RuthCardello

LEBUSINESSMANETMOI

LESHÉRITIERS–2

Traduitdel’anglais(États-Unis)parFrédéricLeBerre

Milady

Àmabelle-fille,Alisha–l’unedesfemmeslesplusfortesquejeconnaisseetlaclédemonhappyendpersonnel.

Chapitrepremier

D’ORDINAIRE,LAMORTN’ÉTAITPASVRAIMENTUNMOTIFDERÉJOUISSANCEPOURSTEPHANANDRADE,maiscettedisparition-cin’étaitpassansprésenterquelquesavantages.—Toutestprêtpourcesoir?demanda-t-ilenfinissantdetapersaphraseetsansmêmeleverles

yeuxdesonécran.Celafaisaitunebonneheurequ’ilavaitapportéladernièretoucheàsaprésentation,maisiln’en

étaitpasencorepleinementsatisfait.Riendenouveausouslesoleil.Cen’étaitpasenfaisantleschosesàmoitiéqu’ilétaitparvenuàépargneràsafamilleladébâclefinancière.—Situmedemandessimonsacestprêt,rangésousmonbureau,aucasoùlescontractions

arriveraientpendantquejevérifiepourlatroisièmefoistonitinérairepourlesjoursàvenir,alorslaréponseest«oui»,réponditdoucementsasecrétaire,enceintejusqu’auxyeux.ElleselaissaallerenarrièresurlesofablancdubureaudeStephanetvintposersesjambes

lourdessurl’undescoussins.—Parfait,dit-ildistraitement.Puisilsetuttandisquelesparolesdelajeunefemmes’imprimaientdanssonesprit.—Maddy,reprit-ilensemassantlanuque.Tunedevraispasêtreici.Tuesencongématernité.

J’auraispum’occuperdeçatoutseul.—Tucriaisdéjàaprèstoutlemondeaubureau.J’aiestimépréférabledet’aideravantquetunete

retrouvesavecunemutineriesurlesbras.D’ailleurs,sijeneconnaissaispasl’importancedecescontratspourtoi,j’auraisappeléOncleVicpouruneinterventionfamiliale.Oh,voilàuncoupdefilquelepèredeStephanauraitadorérecevoir.Âgéd’unepetitesoixantaine

d’années,VictorAndradeétaitrentréenItalie,maisiln’avaitpaslevélepiedpourautant.Ilfaisaitrégulièrementl’aller-retourentresavillasurlacôteamalfitaineetsafamilleàNewYork.FortheureusementpourStephan,samèrerappelaitsonépouxàelledetempsàautre,sansquoilejeunehommen’auraitjamaiseulapaix.—Inutiled’alertermonpère.Tonmarim’adéjàappelédeuxfoiscematin,ditStephan.Laremarquefitvenirunsouriresurlevisagedelajeunefemmebrune.Unminceexploitenvérité

tantMadisond’Argensonétaitd’humeurenjouée.Elleavaitcoutumededirequec’étaitcequifaisaitsoncharme.Commeelleavaitégalementlebonheurd’êtreaussiméticuleusequ’efficace,elleétaitlasecrétairepersonnelledeStephan,etnonpassimplementuneemployéeauxécrituresfortbienrémunérée.—Ilferaitmieuxdes’occuperdel’ouverturedunouveaurestaurantplutôtquedes’inquiéterpour

moi,dit-elle.Jen’accoucheraipasavantunesemaine.Qu’a-t-ilditencore?—Lesmenaceshabituelles.Quejenedoispastedonnertropdetravailsijeneveuxpasme

retrouveravecdupoisondansmestortellinis.Sajeunecousinepouffa;Stephannesejoignitpasàelle.Sonpetitrireglissaitsurlui,luirappelant

combienilavaitchangé.Iln’avaitquesixansdeplusqueMaddy,maisilsesentaitinfinimentvieuxàcôtéd’elle.Sonenthousiasmeserévélaitparfoisunpeuépuisant.Avecunedéterminationinébranlable,elle

attrapaitlavieàpleinesmainsetlasecouaitjusqu’àobtenircequ’ellevoulait.Ensuite,ellegratifiaitlemondeautourd’elledusourireleplusaimablequ’onpuisseimaginer,etsagrâceluipermettaitgénéralementdevaincrejusqu’auxultimesréticences.

ElleétaitpartieétudierdanslesuddelaFrancependantuneannée,pourreveniravecdanssesbagagesunjeunecheffrançaisparfaitementinconnu.Stephanavaitalorsfaitpartdesesinquiétudes,etiln’avaitpasétéleseul.Surlepapier,Richardd’Argensonn’avaitpasgrand-choseàfairevaloir.Qu’avaitfaitMaddy?Ehbien,elleavaitréunitoutelafamille,desfrèresauxcousins,pourannoncerqueRichardnerepartiraitpas,etquetoutlemondefiniraitparl’adorer.L’annéesuivante,ilsétaientmariés,etelleétaittombéeenceintepeuaprès.RichardavaitgagnélerespectdeStephanendéclinanttouteoffredesoutienfinancierpourses

restaurantsetenlaissantMaddycontinueràtravaillerpourAndradeGlobal.Mêmeaudébutdeleurmariage,Richardnes’étaitpaslaissédémonterparlecaractèreprotecteurdeshommesdelafamilleAndradeenversleursfemmes.Ilsemontraitdévouésansvouloirtoutcontrôleret,toutcommeMaddyl’avaitprédit,ilavaittrouvésaplaceauseinduclan.Plusimpressionnantencore,ilapprenaitlessecretsdelagastronomieitalienneauprèsdesabelle-mèreetpréparaitlesrepaspantagruéliquesservistouslesdimanchesauxinnombrablesgénérationsdelafamillechezlesparentsdeMaddy.Commentauraient-ilspunepasl’aimer?Mêmequandilmenaçaitd’utiliserlepoison.D’ordinaire,c’étaitamusant;cejour-là,c’étaitplutôtagaçant.Lesenjeuxdececontratétaientbien

tropimportantspourqueStephanselaissedistraireparquoiquecesoit.Dansàpeineplusdevingt-quatreheures,ilallaitsoumettresapropositionauministrechinoisduCommerce.Et,sitoutsepassaitbien,AndradeGlobalallaitsedéployeràl’échelleinternationale,tandisquel’infâmeDominicCorisin’auraitplusqu’àsedémenerpoursurvivreàunraz-de-maréefinancier.—Enfait,repritMaddyenseredressantpourposerlespiedssurlesol,cettefois-cij’aiunebonne

raisondevenirt’embêter.Avecunegentillessedontpeudegensendehorsdesmembresdesafamillel’auraientcrucapable,

Stephanvintaidersacousineàserelever.—Tudevraisvraimentrentrer,Maddy.Jenesaispascequec’est,maisçapeutsûrementattendre

monretourdansquelquesjours.Oui,lecontratétaitprimordialauxyeuxdeStephan.Àdirevrai,iln’avaitpenséqu’àçadepuis

qu’ilavaitapprisqueDominicallaitfaireuneoffreauministre.MaisMaddyétaitsacousineet,pourunAndrade,lafamillepassaitavanttout.—Non,çanepeutpasattendre,réponditMaddyenposantunemainsurlebrasdujeunehomme.Je

mefaisdusoucipourtoi.—Pourmoi?Ilredressalatête,piquédanssonorgueil.—Oui,j’aipeurquetuteperdesenChine,Stephan.—Jen’aipasl’intentiondemeperdre.ÀlagrimacequefitMaddy,ilcompritqu’ilavaitparlédurement.Elleneselaissapasdémonterpourautant.—Cen’estpascequejeveuxdire,tulesaistrèsbien.Est-cequec’estpourdebonnesraisonsque

tuvasàPékin?poursuivit-elled’untonquel’inquiétuderendaitsingulièrementposé.Pourquoiinsinuait-elleledouteprécisémentàcetinstant?Stephanjetauncoupd’œilàsamontre.

Plusquetroisquartsd’heureavantledécollage.Certes,sonjetprivénerisquaitpasdepartirsanslui,maisilavaitdesrendez-vouscalésdèsl’atterrissage,etilnepouvaitpassepermettrelemoindreretard.—SiAndradeGlobaldécrochecemarché…—Quoi,Stephan?Qu’est-cequeçachangera?Tuasdéjàplusquerécupérécequetonpèreavait

perdu…—Monpèren’ajamaisrienperdu.Cetargentluiaétévolé.Maddylesavaitpertinemment.—EtlaChine,c’estpoursevengerdeDominic,c’estbiença?Etcomment!—Dominicdoitpayerpourcequ’ilafaitàmonpère.Pourl’humiliationqu’ilnousainfligéeà

tous.IsolaSantosn’estplusqu’unecaricaturedecequ’elleétait.Àmaintesreprises,j’aiproposéàDominicdelaluiracheter.Cettefois,cen’estplusmoiquidemanderaiquoiquecesoit.Lorsquej’enauraifiniavecDominic,ilmesupplieradeconsentiràluifaireuneoffre,justepourpouvoirpayerlesavocatsdontilaurabesoinpoursetirerdupétrindanslequeljevaislelaisser.C’étaitunvraibonheurdeprononcercesphrasesàvoixhaute.Pourlapremièrefoisdepuistantd’années,Dominicavaitenfincommisuneerreurquilerendait

vulnérable.Enintégrantdesinvestisseursdumondeentierdanssamanœuvrepourmettresurpiedunréseauviableàl’échelledetoutelaChine,Dominicavaitmissespropresbiensenpremièreligne.Etsespartenairesn’allaientpasêtreravisdedécouvrirqueStephanoffraitauxautoritéschinoisesunserviceidentique,maisuntiersmoinscher,avecenoutreuneconfigurationplussouplepourappliquertouslescontrôlesetrestrictionsd’accèsqu’ellesvoudraient.ContrairementàDominic,Stephansefichaitéperdumentdegarderlamainsursonprogrammedèsqu’ill’auraitvendu.Uneseulechosecomptait:évincersonrivaldecemarché.—Tun’espasobligédefaireça,insistaMaddy.—Si.C’étaitàlafoisaussisimpleetaussicompliquéqueça.D’unemainlégèreposéesuruneépaule,

Stephanorientalajeunefemmeverslaporte.—Tut’inquiètestrop,Maddy.Jeseraideretouravantleweek-end.Tun’asqu’àdireaupetitbout

danstonventredem’attendre.Maddyrefusadebouger.—Stephan,j’aiencorequelquechoseàtedire.C’estimportant.—C’estlebébé?demanda-t-ilenluijetantunregardinquiet.Maddyposaunemainsursonventrerebondi.—Non,lebébévabien.JesuisvenuetedirequeNicoleaappeléplustôtdanslajournée.Elle

voulaitsavoirsituétaislàetsiellepouvaitterendrevisite.—Nicole?—NicoleCorisi.Étonnantqu’elleveuilleterencontrerpileaujourd’hui,non?—Oui,étonnant.Dominicréfléchissaitàtouteallure.QuepouvaitbienluivouloirlajeunesœurdeDominic?Il

avaitfaitbienattentionàmaintenirleplusgrandsecretsursonopération.Seulssescollaborateurslesplusprochesétaientdanslaconfidence–dontlamoitiéétaitd’ailleursdéjàenChineentraindepréparerleterrainpoursaprésentation.Sepourrait-ilquedesfuitessoientparvenuesjusqu’auxoreillesducampCorisi?Nicolea-t-elle

l’intentiondemedemanderderenoncerpourépargnersonfrère?—J’espèrequetuluiasditquejen’avaispasunesecondeàluiconsacrer,dit-il.—Elleaperdusonpèrerécemment,réponditMaddyensetapotantlementon.Jen’aipaspudire

non.Vousn’étiezpasamisàunecertaineépoque?Elleapeut-êtrebesoindeparleràquelqu’un.L’imagedeNicoleentraind’esquissertimidementquelquespasdedansedanslapénombresurla

petitepisteensurplombduLucida,prèsdeConeyIsland,s’imposaàsonesprit.Seslongscheveux

noirsbalayantdoucementlejolidécolletéqueluifaisaitsapetiteroberouge.Sesyeuxgrisfoncéquisemblaientrireenréponseàquelquechosequ’ilavaitdit.Aprèsdesmoisd’unecourassidue,elleavaitfiniparluiaccorderunrendez-vous.Chaquejour,illatitillaitausujetdesestenuesetdusérieuxdontellenesedépartaitjamais,etvoilàcequ’ilavaitgagné:cetterobelégèrecommeundéfiphysiquedélibéré.Sanslestailleursqu’elleportaitaubureau,Nicoleétait…dangereuse.Ilsdénotaientunecertaineinexpérience,maissafaçondesemouvoir,elle,étaitredoutable.Jamaisencoreiln’avaitéprouvéautantdedésirpourunefemmequecesoir-là.Etjamaisplusdepuislors.Silanuitavaitconnusonpointd’orguehabituelencescirconstances,sansdoutelesouvenirde

Nicoleseserait-ildissipédanslabrumedesfemmesqu’ilavaitconnues.Seulement,c’étaitaucoursdelasoiréequel’annonceduraidboursierdeDominicsurl’entreprisedesonpèreluiétaitparvenue.Toutcequiauraitpusurvenircesoir-làavaitétéinterrompuavantmêmed’avoircommencé.Nicoleluiavaitétéarrachée,etStephanétaitrestéavecaucœurunsentimentd’inachevé.Non,ilsn’avaientjamaisétéamis.N’importequelautrejour,ill’auraitreçue–neserait-cequepourvoirsielleavaittoujoursle

pouvoird’affolersonsouffled’unsimpleregard.Etilauraitététoutdisposéàconsacrerunjour,unesemaine,outoutletempsnécessaireàsedésintoxiquerd’elle.Oui,n’importequelautrejour,iln’auraitrieneucontrel’idéedelaréconforter.Maispascejour-là.Paslaveilledemettreenbranlesavengeancecontresonfrère.—Jesuisnavrépoursonpère,maisjenecroispasqueNicoleaitenvied’entendrecequeje

pourraisluidire,expliquaStephan.—Tun’aspasenviedesavoircequ’elleveut?—Jen’aipasdetempsàperdre,répondit-ilenconsultantsamontreunenouvellefois.Jedécolle

dansmoinsd’uneheure.Rappelle-laetdis-luiquejenepeuxpaslarecevoir.Aulieud’obtempérer,Maddylegratifiad’undesessourirespropresàdésarmern’importequel

conflit.—Çaferaitunpeubizarre,vuqu’elleestjustedel’autrecôtédecetteporte.Stephaneutunsursautdesaisissement.Puislacolèrepritlepassurlasurprise.L’enviele

démangeaitdehurlersarage;l’étatdesajeunecousineluiretintlalangue.Plustard,ilauraittoutleloisird’expliqueràMaddyqu’ellenepouvaitpasainsisemêlerdesesaffaires.Ellesavaitpertinemmentqu’ilnevoulaitpasvoirNicole.Ressaisis-toiviteetva-t’end’ici.—Deuxminutes.Jeluiaccordedeuxminutes.LesouriredeMaddys’épanouitencore;nonseulementellelisaitsespensées,maisenpluselle

n’avaitpaspeurdelui.Ellepivotasurelle-mêmepoursedirigerverslaporte,ajoutantunedernièreremarquepar-dessussonépaule:—Unedernièrechose,Stephan.Elleestencoreplusjolieenvraiquesurlaphotoquetugardes

dansletiroirdetonbureau.—Ilestprêtàvousrecevoir,ditl’imminenteparturiente,unemainposéesursonventre,entenant

ouvertelaportedubureaudeStephan.—Merci,réponditNicoled’unevoixcrispée.Elleselevaetrassemblasoncourage,maissespiedsrefusaientdesuivrelemouvement.Toutesles

phrasesqu’elleavaitrépétéesensilences’échappèrentdesonesprit.

Iln’accepterajamais.Jeperdsmontemps.—Çava?demandaMaddyens’écartantdelaporte,leregardsubitementinquiet.«Vousn’êtespasobligéedefaireça.»LesouvenirdesparolesdeThomasBrogos,l’avocatetl’amidelonguedatedesonpère,laretint

encoreuninstant.«Si,ilfautquejelefasse»,avait-ellerépondu.Tousceuxqu’elleaimait,ainsiquetoutcequiluiétaitcher,dépendaientdelaréponsequeStephan

allaitdonneràsonextravagantedemande.Nicolenepouvaitpassepermettred’échouer.—Oui,çava,réponditNicole,alorsmêmequesoncorpsmenaçaitdelatrahir.Leslarmesqu’ellecontenaitàgrand-peinegrossissaientderrièresespaupières.Non,hurlaitsonesprit.Non,çanevapas.Riennevaplus.Etdepuisbienlongtemps.Etsiçane

marchepasaujourd’hui,alorsplusriennemarcherajamais.—Jesaisqueçanemeregardepas,maissachezquejesuisàcôtésivousavezbesoin.Jen’enrevienspas…J’ail’airpitoyableaupointqu’unefemmeenceintesefaitdumouronpour

moi?Nicoleprituneprofondeinspiration,etsesjambeslaportèrent,bongrémalgré,jusqu’àlaporte

del’autrecôtéduseuil.StephanAndrade–l’ex-enfantgâtéfilsdefamilledevenurequindumondedesaffaires,àlatêtede

tantd’entreprisesdusecteurdel’informatiquequ’onpouvaitlégitimementsedemanderparquelmiraclesonempirepouvaitnepasêtreconsidérécommeunvéritablemonopole–s’adossaaucuirdesonfauteuilpours’abîmerostensiblementdanslacontemplationdelanouvellearrivante,toutentapotantsonbureauduboutdesdoigts.Lalumière,quientraitàflotsparl’immensefenêtrederrièrelui,laissaitsonvisageplongédansl’ombre;impossibledelirequoiquecesoitdanssonregard.Leshautessilhouettesdesgratte-cieldeManhattansedécoupaientsurl’horizon,aussiduresettranchantesquel’hommequin’avaitmêmepasprislapeinedeseleverpouraccueillirNicolevenueseperdredanssonantre.Cequipouvaitpasserauxyeuxdecertainspourunsimplemanquementàl’étiquettes’apparentaitenfaitàunvéritableoutragedelapartd’unhommequiseflattaitdesonéducationetdesesmanièreshéritéesduVieuxMonde.D’autantquel’hommeavaitfièreallure,cequin’arrangeaitpasleschoses.Silajusticeavaitrégnéencebasmonde,Stephanauraiteuleshanchesplusgénéreusesetlefront

plusdégarni.Duhautdesonmètrequatre-vingt-dix,ildonnaitàvoirunesynthèsesaisissantedestraitsdesamère,scandinave,etdesonpère,italien–d’épaischeveuxblonds,desyeuxsibleusqu’ilscaptaienttoutnaturellementl’attentiondansunepièce,etunesilhouetteathlétiquedontl’acquisitionimposaitnormalementaucommundesmortelsdepasserdesheuresàlasalledegym.Maislavieestinjuste,etNicoledevaitfaireabstractiondesonallureetdesaséduction,toutcommeseptannéesauparavant.—Mercidemerecevoir,ditNicole,lagorgenouée.Riendansl’attitudedujeunehommenedonnaitàpenserqu’ilappréciaitsavenue.Pourautant,

Nicolen’allaitpastournerlestalonsets’enfuir,simplementparcequ’illaregardaitcommesiellevenaitdemaculerdebouesestapishorsdeprix.—Monaviondécolledansmoinsd’uneheure.Queveux-tu,Nicole?Autondesavoix,ilétaitclairquesesespoirs,quelsqu’ilssoient,risquaientfortd’êtredéçus.Avecd’infiniesprécautions,NicolepritplacedanslefauteuilblancdevantlebureaudeStephan.

