le débat sur la gouvernance fédérale au pakistan

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  • 8/8/2019 Le dbat sur la gouvernance fdrale au Pakistan

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    Le dbat sur la gouvernancefdrale au Pakistan

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    Gilles Boqurat

    Septembre 2010

    .

    AAssiiee..VViissiioonnss 3333

    Centre Asie

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).

    Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

    Cette tude a t ralise grce au soutien de la Direction de la prospectivedu ministre des Affaires trangres et europennes.

    ISBN : 978-2-86592-774-6 Ifri 2010 Tous droits rservs

    Site Internet :Ifri.org

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    Programme Inde et Asie du Sud Centre Asie,Ifri

    Le Programme Inde et Asie du Sud a t cr en 2008 au sein duCentre Asie de lIfri. Il a pour objectif danalyser:

    - Les transformations internes de lInde: essor des classesmoyennes ; modle entrepreneurial ; questions environnementale,urbaine et sociale ; et des pays voisins.

    - Linsertion des pays dAsie du Sud dans lconomiemondiale: le jeu de lInde dans les secteurs de lnergie et desmatires premires, le dploiement des investissements indiens dansle monde ; le rle de lInde dans les grandes institutions interna-

    tionales (ONU et cycle de Doha) ; lmergence dune relation privil-gie avec les tats-Unis ; lInde et le monde musulman

    - Les enjeux gostratgiques de la rgion : stabilisation deconflits ; zone de libre change ; conflit Inde/Pakistan ; rivalits avecla Chine

    - Dvelopper le dialogue entre la France, lUnion euro-penne et lAsie du Sud: les investissements croiss ; le partenariatstratgique ; les politiques agricoles

    Asie.Visions

    Asie.Visions est une collection lectronique consacre aux probl-matiques asiatiques. Rdig par des experts franais et internatio-naux, Asie.Visions traite de lensemble des thmatiques cono-miques, stratgiques et politiques. Lobjectif dAsie.Visions est decontribuer lenrichissement du dbat public et une meilleure ap -prhension des enjeux asiatiques. Asie.Visionsest publi en franaiset en anglais.

    Dernires publications

    Jaydeep Mukherjee et Sunitha Raju, Fiscal Deficit, CrowdingOut and the Sustainability of Economic Growth. The Case of the

    Indian Economy , Asie.Visions 31, juillet 2010.Prem Shankar Jha, A Shadow over the Himalayas: Indias

    Tibet Problem , Asie.Visions 28, mai 2010.

    Bertrand Lefebvre, Hospital Chains in India: The Coming ofAge? , Asie.Visions 23, janvier 2010.

    Zoya Hasan, Breaking New Ground: Congress andWelfarism in India , Asie.Visions 20, octobre 2009.

    Amitendu Palit, Indias Foreign Investment Policy:Achievements & Inadequacies , Asie.Visions 18, aot 2009.

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    Rsum

    Avec ladoption du 18e amendement en avril 2010, le Parlementpakistanais entendait, entre autres rformes, tourner la page deshabitudes centralisatrices qui avaient eu la faveur de la plupart desdirigeants du pays, notamment militaires, et qui avaient t unfacteur de tension avec les provinces.

    La question de la dvolution de pouvoirs, le partage plusquitable des ressources, sans oublier le rle et les moyens assigns

    aux organes locaux, sont des lments importants du dbat sur lagouvernance fdrale. Des rponses apportes dpend aussi lastabilit du pays.

    Cette tude revient sur les pratiques observes jusquici dansla gestion de la relation entre le pouvoir fdral et les provinces, lesdysfonctionnements, avant dvaluer les rformes en cours.

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    Introduction

    La focalisation sur la menace terroriste et sur une monte delextrmisme au Pakistan, avec les inquitudes quelles font natre surle contrle de larsenal nuclaire, tend faire passer au second planune autre interrogation pesant sur la stabilit politique du pays, lie sa structure fdrale. Le Pakistan est une Fdration qui regroupediffrents territoires (provinces, territoires avec statut administratifpropre) dont les relations avec le pouvoir central et entre eux sont un

    facteur de tensions. La question du transfert de pouvoirs en faveurdes provinces et celle dun partage plus quitable des ressourcesaniment le dbat politique. Le climat insurrectionnel au Baloutchistan,la difficile intgration des zones tribales sur fond de militanceislamiste et doprations de larme, ou encore les dsaccords sur lagestion des ressources hydrauliques illustrent les dfis relever pourharmoniser les relations entre les diffrentes entits constituant laFdration.

    Cette situation a t implicitement reconnue par le Premierministre lors de son discours dinvestiture au Parlement en mars2008, au cours duquel il a annonc diverses initiatives devant per-

    mettre de calmer les impatiences (initiatives de rconciliation, redis-tribution plus quitable des fonds fdraux, mesures visant favoriser une intgration institutionnelle). En avril 2010, le Parlementa adopt lunanimit le 18e amendement la Constitution de 1973.Le transfert de nouveaux pouvoirs aux provinces en est un des pointsimportants. Nous revenons ci-dessous sur les pratiques observes jusquici dans la gestion de la relation entre le centre et lesprovinces, les dysfonctionnements, avant dvaluer les rformes encours.

    Gilles Boqurat est chercheur au Centre Asie de lIfri, responsable du programmeInde et Asie du Sud.

