diffuse un documentai-re inédit sur Teddy Riner.Inédit, oui et non. En 2016 étaitsortie Dans l’ombre de TeddyRiner, une première plongée –

signée Yann L’Hénoret – dans l’intimité du judoka, alors en quête d’un second sacre olympique à Rio. Ce Teddy, filmé par le trio Benoît Durand, Brice Baubit, Laurent Lefebvre, se présente comme une mise à jour de luxe, qui débute en novem-bre 2018, lorsque le ju-doka met fin à son année sabbatique. Avec dans le viseur, son graal : les Jeux olympiques 2020 à Tokyo, berceau de sa discipline.

Pendant un an et demi, les journalistesde France Télévisions ont donc suivi pas à pas le double champion olympique et dé-cuple champion du monde. Sans le mé-nager. Bien que coproducteur, Riner n’a

rien voulu cacher. Ce film va encore plus loin dans l’intime, notamment sur l’as-pect familial. Que ce soit les parents du judoka ou sa femme, tous prennent la pa-role pour définir qui est ce champion horsnorme. « Un ultra-méga-sensible, tout moelleux dedans » comme le définit su-perbement Luthna Plocus, sa compagne. On voit également ce « bon gros géant » partager des moments rares avec son fils, Eden, et sa fille, Isis.

Sur le plan sportif, tous les membres deson staff témoignent, deFranck Chambily, sonentraîneur, au sparring-partner de toujours, NicoKanning, en passant par

son préparateur physique Yann Moris-seau, son coach personnel Laurent Callejaou encore sa psychologue Meriem Salmi avec qui il travaille depuis ses débuts à l’Insep. Il est bien entendu question de son poids, sempiternel sujet, et de ses blessures. Au début du documentaire, Ri-ner accuse ainsi 166 kilos sur la balance, soit 25 de trop. « Un chantier de grande

○○○○21.05

» « Tous en cuisine » de retour sur M6 à la rentrée avec Cyril Lignac » Un homme ressemblant à Xavier Dupont de Ligonnès suspecté à Chicago grâce à Netflix tvmag.lefigaro.fr+ @ SUR LE WEB

À LA DEMANDE

21.05Camping Paradis

Série. Humoristique

21.03Babylon BerlinSérie. Policière

Fra. 2017. Saison 9. Avec Laurent Ournac. 2 épisodes. Tom tombe amoureux d’une amie de Xavier. Il doit choisir entre ses sentiments et la sauvegarde d’une belle et longue amitié : le dilemme est total.

23.00 Camping Paradis. Série. Réunions de familles (1 et 2/2).00.50 New York Unité Spéciale. Série.

All. 2020. Saison 3. Avec Volker Bruch. 2 épisodes. Rath, Charlotte et Bohm participent au mystérieux évènement organisé par Roth pendant que Nyssen rend visite à Holga et que Greta est de retour devant la Cour.

22.39 Cardinal. Série. Policière. Scott. - John & Lise.

20.39 Kiffons l’été ! Divertissement.

21.13 Inspecteur BarnabySérie. GB. 2015. Saison 17. Avec Neil Dudgeon. Meurtre par enchan-tement. Alors qu’il enquête sur le meurtre d’une pianiste, Barnaby met au jour un rituel païen ancestral. Une seconde victime, un malheureux vicaire, est à déplorer.

23.02 Enquête sous haute tension.

19.55 Animaux extraordinaires. Doc. Les comportements sociaux.

20.50 Nus et culottésDoc. Fra. 2020. 2 épisodes. Nans et Mouts repartent nus et sans argent du lac de Salagou près de Montpellier dans l’espoir de rencontrer le chanteur M et de monter sur scène avec lui.

22.40 C dans l’air. Magazine.

21.05Motive :

Le mobile du crime

20.55Les mauditsFilm. Guerre

Série. Policière Can. 2014. Saison 2. Avec K. Lehman. 3 épisodes. Inédit. Un homme dont la mère est malade appelle les secours après avoir été agressé. Sur place, ces derniers découvrent qu’il est entre la vie et la mort.

23.15 Stan Lee’s Lucky Man. Série. Action. 2 épisodes.

Fra. 1947. Réal. : René Clément. 1h37. NB. Avec Marcel Dalio. Un groupe de nazis fuit vers l’Amérique du Sud à bord d’un sous-marin allemand. Un passager embarqué à Royan comme médecin se trouve être un espion.

22.35 Les assassins sont parmi nous. Film. Drame. Avec Hildegard Knef.

19.40 Un dîner presque parfait. Jeu.

21.05 Astérix et CléopâtreFilm. Animation. Fra/Blg. 1968. Réal. : René Goscinny, Albert Uderzo. 1h12. A la suite d’un pari avec Jules César, Cléopâtre demande à son architecte de lui construire un palais en trois mois.

22.15 Astérix le Gaulois. Film. Animation.

20.05 Pêche XXL. Documentaire. Le monstre de Floride.

21.05 Constructeurs de l’extrême : les artistesDoc. Can. 2015. Village amérindien. Un client passe commande aux sculpteurs sur bois afin qu’ils réalisent un arbre généalogique.

22.20 Constructeurs de l’extrême : les artistes. Doc. 4 épisodes.

21.05Teddy

Documentaire

21.05A fond

Film. Comédie

Fra. 2020. Réal. : Benoit Durand, Brice Baubit, Laurent Lefebvre. 1h55. Inédit. Pendant plus d’un an et demi, le judoka Teddy Riner a été suivi par des caméras, dévoilant ainsi sa vie privée et son intense préparation sportive.

23.00 Le zèbre. Film. Comédie sentimentale. Avec Thierry Lhermitte, Caroline Cellier.

Fra. 2016. Réal. : Nicolas Benamou. 1h31. Avec José Garcia. Inédit. Sur la route des vacances, une famille est la victime du régulateur de vitesse de son véhicule. Bloqué à 130 kilomètres/heure, la voiture est incontrôlable.

22.40 Daddy Cool. Film. Comédie.

20.10 Quotidien. Magazine.

21.05 L’opération Corned BeefFilm. Comédie. Fra. 1991. Réal. : Jean-Marie Poiré. 1h45. Avec Christian Clavier. Un capitaine de la DGSE, qui doit exécuter une mission fort délicate, a maille à partir avec un homme maladroit qui s’échine à saboter son travail.

23.05 90’ Enquêtes. Magazine.

18.25 Bacchus sans filtre. Doc.

20.40 Le seigneur de SipánDocumentaire. Esp. 2008. Réal. : José Manuel Novoa. Inédit. La civilisation des Moche, qui régna sur le Pérou, s’est éteinte au VIIIe siècle, non sans laisser derrière elle de fabuleux trésors archéologiques.

21.35 L’Italie passe à table. Doc. L’histoire des pâtes.

Série. Tirée des romans de l’écrivain américain Erle Stanley Gardner, cette mouture 2020 des enquêtes de Perry Mason met en vedette Matthew Rhys dans le rôle-titre. Le détective s’intéresse à un terrible fait divers. Un bébé a été enlevé contre une rançon de 100 000 dollars. Les parents ont cédé aux demandes des ravis-seurs, mais l’enfant a été retrouvé mort. Le père se retrouve dans le collimateur de la police. Mason a sa propre théorie. De 1957 à 1966, une autre adaptation avec Raymond Burr en vedette avait rendu le héros populaire. Ces huit épisodes, moins lisses, plongent dans l’Amé-rique de la Grande Dépression et montrent une ville de Los Angeles en perdition. Une mini-série plus sombre et plus dense.

Perry Mason

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T (en °c)

Page 15: Le Figaro - 20-07-2020

LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

A

JEUX D'ÉTÉ 15

MOTS FLÉCHÉS N° 2647

SOLUTIONS DES JEUX DU NUMÉRO PRÉCÉDENT Fubuki

Moyen

MoyenFacile

Difficile

Mots à caser

Kem

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V E R T I C A L C C O N G AE P E E E R A I L L E A R NR O S E T T E G E I S H A DS U C A C O L V I N C AA M O R C E C O P I N E R IT O U T C E T O I N E E O NI N S T A L L E A G U E T SL E S D A L T O N F R A N CE R E I N T E C O R S U E E

8 1 7 16 5 6 4 15 9 2 3 14 22 9 14

6 5 2 13 7 8 1 16 9 4 3 16 22 17 6

5 8 9 22 6 7 1 14 4 2 3 9 15 17 13

RONDES DES MOTS N° 2Trouvez les mots correspondant aux définitions centrales et inscrivez-les autour de la case qui leur revient. La pre-mière lettre de chaque mot est indiquée par le triangle. Chaque mot se lit dans le sens des aiguilles d’une montre.

Exemple :

CLIENTDES

SERVICESPUBLICS

COMMEMORT

BIEN ÀPART

VERBE ÀSE FENDRE

AGACESÉRIEU-SEMENT

APPAREILÀ COMPRI-

MER

PARER AUCOUP DE

TABAC

FAIREGONFLER

LECHIGNON

AVOIRDANS

LE NEZ

BÊTE ÀDORMIR

PÉRIODESDE BONSACHATS

CLAME UNSLOGAN

ACTIVITÉNAUTIQUE

PONT DENAVIREEN BOIS

ACTIONSDES

MEMBRES

SR

U

T

T S

D N

G C

A L

A

G

EMOTS CROISÉS DU BRIDGEUR

(H116 X L123)

SOUDER

COMPA- GNONS DE

JASON

CORRIGEA LE DEVOIR

LINGUISTE

POUSSE AU BENGALE

BUTIN D’ABEILLES

ANCIENNE NOTE DE MUSIQUE

RÂPÂT

AFFAIRES DE MŒURS

FROMAGE ROUGE

C’EST L’AUROCHS

OPÉRA DE ROSSINI

ARTICLE D’ARAGON

PRESQUE UN MILLION

D’OCTETS

SOUS MI

SIGLE EUROPÉEN

IL TOUCHE POUR JOUER

ÉVOLUE EN MER

CERVIDÉ

TOUT DOUX

DISTANCE LOINTAINE

ÉTOFFE D’AMEU- BLEMENT

CHANGER D’AVIS

ANIS DES VOSGES

COOPÉRATI- VES RUSSES

FILS D’ABRAHAM

NOMBRE DE CÔTÉS D’UN HEPTAGONE

BUTÉE EN BOUT DE

VOÛTE

SÉPARATION ENTRE LES CHEVEUX

D’UNE SOUPLESSE

FÉLINE

PAS À MOIPOSTURES

DE YOGA

RIVIÈRE TEMPORAIRE

FAIRE SES COM-

MENTAIRES PAR ÉCRIT

COLORÉE

À FIXER SUR UNE PAROI

OPUS EN BREF

FLEUR DÉLICATE

CHEFS EN ARMES

OREILLE DE MER

FÉTICHE INDIEN

CITÉ EN MAYENNE

QUI N’APPORTE

PLUS LA LUMIÈRE

PONT PARISIEN (L’)

LABEL DE VINS

QUATRE SAISONS

AGUERRIE

DÉCHET DU CORPS

MASSE

QUI EST À COURT DE

LIQUIDE

VOLATILISÉE

HOMME FIDÈLE

DIFFUSE SUR LES ONDES

UN OUI

CONTRAC- TION

MUSCULAIRE

SANS VALEUR

CAPTURE

ASSEM- BLAGE

RÉTROCÈDE

CORSAGE D’AUTREFOIS

ANIMAUX TÊTUS

CHANDAIL

IL ROULE AU HASARD

TRAIN EN VILLE

PAROLE DE MOUTON

CHOISI À NOUVEAU

SODA AMÉRICAIN

MATIÈRE DE BLOUSON

CACHÉS

MÉTAL DE POTS

FEMME POLITIQUE

ISRAÉLIENNE

SOMMET

RECOUVERT D’UN

ALLIAGE

GRANDIS

ÎLE À L’EST DE LA CORSE

ABÎMER UN FRUIT

DOCTEUR DE LA LOI

MUSULMANE

PRONOM

EMBÊTER

RELATIVE AU DUC

DÉCOUPÉES

CONCEP- TUALISÉE

AXE DU VENT

ACROBATE

CUIT ET CROQUANT

DUPÉE

FRIPOUILLE

EFFICACES

DANS UN SENS

NÉGATIF

QUI RESTE EN SOUF- FRANCE

LE CÉRIUM

ANGLES

RAMÈNE À LA VIE

ANNEAU DE FERRITE

PRODUCTION D’UN ÉTAT

ECCHY- MOSES

PIÈCE DISPARUE

RIGOUREUX

PARFUMÉ À LA LIME

DIGEST

CENT LITRES

FACILE OU ASSEZ RICHE

ABJURE SES IDÉES

ÉCLAT ÉPHÉMÈRE

GAZON AUTOUR

D’UN TROU DE GOLF

EXCLA- MATION

ÉPINCETÉ

QUI FORCE À CÉDER

BOX À L’ÉCURIE

COURBE

COUPE LES BRANCHES

TEMPS GÉOLOGIQUE

RAPIDE RATITE

VIVANT EN AUSTRALIE

HARNACHÉ

COLLECTION DE PERLES

UN PEU CRU, PEUT-ÊTRE

IL FOURNIT L’HUILE

DE PALME

LIÉ

CONTINENT DOUBLE

SOLEIL D’ANTAN

GRANDE VALLÉE

ÉTHIOPIENNE

CIRE DE CONDUIT FLUETTES

FORMALITÉ AVANT

L’ADMISSION

PETITE SURFACE DE

TERRAIN

GOUFFRE DES RÉGIONS

CALCAIRES

PLUMÉE TELLE UN

PIGEON

SOLUTION Mots fléchés n°2646D G K I E D T M O D P O

F E T I C H E S C H O L E R A S H E T L A N DM E T A M O R P H O S E R R E S T R E I N T E

Q A T R E L A Y E R T R A I N A I L E T SR O T U R I E R S P O I L E R A S S U R E E

O R N E S E L E E I L G U E R I S E N TE L O I N N O T E R C A B R I O L E T A

A R A L O S E E A C E R O L A A N A C E TN A N P E R S E V E R A N T S M A O R I

R A T A F I A S A S S E A N N A T E N N I SH A R I S S A I E R E I T E R E R N E N E

N A N A N E E X E R C E L E E N I A I S E RN C R E R L O C H N

B E C H E N O G A T I N T ER I C R A C C O U L E D

V A U D O U L F E L E E A IS E E T A U E L A R T

B A L S A D B T A I S E U S EN L R E A S R N O T E R

T A E L S G C R E S S O NS I D E E O S I M A M

S A A N E N E U E D C G G N O L EP R E S T I D I G I T A T E U R A R R E T U

S I E D T R O N E R C O M P A G N I E R A TN E R E I S R E S I L I E R T F A I R E

F A T U T P I S D E N R E E I F C CB R A S S I E R E S I S E T S A R I N E L

N O E L A S P E P A F N I E T R E E P EY L A I I C A R I S T E S C E R U S E

B E D A I N E C O R S E T N R O S E R A I EU R N E R A O U T R C A R A C O O I N T

F R E T A R R I V E E A H O P A L I N E SS E L L E R E N S E V E L I S U R E S G

V E S I L A C R A S E I A S S I S B AC E S S I O N T I A N A S T R E S C A R

B U P E G O R I A N T S P P E T A R DR A I D C E N S E J U R E E I A E L B E

Y E U S E S E C U C A S E R N E R E T O U R

Lundi 20 juillet

M O T S C R O I S É S Par Vincent LabbéM O T S C R O I S É S Par Vincent Labbé

PROBLÈME N° 5409HORIZONTALEMENT1. Donne la marche à suivre. - 2. A depuis peu des raisons que la raison ignore. - 3.Pour une carte à soins. - 4. Sentiment aff ecté. - 5. Fine croûte. Imite une baleine. - 6. Coup par derrière. Le dingo en est un dingue. - 7. Creuset de mystérieuses transmutations. - 8. S’étend entre Morlaix et Guingamp. - 9. Des femmes qui prennent soin de leurs pieds. - 10.Glace pour les bourbons. Article. - 11.Point de côté. - 12. Places de professeurs.

