le dépistage des cancers catherine hill, laureen majed institut gustave roussy
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Le dépistage des cancers
Catherine Hill, Laureen Majed
Institut Gustave Roussy
Dépistages recommandés : assez mal faits
Col de l’utérus : en 2010, 50% des femmes pas ou trop peu souvent dépistées, 10% dépistées comme recommandé, 40% dépistées trop fréquemment. 1 400 décès en 2010Sein de 50 à 74 ans : en 2008-2009 40% des femmes sans mammographie dans les 2 ans Colon-rectum : plus des 2/3 de la population de 50 à 74 ans n’a jamais eu d’Hemoccult.
Source : Haute Autorité de Santé
Les débats les plus chauds
Dépistage du cancer de la prostate par dosage de PSA
Dépistage du cancer du sein
Dépistage du cancer de la prostate, il faut connaitre
1. Le risque de mourir d’un cancer de la prostate
2. La fréquence du cancer de la prostate
3. L’étendue de l’épidémie induite par le dépistage
4. La réduction du risque de décès par le dépistage
5. Les effets indésirables des traitements
1. Risque de décès par cancer de la prostate
Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, 47 mourront d’un cancer de la prostate, avec les risques observés en 2010, et il y aura :
0 décès entre 0 et 49 ans
6 décès entre 50 et 74 ans
et 41 décès à partir de 75 ans
Le risque est donc très faible avant 75 ans
Si on suit 1 000 hommes de la naissance à la mort, il y aura 6 décès entre 50 et 74 ans i.e. en 24 ansOr 80% d’hommes interrogés par Gigerenzer et coll. (JNCI 2009) pensent qu’en suivant 10 ans 1000 hommes de 50 ans avec un dépistage, on évitera 10 décès, et 41% attendent une réduction d’au moins 100 décèsLe risque de décès par cancer de la prostate est donc surestimé d’au moins un facteur 10, et souvent d’un facteur 100
1. Risque de décès par cancer de la prostate
Rich AR. J Urology 1935 repris dans Int J Epidemiol 2007292 autopsies d’hommes de 50 ans et +, une coupe par prostate
« Alors que la fréquence avec laquelle ce cancer est retrouvé dans les coupes est étonnamment élevée, l’incidence réelle de cet état est, selon toutes probabilités, encore plus élevée »
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age
% c
ance
r de
la p
rost
ate
?
2. Fréquence du cancer de la prostate
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age
% c
ance
r de
la p
rost
ate
2. Fréquence du cancer de la prostateSakr WA, Eur Urol, 1996,30,138-144, cité par Martin RM Int J Epidemiol 2007. Autopsies de 525 hommes, décès dû à trauma, 10 à 14 coupes par prostate
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age
% c
ance
r de
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rost
ate
2. Fréquence du cancer de la prostateSakr WA, Eur Urol, 1996,30,138-144, cité par Martin RM Int J Epidemiol 2007. Autopsies de 525 hommes, décès dû à trauma, 10 à 14 coupes par prostateSur cette base, on peut estimer que 4 des 6 millions d’hommes de 55 à 74 ans seraient trouvés être porteurs d’un cancer de la prostate en France si on les autopsiait
2. Fréquence du cancer de la prostate ou plutôt fréquence du
cancer dans la prostate
• Extraordinairement élevée,
• Augmente avec l’âge de
30% à 30 ans à
80% à 80 ans
Surdiagnostic
Le diagnostic d’un état qui ne serait pas devenu cliniquement symptomatique s’il n’avait pas été détecté
Surdiagnostic• Maladie semblable à une vraie maladie,
mais qui n’aurait jamais ennuyé le patient :– elle n’aurait jamais causé de symptôme– elle serait restée infra clinique jusqu’à ce
que la personne meure d’une autre cause• Problèmes :–Le résultat du traitement d’un cas de
surdiagnostic ne peut qu’être un succès–Le traitement peut seulement avoir des
effets indésirables
3. Etendue de l’épidémie due au dépistage
L’incidence, c’est à dire la fréquence des nouveaux diagnostics, augmente très rapidement. La mortalité diminue de 2% par an depuis 1990
0
40
80
120
160
1950 1970 1990 2010
Tau
x p
ou
r 10
0 00
0 à
âge
égal
(st
and
ard
Eu
rop
e)Prostate
Incidence
Mortalité
Fréquence du cancer de la prostateFrance & Royaume-Uni
0
25
50
75
100
125
150
175
200
225
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Taux