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    Des habitudes centralisatrices

    Lide dune gouvernance fdrale est antrieure la cration dupays puisquelle se retrouve dans le Government of India Act de1935, qui accorde aux provinces, coexistant avec des tats princiers,une autonomie limite, gre partir de 1937 par des gouverne-ments provinciaux lus. Le vice-roi conservait des pouvoirs tenduslui permettant, directement ou par lintermdiaire du gouverneur,dinterfrer tout moment dans les affaires des provinces. La

    rsolution de Lahore de mars 1940 acte fondateur de la cration duPakistan voque le regroupement des rgions majorit musul-mane en tats indpendants au sein desquels elles seraient autono-mes et souveraines. Une promesse qui, pour les dirigeants ethno-nationalistes, na jamais t tenue. lindpendance, en 1947, laConstitution provisoire reprend, avec quelques adaptations, leGovernment of India Act de 1935. Le Pakistan voit le jour avecdiffrents types dentits administratives : les provinces, les ancienstats princiers, les zones tribales, et le Baloutchistan administr jusquen 1955 par un Chief Commissioner nomm par le gouverne-ment fdral.

    Le sentiment dinscurit du jeune tat face aux menacesextrieures (conflit avec lInde sur le Cachemire en 1947-1948) et auxrevendications ethniques lintrieur pse en faveur dun pouvoircentral fort qui nhsite pas forcer lintgration dun tat princierrcalcitrant (celui du Khan de Kalat en 1948), emprisonner undirigeant lallgeance juge douteuse (Abdul Ghaffar Khan), ou dmettre un gouvernement provincial si celui-ci est peru commehostile. Le gouvernement fdral dloge par exemple le gouverne-ment provincial du Front uni qui avait gagn les lections demars 1954 au Bengale oriental. La volont de construire une identitpakistanaise dpassant les affiliations ethniques est manifeste parladoption de lourdou comme seule langue officielle. Le dclin de la

    Ligue musulmane et la fragmentation des forces politiques jouent enfaveur du renforcement du poids de la bureaucratie et donc dune vision centralisatrice appuye galement par une arme aussi peusoucieuse de dmocratie que dautonomie provinciale.

    Afin de contrebalancer le poids dmographique du Pakistanoriental et de sassurer que laile occidentale garde la haute main surles affaires du pays, le programme One Unitest conu en 1955 pourfusionner toutes les provinces du Pakistan occidental (les provincesdu Pendjab, de la Province frontalire du Nord-Ouest [North-WestFrontier Province, NWFP], du Sind et du commissaire en chef le

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    Baloutchistan , les tats de Bahawalpur et de Khairpur) en uneseule province intgre. Une fusion qui saccommode mal desparticularismes rgionaux, linguistiques et ethniques. Car si laccentest mis sur la ncessit de renforcer lunit du pays, le nationalismemonolithique qui se met en place est dabord le reflet de la prdo-minance du Pendjab (Lahore devient la capitale du Pakistanoccidental), une province qui, avec plus de la moiti de la populationdu Pakistan occidental, joue un rle prpondrant en termes dereprsentation au sein de la classe politique domine par les grandspropritaires terriens, de la bureaucratie civile et de larme.

    La premire Constitution de 1956 tablit un systme fdrallargissant quelque peu les domaines dintervention des provinces,rduites deux (Pakistan occidental et oriental), mais toujours sousla tutelle du gouvernement central. Comme en 1935, la rpartitiondes pouvoirs lgislatifs fait lobjet de trois listes : fdrale, provincialeet commune (concurrent). Le thme dune large autonomie provin-

    ciale est surtout dfendu par des forces politiques de gauche(notamment avec la formation en 1957 du Parti national awami[National Awami Party, NAP]), qui sont les premires victimes ducoup dtat militaire de 1958. Larrive au pouvoir du gnral AyubKhan, suivie en 1962 par ladoption dune nouvelle Constitution,conduit une consolidation des pouvoirs du gouvernement fdral enla personne dornavant du prsident. Le gouverneur, nomm par cedernier, devient le vritable chef de lexcutif au niveau provincial,nommant notamment le conseil des ministres. Il faut attendre lemouvement anti-Ayub de la fin des annes 1960 pour que sonsuccesseur, Yahya Khan, consente abandonner le systme OneUnit au Pakistan occidental et restaure officiellement, le 1erjuillet1970, lexistence de quatre provinces (le Baloutchistan acquiert pourla premire fois le statut de province part entire). Les rsultats deslections aux assembles provinciales de dcembre 1970 sontfavorables aux forces politiques autonomistes. Au Pakistan oriental,on assiste un raz-de-mare en faveur de la Ligue Awami. AuPakistan occidental, le NAP, avec lapport du Jamiatul Ulema-i-Islam(JUI), se trouve en position de former le gouvernement auBaloutchistan et dans la NWFP. Une situation qui ne manque pasdinquiter larme.