Aprèsavoirlisséduplatdelamainsonpantalondetailleurbleumarine,elleramenalesjambessurlecôté,chevillescroisées,enespérantdetoutessesforcesnerientrahirdel’angoissequ’elle

éprouvait.—Nepourrais-tupasaumoinsfairepreuvedelapolitesselaplusélémentaire,Stephan?L’hommeblaséquiladétaillaitn’avaitplusgrand-choseàvoiravecceluiqui,pendantplusieurs

mois,avaitprisl’habitudedepasserdansl’entreprisedeVictorAndrade,sonpère,sansautremotifquedevenirpromenersonlookdesurfeurdanslebureaudeNicoleCorisietluidemanderdesortirunsoiraveclui.Elleavaitsystématiquementdécliné,etilavaittoujoursaccueillisesrefusd’unsourire,commes’ilsnefaisaientquelarendreplusdésirableàsesyeux.Maislà,ilnesouriaitplus.Stephanselevapourfaireletourdesonbureaudeverre.—Noussavonstouslesdeuxqu’ilnes’agitpasd’unevisitedecourtoisie.Néanmoins,jedoisbien

reconnaîtrequejesuissurprisquetonfrères’abaisseàt’envoyer.Sasituationdoitêtreencorepirequejenelepensais.Nicoleserrasonsacposésursesgenoux.—Cen’estpasDominicquim’envoie.Stephancroisalesbrassursontorsemusclé.Derrièresoncostumehorsdeprixetsacravatede

soie,ondevinaitlefauve.Ilavaitsortilesgriffespouréchapperàlabanquerouteetreveniràlaunedesmagazinesfinanciers;l’expériencel’avaitrenduplusdur.—D’accooooord,répondit-ild’untondélibérémenttraînant.Jemefichedecequ’ilpensedemoi.—J’aibesoindetonaide,avouaNicole.Perplexe,ilconsidérauninstantcequ’ellevenaitdedire.—Tuasbesoindequelquechoseettuaspenséàmoi?Commec’esttouchant…Avantdeme

rendrevisite,as-tusongéauxcirconstancesdenotredernièreconversationetàtoutcetempspendantlequelnousnenoussommesplusparlé?—Tusaisquejen’airienàvoiraveclesderniersrebondissementsendate.D’unpetithaussementd’épaulesnégligent,illuifitcomprendremuettementqu’iln’étaitpasau

courant.—Stephan.Jeneparlemêmepasàmonfrère.Jeledéteste.Sij’avaissuqu’ilavaitl’intention

d’acheter…—Devoler…,rectifiaStephan.—Sij’avaiseulamoindreidéedecequiallaitsepasser,j’auraistentédel’arrêter.—Facileàdireaposteriori.—Queveux-tuquejefasse,Stephan?Jesuisalléelevoirlorsqueças’estproduit,maisilarefusé

dem’écouter.J’aiessayédem’excuserauprèsdetafamille.Jenevoispasquoifaired’autre…Nicoleretintdejustesselaphrasequis’imposaitavecinsistanceàsonesprit.Non,iln’attendaitpas

d’elleceque,untemps,elle-mêmeauraitvouluvoirécloreentreeux;cequ’elleavaitsisouventimaginéenrêvependantsesnuitssolitaires.Iln’avaitaucuneenvied’entendreparlerdecettebêtise–pasplusqu’ellenevoulaitlaressusciter.Non,elleétaitvenuepourquelquechosed’infinimentplusconcret.Pourlaseuleetuniquechoseàlaquelleelleacceptaitencorederesterattachée.—Monpèrem’aléguésasociété,maisilenaconfiélaprésidenceàDominicpendantuneannée.Stephanéclataderire.—Uncoupdegénie.C’estDominicquiasabotélesaffairesdetonpère,ilétaitdoncparfaitement

logiquedeluiconfierpourmissiondelesremettresurlesrails.—TusaiscequeDominicvafairedèsqu’ilauramislamaindessus?Ilvarenvoyertousceuxqui

occupentunposteàresponsabilitépourlesremplacerparsespions.—Et?

—Jenepeuxpaslelaisserfaireunechosepareille.—Parcequ’ilfautquecesoittoiquicontrôlestout.Quelleimportance?Ilnemecroirapas.Ilm’adéjàmisedansunecase–etdepuislongtemps.—Dis-moiseulementsituesenmesuredemettrelepasséentreparenthèsesletempsdem’aider.C’étaitinutilequ’ildonneàhauteetintelligiblevoixsaréponsenégative;l’éclatglacialdeson

regardetlaraideurdesesépaulesparlaientpourlui.—Jepeuxfaireensortequeçaenvaillelapeine,ajouta-t-elleàlahâte,enabattantsadernière

carte.Subitementintéressé,ilsedécolladubureausurlequelilétaitenappui.—Voilàquelquechosequimérited’êtreécouté.Cettesolutionauraitpoureffetderetarderleredémarragedesonentreprise,mais,siStephan

refusaitdel’aider,ellelaperdraitdetoutemanière.—Jedétiensunbrevetportantsurunnouveaulogicieldeconversion.Jepourraistelecéder.Stephansepenchaunpeuplusversl’avant.Suffisammentpourqueparviennentauxnarinesde

Nicolelesfragrancesdélicatesdel’après-rasagedujeunehomme.Suffisammentpourqu’ellenevoieplusquelui.—Décevant,dit-il.—Quoidonc?Nicolesetrémoussasursonfauteuil.Souslavestebleumarinedesontailleuretsonchemisierde

soie,soncorpsréagissaitdelaplusimmodestedesfaçonsàlaprésencedeStephan.Ellenevoulaitpassesouvenirdelasensationdeceslèvres–siprochesencetinstantqu’illuiauraitsuffidesepencherpourlesgoûter–sursoncou,maisaussisurd’autrespartiesdesonanatomieprésentementcompriméespardeladentelleetquisemblaients’ingénieràvouloirattirersonattention.Leursregardssecroisèrent,etNicoleserenditcomptequ’ilépiaitsesmoindresréactions.Qu’il

guettaitquelquechosedontaucund’euxnepouvaitignorerlaprésence–etqu’ilvalaitmieuxnepasévoquer.Auprixd’uneffortsurhumain,ellemuselasondésir.N’avait-ellepasappris,desannéesplustôt,

quelsravagesémotionnelspouvaientproduireunetoquadeàlaquelleoncède,mêmepourunsoir?Leperdren’auraitsansdoutejamaisétéaussidouloureuxsiellenes’étaitpasautoriséeàcroirequ’ellepouvaitavoirquelqu’uncommeluidanssavie.—Taproposition.Jepensaisquetuauraisquelquechosed’unpeupluspersonnelàoffrir,dit-il

avecunsoupçondesourire.Restecalme.Respire.Stephanétaitprêtàbondiràlamoindrefaiblesse.Nonpasqu’ellen’enaitjamaisrêvé–avecmille

etundétails–maispaslà,etpascommeça.—Crois-moi,iln’yaaucunedimensionpersonnelledanscetteoffre.—Queldommage!J’auraispresqueététenté.Sousl’effetdupetitsouriresuggestifdeStephan,commeunevisionfugitivedupassé,Nicolese

laissaalleràuneréponseaussiespièglequ’inattendue.—Tuplaisantes?Tuauraisétéàmespieds…Elleregrettasesparolesàlasecondemêmeoùelless’échappaientdesabouche.Unelueurd’intérêtsiintenseflambadanslesyeuxdeStephanqueNicoledutdétournerleregard

pournepasoubliercomplètementtouteslesbonnesraisonsqu’ilsavaientdenepascéderàcetteattraction.Lejeunehommevintposersesmainssurlesaccoudoirs,departetd’autredeNicole,suggérantparcegestequ’ellenerecouvreraitlalibertéqu’enlivrantcequ’elles’efforçaittantde

dissimuler.—Tuvois,c’estçaquim’atoujoursintrigué.LaquelleestlavraieNicole?Lagarceausang-froid

quiévoquesonpèretoutjusteenterréuniquementpourparlerdesontestament,oubienl’allumeuseinfinimentplustentantequivientdemelancerundéfi?Queferais-tusijeteprenaisaumot?Saquestionproduisitl’effetescompté.Nicoletournabrusquementlatêtepourleregarderenface–

pours’apercevoirqu’ils’étaitencoreapproché.Lajeunefemmeétaitsurdescharbonsardents.Ilnepouvaitnierqu’illadésirait,maisilenavaitdésirébiend’autresaucoursdesseptdernièresannées.Lestabloïdsavaientfaitleurschouxgrasdesesaventuresaubrasd’héritièresoudestarlettes.Aucuneneparvenaitàl’intéresserbienlongtemps.EtNicolenevoulaitpascourirlerisquedeleperdreunenouvellefois.Stephansepenchaencoredequelquesmillimètres.—Jenesaispaspourquoij’aiditça,répondit-elle,tentantdésespérémentdefairemachinearrière.—Tul’asditpourlamêmeraisonquifaitquejemeretiensdetetoucher.Ilyaquelquechose

entrenous.Unequestionquenousaurionsdûrésoudrevoilàbiendesannées.—Jeneveuxpasallerjusque-là,Stephan,dit-elled’unevoixdevenueplusrauquequ’ellene

l’auraitvoulue.—Moinonplus.Tun’asdoncrienàcraindre,affirma-t-ilenseredressant.Disàtonfrèrequeson

offreesttentante,maisquejenerenonceraipasàmonplan.Pasmêmepourunepartiedejambesenl’airavectoi.Etlavéritéparutalorsavecsonvraivisage.Ilneladésiraitpas.Ilavaitseulementvouluvoirjusqu’oùellelelaisseraitaller.—Tusais,répliquaNicoleenserrantlespoings,jemesuistoujoursdemandépourquelleraison

monfrèreettoin’arriviezpasàvousentendre.Parcequ’enyréfléchissantbienvousavezunsacrépointcommun:vousêtesvraimentdeuxbeauxconnards.—Tss,tss.Tonmasqueestentraindeglisser.Ettuseraisbienenpeinedeluiexpliquerenquoi

sonplanprévoyaitdemefrapper.Nicoleseleva.Sonsouffleétaithaché.—Toutçan’estqu’unjeupourtoi.Tuveuxjustevoirsitupeuxm’atteindre…Sesyeuxs’étaientembués;elledétestaitl’idéequeseslarmeslatrahissentalorsqu’elleaurait

voululuifairecroirequesespiquesnel’atteignaientpas.Aprèstout,àquoibonlescacher?Dansuneseconde,jevaissortird’icietjenelereverraiplus

jamais.—Tusaisquoi?Tuasgagné,dit-elle,tandisqu’unelarmeroulaitsursajoue.J’aiétéfollede

croirequ’ilpouvaityavoiruneonced’humanitéentoi.Elletournalestalonspoursortir.—Nicole…,appela-t-iltoutdoucement.Elleseretourna.Sonsang-froidluirevenaitpeuàpeu.Iln’allaitquandmêmepasprétendreêtre

touché.Àmoinsqu’iln’aitsongéàuneautreremarquedésobligeanteàluijeterauvisage.—Qu’est-cequ’ilya,Stephan?Tuastrouvéunenouvelleinsulte?Aprèslasemainequejeviens

depasser,tucroisvraimentquejemesouciedesavoircequetupensesdemoi?—Tun’auraispasdûvenir,dit-illentement,commesilesmotssedétachaientunparundelui.—J’avaisremarqué,merci.Ellefitdenouveaudemi-tour,repartitd’unpasdécidéettrébucha…touteseulecommeunegrande.Bonsang,jenepeuxmêmepasmetenirletempsdesortird’ici.Illarattrapaparlebrasetvintseposterdevantelle.Puisilattenditqu’ellelèvelesyeuxverslui.

Pourunpeu,elleauraitpucroirequ’ilsefaisaitvraimentdusoucipourelle.—Quecroyais-tuenvenantici?Tupensaisqu’entevoyantfranchircetteportel’émotionme

submergeraitetquej’oublieraistout?Sanssurprise,uncertainmordantperçaitsouslesparolesdeStephan.Delevoirlatenirparle

bras,Nicolesentittoutesacolères’enaller.Sincèrement,qu’avait-elleespéré?—Non.Ilestclairquelessentimentsquetuaspuavoirpourmoiontcesséd’exister.Jeneserais

pasvenuesimesavocatsavaientétécapablesdetrouveruneautresolution.—Uneautresolutionpourquoi?Nicoleleregardadanslesyeux.—Pourcasserletestament.Ilyaunan,tuasfaituneoffrepourracheterCorisiLtd.Or,monpère

avaitcommencélesdémarchespouraccepter,maissanslesfinaliser,desortequecettepropositionn’esttoujourspassoldée.C’estlaseulefaillequemesavocatsaienttrouvée.LamaindeStephansefitplusfermesurlebrasdeNicole.—Auboutducompte,ils’agitdoncjusted’argentetriend’autre.—Quelleimportance?réponditNicoleavecunpetithaussementd’épaules.Detoutefaçon,tune

m’aideraspas.Levisagedujeunehommesefigea,etellevitflamberdanssesyeuxbleusunelueurd’émotion

qu’ellen’auraitjamaiscruydéceler.Non.Cen’étaitsûrementpaslemomentd’imaginerqu’ilpourraitvouloirlagarderpourcettemême

raisonquifaisaitqu’elleavaitenviederester.Lavien’étaitpasainsifaite.Paslasienneentoutcas.—Qu’est-cequetesavocatsontconcocté?demanda-t-il.Qu’est-cequej’aiàperdre?sedit-elle.—SituachètesCorisiLtdpourmelarevendreensuite,lesdispositionstestamentairesdeviennent

caduques.Stephansecoualatêtecommes’ilavaitmalcompris.—Acheter?Acheteruneentreprisequivauttrentemillionsdedollars,pourtoi?S’ilrestaitneserait-cequ’uninfimeespoir,ilfallaitqu’elletentesachance.—Ceseraitjustesurlepapier.Celanetecoûteraitrien.—Riend’autrequemacrédibilitésurlesmarchés,pileaumomentoùmonconseil

d’administrationetmesinvestisseurscommencentàdouterdemasantémentale.Iln’avaittoujourspasditnon.Pasencore.—J’yaipensé.Personnenes’étonnerasi…—Si?Elledéballasonpland’unseulcoup,pournepasselaisserletempsderevenirsursadécision.—Sinousétionsfiancés.Toutseraitalorsparfaitementlogique.Lorsquedeuxfamilless’unissent,

leursentreprisesenfontautant.C’estnaturel.Ensuite,onannulelesfiançailles,ettumecèdeslasociétéaumêmeprix.Tuneperdsriendansl’affaire.LevisagedeStephanétaitindéchiffrable.—Tuaspenséàtout,hormisàlaraisonpourlaquellejepourraisavoirenviedefaireça.—Monbrevet,Stephan.Ilestvraimentprometteur.Ilpourraitterapporterdesmillions.L’espaced’uninstant,ilparuttenté,maisilréponditparlanégative.—Mêmesijevoulaist’aider,çanemarcheraitpas.Personnenecroiraitànosfiançailles.—Saufsitudisquenousnousfréquentonsensecretdepuisuncertaintemps.—Non.

—Desgenssefiancenttouslesjours.Racontequejesuisenceinte.Peum’importe!—Lesmembresdemafamilledeviendraientfouss’ilsimaginaientqu’onvitunerelation

clandestine,répondit-ilenhaussantlavoix.Etjeneparlemêmepasdefiançaillesparcequetuseraisenceinte.C’estnon.Es-tuvraimentobligéd’afficheruneminedégoûtée?Onfrappaàlaporte,etlatêtedeMaddyparutdansl’embrasure.—Stephan,mavoitureestlà.Jem’envais.Lejeunehommeregardasamontreetjura.—Maddy,s’ilteplaît,tuveuxbient’assurerquelamienneestenroute.Elledevraitêtrelàdepuis

dixminutes.J’aiunemploidutempssuperserré.LeregarddeMaddypassaitdeStephanàNicole.—Jevaisfaireça,répondit-elleavantderessortircommeàregret.Perdudanssespensées,Stephancontemplaitlaporterefermée.—Stephan,ditNicole.—Hmm?—Tupeuxmelâcherlebrasmaintenant.Ils’exécuta.—Jenetedétestepas,Nicole.Situmedemandaisunelettrederecommandation…oumêmeun

prêt,jepourraispeut-êtret’aider.Maislà,c’esttrop.—Jecomprends,dit-elleenfaisantuneffortsurelle-mêmepours’éloignerdelui.LetéléphonedeStephanvibra.Ilconsultalemessage.—Mavoitureestenbas.J’aimeraispouvoirt’aider,maiscen’estpaspossible.Ilvafalloirquetu

t’accommodesdutestamentdetonpère.

Chapitre2

BON,ÇAS’ESTENCOREPLUSMALPASSÉQUEJENEPENSAIS,SONGEANICOLEENSORTANTDEL’ASCENSEURPOURdéboucherdanslegrandhalldel’immeubledebureauxdeStephan.LecliquetisdesestalonsLouisVuittonattiral’attentiondesagentsdesécuritéaucomptoirde

l’entrée.Ilslevèrentlatêtedansunbelensemble–avantdesedésintéresserd’elleàunevitessepourlemoinsinsultante.Existait-ilunparfumdecrèmeglacéecapablederendrecettejournéeunpeuplussupportable?