pou
r 10
0 00
0 à
âge
égal
(st
anda
rd e
urop
éen)
Mortalité
Incidence
Mais la baisse de mortalité s’observe aussi au Royaume-Uni,
où l’incidence augmente beaucoup moins car on y fait beaucoup moins de dosages de PSA
3. Etendue de l’épidémie due au dépistage
A cause du dépistage, on est passé de
11 000 cas par an en 1980 à
19 000 cas en 1990,
40 000 cas en 2000 et
62 000 cas en 2005
L’INVS prévoyait 71 000 cas en 2009, mais a depuis révisé cette estimation car, d’après la CNAM (www.ameli.fr) le nombre de diagnostic a cessé d’augmenter en 2008
4. La réduction du risque de décès due au dépistage
Essais
Norkopping
Québec
Américain
Européen sauf Suède
Suède
Essai Nb décès/Effectif total Rapport des risques IC95%]
Dépistage Pas dépistage
Norrkoping 20/1 494 97/7532 1,04 [0,64-1,68]
Québec 153/31133 75/15353 1,01 [0,76-1,34]
Etats-Unis 92/38 343 82/38 350 1,11 [0,83-1,49]
Europe ~250/76 915 ~344/93 233 0,84 [0,70-1,01]
sans Suède
Suède 44/9 952 78/9 952 0,56 [0,39 -0,80]
Total 559/160 000 676/160 000 0,88 [0,78-1,00]
Dépistage mieux Dépistage pire|Effet du dépistage p=0,05Test d‘hétérogénéité p=0,04
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
Effet du dépistage du cancer de la prostate sur le risque de décès
4. La réduction du risque de décès due au dépistage
Risque • augmenté de 11% dans l’essai américain et• diminué de 16% dans l’essai européen sauf Suède • diminué de 44% dans l’essai suédoisLe plus raisonnable est de faire la synthèse de tous les essais d’où une • réduction significative de 12%Choisir l’essai le plus favorable conduit à une réduction très optimiste du risque de 44%
5. Les effets indésirables des traitements, d’après Gomella 2009
•Prostatectomie : 60 à 90% des patients ont des problèmes d’érection 1 an après, amélioration ultérieure en général1 à 12% de saignements importants4 à 50% d’incontinence d’effort modérée0 à 15% d’incontinence d’effort importante2 à 9% de sténose de l’urètre
•Curiethérapie, radiothérapie : 40% d’impuissance 3 à 5 ans après curie et 80% d’impuissance après radiothérapie
•Hormonothérapie50 à 100% de problèmes d’érection
Impuissance et/ou
incontinence chez 50% des
patients
Howard 2009
Bilan des avantages et des inconvénients du dépistage
En supposant que le dépistage réduit le risque de décès de 20%, il conduira à éviter 1 décès pour 1 410 hommes de 50 à 69 ans suivis 10 ansEn contrepartie, on aura diagnostiqué et traité 48 cancers qui n’auraient pas entrainé la mort et dont le traitement aura induit l’impuissance ou l’incontinence chez la moitié des patients.D’après Barry N Eng J Med
Conclusion
Il est temps de conclure que la balance bénéfice risque est en défaveur du dépistage du cancer de la prostate avant 75 ans !A moins que l’impuissance et l’incontinence ne vous paraissent des inconvénients négligeables
Dépistage du cancer du seinpar mammographie
Recommandation :
Dépistage tous les deux ans entre 50 et 74 ans
Réalité :
0%
20%
40%
60%
80%
100%
20 30 40 50 60 70 80Age en années
Dépistage individuel
Dépistage organisé
36% 45% dans le cadre
du dépistage organisé
15% en dehors
40% sans dépistage
Source: HAS
Echantillon 2008-2009 des bénéficiaires de la CNAMTS (1%) mammographie dans les deux ans, théorie et réalité
Dépistage du cancer du seinBilan des avantages et des
inconvénients1. Avantage
L’objectif du dépistage est de réduire la mortalité par cancer du sein
L’estimation la plus fiable est tirée des essais : dans chaque essai, la population est divisée par tirage au sort en deux groupes comparables, l’un invité et l’autre non invité au dépistage
Synthèse des résultats des essais par divers auteurs
Référence Réduction de mortalité(Interv. confiance à 95%)
Marmot, Lancet 2012 20% (11% à 27%)Duffy, 2012 21% (14% à 27%)Gotzsche, Cochrane 2013 19% (13% à 26%) 3 essais dits adéquats 10% (<0% à 21%)Canadian Task Force 2011 21% (10% à 32%)Fitzpatrick-Lewis 2011 21% (10% à 32%)Nelson USPTF 2009 19% ( ?% à ?%)IARC 2002 35% ( ?% à ?%)
La réduction de mortalité est en moyenne de 20% chez les femmes invitées, mais il n’y a pas de consensus sur ce résultat.