    La perte en 1971 de laile orientale du pays, faute pour llitegouvernante davoir pris en compte les demandes de la population

    bengalie pour plus dquit dans le partage du pouvoir et desrichesses produites, influe sur la rdaction de la Constitution de 1973qui, plus que les prcdentes, prte intrt la question delautonomie provinciale. Elle adopte le principe dune liste lgislativefdrale et dune liste lgislative commune (concurrent list). Lapremire de ces listes numre 67 domaines dintervention relevantdu gouvernement fdral, la seconde dfinit 47 domaines relevant dela comptence partage de celui-ci et des provinces. La plupart desservices dans le domaine de lducation, de la sant, de lagriculture,des voies de communication relvent des prrogatives provinciales,

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    mme si ltat peut galement lgifrer lorsque le gouvernementestime que la mesure est dordre national ou international. Commeprcdemment, il est prvu que, dans un domaine o le centre etles provinces peuvent lgifrer, les lois votes au niveau fdralprvalent sur celles adoptes au niveau provincial. Tous lesdomaines non numrs dans ces listes sont de la seule responsa-bilit des provinces (mais le pouvoir lgislatif des provinces esttransfr au prsident ou au Parlement en cas dtat durgence).

    Le Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto laisse mme entendreque la concurrent listsera abandonne au bout de dix ans au profitdes provinces. La Constitution de 1973 prvoit aussi la crationdinstitutions charges dharmoniser les relations et de rgler lesdiffrends entre le gouvernement fdral et les provinces, ainsiquentre elles-mmes, dans le domaine fiscal et dans la rpartitiondes ressources naturelles (articles 153 160 de la Constitution). Ilsagit du Conseil des intrts communs (Council of Common

    Interests, CCI), de la Commission nationale des finances (NationalFinance Commission, NFC) et du Conseil conomique national(National Economic Council, NEC). Une Commission de coordinationinterprovinciale (Inter-Provincial Coordination Committee, IPCC) avaitaussi t cre en 1972 avec lobjectif dinstaurer un climat deconfiance entre les provinces, mais elle reste encore ce jour unecoquille vide. Les dispositions de la Constitution de 1973 sont plusfavorables aux provinces, dautant que les assembles provincialessont la rsultante dlections libres et peuvent donc revendiquer unelgitimit populaire. Elles se heurtent toutefois la conduite auto-ritaire des affaires du gouvernement civil relay par lestab lishmentmilitaire. Z. A. Bhutto, qui a une patience limite face toute formedopposition, dmet le gouvernement NAP-JUI au Baloutchistan enfvrier 1973 aprs seulement quelques mois dexercice. Parsolidarit, lautre gouvernement NAP-JUI de la NWFP dmissionnegalement. Le NAP est interdit et ses dirigeants jets en prison alorsque larme est dpche au Baloutchistan pour craser le nouveaumouvement insurrectionnel (1973-1977).

    Avec le coup dtat militaire de juillet 1977, qui porte la ttedu pays le gnral Muhammad Zia ul-Haq, tout espoir de dcen-tralisation du pouvoir est abandonn. Avec la promotion de lislami-sation comme facteur dhomognisation du pays, cest aussi ledbut de lexploitation de la mouvance djihadiste contre une monte

    des rgionalismes. Le mouvement pour la restauration de la dmo-cratie prend une forte coloration rgionale au Sind durant les annes1980. La dcennie de la dmocratie (1988-1999) est tropchaotique politiquement pour inverser la tendance. Lors de sonarrive au pouvoir en octobre 1999, Pervez Moucharraf insiste sur lancessaire unit de commandement au niveau du pouvoir fdralau dtriment des institutions reprsentatives de la volont populairecomme le Parlement ou les assembles provinciales. Cette priodemarque aussi le retour aux manipulations lectorales pour barrer laroute aux partis dopposition. Elles permettent en 2002 larrive au

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    pouvoir dans la NWFP dune alliance de partis religieux, le MuttahidaMajlis-e-Amal (MMA). Cette alliance mesure toutefois les limiteslgislatives de lassemble provinciale lorsque celle-ci vote en 2003(et nouveau en 2006) la loi Hasba visant instaurer la chariadans la province et qui prvoit que des personnes seraient charges,sous la supervision dun mohtasib (mdiateur), de veiller lapromotion de la vertu et la prvention du vice. Cette loi est dclareinconstitutionnelle par la Cour suprme, lavis de la plus hautejuridiction du pays ayant t sollicit par le ministre de la Justice aunom du prsident. Les lections de 2002 permettent aussi unepousse des partis religieux pachtounes au Baloutchistan visant contrecarrer les nationalistes baloutches lacisants.

    Labolition (octobre 1958, mars 1969) ou la suspensionpriodique de la Constitution (juillet 1977, octobre 1999) et labsencedlections libres tenues intervalles rguliers nont pas uvr enfaveur dun fdralisme dcentralisateur. Les lections de fvrier

    2008, en portant au pouvoir un gouvernement conduit par le PakistanPeoples Party (PPP), pouvaient laisser esprer une plus granderceptivit aux demandes dautonomie provinciale. Cela dautant quele PPP, dirigeant deux provinces (Sind, Baloutchistan) et associ augouvernement provincial dans deux autres provinces (NWFP,Pendjab), tait bien plac pour lancer des rformes. Il pouvait aussisappuyer sur une attitude conciliante de ses allis au gouvernement,lAwami National Party (ANP, successeur du NAP), le parti rgio-naliste pachtoune, et le Muttahida Qaumi Movement (MQM), partiessentiellement implant au Sind.

