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Accès hors campus Accueil À propos de Cairn.info Services aux éditeurs Services aux institutions Services aux particuliers Contacts Aide Revue d’Économie Régionale & Urbaine 2007/2 (juillet) 166 pages Editeur Armand Colin Site Web I.S.B.N. 9782200923242 DOI 10.3917/reru.072.0269 A propos de cette revue Site Web Alertes e-mail Recevez des alertes automatiques relatives à cet article. S'inscrire Cairn.info respecte votre vie privée REVUES OUVRAGES ENCYCLOPÉDIES DE POCHE MAGAZINES L'ÉTAT DU MONDE REVUES DISCIPLINE REVUE NUMÉRO ARTICLE Article précédent Article suivant Page 269-291 Maître de Conférences Université Lille 3 UFR MSES Domaine Universitaire « Pont de Bois » BP 149 59653 Villeneuve d’Ascq cedex [email protected] Visiteur Connexion MON CAIRN.INFO chercher une revue, un article, un auteur searc Recherche avancée Chercher dans. Le changement de nom des communes françaises aspects économiques, marketing et stratégiques [*] Vous consultez suite [*] Première version mars 2006, version révisée décembre... Eric DELATTRE du même auteur Auteur INTRODUCTION L a commune est l’espace d’organisation administrative le plus proche des citoyens. C’est aussi et surtout un espace de développement économique, social et culturel, un espace de liberté, de participation à la vie de la communauté. Depuis plus ou moins longtemps, les élus locaux s’efforcent de donner une image valorisante de leur commune, à travers des outils variés tels que les journaux municipaux, les logotypes et autres emblèmes, les sites Internet, les manifestations culturelles... L’efficacité de la communication suppose néanmoins une concordance, ou du moins un rapprochement, entre l’image transmise et l’identité réelle. Elle suppose également une cohérence de l’ensemble des messages. Au-delà de la communication, l’enjeu est de considérer et promouvoir la commune comme une véritable marque s’adressant à une multitude de parties prenantes (résidents, touristes, employés municipaux, politiciens, commerçants, artisans, dirigeants d’entreprise, investisseurs potentiels...). Dans cette optique, la réflexion sur le nom prend toute sa place. Le nom est en effet, selon l’expression de MARION (1987), un « hypersigne de communication » qui représente l’organisation dans sa globalité et permet de la reconnaître dans tous ses discours ainsi que dans tous les messages la concernant. Le nom de la commune constitue à la fois un composant de son identité de par ses origines et son histoire et le principal véhicule de cette identité. C’est l’élément générique d’identification de la commune qui la « résume » à lui seul. Changer le nom d’une ville représente donc une décision d’importance, qui devrait s’insérer dans une réelle stratégie de marque. Cette pratique n’est pas exceptionnelle, puisque le fichier historique des communes de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) recense, par exemple, 180 changements de nom de communes françaises entre 1990 et 2 Raccourcis Plan de l'article Résumé de l'article Pour citer cet article Cité par Articles de revues [1] Liens Sur un sujet proche

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Revued’ÉconomieRégionale &Urbaine2007/2 (juillet)166 pages

EditeurArmand Colin

Site WebI.S.B.N.9782200923242DOI10.3917/reru.072.0269

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Maître de Conférences Université Lille 3 UFR MSESDomaine Universitaire « Pont de Bois » BP 14959653 Villeneuve d’Ascq [email protected]

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Le changement de nom des communesfrançaises aspects économiques,marketing et stratégiques [*]

Vous consultez

suite

[*] Premièreversion mars

2006, versionrévisée

décembre...

Eric DELATTRE du même auteurAuteur

INTRODUCTION

L a commune est l’espace d’organisation administrative le plus proche des

citoyens. C’est aussi et surtout un espace de développement

économique, social et culturel, un espace de liberté, de participation à la vie

de la communauté. Depuis plus ou moins longtemps, les élus locaux

s’efforcent de donner une image valorisante de leur commune, à travers des

outils variés tels que les journaux municipaux, les logotypes et autres

emblèmes, les sites Internet, les manifestations culturelles... L’efficacité de la

communication suppose néanmoins une concordance, ou du moins un

rapprochement, entre l’image transmise et l’identité réelle. Elle suppose

également une cohérence de l’ensemble des messages. Au-delà de la

communication, l’enjeu est de considérer et promouvoir la commune comme

une véritable marque s’adressant à une multitude de parties prenantes

(résidents, touristes, employés municipaux, politiciens, commerçants,

artisans, dirigeants d’entreprise, investisseurs potentiels...). Dans cette

optique, la réflexion sur le nom prend toute sa place. Le nom est en effet,

selon l’expression de MARION (1987), un « hypersigne de communication »

qui représente l’organisation dans sa globalité et permet de la reconnaître

dans tous ses discours ainsi que dans tous les messages la concernant. Le

nom de la commune constitue à la fois un composant de son identité de par

ses origines et son histoire et le principal véhicule de cette identité. C’est

l’élément générique d’identification de la commune qui la « résume » à lui

seul.

Changer le nom d’une ville représente donc une décision d’importance,

qui devrait s’insérer dans une réelle stratégie de marque. Cette pratique n’est

pas exceptionnelle, puisque le fichier historique des communes de l’Institut

National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) recense, par

exemple, 180 changements de nom de communes françaises entre 1990 et

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RaccourcisPlan de l'articleRésumé de l'articlePour citer cet article

Cité parArticles de revues [1]

LiensSur un sujet proche

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2006. Cet article vise à mieux comprendre les raisons des changements de

nom, à en proposer une typologie opérationnelle et à souligner leur rôle dans

la communication des communes et la perception de leur image. Il s’inscrit

dans un courant de recherche émergeant à la frontière du marketing, de

l’économie régionale et spatiale et de la géographie et qui porte sur les

stratégies de marques appliquées au développement local, régional et national

[1] . Si les travaux consacrés à l’image pays, à l’origine nationale perçue des

produits, au marketing du tourisme et à la « marque pays » se sont

développés rapidement (KOTLER et GERTNER, 2002), la gestion des

marques appliquée aux villes représente un champ de recherche encore peu

exploité (MERUNKA et OUATTARA, 2006).

suite

[1] - La créationen 2004 de la

revue derecherche Place

Branding,...

L’absence de travaux antérieurs portant spécifiquement sur le

changement de nom des communes confère à cet article un caractère

exploratoire. La problématique du nom a été soulevée par quelques auteurs à

l’occasion de la création ou la restructuration de certaines collectivités mais

n’a pas fait l’objet d’études systématiques [2] . Qu’ils soient anciens ou

nouveaux, les exemples de changements de nom sont relativement nombreux.

Cela nous conduira, dans un premier temps, à quantifier cette pratique.

L’analyse des fonctions du nom permettra, ensuite, de proposer une typologie

des changements de nom des communes. Nous nous intéresserons également

à la communication de ces changements, en la comparant à celle des

changements de nom des entreprises. Les principales problématiques

touchent au choix des supports de communication, à l’annonce et au

vocabulaire du changement qui oscille entre continuité et rupture. Nous

proposerons, enfin, une approche originale du changement de nom en tant

que signal permettant à toutes les parties prenantes de mieux appréhender

l’identité de la commune.

3

suite

[2] - Il est à noterque nombre de

ConseilsGénéraux et...