Conclusion des résultats des essais
Synthèse des résultats des études observationnelles
Type d’étude RéférenceRéduction du risque
(IC 95%)Population invitée
Mortalité post incidence
Broeders et coll. 2012 25% (19%-31%)
Cas-témoins
Broeders et coll. 2012 31% (17%-43%)
Réduction de la mortalité par cancer du sein, synthèse des essais en fonction de l’âge à l’inclusion dans l’essai
Résultats des essais de dépistage en fonction de l’âge
Age en années
Nombre d’essais
Décès/Total RéductionRelative(IC 95%*)
(3)
Groupe dépisté
(1)
Groupe témoin
(2)
40-49 8 448/152 300 625/195 919 15% (4%-25%)
50-59 7 438/91 462 507/83 088 18% (2%-32%)
60-69 5 201/43 606 236/32 118 32% (17%-43%)
70-74 2 49/10 339 50/7 307 32% (-1%-55%)
La réduction de mortalité est en moyenne de 20% chez les femmes invitées.
Réduire de 20% le risque de mourir d’un cancer du sein, c’est relativement bien, mais quelle est la réduction absolue du risque ? On peut la calculer facilement à partir des données précédentes, en appliquant la réduction relative du risque observée au risque du groupe témoin.
Conclusion des résultats des essais
Résultats des essais de dépistage en fonction de l’âge
Age en années
Nombre d’essais
Décès/Total RéductionRelative(IC 95%*)
(3)
Groupe dépisté
(1)
Groupe témoin
(2)
40-49 8 448/152 300 625/195 919 15% (4%-25%)
50-59 7 438/91 462 507/83 088 18% (2%-32%)
60-69 5 201/43 606 236/32 118 32% (17%-43%)
70-74 2 49/10 339 50/7 307 32% (-1%-55%)
Réduction absolue du risque dans le groupe invité au dépistage et nombre de femmes à
inviter pour éviter un décès par cancer du sein*
Age en années
Décès/Totalgroupe témoin
(2)
Réduction Nombre de femmes à inviter
pour éviter un décès
(5)=100 000/(4)
Relative(IC 95%*)
(3)
Absolue
(4)=(2)(3)
40-49 625/195
919
15% (4%-25%) 47 p. 100 000 2 108
50-59 507/83 088 18% (2%-32%) 110 p. 100 000 910
60-69 236/32 118 32% (17%-43%) 232 p. 100 000 432
70-74 50/7 307 32% (-1%-55%) 222 p. 100 000 451
* Avec un suivi de 11 ans, suivi médian dans les essais
Les essais mesurent le résultat de l’invitation au dépistage et non du dépistage réalisé.
Si la compliance n’est pas parfaite, c’est-à-dire s’il y a :
des femmes non dépistées dans le groupe dépistage et
des femmes dépistées dans le groupe témoin,ils en sous estiment le bénéfice (par dilution).