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    Un bilan nuancen matire dautonomie rgionale

    Les droits et les intrts des provinces ont longtemps t grevs parle fait que le gouvernement fdral coopte volontiers les dirigeantsprovinciaux et chefs tribaux gnant le moins ses projets, ou biensemploie crer des tensions entre groupes sociaux et tribaux pourprserver sa position dominante. La tendance au centre tait

    dentretenir les provinces dans une situation de dpendance cono-mique et de prfrer grer en bilatral des problmes qui pouvaientfaire lobjet dune approche collective. ce titre, le 18e amendementmarque une rupture. Participant dun rquilibrage des organes deltat qui renforce les institutions dmocratiques, il entend rendre auxprovinces leurs droits constitutionnels en termes de gouvernance etdutilisation des ressources naturelles. Labolition de la liste communeau profit des provinces est la mesure la plus emblmatique car elle vaau-del du texte de 1973. Accueillie trs favorablement, cettedcision relve surtout dun signal fort en faveur de lautonomieprovinciale. Sur le fond, il nest pas certain que le transfert auxprovinces de nouveaux domaines de comptence soit un dvelop-

    pement strictement positif, notamment si une alliance religieusedevait revenir la tte dune province (pour ce qui concerne parexemple le planning familial, lducation ou les lois sur le mariage etle divorce). Larticle 38 fait lobjet dun nouveau paragraphe prcisantque ltat semploiera ce que les quotas rservs aux provincesdans les organismes fdraux soient effectivement appliqus.

    La contrepartie de provinces aux pouvoirs tendus peut trelveil de tentations sparatistes. La dcision, apparemment logique,de rebaptiser la North-West Frontier Province, un terme hrit ducolonisateur britannique, en Khyber-Pakhtunkhwa , en modifiantlarticle 1 de la Constitution, a suscit des manifestations violentes de

    la part de la communaut hazara malgr lajout de Khyber . Laseule appellation Pakhtunkhwa avait pourtant dj fait lobjet dunvote favorable de lassemble provinciale de la NWFP en 1997.Lopposition est venue de la Pakistan Muslim League-Nawaz (PML-N), dont llectorat, dans lancienne NWFP, est traditionnellementcentr sur la communaut hazara, non pachtoune et de languehindko, rsidant dans la partie orientale frontalire du Pendjab(districts dAbbottabad, de Battagram, de Haripur, du Kohistan, deMansehra). Il y a par ailleurs la crainte de sassocier une reven-dication prne de longue date par lANP, aujourdhui au pouvoir Peshawar. Un parti qui est toujours souponn par certains de rver

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    position officielle qui veut que les TN fassent partie, au mme titreque lAzad-Cachemire, de ltat du Jammu & Cachemire dont le sortest, pour Islamabad, toujours en suspens. Dailleurs, la rforme dustatut des TN fut dnonce par les indpendantistes du Jammu-Kashmir Liberation Front (JKLF) ou encore par les partisans durattachement au Pakistan de lensemble de lancien royaume Dogra,comme le Hizbul Moudjahiddin. linverse, les TN revendiquent uneidentit bien distincte. Dans cette rgion comptant une forte prsencechiite, le Balawaristan National Front, dont linfluence est relativementmarginale, revendique une indpendance, notamment en rponse la politique de changement dmographique amorce par M. Zia ul-Haq dans les annes 1980 avec lafflux de populations sunnites et la domination de la bureaucratie locale par des fonctionnairespendjabis et pachtounes.

    Selon les nouvelles dispositions, les lecteurs ont t appelsaux urnes en novembre 2009 pour choisir les dputs amens

    siger dans lassemble qui pourra notamment discuter de llabo-ration du budget. Le ministre en chef (en loccurrence Syed MehdiShah aprs la large victoire du PPP) dirige un conseil excutif de15 membres (certains lus et dautres nomms) chargs de lgifrer,mais il doit toujours oprer sous la supervision du gouverneur nommpar le gouvernement fdral. Enfin, les habitants de la nouvelleprovince du Gilgit-Baltistan ne sont toujours pas autoriss voterpour lire des dputs au Parlement quand bien mme les loisvotes par celui-ci peuvent concerner cette rgion. Une situationinverse de celle des rgions tribales fdralement administres(Federally Administered Tribal Areas, FATA : les sept districts semi-autonomes de Bajaur, Khyber, Kurram, Mohmand, Orakzai, Sud etNord Waziristan), qui envoient au Parlement des dputs alors queles lois votes par celui-ci ne sappliquent pas ces zones tribales.Le gouvernement a donc opt pour une voie mdiane, refusant defaire du Gilgit-Baltistan la cinquime province pakistanaise mais luioffrant une reprsentation dans les autres institutions fdrales,comme le CCI ou la NFC.