- 1 - VERS UNE TYPOLOGIE DESCHANGEMENTS DE NOM

Plus petite subdivision administrative française, la commune peut

connaître des modifications importantes au cours de son histoire :

changement de département ou d’arrondissement, modification des limites

territoriales, suppression ou fusion avec une commune voisine... Le

changement de nom fait partie des décisions qui ont des conséquences

directes pour les résidents de la commune et au-delà pour toutes les parties

prenantes. L’évaluation du nombre de ces changements révèle que cette

pratique n’est pas nouvelle et qu’elle est loin d’être négligeable.

4

1.1. Quantification des changements

Aucun travail de recherche, à notre connaissance, n’a quantifié, de façon

exhaustive, les changements de nom des communes. Le Code Officiel

Géographique (COG) tenu par l’INSEE représente la source d’information la

plus fiable. Un arrêté de 2003 confirme que le COG constitue la nomenclature

officielle des collectivités territoriales et circonscriptions administratives.

Adossé au COG, le fichier historique recense, depuis 1943, tous les

changements de nom ainsi que les créations, rétablissements, disparitions et

toutes les autres modifications communales. Après retraitement de cette base

de données, il a été comptabilisé 1863 changements de nom de communes

françaises métropolitaines entre 1943 et 2006 [3] . Cela représente environ 5

5

[3] - Le fichier

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% des communes [4] . Le nombre maximum de changements est observé

durant les années 1970 (voir tableau 1). Un pic est atteint en 1973 avec 226

changements de nom. Ce nombre élevé s’explique par un mouvement

important de fusions de communes effectives au 1er janvier 1973. Depuis les

années 1980, le nombre de changements s’est stabilisé autour d’une dizaine

par an.

suite

historiquecomporte un

changement denom intervenu...

suite

[4] - Il n’estcependant pas

possible deconclure que 5

%...Tableau 1 - Nombre de changements de nom de communes

françaises métropolitaines

Il n’existe en revanche aucun recensement systématique des

changements de nom intervenus avant 1943. Durant la première moitié du

XXe siècle, on note plusieurs décrets (notamment ceux du 30 novembre 1918,

5 août 1919 et 21 février 1933) qui ont officialisé un nombre important de

changements. D’après les travaux de généalogistes concernant certains

départements, le nombre de changements semble moins important au cours

du XIXe siècle. Pour le département du Cantal, on relève ainsi 7 changements

de nom entre 1800 et 1899, à comparer aux 26 changements recensés durant

le XXe siècle. La proportion est la même pour les communes d’Ille-

et- Vilaine avec 40 changements au cours du XXe siècle contre 11 au cours

du XIXe.

6

Les changements plus anciens sont difficiles à répertorier, dans la mesure

où il n’existe pas d’état exact des communes avant 1804, date à laquelle une

circulaire ministérielle invite les préfets à dresser la liste des communes de

leur département. À cette époque, les modifications de nom interviennent

surtout à l’occasion de l’évolution des limites communales ou à l’occasion

d’événements particuliers. Ainsi, la Révolution française a entraîné un

bouleversement sans précédent dans le nom des communes. Ces

changements permettent d’exprimer les idées et valeurs des révolutionnaires

et d’éliminer les références à l’Église ou à des aristocrates

(Versailles/Berceau-de-la-Liberté ; Saint-Uniac/Uniac-la-Fontaine ; Saint-

Aubin-d’Aubigné/Aubin-Philomone ; Lyon/Commune-Affranchie...). Il s’agit,

selon un décret du 16 octobre 1793, de changer « les noms qui peuvent

rappeler les souvenirs de la royauté, de la féodalité ou de la superstition ». La

plupart de ces communes ont repris leur nom par la suite. Une ordonnance

du 8 juillet 1814 enjoint aux communes qui ne l’ont pas encore fait de

reprendre leur ancienne dénomination, sous le motif que « leur nouvelle

dénomination, inconnue même dans les départements dont ces communes

font partie, est nuisible aux relations de commerce ». L’occupation allemande

de 1870-1918 en Alsace-Lorraine a également entraîné le changement du nom

de nombreuses communes. Il s’agissait avant tout de transposer les noms en

langue allemande. À l’inverse, les noms ont été francisés en 1918 (Ancy-ad-

Mosel/Ancy-sur-Moselle ; Saarburg/Sarrebourg...).

7

Les changements de nom ont toujours existé, et ce avant même les lois

fondamentales sur l’organisation des communes (décret du 14 décembre

1789, lois de 1867, 1871-1884...). Les guerres et invasions, les regroupements,

fusions et scissions, l’évolution de la langue, autant de raisons aux

8

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modifications du nom des bourgs, villages, villes, communes et paroisses. Si

les fusions de communes restent un des principaux motifs des changements

actuels de nom, les problématiques d’image et de communication semblent

avoir pris une importance toute particulière. Ceci amène à analyser les

différentes fonctions du nom.

1.2. Les fonctions du nom

Depuis longtemps, les travaux des linguistes et des ethnologues

confirment que le nom est bien plus qu’un identifiant. LÉVI-STRAUSS (1962)

a ainsi souligné que le nom propre possédait trois fonctions plus ou moins

fortes selon les communautés ou les cultures : la fonction distinctive, la

fonction d’appartenance à certains ensembles sociaux et la fonction de

signification. De la même façon, les gestionnaires considèrent le nom de

l’entreprise davantage comme un actif immatériel que comme le moyen légal

de l’identifier. À partir des travaux sur le capital-marque (AAKER, 1991 et

1996), sur le statut du nom de marque (CEGARRA, 1991) et sur l’importance

du nom d’entreprise (KAPFERER, 1985), cinq fonctions peuvent être définies

pour le nom d’une entreprise : les fonctions d’identification, d’image,

linguistiques, financières et stratégiques (DELATTRE, 2001). L’importance

du nom a aussi été relevée en géographie et en économie régionale et spatiale.

LYNCH (1960) distingue trois processus de construction de l’image vis-à-vis

d’un lieu ou d’un espace public : l’identification, la structuration ou mise en

relation avec l’environnement et la signification. Ainsi, un lieu est d’abord

identifié, puis mis en perspective par rapport aux autres lieux ou objets

urbains pour devenir finalement porteur de sens. Le nom tient une place

particulière dans ce processus car c’est l’élément clé d’identification. Il

contribue à positionner le lieu, à l’intégrer dans son environnement et donc à

structurer l’espace. Il devient aussi un véhicule des valeurs qui y sont

associées. Le nom possède également un aspect symbolique. Plusieurs études

ont montré la façon dont les changements de nom des rues, des places, des

monuments ou des villes pouvaient être utilisés pour légitimer une idéologie,

pour institutionnaliser un régime ou faire table rase d’un système politique

(LEWIS, 1982 ; AZARYAHU, 1997 ; LIGHT, NICOLAE et SUDITU, 2002).

Changer de nom devient alors un double message : une célébration du

changement et une démonstration d’autorité grâce au pouvoir de nomination.

Celui qui nomme obtient de fait un certain pouvoir sur la chose nommée

selon ARMENGAUD (1997).

9

La commune peut être considérée comme un système organisé et

territorialisé (schéma 1), dont l’identité – c’est-à-dire ce qui constitue son

unicité, sa différence et sa cohérence – se construit au fil de son histoire par

l’intervention de nombreux acteurs. L’identité donne aux individus de

l’organisation le sentiment de partager et de participer à une histoire

commune (KAPFERER, 1988). L’image de la commune est l’ensemble des

représentations collectives et individuelles de cette identité par des parties

prenantes aux attentes et intérêts divergents.