Probablementpas,maisNicoleavaitbienl’intentiond’engoûterquelques-unslesoirmême.Sonincapacitéàprendrelemoindregrammeétaitunbienfaitautantqu’unemalédiction.À

l’adolescence,elleavaitgrandijusqu’aumètresoixante-quinze,etsanaturefiliformeluiavaitvalupendantdesannéesd’afficheruneallured’échassier,toutenbrasetenjambes.Pasdecellessurlesquelleslesgardesseretournentdeuxfois.Letempsavaitadoucilesanglesdesonvisage,maislescourbesaprèslesquelleselleavaitsoupirén’étaientjamaisarrivées.Inutiledeseruinerentenuesaffriolantesquandonn’apasdequoilesgarnir.Pourautant,cerelatifdésintérêtdelagentmasculinenelatracassaitpasoutremesure.Elles’était

absorbéedanslesétudes,avantdemultiplierlesstagesaufildesannées,toujoursavecununiqueobjectifentête:sauverl’entreprisedesonpère.Or,jamaisencorecebutneluiavaitparuàcepointhorsd’atteinte.Dominicn’auraitquefairequelesprincipauxcadresdel’entrepriseaientconsacrévingtannéesde

leurvieàCorisiLtd.C’étaitgrâceàeux,àleurloyautéetàleurintégrité,quelasociétéavaitpusupporterlechocdelarécessionéconomique,maisaussisurmonterlesvicissitudesd’unsabotagedélibéré.Plusquedesemployésdelonguedate,ilsétaientlaseulefamillequeNicoleaitjamaiseue.Etellen’avaitpassulessauver.—Vousvoussentezbien?luidemandalasecrétairedeStephanens’avançantversl’entrée.Mêmeenceinte–oupeut-êtreàcausedeça–,elleretintunpeupluslongtempslesregardsdes

gardessurelle.Nicoleluienviaitl’assurancedontellefaisaitpreuve.Avecsesfronces,sarobedematernitédecouleurpruneaccentuaitsaconstitutiondélicateensoulignantjolimentsesformespassagères.—Oui,toutvabien,réponditmachinalementNicole.—Vousn’avezpasl’airdansvotreassiette,insista-t-elle.Malgréleurteintedifférente,lesyeuxnoirsdelajeunefemmerappelaientàNicoleceuxde

Stephan.Pourtant,iln’avaitpasdesœur.Serait-ceunecousine?VictorAndradeavaittoujoursétépartisand’employersafamille.Stephanavaitpeut-êtreperpétué

latradition.—Maddy,c’estbiença?Jevousremerciedevouspréoccuperdemoi,maisj’aieuunesemaine

vraimentéprouvanteetjepréféreraisnepasenparler.Ouf!Salimousinel’attendaitlelongdutrottoir.Suruneformuled’excuse,Nicolemitlecapdroitsur

lesportesvitrées.Maddylasuivitdanslarue,exactementcommesielleavaitencoreeuquelquechoseàluidire.

Nicolelavitquisedémenaitpourlarattraper;àregret,ellel’attendit.

—Jepensaisquevousétiezdéjàpartie,ditNicole.—J’ailaissémavoitureàStephan,réponditMaddyavecunegrimace.Vousneluidirezrien.Ce

voyageestimportantpourlui.Jemesuisditquejepouvaisbienattendrequ’onm’enenvoieuneautre.—Mais?Pitié,faitesqu’ellen’aitrienetquejepuisselalaisserici.Bonsang!Est-cequ’onvaenenfer

pourdepareillespenséesausujetd’unefemmeenceinte?D’uncoupd’œilàlaronde,Nicoleregardasiunelimousinen’étaitpasmiraculeusemententrain

d’arriver.—Maisjenemesenspastrèsbien,ditMaddyenplaçantunemainaucreuxdesesreins.Merde.Delamain,Nicolefitsigneauchauffeurd’approcherlavoiture.Ilreculadequelquesmètres,puis

vintouvrirlaporte.—Asseyez-vousuninstant.Voulez-vousquejerappellevotreservicedevoitures?—Çavaaller,réponditMaddyens’installantsuruncôtédelabanquette.Jevaisrécupérerd’ici

peu.Jesuisseulementunpeufatiguée,maisjerespiredéjàmieuxàl’intérieur.Nicolen’avaitqu’uneenvie:s’enallerleplusloinpossibledetoutcequipouvaitévoquerdeprès

oudeloinlafamilleAndrade.Ellepritplaceàsontour,enfacedecellequil’empêchaitd’exaucercesouhait.—Vousêtesconfortablementinstallée?—Lebébéestattendud’iciunesemaine,réponditMaddyenlevantlesyeuxauciel.J’ai

l’impressiond’êtreunballonsurlepointd’éclater.Jeressensl’inconfortjusquedanslamoindrepartiedemoncorps.Unsilenceunpeugênés’installaentreelles.—Ouuh,fitMaddyavecunegrimace.—Qu’ya-t-il?—J’aidûresterassisedansunemauvaisepositionàmonbureau.J’ailedosencompote.JamaisStephann’auraitdûobligerMaddyàtravaillerdanssonétat.C’étaitunehonte.N’yavait-il

plusrienenluidel’hommeaimabledontelles’étaitéprisetantd’annéesauparavant?D’ailleurs,cethommeavait-ilvraimentexistéoubienavait-ellesimplementprojetécequ’ellevoulaitvoirsurunjeuneloupassoiffédepouvoir?Entoutcas,Maddyméritaitd’êtremieuxtraitée.—Vousnevoulezpasquej’appellequelqu’un?Votrefamille?—Non,réponditMaddy,engrimaçantdeplusbelle.Çairamieuxquandjeserairentréeàla

maison.Jesuisdésoléedevousdemanderça,maisvousnepourriezpasmedéposer?—Jevousenprie,prenezlalimousine.Jeprendraiuntaxi,ceseratrèsbien.Coupdouble!Maddyallaitpouvoirrentrertranquillementchezelle,etNicoleallaitpouvoir

échapperàcequicommençaitàressembleràunejournéehorrible.—Nevousdonnezpascettepeine.Enfin…j’acceptevolontierslavoiture,maisnepartezpas.Jene

saispaspourquoi,maisl’idéed’êtreseulem’oppresseunpeu.Querépondreàça?Rien,hormisaccepter.Enparticulierquandonneconnaîtquetropbiencesentimentd’êtreseuleau

monde,abandonnéedetous.—Pasdeproblème.Voushabitezoù?Maddyluiindiqual’adressedesarésidencenew-yorkaise,etNicolelatransmitauchauffeur.Le

lourdvéhiculeseglissaensuitedanslacirculation.

Maddyfutlapremièreàromprelesilence.—LevoyagedeStephanenChinenevousposepasdeproblème?Nicolecroisasesmainsglacéessursesgenoux.—CequefaitStephannemeregardepas.Aprèsl’entretienqu’ilsvenaientd’avoir,cettevéritéapparaissaitdouloureusementindiscutable.—Voussavezcequ’ilvayfaire?—Commejevousl’aidit,cenesontpasmesaffaires.Nicolen’avaitaucuneintentiondesemontrerimpolie,maisellen’avaitpasenvienonplusde

parlerdeceluiqu’elleallaits’efforcerd’oublierpendanttoutelasoirée.—Mêmesicelaconcernevotrefrère?—Enparticuliersicelaconcernemonfrère,réponditNicoleentournantlatêtepourregarderpar

lafenêtre.—Çadoitêtredifficile.—Pardon?réponditNicole,leregardtoujoursperduau-dehors.—Deresterextérieure.Jenecroispasqueje…Ellenefinitpassaphrase,coupéeparunnouvelélancement.—Çava?Depuissonadolescence,Nicolen’avaiteuquesonpèrepourtoutefamille.Ellen’avaitdonc

aucuneexpérienceenmatièredefemmesenceintes.Or,Maddynesemblaitpasaumieux.Toutcelan’auguraitriendebon.—Oui,cenesontquedespetitesdouleurs.C’estdéjàarrivécesdeuxderniersjours,maiscene

sontpasles«vraies»contractions.Çavapasser,nevousinquiétezpas.Etpuis,mêmesiletravailcommençaitpourdebon,commec’estmonpremier…nousaurionstoutletemps.Nicolesentitsonestomacsenouer,puisfaireunedangereuseembardée.—Letravail?dit-elleeninspirantprofondément.Vousvoulezdirequevouspourriezêtreentrain

d’accoucher?—J’aimeraisbien.Maisjeferaisûrementpartiedecesfemmesquidépassentladateprévuepour

mettreaumondeleurpremierenfant,réponditMaddyd’untonferme.Nicoleétaitloindepartagersonassurance.—Jeff?ditNicoleentapotantlavitrequilesséparaitduchauffeur.Jeff,directionl’hôpital.Vite.—Maisjesuissûreque…,ditMaddy.Jeffabaissalavitredeséparation.—Vousavezbienditl’hôpital?—Oui,l’accouchementapeut-êtrecommencé.Onestloin?—Ilyal’hôpitalLenoxHillsurla77e,jecrois.Cen’estpastrèsloin,maistoutestbouché.—Vouspouvezfaireundétour?—C’estpartoutpareil.Riennebouge.Ildoityavoirunaccident.Nicoleprituneprofondeinspiration,puisuneautre.Puisellerespiradeplusenplusvite,jusqu’à

sentirquelatêteluitournait.—Respirez,Nicole!Mais,voussavez,jenesuispasentraind’accoucher,ditMaddy,avant

d’émettreunpetitjappementinvolontaire.Dumoins,jecrois.Nicoleparvenaitàpeineàprononcerunephrasecohérente.—Vousnepouvez…Vousnepouvezpas…Maddyhaussaunsourcil.Nicolefinitsaphrasetantbienquemal.Etplutôtmaladroitement.

—Vousnepouvezpasaccoucherici.Jen’yconnaisrienenbébés!Maddyselaissaallerenarrièrecontrelescoussins,encaressantsonventred’unemain.Elle

paraissaittoutefoisavoirperduunpeudesonbelaplomb.—Jesuiscertainequecen’estrien.Ladernièrefois,Richardetmoiavonspaniquépourrien.C’est

bon,j’aisuivitouslescoursdepréparationàl’accouchement.Jen’aipasencoreperduleseaux,toutvabien…Sursontéléphone,Nicolesemitàchercherquelsétaientlessignesd’unaccouchementimminent.—Vouscroyezqu’ilyauneapplicationpourça?demandaMaddysurletondelaplaisanterie.Avantdepoussersonpremiercridedouleur.—Ilfautuneambulance.Maddyessuyalafinepelliculedesueursubitementapparuesursonfront.—Çasepourrait…—Co…commentça,«çasepourrait»?bafouillaNicole,désarçonnéeparcetassentiment.Vous

aviezditquetoutallaitbien!Maddybaissalesyeuxsurlesiègesurlequelelleétaitassise.—Jecroisquejeviensdeperdreleseaux.—Vouscroyez?Ellevientdeperdreleseaux?Letraficestbloqué.Iln’yapasd’hôpitalàproximité.Onestmal!

Onestmal!Onestmal!Nicoleétaitdésespérémentenquêted’oxygène.Souslecoupdelapanique,sesvoiesrespiratoires

venaientdesebloquer.Maddytenditunemaindel’autrecôtédel’habitacleettiraNicoleàelled’uncoupsec.Lagentille

fillefragiledisparaissaitàvitessegrandV.—Écoutez,dit-elleentresesdentsserrées.Ilfautquel’unedenousgardelatêtefroide.Et,selon

toutevraisemblance,çanevapaspouvoirêtremoi.Alorsressaisissez-vous!Queconseille-t-onàunefemmequiaccouche?Derespireràpetitscoupsrapides?Nicolepritplusieursinspirationssuperficielles,suiviesdequelquesautresplusprofondes.Un

semblantdecalmerevintenelle;elleparvenaitdenouveauàréfléchirdemanièrecohérente.—Vousavezraison.Jesuisdésolée.C’estjustequejenemesuisencorejamaisretrouvéeaussi

prèsd’unefemmeenceinte.Àtâtons,Maddytrouvasontéléphonedanssonsacetappelasonmari.—Richard?Unspasmelasaisit,etelleduts’interromprepourpousseruncri.Doucement,ladouleurreflua.—C’estparti.Rejoins-moiàLenox.Jesaisquecen’estpascequiétaitprévu,maisc’estl’hôpital

leplusproche.Oui,onestenroute.Dumoins,onfaitdenotremieux.Onestcoincésdanslesembouteillages.—Jeff,vousnepouvezpasdoublercesvoitures?demandaNicoled’unevoixfrénétique.—Onestcomplètementbloqués,réponditlechauffeur.—Etuneévacuationenhélicoptère?—Impossibled’atterririci.Denouveau,Nicoleéprouvaitquelquesdifficultésàrespirernormalement.—Non,maisc’estpasvrai!Qu’est-cequ’onfait?Qu’est-cequ’onfait?Lessecours.911.D’undoigttremblant,Nicolecomposalenuméro.Pardeuxfois,ellelâchasontéléphoneavantde

réussiràpasserl’appel.Elleactivalafonctionhaut-parleur;sielleperdaitconnaissance,ilallaitbien

falloirqueJeffentendelesinstructionsdel’agentrégulateur.—911.Quelleestvotreurgence?Aprèsuneprofondeinspiration,Nicolesejetaàl’eau.—Nousavonsunbébéquiarrive.Jeveuxdire,Maddyestentraind’accoucherdansmalimousine.

Ellenepeutpasaccoucherici.—Madame,oùvoustrouvez-vous?Duregard,Nicolecherchaunpanneauindicateurparlafenêtre.—Noussommesàl’angledela58eOuestetdela5eAvenue.Dansunelimousinenoire.Letrafic

estbloqué.Envoyezuneambulance,toutdesuite.—Oui,madame.Ilyauneambulanceàquelquesblocsdelà.Jel’envoieversvous.Garez-vouset

attendez-la.Maddypoussauncri.—Combiendetempsentrechaquecontraction?demandal’agentrégulateur.NicolesetournaversMaddy,quihaletait,allongéesurlabanquette.—Maddy,combiendetempsentrechaquecontraction?DeslarmescommencèrentàcoulerlelongdesjouesdeMaddy.Uncriluiéchappadenouveau.C’estpasvrai!—Jenesaispas,repritNicole.Elleamal.Est-cequec’estnormalqu’ellesouffreautant?—Madame,vousallezdevoirrestercalme.L’accouchementestunactenaturel,maisilpeutêtre

extrêmementdouloureux.Demandezàvotreamiedecombienlescontractionssontespacées.Ladouleursecalmait.Maddyparvintàrépondre.—Ellessonttrèsproches.Peut-êtrequelquesminutes.—Quelquesminutes,répétaNicoledanslecombiné.Peut-êtremoins.—Madame,ilvafalloirquevousvousteniezprête.—Prête?Souslepoidsdel’instant,Nicoleavaitl’impressionqueletempsralentissait.—Lebébépeutseprésenteravantquel’ambulancen’arrive.S’iln’yapersonned’autre,vous

devrezl’aideràveniraumonde.Nicolejetaunregardimplorantaujeunechauffeur,maisilsecouafrénétiquementlatête.—Nemeregardezpascommeça,dit-il.Jetombedanslespommesàlamoindregouttedesang.—Jenecroispasquej’yarriverai,lançaNicole,denouveauauborddelapanique.Detoutesavie,ellen’avaitjamaisneserait-cequemisunpansementàquelqu’un.Or,lesinstantsà

venirpromettaientd’êtreinfinimentpluscompliqués.Maddymarmonnaquelquesmotsdanssonpropretéléphone,puismitlehaut-parleur.—Nicole,c’estRichardauboutdufil.Ilveutvousdirequelquechose.—Nicole?Nicole?Vousm’entendez?—Oui,réponditlajeunefemme.Sesmainstremblaientsifortqu’ellefaillitlâcherl’appareilqu’elletenait.—Vousavezentrelesmainslesdeuxpersonneslesplusimportantesaumondepourmoi.Jevous

ensupplie,prenezsoind’elles.Cettemanifestationd’amourfamilialproduisituneffetsurNicole.Parfois,lavienousoffrel’occasionderedéfinirlapersonnequenoussommes.Quandcelaarrive,

onpeutreleverledéfi,ouvivreàjamaisavecdesregrets.C’étaitl’undecesinstantsqueNicoleétaitsurlepointdevivre.Soitjeresteàpleureretàhyperventilerjusqu’àenperdreconscience,soitjedécided’êtreune

grandefilleetj’arrêtedecroirequelemondeentiertourneautourdemoi.—Jevouslepromets,Richard.Toutvabiensepasser,réponditNicole,toutesurprised’entendrela

fermedéterminationdesavoix.—Madame,intervintlerégulateurdu911.Avez-vousdequoivouslaverlesmains?Nicoles’arrachadesonhébétudepourfairelepointsurlasituation.—Lalimousinedisposed’unminibar.J’aiunesolutiondésinfectantepourlesmainsetdes

bouteillesd’eau.—Lavez-vousrapidementlesmainsetoccupez-vousdelamère.Nicoles’exécutarapidement,prituneserviettepropredanslebar,puiss’agenouillapouraider

Maddyàretirersessous-vêtements.Cequ’elleaperçutalorsfaillitbienlafairetomberàlarenverse.—Jecroisquejevoislatêtedubébé!Lescontractionsétaientdeplusenplusfréquentesetdeplusenplusfortes.Nicoleposale

téléphonepouraiderMaddy,quipoussaitetcriaitalternativement.Pendantquelquesminutesquiluiparurentuneéternité,l’opérateurdonnaàNicoledesinstructionsqu’elleappliquaàlalettreetavecdiligence.ElleinstallaMaddyaussiconfortablementquepossibleet,àgenouxsurlesoldelavoiture,ellesetintprêteàrecevoirlenouveau-néetàluisoutenirimmédiatementlatête.Toutallatrèsvite.Toutd’abord,latêtesortitd’uncoup,puislebébétournasurlecôtéet,la

secondesuivante,Nicolerécupéraitentresesmainsuntoutpetitêtreglissantcommetout.Aprèsl’avoirenveloppédansuneautreserviette,elleledéposaàplatventresurlapoitrinedeMaddy.Lenourrissonpritsapremièreinspirationetpoussaungémissement.Nicoleessuyasesmainstremblantesetdisposad’autresserviettessurlesol.—Toutvabien!Lebébévabien!Elleeutconfusémentconsciencedeslarmesquiluicoulaientlelongdesjoues.—L’ambulanceestsurla6eAvenue,ditlerégulateur.Vousnedevriezplustarderàentendrela

sirène.Maddycontemplaitsonbébéavecémerveillement.Unevoixd’hommesefitentendre;Richardétaittoujoursenligne.—Maddy?Nicole?—Lebébévabien,Richard!réponditNicole.Vousl’entendez?—EtMaddy?—Ladouleuresttoujourslà,maisellesourit.—C’estungarçonouunefille?Nicoleserenditcomptequ’ellen’ensavaitrienetrit.—Jenesaispas.Jen’aimêmepasregardé.—Est-cequejedoism’inquiéter?demandaRichard.Nicolesecoualatête,avantdeserappelerqu’ilnepouvaitpaslavoir.—Non,pasdutout.Simplement,j’étaisconcentréesursonpremiercri.Maddyjetauncoupd’œilàl’intérieurdelaserviette.—Dites-luiquec’estungarçon,dit-elled’unevoixheureusemaisépuisée.—C’estun…—J’aientendu!s’exclamaRichard,detouteévidenceauborddeslarmes.—Lafêteestfinie,mesdames,déclaralechauffeur.L’ambulancearrive.—VousembrasserezJeffpourmoi,ditMaddyavecunpetitsourire.—Promis,réponditNicoleensouriantdesoulagement.Deuxmembresdesservicesd’urgences’engouffrèrentdanslalimousinepours’assurerdel’état

delamèreetdel’enfant.Nicolesortitdelavoiture.Unepetitefoules’étaitmasséesurletrottoir;lesspéculationsallaientbontrainsurcequipouvaitbienjustifierl’interventiondessecours.DesdoigtssetendirentversNicole.Quelqu’unbranditsontéléphonepourfilmeretelleseglissaderrièrel’ambulance.Lechauffeurdelalimousinelarejoignitparl’autrecôté.—Lerégulateurdu911aditquevousvousenétiezbientirée,dit-ilenluirendantsontéléphone.—Jen’arrivetoujourspasàycroire,Jeff.Jeviensdemettreunenfantaumonde.—Oui,vousavezfaitça.Etc’estunechancequevouspossédiezplusieurslimousines.Sansça,on