On peut estimer l’effet du dépistage réalisé (Cuzick, Statistics in Medicine 1997), prenons l’exemple d’un des essais
Méthode de Cuzick, données essai Age
Témoin
161 000 femmes
68% participation
73 000 femmes ? décès K sein pour 1000 PA
Tirage au sort
107 000 femmes 0,22 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
Intervention
17 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
37 000 femmes 0,17 décès K
sein pour 1000 PA
68% participation
54 000 femmes 0,18 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
34 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
Réduction du risque 17%Risque relatif = 0,18/0,22 = 0,83
Méthode de Cuzick, données essai Age
Témoin
161 000 femmes
68% participation
73 000 femmes ? décès K sein pour 1000 PA
Tirage au sort
107 000 femmes 0,22 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
Intervention
17 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
37 000 femmes 0,17 décès K
sein pour 1000 PA
68% participation
54 000 femmes 0,18 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
34 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
Méthode de Cuzick, données essai Age
Témoin
17 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
37 000 femmes 0,17 décès K
sein pour 1000 PA
68% participation
161 000 femmes
68% participation
73 000 femmes 0,23 décès K
sein pour 1000 PA
Tirage au sort
107 000 femmes 0,22 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
Intervention
54 000 femmes 0,18 décès cancer
sein pour 1000 personnes-années
34 000 femmes 0,20 décès K
sein pour 1000 PA
32% non participation
Risque relatif = 0,17/0,23=0,76Réduction du risque 24%
Réduction du risque
17%
Correction : 1,4 ( 24%/17%)
La réduction de mortalité est de 20% chez les femmes invitées et de l’ordre de 30% chez les femmes ayant effectivement participé
Conclusion des résultats des essais corrigés de la non participation
Synthèse des résultats des études observationnelles
Type d’étude Référence
Réduction du risque (IC 95%)*Population+
Invitée Participante
Mortalité post incidence
Broeders et coll. 2012 25% (19%-31%) 38% (31%-44%)
Cas-témoins
Broeders et coll. 2012 31% (17%-43%) 48% (35%-58%)+ Il n’y a pas de consensus sur la nécessité de faire la correction pour tenir compte de la non-participation, certains auteurs précisent ne pas la faire, la plupart ne le précisent pas ; ceci ajoute de la confusion au débat.
Principaux inconvénients du dépistage
• Surdiagnostic : diagnostic d’un cancer qui ne serait jamais devenu cliniquement détectable du vivant de la femme
• Faux positif : dépistage avec mammographie anormale d’où examens complémentaires et beaucoup d’angoisse. Problème non traité faute de temps.
• Cancer radio-induit : une mammographie annuelle de 40 à 80 ans augmenterait le risque de décès par cancer du sein de 0,03% soit 20 à 25 décès pour 100 000 femmes (Hendrick Radiology 2010)
Sans surdiagnostic, les cancers dépistés E sont compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard.
Avec surdiagnostic, les cancers dépistés E ne sont pas compensés par les cancers D qui seraient devenus symptomatiques plus tard. Si le suivi
n’est pas assez long, la différence E-D’ surestimera le surdiagnostic
Paci 2006
Waller 2007
Puliti 2009Duffy 2010
Marmot 2012
Njor 2013
Falk 2013
Coldman 2013
Paci 2004
Zahl 2004a
Zahl 2004b
Jonsson 2005
Jorgensen 2009a
Jorgensen 2009b
Jorgensen 2009c
Martinez-Alonso 2010
Bleyer 2012
Peeters 2004
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Invasif seul
In situ etinvasifSuivi court
Estimateur ajusté Estimateur avec ajustement inadéquat
Estimations du surdiagnostic comme % de l’ensemble des cas attendus sans dépistage, très variables selon les auteurs. D’après
Puliti 2012, complété par C. Hill d’après divers auteurs
Conclusions
Pas de consensus sur les avantages : réduction du risque
20% pour Marmot (Lancet 2012) 38% à 48% pour un groupe de travail européen (Euroscreen 2012)
Pas de consensus sur le surdiagnostic :19% pour Marmot et 6,5% pour le groupe de travail européen
La réduction relative du risque dépend peu de l’âge, mais la réduction absolue, seule importante, dépend elle beaucoup de l’âge