le documentaire Élargi au web - broudoux

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Le Documentaire Élargi Au Web - Broudoux

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  • Le documentaire largi au web

    Article indit. Mis en ligne le 16 dcembre 2011.

    Evelyne Broudoux

    Evelyne Broudoux est matre de confrences en Sciences de linformation et de la communication au Cnam-INTD (Paris). Elle effectue ses recherches au sein de l'quipe d'accueil DICEN (Dispositifs d'information et communication l're numrique) cre en 2008 au Cnam. Ses thmatiques d'investigation concernent le "devenir auteur" en milieu numrique, les genres ditoriaux du web, les mtadonnes comme objets de connaissances faonnant les documents numriques.

    PlanPlanPlanPlan

    Introduction

    La transformation des mdias par le numrique

    Problmatiques du web-documentaire

    Des conventions dcriture dcelables

    Linteractivit comme principe dexploration et de montage

    Conclusion

    Rfrences bibliographiques

    Rsum

    Le web-documentaire est un nouveau genre ditorial souvent base audiovisuelle qui s'loigne du genre cinmatographique dont il est issu. Alors que le documentaire filmique cre une distance entre l'objet reprsent et le point de vue de ses auteurs, le web-documentaire se fonde sur le faonnage de l'identit narrative de l'internaute au sein d'un rcit fictionnalis. L'interactivit qui structure les parcours de navigation construit un dispositif participatif qui fait perdre l'internaute son statut de tmoin.

    Abstract

    The web-documentary is a new genre where the reader narrative identity becomes more substancial. While the cinematographics genre constructs the process of differencing between the point of view of the author and of the spectator, the increasing interactivity with the viewer constructs an audience experience with a new relationship in a participatory project.

    INTRODUCTION

    Sur le web, la panoplie des genres ditoriaux slargit progressivement : blogs, portails, wikis collaboratifs, webzines, vidos citations , etc. Depuis 2004, nous assistons lmergence dun nouveau type de cration le web-documentaire1 qui allie films documentaires et spcificits du web et dont les techniques dcriture apparaissent se stabiliser. Des organismes comme le Centre National du Cinma et de limage anime

    . . . . . . . 1 Le webdocumentaire (souvent raccourci en webdoc ou webdocu) est un mdia interactif dinformation ditorialis prsent sur le web, avec une interface regroupant du Richmedia. un reportage vido principal sajoute une srie de liens qui permettent denrichir linformation avec des vidos, textes, photos, sons complmentaires, rseaux sociaux/commentaires des internautes in : FreeLens : Pour une photographie dutilit publique. POM, vidographie, webdocumentaire Concrtement, quest-ce que cest ? [En ligne] http://www.freelens.fr/pom-videographie-webdocumentaire-definition/ (consulte le 5/12/2010)

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    (CNC) nhsitent pas subventionner ce type de production et des mdias comme Arte ou Le Monde montent des plateformes ddies ce nouveau mode dexpression.

    Quappelle-t-on exactement web-documentaire ? Un agencement spcifique scnarisant la consultation sur le web dun documentaire thmatique sous une forme participative. On peut le dfinir comme :

    - un documentaire ralis en vidos, en bandes sons, en textes et en images,

    - dont la scnarisation tient compte de linteractivit

    dans la fragmentation des rcits

    et dans linterface graphique

    - et qui sinsre dans un dispositif personnalisant la communication avec linternaute (rseaux sociaux, commentaires, etc.).

    Il existe une multiplicit des appellations comme animations interactives, petites uvres multimdia (POM), documentaires multimdias, cyberdocumentaires, qui indique lmergence dun nouveau style qui na pas encore trouv son nom et qui oscille entre plusieurs directions de dveloppement

    LA TRANSFORMATION DES MEDIAS PAR LE NUMERIQUE

    Changements dans le mode de consommation des mdias

    Dans son livre Convergence culture , Henry Jenkins tente de dcrire cette phase de turbulences dans laquelle sont plongs les mdias de diffusion qui oprent dans un environnement devenu ractif et participatif et qui doivent cooprer avec une audience moins fidlisable, cest--dire qui est capable de migrer pour raliser des expriences qui lui conviennent. Il nomme convergence lintersection entre au moins trois processus : celui de la mise en flux des contenus, celui de la multiplicit des plateformes mdiatiques et celui du caractre versatile de laudience.