VERTICALEMENT1. Laisse un champ de ruines. - 2. Donnent la connaissance. - 3. Tentative réussie d’annexion. - 4. Pose d’un vernis. En outre. - 5. Tourne dans les westerns. Débarrassera la couverture de ses impu-retés. - 6. Refroidit vite. Commune du Nord où vivent des Enragés. Vers en latin. - 7. Bout d’un noir. Fait de belles collections. Dévoré par les femmes. - 8.Présentent une faille. Cavalières. SOLUTION DU PROBLÈME N° 5408

HORIZONTALEMENT 1. Diariste. - 2. Entôleur. - 3. Sal. Ella. - 4. Épar. Fit. - 5. Nasal. Pô. - 6. Si. Moie. - 7. Osiers. - 8. Rassises. - 9. CBS. Sort. - 10. Élue. Ide. - 11. Lee. Brrr. - 12. Essuyées. VERTICALEMENT 1. Désensorcelé. - 2. Ina-paisables. - 3. Atlas. Issues. - 4. Ro. Rames. - 5.Île. Loris. By. - 6. Self. Issoire. - 7. Tulipe. Erdre. - 8. Érato. Asters.

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

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principale tête de pont de celle duXXIe siècle. C’est de là que MarcoPolo rembarqua pour Venise aprèsson périple de vingt-six ans, dontdix-sept passés en Chine. Sur laterre ferme, la Chine moderne aoublié la langueur des antiques ca-ravanes… L’autoroute impose auxcamionneurs un rythme stakha-noviste répondant aux exigencesde rentabilité. Elle est à la fois té-moin et acteur de la vaste révolu-tion socio-économique qui a bou-leversé depuis trente ans la Chine,agitée par des vagues de migrationsans précédent dans l’histoire del’humanité. Les pièces fabriquéesdans l’Est industriel sont expé-diées vers les usines en construc-tion, pour doper la croissancedans l’Ouest, quasi oublié par troisdécennies de développement sau-vage. Le long de la route, destours, symboles de l’urbanisationà marche forcée, ont jailli partout,comme de la mauvaise herbe.

« Diplomatie de la soie »Marco Polo, évoquait Xi’an, pointde départ des routes de la soie ter-restre, comme la « capitale d’unroyaume qui fut autrefois riche etrenommé ». L’ancienne Chang’anavait déjà perdu de son lustre,bien qu’elle continuât de produirequantité de soieries de qualité etque le commerce y fût toujours« très actif ». À l’ouest de Xi’an, lespics rocheux de Hua Shan, l’unedes cinq montagnes sacrées dutaoïsme, ont assisté aux gloires etaux déclins de toutes les dynasties.« Les habitants (de cette région)sont idolâtres », soulignait MarcoPolo dans son Livre des merveilles.

La Chine moderne sait jouer à laperfection de l’imaginaire quecontinue de véhiculer Marco Poloen Occident. Rares sont les pays àne pas céder à ses sirènes. Un ré-seau de chemins de fer à grandevitesse et d’autoroutes relie les ré-gions côtières de l’est du pays auxanciennes étapes de la route de lasoie dans l’Ouest et jusqu’en Eu-rope. Officiellement, il s’agit pourla République populaire de multi-plier les projets d’infrastructuresavec les pays concernés le long dela route afin de favoriser leséchanges. Autour s’articule unevéritable « diplomatie de la soie »,une coopération qualifiée de « ga-gnant-gagnant » que Pékin nemanquera pas de relancer pourtourner la page du Covid-19 etdont Marco Polo fût le fondateur…il y a huit siècles. ■

arides de la Chine du Nord-Ouestou des vallées reculées de Chinecentrale. Au cours de son long sé-jour en Chine, Marco passe au pei-gne fin les régions les moins ac-cessibles, des endroits que lesautres fonctionnaires impériauxconnaissent seulement pour enavoir entendu parler.

Selon son propre témoignage,Marco Polo jouit d’une certainepopularité auprès du Grand Khan,dont il parle la langue, ainsi que lepersan, la langue du commerce auXIIIe siècle. À chacun de ses re-tours à Cambaluc, la nouvelle ca-pitale de Chine établie à Pékin,Kubilai s’étonne, s’émerveille etrit de ses récits. Dans la provincede Gaindu, l’actuel Gansu, s’étendun lac d’eau saumâtre où l’on pê-che les perles, tandis que sur lescollines alentour errent des ban-des de gazelles musquées en sigrand nombre que leur parfumembaume l’atmosphère sur desmilles. Au Sichuan, un fleuve aussilarge qu’une mer traverse la villede Chengdu. Malgré ses dimen-sions, un pont de pierres y a étéérigé. Le Yunnan est infesté decrocodiles et de serpents suscepti-bles d’avaler un homme entier.

Marco Polo sera pendant troisans le gouverneur d’une cité quilui rappellera Venise, Qinsay(l’actuelle Hangzhou). Il décrit undédale de canaux et de ponts, dontles plus élevés permettent le pas-sage aux grandes jonques detransport. Ainsi que les étrangescourtisanes de la capitale de laChine méridionale de l’époque.« Les étrangers qui se sont divertisune fois en leur compagnie en res-tent comme hors d’eux-mêmes,conquis par leur douceur et leursenchantements au point de ne ja-mais pouvoir les oublier, raconte-t-il. Si bien qu’une fois rentrés chezeux, ils disent qu’ils sont allés àQinsay, la “Cité du ciel”, et ne pen-sent qu’à une chose : y retourner. »Marco Polo intéresse le GrandKhan par toutes ces curiositésqu’il sait observer : les croyancesreligieuses, les traditions et lan-gues, les manières de combattre etla description des armures.

Ses carnets servirent de point dedépart à son Livre des merveillesécrit sous sa dictée par son com-pagnon de cellule, Rustichello de

PATRICK SAINT-PAUL £@psaintpaul

UNE SUITE de mille chasseurs, ar-més de faucons et d’éperviers, lâ-che ses rapaces sur les faisans, grues et autres oiseaux. Installé dans son château royal portable, flanqué de ses plus proches conseillers, le souverain, Kubilai Khan, a pris le marchand vénitien à son service et assiste à cette chasse sans bouger. « Le roi se tient dans une petite maison de bois por-tée par quatre éléphants et couverte de peaux de lions, et dorée dedans »,raconte Marco Polo. Premier grand voyageur européen sur la route de la soie, Marco Polo décrit ainsi les pérégrinations sur la voie mythique du Grand Khan mongol, qui deviendra empereur de Chine et fondateur de la dynastie Yuan.

De ses années au service de Ku-bilai, dont il est le représentant àl’occasion de nombreuses mis-sions dans différentes parties del’empire, Marco Polo tire un récitextraordinaire et exotique, Le De-visement du monde, aussi appelé leLivre des merveilles. Premier car-net de voyage, l’ouvrage racontel’odyssée entreprise en 1271 par untrio de Vénitiens - Marco Polo,alors âgé de 17 ans, son père Nic-colo et son oncle Matteo - qui serendirent dans des lieux que peude chrétiens avaient visités, jus-qu’à la cour de l’empereur mon-gol, Kubilai Khan, et en Chine.« Avant lui, quelques voyageurssont allés jusqu’à Karakorum enMongolie, explique Philippe Mé-nard, professeur émérite d’histoi-re à la Sorbonne et grand spécia-liste de Marco Polo. Mais MarcoPolo a été le premier grand décou-vreur de la Chine. Encore aujour-d’hui, il joue un rôle important. Lesgrands explorateurs de la Chine duXXe siècle ont toujours emportéavec eux son texte, qui leur apprenddes renseignements précieux sur lesgrandes villes, sur les créations deleurs artisans et la production loca-le, ainsi qu’une foule de détails surles mœurs de ses habitants. »

Le livre fit découvrir aux Euro-péens une nouvelle carte du mon-de et porta à leur attention lesnouvelles possibilités de commer-ce international et d’expansion.Descendant de Gengis Khan, Ku-

Au service de l’empereur de Chine, le Vénitien apporta une contribution essentielle à la relation entre l’Occident et l’empire du Milieu.

bilai contrôlait le plus vaste empi-re contigu que le monde ait connu.Les hordes de Mongols se tournè-rent d’abord vers l’est et lesroyaumes du nord et de l’ouest dela Chine pour finalement s’empa-rer de Pékin.

Huit siècles plus tard, l’actuelprésident chinois, Xi Jinping, mo-bilise des efforts financiers et di-plomatiques sans précédent pourinscrire la République populairedans un nouvel âge d’or de la rou-te de la soie. Le projet est au cœurde son « rêve chinois » de renou-veau et de revanche sur un Occi-dent, accusé d’avoir humilié laChine.

L’homme de l’empereurMarco Polo fait son entrée dans lacourte liste des privilégiés reçuspar Kubilai, empereur le pluspuissant du monde à son époque, àl’âge de 21 ans. Envoyé du Khan, ilse déplace avec les insignes du pa-lais central, un laissez-passer dé-livré par l’empereur gravé sur uneplaque en or et une escorte mili-taire. Au service de Kubilai, il nedépend pas de l’administrationchinoise, mais directement du pa-lais de l’empereur. Il n’est pasfonctionnaire, mais homme del’empereur. Peu de régions de laChine sont restées inconnues duvoyageur qu’il s’agisse de cités cô-tières grouillantes, des steppes

RETROUVEZ MARDIQuand les jésuites évangélisaient la Chine

« Avant lui, quelques

voyageurs sont allés jusqu’à Karakorum en Mongolie. Mais Marco Polo a été le premier grand découvreur de la Chine. Encore aujourd’hui, il joue un rôle important»PHILIPPE MÉNARD, PROFESSEUR ÉMÉRITE D’HISTOIRE À LA SORBONNE ET GRAND SPÉCIALISTE DE MARCO POLO

Pise, après son retour à Venise,alors qu’il a été fait prisonnier parles Génois. Marco Polo est témoinde la fin de l’empire des Song etassiste à la mort de l’empereurchinois. La civilisation chinoise estbien plus raffinée que celle qu’il aconnue à Venise. À l’époque oùl’Occident imagine la terre plate,les Chinois la savent déjà ronde.« Marco Polo décrit les banquets, latable du souverain. Lorsque le Khancommence à boire, les instrumentsse mettent à jouer et tous les servi-teurs se mettent à genoux. C’est lerite de la prosternation qui a mar-qué l’empire du milieu », racontePhilippe Ménard. Il accorde unegrande attention aux affaires poli-tiques et économiques du vasteempire mongol, la poste, les mé-canismes de prix, la monnaie…Envoyé spécial du Khan, messageret inspecteur en même temps, ilsouligne le profit que peut tirer leGrand Khan des émissions de pa-pier-monnaie (fabriqué à partird’écorce de hêtre) grâce auxquelsil fait entrer dans son trésor desmétaux précieux. « Tout le mondeest forcé de se servir de cette mon-naie de papier sous peine decondamnation à mort », selon Phi-lippe Ménard.

Un périple de vingt-six ansAu centre de son récit, les routes dela soie étaient constituées d’un faisceau d’itinéraires d’environ 8 000 kilomètres, emprunté par les caravanes pour relier Xi’an aux grandes villes d’Asie centrale, puis à l’Europe jusqu’à Venise. Parfums,épices, bijoux, noix, thés, sels, ver-reries, laques et porcelaines venant de Chine constituaient l’essentiel des échanges. Les attaques de hor-des de bandits organisés en vérita-bles armées et l’extrême rigueur duclimat - torride en été et glacial en hiver -, compliquaient l’achemi-nement, qui progressait cahin-caha pendant parfois plus d’un an, à dos de yack ou en caravanes de cinquante à mille chameaux. Au XIVe siècle, l’ouverture par les Européens de la route maritime desépices conduisit à l’abandon pro-gressif des voies terrestres.

Point de départ de l’antiqueroute maritime, Canton n’a pasété choisie par hasard comme

Le navigateur vénitien Marco Polo se présente devant Kubilai Khan, le Grand Khan mongol, qui deviendra empereur de Chine et fondateur de la dynastie Yuan.PHOTO JOSSE/LEEMAGE

Marco Polo, découvreur des merveilles de la Chine

LA CHINE FACE AU MONDE# 1/6Après l’onde de choc mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19, « Le Figaro » explore les relations complexes dans l’histoire entre la Chine, fascinante

et source de fantasmes, et l’Occident. Du voyage de Marco Polo à la cour du Grand Khan jusqu’à la rencontre entre Mao et Nixon, en passant par la guerre de l’opium.

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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CHAMPS LIBRES 17OPINIONS

A vec son plan de relance, la France joue sa dernièrechance pour éviter son déclassement parmi les pays du sud de l’Europe et sa transformation

en pays « démergent », enfermé dans la décroissance et la paupérisation. Outre un terrible bilan sanitaire avec plus de 30 000 morts, elle connaît en effet la pire crise économique et sociale du monde développé, caractérisée par une récession de 12 % du PIB, une hausse du chômage autour de 12 % des actifs, une envolée de la dette publique au-delà de 120 % du PIB en 2020. Par ailleurs, compte tenu de l’état des finances publiques, c’est la dernière fois que la France peut emprunter plusieurs centaines de milliards d’euros pour tenter de reconstruire une économie compétitive et écologiquement soutenable.

Or les expériences des dernières décennies ne laissent pas d’inquiéter. En 1975 puis en 1981, la France, alors quatrième économie mondiale, réagit aux chocs pétroliers par des relances keynésiennes solitaires et ruineuses, qui amorcèrent quatre décennies de décrochage. Au début des années 1990 face à la récession, comme en 2008 face au krach du capitalisme mondialisé, elle choisit de soutenir la consommation par la hausse des dépenses sociales, avant de recourir en 1995 et en 2010-2012 à des chocs fiscaux calamiteux qui la coupèrent des reprises mondiales.

Chaque récession, chaque choc a ainsi vu notre économie descendre une marche supplémentaire à travers la baisse de la croissance potentielle et des gains de productivité, l’accélération de la désindustrialisation, l’installation d’un chômage permanent, la hausse des dépenses et de la dette publiques.

Deuxièmement, seuls 40 des 100 mil-liards sont affectés à la production et à l’industrie, qui ne compenseront pas les pertes enregistrées par les entreprises en 2020 (la baisse de 290 milliards d’euros du PIB est supportée à hauteur de 200 mil-liards par le déficit budgétaire, 20 milliards par les ménages et 70 milliards par les entreprises). Troisièmement, en lieu et place d’une profonde réforme de l’État, de sa décentralisation et du réinvestissement massif dans les fonctions régaliennes, il est prévu de poursuivre les créations de postes dans la fonction publique en les affectant aux services territoriaux - et ce alors que certains d’entre eux comme les ARS ou les rectorats ont fait la preuve de leur faillite. Quatrièmement, enfin, rien n’est dit sur le financement de ces dépenses nouvelles, en dehors du principe du cantonnement de la dette Covid qui se réduit au maquillage des comptes publics, à l’égal de la Grèce et de l’Italie.