10

La commune :

approche

systémique

La commune : approche systémique

Le nom est le seul élément commun à tout le système. C’est le signe

universel utilisé par tous les acteurs pour désigner une entité précise, ancrée

dans un territoire et porteur d’une identité propre. Dans cette optique,

11

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plusieurs fonctions peuvent être discernées pour le nom d’une commune, et

plus généralement d’une collectivité. Les fonctions d’identification et de

différenciation sont étroitement liées. Le rôle premier du nom est de conférer

une existence. « Ce qui n’a pas de nom, c’est ce qui ne compte pas, la quantité

négligeable de ce qui, en deçà de l’attention, de l’intérêt, demeure du même

coup en deçà du mot » (ARMENGAUD, 1997). Le nom permet de reconnaître

tous les discours, messages et communications d’une commune et de les

distinguer de ceux des autres collectivités et organisations. Cela est

particulièrement important lorsque l’on sait que de nombreuses communes

ont le même nom. On dénombrait, par exemple, 13 communes portant le nom

d’Asnières au début du siècle. L’identification de la collectivité inclue sa

fonction de localisation. Le nom des grandes villes porte en lui-même sa

localisation, indépendamment même de toute indication géographique. Ce

n’est évidemment pas le cas des petites communes. Afin de faciliter la

localisation, il est alors possible de se référer à une ville proche, au

département ou encore d’utiliser les sonorités ou terminaisons typiques d’une

région.

Le nom a une fonction d’image. Il véhicule la personnalité et l’identité de

la collectivité. La signification initiale du nom influence également l’image

perçue. SIBLOT (1999) parle ainsi de la potentialité de signifiance du nom.

Nomen Omen : le nom est présage, selon la célèbre formule de Cicéron. Sans

même connaître les communes, les noms de Saint-André-de-la-Roche ou de

Saint-Léger-des-Prés en donnent une certaine perception. La fonction

linguistique du nom se manifeste par son orthographe, sa prononciation, ses

attributs sémantiques et le symbolisme des sons. Enfin, il est possible de

distinguer une fonction politique ou stratégique. Le nom peut être utilisé pour

structurer la collectivité, pour élaborer un projet commun, pour asseoir un

pouvoir ou pour légitimer un système ou une idéologie.

12

1.3. Typologie des changements

À partir de ces différentes fonctions du nom, il est possible d’établir une

typologie des changements de nom des communes (voir tableau 2). Changer

de nom, c’est reconnaître qu’une des fonctions du nom actuel est déficiente.

13

Tableau 2 - Typologie des changements de nom de communes

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Les changements d’identification et de différenciation représentent une

des formes de changements les plus fréquentes. Ils consistent à ajouter un

qualificatif permettant de différencier la commune et de mieux la situer

géographiquement. Le changement s’effectue par l’ajout d’une référence

géographique régionale, départementale ou locale (Landes devenu Landes-

sur-Ajon en 1950 ; Allemagne devenu Allemagne-en-Provence en 1953 ;

Lainville devenu Lainville-en-Vexin en 1997 ; Saint-Dié devenu Saint-Dié-

des-Vosges en 1999 ; Saint-Julien devenu Saint-Julien-sur-Garonne en

2005...) ou d’un terme générique, tel que « bois », « forêt » ou « grand »

(Barneville devenu Barneville-sur-Mer en 1962 ; Saint-Méloir devenu Saint-

Méloir-des-Bois en 1997...). L’allongement du nom permet d’éviter les

confusions entre les communes homonymes. Les confusions dans la

distribution du courrier sont parfois directement évoquées parmi les motifs

du changement. L’avis du Sous-secrétaire d’État des Postes et Télégraphes

apparaît d’ailleurs sur certains décrets. Les pouvoirs publics ont largement

encouragé ce type de modification. Deux circulaires du Ministre de

l’Intérieur, en date du 27 avril 1918 et du 20 janvier 1932, demandent ainsi

aux préfets d’inviter les municipalités dont les communes portent une

dénomination identique à ajouter un complément à leur nom « de façon à

rendre toute confusion impossible ». Ces circulaires ont été suivies d’effets,

puisqu’on relève, par exemple, pour le seul département du Loiret 11

changements en 1918, 20 en 1919 et 16 en 1933 qui s’inscrivent tous dans

cette tendance à l’allongement du nom.

14

Si tous ces changements permettent de mieux identifier la commune, ils

conduisent souvent à adopter des dénominations longues qui ne facilitent pas

leur mémorisation. D’une façon plus générale, il apparaît qu’un nom très

long, difficile à prononcer ou comportant des connotations négatives peut

constituer un obstacle au développement économique ou touristique [6] . Les

impératifs liés à la communication et à l’image ont donc amené certaines

collectivités à modifier leur nom. Il s’agit alors de simplifier une

dénomination à rallonge, d’éliminer certains termes jugés péjoratifs ou tout

simplement de choisir un nom plus valorisant. Il en est ainsi de Rémering-

lès-Hargarten, Barret-le-Bas, Ruines ou Châlons-sur-Marne devenus

respectivement Rémering, Barret-sur-Méouge, Ruynes-en-Margeride et

15

suite

[6] - Latransformationdes Côtes-du-Nord en Côtes

d’Armor,...

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Châlons-en-Champagne. L’influence des termes négatifs ou dévalorisants

n’est cependant pas à surestimer. Il semble exister, en effet, un phénomène de

« dé-sémantisation », selon l’expression de WATIN-AUGOUARD (1997),

permettant d’oublier la signification initiale d’un nom commun utilisé en tant

que marque ou nom de collectivité.

Nombre de changements se limitent à des modifications mineures

d’orthographe ou de typographie. Ainsi en 1998, Le Haucourt,

Châteaurenard, Couffi, Beaubigny sont devenus respectivement Lehaucourt,

Château-Renard, Couffy et Baubigny. De même, Grenand-lès-Sombernon,

Sainte-Croix-de-Verdon et Saint-Yvy ont pris le nom, en 2005, de Grenant-

lès-Sombernon, Sainte-Croix-du-Verdon et Saint-Yvi. Ces changements

linguistiques ont pour objectif de simplifier l’orthographe, de mettre le nom

en accord avec sa prononciation, de retrouver un nom dont la graphie a été

altérée par l’usage.

16

Les changements stratégiques et politiques constituent une autre grande

catégorie de changements de nom. Le grand nombre de petites communes

rurales en France conduit inévitablement à des regroupements, qui sont

d’ailleurs encouragés par les pouvoirs publics. Lors d’une fusion, le nouveau

nom choisi est souvent une juxtaposition des deux anciens noms. La fusion de

Chauvac et de Laux-Montaux en 2002 donna ainsi naissance à Chauvac-

Laux-Montaux. Cette pratique n’est cependant pas nouvelle comme en

témoigne la commune d’Andouillé-Neuville formée des deux localités

d’Andouillé et de Neuville, le 28 brumaire de l’an VI. Cette solution présente

l’avantage d’afficher une certaine égalité entre les deux parties, quitte à

revenir ensuite à un nom plus simple (Amareins-Francheleins-Cesseins

devenu Francheleins en 1998) [7] . Il est également possible, et souvent

souhaitable, de contracter les deux noms pour construire un nom plus court.

Athis-Mons est ainsi issu de la fusion d’Athis-sur-Orge et Mons-sur-Orge. Il y

a très peu d’exemples de communes ayant profité de la fusion pour choisir un

nom complètement nouveau, à l’instar de Villiers-Bonneux devenu

Perceneige après sa fusion avec Courceaux, Grange-le-Bocage, Plessis-du-

Mée, Sognes et Vertilly. Quoique plus rares, les scissions se traduisent par des

problématiques similaires. Les deux communes reprennent généralement

leur ancien nom ou choisissent un toponyme notoire. Les changements visant

à asseoir un pouvoir, à marquer une rupture ou à légitimer un système

politique sont par nature exceptionnels. Rentrent, par exemple, dans cette

catégorie les changements intervenus au moment de la Révolution Française

ou ceux concernant les villes de l’ex-bloc de l’Est débaptisées par les autorités

communistes.