    Larrive des web-documentaires sinsre dans un paysage mdiatique caractris par des changements dans le mode de consommation des mdias. Alors que le lectorat de la presse crite continue de baisser inexorablement, la tlvision a progressivement cd sa premire place linternet en termes de temps pass devant lappareil rcepteur chez les digital natives . Deux remarques sensuivent :

    - La rcente et forte croissance du visionnage de vidos sur internet laisse augurer lessor dun march de masse constitu par un gros volume de vidos professionnelles souvent revisites par des amateurs et sadressant une large audience sur les web TV (ex. : Current.tv) et les plate-formes (ex. : Dailymotion, YouTube) et se relayant sur de multiples rseaux sociaux. Ces vidos tant rarement montises, leurs revenus publicitaires gnrs sont bass sur la mesure quantitative de l'audience qui les visionne.

    - Dans le dluge informationnel, la captation de lattention passe par des artifices interactifs maintenant linternaute en immersion dans des univers contraints et addictifs (rseaux sociaux, etc.) fortement inspirs par lunivers des jeux vido. Depuis les simulateurs de vols pour lapprentissage du pilotage des avions lutilisation de jeux srieux (ex. : pour la simulation dexercices militaires), les systmes de reprsentation du rel nont cess de se diversifier. Avec la notion de ralit augmente sur mobiles, une hybridation est atteinte, celle de limage capte en temps rel

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    sur laquelle viennent sinscrire diffrentes formes dinformation (infographies, logos, publicits, donnes, etc.) documentant les contenus capts.

    La tlvision connecte, cest--dire raccorde directement ou indirectement linternet, est en passe de remplacer la tlvision hertzienne. Conue ds les dbuts du web, la tlvision interactive intresse aujourdhui de prs les industriels (oprateurs rseaux, tlcommunication audiovisuelle, fabricants dcrans, de rcepteurs) et les acteurs des industries de la culture ; le visionnage actuel massif des vidos prouvant que loffre aura du succs. Compose dun appareil rcepteur-metteur et dun cran multi-fentres et tactile, elle devrait proposer des contenus dlinariss aux cts du flux tlvisuel habituel autorisant le visionnage de vidos type YouTube/Dailymotion, la TV de rattrapage (catchTV, ex : Hulu, arte+7) et les vidos la demande (Vod, ex : Netflix, mySkreen), mais aussi lusage de services informatiques susceptibles de la transformer en vritable poste de commande domotique. Lintrt pour les annonceurs publicitaires dune tlvision connecte est davoir accs des systmes de mesure de linteractivit de laudience impossibles imaginer dans le cas dune tlvision hertzienne.

    Contexte conomique de lapparition des web-documentaires

    En conomie des mdias, les web-documentaires font partie des biens informationnels qui concentrent de linformation librement appropriable (ex. : connaissances, mlodies) et il sagit galement de biens publics rgis par un principe de non rivalit dans la mesure o leur usage ninduit pas une diminution de leur quantit pour dautres consommateurs. [Chantepie, Le Diberder, 2010] constatent un mouvement dans les modles conomiques traditionnels des diffuseurs et des diteurs. Les contenus numriques fixs sur les supports physiques lorsquils sont immatrialiss sur les rseaux changent de statut : de biens privs susceptibles de paiement direct, ils passent lconomie des biens collectifs et deviennent non-rivaux. Ce qui engendre toute une srie de changements pour les ayants-droits dont les revenus cessent dtre proportionnels, mais vont dpendre dallocations rglementes, mais aussi pour les bnficiaires consommateurs transforms en passagers clandestins qui voient leurs pratiques (coute musicale, lecture de-books) rendues illgales. Il ne faudrait pas oublier non plus les consquences de dveloppement pour les industries techniques qui bnficient des effets dexternalit positive (DRM, etc.).

    Subventionns en amont par le CNC qui soutient lexprimentation de nouvelles formes dexpression, les documentaires ports sur le web sont bnficiaires de ce changement de rgime. Mais ils servent aussi de tests des mdias qui cherchent diversifier leur production et tentent de trouver de nouveaux modles conomiques pour leurs futurs revenus. Cest ainsi que des diteurs de presse crite et audiovisuelle comme Le Monde, Arte, France 5, France 24, Canal+ se sont lancs dans la publication rgulire de web-documentaires dont la particularit est davoir t conus pour tre consults sur le web. Cette orientation de mise en ligne de contenus interactifs de la part dacteurs de la presse audiovisuelle et imprime pourrait tre envisage comme un rodage de nouvelles techniques dcriture adaptes au web.

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    PROBLEMATIQUES DU WEB-DOCUMENTAIRE

    Une pluralit des profils chez les crateurs de web-documentaires

    Le web-documentaire apparat comme le symbole dun renouveau de la production crative la croise des chemins documentaires et journalistiques. Il sagit dun format dexpression qui sautonomise par rapport aux anciens supports. Il bnficie dune relative autonomie dans la recherche de ses marques nonciatives sur le web. Informer par lintermdiaire dun web-documentaire cest construire une forme qui prend en compte les caractristiques communicationnelles du web tout en poursuivant des objectifs dintrt gnral.