Dépenser n’est pas relancer. La Franceest en passe de saupoudrer et de dilapider 100 milliards d’euros pour rien, faute de stratégie et de courage politique. Et cet alors que son appareil de production est exsangue et que sa reconstruction, vitale pour le redressement du pays, passe par la mobilisation de l’effort national en attendant les fonds européens dont le versement n’interviendra pas avant 2022. Le contraste est total avec l’Allemagne qui tire toutes les conséquences de la reconfiguration de la mondialisation en blocs régionaux pour réassurer le grand marché tout en assurant sa domination,à travers un plan de 1 300 milliards d’euros au service de l’investissement, de l’innovation, de la conversion numérique et écologique de son industrie, à commencer par l’automobile. Le bon sens et la raison sont plus que jamais à Berlin ; la stagnation, le chômage et les dettes à Paris.

Dépenser n’est pas relancer

En finir avec l’ensauvagement du monde

Une cathédrale en flamme,une gendarme assassinée,un chauffeur de busmassacré, un pompierblessé par arme à feu, des tirs d’armes

automatiques à Dijon, autant de symptômes d’une même maladie : l’ensauvagement du monde. Il faut bien évidemment demeurer prudent tant que l’enquête pour « incendie volontaire » n’a pas livré ses conclusions, mais il est suffisamment de signes pour éprouver combien le mépris de la loi et de l’ordre est la marque des temps. L’apothéose a sans doute été atteinte lorsque l’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner a assisté sans réagir à la manifestation pour Adama Traoré, en plein état d’urgence sanitaire, au motif que « l’émotion mondiale qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques ».

Tout cela prospère sur une lecture idéologique du monde qui pense que l’homme est né bon et que c’est la société qui le corrompt, pour des raisons socio-économiques ou par le poids d’héritages oppressifs. L’idéologie - « ce qui pense à votre place », pour reprendre le mot de Jean-François Revel dans la Connaissance inutile - oublie que, réduit à l’état de nature, « l’homme est un loup pour l’homme » et que comme chacun devrait le savoir depuis Hobbes, la première justification de l’État qui détient le monopole de la violence légale est d’assurer la sécurité. C’est l’honneur de la culture et de la civilisation d’élever suffisamment l’individu pour que dans l’intérêt du bien commun et de la paix civile, il fasse sienne la phrase de Camus : « Un homme, ça s’empêche. »

Retrouver ce sens du commun pour faire face à l’ennemi intérieur, celui qui déchire le tissu social par la multiplication des actes de délinquance, suppose un quadruple réarmement moral, intellectuel, policier et judiciaire.

JEAN-LOUIS THIÉRIOTS’il faut rester prudent tant que l’enquête n’a pas livré ses conclu-sions, le député LR de Seine-et-Marne, essayiste et historien*, voit dans l’incendie probablement volontaire de la cathédrale de Nantes un nouveau symptôme de l’ensauvagement de la société française. Jean-Louis Thiériot analyse les causes profondes du désordre des temps. Selon lui, lié au laxisme de la justice et à la perte d’autorité de l’État, mais aussi à une lente dérive idéologique.

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“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais

Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement.Origine du papier : France. Taux de fibres recyclées : 100%. Ce journalest imprimé sur un papier UPM porteur de l’Ecolabel européensous le numéro FI/37/01. Eutrophisation : Ptot 0.009 kg/tonne de papier.

Ce journal se compose de :Édition nationale 1er cahier 18 pagesCahier 2 Économie6 pages

sanctions inadaptées, classement sans suite faute de temps, parfois préjugés idéologiques encore sous l’influence de la harangue de Baudot - du nom de ce juge d’instruction qui en 1974 avait lancé « Soyez partiaux (…) ayez un préjugé favorable (…) pour le voleur contre la police »-, la justice est l’homme malade de notre sécurité collective. Il lui faut davantage de moyens - la France ne dépense que 72 euros par habitants pour son système judiciaire contre 146 en Allemagne. Il lui faut d’urgence les 15 000 places de prisons promises par le président Macron et dont pas une n’est sortie de terre. Enfin, pourquoi ne pas envisager une publication anonymisée des sanctions prononcées sur la base des transmissions au parquet par les forces de l’ordre afin que chaque Français puisse se faire une idée de l’efficacité réelle de la chaîne pénale ?

Ce réarmement s’impose d’autant plus que l’ensauvagement n’est pas une fatalité. C’est largement une maladie française. Les autres pays européens font beaucoup mieux. Les statistiques Eurostat - peu suspectes de manipulation - sont cruelles pour notre pays. Homicides : France, 1,3 pour 100 000 habitants ; Allemagne, 0,8 ; Italie 0,6. Agressions : France, 363 ; Allemagne, 170 ; Italie, 105. Cambriolages : France, 2 069 ; Allemagne, 1 570 ; Italie, 1 867.

Le nouveau gouvernement sera jugé sur sa capacité à rétablir l’ordre. Nul ne peut prétendre que ce sera facile et rapide. On part de si loin. Mais c’est une ardente nécessité, car le désordre crée avant tout l’injustice. C’est la loi du plus fort, du plus malin, du caïd, du mafieux, du clan. Le contraire de notre pacte civique où la vocation de la loi est de protéger le faible, le fragile, le vulnérable, raison d’être de tout ce qui fonde une civilisation digne de ce nom !*Dernier livre paru : « De Gaulle, le dernier réformateur » (Tallandier, 2018).

Moral d’abord : la responsabilité est le corollaire de la liberté. Toute parole publique devrait le marteler. Chacun est responsable de ses actes et de leurs conséquences. C’est un devoir qu’on se doit à soi-même et qu’on doit aux autres. Toute société - dans société, il y a « socius », allié - devrait avoir pour devise l’exigence de Saint-Exupéry dans Pilote de guerre : « Chacun est seul responsable ; chacun est responsable de tous ; chacun est seul responsable de tous. » L’oublier, ce serait faire offense

à tous les jeunes des banlieues, des périphéries des campagnes, - et ils sont nombreux - qui malgré des conditions difficiles évitent les chemins tortueux de la délinquance et prennent toute leur part à l’édification de la famille France.

Intellectuel : notre pays vit sous le poids de querelles importées d’hier et d’ailleurs. Avec la complicité de certains médias et de politiques qui en font leur miel, les mouvances décolonialistes, indigénistes, communautaristes ne cessent de jeter du sel sur des blessures qui ne demandent qu’à se refermer. Il faut rappeler à temps et à contretemps que les États-Unis ne sont pas la France. Nous n’avons jamais connu la ségrégationraciale qui a existé aux USA jusqu’en 1964. À la même époque la France avait fait de René Marran un prix Goncourt et de Félix Éboué un compagnon de la Libération… Quand à la plus longue histoire, chaque civilisation charrie son lot d’horreur et de clarté. La grande civilisation musulmane a colonisé en un peu plus d’un siècle le Maghreb, l’Asiemineur et l’Espagne jusqu’aux Asturies, sans parler des raids dans l’ensemble

du monde méditerranéen. Les grands empires africains, l’empire Songhaï ou l’empire du Mali n’ont été édifiés que par droit de conquête. Le commerce triangulaire n’a été possible qu’avec la complicité des royaumes africains. En 1930, Henry de Monfreid était encore le témoin de marchés aux esclaves dans la Corne de l’Afrique. Et si l’Occident n’a pas inventé l’esclavage, il en a inventé l’abolition. Bref, il n’est pas de civilisations innocentes. Si tous sont coupables, nul ne l’est. Par la

connaissance del’histoire, cessons denous renvoyer les péchés d’hier,d’opposer lesmassacres d’Otrante àceux de Sétif. Passons àautre chose : l’avenir à

édifier ! Et veillons à ce que l’université et, par voie de capillarité, l’enseignement secondaire ne sèment pas dans les esprits les germes d’une discorde éternelle. L’ADN de la France, c’est l’universel, pas la juxtaposition de communautés dissociées.

Policier : nos forces de l’ordre ont besoin de moyens et d’effectifs. On en est encore loin. Elles doivent être respectées. Si les dérives individuelles - elles existent - méritent d’être impitoyablement sanctionnées, le soutien sans faille du pays doit leur être acquis. De ce point de vue, l’idée de les équiper toutes entières de caméras-piétons est une excellente idée. Outil d’autocontrôle et de preuve, elles permettront de mettre un terme à la récurrente querelle outrage-rébellion et de rendre justice à ceux qui exercent, pour le bien de tous, leur mission régalienne.

Judiciaires enfin : c’est sans doute là où nous pêchons le plus. Chaque policier,chaque gendarme porte comme une blessure les nombreuses affaires non traitées. Décisions trop lentes,

« Il faut rappeler à temps et à contretemps que les États-Unis ne sont pas la France. Nous n’avons

jamais connu la ségrégation raciale qui a existé aux USA jusqu’en 1964»

Si les présidents et les majorités ont varié, les erreurs sont restées les mêmes : la préférence pour la relance par la consommation, réputée plus rapide mais en réalité plus favorable au service des clientèles électorales ; le déni de la compétitivité, de l’investissement et de l’innovation ; l’expansion continue de l’État-providence qui amortit les crises mais ralentit leur sortie et interdit la modernisation de l’appareil de production ;

la concentration des efforts sur le secteur privé pour mieux sanctuariser les surcoûts et l’inefficacité de l’État.

Notre pays n’a plus le droit à l’erreur. La situation est en effet critique. Notre économie subit non seulement la récession la plus sévère, mais sa reprise est fragile et hémiplégique. À l’inverse de la Chine, qui a renoué avec une croissance de 3,2 % au second trimestre grâce au retour à la normale de la production, l’activité reste en France inférieure de 10 % à son niveau d’avant-crise. La raison est à chercher dans l’effondrement de l’investissement - en chute de 40 % - et des exportations, alors que la consommation s’est redressée à hauteur de 97 %. L’industrie, sinistrée, fonctionne à 70 % de ses capacités. Faute d’offre nationale, le déficit commercial explose, atteignant 7,1 milliards d’euros en mai après 5,1 milliards en avril et 3 milliards en mars, le déficit hors énergie culminant à 6,3 milliards tandis que les exportations stagnent.

Or force est de constater que le plan de relance annoncé par le président de la République et détaillé par le premier ministre s’inscrit dans la continuité des échecs passés, en privilégiant la redistribution sur la production, la protection sur l’innovation. Point positif, les hausses d’impôts qui réaliseraient instantanément l’euthanasie de la reprise ont été pour l’heure exclues. Mais l’avalanche des dépenses est très loin

de dessiner unestratégie cohérente de redressement.

Sous la revendicationdu bon sens pointe la constance des fausses orientations.Premièrement, la priorité reste donnéenon pas à la

modernisation de l’appareil de production mais à l’achat de la paix sociale par l’embal-lement de la machine à redistribuer : revalorisation de 100 euros de l’allocation de rentrée scolaire et repas à un euro pour les étudiants boursiers, alors qu’il faudrait investir dans l’éducation et l’enseignement supérieur dont la dégradation se poursuit ; création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour la dépendance alors que le déficit du système de retraites atteindra 30 milliards d’euros à la fin de 2020 ; programmation de 6 milliards d’investissements dans la santé, en plus des 8,1 milliards de la conférence de « Ségur » et des 13 milliards de reprise de la dette, le tout centré sur l’hôpital et sur les rémunérations, sans réforme de l’organisation sanitaire, sans effort sur le numérique, sans amélioration de l’accès aux soins et de leur qualité ; transition écologique axée autour de la rénovation thermique des bâtiments qui se réduit à une aide supplémentaire aux ménages.

« Les hausses d’impôts qui réaliseraientinstantanément l’euthanasie de la reprise ont été pour l’heure

exclues. Mais l’avalanche des dépenses est très loin de dessiner une stratégie cohérente de redressement»

CHRONIQUENicolas Baverez£@NicolasBaverez

CHRONIQUENicolas Baverez£@NicolasBaverez

» Lire aussi PAGES 2 À 5+« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge �atteur » Beaumarchais

Page 18: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

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CLAIRE CONRUYT [email protected]

LITTÉRATURE Il n’aimait rien tant que fumer le cigare en discutant des nuits entières avec son grand ami Tolkien dont il partageait le même amour des contes et des mythes, et la même fascination pour le récit biblique et les mystères de la foi. C’est d’ailleurs à l’auteur du Sei-gneur des anneaux que cet agnosti-que devait d’être devenu chrétien. Professeur de littérature du Moyen Âge et de la Renaissance à l’univer-sité d’Oxford puis à Cambridge, C.S.Lewis était un critique brillant, un homme romantique et infiniment sensible. Il aimait se promener et s’émouvoir de la vitalité du monde. Tant de beauté, il le sentait, cache quelque chose de merveilleux. « Voir un univers dans un grain de sable, et un paradis dans une fleur sauvage. Tenir l’infini dans la paume de la main, et l’éternité dans une heu-re », écrivait William Blake…

Ce merveilleux, il adorait l’ima-giner. De son enfance, marquée par la mort de sa mère en 1908 alors qu’il n’a que dix ans, C.S. Lewis retint l’évasion dans des royaumes féeriques peuplés d’ani-maux habillés. En 1950 fut publié lepremier tome de Narnia, l’histoire de quatre enfants qui, en pénétrantdans une armoire, découvrent une contrée merveilleuse et glacée, prisonnière de la Sorcière blanche. Ainsi naquit la saga qui fit de C.S. Lewis l’un des auteurs de la littéra-ture imaginaire les plus importants du XXe siècle.

« Certains semblent penser, ra-conte-t-il, que j’ai commencé par me demander comment je pourrais dire quelque chose du christianisme aux enfants, puis choisi la forme du conte de fées (…) Balivernes que tout cela ! Je serais incapable d’écrire de cette façon. Tout a commencé par des images. » Et parmi elles, il y en eut une qui s’imposa dès ses 16 ans. Celle d’un faune, droit, au beau milieu d’un bois enneigé, un pa-quet et un parapluie entre les mains. Celui que rencontre le per-sonnage de la petite Lucy alors qu’elle pénètre pour la première dans le royaume enneigé.

Une capacité d’émerveillementL’auteur de cet article espéra long-temps apercevoir la silhouette du faune une fois la porte de son ar-moire entrouverte. Elle dut se contenter de le rencontrer en reli-sant Le Monde de Narnia. Un aveu dont C.S. Lewis se serait sans douteréjoui : « Quand j’avais 10 ans, je li-sais des contes de fées en secret et aurais eu honte d’être découvert en train de les lire. Maintenant que j’en ai 50, je les lis ouvertement. Quand je suis devenu un homme, j’ai laissé derrière moi tout ce qui était de l’en-fant, y compris la peur d’être puéril et le désir d’être adulte à tout prix. »

S’il est une chose que Narnia ré-clame de son lecteur, c’est sa capa-cité d’émerveillement. Car cette contrée féerique où vivent les dryades, les nains, les sorcières, lescentaures et aussi le Père Noël, est loin d’être un simple décor. « Elle est même le personnage principal de l’histoire, précise Irène Fernandez, auteur d’un remarquable essai, C.S. Lewis - Mythe, raison ardente (Ad Solem). C’est un pays édénique

Narnia : voyage au bord de l’infini

de mers dangereuses, d’îles où les rêves deviennent réalité et de fo-rêts où dansent Bacchus et des jeu-nes filles sauvages. D’abord adap-tée pour la télévision par la BBC à la fin des années 1980, la saga fut ensuite portée au grand écran en 2005 (Le Lion, la Sorcière blanche etl’Armoire magique) générant 745 millions de dollars et en 2008 (Le Prince Caspian, 419 millions de dollars) par Disney, puis, en 2010 par 20th Century Fox (L’Odyssée du Passeur d’aurore, 415 millions de dollars).