17

suite

[7] - Cettepratique est très

fréquente pourles fusions...

Ces principales catégories de changement ne sont pas exclusives les unes

des autres. Ainsi, la différenciation passe souvent par un changement

d’image. La transformation de Veules en Veules-les-Roses en 1897 permettait

avant tout de différencier Veules et Veulettes, mais valorisait également un

joli bourg fleuri de roses. De même, une fusion est souvent l’occasion d’avoir

une réflexion sur le nom et donc de tenir compte des impératifs d’image.

Après avoir proposé une typologie des changements de nom de communes, il

convient d’aborder les aspects managériaux. Une des problématiques

managériales importantes concerne la gestion de la communication.

18

- 2 - LA COMMUNICATION DU CHANGEMENTDE NOM

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La communication est un facteur clé de réussite de tout changement [8] .

Aussi pertinent soit-il, le changement doit faire l’objet d’une communication

adaptée pour être jugé légitime. La communication du changement de nom

des communes se heurte en fait à deux difficultés : d’une part, la rareté de

cette pratique qui explique l’absence de procédures, de stratégies et de plans

de communication pré-existants et, d’autre part, la nécessaire prise en

compte des spécificités des communes. Parmi les points clés de la

communication du changement de nom, il est possible de souligner le choix

de la cible et des supports à modifier, la question du moment de l’annonce et

de la rapidité du changement et enfin la création proprement dite, souvent

partagée entre continuité et rupture.

19

suite

[8] - Il existe uncas très

particulier où lechangement...

2.1. Le choix de la cible et des supports

À propos du choix de la cible, la priorité est d’adopter une approche

suffisamment large. Si les administrés représentent bien évidemment le cœur

de cible, les administrations et autres institutions avec lesquelles la ville est

en relation, ainsi que les organisations résidentes et les partenaires

commerciaux et financiers (fournisseurs, banques...) ne doivent pas être

oubliés. Un des enjeux concerne la mise en évidence des différentes attentes

de ces parties prenantes, afin de pouvoir adapter la communication. Les

moyens d’annonce sont nombreux. Cependant, en pratique, les communes se

limitent généralement à l’envoi d’une lettre d’information, suivie ou précédée

du journal de la commune qui se fait largement l’écho du changement de

nom. Les changements de nom d’entreprise fournissent des exemples de

médias plus originaux, encore très peu utilisés par les collectivités : faire-part

de naissance, gadget et cadeau publicitaire, grande soirée de gala, CD ou

vidéo à visée à la fois historique et prospective, conférence de presse...

20

Le nom des communes fait parti de l’environnement quotidien des

individus. Les supports véhiculant le nom sont nombreux dans les paysages et

espaces notamment urbains. Tous ces supports se doivent d’être changés

(voir tableau 3). Les supports « papier » et les supports électroniques,

aisément modifiables, s’opposent aux supports liés à l’affichage urbain et de

transport, dont le changement est plus long et coûteux. Compte tenu de la

multitude des supports, la représentation visuelle du nom, le logotype, prend

une importance toute particulière. Le changement de nom entraîne

nécessairement une réflexion sur le logotype. S’il est possible de garder le

même design pour marquer une certaine continuité, la transformation

radicale du logo peut souligner une volonté forte de dynamisme ou de

modernisation. Ainsi, lorsque le changement de nom est mineur, la

modification du logo passe parfois au premier plan. Que la modification soit

profonde ou non, l’important est qu’elle s’inscrive dans une identité visuelle

unique et cohérente.

21

Tableau 3 - Supports à modifier

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2.2. L’annonce et la rapidité du changement

Manager le changement nécessite aussi de s’intéresser à la phase de

transition et à la problématique de la vitesse de ce changement. Lors d’une

modification du nom d’un produit, les spécialistes conseillent une transition

en douceur (KAPFERER, 1996). L’ancien et le nouveau nom coexistent sur les

conditionnements souvent pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Raider/Twix, Pal/Pedigree, Galaxy/ Paic System sont autant d’exemples de

transitions en douceur où l’importance de l’ancien nom sur le packaging est

progressivement réduite, jusqu’à complètement disparaître. À l’inverse, selon

KAPFERER, les changements de nom d’entreprises doivent se faire très

rapidement. Il s’agit en effet de prouver la volonté du management. Certaines

entreprises réussissent ainsi en une nuit à effacer toute trace de leur ancien

nom. La lenteur du changement témoignerait des hésitations des décideurs.

22

Le changement de nom des communes se rapproche de ces changements

corporate. Une transition rapide est donc conseillée. Les supports « légers »

et les supports « stratégiques », les panneaux en entrée et sortie de commune,

par exemple, seront modifiés simultanément. Bien évidemment, il convient

de tenir compte des délais engendrés par la procédure du changement de

nom, qui est encadrée par l’article L2111-1 du Code général des Collectivités

territoriales. Le changement de nom ne peut se faire que par « décret en

Conseil d’État, sur demande du Conseil Municipal et après consultation du

Conseil Général » [9] . La commission de révision du nom des communes,

instituée par l’arrêté du 15 août 1948, peut également être consultée. Cette

procédure présente l’avantage d’éviter les changements trop rapides –par

exemple celui initié par une nouvelle majorité municipale trop enthousiaste

qui voudrait changer un nom à forte histoire– et les erreurs dans le choix du

nouveau nom. La procédure juridique dans son ensemble, à partir de la

délibération du Conseil Municipal dure en moyenne moins d’un an. Compte

tenu du rejet de certains changements, il peut être souhaitable d’attendre la

publication du décret avant d’annoncer le changement. En effet, même s’ils

sont difficilement quantifiables, les refus existent bel et bien. Ainsi, certains

décrets récents précisent les changements non entérinés : 3 pour le décret n°

2006-808 du 7 juillet 2006, 1 pour le décret n° 2005-1155 du 12 septembre

2005 et 12 pour le décret n° 97-1172 du 22 décembre 1997. Si le moment de

l’annonce semble peu problématique, les pratiques de communication

divergent quant à « l’intensité » de l’annonce. Faut-il ou non créer un effet

23

suite

[9] - Deux typesde changements

échappent àcette

procédure :...

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d’annonce, voire théâtraliser le changement ? La réponse à cette question

dépend notamment de la taille de la commune et du degré de nouveauté du

nom.

2.3. Le vocabulaire du changement : entre continuité et rupture

Concernant la création proprement dite, les campagnes de

communication sur le changement de nom sont avant tout informatives. La

difficulté réside surtout dans le choix du vocabulaire. WATZLAWICK et al

(1975) ont montré que la notion de changement était une combinaison, voire

un affrontement entre des valeurs de permanence, de continuité et des

valeurs de création, de rupture. Suite à ces travaux, QUINTON (1997)

distingue trois degrés dans tout changement : permanence (ou tradition),

combinatoire (ou évolution) et création (ou innovation). Le schéma 2

distingue ainsi trois degrés dans le changement de nom d’une commune.