    Il existe une grande pluralit dacteurs investis dans les web-documentaires. Les crateurs sont des vidastes et/ou photographes, rdacteurs et/ou preneurs de son, journalistes reporters dimages (JRI) et/ou scnaristes, etc. Deux grands profils se ctoient : photographes et documentaristes issus du cinma se situant dans une dmarche dauteur et journalistes professionnels. Ne bnficiant pas des mmes rgimes juridiques, des ambivalences se crent, par exemple lorsque des web-documentaristes se voient refuser lattribution dune carte de presse sous prtexte quils taient ralisateurs ou auteurs, alors que les contenus produits taient raliss partir denqutes journalistiques de terrain.

    Les web-documentaires possdent leurs circuits de financement, de promotion, leurs concours2 et rcompenses, leurs portails3 et spcialistes blogueurs4, leurs plateformes labos5 et leurs nouvelles agences ddies. Nombreux parmi les acteurs sont ceux qui reconnaissent une difficult financer le portage sur le web de documentaires conus pour laudiovisuel ; des cots distincts entrent pour la production audiovisuelle ou photographique et la post-production. Des socits productrices de web-documentaires se sont donc montes comme Upian, Narrative ou Honkytonk qui a ainsi dvelopp son propre logiciel de montage non-linaire Klynt, permettant de diviser par trois les cots du dveloppement Web de chaque cration, cots qui reprsentent, en gnral, 30 40 % du budget global de chaque web-documentaire. Mais dautres applications conues de manire faciliter le montage en ligne comme 3WDOC de lagence Hecube sont susceptibles douvrir le genre lautoproduction et aux amateurs.

    La spcificit du film documentaire : une tension entre rel et fiction

    Les objectifs des documentaires audiovisuels caractre cinmatographique sont souvent de questionner des proccupations socitales, des modes de vie, des faits sociaux. Il se dmarque de la fiction par sa prtention capter des morceaux de ralit appartenant un contexte actuel ou reconstitu sans passer par linvention dune histoire dont les comdiens interprtent le scnario dans une mise en scne. On peut dire que la principale fonction du documentaire est de traduire le rel :

    - en nonant un point de vue dauteur sur une ralit perue,

    . . . . . . . 2 FRANCE 24 et RFI organisent le Prix du Webdocumentaire qui sinscrit pour sa troisime dition en 2011 dans le cadre de Visa pour lImage Perpignan, le plus important festival international de photojournalisme. [En ligne] http://www.france24.com/fr/FRANCE-24-RFI-prix-du-webdocumentaire-2011 (consulte le 22 juillet 2011). 3 Webdocu [En ligne] http://webdocu.fr/web-documentaire/ (consulte le 22 juillet 2011). 4 Interactive Documentary [En ligne] http://www.interactivedocumentary.net/ (consulte le 22 juillet 2011). 5 I-docs [En ligne] http://www.i-docs.fr/ (consulte le 22 juillet 2011).

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    - en crant une distance narrative entre les faits reprsents et le spectateur plac dans une situation de tmoin,

    - en sollicitant une prise de conscience active chez le spectateur qui doit identifier ce point de vue et linterprter.

    Cette traduction du rel qui sopre avec les techniques appartenant la narrativit cinmatographique engendre une reconstruction proche de la problmatique fictionnelle : les fonctionnalits de la prise dimages et leur esthtique, lindispensable scnarisation et les oprations de montage, la transformation de personnes en personnages, etc.

    Il y a prs de vingt ans, Jean-Paul Colleyn jugeait illusoire ltablissement d une dfinition formelle globale et concise du documentaire face lclatement de lensemble de la production en sous-genres tels que fiction documente, documentaire de cration, docu-drame, documentaire fictionnalis , mais maintenait cependant que la distinction entre uvre invente et ralit rinvente par le cinma tait une ncessit pour sauvegarder lidentit du genre documentaire.

    Aussi, dans cette optique, lutilisation par les web-documentaires dartifices narratifs pour reprsenter le rel vient sinscrire dans la continuit du genre. Cependant, nous mettons lhypothse que si linteractivit enrichit les espaces narratifs des web-documentaires, elle risque aussi dabolir la distance ncessaire la rflexion. Pour cela nous nous proposons de vrifier comment la narratologie alimente les espaces documentaires et vice-versa pour ce type de production dans un corpus de web-documentaires.