    En mars 2008, lors de son discours dinvestiture, le Premierministre Youssouf Raza Gilani promet que, dans le cadre delintgration des FATA dans la Fdration, le systme administratif et juridique hrit des Britanniques les Frontier Crimes Regulations(FCR) sera aboli. Les FCR de 1901 sont un systme combinant

    droit coutumier et intrts du pouvoir excutif local reprsent parlagent politique administrant le district sous la houlette du gouverneuret en sappuyant sur les maliks(chefs tribaux). Le prsident Asif AliZardari annonce le 14 aot 2009 des rformes politiques, judiciaireset administratives pour les FATA, abrogeant certaines clauses desFCR en tablissant une cour dappel, en limitant les pouvoirs arbit-raires des agents politiques concernant par exemple le placement depersonnes en dtention ou bien encore en excluant les femmes et lesenfants de moins de 16 ans du principe de responsabilit collective.Souscrivant une autre promesse faite en mars 2008, le prsident

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    sengage ce que la loi sur les partis politiques sapplique aussi auxFATA. Jusqu prsent, ceux-ci ne pouvaient pas oprer dans cettezone tribale et les 12 dputs lus au Parlement ltaient officiel-lement au titre de candidats indpendants. La possibilit, souhaitenotamment par lANP, dintgrer les FATA dans la province duKhyber-Pakhtunkhwa, parat encore loigne. Cela ncessiterait nonseulement un amendement constitutionnel, mais aussi un hypoth-tique accord des chefs tribaux dans les FATA qui sont avant toutsoucieux de prserver leur autonomie. Lapplication de rformesreste de toute faon largement spculative tant que le terrain perduau profit de la militance islamiste, qui a limin nombre de chefstribaux, ne sera pas reconquis.

    Si ladoption du 18e amendement a permis de satisfaire uncertain nombre de revendications autonomistes et de participer ltablissement de relations de confiance entre le centre et lesprovinces, le Baloutchistan reste un cas part. Cette province

    reprsente 40 % de la superficie du pays et est traverse depuis2002 par un nouveau le cinquime depuis 1948 mouvementinsurrectionnel qui sattaque aux gazoducs, aux lignes lectriques etde chemin de fer, etc. Comme bien dautres mouvements spara-tistes, celui du Baloutchistan sen prend galement non seulementaux personnes suspectes de collaborer la prennisation de lastructure fdrale existante favorisant un establishment domin parles Pendjabis, mais aussi plus simplement aux personnes originairesdautres provinces, mme si leur prsence remonte deux ou troisgnrations. Ainsi, en octobre 2009, le ministre PPP de lducation,Shafiq Ahmed Khan, dont les anctres avaient migr du district deMansehra (ex-NWFP), a t assassin. Il y a certainement chez lesnationalistes baloutches la frustration de voir leur prdominanceethnique menace par une forte pousse dmographique pachtoune,notamment dorigine afghane.

    Tout processus de rconciliation est compliqu par le fait queles grands partis nationalistes baloutches ont boycott les lectionsde 2008, ce qui limite le caractre reprsentatif de lactuelgouvernement provincial. A. A. Zardari a voulu calmer le jeu enfaisant officiellement au nom du PPP des excuses pour les exactionscommises dans le pass, ce qui incluait lemploi de la force lorsque Z.A. Bhutto tait Premier ministre. Sous la prsidence Moucharraf, lediscours officiel se rduisait voir dans linsurrection baloutche un

    combat darrire-garde anim par des chefs tribaux considrant ledveloppement et la modernisation voulus par le gouvernementfdral comme une menace pour leur propre pouvoir (une critique quivaudrait alors aussi pour les chefs de clans au Sind ou les grandesfamilles foncires du Pendjab). La nomination de militaires dehautes fonctions civiles sous P. Moucharraf navait pas profit auxBaloutches, qui sont faiblement reprsents dans larme. LeBaloutchistan est une province dont limportance stratgique estrehausse par les frontires voisines de lAfghanistan et de lIran. Or,des dirigeants talibans afghans y ont trouv refuge et le mouvement

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    sunnite iranien Jundullah sen sert comme base arrire (un mou-vement qui pourrait ptir de lexcution en Iran de leurs dirigeants, lesfrres Rigi, au printemps 2010). La province abrite aussi des basesariennes utilises par les Amricains.

    Le nouveau gouvernement avait promis de mettre sur piedune commission de rconciliation et de fournir des informations surles personnes disparues dont le nombre est estim officiellement un millierentre les mains de larme et des services de renseigne-ment. Aboutissement de la rflexion mene par une commissionparlementaire dirige par le snateur PPP Raza Rabbani, le gouver-nement fdral prsente le 24 novembre 2009 un plan en 39 pointscomprenant des mesures dordre constitutionnel, politique, adminis-tratif et conomique. En 2005, une autre commission dirige par lesnateur Mushahid Hussain Sayed, galement secrtaire gnral duPakistan Muslim League-Quaid-e-Azam (PML-Q), avait fait desrecommandations qui taient restes lettre morte. Le snateur navait

    dailleurs pas cach que larme ntait pas trangre leur non-application. Une pomme de discorde majeure avec la populationbaloutche a t la dcision de construire trois nouveauxcantonnements militaires Dera Bugti, Kohlu et Gwadar, laquellestait dailleurs oppose lassemble provinciale en septembre 2003.Loption rpressive a connuson apoge avec lassassinat, lors duneopration militaire en aot 2006, du chef tribal nationaliste et anciengouverneur et ministre en chef de la province Akbar Bugti.