24

Le degré de

nouveauté du

nom*

Le degré de nouveauté du nom*

Une étude menée sur 899 changements de nom d’entreprises

(DELATTRE, 2001) montre que les changements de création (37 %) sont les

plus fréquents, devant les combinaisons de nom (23,7 %), les simplifications

de nom (14,8 %), les allongements de nom (12,7 %) et les changements de

« permanence » (11,8 %). L’observation des 1863 changements de nom de

communes entre 1943 et 2006 révèle beaucoup moins de diversité (voir

schéma 2). Plus de 70 % des changements concernent des allongements de

noms. Si on ajoute les changements mineurs d’orthographe ou de typographie

et les simplifications de nom, il apparaît que la quasi-totalité des

changements contemporains s’inscrit dans la continuité, et non dans la

rupture. Les changements de création sont marginaux (3,7 %). Même lorsque

le nouveau nom est totalement différent de l’ancien, il fait référence à

l’histoire –récente ou ancienne– de la commune. Ainsi, Doulevant-le-Château

qui avait pris le nom de Blaiserives après sa fusion avec Villiers-aux-Chênes

en 1972, a repris son nom vingt ans plus tard, en 1992.

25

Au-delà de ce constat général sur la période 1943-2006, il est intéressant

d’étudier les changements les plus récents. Le tableau 4 met en évidence des

différences de répartition significatives selon la période (chi2=239,03 ; p <

0,001) [10] . Si l’allongement du nom représente toujours la forme de

changement la plus fréquente, son poids relatif apparaît moins important

depuis 1980. Les changements de création et les simplifications de nom ont

tendance à se raréfier. La particularité principale des changements récents

réside dans la forte croissance des changements d’orthographe ou de

typographie : modification d’une lettre, ajout ou suppression d’un tiret,

adoption, retrait ou modification d’un accent. Ils représentent ainsi presque

28 % du total des changements depuis 1980 et 32 % depuis l’an 2000. Ces

changements sont mineurs mais ils témoignent de l’importance accordée au

nom et d’une volonté de faciliter la communication. Ils peuvent permettre de

renforcer l’implantation régionale d’une commune, de retrouver une

orthographe ou une prononciation originelle ou encore de faciliter la

prononciation. C’est le cas, par exemple, de Plouézoch, Laneuvilleroy, Bryas,

Longvillers, Widensohlen devenus respectivement Plouezoc’h, La Neuville-

Roy, Brias, Longvilliers, Widensolen.

26

suite

[10] - Lesrésultats sont

tout aussisignificatifs

lorsque...

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Tableau 4 - Répartition des changements de nom par période

QUINTON (1997) a souligné la spécificité du vocabulaire du changement

(voir tableau 5). Selon cette approche, le choix du vocabulaire serait lié à

l’intensité du changement. Le principal écueil à éviter est celui du décalage

entre le discours et le changement réel d’identité. Ces changements, pour

ceux relevant du registre du « faire savoir » plutôt que du « faire »,

apparaissent vides de sens et donc plus difficiles à légitimer.

27

En conclusion, les communes qui changent de nom ne peuvent faire

l’économie d’une campagne de communication. Il apparaît capital de

préparer le changement, d’envisager une évolution du logotype, de définir un

planning avec les supports à modifier en priorité, de choisir un vocabulaire

adapté... Au-delà de la pertinence même du changement, la vitesse

d’appropriation du nouveau nom par les résidents dépend, en effet,

prioritairement de la qualité du travail de préparation du changement.

28

Tableau 5 - Sémiologie du changement (occurrences lexicales)

- 3 - LE CHANGEMENT DE NOM : UN SIGNALLIÉ À L’IDENTITÉ

Changer de nom n’est jamais une décision neutre. Le changement

comporte certains risques. Les coûts sont parfois importants... d’autant que

les retombées demeurent difficilement évaluables. D’un point de vue

économique mais aussi marketing, le changement de nom d’une commune

peut être considéré comme le signal d’une évolution de son identité ou

comme un signal de sa localisation géographique. Selon AVRAHAM (2004),

le changement de nom est l’une des dix stratégies permettant d’améliorer

l’image négative d’une ville. Le changement peut être l’occasion de faire de la

commune une marque. En dépit des coûts directs et indirects du changement,

celui-ci est donc susceptible de créer de la valeur. Le manque de données et

l’absence de travaux préexistants confèrent, cependant, à cette analyse un

caractère exploratoire.

29

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3.1. Le signal de la réalité identitaire de la commune

Selon la théorie des signaux, un signal est l’annonce d’une action

potentielle ou en cours diffusée intentionnellement par un agent économique

afin de permettre à d’autres agents économiques moins bien informés d’en

déduire sa situation réelle actuelle ou future. Le signal engendre

généralement certains coûts directs ou indirects qui contribuent à sa

crédibilité, mais il se présente sous la forme d’une information facile à

obtenir, à un coût nul ou faible, pour ses divers destinataires. Il peut être

utilisé de façon isolée ou accompagné d’autres signaux. La théorie des signaux

ou des messages est issue de l’économie (SPENCE, 1973 ; RILEY, 1975).

L’origine de cette théorie est à rechercher dans les travaux sur l’économie de

l’information, et notamment sur les marchés en situation d’information

asymétrique [11] . AKERLOF (1970) a souligné le premier le risque existant

sur les marchés se caractérisant par une information imparfaite et

asymétrique entre acheteurs et vendeurs. Cette asymétrie d’informations

caractérise de nombreux marchés. La situation la plus fréquente est celle où

des dirigeants bien informés sur les caractéristiques réelles de leur entreprise

font face à des acteurs – actionnaires, créanciers, fournisseurs, clients... –

moins bien informés. Il paraît dès lors capital pour les dirigeants de signaler

certaines caractéristiques favorables susceptibles de leur procurer un

avantage financier ou concurrentiel.

30

suite

[11] - L’influencedes recherches

axées sur lesmarchés...

D’une manière générale, l’apport de la théorie des signaux est de montrer

comment les agents économiques peuvent utiliser certains signaux, afin de

contrer les effets du phénomène de sélection adverse mis en évidence par

AKERLOF. Les agents économiques bien informés vont chercher à convaincre

leurs partenaires mal ou peu informés de leur valeur ou de leur qualité (ou de

celle de leurs produits). Selon LÖFGREN, PERSSON et WEIBULL (2002), la

contribution principale de SPENCE (1973) est d’avoir formalisé, développé et

démontré les implications de cette idée de base. Depuis l’article fondateur de

SPENCE, les applications de la théorie des signaux se sont multipliées. Les

modèles de signalisation concluent généralement qu’en situation d’équilibre,

les agents économiques appartenant à une catégorie de performance élevée

envoient un signal coûteux afin de se différencier des agents économiques

appartenant à une catégorie de performance basse. Le coût du signal assure –

théoriquement– les récepteurs de la véracité de l’information transmise en

dissuadant les « faux » signaux.

31

Au regard de cette approche théorique, le changement de nom d’une

commune peut être considéré comme un signal permettant à tous les agents

économiques d’en déduire sa situation, son identité. Ce signal répond à une

situation d’asymétrie informationnelle. Le changement de nom permet aux

élus locaux d’informer leurs administrés sur la modernisation de la

commune, d’informer les investisseurs potentiels et les touristes sur sa

localisation exacte ou encore d’informer leurs partenaires institutionnels et

commerciaux sur une fusion avec une commune voisine... Si chaque

changement de nom est un cas particulier, la dimension d’information est

toujours présente. Il s’agit d’être globalement mieux identifié par les parties

prenantes, individus et organisations, résidents et non résidents. Le nom en

lui-même véhicule une information sur la commune. Le nom est d’ailleurs le

principal signe d’identification de la commune, comme de toute organisation.