    Ces vingt dernires annes auront vu clater les frontires des genres traditionnels bass sur la sparation des rcits fictionnels de ceux narrant des faits rels. Les uvres de fiction comme les romans ou les films de cinma se sont vues concurrences par de multiples formes de rcits comme les autofictions, les jeux en ralit alterne, les reality show et toutes sortes de reconstructions imagines de faits divers. Informer nest plus collecter des vnements destination dun public exerant un esprit critique, cest aussi construire des formes destines manipuler les ides et les esprits dans des objectifs divers qui vont de la distraction de la ralit lengagement citoyen. Du storytelling politique aux jeux srieux employs pour ladhsion une cause (cf. lexemple rcent dadvocacy pour le Darfour6), le rcit multi-supports sest enrichi de nouvelles dfinitions correspondant de nouveaux produits de communication bass sur la narration : cross media lorsquil y a duplication ou adaptation (ex : Thealexanderwilsonproject) et trans media, lorsque la conception de lunivers narratologique englobe des points dentre diffrents dans lhistoire selon le support utilis (ex : Panzerchocolate7). Il faut cependant noter que la diffrence entre ces deux genres apparat souvent tnue.

    La grille danalyse adopte

    Nous observerons ici les parcours de lecture raliss par les agencements spcifiques des web-documentaires articulant des rcits et les multiples formes de la matire documentaire.

    Nous tudions la prsentation du rcit principal, des analyses, des tmoignages, paroles dexperts, damateurs et de professionnels en mme temps que les diffrentes combinaisons des espaces narratifs et documentaires. Nous nous appuyons sur la thorie du rcit diffrenciant rcit/histoire/narration. Rappelons quun rcit est une histoire (constitue de faits rels interprts ou invents) raconte par quelquun (personnage,

    . . . . . . . 6 Onthegroundreporter : http://onthegroundreporter.com/ 7 Panzerchocolate : http://www.filmutea.com/panzerchocolate

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    prsentateur, voix off, etc.). Grard Genette distingue le rcit (signifiant, le discours ou le texte ou limage) de l'histoire (signifi, le contenu, les vnements raconts) et de la narration (nonciation, ordre, dure, points de vues).

    DES CONVENTIONS DECRITURE DECELABLES

    La ligne temporelle

    La ligne temporelle (timeline) comme lment structurant dominant de la prsentation multimdia rvle la volont de prserver le fil conducteur de la narration principale. Elle constitue une approche choisie par maints auteurs peut-tre galement cause de lconomie de moyens quelle permet en termes de post-production. Vritable colonne vertbrale du webdocumentaire, elle articule rcits et lments complmentaires de documentation comme sur lexemple de QUATRO HORAS (France 5) qui prsente une ville construite par des mineurs, chercheurs dor au Prou, ayant russi obtenir le droit dexploiter en cooprative la mine et gagner ainsi en lgitimit.

    Figure 1 Affichage de lensemble des lments de documentation complmentaires

    accessibles au fur et mesure de la progression du rcit sur sa ligne temporelle. Lespace

    documentaire saffiche sur lespace narratif

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    Figure 2 Voix de dtenus et voix dexperts contribuent ensemble apporter un clairage

    sur la situation du corps en prison.

    Il nexiste pas ici de vritable sparation entre espaces narratifs et espaces documentaires ; ce qui fait la sparation, cest la diffrence de statut des voix

    Dans LE CORPS INCARCR (Le Monde), le rcit principal se charge au lancement de la page web et dmarre automatiquement avec des lments sonores mtaphoriques forts (claquement dune porte de couloir, bruits de pas, etc.). La structuration de la ligne temporelle est ralise en cinq parties qui se composent elles-mmes de squences thmatiques titres. Une fois la totalit du diaporama sonore charge, chaque squence peut tre revue et rcoute en indpendance des autres.

    Dans ce webdocumentaire, la sparation des tmoignages des dtenus de lanalyse des experts est ralise par linterface graphique. droite du rcit principal se trouvent les photos des quatre dtenus interviews qui donnent accs des lments biographiques. La partie infrieure de lcran comporte la parole de trois experts, une partie bibliographie et les crdits.

    Le rcit embranchements multiples

    iROCK (Orange) propose linternaute de dambuler dans les coulisses dun grand festival rock : les Eurockennes de Belfort (2009). Linternaute est amen suivre des journalistes, des musiciens et dautres personnages sur quatre parcours dune dure denviron quinze minutes, menant vers quatre-vingt-dix squences vido de une trois minutes chacune prenant sur le vif la vie quotidienne des professionnels sur un festival. Chaque squence est lgende et leur fin, deux propositions sont faites (voir figure 3).

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    Figure 3 Bifurcation dans lespace narratif qui sefface totalement pour laisser la place

    lespace documentaire lorsquil est convoqu (signe +).

    Loriginalit du dispositif tient la possibilit daccder des fiches multimdia par artiste, qui se composent de brves biographies, discographies, extraits films de concerts visionner sur Dailymotion et tlchargement en mp3 sur Orange) et autres liens web menant vers les sites des artistes. Lappel au rfrencement des squences sur les rseaux sociaux est constant.