étaitbonspourutilisermaMercurycetété.Bon,jenettoieraiça,maisjen’iraipasau-delà.Voilàcequiarrivequandonlaisselefilsdevingt-deuxansremplacerlepèrependantl’été.Arnold,lechauffeurentitredeNicole,sefondaitdansledécoravecladiscrétiond’unmeubleet

prévenaitsesmoindresdésirs.Sonfils,Jeff,avaitdesmanièresunpeuplusdémonstratives.Enlacirconstance,ellenepouvaitguèreluienvouloir.—Jepasseraiàl’avantpourleretour.Etnousferonsnettoyerlavoiture.D’accord?—Pourmoi,çalefaitnickel.Jeviensdemettreunbébéaumonde!Mêmesil’expériencecomportaitsonlotdedétailsqu’ellenevoulaitnirevivrenipartageravec

quiconque,cepetitd’hommequ’elleavaittenudanssesmainsetqu’elleavaitcontribuéàconduireverslaviedemeureraitàjamaiscommel’undesévénementslesplusstupéfiantsdesonexistence.Sielleavaiteudesamis,ellelesauraitappeléssur-le-champpourpartageraveceuxl’euphoriequ’elleressentait.Jeviensdemettreunbébéaumonde,etlamèreetl’enfantvontbien.Malheureusement,quandons’appelaitCorisi,ilétaitbiendifficiledesefairedesamis–etplus

encoredelesgarder.Enfait,lesseulesrelationsunpeuconsistantesqu’elleentretenaitdepuissonentréedansl’âge

adulte,c’étaitaveclesprincipauxresponsablesdel’entreprisedesonpère.Malheureusement,ellen’étaitpluscettefillettequipouvaitsepermettrededéboulerdansleursbureauxpourleurraconterseshistoires.Ilsétaientrestésencontactaprèssondépartpourl’université,etmêmeencorependantsesstagesdansdessociétésinformatiquesàNewYorketdanssarégion,maisilsnefaisaientdésormaispluspartiedesavie.Malgrétout,Nicoleleurrestaitreconnaissantedelagentillessequ’ilsluiavaientmanifestée

indéfectiblement,quandtouslesautresautourd’elles’enétaientallés.Fortedecequ’elleavaitapprisdanssescours,elleavaitusédesamaigreinfluenceauprèsdesonpèrepouraméliorerleurvieautravail.Étonnamment,elleavaitsouventeugaindecause,nonpasparcequesesrevendicationspouvaients’avérerbénéfiquespourl’entreprise,etcertainementpasparcequesonpèreaccordaitlemoindrecréditàsonopinion,maissimplementparcequ’ilsavaitqu’elleluienparleraitjusqu’àcequ’ilfinisseparcéder.Ilconsidéraitl’intérêtdesafillepourlesaffairescommedelavanité–lebesoind’imprimersamarquesurcequ’ilavaitcréédetoutespièces.Cependant,encédant,ilobtenaitaussicequ’ilvoulait.Ilsedébarrassaitd’elle,cequivalaitbienàsesyeuxquelquessacrificesenmatièredegestiondesressourceshumaines.Cettepenséeétaittoujoursuncrève-cœurpourNicole,maiscelaluiavaitaumoinspermisd’arracherunsystèmedegarded’enfantsetdeshorairesvariablespourceuxquiétaientchersàsoncœur.Poureux,elleauraitfaitàpeuprèsn’importequoi–jusqu’àsemettreàlamercidel’hommequi

luiavaitbrisélecœur.Certes,allerdemandersonaideàStephanétaituneinitiativeunpeutiréeparlescheveux,maisGeorgeetquelques-unsdesautrescadresavaientétéàsescôtéssansfaillirau

coursdessemainesprécédentes,alorsquelasantédesonpèredéclinait.Ilsétaientrestésavecelleàl’hôpital.Aprèsl’attaquedesonpère,ilsétaientvenuschezelles’assurerqu’elleallaitbien.Cesgens-là,ainsiqueleursfamilles,l’avaientréconfortéequandsonproprefrèreavaitpréféré

allernégocieràPékinplutôtquedeveillersondéfuntpèreetleporterenterre.Ilsétaienttoutcequiluirestait.—Madame?demandaitl’undessecours,suruntonsuggérantqu’ilavaitdéjàtentésanssuccès

d’attirersonattention.—Excusez-moi.Oui?réponditNicoleens’arrachantàsespensées.—Vousvenezavecnousdansl’ambulance?NicoleavaitàpeineouvertlabouchepourrépondreparlanégativequeMaddy,allongéesurun

brancardavecsonfilsemmitouflécontreellesousdescouvertures,relevaitlatête.—Venez,s’ilvousplaît,dit-elled’unevoixfaibleavantdereposerlatêtesurl’oreiller.Nicolejetaunregardinquietàl’urgentiste.—Elleestépuisée,c’esttout.Dites-moisivousnousaccompagnezdansl’ambulanceousivous

noussuivez.NicolesepenchapourserrerlamaindeMaddydanslasienne.—Jevousaccompagne,répondit-elle,avantd’enchaîneràl’intentionexclusivedeMaddy.Jene

vaispasvousabandonner,nevousinquiétezpas.Stephaninclinaledossierdufauteuilpersonnalisédesonjetprivéetfermalesyeux.Ildevaitse

reposers’ilvoulaitêtreaumieuxdesaformeàpeinedébarquéàPékin.Dominicn’allaitpasresterbienlongtempsauxÉtats-Unis.S’ilvoulaitavoirunechancedel’emporter,Stephandevaitàtoutprixconquérirunesolidepositionauprèsduministrechinoisetdesesconseillers,avantleretourdeDominic.Plusieursmembresdesonéquipeétaientsurplacedepuispresqueunmois,occupésàpréparerle

terrainetàconstituerlesréseauxindispensables.Plusquedelachance,lavengeancedemandedelapatience.Telunserpentàl’affûtetprêtàfrapper,StephanavaitattendudesannéesqueDominiccommetteunfauxpas.Etcejourétaitenfinarrivé.Lesommeillefuyait.D’uncoupd’œilcirculaire,Stephanexaminal’intérieurdelacabine.À

l’échelleCorisi,sonappareiln’avaitriend’exceptionnel,maisilluioffraitaumoinsl’avantagedelavitesse.Ilpouvaitgagnern’importequelpointduglobedeuxfoisplusvitequesonrivaldanssonjetplusglamour.Lorsqu’ilrefermalespaupières,l’imagedeNicoles’imposaàlui.Cettefois,iln’avaitmêmeplus

besoindesetorturerencontemplantunevieillephoto.Illarevoyaitenespritavecunluxededétailsinouï.Nicoledanssapetiteroberougeextraordinairementséduisante.Nicole,impeccabledanssontailleurbleumarineboutonnéjusqu’enhaut.Nicolecomplètementdémontéelorsqu’illuiavaitditqu’ilneluiviendraitpasenaide.Àvingtans,c’étaitunefillemagnifique,maislafemmequ’elleétaitdevenueétaitsomptueuse,

grande,mince,avecdesjambesinterminables.Sestraitsparfaitsetsesyeuxgrissaisissantsauraientpuluivaloirdefairelaunedesmagazines.Pourtant,ellesemblaitn’yaccorderaucuneattention.Biendesfemmesauraientutiliséleurscharmesnaturelspourprendrelamaindansunesituationdélicate;Nicole,elle,lesdissimulaitderrièrelestenueslesplusstrictes.Etsescheveuxnoirsremontésenchignon!Cettecoiffuresurannéeétaitaussitentantequ’auxjours

oùilinventaitmilleexcusespourlavoirdanslasociétédesonpère.Lecous’entrouvaitdégagédelaplusdélectabledesfaçons,commeparéàrecevoirdesbaisers.

Stephansetournasurlecôté,pourfrapperl’oreillerglissésoussatête.Ilfallaitqu’ilarrêtedepenseràelle.Ilfallaitqu’ilseconcentresurlesraisonsdesonvoyage.Dominicallaitenfinpayerpoursesactes.Était-cemoralementrépréhensibledeprofiterquesonadversairedoivesuspendrelesnégociations

pourassisteràlalecturedutestamentdesonpère?Danslaplupartdescas,cettequestionauraitappeléuneréponsepositive.Mais,là,ils’agissaitde

Dominic.Lefaitqu’iln’aitassisténiàlaveilléefunèbreniàl’enterrementmontraitl’étenduedesonindifférence.LaseuleraisonpourlaquelleilétaitrentréauxÉtats-Unisétaitl’argentqu’ilespéraitobtenir.Dominicn’enavaitjamaisassez.Ilvoulaittout.Danslasituationinverse,Dominicauraitfaitlamêmechosequemoi.LefaitdedamerlepionàunCorisienrecourantàsespropresarmesavaitquelquechosede

plaisantpourStephan.L’uncommel’autre,ilsmenaientuneguerresansmercipourécraserlaconcurrence,maisaussipoursedétruiremutuellement.D’unecertainemanière,c’étaitàDominicqueStephandevaitsonsuccès.VictorAndrade

appartenaitbientropàuneépoquerévoluepoursentirl’évolutiondesmarchés.Ilcroyaitauxrelationsàlongtermeetàlabonneréputationcommerciale.Sabontéavaitétésaperte.Enaidantsesconcurrentsaulieudelesracheter,ils’étaitlui-mêmeexposéàlaférocitéd’autresadversaires.Àl’inverse,AndradeGlobaltiraitsaforcedecequeStephanavaitapprisenobservantl’irrésistibleascensiondeDominic:lamoraleestunenotionsubjective.Ilfautprendresansdemander.Attaquerlefortetabsorberlefaible.Accumulersuffisammentpourn’avoirjamaisàs’excuser,etpayerdesgenspournettoyerderrière.TelleétaitlarecettequiavaitpermisàStephandedevenirmilliardaire.Maisl’argentetlepouvoirnesuffisaientpas.Nicole.Merde.Non,ellen’avaitrienàvoiravectoutça.Ils’agissaitdel’îlequiavaitappartenuàsafamille–et

d’unvieuxcompteàrégler.EtdeNicole.Ellen’estsûrementpasaussiinnocentequ’elleleprétend.Ledéroulementmêmedesévénementsprouvaitsonimplication.Elleavaitinfiltrélasociétédeson

pèrejusteavantqueDominicn’enprennelecontrôle.Etvoilàqu’ellevenaits’offriràluipilelaveilledujouroùilcomptaitbienabattresonfrère.Certes,elleneluiavaitrienproposéd’autrequ’unaccordclassique,maisilétaitclairquetoute

cettehistoiredefiançaillesdepacotillen’étaitqu’unstratagèmeconçupourledistraire.Maisétait-elleobligéedeparaîtresisincère?Etsiattristéeparmonrefus?Etsiattirantedansl’indifférencequ’ellefeignait.Siaumoinselleavaitjetélemasqueens’offrantàlui,iln’enseraitpasàdevoircontenirune

érectionchaquefoisqu’ils’imaginaitentraindedénouersescheveuxbruns,puisdedéfairelesboutonsdesoncorsagepourfairefondresaréservesouslachaleurdesesbaisers.Pourtant,Nicolen’avaitriendespécial.Stephanconnaissaitquantitédefemmessublimes.Elle

n’étaitriend’autrequ’undéfi,dontl’intensitén’avaitfaitquecroîtreindéfinimentavecletemps.Stephantraversalacabinepourallerprendresonordinateur.Apparemment,iln’allaitpasdormir

pendantcevol.Maispasquestionpourautantqu’ilrestedansunétatdestupeurhormonalesimplementparcequ’ilavaitrevuNicole.Celafaisaitseptansquelajeunefemmeétaitsortiedesavie;etellen’yétaitpasrevenue.

S’engagerdansunerelationstrictementsexuellenepourraitquecompliquerleschoses.Mêmeunerelationtorrideassortied’orgasmestelluriques.Ilouvritsonportable,regardafixementl’écran,puislerefermad’uncoupsec.Defaussesfiançaillespourl’aideràcasserletestamentdesonpère?N’importequoi!Personnen’achèteunesociétépourlarevendresansentirerprofit.Ellen’imaginaittoutdemême

pasqueson«fiancé»envisageaitsérieusementcetteoption.Àmoinsqu’ellesoitdansunesituationdésespérée.Mêmesic’étaitlecas,refuserétaitlameilleuresolution.Laseule.Ilselaissaallercontrel’appuie-têteetgémitausouvenirdelasensationqu’ilavaitéprouvée,

commeuncoupdepoignardatroceetsourdaucreuxduventre.Lamortdesonpèrel’avait-ellesecouéeàcepoint?Pourquoiétait-cesiimportantd’empêcherDominicdeprendretemporairementlecontrôledeCorisiLtd?Mais,pirequetout,legrandDominicserait-ilencoreenmesuredesauverl’entreprisedesasœurlorsqueStephanauraitfaits’écroulersonempire?Qu’est-cequej’enaiàfaire?Rien.Stephanreposasonordinateurpours’allongerdenouveaudanssonfauteuil,unavant-brassurles

yeux.Levolpromettaitd’êtrelong.

Chapitre3

ONSORTITMADDYDEL’AMBULANCEPOURLAMENERLÀOÙSONMARIL’ATTENDAIT,PLUSANGOISSÉquejamais.Ilpritlamaindesafemmedanslasienne,sanssesoucierdeslarmesquiluicoulaientlelongdesjoues.L’undesmembresdesservicesd’urgencepriaRicharddes’écarter,maiscedernierpritletemps

dedéposerunbaisersurlefrontdesafemmeetdesonnouveau-né.Puis,suruneultimecaresseaubébé,commepours’assurerqu’ilallaitbien,illaissaenfinlepersonnelmédicalemporterMaddydanslehall,maisnonsansl’accompagner,toujoursavecsamaintenuebienserrée.Restéeseule,Nicolesortitdel’ambulance,encoreunpeuchancelanteaprèscetteaventure.Elle

avaitpréférénepass’imposerauxretrouvaillesentrelesdeuxépoux,maisellenesavaitplusquoifairedésormais.Devait-elleresteroupartir?Quefait-ondanscescirconstances?—Voulez-vousvousnettoyerunpeu?demandauneinfirmièred’âgemurenluitapotantlebras.Nicolebaissalesyeuxsurlestachesdesangsursonpantalon,bienvisiblesmêmesurletissu

foncé.ElleavaitététellementconcentréesurMaddyetlebébéqu’ellen’avaitmêmepasremarquélesrigolesdesangséchésursesavant-bras.—Oui,merci.Jen’avaismêmepasvu…—Ah,cesbébés,ditl’infirmièred’untonrieur,toutenmenantNicoleàunpetitvestiaire.Entout

cas,lamèreaeubiendelachancedevousavoir.J’aientendudirequevousaviezsugardervotresang-froid.Vousvousenêtesbientiréepourunepremièrefois.Nicoleentrepritdeserécurerdanslelavabo,heureusedepouvoirparlerdesonexpérience.—Enfait,j’étaisterrifiée,dit-elle,encomprenantaumêmeinstantàquelpointc’étaitvrai.L’infirmièreseretournapendantqueNicolesedévêtaitpourpasseruneblouse,maisellen’en

continuapasmoinsdeparler.—Lecourage,cen’estpasdenepasavoirpeur.C’estdefairecequidoitêtrefaitmalgrélapeur.Unefoischangée,Nicolelarejoignit.—Ilfaudraquejemesouviennedecedicton.Ilmeplaîtbien.—Vousêtesprête?demandal’infirmièreenallantouvrirlaporte.Pasvraiment,songeaNicole,maisellen’enditrien.Ellenesavaitpasaujustecequ’ellevoulait.Sonrôledansl’histoireétaitfini.L’heureétaitvenue

desortirparunepetiteportepourrentrerchezelle.Oui,elleavaitaidéMaddy,maisellen’avaitaucunlienaveclafamilledeStephan.Plusviteelles’enirait,mieuxceserait.Aulieud’exprimertoutça,ellehochasimplementlatête,puisemboîtalepasàl’infirmièrejusqu’àl’entréeduhalldesurgences.Nicoleappelasonchauffeur,quiluiditqu’ilavaitrécupéréunnouveauvéhicule.Ilétaitenroute

pourl’hôpital,mais,fauted’ungyrophareetd’unesirène,ilallaitluifalloirunpeudetemps.Nicoleregagnalasalled’attentedel’hôpitalpourfuirl’humiditédusoir.Etpuis,ellerêvaitd’êtreenfinassise.Unpeuplustard,unefemmeâgées’approchad’elle.—Nicole?demanda-t-elleavecunlégeraccentitalien.—Oui,réponditNicolesansguèred’enthousiasme.Elleseleva.Ellesesentaitsaleetvidée;leseffetsdel’adrénalines’étaientdissipés.Parlerà

quelqu’unétaitbienladernièrechosedontelleavaitenvie.

—JesuisEliseAndrade,lamèredeMaddy.Richardnousaprévenusquevousétiezici.Jevoulaisabsolumentvousremercierdecequevousavezfait.Génial.Çan’auraitpaspuêtrequelqu’unquiconnaissaitmonpère?Quelqu’unquejepourrais

saluerd’unsourireavantdem’enfuir?Pourquoifaut-ilquecesoitunepersonneàquijerêvaisd’êtreprésentéeunjour?—Enchantéedefairevotreconnaissance.Etfélicitationspourlanaissancedevotrepetit-fils.Nicoleserralamaintendue,etselaissaembrassersurlesdeuxjoues.Eliseétaitunefemmed’assez

petitedetailleetdontleshanchestrahissaientunpenchantcertainpourlespâtes.Desbouclesauburnartistementforméesencadraientsonvisageauxtraitsfins.Sarobetoutesimpleaumotiffleurisemblaitconfortabletoutenétantd’uneéléganceraffinée.Aprèsuncoupd’œilunpeutristesursapropretenue,Nicoleseditqu’ellepouvaitaumoins

s’estimerheureused’avoireuletempsdesedébarbouillerunpeu.Aumoins,avecsablouse,ellen’avaitplusl’aird’unefigurantedansunfilmd’horreurunpeugore.—Voustenezlecoup?demandaElise,sincèrementpréoccupée.Nicoledétournaleregard;ellenesavaitquoirépondreaujuste.—C’estMaddyquiafaittoutletravail.Jesuisrassuréequ’ilsaillentbientouslesdeux.Unhommedehautetaille,vêtud’uncostumeFioravantigris,s’approchad’elles.Sescheveuxnoirs

étaientnettementcoupés,dansunstylerésolumentclassique.Lestraitsdursdesonvisages’adoucirentdèsqu’illesaperçut.—Tul’astrouvée!s’exclama-t-ilengratifiantNicoled’uneétreintequiladécolladusol.Elisepartitd’unéclatderire.—Alessandro,veux-tubienlareposer.Nicole,cethommepleind’enthousiasmen’estautreque

monmari.Unefoissespiedsrevenussurterre,Nicolelissasesvêtementsd’ungesteempreintdenervosité.Nullementdécontenancé,ilsetournaverssafemmepourlaserrercontreluidelamêmefaçon.—Tesoro,c’estplusfortquemoi.Jeviensdevoirlebébé.Ilestmagnifique,etilamescheveux.