À travers ses composantes verbales et visuelles, le nom permet de reconnaître

32

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toutes les communications de la collectivité. Le nom est une métonymie dans

la mesure où le signe est utilisé pour résumer l’entité dans sa globalité.

Indépendamment de toute précision, le nom véhicule certaines valeurs. Pour

une petite commune, généralement peu connue, le fait de choisir un nom qui

la rattache à une région permet d’emblée de lui offrir une certaine

représentation dans l’esprit des personnes extérieures à la commune. D’une

façon générale, le nom joue un rôle considérable dans la construction et la

perception de l’identité. Dès 1960, LYNCH soulignait que la dénomination

pouvait renforcer l’identité d’un espace urbain.

3.2. La perception de l’identité de la commune

L’objectif sous-jacent ou non des changements de nom est que l’identité

de la commune soit perçue de la meilleure façon possible. Le changement

sera donc efficace s’il entraîne une évolution d’image positive. À partir des

travaux de KELLER (1993) sur l’image de marque et ceux d’ANHOLT (2006)

et de LAAKSONEN et al (2006) sur l’image des villes, l’image d’une commune

peut être définie comme une perception synthétique de son identité. Compte

tenu de la multitude et de la diversité des publics concernés (MERUNKA et

OUATTARA, 2006), la mesure de cette image et de son évolution apparaît

complexe.

33

La procédure de l’élicitation libre et la construction d’une échelle

constituent les deux principales méthodes pour mesurer l’image d’une

commune. L’échelle du capital-citoyen d’une ville établie par CHAMARD

(2004) distingue trois facteurs : le dynamisme perçu de la ville mesuré par

des items liés à sa personnalité, l’agrément basé sur des éléments exogènes et

l’opinion vis-à-vis de la gestion municipale. Basée sur le seul exemple de la

ville de Pau, cette échelle nécessite plusieurs réplications. Le baromètre de

l’image des villes d’ANHOLT (2006) est limité aux très grandes villes

puisqu’il mesure la perception des habitants de 18 pays concernant 30

métropoles. Six éléments d’image sont retenus sans aucune précision sur la

méthodologie : la présence ou statut de la ville, le lieu (caractéristiques

physiques), le potentiel en matière d’économie et d’éducation, le style de vie,

les habitants et les aménagements et équipements. La méthode de l’élicitation

libre est utilisée par COLLANGE, CHANDON et ROUX (2004) pour mesurer

l’impact d’un changement de nom de marque sur son image. Les auteurs

concluent que le nombre global d’associations, le nombre d’associations

favorables et le nombre d’associations uniques influencent favorablement

l’évaluation du changement. MERUNKA et OUATTARA (2006) montrent que

les associations générées par les communes peuvent être très variables. Seule

une minorité de communes possède une image forte, différenciée et positive.

Certaines communes ont des associations très spécifiques et favorables, mais

qui dépendent quasi-exclusivement d’un produit (Camembert), d’un

événement (Marciac) ou d’une personnalité (Domrémy). D’autres souffrent

d’associations négatives pour des raisons historiques (Vichy), des faits divers

tragiques (Outreau)...

34

L’approche de MICHEL (2000) est basée sur la théorie du noyau central,

selon laquelle la marque est constituée d’un noyau central et d’un système

périphérique (voir schéma 3). Le noyau central assure deux fonctions : une

fonction génératrice de signification et une fonction d’organisation des

éléments d’identité les plus stables. Le système périphérique intègre les

35

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éléments d’identité moins pérennes et moins fortement associés à la marque.

Les associations périphériques sont les premières à être modifiées en cas

d’évolution de l’environnement ou en cas d’action marketing nouvelle.

MICHEL (2000) a montré qu’une extension de marque entraînait une

évolution des associations périphériques, une modification de l’évaluation de

la marque ainsi qu’une modification de la force des associations centrales et

périphériques. De même, l’alliance entre deux marques peut avoir un impact

sur les associations centrales et périphériques de ces marques (CEGARRA et

MICHEL, 2003). Cette approche semble intéressante pour formaliser

l’évolution de l’image de la commune suite au changement de nom.

L’adoption d’une nouvelle dénomination peut engendrer de nouvelles

associations périphériques et/ou en supprimer d’autres (voir schéma 4). Dans

certains cas extrêmes, lorsque le nom choisi est complètement nouveau par

exemple, il peut y avoir modification des associations centrales. Le risque

paraît alors plus élevé. MICHEL (2000) a montré que les extensions de

marques incohérentes avec les associations centrales diminuaient l’évaluation

globale de la marque.

Une des particularités de l’image des communes concerne l’influence de

leur environnement. L’image d’une ville voisine, du département, de la région

voire du pays peut ainsi inférer, de manière positive ou négative, sur l’image

de la commune. Cela est particulièrement le cas des communes pour

lesquelles les associations sont peu nombreuses, faibles ou floues. Le

changement de nom de Beaumont en Beaumont-du-Périgord en 2001 permet

ainsi à cette commune rurale de bénéficier des associations de tranquillité,

d’authenticité, de nature ou de gastronomie du Périgord. À l’inverse, certaines

villes ont un statut tel que leur image est relativement indépendante de leur

environnement. La ville peut même devenir le symbole du pays (MERUNKA

et OUATTARA, 2006).

36

L’ajout d’une référence locale ou d’un nom commun peut générer des

associations positives supplémentaires. Il semble ainsi que les associations

spontanées envers les communes de Gimel-les-Cascades, Sixt-Fer-à-Cheval

ou Sainte-Colombe-des-Bois soient plus nombreuses et plus positives

qu’envers Gimel, Sixt ou Sainte-Colombe. L’objectif peut être également de

supprimer des associations négatives et les remplacer par d’autres plus

favorables (Nanteuil-la-Fosse/Nanteuil-la-Forêt, Cognac-le-Froid/Cognac-la-

Forêt...). Dans certains cas, le changement conduit à faire référence à une

grande ville (Aulnoy/Aulnoy-lez-Valenciennes, Vallières/ Vallières-lès-

Metz...). L’image de la commune est alors essentiellement liée aux

associations portant sur la ville voisine. Cela peut être une étape facilitant le

processus de fusion, comme dans l’exemple de Vallières-lès-Metz. Une

commune souhaitant développer une personnalité propre cherchera à

l’inverse à dissocier son nom de celui d’une autre commune, à l’instar de

Lande-de-Libourne devenu Lalande-de-Pomerol. La fusion de deux

communes ne conduit pas à une simple addition de l’image de chacune d’elle.

Il est illusoire de juxtaposer les deux noms pour bénéficier des associations

des deux communes. Au contraire, cela peut conduire à rendre l’image plus

floue notamment lorsque les associations centrales sont très différentes. Sans

compter qu’un nom très long est généralement plus compliqué à mémoriser.

Pour faire évoluer les traits d’image de façon favorable et équilibrée lors d’une

fusion, il peut être souhaitable de maintenir le nom de la commune à plus

37

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forte image ou bien encore de combiner les deux noms.

Représentation

de l’image

d’une marque

Représentation de l’image d’une marque

Évolution de

l’image suite à

un

changement

de nom

Évolution de l’image suite à un changement de nom

3.3. La création de valeur du changement

Le changement de nom constitue donc un signal susceptible d’amener les

parties prenantes à modifier leur perception de l’identité de la commune, qui

peut être mesurée par une évolution des associations périphériques, et plus

rarement centrales. Plus généralement, la valeur créée par le changement de

nom peut être de trois natures différentes : la valeur intrinsèque de tout

signal, la valeur liée au contenu du signal et la valeur liée à sa communication.