    Le supplment documentaire qui vient complter la balade cinmatographique a une vise clairement promotionnelle : de la lgende de chaque squence qui affiche partage cette squence au passage de la souris sur diffrents rseaux sociaux lentourage du webdocumentaire incitant visionner dautres vidos sur les mmes thmes.

    LE CHALLENGE (Canal+) se prsente comme une enqute interactive sur un grand procs li la dgradation environnementale et men contre la socit Texaco par les Indiens de la fort amazonienne. Tir dun film TV de 52 minutes, le webdocumentaire dune dure denviron vingt minutes, repose sur la forte implication de linternaute, scnarise et intgre ds la prise dimages.

    Comme pour IRock, linternaute a le choix entre deux possibilits dans lenchainement des squences, mais il sagit soit de continuer lenqute en coutant les personnages rpondre aux questions choisies, soit de permuter despace et daccder linfo prparatoire aux entretiens.

    Dans Le Challenge, lespace documentaire se matrialise par un bloc-notes qui donne accs la matire permettant de contextualiser le rcit principal film. Divis en deux parties, il accueille sur le ct droit une carte zoomable de lquateur sur laquelle sont localises la position de linternaute et les diffrentes squences visionner. Sur le ct gauche, linternaute trouve sa disposition le matriel documentaire mettant en perspective le procs dans lequel il se trouve investi : des caractristiques chiffres de lquateur en passant par une explication politique de la colonisation et des vidos historiques, tout est class en cinq catgories (quateur, le procs, ptrole, le yasun, annexes). La consultation

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    de son bloc-notes est scnarise et est incluse dans les squences vidos du rcit principal (par exemple pour prparer ses interviews).

    Dans LOBSITE EST-ELLE UNE FATALIT ? (France 5), linternaute est prsent comme un protagoniste du webdocumentaire. Invit mener une enqute sur le caractre pidmique de lobsit, il doit prendre des dcisions et choisit des questions poser (sous forme de lgendes). Des extraits de vidos y rpondent ou des enregistrements audio sur des photos. Le dcoupage de squences dentretiens et de mini-reportages peut tre cependant visionn de manire totalement linaire. Alors que dans les deux webdocumentaires prcdents, lespace documentaire masque compltement lespace narratif, dans celui-ci il se superpose en un cran plus petit sur la squence vido en cours.

    Linterface graphique mtaphorique

    BREVES DE TROTTOIR est un webdocumentaire autoproduit de Marc Lustigman et Noam Roubah, de la conception la publication web, dans lequel lactivit de consultation des interviews est totalement distincte de la navigation de linterface qui est elle-mme porteuse dune nonciation pitonnire. Fortement mtaphorique, linterface se compose de murs dcrpis bordant une rue sur laquelle se trouvent diffrents lments symboliques de la vie parisienne : plan de Paris, kiosque journaux, pancarte Dfense dafficher , plaque de rue, etc. Contrairement aux pages web traditionnelles, la navigation se droule de droite gauche et non de haut en bas, tout au long de la rue qui accueille les diffrentes figures interviewes. Chaque tmoignage prend place dans une tlvision des annes soixante autour de laquelle sont disposs les supplments documentaires : images, textes, sons qui sincarnent sur leurs supports reprsents (photos, lettres, poste de radio).

    Figure 4 La rue et le plan de Paris, mtaphores daccs aux portraits de parisien(ne)s

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    Dans Brves de trottoir, il nexiste pas de partie documentaire se diffrenciant de la partie capte en sons, images et vidos. Chaque portrait se divise en un entretien principal, ralis en bande son-images dfilantes ou vidos, accompagn de bonus , nomms ainsi par les auteurs, qui sont des supplments informationnels concernant uniquement la vie personnelle des personnages. En ralit, la contextualisation est procure par linterface bourre de mtaphores qui pose des Parisiens aux vies un peu marginales, aux occupations originales, dans des mondes qui leur appartiennent. Il sagit donc dun webdocumentaire qui tmoigne plus quil ne dcrit.

    La superproduction PRISON VALLEY (Arte.tv) est aussi ralise sur le registre de la sparation des activits de consultation des espaces narratifs et documentaires par linterface graphique. Toute la scnarisation de lactivit de linternaute au sein du webdocumentaire part de la chambre dun Motel et ses mtaphores de lactivit denqute (calepin sur la commode, souvenirs et documents qui saccumulent sur le lit au fur et mesure de lavance dans le documentaire, etc.). Aprs avoir visionn la premire squence de ce qui se prsente comme un roadmovie , linternaute est plong dans sa chambre do il accde la matire documentaire qui claire et contextualise les squences vidos quil visionne les unes aprs les autres dans lordre impos par les auteurs. Cest un petit peu la spcificit de Prison Valley que de ne pas briser la structure narrative des squences vidos ou dassemblages sons-images. Il nexiste aucun moyen pour linternaute de manquer une squence principale et sil le tente, il est ramen la premire squence et oblig de repasser par la case dpart. Ce parcours fortement contraint est aussi reprsentatif de lunivers carcral dcrit.