Richardveutl’appeler«Laurent»,maisjeluiaiplutôtsuggéré«Joseph»,pourévoquermonpère.«Joseph»,voilàunbeaunomfrançais,non?Illareposaausol,maislaissaunbrasautourdesataille.Elisesecoualatêteavecunsourireamusé.—Excusezsesmanières.Cen’estpastouslesjoursquenousavonsnotrepremierpetit-fils.Nous

voussommestellementreconnaissants,dit-elle,avantdesetournerverssonmarienluiagitantunindexsouslenez.Ettoi,laisse-leschoisirlenomqu’ilsveulent.Richardestfrançais.S’ilpréfère«Laurent»,nousdevonsrespectersonchoix.—Jeneveuxpasquelesgensappellentmonpetit-fils«Larry».Mais«Joe»,voilàunbeaunom.

Qu’enpensez-vous,Nicole?LarryouJoe?Nicolecroisalesmainsdevantelle.—J’aimebienlesdeux,répondit-elled’unepetitevoix.Par-dessussonépaule,ellejetauncoupd’œildanslarue,dansl’espoirdevoirarriversa

limousine.—Jen’arrivepasàcroirequeMaddynesoitpasvenueàl’hôpitalcematinlorsquesesdouleurs

ontcommencé.Lesfillespensenttoujoursqu’ellesensaventpluslongqueleursmères,ditElise.Malàl’aise,Nicolesedandinaitd’unpiedsurl’autre.Elles’efforçaitdenepaspenseràsamère.

Quinzeannéess’étaientécouléesdepuiscejouroùonluiavaitditquesamèrelesavaitquittés–unjourrestégravédanssamémoire.Lasimpleévocationd’unemèresuffisaitàfairedéferlersurelle

unraz-de-maréedequestionsauxquellesellen’avaitjamaistrouvéderéponses.Était-ellepartieparcequ’ellelevoulaitouavait-elleétéemmenée?Sielleavaitétéàl’initiativedelaséparationd’avecsonmari,pourquoin’avait-ellepasprissesenfantsavecelle?Pourquoin’avait-ellemêmepasditaurevoir?Etlaplusdouloureusedetoutes:sielleétaitrestée,serait-elleencoreenvie?—Vousdevezêtreépuisée,ditElise,quiavaitperçulechangementd’humeurchezNicole.

Alessandro,demandeauchauffeurdelareconduirechezelle.—Non,non,déclinaNicoleàlahâte.Lemienvaarriverd’uninstantàl’autre.Maismerciquand

même.—IlfautappelerStephanpourluidirequesafutureépouseestunefemmeformidable.Vousêtes

unehéroïne.L’estomacdeNicolesenoua.—Stephanetmoine…Eliseréprimandadoucementsonépoux.—Tuavaispromisdeneriendire…Alessandrohaussaseslargesépaulescommesitoutcelaétaitsansimportance.—Si.Si.Maddynousademandédeneriendire,maiscen’estplusunsecretmaintenant.Pourquoi

Stephanvoudrait-ilcacherqu’ilvaépouserunefemmequenousadoronsdéjà?PourquoiMaddypense-t-elleque…?Elleadûsaisirdesbribesdelaconversationdanslebureau

deStephan.Çanevapasdutout.—Ilveutpeut-êtreattendrelebonmomentpournousinformer,répliquaElise.Sesparolesneperturbèrentnullementsonmari.—Etquelbiencelaa-t-ilfaitàMaddyd’attendre?Elleaaccouchédansunelimousine,

pratiquementaumilieudesruesdeNewYork.Diomio,Stephanadelachancequetoutlemondes’ensoitsortiindemne.Ilauraitdûresteravecelle.—Iln’estpluslui-mêmecettesemaine,renchéritElise,unemainlevée.Tusaiscommentilest

chaquefoisqu’ilpenseàcethorribleCorisi.Prenantinstantanémentlamesuredufauxpas,ilssetournèrentàl’unissonversNicole.—Jenevoulaispas…,commençaElise.—Jecomprends,ditNicole.Lorsqu’onestlafilled’unhommedontlabrutalitéestlégendairedanslemondedesaffaires,etla

sœurd’unautrequisuitlemêmechemin,onprendl’habituded’entendresonnomassociéàcegenred’épithètes.Unsilencegênédanscinq…quatre…trois…—Jesuisdésolée,j’aiparlésansréfléchir.L’émotionétaittellequ’Eliseeneutleslarmesauxyeux.LetéléphonedeNicolevibradanssonsac.—Cen’estrien.Jen’enprendspasombrage,maisjedoispartir.Mavoitureestarrivée.Alessandroluitenditlesacenplastiquecontenantsesvêtementssouillés.Nicoleavaiteul’intention

des’endébarrasser,maiselleavaitoublié.Elleleprit.Ellen’arrivaitpasàlesregarderdanslesyeux.Seulement,Alessandroretintlesacjusqu’àcequ’ellerelèvelatête.—Personnenevousreprochelespéchésdevotrepèreoudevotrefrère.DitesbienàStephanqu’il

n’aurapasàvousprotégerdenous.—Jeleferai,réponditNicole,ensachantpertinemmentqu’iln’enseraitrien.Meprotéger?Nicoleavaitlaconvictionquetelleneseraitpasl’enviedeStephanlorsdeleurprochaine

conversation.Justeavantdeseglisserdansunelimousinefortbienvenue,ellesedébarrassadesonsacde

vêtementsdansunepoubellesurletrottoir.Àl’intérieur,elles’affalasurlabanquette,puisretiraseschaussurespourposersespiedssurlesiègeopposé.—Çava?demandaJeffdepuissaplacedechauffeur.—Pourquoifaut-ilquetoutlemondemeposecettequestion?répliquaNicoled’untonsec.Avantdeseretournerverslaruedevantlui,Jeffeutunemimiquequisemblaitdire:«Quoideplus

évident?»Puisildémarra.Lajeunefemmesortitunpetitmiroirdepoche–etregrettainstantanémentcetteinitiative.Ses

barrettesavaientdisparuetsescheveuxétaientenbataille.Delamain,elletentadedompterquelquesmèches,maisellenepouvaitpasfairegrand-chosesansunélastique.EllecroisaleregarddeJeffdanslerétroviseurintérieur.—Contentez-vousdemerameneràlamaison.Lasécheressedesontonvisaitàprévenirlejeunehommedenepasinsister,maisJeffn’était

nullementimpressionné.Ilseretournapourlafixersansriendire.Ilavaitunenotiontoutepersonnelledel’étiquettedanslesrapportschauffeur-passagers.Cen’étaitpascequ’onpourraitqualifierd’approprié,maisArnold,lepèredeJeff,avaitendurésansuneplaintelescapricesdeNicoleadolescente.Lemoinsqu’ellepouvaitfaire,c’étaitbiendesupportersonrejetonpendantquelquessemaines.—S’ilvousplaît,ajouta-t-elle.Satisfait,ilseremitdanslesensdelamarcheetbouclasaceinture.—Jenevousavaisencorejamaisvueavecvotrechignondéfait,dit-ilaprèsavoirinsérélalourde

voituredanslacirculation.Nicolefermalesyeuxetpoussaunsoupir.—Est-ilvraimentnécessairedeparlerdeça?Jesaisquej’ail’airaffreuse.—Enfait,vousêtescanon.Jen’auraisjamaiscru.Qu’est-cequiestlepire?Quemonchauffeurfassedesremarquessurmonallureetquejesoistrop

vannéepourlereprendre,oubienqu’ilsoitsisurprisdemedécouvrirunpeujolie?Canon?Hmm?Duboutdudoigt,Nicolecommandalafermeturedelavitredeséparation.Uneombredesourire

semblaitvouloirflottersurseslèvres.Jedépensedesfortuneschezdescréateursetautresartistescapillaires,alorsquelesdoigtsdansla

priseetunsacàpatatessurledossuffisentlargement.C’estvraimentcelookquimeva?Leshommessontdebienétrangescréatures.

Chapitre4

UNEHEUREPLUSTARD,TANDISQU’ELLESERINÇAITSOUSL’EAUCHAUDE,NICOLESCRUTASONVENTREplatensedemandantsiunjourilluiseraitdonnédeporterunenfantelleaussi.Et,danscetteéventualité,est-cequequelqu’unviendraitlesvoiràl’hôpitalaprèsl’accouchement?N’est-ilpaspathétiquequelesseulespersonnesàquijepensesoientmessalariés?Maddyappréciait-elleàsajustevaleurcequ’elleavait?Desparentsaimants?Unmaricapablede

pleurerpourelle?Qu’est-ceçafaitd’êtreuneAndrade…ouuned’Argenson,commeMaddy?D’apparteniràune

vastefamilleaimanteetd’êtreappréciéeàceseultitre?Cen’étaitpaslapremièrefoisqueNicoleseposaitcegenredequestions.Septansetdemiplustôt,Nicoleavaiteul’occasiondedécouvrirleurmonde;c’étaitàlafaveur

d’unstageauseindel’entrepriseAndradeSolutions–depuisdisparue.LepèredeStephan,VictorAndrade,touchépeut-êtreparledésirsincèredelajeunefemmed’apprendrecommentgérerunesociétéd’informatique,s’étaitouvertàelle.ContrairementàlaplupartdesgensqueNicolepouvaitcroiser,Victorn’étaitniintimidéniimpressionnéparl’influencedunomCorisisurcesecteur.Enfait,ilsavaientpasséplusdetempsàparlerduclanAndradequedumétier;ilyavaittoujoursquelqu’unquisemariaitouquiavaitunbébé.Parfois,lesdiscussionsauseinduclanprenaientunetournureexcessiveoupassionnelle,maisellesétaientleplussouventhilarantes.Lesinnombrablesmembresdecettetrèsvastefamilleseréunissaientàlamoindreoccasion.LeshistoiresdeVictorétaienttoutàlafoisextraordinairesetcaptivantes;descontesdeféeausujetd’uneviedontNicolenepouvaitquerêver.Trèsvite,NicoleavaitcommencéàpassersesjournéesdanslesillagedeVictor.Illaissaitlajeune

femmeassisterauxréunionsimportantes,puisprenaitletempsd’endiscuteravecelle,louantlajustesseetlaspontanéitédesesidées.Àl’arrivéedeNicole,d’aucunss’étaientinterrogéssursaloyauté,maisVictoravaitabordélesujetavecelleentoutefranchise,etlesréponsesdelajeunefemmel’avaientconvaincu.Nicoleavaitl’intentiondeprendrelasuccessiondesonpère,maispaspourautantdeconquérirle

monde.ElleappréciaitlefaitqueVictorsacheentretenirdesrelationsavecceuxquitravaillaientpourlui,maisaussiqu’ilintègreautantquepossibledesmembresdesafamilledansl’entreprise.PourNicole,ilétaitstupéfiantdevoirqu’ilprenaitsesdécisionsenfonctiondel’intérêtdetousetnonpasdesonseulprofit.AdoubéeparVictor,Nicoles’étaitvuouvrirlesportesdurestedelafamille.Sonépouse,Katrine,

avaitunjourconviéNicoleàdéjeuner,etlesdeuxfemmess’étaientsibienentenduesquelapratiqueétaitdevenueunrituelhebdomadaire.Grandeetplantureuse,KatrineavaitlesmêmesyeuxqueStephan.Rienquepourça,ilauraitété

faciledenepasl’aimer,maiselleétaitbientropaimableetchaleureusepourqu’onpuisselajalouser.Ellenetravaillaitpasdansl’entreprise,maiselleyconnaissaittoutlemonde,etonprenaitsonavisausérieux.Enfait,sessuggestionsfinissaientgénéralementpars’imposer.Ellemontraitouvertementàquelpointelleadoraitsonmarietsonfils,maiselleneledisaitpasnécessairementcommeeuxpourautant.VoirKatrineetVictordiscuterdeleurfilsétaitunspectaclesiradicalementnouveaupourNicolequ’elleauraitpusecroireentrainderegarderunreportagesurquelqueculturelointaine.Illeurarrivaitdeseprendrelebec,maisleurscolèresbruyantesnaissaientetdisparaissaientaussivite

queleséclairsdansleciel.Chacunfaisaitvaloirsonpointdevue,puisdescompromisétaienttrouvés.Personnenesouffrait.Riennes’envenimait.LesAndradenecraignaientpasdes’offensermutuellement,convaincusdelaforcedel’amourquilesunissait.Cespratiquesn’avaientpascoursdanslafamilledeNicole.Violents,vindicatifs,autoritaireset

inflexibles,lesCorisinelâchaientjamaisrien.Toutcequileurimportait,c’étaitd’accumulerdesrichesses.LesAndradeavaientdonnédel’espoiràNicole.CorisiLtdpouvaittrèsbienêtreaurendez-vousdu

succèssanssacrifiersonpersonnel.Etrienn’interdisaitquelafamillequ’ellefonderaitunjoursoitunefamilleaimanteetsolidaire.Pasquestionquesesenfantsconnaissentcommeellelesaffresdelasolitudeetdel’abandon.ElleracontaittoutçaàVictor,quil’écoutaitetsemblaitlacomprendrecommepersonneauparavant.Illatraitaitpluscommesafillequecommeuneemployée.Ellen’avaitdoncjamaisvraimentcomprispourquoiVictorsourcillaitàlaperspectived’unlienentreelleetsonfils.LejeuneStephan.Laréussiteincarnée,siréussirsignifietoutàlafoisêtrejolimentbronzéet

figurerplussouventqu’àsontourenpremièrepagedestabloïds.IlavaitpasséleplusclairdesonexistencesurlacôteOuestdesÉtats-Unis,oùilcultivaitquelquesrelationsàHollywood,réalisaitdesdocumentairesetsortaitavecdesfemmesgénéreusementpourvuesdedispositifsdeflottaisonintégrés.Detempsentemps,ilrevenaitsurlacôteEstpourrendrevisiteàsesparentsetrécolterdesfondspourlacauseenvironnementaledumoment.Ouencore,commedisaitVictor,iljouaitauglanduaulieudesecomporterenadulteetdemettre

lamainàlapâtedansl’entreprisefamiliale.Nicoleétaitd’unautreavis.Pourelle,Stephanétait…parfait.Imperturbable.Ilavaitbeaus’habiller

commeunhommeenvacances,soncharismeétaitincroyable.Lesfemmessebattaientpourcaptersonregard.Leshommesenviaientsacapacitéàconsidérercommeuneévidencelafortuneetl’influencedontiljouissait.Nicoleadoraitsonidéalisme.Stephanparlaitdesauverlemonde.Chaquefoisqu’ellerefusaitsoninvitationàdîner,ils’attardaitetluiracontaitsesprojets,assissur

lecoindubureau.Lapassionqu’ilmettaitàvouloirsauvertellebarrièredecorailouàévaluerlerythmedelafontedesglaciersétaitaussicommunicativequeséduisante.LapersévérancedeStephanétaitcertesflatteuse,maisilchangeaitdefemmescommed’autres

changentdechemise.Chacunedesescompagnesn’étaitqu’unaccessoirequ’ilportaitpourunesoirée,avantd’enchangerpourlasuivante.Nicoleluiopposaitunrefussystématiquepourlamêmeraisonqu’ellen’achetaitjamaisdebilletdeloterie.Lesévénementsinattendusetmerveilleuxn’étaientpaspourelle.Jamaisencorelachancen’avaitfrappéàsaporte,etcen’étaitpasprèsdechanger.Raisonpourlaquelleelles’envoulaitencored’avoirunefoisdit«oui»àStephan.D’avoiradmisquecequ’elleéprouvaitpourluiétaitbienplusqu’unbéguin.D’avoirpermisquesaproprefamillelablesseterriblementunefoisdeplus.Nicolesesécha,enfilasalonguechemisedenuitdecoton,avantd’allersepelotonnerdanssonlit.