38

Indépendamment même de son contenu, l’information possède en elle-

même une certaine valeur. Le fait d’être mieux informé sur une organisation

contribue à une évaluation plus favorable de celle-ci [12] . L’information attire

l’attention sur l’émetteur et elle fidélise. Selon la théorie des signaux, le

changement de nom s’inscrit parfaitement dans ce cadre, puisqu’il améliore

l’information sur la commune en donnant d’elle une image plus conforme à

son identité. Evidemment, le contenu du signal est l’élément clé de la création

éventuelle de valeur. Comme cela a été souligné précédemment, les situations

sont extrêmement diverses mais l’idée générale est que le changement permet

à la collectivité d’être mieux identifiée par son environnement au sens large.

Dans une optique marketing, il apparaît que le changement peut être utilisé

pour donner une meilleure visibilité à la commune et lui donner une image

plus claire, plus forte, plus distinctive, plus positive et plus cohérente : plus

claire par rapport à sa localisation, plus forte, distinctive et positive par

rapport aux valeurs portées par le nom, le logotype et tous les autres

supports, et plus cohérente par rapport à son identité réelle. Cette meilleure

adéquation entre l’identité et l’image rend la communication plus efficace.

Mieux identifiée dans tous ses discours, la collectivité peut ambitionner, à

terme, une plus grande notoriété et une meilleure image. La communication

du signal est source de valeur. En plus de la publicité média et hors média

prévue par la commune, les changements bénéficient généralement d’autres

relais d’informations. La communication permet à tous de s’approprier plus

rapidement le nouveau nom. Elle pourrait aussi contribuer, indirectement, à

attirer de nouveaux habitants ou de nouvelles entreprises. Il existe cependant

encore peu d’études sur l’efficacité de la communication des collectivités.

39

suite

[12] - Ainsi,lorsque les

intermédiairesfinanciers sont

mieux...

3.4. Coûts et risques du changement de nom

Même s’il est difficile d’obtenir des informations chiffrées, il est

indéniable que le changement de nom est un signal coûteux. Le coût du

changement peut atteindre 1 million d’euros pour les communes d’une

certaine taille. Le changement de nom des grandes entreprises apparaît

encore plus coûteux. Il s’est ainsi élevé à 15,2 millions d’euros pour Thales (ex

Thomson-CSF) soit la moitié de son budget annuel de communication

mondiale de l’époque. Le coût a été estimé à 61 millions d’euros pour Vivendi

(ex Compagnie Générale des Eaux) et 178 millions de dollars pour Accenture

(ex Andersen Consulting). Ce coût élevé dissuade les « faux signaux », c’est-à-

dire le changement de nom censé refléter un changement d’identité en fait

40

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non réel. Le changement de nom est tellement coûteux qu’il paraît peu

efficace de l’utiliser comme signal pour masquer un vide, un non-

changement. Le coût du changement contribue à sa crédibilité.

L’évaluation est en fait difficile selon que l’on inclue ou non les dépenses

indirectes nécessaires pour faire connaître le nouveau nom. De même, les

dépenses s’étalent parfois sur plusieurs années, mais se substituent aussi en

partie aux dépenses de communication habituelles. Avant l’annonce, les

principaux postes de dépenses concernent les recherches sur le nom, la

création d’une identité visuelle et toutes les études préliminaires au

changement. S’ajoutent, ensuite, à ces dépenses, la communication interne et

externe, ainsi que la modification de tous les supports administratifs,

électroniques, urbains... du nom. Enfin, l’abandon d’un nom ayant acquis une

certaine notoriété et une certaine image représente une perte de valeur, une

perte de capital. Ce risque lié à la notoriété apparaît bien réel. Le risque de

rejet du changement par la population peut être limité, à partir du moment

où le changement est préparé et expliqué. Le nom se construit principalement

par l’usage. C’est l’utilisation du nom qui lui donnera donc sa légitimité. Le

nom se charge de connotations, grâce à la communication et grâce à l’histoire

de la commune. En revanche, le nom peut anticiper et annoncer les qualités et

les valeurs associées à la commune. Selon BOURDIEU (1982), le mot est un

« programme de perceptions ». C’est à la communication de confirmer,

ensuite, ces perceptions et ces valeurs.

41

Le point de départ du changement repose sur la volonté du Conseil

Municipal. La consultation de la population n’est pas obligatoire. Quelques

communes ont néanmoins organisé des référendums locaux pour connaître

l’avis des habitants, soit sur les différents noms envisagés, soit même sur la

pertinence du changement. Il ne faut cependant pas sous-estimer la

résistance au changement. Ainsi, en 2002, les élus de Deuil-la-Barre (95) ont

organisé un référendum pour le changement éventuel du nom de la

commune. 71 % des votants ont souhaité garder le nom actuel. Compte tenu

de la résistance au changement, certains experts en création de nom pensent

que le changement doit s’incarner à travers une volonté forte et qu’il doit

donc, dans une certaine mesure, être imposé. Notons, enfin, que la

multiplication des changements de nom pour une même commune contribue

à fragiliser son identité. Le nom est, en effet, l’élément le plus stable de

l’identité. En changer doit rester une décision exceptionnelle prise dans une

perspective de long terme. Malgré les risques et l’importance des dépenses, le

changement de nom n’est pas pour autant une décision effectuée en pure

perte. Une des hypothèses mises en évidence dans la théorie des signaux est

que l’organisation n’a intérêt à envoyer un signal que si le bénéfice attendu de

cette activité de signalisation est supérieur à son coût. Dans le cas des

communes, le bénéfice attendu, bien que difficilement chiffrable, semble bien

réel.

42

CONCLUSION

En guise de conclusion, il est possible de résumer les deux principaux

apports de cette étude et de proposer quelques pistes de recherche. La

première contribution est liée à la quantification et à la catégorisation des

changements de nom de communes. Cette pratique est loin d’être marginale,

puisqu’il a été comptabilité 1863 changements de nom de communes

43

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françaises métropolitaines entre 1943 et 2006. Après un pic observé dans les

années 1970, le nombre de changements s’est stabilisé autour d’une dizaine

par an. À partir de l’étude des fonctions du nom, la typologie proposée

distingue les changements d’identification/différenciation, les changements

linguistiques, les changements d’image et les changements stratégiques,

notamment dans le cadre des fusions de communes. Le choix du nom

présente une faible diversité, puisque plus de 70 % des changements

consistent simplement à allonger le nom actuel. La grande majorité des

changements s’inscrit dans la continuité. Les changements de rupture restent

très rares. Le second apport de l’étude réside dans le fait d’aborder le

changement de nom sous l’angle de la théorie des signaux. Le changement

peut, en effet, être considéré comme un signal émis par les autorités

communales afin de permettre aux parties prenantes – administrés,

entrepreneurs, touristes... – de mieux appréhender l’identité de la commune.

Il s’agit d’insérer le changement dans une stratégie visant à faire de la

commune une véritable marque. L’enjeu est de donner une visibilité plus

grande à la commune et une image plus spécifique, plus forte et plus positive.

En se basant sur les travaux de MICHEL (2000), l’efficacité du changement

peut ainsi être mesurée par l’évolution des associations centrales et

périphériques concernant la commune.

L’application de cette approche à un cas réel de changement de nom

représente la perspective de recherche la plus immédiate. Des éléments de

réponse pourraient ainsi être apportés à des problématiques managériales.