    Figure 5 La carte denregistrement du visiteur pose sur la vitre de laccueil du Motel

    et la chambre, mtaphore de lespace personnel de linternaute inscrit

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    Lencadrement ditorial et la gestion documentaire

    Lencadrement ditorial du webdocumentaire dpend de ses modes de financement et des choix de publication. Si luvre possde son propre nom de domaine comme pour Brves de trottoir ou Prison Valley, les mentions ditoriales sont intgres au web-documentaire mais elles sexternalisent dans le paratexte lorsque les uvres sont organises en sries comme pour France5 ou le Monde.fr.

    Si le dpt de commentaires des internautes apparat tre un choix indpendant des plateformes ditoriales, remarquons que la connexion avec les rseaux sociaux de type Facebook apparat invitable la notable exception de Lobsit est-elle une fatalit ? Qui propose d envoyer un message aux auteurs plutt que de connecter un rseau social. Orange intgre IRock dans sa communaut Video Party, comprenant des recommandations Vido Buzz, une pause humour, et les vidos les plus vues directement en lien avec sa thmatique musicale.

    La dernire superproduction dArte, Insitu, qui met en scne des interventions artistiques exprimentales dans diffrentes villes dEurope accorde une large place la participation puisquil est demand linternaute de tlcharger, partir dune carte golocalisant les objets choisis, des documents (textes, images, films) quil juge digne dintrt parce quentrant en rsonnance avec ce quil a visionn.

    Les parties documentaires peuvent tre internes et manipulables en tant quindices iconiques dune histoire (photos de dtenus dans Prison Valley), incluses dans le dispositif narratif (bloc-notes de dossiers et darticles du Challenge) ou ditorial (fiches de IRock). Elles peuvent tre externes et se prsenter sous forme de liste de liens vers des sources internes lditeur (Le corps incarcr) ou externes (Happy World). Notons que dun point de vue smiotique la part faite au texte est belle : retour en force des lgendes et dialogues, lexiques, rfrences bibliographiques et bibliographies. Celui-ci appuyant la narration ou bien se situant en arrire-plan, en tant quannexes.

    Cette paisseur cre par les diffrentes couches possibles de documentation accrdite lide dun feuilletage possible des composantes htrognes de la ralit.

    Figure 6 Sous le Corps incarcr, on retrouve les incitations classiques du web2.0

    partager, classer et citer, mais aussi une connexion avec les contenus du journal en rapport

    avec la thmatique partage

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    LINTERACTIVITE COMME PRINCIPE DEXPLORATION ET DE MONTAGE

    La place prise par linternaute au sein des diffrents types de web-documentaires

    Au sein des rcits embranchements multiples, linternaute est amen jouer diffrents rles prvus ds la scnarisation du rcit principal ou installs a posteriori. Un lexique employ de manire systmatique, caractristique des aventures dont vous tes le hros interpelle linternaute : Vous devez , Choisissez , Je reviens , Tu peux , etc. Cette place dterminante prise par linternaute indique une modification dans la conception des rcits lis la documentarisation.

    Lintroduction de LOBSITE EST-ELLE UNE FATALIT ? pose les conditions de visualisation du webreportage.

    Vous dbutez votre enqute en Seine-Saint-Denis, un des dpartements les plus touchs de France, 20 % de la population y est obse .

    Je cherche rencontrer des patients

    Jattends la fin de lopration pour parler avec le chirurgien

    Bien quil sagisse dune enqute, linternaute nest pas identifi celui dun journaliste, mais bien plutt celui de protagoniste convi dcouvrir une thmatique. Des phrases incitatives comme Vous avez un lger sentiment dcurement dictent linternaute un comportement en prescrivant ses motions.

    Le rle principal que linternaute assume dans sa visite exploratoire dIROCK est celui du passager clandestin , car la plupart des scnes sont prises sur le vif et linternaute y assiste en tmoin, quelquefois mme en voyeur puisque les acteurs films ragissent souvent de manire motionnelle la prsence intempestive de la camra et des micros. Pendant la phase de tlchargement du site dfilent les phrases suivantes :

    Tu vas pouvoir explorer les coulisses des eurockennes

    18 artistes suivre

    toi de jouer

    Ce tutoiement premptoire qui donne le la indique aussi ce qui est attendu de linternaute : une forme dactivit lie lexploration ludique. Par exemple, la proposition tu tentes de retrouver un groupe que les journalistes redoutent dinterviewer est tentatrice et prometteuse, car elle repose sur limprvu.