Adaptation sur NetflixEn 2018, la plateforme de strea-ming Netflix annonçait récupérerles droits d’adaptation. « Les fa-milles sont tombées amoureuses depersonnages comme Aslan et le res-te du monde de Narnia, et noussommes ravis d’être leur foyer pourles années à venir », avait alorscommenté Ted Sarandos, respon-

Le lion Aslan, personnage central de la saga de C. S. Lewis, guide les enfants Pavensie dans Le Monde de Narnia.20TH CENTURY FOX ENTERTAINMENT/ THE KOBAL COLLECTION/ AURIMAGES

VOYAGES IMAGINAIRES # 1/6Artistes et écrivains ont repoussé les frontières du monde en inventant de nouveaux royaumes. Et composé une géographie devenue aujourd’hui familière.

RETROUVEZ MARDILes échappées belles du Douanier Rousseau

Ci-dessus, Tilda Swinton et Skandar Keynes interprètent respectivement Jadis, la sorcière blanche, et le jeune Edmund Pavensie, dans le premier épisode du Monde de Narnia, adapté au cinéma en 2005.À gauche, l’armoire magique, la porte d’entrée du Monde de Narnia.RONALD GRANT/MEPL/BRIDGEMAN IMAGES/LEEMAGE, EVERETT/ BRIDGEMAN IMAGES

où la rupture entre les êtres vivants n’existe pas. » On y découvre une nature intacte que la conquête in-dustrielle n’a pas défigurée ; cette terre n’a pas vocation à être possé-dée. « L’homme est responsable de Narnia, il doit y régner sans être un tyran », précise Irène Fernandez. Créature parmi les créatures, l’homme est appelé à communier avec la nature. Il parle avec les ani-maux, perçoit la danse des arbres, écoute la magie d’un pays qui vi-bre, plein de mystère, et trouve sa place dans l’ordre du monde.

Narnia nous ravit car la féeriequi y triomphe nous fait redécou-vrir la force d’une montagne, l’éclat d’un océan et les couleurs d’un brin d’herbe. « L’expérience imaginaire peut provo-quer ce que Lewis appel-le la joie, à savoir une expérience du désir de

connaître la réalité des choses qui nous entourent », analyse Irène Fernandez. Le récit merveilleux peut réenchanter le monde, en saisir le pouls et peut-être même, nous aider à y deviner la présence d’un créateur. À Narnia, la Provi-dence a un nom : Aslan.

Une manière de parler du désir du divin Ce superbe lion, à la fois tendre et terrifiant, proche et inaccessible, reflète le formidable paradoxe et l’étrangeté mystérieuse de la trans-cendance. En cela, Aslan est bien plus qu’une simple allégorie. « Je ne me suis pas dit : Aslan va représenter le Christ. Je me suis dit : supposons qu’un monde comme Narnia existe, et supposons qu’il ait besoin de ré-

demption comme le nôtre », écrit Lewis dans l’une de ses lettres. Comme le démontre le théologien Rowan Williams : « Lewis tente de faire comprendre au lecteur ce que cela ferait de rencontrer et de croire en Dieu » (The Lion’s World, a Jour-ney into the Heart of Narnia). Cela donne des scènes sublimes : « Je n’aicessé d’errer à sa recherche et mon bonheur est si grand qu’en fait, il m’affaiblit comme une blessure », déclare Emeth, se remémorant sa rencontre avec le lion (La Dernière Bataille, tome VII). « Et la merveille des merveilles, c’est qu’il m’a appelé “bien-aimé”, moi qui ne suis qu’un chien. »

Au contact d’Aslan, les héros dece conte s’éveillent, tremblent d’amour devant un guide qui, à mesure de leur périple, révèle la li-berté qu’a chacun de choisir entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Le désir d’Aslan est une manière de parler du désir du divin dont nous avons l’intuition mais qu’il faut symboliser pour en apercevoirl’éclat. Le personnage de Reepi-cheep incarne bien cette soif spiri-tuelle : cette souris qui, pleine d’espérance, accepte de voguer

par-delà une mer de né-nuphars pour rejoindrele « pays d’Aslan ». Uncéleste séjour insaisissa-ble à nos yeux… à moinsde l’imaginer. Et surtout,d’y croire. Car la vision decet insaisissable dépenddu consentement qu’on luidonne. Il faut un acte defoi. Lucy, benjamine desenfants Pevensie, est laseule à reconnaître Aslanpar une nuit de pleine lune,au grand dam de son frèreaîné. Le ciel est accessible àceux qui le convoitent. Lerécit merveilleux peut nousy emmener brièvementmais, hélas, le divin finit tou-jours par se dérober.

Dans l’ultime tome, nos hérosaccèdent à un paradis dont la beauté est à peine exprimable. « On continuait à monter, de plus en plus haut jusqu’à ce qu’on ait l’im-pression d’être en train d’escalader la lumière elle-même… » raconte le narrateur. Avant de faire cet aveu : « Les choses qui commencèrent à arriver ensuite furent si grandes et si belles que je suis incapable de les décrire. » Le voyage touche à sa fin et nous, lecteurs, avons assisté au miracle de la poésie : nous avons avancé « au bord de l’infini » (Vic-tor Hugo). ■

sable du contenu chez Netflix.Dans un communiqué, le beau-filsde C.S. Lewis, Douglas H. Gres-ham, s’est réjoui que les « avan-cées technologiques en matière deproduction et de distribution per-mettent de donner vie aux aventu-res de Narnia ».

Le Monde de Narnia a connu unsuccès immédiat auprès du jeunepublic qui ne manqua pas d’écrireà son créateur. Des lettres aux-quelles le professeur de littératuredu Moyen Âge et de la Renaissanceà l’université d’Oxford puis àCambridge prit soin de répondreet que nous pouvons savourer grâ-ce à la maison d’édition Pierre Té-qui qui les a rassemblées (Lettresdu pays de Narnia : C.S. Lewis écritaux enfants). Près de soixante-dixans plus tard, Narnia suscite tou-jours autant d’intérêt.■

C. S. Lewis a imaginé un pays édénique caché dans une armoire. La première histoire d’une saga fabuleuse où les forces du mal luttent contre ceux qui servent le lion Aslan.

Un succès transgénérationnel

Vendue à 100 millionsd’exemplaires dans le mon-de et traduite en 47 langues,la saga du Monde de Narnia abercé l’imagination de mil-liers de petits rêveurs. Mal-gré tout le mal qu’en pensaTolkien, grand ami de C.S.Lewis, ses récits sont deve-nus un classique de la litté-rature de l’imaginaire. Quis’en étonnerait ? Ces his-toires ont tout pour plaire :Narnia est un monde oùles héros sont des enfantsdont le jeune âge n’empê-che pas de porter uneépée ou de brandir unarc, et de livrer bataille àune redoutable sorcière.Un monde où un garçonpeut être roi et une fille,reine. Un monde dechevaux volants, denains, de géants, defaunes, de châteaux et

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lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO - N° 23 615 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

Pas de démonstration en vol, pas de première mondiale pour dévoiler un nouvel avion, pas d’annonces de contrats mirobolants…Farnborough, au sud-ouest

de Londres, restera figé dans le silence cette semaine. Tandis que son jumeau digital tentera de faire oublier l’annulation, le 20 mars dernier, du salon aéronautique qui réunit, en alternance avec le rendez-vous parisien du Bourget, le gotha mondial de l’aéronautique. Rebaptisé FIA Connect 2020, le salon ouvre ce lundi (20-24 juillet) sous forme de webinars et autres visioconférences. Premier grand salon aéronautique du « monde d’après », il montre une industrie mise à genoux par les conséquences de la crise du Covid-19. En juin, Boeing a signé une seule commande et livré 10 avions… militaires.

Au compteur d’Airbus, aucun contrat en juin, pour le deuxième mois consécutif, et 36 livraisons. Aucune chance que l’édition 2020 ne brille avec des contrats records comme celle de 2018 et ses 192 milliards de dollars de commandes ! Après vingt ans de croissance, Airbus et Boeing ont vu

leur activité s’effondrer dansle sillage de la chute du traficaérien, au printemps dernier.La reprise cet été est timide et limitée. Pris à revers alorsqu’ils étaient engagés dansdes hausses de cadence,Airbus et Boeing se sontadaptés en urgence. À euxdeux, ils ont annoncé 31 000suppressions d’emplois et des baisses de production. La crise est partie pour durer entre trois et cinq ans.L’aéronautique se prépare à un marché différent oùl’exigence écologique primera.L’environnement est d’ailleursun des sujets centraux deswebinars organisés cettesemaine à Farnborough. ■ VÉRONIQUE GUILLERMARD

BOISSONSL’APPEL À L’AIDE DE LA FILIÈRE CIDRE PAGE 23

économie

lefigaro.fr/economie

La crise du Covid complique singuliè-rement les mariages prévus et négo-ciés avant la pandémie. C’est le cas du leader mondial de l’optique Essi-lorLuxottica, qui a annoncé samedi avoir saisi un tribunal de Rotterdam pour connaître l’impact de la crise sur le distributeur d’optique néerlandais GrandVision, qu’il souhaite racheter. Malgré plusieurs demandes, « GrandVision n’a pas apporté (…) de façon volontaire » les informations qu’EssilorLuxottica lui demandait sur « la marche de ses affaires pendant la crise du Covid-19 », a indiqué Essi-lorLuxottica. Cette situation « ne laisse d’autre option que celle d’en-gager des poursuites judiciaires », a expliqué le groupe franco-italien.Tout remonte à juillet 2019, quand EssilorLuxottica a annoncé son in-tention d’acquérir les 76,72 % de par-ticipation de HAL Holding N.V. dans le capital de GrandVision à un prix par action de 28 euros, valorisant la so-ciété néerlandaise à 7,1 milliards d’euros. La Commission européenne a ouvert en février une enquête approfondie sur cette opération géante, s’inquié-tant des conséquences sur le marché de la fourniture en gros de verres ophtalmiques et d’articles de lunette-rie. EssilorLuxottica est lui-même issu d’une tumultueuse fusion conclue en octobre 2018 entre le français Essilor, leader mondial des verres ophtalmiques, et l’italien Luxottica, numéro un des montures de marques prestigieuses comme Prada, Chanel et Ray-Ban.Avec cette nouvelle opération, Es-silorLuxottica, qui possède déjà9 100 magasins de détail dans lemonde, pourrait mettre la main surplus de 7 000 magasins supplémen-taires dans plus de quarante paysen Europe, en Amérique et en Asie.EssilorLuxotticca est le « premierfournisseur mondial d’articles de lu-netterie, et GrandVision la plusgrande chaîne européenne de venteau détail d’articles optiques », avaitrappelé Margrethe Vestager, lacommissaire à la Concurrence, lorsde l’ouverture de l’enquête appro-fondie de la Commission.

> FOCUS

ESSILOR LUXOTTICA DEMANDE DES COMPTES À GRANDVISION

FRANCE TÉLÉHUIT CANDIDATS AU « PIRE JOB DES MÉDIAS » PAGE 24

Le coût du soutien aux renouvelables augmente C’est un nouvel effet secondaire duconfinement : la facture publiquedes énergies renouvelables aug-mentera en 2021. Le montant des « charges de servicepublic de l’énergie » (CSPE) qui per-mettent notamment de soutenir lesénergies renouvelables, s’élèvera à9,13 milliards d’euros l’an pro-chain, estime la Commission de ré-gulation de l’énergie (CRE), le gen-darme français de l’énergie, soit12 % de plus qu’en 2019. Les« charges de service public de

l’énergie » servent à couvrir lesmissions de service public assuréesessentiellement par l’opérateurhistorique EDF, dont celles liées aurachat à un prix bonifié de l’élec-tricité d’origine renouvelable. Ellesse répartissent entre des soutiensaux énergies renouvelables (32 %pour le solaire et 19 % pour l’éo-lien), au biométhane et, de façonplus générale, à la distribution del’électricité renouvelable.La hausse de près d’un milliardd’euros en 2021 annoncée vendredi

est due à plusieurs facteurs. Parmiceux-ci, le bon niveau de produc-tion éolienne, le « développementcontinu du parc de production d’élec-tricité à partir d’énergies renouvela-bles en métropole continentale (+9TWh) » et la croissance « des ins-tallations injectant du biométhane ». Mais l’augmentation des chargesest également liée à l’évolution desprix de l’électricité. Elle « résultetrès majoritairement de la baisse im-portante des prix de marché par rap-port aux prix attendus lors de l’éva-

luation de la prévision (- 18,50 €/MWh) en raison notamment de l’étatd’urgence sanitaire », explique laCRE. Les éoliennes et les panneauxsolaires ont un accès prioritaire auréseau de distribution et ils ont lar-gement produit durant la périodede confinement, alors que la de-mande d’électricité et les prix s’ef-fondraient, ces derniers devenantmême parfois négatifs. Or les éner-gies renouvelables bénéficient d’untarif de rachat de l’électricité ga-ranti par l’État. A. BOH.

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Tourisme : la crise de trop pour l’Europe du Sud

L’effondrement du tourisme est une catastrophe industriellepour l’Europe, et plus particulièrement pour les pays du Sud, dont les économies fragiles ont le plus souffert de la pandémie.dont les économies fragiles ont le plus souffert de la pandémie.PAGES 20 ET 21

DÉLAIS DE PAIEMENTLes grands groupes ont joué le jeu pendant la crisePAGE 21

ÉTATS-UNISLes profits des banques américaines amputés par 33 milliards de provisionsPAGE 22

UKRAINELa France investit dans l’eau potable du DonbassPAGE 22

FINANCEDe plus en plus de Français changent de banquePAGE 23

le PLUS du FIGARO ÉCO

L'HISTOIRE

Triste meeting digital pour le salon aéronautique de Farnborough

La bataille fait rage entre les groupes hôteliers qui veulent être couverts pour leur manqueà gagner lié au Covid-19, et les assureurs qui plaident que la pandémie était un risque systé-mique donc non assurable. Après Axa, contraint de conclure fin juin un accord avec plusieurs centaines de restaurateurs pour indemniser une partie substantielle de leurspertes d’exploitation, puis le Crédit mutuel attaqué par un restaurateur d’Annecy, c’est au tour de l’assureur Albingia d’être condamné en justice.Le tribunal de commerce deNanterre, saisi en référé parcinq hôtels, a contraint Al-bingia - compagnie françaiseindépendante spécialiste durisque d’entreprise - à leurverser 450 000 euros de pro-visions pour couvrir deuxmois de pertes d’exploitationliées à l’épidémie. Il ne s’agitque d’une première évalua-tion, dans l’attente d’une ex-pertise détaillée.