    La principale critique formule lencontre du nouveau planest que les chefs baloutches de la rsistance arme (au premier rangdesquels un ancien ministre en chef de la province, Ataullah Khan

    Mengal, et lancien dput Khair Bakhsh Marri) nont pas tconsults pendant sa rdaction. Il contient des mesures dapaisementcomme la diminution des contrles de police, la dcision de stopperla construction de cantonnements et la demande faite larmedvacuer ceux de Sui et Kohlu o elle serait remplace par lesforces paramilitaires des Frontier Corps (dont limage nest pasmeilleure auprs de la population locale), et lamnistie pour lesprisonniers politiques sur lesquels ne pse aucune charge criminellesrieuse. De la capacit du gouvernement entraner ladhsion ceplan de larme et des services de renseignement, notammentlacceptation dun contrle de leurs activits par le gouvernementprovincial, dpendra la rsorption des tensions. La dernire tentative

    de la Cour suprme de sattaquer limpunit de larme concernantses agissements au Baloutchistan a contribu au renvoi en mars2007 de son prsident, Iftikhar Chaudhury, par le chef de ltatP. Moucharraf.

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    Vers un partage plus quitabledes ressources

    Tableau 1. Situation dmographique et conomique des provinces

    Superficie

    (en km)

    % Population

    (en millions,

    est. 2008)

    % % du

    PIB

    (est.)

    Pendjab 205 344 23,3 81,594 50,3 57,0Sind 140 914 16,0 35,471 21,9 27,5

    Khyber-

    Pakhtunkhwa

    74 521 8,5 20,215 12,5 8,0

    Baloutchistan 347,190 39,4 11,934 7,4 3,0

    Gilgit-Baltistan 72,496 8,2 1,800 1,1

    Azad Kashmir 13,297 1,5 4,568 2,8

    Islamabad 906 0,1 0,956 0,6 1,0

    FATA 27 220 3,1 5 600 3,4 1,5

    Total 881 888 100 162,138 100

    Limbroglio baloutche comporte aussi un important volet conomique.

    Comme les Bengalis durant les annes 1960, les Baloutches ont lesentiment que les ressources locales, quelles soient minrales ouquil sagisse du port en eaux profondes de Gwadar, profitent plus augouvernement fdral et larme, dont les intrts conomiquessont significatifs, qu la population locale mise lcart autant en termes de revenu que demploi avec lafflux de populationsextrieures. Les accords passs directement par le gouvernementfdral sous P. Moucharraf avec des socits trangres commeceux portant sur lexploitation des mines dor et de cuivre de Saindaket Reko Diksont dnoncs. Le revenu par habitant dun Baloutchereprsente 60 % de celui dun Pendjabi. Bien que la provincefournisse une bonne partie du gaz produit au niveau national, les trois

    cinquimes de ses habitants nont pas accs llectricit. Les taxesperues et les droits dexploitation du gaz sont redistribus par legouvernement fdral. Le Baloutchistan demande vendre sesressources au prix international comme le Pendjab le fait pour sesproduits agricoles tels que le bl et le coton. Rpondant unerequte ancienne, le gouvernement a rcemment propos de payersur 12 ans 120 milliards de roupies au titre de compensations pourarrirs concernant la surtaxe perue sur le dveloppement gazier.Pour la premire fois, des royalties seront payes au Baloutchistanpour lexploitation du champ gazier de Sui. Le Khyber-Pakhtunkhwa,outre la promesse dun fonds spcial dindemnisation pour les

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    dommages occasionns par la lutte contre le terrorisme, a obtenu110 milliards de roupies au titre de rattrapage sur les profits gnrspar lexploitation des ressources hydriques de la province, prenantnotamment en compte laugmentation du prix de llectricit.

    Si le sentiment dvoluer dans un schma quasi colonial estsurtout vrai pour le Baloutchistan, il lest aussi, des degrs divers,pour les autres provinces. Transfrer aux provinces des pouvoirs nade porte relle que si ceux-ci sont accompagns des ressourcesfinancires permettant dassumer les nouvelles responsabilits. Lesprovinces ont t jusquici largement tributaires budgtairement destransferts fdraux de ressources fiscales et dassistance financiresous la forme de dons et de prts. Un point de discorde entre laFdration et les provinces concernait justement la rpartition desrevenus tirs des diffrentes taxes. Si larticle 160 de la Constitutionvoque cette question, il ne dcrit aucune formule particulire entermes de distribution verticale (Fdration/provinces) et horizontale

    (entre les provinces). Cest donc la Commission nationale desfinances (NFC) de rvaluer priodiquement cette rpartition.Lorsque la cinquime commission dattribution stait runie enseptembre 2003, les provinces avaient souhait que leur part du pool des ressources divisibles (Federal Divisible Pool) passe de37,5 % 50 % et que le principe dune rpartition sur une baseuniquement dmographique, qui avantage grandement le Pendjab,soit rexamin. Faute dun accord sur ces demandes, legouvernement fdral a dcid en 2006, dans le cadre de la siximecommission dattribution, que la part des provinces passerait 45,3 % et ferait lobjet dune rvaluation annuelle de 1 % par an pouratteindre les 50 % en cinq ans.