    Cest dans LE CHALLENGE que lon trouve la plus grande richesse narrative organise autour de lactivit de linternaute. Plac dans la position du journaliste charg de mener des entretiens, il doit sorganiser et choisir les questions quil veut poser :

    Des travaux scientifiques ont-ils t effectus sur la contamination ?

    Quelles sont ces maladies lies la pollution ?

    chaque fin de squence, de nouvelles possibilits saffichent lobligeant choisir entre espace narratif et espace documentaire.

    Jtudie les rapports pidmiologiques

    Je ressors de lhpital

    Linternaute est galement relanc par des lments narratifs qui limmergent dans sa qute et prouvent que son rle a t scnaris avant la prise de vues. Par exemple, alors que le juge qui suivait laffaire a t rvoqu et que lenqute apparat classe, il reoit de manire anonyme une enveloppe contenant des documents qui concernent la pollution de

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    la zone naturelle de Yasuni occasionne par des fuites de ptrole. Le voil donc reparti pour une srie de recherches.

    Si linternaute quitte le webdocumentaire et quil se reconnecte ultrieurement, il lui est propos de recommencer au dbut ou de reprendre lenqute o je lai laisse . Comme pour PrisonValley, la scnarisation atteint aussi lentre/sortie du webdocumentaire.

    La fictionnalisation documentaire

    Figure 7 Reprsentation physique du lecteur pendant lexposition de la mission quil

    doit accomplir

    Alors que Pierre Barboza avait tabli les allers-retours entre espaces narratifs et documentaires de la bande dessine interactive Opration Teddy Bear , les units intgratives associant les diffrents espaces discursifs des web-documentaires sous forme de rcits embranchements multiples sont emblmatiques dun renversement. Le lecteur fictionnalis est entr dans le rcit documentaire comme le reprsente le carton denregistrement de Prison Valley sur la figure 5 et la reprsentation physique de linteracteur du Challenge sur la figure 6 attribuant linternaute une identit narrative au sens de Ricoeur.

    UBI-SCREEN est un dispositif constitu par l'enregistrement vido de conversations que mnent distance deux interlocuteurs par webcams interposes. La capture est multi-camras : celle de lauteur qui filme un protagoniste chez lui pendant que sont enregistres simultanment les images des webcams des deux participants.

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    Le rsultat pour linternaute consiste en un cran-type qui comporte un menu en haut de page, une image vido qui occupe les trois quarts du milieu de page et dune ligne temporelle des vidos enregistres par phases numrotes.

    Pendant la consultation sur la vido principale, un point rose sous forme de cible simplifie surgit au survol de la souris signalant la possibilit pour linteracteur de faire apparaitre une seconde image en transparence de la premire pouvant tre soit une capture du personnage dun autre point de vue, soit de celui avec lequel il communique par webcam interpose.

    Linteracteur alors se trouve dans la situation dagir sur des images superposes, en mouvement. Mais les images sont brouilles et mobiles et il est difficile de voir nettement linterlocuteur situ distance.

    Figure 8 Apparition furtive dun protagoniste distant grce une action sur image de

    linternaute

    Ce travail sur l'intime est ralis par une collaboration entre lartiste plasticienne Isabelle Grosse et la sociologue Dana Diminescu, spcialiste des usages des nouvelles technologies chez les migrants. Le projet devrait accueillir les tmoignages de nouvelles familles dans des situations diffrentes.

    Bien quloigne du documentaire vido traditionnel, la captation en temps rel de conversations personnelles par des personnages vivant rellement une sparation est intressante de par les actions sur images proposes linternaute qui se situent dans la rhtorique de lapparition/disparition dcrite par Xavier Malbreil.

    Apparatre/disparatre. Sur la surface blanche de l'cran, ces spectres que l'on peut faire apparatre et disparatre

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    volont, ou qui parfois s'imposent vous, et ne veulent plus s'en aller quand on les a appels. La fonction "show/hide layer" comme manire de formuler, en pralable, un questionnement de l'cran. []

    Et d'ailleurs (parenthse), pourquoi tant d'informaticiens s'intressent-ils la littrature (ou l'criture peut-tre davantage ?) ? 8

    Ici aussi, le lecteur est fictionnalis. Dans une position de voyeur lorsquil consulte simplement les enregistrements vido de conversations prives, il passe une position dacteur lorsquil manipule les images et exprimente la solitude des protagonistes et les flous engendrs par de grandes priodes de temps non partag. Sa comprhension est facilite par une mtaphore projective.