Cinq établissements de lamarque Originals Hotels, gé-rés par HHP Hôtels en régionparisienne, avaient assignéleur assureur en référé le9 juillet, après lui avoiradressé une déclaration desinistre, à la suite de leur fer-meture le 15 mars. Le tribu-nal a estimé que les « pertesd’exploitations subies par lessociétés hôtelières (étaient)couvertes par les polices d’as-surances souscrites auprèsd’Albingia. »L’assureur a aussitôt annoncéqu’il interjetait appel de cettedécision, faisant valoir une« divergence d’interprétationdu contrat ». Mais pour le tri-bunal, une clause intitulée« fermeture temporaire admi-nistrative » est rédigée en des« termes (qui) sont clairs et nesont sujet à aucune interpréta-tion ». Pour le directeur gé-néral délégué d’HHP Hôtels,Stéphane Flambert, cette dé-cision constitue « une pre-mière manche ». M.-C.R.

L’assureur Albingia va devoir indemniser un client hôtelier

Page 20: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A

20 L'ÉVÉNEMENT

Pays-Bas

Allemagne

Portugal France

Suède

Islande

Royaume-Uni

Italie

Grèce

Espagne

Pologne

Irlande

InfographieSource : World Travel and Tourism Council

Le tourisme moteur de l'économiedans plusieurs pays européensPART DE L'INDUSTRIE DU TOURISMEDANS LE PIB EN % EN 2019

supérieur à 20 %

25 %

21 %

18 %

14 %

13 %

9 %

9 %

9 %

8 %

6 %5 %

4 %

Croatie

de 10 à 19,9 %de 6 à 9,9 %moins de 6 %

FLORENTIN COLLOMP £@fcollomp

TOURISME On ne les appelle pas par hasard les « pays du Club Med », même si c’est avec un peu de mépris pour de supposées « ci-gales » à l’économie dispendieuse. L’Europe du Sud, du Portugal à la Grèce, en passant par l’Espagne ou l’Italie, avec la France au milieu, se retrouve au cœur de la tourmente touristique cet été, après la défer-lante de la pandémie. Des frontiè-res encore fermées à l’essentiel du reste du monde, les restrictions auxvoyages ou la frilosité des estivants menacent un secteur clé pour toute une partie de l’Europe. Une catas-trophe industrielle se profile.

La France, l’Espagne et l’Italieen particulier seront les trois paysles plus affectés par la récession,avec des reculs d’au moins 10 %de leur PIB sur l’année.

L’Europe représente la moitiédu marché touristique mondial.Le secteur contribue à 10 % enmoyenne de son PIB. C’est 9 %pour la France, 13 % pour l’Italie,14 % pour l’Espagne, 21 % pourla Grèce et jusqu’à 25 % pour laCroatie. Son essor avait joué unrôle significatif dans le redresse-ment économique de certains deces pays fragilisés après la crisede 2008. Le coronavirus va stop-per net ce développement. Ilpourrait coûter plusieurs centai-nes de milliards d’euros de recet-tes et la moitié des 37 millionsd’emplois qui en vivent en Euro-pe, selon l’Organisation mondia-le du tourisme.

Les flux touristiques internatio-naux devraient s’effondrer de39 % sur l’année, soit 287 millionsde visiteurs en moins, selon Tou-rism Economics. Une manne qui,d’ordinaire, représente plus de la

moitié des recettes touristiques del’Espagne, de la Grèce, de la Croa-tie ou du Portugal. À l’inverse,cette absence peut en partie êtrecompensée par un nombre nonnégligeable de touristes « locaux »en France, en Allemagne ou enItalie. Mais, en valeur, le manque àgagner ne sera pas rattrapé. Car« ceux provenant de pays plus loin-tains (notamment Chine, Japon,États-Unis) dépensent davantagepar jour et par personne que lestouristes d’autres origines géogra-phiques », souligne Jésus Castillo,économiste chez Natixis, auteurd’une étude sur le sujet.

Alerte rougeL’Union européenne a donc dé-clenché l’alerte rouge pour tenterde sauver in extremis sa saison es-tivale. Le commissaire au Marchéintérieur, Thierry Breton, invoquela nécessité d’un « plan Mars-hall » pour le tourisme européen.La levée des fermetures de fron-tières intérieures en juin, et pourquatorze pays extérieurs débutjuillet, vise à limiter les dégâts -s’il n’est pas déjà trop tard. LesÉtats-Unis continuent de figurersur la liste des pays bannis. Or lesAméricains représentaient 29 %des touristes extérieurs à l’Europe

Catastrophe industrielle pour le tourisme européenLa pandémie de Covid-19 menace la moitié des 37 millions d’emplois du secteur. Les économies du sud du continent sont frappées en première ligne.

VALÉRIE SEGOND £@ValSegondROME

Pour sa sécurité sanitaire, l’Italie a bloqué toute arrivée en provenance de treize pays, parmi lesquels le Brésil et le Chili, y compris pour ceux qui y auraient seulement tran-sité. Si elle a rouvert ses frontières aux autres pays hors espace Schen-gen, la quarantaine de 14 jours im-posée aux ressortissants de pays très touchés par le Covid-19, à com-mencer par les États-Unis et la Rus-sie, mais aussi ceux qui viennent de Chine par « mesure de réciprocité » se fait durement sentir. Les aéro-ports ont tous rouvert, mais les li-gnes aériennes sont loin d’avoir re-trouvé les fréquences d’avant-crise. Et, dans les villes d’art, Venise, Flo-rence, Rome, ou sur les destinations de prestige comme Capri, l’absence des étrangers saute aux yeux.

Une absence très critique dans unpays dont 13 % du PIB sont liés au tourisme. Et où, sur les 131 millions d’arrivées dans les structures d’hé-bergement en 2019, 65 millions ve-naient de l’étranger, et 37,5 millionsd’Europe, selon les chiffres de l’Agence nationale pour le tourisme (Enit). Dans le détail, 27,5 millions de visiteurs venaient de loin, dont 6,1 millions des États-Unis, 3,2 millions de Chine, 1,8 million de Russie, 1,1 million du Brésil, et autant du Japon. Ce qui fait de l’Ita-lie la première destination mondia-le pour le tourisme lointain, et la rend très vulnérable aux mesures prises dans le monde pour stopper la circulation du virus. D’autant que ces visiteurs forment les trois quartsdes clientèles des hôtels 4 et 5 étoi-les, avec une dépense par visiteur très supérieure à la moyenne. Aussi nombre de grands hôtels sont tou-

jours fermés, la plupart ayant déci-dé de ne pas rouvrir avant septem-bre, voire au printemps 2021 si les craintes d’une deuxième vague se maintenaient. Selon l’Enit, le 4 juillet, 62 % des chambres étaient encore disponibles pour le mois d’août, et 68 % à Venise.

Les plages du Sud bondées2020 s’annonce comme une année perdue. L’Enit, qui a analysé les flux de réservations, a calculé que le nombre total de touristes étrangers et italiens pourrait baisser de 44 % cette année par rapport à 2019, soit 51 millions de touristes, 165 millions de nuitées et 67 milliards d’euros de dépenses perdues. Près de 35 mil-lions d’étrangers vont manquer cet-te année. « Parmi les pays en concurrence pour ce tourisme en Mé-diterranée, l’Italie devrait moins souffrir que la Croatie (68 % d’étran-gers en moins) et la Grèce (-58 %), mais plus que l’Espagne (-50 %), et comme la Turquie », estime Giorgio Palmucci, le président de l’Enit. Il note toutefois quelques signaux de reprise depuis le début de l’été avec une très légère remontée des réser-vations de vols pour l’Italie.

Alors qu’un ménage italien surdeux a subi une forte baisse de re-venus cette année, le tourisme ita-lien devrait aussi chuter, avec 16 millions de vacanciers en moins, soit un recul de 31 %. Si beaucoup sont encore indécis sur leurs projets pour cet été, ceux qui ont décidé de prendre des vacances ont l’inten-tion d’explorer en premier lieu leur région, ou les régions voisines. Même si les Pouilles, la Sicile et la Toscane restent parmi les destina-tions favorites. Alors que les gran-des villes d’art sont vides, les plages du Sud, celles où se pressent les Ita-liens, sont déjà bondées. ■

ver, où, grâce aux conditions climati-ques, nous avons beaucoup moins de concurrence. » Sur l’île voisine de Grande Canarie, la fédération d’hô-tellerie FEHT estime que « si tous les hôtels avaient ouvert, le taux d’occu-pation n’arriverait pas à 10 % ».

Sur la péninsule, Benidorm, lastation balnéaire emblématique du tourisme de masse, met en avant la sécurité sanitaire, en s’appuyant notamment sur la technologie. Une petite moitié des 140 hôtels ont ouvert. Leurs taux d’occupation sont inférieurs aux chiffres habi-tuels, mais pas ridicules. Antonio Mayor de l’Association hôtelière Hosbec, estime que 85 % des cham-bres trouvent preneur de jeudi à di-manche, contre autour de 50 % en semaine. Le secteur parvient en moyenne à sauver 30 % de ce début de saison. « Mais cela va s’améliorer peu à peu, espère Antonio Mayor. Pour l’instant, le touriste espagnol estle roi. Les Britanniques, 40 % des vi-siteurs d’habitude, ont retardé leur voyage parce que l’épidémie est arri-vée plus tard. Ils peuvent encore ré-server d’ici mi-août. Si en fin de sai-son on arrive à faire 50 % des chiffres de 2019, ce ne sera déjà pas si mal. »

Chômage partielLa moindre affluence facilite en tout cas le respect des mesures barrières. Le quadrillage de la plage limite le nombre de places, mais toutes ne sontpas occupées. « Nous avons mis en place un site internet pour que les va-canciers réservent leur emplacement sur le sable avant de sortir de l’hôtel. Nous n’avons pas eu besoin de l’acti-ver, il y a pour le moment assez de pla-ces libres », témoigne Laura Garcia, de l’organisation Visit Benidorm, qui associe la mairie et les professionnels.

À la campagne, les choses vont unpeu mieux. Les gîtes ruraux et cham-bres d’hôtes des provinces de Burgos et de Valladolid, dans l’Espagne de l’intérieur, affichent par exemple un taux de remplissage de 65 %. Les grands espaces rassurent les vacan-ciers. Il est encore trop tôt pour voir qui survivra à un été pourri par la pandémie, jugent les acteurs du tou-risme. « Ceux qui ont fermé sont les établissements les plus petits et les moins modernes », note Antonio Mayor à Benidorm. Le gouverne-ment a débloqué 4,26 milliards d’euros d’aide au tourisme, dont 93 % sont des prêts garantis par l’État. Le secteur réclame la prolon-gation des dispositifs de chômage partiel au-delà de septembre. Une promesse que les Canaries ont déjà arrachée à la ministre du Tourisme. ■

Les hôtels espagnols espèrent encore sauver la saison estivale

ALEXIA KEFALAS £@AlexiaKefalasATHÈNES

Quand, le 13 juin , depuis l’île my-thique de Santorin, le premier mi-nistre, Kyriakos Mitsotakis, décla-rait : « Je ne cherche pas à ce que la Grèce devienne la destination numé-ro un en Europe, je cherche à ce qu’elle devienne la plus sûre », les professionnels du tourisme vou-laient y croire. D’autant que le sec-teur emploie un actif sur cinq dans le pays. L’optimisme a depuis cédé la place à la déprime.

À Kos, île du Dodécannèse, terred’Hippocrate, père de la médecine, cet été est étrangement calme. D’ordinaire, des milliers de touris-tes du monde entier s’y ruent, re-présentant souvent le double de sa population, jusqu’à 60 000 person-nes sur une saison. Ces dernières années, de grands complexes hôte-liers de luxe ont vu le jour; des vols directs depuis l’Europe du Nord se relayaient toutes les demi-heures etles bateaux de croisière se succé-daient à un rythme effréné. Mais la pandémie de Covid-19 a tout balayé d’un coup et les vols ont été suspen-dus. Cependant, depuis que les frontières sont ouvertes certains trajets directs sont proposés. Mais, àcause des mesures barrières, de nombreux hôtels ont préféré rester fermés. Valentini Troumouzi, ser-veuse dans un hôtel de Lambi, au nord de l’île, raconte: «Dès février, comme chaque année, les propriétai-res commençaient les travaux de ré-novation, un mois plus tard, tout s’est arrêté brutalement. Quand l’aéroport a rouvert, j’étais pleine d’espoir. Hélas, faute de réservation, l’hôtel n’ouvrira pas. »

Comme tous les employés sai-sonniers, Valentini perçoit une aide de 534 euros par mois. Insuffisant.

MATHIEU DE TAILLAC £@mdetaillacMADRID

Sauver les meubles. C’est l’expres-sion qui revient le plus souvent sur les lèvres des différents acteurs du tourisme en Espagne. Au pays où le secteur pèse 14 % du PIB, chacun essaie de trouver une raison de ne pas déclarer complètement perdu cet été 2020, dont les perspectives sont encore assombries par les déci-sions de reconfinement partiel pri-ses à Barcelone notamment.

Aux Canaries, par exemple, An-tonio Hormiga, de l’Association d’entreprises touristiques de Fuer-teventura (Asofuer), calcule que quelque 30 % des hôtels sont aujourd’hui ouverts sur l’île. Le chiffre est en progression, « à partir du 15 juillet de nouveaux ouvriront, peut être la moitié, et d’autres encore en août, mais ce ne sera évidemment pas un bon été. C’est l’occasion, sur l’archipel, de préparer la saison d’hi-

Cette année, le pays devra se contenter des touristes italiensIT

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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arrivés en 2019. Soit 4,4 millionsde visiteurs pour l’Italie, 5 mil-lions pour la France - et environ5 milliards d’euros de revenusévaporés pour chacune. Autourdu lac de Côme, les deux tiers destouristes habituels viennentd’Amérique. Paris, où tous les pa-laces restent fermés, prévoit unechute de 50 à 60 % de son chiffred’affaires cet été. L’Europe resteégalement close aux Brésiliens ouaux Russes, et s’ouvrira auxChinois sur la base de la réciproci-té. Au total, la France pourraitperdre 23 milliards d’euros de re-cettes, près d’un tiers de son ni-veau de 2018, selon Natixis. En re-vanche, « l’Espagne pourrait, si lestouristes européens répondent pré-sents, plus facilement maintenir sesrecettes », estime Jésus Castillo.

Ces données seront non seule-ment impactées par les restric-tions officielles, mais aussi par laperception du risque par lesvoyageurs. Ces derniers ont ten-dance à se reporter sur des héber-gements non collectifs (famille,camping-car, gîtes) et des desti-nations perçues plus sûres que lesautres, Portugal ou Danemark parexemple, plutôt que le nord del’Italie où a déferlé la pandémie enEurope cet hiver. ■

Catastrophe industrielle pour le tourisme européen

« Avec deux enfants, mon mari est aussi saisonnier au chômage, nous n’y arrivons pas. Entre les factures du mois et le remboursement de nos prêts, le budget nourriture s’ame-nuise. » Nombre de ses collègues sont dans le même cas, alors que la plupart des îles vivent à 92 % des ressources touristiques.