Ellenes’accordaitpassouventleluxederevivrecefameuxrendez-vous,maiscesoir-làellesedemandaitcequ’auraitétésaviesiDominicn’avaitpaslancésonOPAsurAndradeSolutions.Ellen’avaitjamaisoubliélevisagedeStephanlejouroùellen’avaitpasdit«non»lorsqu’illui

avaitdemandédel’accompagner.Sesyeuxbleusavaientbrilléd’unelueuràlaquellelecorpsdelajeunefemmeavaitimmédiatementrépondu.SesentirdésiréeparunhommetelqueStephanétaitunenouveautécontrelaquellesonpetitcœur

deviergenepouvaitrien.Ils’étaitpenchéenavant,avaitbattudescils,etlancéenplaisantantquele

«Cyclone»,lescélèbresmontagnesrussesdeConeyIsland,étaitexactementcedontunepersonnecommeelleavaitleplusurgentbesoin.—Quelqu’uncommemoi?avait-elledemandé,àmoitiéeffrayéedecequ’ilpourraitrépondre.D’undoigtlégercommeuneplume,ilavaitcaressélereversdelavestedetailleurdeNicole–et

faitnaîtreunfrissonaucreuxdesreinsdelajeunefemme.—Est-cequevousavezdéjàdénouévoscheveux?Vousêtes-vousdéjàamusée?Danssabouche,lemot«amusée»avaitprisuneconsonance…étonnammentérotique.Non,ellenes’étaitencorejamaisamusée;maisplusilparlaitetpluselleétaitdéterminéeày

remédier.—Biensûr,avait-ellerépondu,lesoufflecourt.—Menteuse!avait-ilsusurréàdeuxdoigtsdeslèvresdeNicole.—Cen’estpasparcequejerefusedesortiravecvousquejenevoispersonne.Unsouriredélicieuxs’étaitépanouisurleslèvresdeStephan.—Vraiment?avait-ildemandéenpassantledosdesamainsurlapartiedécouverteducoudela

jeunefemme.Etqui?Lagorgenouée,elleavaiteubiendumalàresterconcentrée.—Deshommes.Ilavaitéclatéderire.—J’espéraisbienquevospréférencesaillentdececôté,sansquoij’auraisvraimentperdumon

temps.Accompagnez-moidemainàConeyIsland,avait-ilenchaînéenserelevant.Nousironssurlesmanèges,nousmarcheronssurlaplage.Et,sivoussurvivezàunejournéepasséeloindetousceshommes,ilsepourraitquejevousinviteàdîner.Elleavaitretenusonsouffle,effrayéedecroireàlaréalitédecequ’ellelisaitdanssesyeux.—Vousêtessérieuxouvousvousmoquezdemoi?Ils’étaitpenchésurellepourdéposerdoucementunbaisersurseslèvres.—Dites«oui»,etjevousmontreraiàquelpointjesuissérieux.Et,repoussanttouteslesbonnesraisonspourlesquelleselleconsidéraitquec’étaitunemauvaise

idée,Nicoleavaitdit«oui».Stephanavaitrougidelaplusadorabledesfaçons.—Jepassevousprendrechezvousvers10heures?—Non,s’étaitempresséederépondreNicole.Jevousattendraiici,àl’entréedel’immeuble.—Vousavezpeurquevotrepèrenemetrouvepasàsongoût?L’idéeavaitsembléamuserStephan.—Quelquechosecommeça,avaitconcédéNicoleavecunsourireunpeucrispé.Heureusement,Stephanavaitaccepté.Lesouvenirdeleurrendez-vousdevaitrestersivibrantdanslamémoiredeNicolequ’ilallait

éclipsertousceuxquisuivraient.Sepromenermaindanslamainavecunhommeincapablederésisteràl’enviedeluivoleràtoutinstantdepetitsbaisersluidonnaitl’impressiondevivreunrêveéveillé.D’êtreentréedansunmondemerveilleuxemplidepassion,oùtoutetn’importequoipouvaitarriver.Illuiparlaitd’unprojetpourunnouveaudocumentairesurlaprotectiondel’environnement,oului

rapportaitledernierévénementquiavaitfaittoutundrameauseindelafamilleAndrade;etellenepouvaitpasdétachersonregarddelui.L’argentetlesordinateursnel’intéressaientabsolumentpas.Sonpèreavaitraison:iln’avaitnullementl’intentionderejoindrel’entreprisefamiliale.D’ailleurs,ilavaitfaitdesétudesdecinéma,plutôtquedepasserundiplômedansundomainecommercial.Ses

documentairesneluivalaientpasencoreunerenomméenationale,maisilaimaitcequ’ilfaisaitetadoraitencorepluslesaventuresdanslesquellesilselançaitpourtourner.Pourlui,lafortunen’étaitriend’autrequ’unsésamepouraccéderàdesgenssusceptiblesdel’aideretdesoutenirsescauses.Ilétaitl’incarnationdesonrêve.SurlapistededanseextérieureduLucida,elleavaitregardélaréalitéenface.Jesuisamoureusedecethomme.Ledîneravaitétéuneformedepréliminaireinterminableetdélicieusementinsoutenable.Un

baiser.Uneffleurement.Unetensiondeplusenplusgrande,etlacertitudequetousdeuxvoulaientvoirlanuitseterminerdelamêmemanière.Jusqu’àcequesonneletéléphonedeStephan.Alors,ellel’avaitvusemétamorphoseretdevenirun

étranger.Dominicvenaitderendrepubliquesonoffred’achatdelasociétéAndradeSolutions.—Tusavais?avaitrugiStephan.Hein,tusavais?C’estpourçaquetusuivaismonpèrepartout?

Pourpouvoirtoutrépéteràtonfrère?SansdouteNicoleaurait-elledûsedéfendre.SielleavaitexpliquéàStephanquelsétaientses

rapportsavecsonfrère,oudumoinsleurabsencedetouterelation,alorspeut-êtrenes’enserait-ilpasprisàelle.MaisplusellesemuraitdanslesilenceetpluslafureurdeStephangrandissait.Illuiavaitjetéauvisagedesquestionsetdesaccusationsauxquellesellen’avaitrienrépondu.Dèsl’instantoùilavaitélevélavoix,elles’étaitreferméecommeunehuître.Àpeineparvenait-elleàsesouvenirdesesmots,oudulongretourentaxiaprèsqu’ill’avaitplantéeaurestaurant.Stephann’étaitresponsablederien.Etsacolèreétaitparfaitementlégitime.LeclanAndraden’étaitqu’uneautrevictimedelamalédictiondelafamilledeNicole.Riendebon

oudesainnepouvaitdurerbienlongtempsaucontactd’unCorisi.Enyrepensant,NicoleauraitpresquepudigérerlegestedeDominic,s’ilavaitétémotivéparun

désirdelaprotéger,elle.Maisnon,Dominicavaitabsorbéetdémantelél’entreprisedelafamilleAndradeuniquementparcequ’ilétaitenpositiondelefaire.Etparceque,dansl’opération,ilavaittiréunprofitsubstantiel.Enrevanche,l’acquisitiondel’île–unepossessionancestraledesAndrade–avaitparupassablementmalveillante.Ilyavaitimmédiatementlancélaconstructiond’uncomplexeridiculementmoderne,quis’étaitbienviteétaléencouverturedesmagazinesdedesignetd’architecture,ruinantdumêmecouptoutepossibilitépourNicoledecomblerlegouffrequis’étaitcreuséentreelleetlafamilleAndrade.Victoravaitacceptésesexcuses,maisNicoleétaitsortieeffondréedel’entrevue,douloureusementconscientedesonimpuissancefaceàlatristessequiselisaitdansleregarddubravehomme.Ellen’étaitjamaisretournéelevoir,alorsmêmequ’illuiavaitditqu’elleétaitlabienvenue.Ellene

supportaitpaslaculpabilitéetlacolèrequilasubmergeaientàlasimpleidéederevoirlesAndrade.Cetteperteétaitl’undesnombreuxgriefspourlesquelselleentendaitbiennejamaisreparleràsonfrère.Queseserait-ilpassécettenuit-làavecStephans’iln’avaitpasreçucecoupdefil?Seserait-il

comportécommeceluientrelesbrasduquelelleavaitfinalementperdusavirginité–motivéavanttoutparledéfideparveniràcoucheravecelle?Oucommelesquelques-unsquiavaientsuivi,essentiellementintéressésparl’idéed’obtenirunefaveurdel’unoul’autredesmâlesCorisi?Touss’enétaientallésaprèsavoirdécouvertquenisonpèrenisonfrèrenesesouciaientd’elle.CetteproximitéressentieavecStephanétait-elleréelleoulefruitdesonimagination?Commetantd’autresquestionsquilatorturaient,celle-cin’avaitpasderéponse.Ellesavaitunechosenéanmoins:Stephannelaregardaitpluscommeill’avaitregardéecettenuit-

làauLucida.LeStephanqu’elleaimaits’enétaitallé.Nicoleéteignitlalumière,puisdemeuraimmobilesouslafraîcheurdesdraps.Peut-êtrepourrait-

elleprendreunpetitchienouunchat.N’importequoipourcomblerce…vide.L’énergiedelavilledePékinétaitcommunicative.Penchéàlafenêtredesachambre,Stephan

contemplaitlesruesencombréesenpassantenrevuelesajustementsdedernièreminutequ’ilpourraitapporteràsonoffre.Touslesélémentss’emboîtaientparfaitement,commeprévu.LeministreduCommerceétaitintéresséetdiscutaitdesapropositionavecsesconseillers.D’après

lessourcesdeStephan,larécentedisparitiondeDominicavaitsérieusemententamélecréditdeCorisiEnterprisesauprèsdesautorités.Stephann’avaitpasl’influencedeDominic,maisilétaitarrivépileaubonmoment,avecunprojetdecontratdesplustentants.Lelendemainaprès-midi,ils’exprimeraitdenouveaudevantleministreetsesconseillers.Ensuite,luiavait-ondit,ladécisionseraitprise.Riennepourraitl’empêcherdemontreràDominicCorisicequeçafaisaitdetoutperdre.Sontéléphoneannonçal’arrivéed’unmessage.«Bonnenouvelleàlamaison.Appelledèsquetupeux.»Oui,ilappellerait.Dèsqu’ilauraitlui-mêmedebonnesnouvellesàannoncer.Trèsbientôt.

Chapitre5

J’ENTREETJESORS,RIENDEPLUS.Nicoleattendaitsontourdanslapetitefiledespersonnesvenuesfairelamêmechosequ’elle:

contemplerlesbébésparlabaievitréedelapouponnièredelamaternité.Quoideplusnaturelquedesouhaitervoircommentseportelepetitêtrequ’onacontribuéàmettre

aumonde?Voilàceques’étaitditNicolecematin-làenboutonnantlavestedesontailleurgrisfoncé.Unefouledevisiteurssepressait,maisonfitpasserNicoleparunguichetquiétaitjusqu’alors

fermé.L’argentoffrecertainsavantages;nejamaisattendrebienlongtempsdansunefileenfaitpartie.Ellesavaitpertinemmentquesatenueetsonvéhiculeévoquaientbienplusunepropriétairedel’hôpitalqu’unepauvrefemmesouhaitanterrerparmilesnouveau-nés.—Votrenom,s’ilvousplaît.—NicoleCorisi.Jeviensvoirlepetitd’Argensonàlapouponnière.—Vousêtesdelafamille?Nicolesentitsoncœurs’emballer.—Non.—Jesuisdésoléemaislesinstructionssontformelles.Seulslesmembresdelafamillesontadmis

àcetteheure-ci.—Biensûr.Jelesavais.Jen’auraisjamaisdûvenir.L’employéesemblaitgênée.—Voulez-vousquej’appellepourvoirsilamèreacceptedevousinscriresurlaliste?—Non,réponditNicoleenreculant.Non,jevousremercie.Quelleidéestupide!Nicoleallaitrepartirquanduneinfirmières’avançaàsarencontre.—Nicole?—Excusez-moi,mais…nousnousconnaissons?Nicolescrutaitlevisage,fouillantsessouvenirs.—Non,maisvousêtestellequeMaddyvousadécrite,répondit-elleenprenantlamaindeNicole.

Jem’appelleSamantha.Vousêtesvenuevoirlebébé?—Non.Oui.Euh…jevenaisjustevoircommentilallait.Mais,commejenesuispasdelafamille,

l’accèsàlachambrem’estinterdit.—Fais-luiunpasse,ordonnal’infirmièreàl’employéeaucomptoir.Onpeutconsidérerqu’elle

faitpartiedelafamille.Nonseulementc’estellequiamisaumondelepetitJoseph,maiselleestégalementfiancéeàl’oncledupetit.Unephrasepritformedansl’espritdeNicole,avantdesedissoudresursalangue.Samanthalui

accrochasonpasseaurevers.—Jen’auraispeut-êtreriendûdire,maisMaddyetmoinousconnaissonsdepuistoujours.Elleme

racontetout,etjetrouveçatellementromantiquequeStephanetvoussoyezfiancésensecret.Maisvousn’auriezriendûdireàMaddy.Autantparleràlapresse.Quiest-cequivoussuit?—Quevoulez-vousdire?Non,nemeditespas…

—Pourlebébé.Comptez-vousaccoucherici?Imaginezunpeu!CeseraitincroyablequeMaddyassisteàvotreaccouchementaprèsquevousavezassistéausien.Nicolesentitsagorgeseserrer.Ouais,incroyable.D’aucunspourraientmêmeallerjusqu’àdire«impossible»,puisqueplusd’uneannées’était

écouléedepuissesdernièresrelationsavecunhomme.VoilàaumoinsquibattaitenbrèchelathéoriedeStephan,convaincuquepersonnen’accepteraitde

lescroirefiancés.—Jesuisencoreenpausepourquelquesminutes.J’espéraisvoirlesparentsdeMaddy,maisce

serapourplustard.Venez,allonsvoirMaddy,ditSamantha.—Cen’estpaspossible.Je…j’aiunrendez-vous.Jesuispasséevoircommentallaitlepetit,mais

jen’auraisvraimentpasdû.Ilfautquej’yaille.L’idéedejoueràêtrelafiancéedeStephanluiavaitsembléexcellentelorsqu’ellen’impliquaitpas

dementiràquelqu’unlesyeuxdanslesyeux.Sanscompter,biensûr,queStephann’étaitmêmepasencoreaucourant.Aucundoute,mieuxvalaitqu’elles’enailleavantque…—Samantha!Nicole!s’exclamaElise,lamèredeMaddy,depuisl’autrecôtéduhall.Plusmoyend’yéchapper.ElleembrassachaleureusementSamanthasurlesdeuxjoues,puissalua

Nicole,s’accrochantàsamaincommesiellecraignaitdelavoirs’envoler.—Jesuissiheureusedevousvoir,poursuivit-elle.J’avaispeurdevousavoiroffenséehier.Desexcuses;voilàquelquechosequeNicolen’avaitpasl’habituded’entendre,etàplusforte

raisond’accepter.—Toutestdéjàoublié,répondit-elledoucement.EliseraffermitunesecondesapressionsurlamaindeNicole,puissourit.Impossibledenepas

voirdequiMaddyavaithéritésoncharme.—Cesparolesn’auraientjamaisdûêtreprononcées.Mercidevotrecompréhension.Jecomprends

pourquoiVictoretKatrinevoustiennentensihauteestime.Ilssontdansl’avionetilsarriventaujourd’hui.Lorsquenousleuravonsditquevousétiezlà,ilsontditquevousdeviezàtoutprixêtredesnôtrescesoir.Jevousenprie,dites«oui».Nicolesentitsabouches’assécherd’uncoup.—LesparentsdeStephanarriventaujourd’hui?Savent-ils…—Quevousêtesfiancés?Alessandronepourraitjamaisdissimulerunechosepareilleàsonfrère.

Ilssontfousdejoie.Jecroisqu’ilssontaussiexcitésàl’idéedevousrevoirquedefairelaconnaissancedeleurneveu.Alessandro,poursuivit-elleensetournantverssonmari.Tut’occupesdenousfaireentrer.Ilattenditletempsquedoitpatientertoutepersonnequiafinancélanouvelleailedel’hôpital;

autrementdit,riendutout.ElisepritNicoleparlebras,enungestequiavaittouteslesapparencesdel’affection.Lajeune

femmesedemandaitnéanmoinscequ’Eliseauraitfaitsielleavaittentédesedégagerdesonétreinte.Elisen’étaitquedouceur,maisNicoledoutaitqu’elleaitjamaisessuyéderebuffades.—Vousnousaccompagnez,Samantha?demandaElise.L’infirmièreconsultasamontreetgrimaça.—Jedoisreprendremagarde.—Joignez-vousànouspourledîner.—J’enchaînedeuxgardesaujourd’hui,sansquoijeseraisvenue.DitesàVictoretàKatrinequeje

passerailesvoircettesemaine.—Jen’ymanqueraipas.Àbientôt,ditElise,avantdesetournerversNicole.Avez-vousvulepetit

Joseph?—Pasencore.Finalement,ilsontchoisidel’appelerJoseph?Levantlesyeuxauciel,Elisedésignasonépouxdumenton.—Ilsn’ontpassupportédevoirpleurerunhommemûr.Alessandrones’offensapas.—Quialeplusdechancesd’avoirdesennuisàl’école?demanda-t-ilenhaussantlesépaules.Un

JoeouunLarry?Ilétaitsiprèsd’ellequeNicoleeutpeurqu’illaserredenouveaudanssesbrasaupointde

l’étouffer.—Nicole,expliquezàcettefemmequej’airaison.Tandisqu’ilssedirigeaientverslesascenseurs,Nicoleformulasaréponse.—Jepensequetoutdépendoùl’onvit.Entoutcas,lesdeuxnomsmeplaisent.Laurentestuntrès

jolinomfrançais.—Trèsdiplomate,ditElise.Nicolepréfèrenepasprendrepartàunehistoirequinelaregardepas.

Voilàunejeunefemmeintelligente.—Nemedispasqueleshistoiresdemafamillenemeregardentpas.Lesennuisdemonpetit-filsà

l’écolesontmesaffaires,insistaAlessandro.Ausortirdel’ascenseur,EliserelâchalebrasNicolepourprendrelamaindesonépoux.Parce

simplegeste,ellecalmasonirritation.—N’espérezpaspouvoirchoisirvous-mêmelenomdevosenfants,Nicole,enchaîna-t-ellesurle

tondelaplaisanterie.Àmoins,biensûr,quevousnechoisissiezdesnomsrésolumentitaliens.LeshommesdelafamilleAndradesontdevéritablesmèrespoules.—Piccolamamachioccia?murmuraAlessandro.—Si,réponditElise,tuasbienentendu.Ettusaisquec’estvrai.Victorestpareil.Deuxvraies

mèrespoulesitaliennes,toujoursàs’immiscerdanslaviedeleursenfants.Quanddoncchangerez-vous?D’unsimplehaussementd’épaules,Alessandroindiquaquecen’étaitpasdemainlaveille.—Jepréfère«Joe»,dit-ilenclignantdel’œilàl’intentiondeNicole.Maisilspeuventtoujours

choisirdel’appeler«JoeLaurent».Ilsarrivaientdansleservicedematernité.D’unregardentendu,Elisesembladire:«Vousvoyezce

quivousattend?»Nicolesentitsonestomacsenouer.PlusNicolepassaitdetempsaveceuxetpluselleredécouvraitcombienilétaitfaciledelesaimer.