    Lcriture scnaristique conduite par des outils

    Bifurcation des rcits et interactivit sont mises la porte des auteurs, monteurs, ralisateurs et journalistes, qui sont mme dintgrer diffrents fichiers sons, images, vidos dans un logiciel multimdia comme Klynt qui gnre au final un site web en Flash. La prise en main de loutil est base sur la dfinition pralable dune arborescence en deux niveaux : le niveau 1 qui reprsente la page daccueil et ses liens et le niveau 2 qui est celui du montage interactif proposant la possibilit de crer plusieurs parcours partir de plusieurs entres. Diffrentes fonctionnalits permettent de grer les pistes sons, timeline, scripts, traductions et lgendes ; la mise en forme graphique tant ralise par des graphistes et des dveloppeurs au sein de la socit Klynt. Les premiers retours dusages de ce logiciel indiquent un dplacement dans lcriture du scnario qui peut se faire directement avec loutil.

    De son ct, 3WDOC fait le pari du montage opensource en ligne en profitant des dernires innovations technologiques dHTML5. L aussi sont prdtermins un ensemble de possibles : ligne temporelle, gabarits, intgration de film, montage de diaporama interactif, menu, carte, etc.

    CONCLUSION

    Lentre du documentaire dans les techniques de narration hypertextuelle

    La partie nonciative du documentaire peut se trouver profondment modifie par lusage qui est fait de linteractivit. Elle entraine linternaute endosser les habits de personnages-narrataires pris dans une histoire laquelle il est somm dadhrer (Le challenge) ou bien se comporter en une sorte de tmoin-voyeur (IRock, Ubi-Screen) ou de tmoin-enquteur (Prison Valley, Lobsit). Alors que la voix de lauteur-narrateur est prsente dans Prison Valley, elle disparat totalement dans Le Challenge. Plus limmersion de linternaute est sollicite dans le rcit, moins la ncessit dun mdiateur se fait sentir. Cest pourtant une des caractristiques du documentaire que dinstaller des mdiateurs (Happy World) afin dentraner le spectateur-auditeur vivre un rcit-tmoignage.

    Rserv jusqualors lexprimentation littraire numrique, le rcit hypertexte apparat faire son entre dans une sphre qui lui tait encore inaccessible il y a peu. Lintrt des crateurs audiovisuels et photographiques, auteurs et journalistes, pour la publication web laisse augurer de nouveaux essais narratologiques entrainant linternaute dans des attitudes

    . . . . . . . 8 Message de Xavier Malbreil intitul Apparition/Disparition la liste E-critures le 17 juin 2001.

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    de narrataires plutt que de lecteurs. Cependant, cette adhsion au rcit ne va-t-elle pas lencontre de ce que recherche lorigine le documentaire ? Que devient la distanciation ncessaire la rflexion si le contrat de lecture consiste simplement investir linternaute dans une histoire dont il est le hros entre deux sances de surf sur le web

    Des conventions dcriture et de publication dcelables

    Le web-documentaire est un genre ditorial se dclinant en sries et qui se place au sein du paysage hyperdocumentaire (portail, plateformes, etc.). Les conventions dcriture reprables sont largement infodes aux choix techniques de publication sur le web (structure arborescente, ligne temporelle, actions sur images, listes de liens, etc.). Les structures bifurcations multiples adoptes ncessitent une fragmentation du rcit, les interfaces mtaphoriques contribuent installer linternaute dans la narration en mme temps quelles rglent les parcours de visionnage et la lecture. Prvue dans le scnario et avant la prise de vues, lintervention du lecteur internaute participe la fictionnalisation documentaire.

    Redonnant aux tmoignages de la vie quotidienne une nouvelle force, les web-documentaires russissent faire passer lpaisseur du rel travers un rcit fragment et dlinaris.

    La large panoplie dacteurs investis, leurs partenariats, la cration et le remodelage dentreprises autour de savoir-faire en formation, la refonte de mtiers qui pourrait en dcouler, sont des indicateurs de leffervescence crative autour du web-documentaire. Le financement public a donn un coup dacclrateur la cration. largi au web, le documentaire transforme les manires dinformer en offrant aux internautes de nouvelles formes dexprimentation des ralits dcrites.

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    (2009) Lobsit est-elle une fatalit ? de Samuel Bollendorff et Olivia Colo. Coproduction Honkytonk et Curiosphere.tv.

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    (2010) Le challenge. Une enqute interactive de Laetitia Moreau. Production Canal+.

    (2010) IRock. Une exprience interactive dans les coulisses des Eurockennes de Lionel Brouet. Production Orange en partenariat avec France-Inter.

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    (2010) Ubi-Screen dIsabelle Grosse. Production Regart.net.

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