Tout est à l’arrêtDébut juillet, sur l’île de Rhodes, à quelques encablures de Kos, les mé-dias ont relayé le cas d’une petite fille de 9 ans, évanouie par la faim, parce que sa maman, employée dans le tourisme, n’avait plus d’emploi. « À grande pauvreté, grande dignité », s’inquiète Mgr Nathanael, l’archevê-que de Kos. « Beaucoup de nécessi-teux n’osent pas venir aux soupes po-pulaires. Nous essayons de les localiser, mais nous aussi, il nous faut de l’aide. L’église est restée fermée pendant deux mois, et avec les mesu-res barrières, les célébrations se font rares. Les dons également, et nous sommes à la recherche de fidèles géné-reux. » Il craint que les aides de l’État s’arrêtent cet hiver, laissant des mil-liers de personnes dans le besoin.

Maria aussi vit cette précarité.Guide sur l’île, elle enchaînait les vi-sites de groupes, du matin au soir, sur le sanctuaire d’Asclépion, et or-ganisait des parcours sur les traces d’Hippocrate. L’hiver, elle recevait des séminaires de médecins. Depuis trois mois, tout est à l’arrêt. « Nous n’avons que des annulations. Il n’y a aucune réservation pour cet hiver et même pour 2021 », déplore-t-elle. « J’aime tellement mon métier, je suis tellement habituée à parler à des cen-taines de personnes que je supplie ma famille pour leur organiser une visite guidée. » Elle ne peut même pas mi-ser sur le tourisme interne, car selon un récent sondage, près de 40 % des Grecs ne partiront pas en vacances. ■

MARIE-CÉCILE RENAULT £@Firenault

SANTÉ Avec la crise du Covid,les chambres se sont vidées àl’Hôpital américain de Neuilly,comme ailleurs mais sans doutedavantage en raison de la ferme-ture des frontières de l’espaceSchengen. Et pour cause : l’éta-blissement accueille en tempsnormal 30 % de patients interna-tionaux, représentant 40 % deses recettes. Conséquence : uneperte d’exploitation de 15 mil-lions d’euros. Cet établissementprivé non conventionné (c’est-à-dire avec dépassements d’ho-noraires, sauf pour la chimiothé-rapie, l’imagerie et la dialyse) adonc décidé de baisser ses prix« de manière significative jusqu’àla fin de l’année, soit une baisse de20 % », indique son directeurgénéral le Pr Robert Sigal afind’« accroître l’accessibilité », deconquérir une nouvelle patientè-le francilienne, et de casserl’image « d’hôpital des riches »,qui lui colle à la peau.

Une image qui tient au fait quel’établissement accueille stars dushow-biz, personnalités d’Afriquede l’Ouest et grosses fortunes duGolfe : les confortables chambresrefaites à neuf ressemblent à cellesd’un hôtel, plusieurs suites per-mettent même d’accueillir des ac-compagnants, et les repas sontconcoctés par le chef triplementétoilé Yannick Alléno. Quant aucentre de « check-up », avec sespeignoirs blancs, il accueille nom-bre de cadres dirigeants duCAC 40 pour des bilans préventifs.

« Nous sommes avant tout unétablissement d’excellence », plai-de le Pr Sigal, ancien de Gustave-Roussy, passé par l’industriecomme PDG de GE HealthcareFrance. Le service urologie, parexemple, est l’un des premiers deFrance - avec une équipe de Bor-

constituée non pas d’investisseursmais de personnalités intervenantpro bono, qui supervise toujours lastratégie. Créé en 1906 pour lacommunauté américaine alorsfort nombreuse à Paris, l’établis-sement reste ainsi « le seul hôpitalcivil à être accrédité hors du solaméricain », précise le Pr Sigal.

Durant l’épidémie, l’établisse-ment a, comme les autres struc-tures privées, participé à la luttecontre le virus aux côtés de l’hô-pital public, mobilisant son per-sonnel et deux étages entiers.Avec un coup de chapeau àl’autorité régionale de santé(ARS), qui « a fait un super bou-lot, tout le temps sur le pont, gé-rant la coordination public-privéet les approvisionnements », sou-ligne le Pr Sigal. Résultat : l’hôpi-tal américain a accueilli plus de500 malades, dont 150 en hospi-talisation, et a multiplié par 2,5ses capacités en réanimation.« Nous n’avons refusé personne etles patients n’ont rien eu àpayer », souligne le directeur… ycompris ceux qui ont été héber-gés dans les suites, habituelle-ment réservées aux stars. ■

L’établissement réagit alors que la fréquentation des patients internationaux a chuté avec la crise du Covid.

Selon cette étude, qui embras-se des données de paiement dejanvier à mai 2020, le comporte-ment de paiement des entrepri-ses de taille intermédiaire (ETI)et des grands groupes ne s’estque légèrement dégradé pendantla crise sanitaire, passant de 10,4jours de retard en moyenne à 11,8jours pour les grandes entrepri-ses et de 9,8 jours à 11,7 du côtédes ETI. Au contraire, le retardde paiement des PME a augmentéde 2,2 jours entre janvier et maiet il a explosé chez les TPE (entreun et trois salariés), pour attein-dre 12,3 jours (+3,3 jours par rap-port à janvier 2020).

Des « réflexes solidaires »Deux facteurs expliquent ce déca-lage, selon François Perret, le di-recteur général de Pacte PME.D’abord, toutes les entreprises

Les délais de paiement des PME ont explosé avec le confinementLa crise sanitaire fait craindre une crise de liquidité. Elle a cependant peu dégradé les comportements des grands groupes, dévoile une étude du cabinet Altares.

Les patients internationaux représentent, en temps normal, 40 % des recettes de l’établissement privé situé à Neuilly. GEORGES DEVOS/ NEWS PICTURES

deaux - à pratiquer des biopsiesde la prostate par voie périnéale,une nouvelle technique en expan-sion en Amérique du Nord qui al’avantage de réduire fortement letaux d’infection par rapport auxbiopsies transrectales.

« Dans la tradition américaineforte de protection du patient, nousavons une double accréditation :l’une de la Haute autorité de santé,comme tous les établissementsfrançais, l’autre de son équivalentaméricain, la Joint Commission, quinous impose 1800 critères », souli-gne le Pr Sigal. Quant aux quelque300 médecins libéraux exerçantdans l’établissement (qui compte800 salariés, dont 20 % d’admi-nistratifs), ils doivent renouvelerleur accréditation tous les deuxans. Une exigence de qualité im-posée par le « Conseil des gouver-neurs » américain, instance

“Nous sommes avanttout un établissement d’excellence”PROFESSEUR ROBERT SIGAL

L’Hôpital américain baisse ses prix pour attirer les patients

ANNE DE GUIGNÉ £@adeguigne

CONJONCTURE Pendant les deuxmois de confinement, l’exécutif asurveillé comme le lait sur le feules délais de paiement entreentreprises. Il craignait, en casd’explosion des retards, une mul-tiplication des problèmes de tré-sorerie chez les PME, et au finalune vaste crise de liquidité. Pouréviter ce scénario dramatique,Bercy n’a cessé de rappeler auxgrands groupes la nécessité depayer rubis sur l’ongle leurs four-nisseurs. Encore, mercredi der-nier, lors de son discours de poli-tique général, Jean Castex,s’adressant aux entreprises aidéespar l’État a rappelé que le gouver-nement sera « très exigeant sur lesconditions de traitement des sous-traitants », comme sur les distri-butions de dividendes.

Une étude de la société Altarespour le compte de l’associationPacte PME, qui vise à « accélérerle développement des PME fran-çaises avec l’appui des grandsgroupes », dément pourtant cet-te idée très répandue que lesgrands groupes profiteraient, entemps de crise, de leur positionde force pour tordre le bras deleurs fournisseurs.

n’étaient pas aussi bien arméesface au choc du coronavirus. « Enmoyenne les PME ont abordé lacrise avec deux mois de trésorerie,les ETI, trois mois, et les grandsgroupes, quatre mois », détaillel’ancien conseiller de Fleur Pelle-rin aux PME. Ensuite, les grandesentreprises ont été davantage sen-sibilisées, par le gouvernementmais aussi par l’association PactePME, à leur responsabilité sur cet-te question des paiements. Beau-coup ont ainsi « mis en place desréflexes solidaires », selon Fran-çois Perret, afin de s’assurer depayer dans les temps leurs sous-traitants. Parmi les sociétés lesplus vertueuses pendant le confi-nement, signalées par l’étude, fi-gurent, côté privé, les groupesBouygues construction, MBDA etRandstad (entre 91 et 98 % des en-cours facturés payés à l’heure) et,côté public, Engie, Naval Group etl’Ugap (entre 70 et 80 %).

Alors que la France entre dansune nouvelle crise économique, l’association Pacte PME ne cède pas au satisfecit. « Nous restons vigi-lants, pour ne pas dire inquiets, sur lesujet des petits montants. En dessous de 10 000 euros, les fournisseurs peinent encore à se faire payer », note ainsi François Perret, qui prô-ne une harmonisation du format des factures des grands groupes. ■

2,2jours

Augmentation du retard de paiement des PME

entre janvier et mai

Crise sociale dans les îles

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- 39 %Chutedes arrivées de touristes internationaux en Europe en 2020

Le tourisme

a été l’un des secteurs les plus touchés. De nombreuses régions, îles, en Europe dépendent presque exclusivement du tourisme et se retrouvent dans des situations très compliquées»THIERRY BRETON, COMMISSAIRE EUROPÉEN

23milliards d’eurosde recettes perduespour la France en 2020

18,4millionsd’emplois sur 37 millions liésau tourisme en Europe pourraientdisparaître

29 %Part des Américains dans lesvisiteurs extérieursà l’Europe en 2019

90 %Perte de revenusestimée par l’UE pour les compagniesaériennes et les croisiéristes

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ARMELLE BOHINEUST £@armelella

MONDE L’appel de plusieurs cen-taines d’ONG, de la Banque mon-diale et du FMI n’a pas suffi. Alors que l’allègement de la dette des pays pauvres était un sujet clé de la réunion des ministres des Finances et des responsables des banques centrales du G20 samedi, la ren-contre, virtuelle, a eu peu d’effets.

Le ministre de l’Économie BrunoLe Maire a indiqué que le G20 était « en bonne voie pour obtenir un ac-cord » sur la prolongation du mora-toire, et appelé à une décision « le plus rapidement possible ».

Pour autant, les représentantsdes vingt plus grandes puissances ont seulement indiqué qu’ils « con-sidéreraient une extension » du dis-positif actuel dans les prochains mois, en fonction de « l’évolution de

la pandémie ». Ils se prononceront après réception « des résultats d’un rapport du FMI et de la Banque mon-diale sur les besoins en liquidité des pays éligibles », d’ici à octobre.

En avril, le G20 avait décidé quele remboursement de la dette despays les plus pauvres bénéficieraiten 2020 d’un moratoire. Les gran-des organisations souhaitent qu’ilsoit prolongé au moins en 2021.David Malpass, président de laBanque mondiale, et des ONGcomme Amnesty Internationalsouhaitent même que le G20 décided’annuler une partie de la dette despays les plus pauvres plutôt que dela reporter.

En attendant, le moratoire encours n’est pas simple à mettre en œuvre. À ce jour seulement 42 des 73 pays les plus pauvres ont deman-dé à en bénéficier. Cela représente l’équivalent de 5,3 milliards de dol-

lars suspendus dans le service de leur dette, au lieu des 12 milliards dedollars prévus.

Fonds supplémentairesTous les créanciers doivent réelle-ment appliquer ce moratoire, ont réclamé samedi des ministres du G20. Une demande appuyée la se-maine dernière par l’Association des grandes banques et institutions fi-nancières mondiales qui réclamait une flexibilité de la part des créan-ciers privés ainsi que davantage de transparence sur le respect du mo-ratoire. De son côté, la Banque mon-diale pointait en fin de semaine l’at-titude de la Chine, membre du G20 et principal créditeur des nations en développement, son attitude vis-à-vis des prêts accordés par ses ban-ques dans le cadre de grands projets.

Par ailleurs, les pays du G20ont appelé samedi à réunir davan-

tage de contributions au fondsdu FMI destiné à allouer des prêtsaux pays pauvres. Et, l’Allemagnes’est engagée à verser 3 milliardsd’euros supplémentaires sous for-me de prêts à long terme à ce pro-gramme.

« Si nous voulons renforcer la ré-silience face aux crises futures, nous devons procéder à des changements structurels à long terme qui exige-ront du courage », a déclaré Julie Verhaar, secrétaire générale d’Am-nesty International. Mais les mem-bres du G20 luttent eux-mêmes pour soutenir leurs économies très affectées par les mesures prises pour contenir la propagation du Covid-19. Selon l’estimation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le PIB a chuté de 3,4 % au premier trimestre 2020 dans les pays du G20. ■

Les ministres des Finances ont repoussé à l’automne la décision sur un nouveau moratoire.

tandis que la Banque européenne d’investissement financera la réno-vation du réseau de distribution. « Il s’agit d’un projet unique et de grande envergure pour l’ensemble du pays, jesuis sûr que notre expérience sera un exemple réussi pour d’autres villes », se félicite le maire de la ville, Vadym Boïchenko. Et pour cause : Mariou-pol, brièvement occupée par les sé-paratistes prorusses en 2014, de-viendra la première ville d’Ukraine

dont les habitants pourront boire de l’eau au robinet, une chose impen-sable, même à Kiev, la capitale.

À terme, ce type de projet pour-rait changer les équilibres géopoli-tiques du conflit, alors que les ac-cords de Minsk sont au point mort. « Marioupol est très observée en Ré-publique populaire (séparatiste) de Donetsk. Or les travaux d’infras-tructures améliorant la vie des gens sont très importants dans les percep-

tions politiques », explique un di-plomate partie prenante du projet.

L’usine d’eau de Marioupol préfi-gure une stratégie de règlement du conflit par le bas, grâce à des projets bénéficiant aux populations des deux camps. « Qu’est-ce qu’on peut faire aujourd’hui pour résoudre le conflit du Donbass ? Reconstruire partout où c’est possible et préparer la paix. L’idée de la France est d’in-tervenir globalement sur le secteur del’eau dans le Donbass », confie une source proche du projet.

Cette approche franco-ukrai-nienne va se poursuivre sur le flanc nord de la ligne de front. La France a annoncé qu’elle soutiendrait le fi-nancement d’une seconde usine d’eau potable, à Popasna (région de Louhansk). Un projet plus impor-tant encore, situé au cœur du Don-bass, très pollué par ses mines de charbon, l’usine de Popasna fera couler de l’eau claire dans les robi-nets de 800 000 personnes vivant en territoires contrôlés par les sépa-ratistes. ■

Grâce à un prêt du Trésor français, l’Ukraine va se doter de sa première usine d’eau potable, à Marioupol.

La France investit dans l’eau potable du Donbass

PIERRE-YVES DUGUA £@Pdugua

FINANCE Les performances desbanques américaines au deuxièmetrimestre montrent que les plusgrands établissements continuentde se préparer au pire. Les quatreplus grands d’entre eux viennentà nouveau d’augmenter collecti-vement leurs provisions pour fu-tures pertes, qui ont ainsi amputéleurs bénéfices trimestriels de33 milliards de dollars.

Ce faisant, les banques se pré-parent d’abord à absorberd’éventuelles pertes au cours desprochains mois, lorsque leursclients ne pourront honorer leursengagements en raison de l’éva-nouissement de leurs revenus.Qu’il s’agisse de particuliers frap-pés par le chômage, ou d’entre-prises dépourvues de leur clientè-le ordinaire. L’effondrement de laproduction et de la consommationau deuxième trimestre n’a pas en-core fait trop de ravages dans lesystème financier américain qui aabordé la crise en position de for-ce, assis sur des fonds propres so-

lides. Pour autant, la crainte gran-dissante d’un prolongement dumarasme en 2021 force les ban-ques à augmenter leurs provi-sions.