Maiscen’étaitpasunebonneidée;toutallaits’arrêterd’uncoupdèsqueStephanapprendraitcequisepassait.Jusque-là,Nicolen’avaitnimentinivéritablementœuvréàdissiperlemalentendu.Ilfallaitqu’ellepuissevoirMaddyseuleàseule.Sielleparvenaitàtoutclarifieraveclajeunemaman,celle-cipourraittoutexpliqueraurestedelafamille.Toutlemondeverraitbienqu’iln’yavaitpaseutromperiedélibérée.LepetitJosephétaitavecsamère.Iln’yavaitpratiquementplusdeplacepourlesvisiteurstantla

chambreétaitempliedeballonsetdefleurs.Chacunleurtour,EliseetAlessandroserrèrentlenouveau-nédansleursbras,avantdelepasseràNicole.—Jen’aijamaistenuunbébé,réponditlajeunefemmeensecouantlatête.—Menteuse!s’exclamaMaddyenriant.Vousl’avezprisdansvosbrashier.Etjevousassureque

c’estplusfacileaujourd’hui.Pensezsimplementàbienluitenirlatête.Nicoles’exécutaavecmilleprécautions.Laveille,ellel’avaitvucommeàtraversunebrume,dans

lapaniqueetl’urgence.Là,elledécouvraitàquelpointilétaitfragileettoutpetit.Stupéfaiteetémerveilléeàlafois,ellereleval’undesespetitsdoigtsminuscules.Josephétaitmagnifique.Detoutebeauté.L’accouchements’étaitbienpassé,Dieumerci.Nicolenepritconsciencedeseslarmesqu’àl’instantoùEliseluitenditunmouchoir.—Ilesttellementbeau,articula-t-elleentredeuxsanglots.Lamèreetlagrand-mèreconfirmèrentsonpointdevue.—Tonpèreetmoiallonschercheruncafé,ditEliseenembrassantsafillesurlajoue.Nicolepeut

rester.Nousn’enauronspaspourlongtemps.—Mercipourhier,ditMaddylorsqu’ellesfurentseules.Vousavezétéincroyable.—Cen’étaitrien,réponditNicolesanssavoirquoidireaujuste.Ellerenditlebébéàsamère.D’unemain,Maddyremitlepetitbonnetenplacesurlecrânede

Joseph.—Non,sincèrement,vousavezétéfantastique.Jevousseraiéternellementreconnaissante.—Ilfautquevousarrêtiezd’annonceràtoutlemondequejesuisfiancéeàStephan!explosa

Nicole,incapabledesecontenirpluslongtemps.Cen’estpasvrai.Vousavezmalcompriscequevousavezentenduhier.—J’aitrèsbienentendu,répliquaMaddy,parfaitementsereine.—Celafaisaitdesannéesquejen’avaispasvuStephan.Jesuisvenuluiparlerd’unplan

complètementdément,qu’ilarefusé–àjustetitre.Cequevousavezentenduenfaitpartie.—Nicole,ditMaddyenquittantsonbébéduregardpourfixerlajeunefemme.Êtes-vous

amoureusedemoncousin?«Non!»VoilàcequeNicolevoulaitrépondre,maiselleserenditcomptequelemensongene

voulaitpassortirdesabouche.Maddyconnaissaitlavérité.Nicoleoptapourlafranchise.—Jepensaisquejel’étais.Maisjenesuispassûred’apprécierl’hommequ’ilestdevenu.D’unhochementdetête,Maddyconfirmalapertinencedel’analyse.—Stephanabesoinquevousreveniezdanssavie…avantdedépasserlesbornes.—Quevoulez-vousdire?—Jemesuisdéjàbientropimpliquée,maisjedétestevoirStephansimalheureux,expliqua

Maddy,àl’évidencedéchirée.TanteKatrineditqu’iln’aplusjamaisétélemêmeaprèsvousavoirperdue.—Jenecroispasavoirétésaplusgrandeperte,ditNicoleensongeantàIsolaSantos.Nousne

sommessortisqu’uneseuleetuniquefoisensemble.—Vousvoulezbienmerendreunservice?demandaMaddy,denouveausaisieparlaferveur.Oui.Non.—Çadépenddecequevousvoulez.—Nerenoncezpasdéjààlaperspectived’unheureuxdénouement.Facileàdirequandlavievousoffretout.Nicolesentitsagorgeseserrer.—Lavien’estpastoujoursuncontedefées,Maddy.Onn’obtientpastoujourscequ’onveut.—Si,àconditiond’êtredisposéàsebattrepourça,réponditlajeunemamanencontemplantle

bébédanssesbras.Personnen’estobligédesavoirquevousn’êtespasvraimentfiancés.—Stephanserafurieux.—Laissez-lepiquersacolère,réponditMaddy.

Laissez-lepiquersacolère.Detoutesavie,Nicolen’avaitencorejamaisentendudephraseaussirevigorante.Depuistoujours,elleagissaitpourpréserverlapaixautourd’elle.Etoùcelal’avait-ilmenée?Être

unebonnefilleneluiavaitpasvalul’amourdesonpère.Celan’avaitpasfaitrevenirsamèreniaméliorésesrelationsavecsonfrère.L’honnêtetéetlacontritionneluiavaientmêmepasvalud’obtenirlepardondeStephan.Nicolenejouaitpasàs’imaginerqueStephanpourraitnourrirensecretdegrandssentimentspour

elle.Maddyavaitraisonsurunpoint:ilfautsebattrepourobtenircequel’onveut.Elles’étaitaccommodéebientropfacilementdurefusdeStephan.Laissons-lepiquersacolère.Iln’enapeut-êtrepasenvie,maisilvam’aideràsauverl’entreprisedemonpère.Nicoles’excusapourallerpasseruncoupdefil.Lorsqu’ellefutcertained’êtrehorsdeportéede

touteoreilleindiscrète,elleappelal’undesesavocats.—PrépareztouslesdocumentsnécessairespourlerachatdeCorisiLtdparStephan.Non,iln’a

pasencoredonnésonaccord,maisilvalefaire.J’aiunplan.

Chapitre6

STEPHANREGARDASAMONTREPOURLATROISIÈMEFOISDEPUISQU’ONL’AVAITAVERTIDEL’ARRIVÉEdeDominic,présentementreçuparleministreduCommerce.Lematinmême,sonpropreentretienavecleministres’étaitbienpassé;trèsbien,même.TouteslesnégociationsavaientportésurlamargedemanœuvrequeStephanétaitdisposéàconcéderauxautoritéschinoisesenmatièredecensure.Or,pourbattreDominic,Stephanétaitprêtàacceptertoutcequ’onluidemandait.Sonavocat,RobertHynes,entradanslasalledeconférence;l’expressiondesonvisagemit

instantanémentStephansurdescharbonsardents.—Vousn’avezpasl’airparticulièrementheureux,fitremarquerStephan.—DominicvientdeproposercinqpourcentdesbénéficesdeCorisiEnterprisespourfinancerune

bourseàl’intentiondesfemmesdeszonesrurales.—Etilaemportélemorceau?demandaStephan,fouderage.—Sansproblème.Leministreasignél’accordcommes’ilavaitpeurqueDominicserétracte.Que

comptez-vousfaire?Bonnequestion.Stephanétaitsifurieuxqu’ilavaitdumalàréfléchir.—C’estdéfinitivementbouclé?demanda-t-ilentresesdentsserrées.—J’enaibienl’impression.Ilspréparentuneconférencedepressepourannoncerlanouvelle.—Jepensaisquandmêmequ’onavaitcequifallait.—C’estlecas,maiscettevictoiren’estpeut-êtrepasintégralementl’œuvredeDominic.D’aprèsla

rumeur,Zhangauraitimposécefinancementd’uneboursecommeclauseducontrat,sanslaisserd’autrechoixàDominicquedesigner.Zhang.J’auraisdûdevinerqu’ellemettraitsongraindesel.—J’aisous-estimésonenvied’êtrepartieprenanteàcetaccord,ditStephanensereprochant

vivementcetteerreurd’appréciation.—Nousnoussommestoustrompés.Aumoins,vousneperdezpasgrand-chose.Enréagissantvite,

vouspouvezmême…—Pasgrand-chose?rugitStephan.VousmesurezcequeDominicvapeserdésormaissurlascène

internationale?Sansparlerdelapuissancefinancièrequ’ilvaacquérir.Non,jeviensdeperdretoutechancederécupérerunjourIsolaSantos.D’ungestedelamain,RobertinvitaStephanàsecalmer.—Netirezpassurlemessager.Cen’estpaslemessager,leproblème.Merde,j’auraisdûlevoirvenir.Commentest-cequej’aipu

approchersiprèsdubutettoutfoirer?—JesuiscertainquevousavezunplanB,repritl’avocat.—Oui,mais…Ils’interrompit.Quelsquepuissentêtrelesévénementsdecettejournée,iln’étaitquandmêmepas

déterminéàalleraussiloin.—C’estillégal?—Çavousinquiète?répliquaStephanenindiquantd’ungesteauxmembresdesonéquipede

ramasserleursaffairespourpartir.—Pasdutout.Dumomentquevousgagnezsuffisammentpourpayermeshonoraires.Stephanéclataderire.AutantqueRobertconsidèreçacommeuneaubaine.

—Vousavezlemérited’êtrefranc.—Toujours,Stephan.Toujours.Etmaintenant,décamponsavantquelesjournalistesnedébarquent.EnapercevantDominic,escortédesesgardes,l’avocatdeStephanneputreteniruneremarque.—Dominicnesedéplaceplussanssatroupe.—Ilaraison.Jenesuispasleseulàvouloirlevoirmordrelapoussière.Et,dansletas,certains

n’ontpasmesscrupules.—Vousêtesunparangondevertu.Jel’aitoujoursdit.—Pourquoiest-cequejevousaiemmenéavecmoi?—Parcequejesuislemeilleur,etquevousvouliezgagner.—Ahouais.Etcombiençamecoûteraitenpluspourquevouslafermiez?—Cen’estpasdansvosmoyens.Dites,j’aicommel’impressionquevotrecopainDominicades

ennuis.C’étaitlecas.Maisquesepassait-ilaujustedel’autrecôtéduhall?Apparemment,leschosestournaientmal,et

lasituationéchappaitàDominic.—Ilfautquej’aillevoirça,ditStephanens’éloignantdesesacolytes.—Faitesattention.—Vouscomptezmefacturerceconseil?lançaStephanpar-dessussonépaule.Robertsecoualatête,avantdefourrersesmainsdanssespoches.—Non,répondit-ilavecunpetitsourire.C’estgratuit.Maissivousvousretrouvezcoincédansle

systèmejudiciairechinois,çavavouscoûterunbras.Stephandéboulaaubeaumilieudelaconversation.—Jenesaispascommenttufais,Corisi,maisondiraittoujoursquetucouinesquandtul’as

emporté.Jepensaisbient’avoir,cettefois.LesmusclesdeDominicsecrispèrent–aupointdedéformersoncostumesurmesure.—Stephan,c’esttoiquiesderrièretoutça?D’uncoupd’œilcirculaire,lerivaldeDominicévaluarapidementl’étatdetensiondetoutesles

personnesprésentes.IlrelevalaposturedéfensivedeJake,lamineprovocatricedeZhangavecsatêteunpeuinclinée,etleslarmesquiinondaientlesjouesdel’amiedeDominic.Unsourirerailleurs’épanouitsurseslèvresetunepointed’amusementanimasesyeuxbleus.—J’aimeraisêtreàl’originedecequisepasseici,mais,malheureusement,tuesleseul

responsabledecebourbier.Pourunhommequivientdel’emporter,tuaslaminebienpiteuse.Rienquepourça,çavalaitlecoupquejevienneici.D’unpaslourddemenace,DominicsemitenmarcheversStephan,maisJake,l’amideDominic,

intervintprestement.—J’auraisdûdevinerquec’étaitvousquitiriezlesficellesdansl’ombre.JakeWalton,aussipolicéqueDominicétaitbrutdefonderie.Stephanavaitlesentimentque,sans

cethomme,jamaisDominicn’auraitaussibienréussi.—Çan’apasétésimpledepassersousvotreradar,Walton,ditStephan,avantd’ajouterunepetite

piquedontilsavaitqu’elleallaitporter.Voussavezqu’ilyauratoujoursuneplacepourvousdansmonéquipesivousdécidezdequitterCorisiEnterprises.—Maisjen’aiaucuneintentiondem’enaller,répliquaJakeenserapprochantdeDominic.MaiscommentunhommetelqueDominicpeut-ilbieninspirerdelaloyautéàquelqu’un?se

demandaitStephan.

Laréponsetenaitsansdouteplusauxdollarsqu’àlapersonnalité.—Commec’esttouchant!s’exclamaStephand’untonmoqueur.Cetéchangen’avaitriend’unevisitedecourtoisie;c’étaituneévaluation.Dominiccachaitquelque

chose.Stephanreportasonattentionsurlesfemmes.ZhangYajun,l’unedesraresfemmesmilliardaires

deChine,setenaitcommeunguerrierminusculeauxcôtésdel’amieprofesseuredeDominic.Stephanseditqu’ilauraitdûinclureleprogrammedefinancementdelaboursedanssonoffre,maisilavaitsous-estiméladéterminationdeZhangsurcepoint.—Jen’arrivepasàcroirequevousayezréussicecoup-là,Zhang.C’estlegenredemanœuvre

dontonparledansleslivresd’histoire.Venezdînerquandvousvoulez.J’adoreraisconnaîtrelesdétails.Zhangrépliquad’untonquinelaissaitaucundoutequantàl’opinionqu’ellepouvaitavoirdeson

interlocuteur.—Faitesattention,Stephan.L’eaupeuttoutsubmerger,voussavez,mêmeletempleduroi-dragon.Ah,ellen’estplusaussibiendisposéeàmonégardmaintenantquel’accordm’échappe.StephanfitpartdesonsarcasmeàAbby.—C’estsamanièredem’inviteràallermefairefoutre,luiglissa-t-ilsurletondelaconfidence.Lenomd’AbbyDartley,ladernièreconquêteendatedeDominic,étaitsurtoutesleslèvres.Pourla

premièrefois,Dominicmêlaitunefemmeàsesaffaires.C’étaitl’occasionrêvéepoursemerlazizanie,histoired’évaluerprécisémentlavulnérabilitédeDominicsurceplan-là.Ils’avançaencorejusqu’àsetenirdevantAbby,qu’ildominait.Illagratifiad’unsourireaucharmetrèsétudié.—Alorsc’estelle,lapetiteprofquimènel’immenseDominicparleboutdunez?Abbyignoralamainqu’illuitendait.—Jenesaispasàqueljeuvousjouez,maisnecomptezpassurmoipourm’yprêter.Illadéshabilladuregard,attisantcommeprévulafureurdeDominic.Elleétaitmagnifique,maisil

préféraitlesfemmesplusgrandesetplusminces–plusnerveuses.L’imagedeNicolesurgitdanssonesprit;illachassaavecagacement.Ellenefaisaitpaspartiedesavie;mêmesonsouvenirn’avaitrienàfairelà.Quoiqu’ilensoit,laréactiondeDominicétaitpresquerisible.Stephannerésistapasàl’enviede

l’asticoterunpeuplus.—VouspleurezsurlesortdeDominicouest-celuiquivousfaitpleurer?Legrondementderrièreluiauraitdûl’avertir,maisStephanétaittoutàsonhumiliation.—Iln’ajamaisétédugenreàbientraiterlesfemmes.Jusqu’àcejour,jedoisbiendirequejene

mesuisjamaisdemandécequ’ilfaisaitdesesex.Maisvous,lemondevoustendlesbras.J’adoreraisprendreletempsdedécouvrirsivousêtesàlahauteurdecequ’onraconteàvotresujet.Unemainpuissanteserefermasurl’unedesesépaulespourlefairepivoter–pileàl’instantoùle

poingdeDominicvintpercutersonmenton.Stephanvacilla,maisnetombapas.Sonsourires’élargitencorelorsqu’ilcompritquesoninstinctavaitvujuste:Dominicavaitperdulecontrôledelasituationetnesemaîtrisaitplus.Parfait.—Tupeuxarrêterdeluifairelesyeuxdoux,déclaraDominicenjetantunregardnoiràAbby.Il

vapartir.—Maisjene…,balbutiaAbbypoursedéfendre.LeriredeStephaninterrompitleuréchange.—Tuteramollis,Dominic.Etc’estpourçaqu’unesimplepichenettesuffiraàprovoquertachute.

—C’estça,marre-toi,répliquaDominic,lespoingsserrés.Maisàpartird’aujourd’huituvasavoirunpeuplusdemalàentuberCorisiEnterprises.Onneboxeplusdanslamêmecatégorie.Tunepeuxplusriencontremoi.Vraiment?LeplanBs’annonçaitdeplusenplusprometteur.—Àtaplace,jen’enseraispassisûr,Dominic.Cedernierlesaisitparlecolletpourl’attireràlui.Leursvisagessetouchaientpresque.Lavoixde

Dominicétaitempreinted’uncalmemortel.—Jusqu’àprésent,touslescoupsquetuasreçusvenantdemoiétaientdusuniquementàton

incompétence.Àpartirdemaintenant,çaprenduntourunpeupluspersonnel.IlrepoussaStephand’unebourradequilefitreculerdeprèsd’unmètre.—Tire-toi,ajouta-t-il.Avantquej’oubliequ’unmeurtrepourraitnuireàcecontrat.Commentoses-tujugerlescompétencesdemonpère?Etpiétinerleseffortsdetouteunevie,ce

n’estpaspersonnelpeut-être?Fairemainbassesurl’îleancestraled’unefamille,c’estdubusinessetriend’autre?Existe-t-iluneseulechosequisoitpluspersonnelle?Unepenséedémoniaques’insinuadansl’espritdeStephan–decellesquisontsiinavouablesqu’on

leschassed’ordinaire,maisauxquellesonsouscritparfoisdanslefeudel’action.Tuveuxdu«pluspersonnel»?Etsijecouchaisavectasœur?PeuimportaitquesesfiançaillesavecNicolen’aientrienderéel;Dominicseraittellementprisà

contre-piedqu’ilnepourraitplussurveillersesarrières.Ilnecomprendraitmêmepascequiluiarrivelorsque,dèsleurmiseenservice,sesnouveauxserveurssemettraientàplantersansdiscontinuer–jusqu’àcequelesautoritéschinoiseslevirentparlapeauducou.Stephann’avaitplusqu’àfairecroireàNicolequesoncœurl’avaitfaitchangerd’avisetqu’il

seraitravidel’aider.Ohoui,leschosesallaientprendreuntourtrèspersonnel.—Personnen’estintouchable,Dominic.Tuferasmoinslemalinlaprochainefois.Dominichochalatêteàl’intentiondeseshommes.Stephanexécutaunerévérencethéâtrale,puisrejoignitsacoterieetpartit.TantmieuxsiDominicestconvaincudel’avoiremporté.Commetoutlemondes’engouffraitdansleslimousines,Stephanindiquaqu’ilvoulaitêtreseul.

Danslelourdvéhicule,ilprituntéléphoneportableprépayéabsolumentimpossibleàtracer,puiscomposaunnuméroqu’ilpensaitbiennejamaisutiliser.—Mike.J’aichangéd’avis.Faites-le.Puisillutlecodedesécuritéinscritsurunpetitboutdepapierqu’ilgardaitdanssonportefeuille.Voilà.LesortdeDominicétaitscellé.Étonnamment,cettepenséeneluiprocuraaucunplaisir.Stephancoupalacommunication,puisappelasonpèresursonportable.Entendrequelquesbonnes

nouvellesnepouvaitluifairequedubien.