Quelles sont les formes de changement qui génèrent le plus d’associations

nouvelles, positives et uniques ? Les changements remettant en cause les

associations centrales sont-ils évalués moins favorablement ? Quelles sont les

associations partagées et les associations spécifiques aux différents publics

auxquels la commune s’adresse ? La façon dont les associations se

construisent mérite également une attention particulière. Sachant que l’image

des villes est avant tout fondée sur l’expérience personnelle des individus

(CHAMARD, 2004), l’application des outils et cadre d’analyse du marketing

relationnel et du marketing expérientiel pourrait s’avérer intéressante. D’une

façon plus générale, cette étude s’intègre dans le champ de recherche des

stratégies de marques appliquées au développement local. À côté des

changements de nom, les partenariats (co-branding) avec des marques

commerciales ou des associations, le lancement de produits dérivés

(licensing) ou l’association du nom de la commune à un produit, à une

personnalité ou à un événement constituent des pratiques encore peu

étudiées malgré leurs retombées potentiellement importantes.

44

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NOTES

Première version mars 2006, version révisée décembre 2006 [ *]

- La création en 2004 de la revue de recherche Place Branding, le numérospécial consacré au « nation branding » par le Journal of Brand

Management ou la création en 2005, suite aux travaux d’ANHOLT, d’unbaromètre des marques nationales (http://www. nationbrandindex.com)constituent quelques uns des éléments fondateurs de ce courant derecherche.

[ 1]

- Il est à noter que nombre de Conseils Généraux et Régionaux ont aussimené des réflexions autour du nom de leur collectivité. Il a été choisi, dansle cadre de cette étude, de se focaliser sur le nom des communes. L’intérêtest de pouvoir analyser un nombre important de changements et d’observerainsi une plus grande diversité des pratiques. De plus, les donnéesquantitatives apparaissent davantage exploitables. Si les problématiques duchangement de nom des communes et des départements semblent proches,

[ 2]

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il conviendrait de mener une étude complémentaire avant d’étendre lesconclusions de cette recherche au niveau du département, voire de larégion.

- Le fichier historique comporte un changement de nom intervenu en 1930.Le retraitement a consisté essentiellement à retirer de la base de donnéesles fusions sans modification de nom.

[ 3]

- Il n’est cependant pas possible de conclure que 5 % des communesfrançaises ont changé de nom depuis l’après-guerre, dans la mesure où unnombre non négligeable de communes a changé plusieurs fois de nom.

[ 4]

- Il s’agit de l’évolution des références géographiques du nom généralementconstatée suite au changement. D’autres situations existent. Dans certainscas, le changement suite à une fusion s’accompagne, par exemple, d’unesimplification du nom avec la suppression d’une référence géographiquelocale ou à l’inverse de l’ajout du nom d’un fleuve ou d’un département.

[ 5]

- La transformation des Côtes-du-Nord en Côtes d’Armor, largementapprouvée par les communes du département, était ainsi avant tout unmoyen de faciliter le développement touristique.

[ 6]

- Cette pratique est très fréquente pour les fusions d’entreprises :l’entreprise issue de la fusion entre AXA et l’UAP s’est d’abord appeléeAXA-UAP avant de prendre le nom d’AXA. Idem pour Suez-Lyonnaise desEaux devenu Suez.

[ 7]

- Il existe un cas très particulier où le changement de nom constitue en lui-même un moyen de communication. C’est le cas lorsque la commune prendle nom d’une marque commerciale. Ainsi, aux Etats-Unis, la ville de Clarkest devenue Dish, du nom de l’entreprise Dish Network, en contrepartie dela gratuité de son réseau de télévision par satellite pendant une période de10 ans (MERUNKA et OUATTARA, 2006). Cette pratique se rapproche desconcessions de noms de stades accordées par certains clubs sportifs à desentreprises.

[ 8]

- Deux types de changements échappent à cette procédure : ceux liés à unefusion ou une scission et ceux liés à une erreur administrative. « Leschangements de nom qui sont la conséquence d’une modification deslimites territoriales des communes sont prononcés par les autoritéscompétentes pour prendre les décisions de modification » (Code généraldes Collectivités territoriales). « La rectification d’une erreur matérielleadministrative, évidente et relativement récente, peut être librementapportée au nom d’une commune par l’administration » (avis du Conseild’État du 27 novembre 1951).

[ 9]

- Les résultats sont tout aussi significatifs lorsque d’autres découpagestemporels sont utilisés.

[ 10]

- L’influence des recherches axées sur les marchés en situationd’information asymétrique sur la science économique en général a étéreconnue à deux reprises par le prix de la Banque de Suède en scienceséconomiques. Le prix Nobel d’économie en 1996 a été ainsi accordé àWilliam VICKREY et James MIRRLEES pour leurs travaux sur les mécanismesd’incitation en situation d’information asymétrique. Le prix Nobeld’économie en 2001 a été accordé conjointement à George AKERLOF,Michael SPENCE et Joseph STIGLITZ pour leurs travaux sur l’équilibre desmarchés en situation d’information asymétrique.

[ 11]

- Ainsi, lorsque les intermédiaires financiers sont mieux informés sur unesociété, leur évaluation de celle-ci est plus favorable (USEEM, 1996 et1997).

[ 12]

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commune, changement de nom, typologie, signal, identité

French town (city), name change, typology, signal, identity

RÉSUMÉ

Le changement de nom des communes est une pratique ancienne quiconserve toute sa modernité, en raison notamment des impératifs d’image etde communication auxquels sont confrontées les collectivités. De plus en plusde changements s’inscrivent d’ailleurs dans une volonté de faire du nom dela commune une marque à part entière.Dans cette optique, les objectifs de l’article sont les suivants :- quantifier les changements de nom des communes françaises,- présenter une typologie basée sur les fonctions du nom et permettant demettre en évidence les raisons des changements de nom,- souligner les principaux enjeux liés à la communication de ceschangements,- proposer une approche originale du changement de nom en tant que signalpermettant à certaines cibles de mieux appréhender l’identité de lacommune.

Mots clés

Renaming the French « communes » economic, marketing andstrategic aspectsThe French town (city) name changes are an old but yet modern practice,namely because of the importance of local authorities, image andcommunication. The increasing changes observed over the last decades weremeant turning the town (city) names into a significant brand name.The objectives of this article are :- to assess the number of changes in French town (city) names,- to suggest a classification based upon name functions, emphasizing thereasons of town (city) name changes,- to highlight the main challenges underlying the communication of thesechanges,- to propose a new approach to the name changes as a signal meant tofacilitate a better evaluation of the identity of the town (city).

Keywords

PLAN DE L'ARTICLE

Introduction- 1 - Vers une typologie des changements de nom

1.1. Quantification des changements1.2. Les fonctions du nom1.3. Typologie des changements

- 2 - La communication du changement de nom

2.1. Le choix de la cible et des supports2.2. L’annonce et la rapidité du changement2.3. Le vocabulaire du changement : entre continuité etrupture

- 3 - Le changement de nom : un signal lié à l’identité

3.1. Le signal de la réalité identitaire de la commune3.2. La perception de l’identité de la commune3.3. La création de valeur du changement

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3.4. Coûts et risques du changement de nom

Conclusion

POUR CITER CET ARTICLE

Eric Delattre « Le changement de nom des communes françaises aspectséconomiques, marketing et stratégiques », Revue d’Économie Régionale &Urbaine 2/2007 (juillet), p. 269-291. URL : www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2007-2-page-269.htm. DOI : 10.3917/reru.072.0269.

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