    lissue de laborieuses ngociations, un accord important a ttrouv le 11 dcembre 2009 sur la part des provinces dans le FederalDivisible Pool. Pour la premire fois, cette part devient suprieure cellede la Fdration, passant de 47,5 % 56 % pour la premire anne(2010-2011) puis 57,5 % pour les quatre annes suivantes. Parailleurs, le gouvernement fdral a accept de rduire de 5 % 1 % lescharges prleves pour frais de recouvrement. Autre avance signi-ficative, le fait que les provinces se sont mises daccord pour inclure denouveaux paramtres dans le calcul de la part de chaque province. Afinde parvenir un meilleur quilibre, au poids dmographique sajoutentdornavant la superficie, la pauvret et lapport fiscal de chacun. La

    population ne compte plus que pour 82 % dans la nouvelle formule dedistribution horizontale, le niveau de pauvret pour 10,3 %, lapport fiscalpour 5 % et la superficie pour 2,7 %. Afin daugmenter la part revenantau Baloutchistan (qui passe de 7,17 % 9,09 %), les autres provincesont accept en termes relatifs une petite diminution de leur part. Celle duPendjab est dornavant de 51,74 %, celle du Sind de 24,55 % et celledu Khyber-Pakhtunkhwa de 14,62 %. Le gouvernement fdral, pourcompenser son manque gagner alors que par ailleurs les dpenseslies la lutte contre le terrorisme et au remboursement de la dettepublique et de ses intrts vont continuer augmenter, ambitionne

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    daccrotre de 8,8 % 12,3 % au cours des cinq prochaines annes leniveau dimposition par rapport au PIB, qui navait cess de dcliner aufil du temps.

    Il nest pas certain que les nouvelles ressources alloues aux

    finances publiques des provinces suffisent prvenir la sollicitationde dcouverts auprs du gouvernement fdral pour combler leursdficits budgtaires et relever le dfi dune augmentation substan-tielle des dpenses de dveloppement, pourtant indispensable pourlutter contre une dsesprance socio-conomique qui alimente lesrangs des groupes radicaux. Les provinces revendiquent le droit depouvoir emprunter sur les marchs financiers, un privilge rserv augouvernement fdral. Le Fonds montaire international (FMI) entendtoutefois veiller ce que les engagements pris en matire de rduc-tion du dficit budgtaire global soient honors, ce qui passe aussipar une discipline budgtaire au niveau des provinces. Il revient doncaux provinces de gnrer de nouvelles ressources et de les utiliser

    efficacement.Si parler de la redistribution des ressources fiscales de la

    Fdration vers les provinces au sein de la Commission nationaledes finances revt une importance certaine, les provinces souhaitentrompre avec la centralisation fiscale qui ne leur permettrait pas doffrirdes services publics de qualit. Labolition de la liste commune et letransfert de comptences aux provinces reprsentent un cot finan-cier supplmentaire. LAssemble constituante avait en 1948 retiraux provinces le droit de percevoir des taxes sur les biens. Quant audroit de lever des taxes sur les services, il avait t constitution-nellement laiss aux provinces, mais le Federal Board of Revenue

    sest attribu le droit de collecter ces taxes en leur nom. Ainsi, legouvernement fdral a gr les taxes sur les ventes de gaz,dlectricit et sur dautres services comme le tlphone. Il estdornavant entendu que les provinces vont retrouver le plein usagede fixer des taxes sur lensemble des services, abandonnant occa-sionnellement leur prlvement la Fdration.

    La mise en place darrangements institutionnels interprovin-ciaux, notamment pour grer les projets de dveloppement desressources naturelles, est une question qui se pose avec de plus enplus dacuit, notamment dans le cadre des ressources hydriques.Alors que les industries et les particuliers sont de plus en plus

    souvent sujets des coupures de courant, laccs leau par habitanta diminu de prs de 80 % entre 1951 et 2005 du fait de lacroissance dmographique. La pnurie deau pour lagriculturedevient un problme exigeant une attention particulire. Le Sind,province riveraine situe en aval, est de plus en plus souventconfront un dficit hydrographique et souhaite que la rarfactiondes ressources soit quitablement partage. Depuis lachvement dubarrage de Tarbela en 1974, dont la retenue deau est peu peucomble par la sdimentation, aucun nouvel ouvrage denvergure nat lanc et le barrage de Bhasha-Diamer (Gilgit-Baltistan), finale-ment approuv par le Conseil des intrts communs en juillet 2010,

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    ne devrait pas tre achev avant 2019. Lorsque le gouvernementfdral, soutenu par le Pendjab, a annonc en 2005 la dcision deconstruire le barrage de Kalabagh (Nord-Ouest du Pendjab), il a dfaire face une leve de boucliers des autres provinces qui, pourdiffrentes raisons, sy sont rsolument opposes, conduisant labandon du projet. Laccord de 1991 qui rgit la rpartition des res-sources en eau entre les provinces, fond sur des donnes qui necorrespondent plus la ralit, est surtout source de tensions.

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    Les organes locaux, facteurdaffaiblissement des provinces ?

    Avec la question du transfert de pouvoirs et de ressources de ltatfdral vers les provinces se pose aussi celle de la place du troisimeniveau de gestion des territoires (third tier of governance). En 2001,le gnral Moucharraf avait initi un devolution plan portant sur lagouvernance locale. Il prvoyait llection de chefs (nazims) de

    districts, de tehsils(une subdivision) et de municipalits assumant lerle habituellement tenu par de hauts fonctionnaires reprsentantltat et chargs du pouvoir administratif, juridique et de police(deputy commissioner, district magistrate). Il subsistait un cheloninfrieur de fonctionnaires (district officers) placs sous la directiondes nazims. Pour la premire fois, un article a t ajout laConstitution rendant obligatoire la constitution dorganes locaux parles gouvernements provinciaux. Un systme de conseils locaux adonc t institu : Union Councils, Tehsil Councils, District Councils.Ils ont t dots de larges pouvoirs administratifs et de ressourcesfinancires mais, faute de pouvoir gnrer leurs propres sources definancement, ils sont rests dpendants du niveau fdral.