Mais ce n’est pas la seule raison.Dans le contexte de forte concur-rence entre banques, et à l’heureoù la réputation et la confiancesont des denrées encore plus pré-cieuses, les institutions financiè-res cherchent aussi à démontrerleur solidité. La course aux provi-sions est un moyen d’y parvenir.

Deux extrêmesAinsi de JP Morgan Chase : la pre-mière banque des États-Unis, quia augmenté de 26 % ses provisions(ce qui représente un montantsupplémentaire de 10,5 milliardsde dollars), dégage tout de mêmedes profits trimestriels de 4,7 mil-liards de dollars au deuxième tri-mestre et maintient son dividen-de. C’est une manière d’accréditersa réputation de « forteresse » àl’abri des pires éventualités.Aucune autre banque ne peut enfaire autant.

À l’inverse, Wells Fargo, troi-sième banque américaine, a rendu

compte pour la première fois de-puis 2008 de pertes trimestrielles.L’hémorragie de 2,4 milliards dedollars intervient alors qu’elle estacculée à réduire son dividende en

raison d’une hausse de 138 % deses provisions.

Entre ces deux extrêmes, Bankof America augmente ses provi-sions de 4 milliards de dollars, ce

qui réduit ses profits trimestrielsde 52 %.

JP Morgan Chase, et dans unemoindre mesure Citi et Bank ofAmerica, ont pu compenser l’im-pact de leurs provisionnementspar d’excellents résultats sur lesactivités de marché. En revanche,Wells Fargo qui est peu présentesur ces métiers, s’est révélée net-tement plus vulnérable.

Pour Goldman Sachs et MorganStanley, la situation est inversée :elles sont spécialisées sur les mé-tiers de marchés de capitaux oude gestion de portefeuille. Ellesdépendent très peu de prêts ac-cordés à des particuliers ou desentreprises. Elles ont donc plei-nement profité de l’incroyablerebond de Wall Street depuis la finmars.

Goldman Sachs n’a ainsi accruses provisions que de 1,6 milliardde dollars, tout en dégageant desprofits de 2,4 milliards de dollarsau deuxième trimestre. MorganStanley, pour sa part, a mêmel’insolence de réaliser des profitstrimestriels records de 3,2 mil-liards de dollars, en ne provision-nant que 239 millions de dollars. ■

Wells Fargo, troisième banque du pays, a rendu compte pour la première fois depuis 2008 de pertes trimestrielles.

Les profits des banques américaines amputés par 33 milliards de provisionsElles se préparent ainsi à une crise plus longue que prévu et à une vague à venir de défauts de paiement. Pour certaines, c’est aussi un moyen de démontrer leur solidité.

Dette des pays pauvres : le G20 temporise

STÉPHANE SIOHAN À KIEV

ASIE CENTRALE Les bonnes nou-velles sont rares en provenance d’Ukraine de l’Est, où la guerre se poursuit depuis six ans, entre Kiev et Moscou, par séparatistes interpo-sés. La ligne de front reste immua-ble, mais les équilibres sociaux et humains pourraient bouger, suite à l’annonce par les autorités françai-ses et ukrainiennes de la construc-tion, d’ici à 2024, d’une usine d’eau potable à Marioupol, la seconde grande ville du Donbass, située en territoire contrôlé par l’Ukraine.

Ce projet socio-environnementalmajeur a été annoncé le 13 juillet parl’ambassadeur de France en Ukrai-ne, Étienne de Poncins, et Oleksii Reznikov, vice-premier ministre ukrainien chargé de la réintégra-tion des territoires occupés. L’enjeu est de taille : à terme, dans ce grand port sidérurgique de 560 000 habi-tants, cette usine d’eau potable fournira à la population une eau du

robinet d’une qualité équivalente à celle de l’eau française.

La première phase du projet,l’étude de faisabilité, menée par l’entreprise d’ingénierie Beten In-ternational, débute cet été. Ensuite la société française Stereau (groupe SAUR) sera chargée de la construc-tion de la station. Il s’agit là du plus gros projet industriel bilatéral ja-mais réalisé entre la France et l’Ukraine, alors que le président Volodymyr Zelensky a décidé de mettre l’accent sur les aspects hu-manitaires dans le Donbass.

Diplomatie du robinetL’opération a bénéficié d’un mon-tage original : ce projet stratégique ukrainien sera entièrement financé par la France. La direction générale du Trésor accordant un prêt con-cessionnel de 64 millions d’euros, qui bénéficie de la double garantie souveraine des États français et ukrainien.

L’Ukraine bénéficiera d’un tauxd’intérêt de 0,08 % sur trente ans

Kiev a désigné jeudi le nouveau chef de la Banque centrale ukrainienne : Kyrylo Chevtchenko. Cet ancien patron d’une grande banque publique a promis de « préserver l’indépendance institutionnelle » de la banque centrale et de s’opposer

à « une inflation non contrôlée ». Un risque pesant, alors que l’ancien patron de la banque centrale, Yakiv Smolii, a claqué la porte le 1er juillet en dénonçant des « pressions politiques » menaçant l’indépendance de l’institution. Cette indépendance est

une condition sine qua non du programme d’aide de 5 milliards de dollars en cours, a rappelé vendredi la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva, tout en approuvant les réformes réalisées jusqu’ici par la banque centrale. A. BOH

Un nouveau chef pour la banque centrale

42pays

sur 73 ont demandé,à ce jour, à bénéficier

du moratoire

EN BREF

LA LLOYDS RECRUTE PLUS DE CADRES NOIRS£ La banque britannique s’engage à quintupler le nombre de ses cadres noirs d’ici à cinq ans, pour atteindre 3 % de ses cadres, soit l’équivalent des Noirs dans la population britannique. « Les événements nous ont amenés à réfléchir et à voir ce que chacun peut faire pour créer un environnement plus inclusif », a dit la Lloyds, en réaction au mouvement Black Lives Matter.

TOTAL DEVIENT SOCIÉTÉ EUROPÉENNE£ Le géant de l’énergie a adopté le statut de société européenne, qui permet à une entreprise de réaliser ses activités dans tous les pays membres de l’Union sous une forme juridique unique. Une telle modification a déjà été adoptée par des groupes comme Airbus et Constellium.

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LE FIGARO lundi 20 juillet 2020

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ENTREPRISES 23

produits d’appellation dont les logi-ques de transformation et la valori-sation ne sont pas les mêmes que les cidres industriels », détaille Didier Bedu, président de l’Idac, qui re-groupe les appellations contrôlées cidricoles (calvados, pommeau de Normandie, cidre pays d’Auge…)

Ces derniers, qui pèsent pour 13 % de la production, militent plutôt pour des aides à la méthanisation ou au stockage, pour faire le dos rond pendant la crise.

Quelles que soient les solutionsprivilégiées, les quelque 10 000 producteurs s’accordent sur un

La baisse du volume de consommation de cidre a généré des excédents qui seront difficiles à négocier. JULIEN BOISARD/IDAC

La filière cidre craint pour son avenirAlors que des efforts de montée en gamme commençaient à porter leurs fruits, la crise du Covid a fait chuter de 50 % les volumes.

DANIÈLE GUINOT £@danieleguinot

BANQUE Lentement mais sûre-ment, le comportement des Fran-çais vis-à-vis de leur banque évo-lue. Le nombre de clients changeant de banque principale a ainsi doublé en cinq ans : en 2019, ils étaient 5,5 % à sauter le pas, contre 4,8 % en 2018 et seulement 2,5 % en 2014, relève une étude réalisée par le cabinet de conseil Bain & Company.

Certes, ces chiffres sont encoremodestes, mais ils traduisent une tendance de fond. La qualité du service jugée insuffisante et des tarifs trop élevés sont parmi les principales raisons mises en avant par ces clients nomades.

Les jeunes (8 % des 18-34 ans)et les clients aisés (10 % de ceuxdont le revenu annuel est supé-rieur à 80 000 euros) sont les plusprompts à changer d’établisse-ment. Ce qui n’est pas sans poserproblème. « Le pourcentage de

Cette mobilité est un défi pour les réseaux traditionnels dont le modèle économique est fragilisé par la crise.

De plus en plus de Français changent de banque

GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud

PHARMACIE Nos microbes ont(parfois) du bon ! Travaillant de-puis soixante-neuf ans sur desmicro-organismes présents dansle microbiote humain, la sociétécantaloue Biose Industrie accélèreavec l’ambition de devenir le pre-mier façonnier mondial de cetteniche de l’industrie pharmaceuti-que. Afin d’y parvenir, l’entre-prise annonce la levée de 30 mil-lions d’euros dont « une partsignificative » auprès du fonds d’investissement Cathay Capital qui investit donc aux côtés de la famille Desjonquères, actionnaire majoritaire de Biose Industrie, et du président du laboratoire auver-gnat, Adrien Nivoliez.

Jusqu’ici Biose Industrie, qui

emploie 160 personnes, distribueune dizaine de médicaments, dis-positifs médicaux, et complé-ments alimentaires (en sachet,poudre, gélule et crème) distri-bués sous marque blanche par unequinzaine d’autres groupes phar-maceutiques dans le monde parmilesquels Mylan et le LaboratoireBesins. Les 30 millions d’euros le-vés (en capital, dette bancaire etaide de la région Auvergne-Rhô-ne-Alpes) devront permettre àl’entreprise d’investir dansl’agrandissement de son outil in-dustriel installé à Aurillac et seséquipements de recherche et dé-veloppement.

Sur le plan des infrastructures,l’usine doit être agrandie de2 000 m2 environ pour porter sasurface d’exploitation à 12 000 m2.« Deux nouveaux ateliers de pro-duction permettront la fabrication

de substances actives d’une part, etde lots cliniques d’autre part, pourdes entreprises situées en Francemais aussi à Boston et à Séoul oùnous comptons déjà des clients »,précise le président de Biose In-dustrie. Pionnière dans le traite-

ment d’appoint des diarrhées,l’entreprise auvergnate a toujoursdéveloppé des médicaments sur labase de bactéries vivantes.

Nouveaux traitementsOr, depuis quelques années, lerôle du microbiote dans le fonc-tionnement de notre système im-munitaire est souligné par des pu-blications scientifiques toujoursplus nombreuses. « Aujourd’hui,des centaines de candidats médica-ments reposant sur l’utilisation decertains de ces micro-organismessont en cours de développementpour guérir des pathologies aussidiverses que la maladie de Crohn,l’autisme, certains cancers ou bienle Covid-19, faisant du microbioteun domaine particulièrement pro-metteur pour l’identification denouveaux traitements, justifieAdrien Nivoliez pour fonder sa

stratégie. Nous souhaitons accom-pagner les laboratoires dans leursessais cliniques car nous disposonsà la fois du savoir-faire industriel etde la culture du process. »

Ayant multiplié par deux sonchiffre d’affaires au cours des qua-tre derniers exercices, Biose In-dustrie, grâce à ce virage entre-pris, compte faire de même d’ici à cinq ans pour atteindre les 40 mil-lions d’euros de vente avec à la clé l’embauche de soixante salariés. Le fait d’être installé loin d’une métropole ne constitue pas un handicap selon lui. « Nous n’avons aucun mal à attirer des talents. Les 120 embauches que nous avons réa-lisées au cours des trois dernières années en apportent la preuve », argumente Adrien Nivoliez, qui voit dans le cadre de vie verdoyantproposé par le Cantal un atout en matière de recrutement. ■

Les installations de Biose Industrie, à Aurillac, vont être agrandies. BIOSE INDUSTRIE

L’entreprise auvergnate vient de lever 30 millions d’euros auprès du fonds d’investissement Cathay Capital.

OLIVIA DÉTROYAT £@Oliviader

BOISSONS Frais et acidulé, sec etcharpenté, savoureux et équilibré,moelleux et fruité… Depuis troisans, la discrète filière cidricolefrançaise (450 millions d’euros dechiffre d’affaires en incluantl’export de pommes) multiplie lesefforts pour retrouver ses lettresde noblesse. Le but : dépoussiérerson image, moins jeune et sexyque la bière ou les cocktails. Avecréussite puisque pour la premièrefois depuis plus de dix ans, les vo-lumes vendus sont repartis à lahausse en 2019, avec une crois-sance de 3,3 % selon l’interpro-fession cidricole (Unifie).

Las, la crise sanitaire a mis uncoup d’arrêt à ce rebond, avec la fermeture des cafés hôtels-restau-rants qui écoulent 40 % de cette boisson aux reflets dorés. Et là où d’autres boissons ont compensé (au moins en partie) avec la consommation à domicile, la chu-te du cidre a atteint 20 % en gran-des surfaces. « Comme toutes les boissons effervescentes associées à

des moments festifs, elle a beaucoupsouffert de la sobriété des Français confinés », détaille Jean-Louis Benassi, le directeur de l’Unicid. Au total, la baisse des volumes au printemps a atteint environ 50 %. Et le redémarrage s’annonce lent « avec des ventes en hors domicile, la reprise des festivals, et celle du tourisme en général, qui restent trèsincertains, détaille le porte-parole. On sera certainement au ralenti jusqu’en 2021 ». Conséquence : les excédents de cidre s’accumulent et les cuves débordent : de 200 000 hectolitres selon l’inter-profession, sur les 950 000 pro-duits par an dans l’Hexagone (données France Agrimer).

Aides insuffisantes pour les surplusFace à cet engorgement, le gou-vernement a débloqué une enve-loppe de 5 millions d’euros pour distiller une partie de ces excé-dents, à l’image de ce qui s’est fait dans le vin. Mais cela ne permettrade valoriser que la moitié des ex-cédents. « Par ailleurs, ce système de distillation ne convient pas à des

point : les aides ne seront pas suffi-santes pour gérer tous les surplus. Évoquant le risque de survie de la filière, ils réclament 10 millions d’euros supplémentaires pour gé-rer les 100 000 tonnes de pommes qui ne trouveront pas preneurs pour faire du calvados, ou du ci-dre, à l’étranger. Et qui risquent donc de se transformer en pertes sèches pour les cidriculteurs.

Des marchés à l’export ?Chez la coopérative Agrial, leaderdu secteur avec la moitié des ci-dres écoulés en France sous sesmarques Loïc Raison, Écusson ouKérisa (120 millions d’euros dechiffre d’affaires), des solutions defortune ont aussi émergé. Commerevoir la recette de sa marque Da-nao, la proposant désormais avecune base pomme pour écouler unepartie des surplus de ce fruit. Lacoopérative travaille sur un pland’action plus large, qui va, parexemple, par le passage en 100 %bio de sa marque Écusson. Ellemise aussi sur son rachat en 2018du cidrier anglais Aston Manor,qui doit renforcer sa présence àl’étranger.

Une conquête de l’internationalvoulue par toute la filière, qui veutdoper de 50 % ses exportations,ces dernières pesant pour l’instantmoins de 15 % de la productiontricolore. Enfin, dans nos frontiè-res, l’accent sera mis sur la pro-motion en magasin et dans lesrestaurants. Notamment en jouantsur la naturalité, le « made inFrance », et la diversité des goûtset des arômes. Un pari pour mon-trer que le cidre ne s’arrête pasaux crêpes et peut être aussi légi-time avec des sushis, des pâtes, ouà la pression… ■

Spécialiste du microbiote, Biose Industrie se déploie à Aurillac

« Comme toutes

les boissons effervescentes associées à des moments festifs, le cidre a beaucoup souffert de la sobriété des Français confinés»JEAN-LOUIS BENASSI, DIRECTEUR DE L’UNICID

clients ayant changé de banqueprincipale a doublé chez le plus jeu-nes en un an, explique ainsi JulienBet, associé de Bain & Company etcoauteur de l’étude. Les banquesdoivent prendre au sérieux ce phé-nomène, car ce sont les clients dedemain.