    Ce systme a survcu un peu plus dun an au dpart de sonpromulgateur, la mandature des organes locaux stant acheve fin2009. Le systme avait de nombreux dtracteurs. La bureaucratieprovinciale vivait mal de perdre de son autorit sur un chelonadministratif infrieur. Quant aux gouvernements provinciaux, ils seplaignaient que le systme des nazims rduisait leurs prrogatives,comme la nomination des officiers de police, et asschait leursfinances. Ils accusrent le rgime Moucharraf davoir institu cenouveau cadre politico-juridico-administratif pour placer des membresde son parti (le PML-Q) qui lui seraient favorables au niveau desdistricts et des municipalits. La preuve en tait les lections locales,

    entaches de fraudes, conduites en 2001 et 2005. Il est vrai que lesprcdents dirigeants militaires avaient eux aussi cherch court-circuiter les partis politiques au niveau rgional en sappuyant sur desorganes locaux infods. Il y avait eu sous Ayub Khan les dmocraties de base institues en 1959 dont les 80 000 lusont servi de collge lectoral pour llection du prsident et lesmembres des assembles provinciales et nationale. Pour les partispolitiques, les lus locaux taient ncessairement au service dugouvernement fdral, notamment lorsquil sagissait de mobiliser lesvotes en faveur de la direction militaire du pays.

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    Conclusion

    Nous avons vu que le pouvoir a souvent, au cours des 60 annesdexistence du pays, rpondu aux demandes visant plus dauto-nomie provinciale non pas par la dlgation du pouvoir mais aucontraire par la centralisation de celui-ci, quand cela ntait pas par ledclenchement doprations militaires. Si lislam a t envisagcomme un facteur de cohsion, lexpression dun ethno-nationalismea t vcue comme une source de divisions. La pratique politique des

    dirigeants, relaye par une bureaucratie replie sur ses prrogatives,a renforc cette orientation. Larme a particulirement uvr en cesens en tant quinstitution poussant lhomognit au dtriment dela reconnaissance didentits sous-nationales. Une vision centrali-satrice qui permettait aussi de garder la haute main sur la gestion desressources budgtaires et sur lattribution de terres. En consquence,les gouvernements provinciaux ont dvelopp un sentiment dedfiance vis--vis du gouvernement fdral. Le transfert de pouvoirsprovinciaux vers les organes locaux sous la prsidence Moucharraf,sans contrepartie pour les gouvernements provinciaux, a creus lefoss.

    Le retour un processus dmocratique normal, avec desreprsentants lus lissue dlections libres et un Parlement redeve-nant une force de proposition, a ouvert la voie des rformes consti-tutionnelles susceptibles doffrir une rponse aux attentes des provin-ces en matire dautonomie politique et conomique. Les avancesobserves rcemment montrent quil existe enfin une volontpolitique de rpondre aux griefs des provinces. Pour autant, il y aencore du chemin parcourir avant que sestompe le sentiment despoliation, ressenti notamment au Baloutchistan, face un appareildtat contrl dune part par les Pendjabis, avec des apportspachtounes et mohajirs, et encore largement subordonn, dautrepart, un establishment militaire peu enclin tolrer autre chose que

    lexpression dun discours purement nationaliste.Il importe que les institutions qui sont des espaces de

    dialogue interprovinciaux, comme le CCI ou lIPCC, soient davantagesollicites, quil sagisse du rquilibrage des relations entre legouvernement fdral et les provinces, et entre celles-ci (considrantnotamment le poids disproportionn du Pendjab), ou de la ralisationde projets de dveloppement, notamment hydrolectriques. Il estdailleurs prvu que leCCI, qui ne stait runi que 11 fois en plus de30 ans, se runisse au moins une fois tous les trois mois. Il estimpliqu dans la gestion de la reconstruction aprs les inondations de

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    lt 2010, notamment sur la dlicate question de la rpartition desfonds entre les provinces. Le gouvernement est encore trop souventperu comme le dispensateur de faveurs en termes de mobilisation etde distribution de financements, alors que les provinces devraienttre au moins en mesure de contrler les ressources qui sont sur leurterritoire. Llargissement de leur domaine dintervention et de leursressources impose aux provinces davantage de responsabilits,notamment en termes de discipline budgtaire.

    Les gouverneurs, tout comme larme, ne doivent pas treapprhends comme linstrument dun interventionnisme fdralcharg dentraver le libre arbitre dans les provinces. Avoir des partispolitiques qui aient une implantation nationale significative et passeulement le PPP , tout comme la formation de coalitions incluantdes partis rgionaux, participe dune approche cooprative entre lesdiffrents niveaux de gestion des territoires. Mme si cela peut treune source de violentes tensions interethniques, les mouvements et

    linstallation dindividus dethnies diffrentes sur lensemble duterritoire peuvent galement jouer un rle fdrateur. Karachi (Sind)est devenu la ville du Pakistan qui abrite la plus large communautpachtoune. Une part non ngligeable de la population baloutche y vitgalement. terme, la forte croissance dmographique (la populationdpassera les 200 millions dindividus dici 2020) risque de rendreingrables les divisions actuelles et ncessaire une rorganisationadministrative territoriale.