Comme c’est le cas depuis cinqans, ce sont les banques en ligne qui profitent le plus de cette mobi-lité, au détriment des banques mutualistes et commerciales tra-ditionnelles qui perdent entre 0,4 % et 1,4 % de clients par an, détaille l’étude. Ce phénomène va-t-il se poursuivre, alors que pendant le confinement les Fran-çais ont davantage utilisé les servi-ces bancaires numériques (applis, sites internet…) ?

« La période du confinement areprésenté en la matière un gain de quatre ans sur la trajectoire d’avant-crise (…), soulignent les auteurs de l’étude de Bain & Com-pany. L’adoption des services ban-caires numériques pourrait changer

le rapport de force entre les acteurs qui auront réussi leur transforma-tion et les autres. »

Les marges sous pressionLes enjeux pour les banques tradi-tionnelles sont donc très impor-tants. D’autant que « la crise liéeau Covid-19 accélère l’urgence dela transformation de la banque dedétail, dont le modèle économiquesemble à bout de souffle », expli-que Mark Bennett, senior directorau sein du cabinet Alvarez & Mar-sal et coauteur avec Nicolas Tauf-flieb, d’une étude sur les banquesde détail françaises. De fait, depuisplusieurs années, les banques sontsous pression en raison des tauxd’intérêt très bas qui réduisent lesmarges d’intérêt qu’elles réalisentsur les crédits.

Cette tendance, que l’on pensaiten 2019 proche de sa fin, va seprolonger, renforcée par l’impactéconomique du Covid-19. Or, enraison notamment de la forteconcurrence entre établissements

et de « la pression consumériste »,les commissions facturées sur lesproduits bancaires ne permettentpas de compenser la baisse desmarges d’intérêt.

« Les banques ont été tentéesd’augmenter les volumes de crédits. L’encours a progressé de 5,6 % par an entre 2014 et 2019, et les com-missions de 6 % par an. Mais cela n’a pas suffi à compenser la baisse des marges », relève Mark Ben-nett. Autre difficulté, les établisse-ments sont contraints en ce mo-ment d’augmenter sensiblement les provisions qui permettront de faire face à de possibles défauts de paiement de crédit.

D’où la nécessité de revoir lemodèle économique de la banquede détail, dont les coûts de fonc-tionnement sont élevés. « Lesétablissements vont devoir réaliserdes économies, estime NicolasTaufflieb, managing director ducabinet Alvarez & Marsal. Parexemple, le réseau d’agences, tropimportant, nécessite une optimisa-

tion. Cela est d’autant plus néces-saire que pendant le confinement,les Français ont davantage utiliséles outils de banque à distance. »

Par ailleurs, certains groupesétudient la possibilité d’intensifierle recours au télétravail. Ce quipermettra de réduire le nombrede sites. Des projets de cessiond’immeubles dans le centre deParis et de réduction du nombrede bureaux en location sont àl’étude dans plusieurs grands ré-seaux.

« Les établissements sont aussien train de réduire le recours aux prestataires de services externes, qui leur coûtent très cher et génè-rent parfois du risque opération-nel », ajoute Mark Bennett. Ce qui devrait permettre de préserver desemplois à l’intérieur des réseaux, après des années de vaches mai-gres. En 2018, les effectifs avaient fondu de 1 % dans l’ensemble des banques, après un recul de 1,2 % en 2017, selon la Fédération ban-caire française (FBF). ■

« Les jeunes (8 % des

18-34 ans) et les clients aisés (10 % de ceux dont le revenu annuel est supérieur à 80 000 euros) sont les plus prompts à changer d’établis-sement»

Page 24: Le Figaro - 20-07-2020

lundi 20 juillet 2020 LE FIGARO

A

24 MÉDIAS et PUBLICITÉ

Le Big Bang du CONFINEMENT

MARDI20 OCTOBRE

MERCREDI21 OCTOBRE

JEUDI22 OCTOBRE

VENDREDI23 OCTOBRE

Comment chercheurs,scientifiques et laboratoires

ont dû s’adapterà l’extraordinaire vitessede propagation du virus…

La délicate frontière entrel’incroyable potentield’informations des donnéesde santé et la litigieusecollecte inhérente.

Masques, tests,lits, ventilateurs,

organisation…Une politique de santé coûteuse.

Comment la financer ?

Le Big Bang de la RECHERCHE

Le Big Bang desNOUVELLES TECHNOLOGIES

Le Big Bang desPOLITIQUES DE SANTÉ

CRISE SANITAIRE : LE GRAND DÉFI DU MONDE DE LA SANTÉ

2020

Consultation et auscultationà distance ? Le confinement n’apas laissé d’autre choix au mondemédical et aux patients que dedévelopper la télémédecine !

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aux aléas économiques. « Le pro-blème réside dans la capacité à agir.La liberté d’action du président de France Télévisions existe. Cepen-dant, elle est considérablement pa-ralysée par le système de gouver-nance », estime un dirigeant de l’audiovisuel privé. Dans le Lan-derneau médiatique, le constat est unanime : « Il s’agit du poste pour lequel l’État actionnaire est le plus interventionniste. » Et ce n’est pas à600 jours de l’échéance de la pré-sidentielle que les pouvoirs publics vont se mettre à pratiquer le lâ-cher-prise. « Le poste est trop stra-tégique », souffle un expert.

Hydre à sept têtesL’affaire se corse, car il faut com-poser avec une tutelle qui tient del’hydre à sept têtes. L’Élysée, Ma-tignon, le ministère de la Culture,celui de l’Économie et des Finan-ces, le Conseil supérieur del’audiovisuel, l’Assemblée natio-nale, le Sénat… « Tout le monde aun avis sur ce que vous faites et

personne ne se prive de vous ledonner. Vous êtes rattaché à laCulture, mais vous passez votretemps dans les couloirs de Bercypour négocier votre budget, tout ensachant que les arbitrages sontsurtout tranchés à Matignon. Vousêtes tiraillés en permanence pardes injonctions contradictoires »,confie un très bon connaisseur dela fonction. Diffuser plus de pro-grammes de spectacles vivants,par définition moins grand pu-blic, à condition de ne pas fairebaisser l’audience. Injecter del’argent dans une plateforme jeu-nesse afin d’anticiper la fermeturede France 4, chaîne que la nou-velle ministre de la Culture, Ro-selyne Bachelot, devrait finale-ment maintenir. Réaliser deséconomies, sans mécontenterpersonne. Bercy veut plus, la Ruede Valois fait barrage de son corpspour protéger le cinéma et la filiè-re de la création, les élus en ré-gion sont en embuscade si voustouchez à France 3. Bref, « une tu-

Des auditions, en partie publiques, débutent ce lundi afin de départager les candidats à la présidence. Roch-Olivier Maistre, le président du CSA(ci-dessus), et les cinq membres du collège, rendront leur verdict au plus tard vendredi. J.-B. VERNIER/JBV NEWS/AB

Présidence de France Télévisions : « Qui veut gagner des soucis ? »Le CSA désigne cette semaine celui ou celle qui héritera du « pire job dans les médias », pourtant très convoité.

Que l’on ne s’y trompe pas. La ou le futur président de France Télévi-sions aura un mandat de cinq ans, mais on lui demandera d’agir en 600 jours seulement. Impossible de méconnaître le calendrier politique et les priorités fixées par Jean Cas-tex, le premier ministre, lors de son discours de politique générale. Ces priorités se résument en quatre mots : le territoire, la jeunesse, la culture et l’information. L’État at-tend du service public au minimum qu’il se calque sur l’effort national. S’il pouvait être un moteur de la po-litique du gouvernement, ce serait encore mieux.

Faire vivre les territoires, notionchère à Jean Castex, est la missionde France 3. Le rapprochement dela chaîne et de France Bleu (groupeRadio France) devra être accéléré.L’enjeu est de revitaliser les ré-gions, de relocaliser l’industrie etd’éviter une résurgence des « giletsjaunes ». La priorité donnée à lajeunesse par le premier ministre,s’inscrit très bien dans la missionde France 4 qui a accompagné les

élèves pendant le confinement etqui devra se tenir prête en cas dereconfinement. La culture est àterre. Roselyne Bachelot a fait deson sauvetage une priorité. Leschaînes de France Télévisions de-vront soutenir plus massivementencore la musique, les musées, lethéâtre et le cinéma. Depuis desannées, la culture est reléguée endeuxième partie de soirée. Cela de-vra changer rapidement.

Haro sur l’investigation spectacleEnfin l’information est un enjeu crucial à deux ans des présidentiel-les. Dans une campagne où les faus-ses informations vont pulluler et face à des chaînes d’information qui se positionnent sur l’opinion, le service public devra être à la hau-teur. La chaîne Franceinfo, à la traî-ne, devra s’affirmer davantage. C’est le rôle assigné à Laurent Gui-mier, son nouveau patron. Mais surtout, les rédactions de France Télévisions devront être les garan-tes d’une information impartiale et vérifiée. Le temps de l’investigation spectacle est révolu. Élise Lucet et son émission « Cash investigation » donne des boutons à tous les politi-ques. La plupart des candidats à la présidence de France Télévisions l’ont bien compris ■

DÉCRYPTAGEEnguérand Renault£@erenault

« Le problème réside dans la

capacité à agir. La liberté d’action du président de France Télévisions existe. Cependant, elle est considé-rablement paralysée par le système de gouvernance»UN DIRIGEANT DE L’AUDIOVISUEL PRIVÉ

CAROLINE SALLÉ £@carolinesalle

TÉLÉVISION La petite phrase estdégoupillée. Diriger France Télé-visions ? « C’est simple : quelquesheures de bonheur et cinq ans degalère », raille un observateur desmédias. Cette semaine, le Conseilsupérieur de l’audiovisuel dési-gnera la « nouvelle star » duprincipal acteur public du sec-teur. Un immense paquebot decinq chaînes qui ne concentre pasloin du tiers de l’audience totalede la télévision française, emploie9 600 salariés et gère un budgetde 3 milliards d’euros. Tentant,forcément.

Huit candidats, sur douze au dé-part, sont toujours en lice pour dé-crocher ce que l’animateur Nagui avait qualifié en 2015 de « pire job dans les médias ». L’actuelle prési-dente Delphine Ernotte et tous ceux qui veulent prendre sa place, Christopher Baldelli, Jean-Paul Philippot, Sandrine Roustan, Ser-ge Cimino, Pierre-Etienne Pom-mier, Michel Goldstein ainsi que Serge Schick. Des auditions, en partie publiques, débutent ce lundiafin de les départager. Roch-Oli-vier Maistre, le président du CSA, et les cinq membres du collège, rendront leur verdict au plus tard vendredi.

À l’annonce du résultat, l’heu-reux élu exultera. Les félicitations afflueront au même rythme que lesnouveaux amis. L’état de grâce ne durera pas. « On parle de l’enfer de Matignon. Il y a aussi celui de Fran-ce Télévisions. Gérer cette entrepri-se est l’une des missions impossibles de la sphère publique, avec EDF et laSNCF », certifie Vincent de la Vaissière, président de VcomV, cabinet de conseil dont l’étude « Sphère publique 2020 » vient de paraître. La difficulté, ici, ne vient pas du manque de moyens. Finan-cée à 90 % par la redevance TV, une ressource pérenne, l’entrepri-se est moins soumise que d’autres

telle ça va, à partir de deux, bon-jour les dégâts », ironise l’expert.« France Télévisions est un lieu oùla complexité du système adminis-tratif français pèse encore plus vio-lemment qu’ailleurs », résume unhaut cadre de l’audiovisuel privé.

Coups de canifLe patron de France Télévisions arrive avec la liste de ses envies. Très vite, il dresse celle de ses en-nuis. L’État, souvent, varie. Au-delà des changements de majorité, il multiplie les coups de canif dans le contrat d’objectif et de moyens qu’il a pourtant signé avec le diri-geant. Pire que ça : « La fonction peut être désavouée à tout moment par la puissance publique », rap-pelle Vincent de la Vaissière. Le 5 décembre 2017, l’actuelle diri-geante, Delphine Ernotte, recevait en pleine figure un uppercut pré-sidentiel. Le fameux « honte de la République » asséné par EmmanuelMacron. « Tout le monde vous dé-teste ! Au sein de France Télévisions,on vous considère comme l’incar-nation du gouvernement. Lorsque vous discutez avec les instances gouvernementales, on vous prend pour la CGT… », relève un obser-vateur du secteur.

À l’interventionnisme tous azi-muts de l’État, s’ajoute le lobbyis-me des producteurs et des anima-teurs. Une case qui se réduit, uneémission qui disparaît et c’est la

Un mandat de 600 jours

bronca. Tous les patrons del’audiovisuel sont confrontés auproblème. Mais comment « chef-fer » lorsque ceux à qui vouscommandez des programmes ga-gnent plus d’argent que vous,sont médiatiquement plus in-fluents, et dont la moindre petitephrase assassine dans Gala fait dela mousse jusqu’à l’autre bout dupays ? « Le rapport de force estsouvent défavorable au présidentde France Télévisions », reconnaîtl’observateur.

Le prochain patron du groupepublic pourra toujours se consoleren se disant qu’il arrive dans uneentreprise où le climat social estapaisé. La maison ne brûle pas. Enrevanche, elle fuit de partout. « Ilarrive régulièrement qu’une dis-cussion dans un couloir se retrouvedans les journaux le lendemain »,déplore un cadre dirigeant dugroupe. Un désaccord en interne ?Tout Paris bruisse en quelquesheures et arrive en renfort. « J’enai ras le bol des pompiers pyroma-nes ! », tempêtait en mai 2014Remy Pflimlin, le président del’époque, décédé deux ans plustard d’un cancer, alors que les cri-tiques fusaient contre le processusde transformation de l’entreprise.De cette lessiveuse, on ne sort pastoujours indemne.

Mais que diable aller faire danscette galère ? Si l’un des pires jobsdes médias est tant convoité, c’estqu’il se situe au sommet de lachaîne de l’influence. « Il s’agitd’une fabrique d’opinion colossale.Vous avez le pouvoir d’influer sur laréflexion des Français », décryptele président de VcomV. « Dans unmonde de fractures, France Télévi-sions est l’un des rares lieux où lepays peut encore faire nation. Il n’ya que des coups à prendre, maisl’enjeu est capital », insiste de soncôté un ancien dirigeant du grou-pe. Le temps est cependant comp-té. Tandis que Nicolas de Taver-nost, en poste depuis 2000,rempile pour un énième mandat àla tête du groupe M6, « vous n’êtesqu’un locataire de passage à Fran-ce Télévisions », rappelle l’expert.Le CDD dure cinq ans. Et jusqu’ici,il n’a jamais été renouvelé. « Laprésidence de France Télévisions,ce n’est pas un trône. C’est un stra-pontin éjectable », résume unmembre de la sphère politique.Bienvenue dans la « machine àbroyer » de l’audiovisuel public. ■