Chapitre7

MÊMEÀTRAVERSLAPORTEFERMÉE,NICOLEPOUVAITENTENDRELEBRUITDESCONVERSATIONSÀl’intérieurdel’énormemanoir.Poséeausommetd’unepetitecolline,lademeured’EliseetAlessandrodominaitunpetitlac,semblableàunevilladeNewport,maisdansunstylepluscontemporain.Seulecettefamillepouvaitposséderunetellemaison,sertiedansunécrindeverdured’unequinzained’hectares,etdécorerlapelouseimmaculéedudevantdetoutunaréopagedetricycles,balançoiresetautresagrès.Àl’instantoùNicoleallaitsonner,laportes’ouvritàlavolée,laissantpasserunbambindecinqanstoutauplus,quis’élançadanslesescaliers.Derrièrelui,samèrearrivait,unbébédanslesbras.—Pouvez-vousl’attraper?demanda-t-elle,undoigtpointésurlefuyard.NicolebaissalesyeuxsursesescarpinsàbrideLouboutinetsontailleurcouleurcrème,puissurle

garçonquiavaittoutl’aird’avoirjouéàlapâteàmodeleravecdelaboue.Touteslesautresfamillesdesaconnaissanceengageaientdesnourrices,maislesAndraden’avaientaucuneconfiancedanscettecorporation.Legarnements’étaitarrêté,quatremarchesplusbas,paréàsprinter.—L’attraper?demandaNicole,incertainequantausensàdonneràcemot.—Luimettrelamaindessus.Lecoincer.Lesaucissonner.Amenez-leàlasalledebains.Ilrefuse

deselaverlesmainsavantledîner.LegarçontiralalangueàNicoleetdisparutaucoindelamaison.Oh,lepetitsalopiot!Nicoleretirasestalonspours’élancerderrièrelui.Ellelepoursuivitautourdedeuxvoituresgaréeslà,maisilparvintàluiéchapperpourpartirà

fonddetraindanslapentegazonnée.Ilsétaienttousdeuxlancésàpleinevitesselorsquelegarçonnettrébuchasurunemottepourpartirenroulé-boulé.Nicolefreinadesquatreferspournepaslepiétiner,puischutaàsontour.Ilsfirentplusieurstourssureux-mêmesdansl’herbeépaissepours’arrêterfinalementaupieddupetittertre.Premieràseremettresurpied,legaminjetaàNicoleunregardaccusateur.—Tuasfaillimeroulerdessus.—Désolée,réponditNicoleens’efforçantderesterimperturbable.—JenemelaveraipaslesmainsaveclesavondeziaLise,poursuivit-ilavecunairpleindedéfi.

Après,jesenscommeunefille.—Ilvadoncfalloirquejetesaucissonne,déclarasolennellementNicolecommepourelle-même.Legarçoninclinalatêtesurlecôté.—Tuesdrôle,annonça-t-ilentendantàNicoleunedesesmainspleinesdeterre.Lajeunefemmeacceptasonaideets’arrangeamêmepourluifairecroirequ’ill’avaitaidéeàse

relever.—Ettucoursviteaussi,ajouta-t-il.—Onnediraitpascommeça,réponditNicoleavecunsourire,maissansluilâcherlamain.Pasquestiondelelaisserfilerunefoisdeplus.—Rentrons,reprit-elle.Tamèredoits’inquiéter.—Jeneveuxpas…—Etsiontrouvaitunsavonpourhomme?suggéraNicole.L’oncleAlessandrodoitbienavoirça.

Jesuiscertainequeluinonplusn’aimepassentircommeunefille.Elisesortitparlaportedederrière,agitantundoigtendirectiondesonneveu.—Matteo,rentreimmédiatement.Regardecequetuasfait.LepantalondeNicoleesttoutsale!Aprèsavoirconsidéréuninstantsonpetitcaptif,Nicoledécidadeprendresadéfense:—Cen’estpassafaute.Jecouraisdanslapenteetjesuistombée.Matteom’asimplementaidéeà

merelever.Elisehochalatêted’unairentendu.—Ehbien,Matt,uncoupdechancequetuaiesétélàpouraiderNicole.Etmaintenant,onvase

laverlesmains.Matteolevaverselleunregardimplorant.—Elise,ditNicole.Auriez-vousdusavonneutre?Jesuisallergiqueauxsavonsparfumés.Elisehaussaunsourcilétonné;Nicolehaussalesépaules.—Oui,biensûr,réponditElise.Parici.—Jesuisdésolépourtonpantalon,Nicole,ditMatteo.—Cen’estrien,réponditNicole.Et,defait,toutétaitpourlemieux.Elleconsidéralatacheornantsongenougaucheetsutquesa

petiteaventuren’allaitpasmanquerd’êtreracontéeencoreetencorepourdevenirunenouvellehistoiredelafamilleAndrade.Uneboufféedefiertél’envahit.—Onferalacoursetoutàl’heure?demandaMatteo.Àcetinstant,Nicoleserenditcomptequec’étaitlepetitgarçonquiluitenaitdésormaislamain,et

nonplusl’inverse.Soncœurfituneétrangecabrioledanssapoitrine.—Çamarche.Et,ensemble,ilsentrèrentdanslamaisonpleined’animation.VictorAndradetapotalebrasdesafemmeetselevaenapercevantNicole.Lajeunefemmerestaun

instantfigéedansl’entrée,etneparutmêmepass’apercevoirquequelqu’unprenaitMatteopourl’emmenerselaver.—Nicole,vousêtesvenue!s’exclamaVictor,avecdanslavoixunechaleurqu’ellen’avaitjamais

entenduedanscelledesonpère.Katrinel’embrassasurunejoueetlaserracontreellecommeunemèrequin’apasvusafille

depuistroplongtemps.Ensereculant,Nicolechancela;Katrinelarattrapadejustesse.—Nicole,jesuisraviedevousvoir.LepèredeStephans’approchait;Nicoleseraidit,appréhendantcequis’annonçaitcommeun

momentunpeuétrange.Cependant,aulieudelaprendredanssesbras,illuicaressadoucementlajoue.—Ilauraseulementfalluseptansàmonfilspourretrouversonbonsens.NicolesesentaitincapablederegarderVictordanslesyeux.—Ilavaittouteslesraisonsd’êtreencolère.Je…LamaindeVictorretomba;sesmâchoiressecontractèrent.—Vousn’avezrienàvousreprocher,dit-ild’unevoixquel’émotionrendaitplusaiguë.Sansmêmes’enrendrecompte,Nicolesetassaunpeusurelle-même.—Victor,tueffraiescettepauvreenfant.Nicole,nefaitespasattentionauxhumeursdemonmari.

C’estàlui-mêmequ’ilenveut,pasàvous.NoussommesréellementheureuxqueStephanetvoussoyezréconciliés.Venez,Nicole,enchaîna-t-elleenprenantlajeunefemmeparlebras.RejoignonsElisedanslacuisine.Depuiscematin,elleneparlequedevous.Ellevaêtreravie.

Nicoleselaissafaire.AugrandétonnementdeNicole,Eliseétaiteffectivemententraindecuisiner.L’immensepièce

comportaitplusieursfoursetplaquesdecuissonregroupéssurunîlotcentral.Touteslesinstallationsétaientutilisées.Apparemment,Nicolenedissimulapastrèsbiensasurprise.—Vouscuisinez,Nicole?demandaElise.Unefoisencore,Nicolesesentitdanslapeaud’uneétrangèrearrivéelàsansyavoirétépréparée.

Ellesecoualatête.Danssonpetitcercledeconnaissances,personnenecuisinait;toutlemondeavaitdupersonnelpourça.Poureux,lacuisineétaituneactivitésalissanteetunepertedetemps.—Vousnecuisiniezjamaisavecvotremaman?demandaElise.—Elise,voyons,tusaisbien!s’exclamaKatrine.—J’avaisoublié,réponditEliseenrougissant.Nicole,poursuivit-elleens’approchantdelajeune

femme.Vousdevezpenserquejesuishorrible.J’accumulelesbourdes,alorsquejeveuxquevousvoussentiezàl’aiseparminous.Lasincéritédel’hôtesseétaitindiscutable.—Nevousenfaitespas,réponditNicole.Cen’estrien.Etsachezquejemesensbienavecvous,

sansquoijeneseraispasvenue.—N’est-ellepastellejel’avaisdécrite?ElleestexactementcelledontStephanabesoin.Cettefois-ci,cefutautourdeNicolederougir.CommesielleavaitperçulagênedeNicoleàl’évocationdecesujet,Eliseréponditauxquestions

qu’ellen’avaitpasposées.—Vousvousdemandezsansdoutepourquoinousn’avonspasquelqu’unquicuisinepournous?

Enfait,c’estgénéralementlecas.Quandnousnesommesquetouslesdeux,Alessandroetmoi,notrecuisiniernouspréparequelquechose.Etc’estRichardquisemetauxfourneauxpourlesrepasdudimanche.Maiscesoirn’estpasunsoircommelesautres.Lorsquetoutelafamilleseréunit,fairelacuisineestunemarqued’amour,non?Unpeugênée,Nicolehaussalesépaules.—Larecettedelasaucevientdemagrand-mère,etcelledesboulettesdeviandedelamère

d’Alessandro.Katrinefaitlepainnorvégien,ettoutlemondemange.Mêlernosnourritures,c’estfusionnernosfamilles.Etlesvieillesrecettesgardentvivantsdansnoscœursnoschersdisparus.Vouscomprenez?Mentirn’auraitserviàrien.—Pasvraiment.Maiscesontdetrèsbellesparoles.—Nevousenfaitespas,Nicole,intervintKatrine.AvantderencontrerVictor,jeneconnaissais

rienàlacuisineitalienne.C’estElisequim’atoutappris.Nicolefitletourdelacuisine,jetantuncoupd’œildanslesgrandescasseroles.—Donc,ajoutaKatrineavecunsourire,soitvousnousaidezàlapréparation,soitvousfaitesla

vaisselle.Nicolepivotasurelle-même,l’œilaffolé;Eliseéclataderire.—Quellecoquine,cetteKatrine!Elleplaisante,biensûr.Nousavonsdupersonneldemaison.Nicoleseredressa,biendécidéeàreleverledéfi.Pourl’amourduciel,elleavaitaidéunefemmeà

accoucher.Cuisiner,cen’étaitrienàcôté.Elleôtasavesteetserelevalesmanches.—Alors,parquoijecommence?KatrineetEliseéchangèrentunregardapprobateur.—Ilneresteplusquelesdesserts,ditElise.L’été,nousfaisonstoujoursunecostrataauxfruits.

C’estunesortedetarte.VictoretAlessandroenraffolent.Sivouspelezlesfruits,poursuivitEliseen

désignantunsaladierremplidepêchesetdeprunes,jepréparelapâte.Ensuite,ilyadesmyrtillesdansleréfrigérateur.Sivousvoulezbienlesrincer…Toutens’activantselonlesinstructions,Nicolefitlaconversation.—Toutlemondeestréunipourfêterlenouveauvenudanslafamille,c’estbiença?Quel

dommagequeRichardetMaddynesoientpaslà.S’approchantdeNicole,Eliseluitapotal’épaule.—Non,nousfêteronslanaissancedeJosephplustard,lorsqu’ilserasortidelamaternitéetque

Stephanserarentré.Cettesoiréeestenl’honneurdequelqu’und’autre.LeregarddeNicoleallaitd’EliseàKatrine.Elleétaitdéchiréeentrel’espoiretladésolation.—Cettesoiréeestpourvous,Nicole,ditKatrine.Pourvoussouhaiterlabienvenueauseindenotre

famille.JamaisencoreNicolenes’étaitsentieenmêmetempssiradieuseetsicoupable.Aubeaumilieudesdiscussionsausujetdelafamille–inévitableslorsquetroisgénérations

d’Andradeseretrouvaientautourd’unemêmetable–letéléphonedeVictorsonna.D’unemainlevée,ilimposalesilence.—C’estStephan.Ilécoutasonfilspendantuninstant,avantdeparleràsontour.—Oui,jesais.TouslesjournauxontannoncéqueDominicavaitraflélamise.Maisc’estmieux

ainsi,Stephan.Jesuismêmeétonnéquetuaiesprislapeined’allerenChine.Pourquoi?Maisj’ailaréponseàce«pourquoi»pileenfacedemoi.Nicoleestavecnous.Ilestgrandtempsqueturentrespourt’occuperdecequiestvraimentimportant.Aprèsuninstantdesilence,levisagedeVictors’empourprasoudainetilrépliquaaveccolère.—Dequoijeparle?MaisjeparledetoncomportementidiotavecNicole.Pourquoiluidemander

degarderlesecretsurvotrerelation?Tul’asvraimentmisedansunepositiondesplusembarrassantes.Mesfuturspetits-enfantsméritentmieuxqueça.VictorsecoualatêteenréponseàquelquechosequevenaitdedireStephan.—Etqu’est-cequec’estquecettehistoirederacheterCorisiLtdsansenparleràpersonne?Bien

sûr,c’estlachoseàfaire,maispourquoiensecret?demandaencoreVictor,sansprendreletempsd’écouterlesexplicationsdeStephan.Oui,tuasraison,nousenparleronsendétailàtonretour.Tupeuxcomptersurmoi.EtnetraînassepastropenChine.Tuasunnouveauneveuquit’attend.Et,oui,tuasdelachancequetoutsesoitbienpassé,sansquoitun’auraispaséchappéauxfoudresdeRichard,mêmeaufinfonddel’Asie.Maddyaaccouchélesoirmêmedetondépart.EtDieumerci,Nicoleétaitavecelle.Maisçaauraitdûêtretoi.Tuauraisdût’assurerqu’elleétaitrentréechezellesansproblème.LaréponsedeStephancalmaquelquepeusonpère.—Ellevabien,repritVictorenaccompagnantsaphrased’ungrandgeste.Toutlemondevabien.

TaNicoles’estoccupéedeMaddy.Certainsdétailsmechiffonnent,maisjesuiscontentquetuaiesfinalementretrouvétesespritspourluidemanderdet’épouser.Nicoleretintsonsouffle.—C’estlameilleureidéequetuaieseuedepuisbienlongtemps.Jetelapasse.Entendreunhommed’affairesàquitoutréussitsefairechapitrerparsonpèrecommeungaminne

manquaitpasdesel.Stephandevaitêtrefurieux.Ellepritl’appareiletleportaàsonoreilleens’efforçantderesterimpassible.—Bonjour,chéri,dit-elleens’étranglantàmoitiéavecunpetitrirenerveux.

—Qu’est-cequetunecomprendspasquandontedit«non»?—Oui,tumemanquesàmoiaussi,maisjenesuispasseule.Toutetafamilleestdanslapièce

autourdemoi.—Faistrèsattentionavecmafamille,Nicole.Trèsattention.—Oh,net’inquiètepas.Toutlemondeesttrèsheureuxd’apprendrelanouvelle.—Ondiraitbien,répondit-il,avantderestersilencieuxsilongtempsqueNicolefinitparsedire

quelacommunicationavaitdûêtrecoupée.C’estvraiquetuasaidéMaddy?demanda-t-ilfinalementd’unevoixd’oùtoutetraced’ironieavaitdisparu.—Jen’aiguèreeulechoix.Elleadécidédedonnernaissanceàtonneveusurlabanquettearrière

demalimousine.—Ellevabien?Etlepetitaussi?Ilavaitl’airsincèrementinquietpoursacousine.C’étaittouchant.—Oui,toutlemondevabien.TafamilleprépareunefêtepourlepetitJosephaudébutdela

semaineprochaine.Tuserasrentré?LetondeNicoleétaitunrienplusnerveuxqu’ellenel’auraitvoulu.—Tuaspeurquetoutlemondedécouvretonmensonge?—Pasvraiment.—Tusemblesbiensûredetoi.—Oui.J’imaginequetum’esuntantsoitpeureconnaissantmaintenant.—Tun’aspeut-êtrepastort.Nicoles’assit.—Vraiment?Tuvasm’aider?—Toutbienconsidéré,ondiraitquec’estlemoinsquejepuissefaire.—Oh,Stephan,merci.Tun’esdoncpasfâchéquetoutlemondepense…euh,sachequenous

sommesfiancés?Quelquesvisagesétonnéssetournèrentverselle.Ilfallaitqu’ellefasseattentionàsesparoles.—Non,j’aidécidéquetonidéepouvaitprésentercertains…avantages.Sexuels,parexemple?Nicoleretintjusteàtempslaquestion.Elleétaittoujoursaucentredel’attention.—Jenesuispassûredecomprendre.—Tuverras,répondit-ild’untonlourddesous-entendus.NicoleraccrochaetrenditsontéléphoneàVictor.—Iladitqu’ilseraitderetouraudébutdelasemaineprochaine.—Vousdevezêtresiheureuse,ditAlessandro.Nicoleconfirmad’unlenthochementdetête.Puis,duboutdesafourchette,ellegrignotadesmets

pourlesquelselleavaitsubitementperdutoutappétit.Stephanétaitderetourdanssavie.

Chapitre8

JEN’AURAISPASPURÊVERMIEUX.Nicoleavaitpeut-êtreréussiàtrompersafamille,maisellen’étaitpasaussiinnocentequ’elle

voulaitlefairecroire.Toutdemême,ilnecomprenaitpastrèsbiencequeNicoleetMaddypouvaientbienfairedanslamêmelimousine,etilétaitd’ailleursbienheureuxqueMaddynesesoitpasretrouvéeseule,maiscelanechangeaitrienàcequis’étaitpasséensuite.Nicoleavaitprofitédel’occasionpours’infiltrerdanssafamilleetdonnerdupoidsàleursfiançaillesdepacotille.Sonseulobjectifétaitdeconserverlecontrôledel’entreprisedesonpère.Riend’autrenel’intéressait–preuvequ’elleétaitaussiavideetdénuéedescrupulesquesonfrère.Tantmieux,sansquoijemeseraissenticoupabledel’utiliser.Aveccesfaussesfiançailles,ilsallaientêtreamenésàsevoirrégulièrementaucoursdumoisà

venir.Ohoui.Àcetteseulepensée,Stephaneutuneérection.Biensûr,Nicoleluiavaitlancéquelquesnoms

d’oiseau,etavaitprétenduqu’ellenedemandaitriend’autrequesonaide,maislalueurqu’ilavaitdéceléedanssesyeuxavaittrahilajeunefemme.Elleenaautantenviequemoi.Pourquoinepasmettreàprofitl’occasionpoursedébarrasserd’elle?Enmanœuvrantbien,il

auraitbientôtréussiàsedélesterdedeuxCorisi,assuréquechacund’euxavaitreçucequ’ilméritait.Nicolen’étaitpascommelesautresfemmesqu’ilconnaissait.Nilaflatterieniaucunpetitcadeau

neparviendraientjamaisàluifairebaisserlagarde.Commepourlaprised’uneforteresse,cetteaffaire-làallaitréclamerlamiseenœuvred’unecertainepartdestratégie.Chacundenousaunefaiblesse,unsecret,unemotivation–dontbiensouventiln’amêmepas

conscience.Unepetitechosequi,sansqu’ons’enrendecompte,présideàchacunedenosdécisions.Endécouvrantcesecretonpeutobtenirpratiquementn’importequoiden’importequi.Jedoismesouvenirdequelquechosed’utile.Illefaut.ToutindiquaitqueNicoleétaitunefemmed’habitudes–destailleursstrictsqu’elleportaitau

quotidienàl’impossibilitépourelledeseconcentrertantquesonagrafeusen’étaitpasàsaplacesursonbureau.Àl’instardeDominic,ildevaitluiarriverd’agirimpulsivementlorsqu’unesituationluiéchappait.

Toutcequ’ilavaitàfaire,c’étaitdeladéstabiliserjusteassezpourlafaireatterrirdanssonlit.Etilsavaitexactementcommentprocéder.Deboutetdéjàvêtuedesonhabitueltailleurgris,Nicoleréponditàl’interphonedelamaisonde

sonpèredanslesHamptons.Depuisunpeuplusd’unan,iln’yavaitplusdepersonnelsurplace,sonpèreayantvoulucacheràtoussonétatdesanté.—Entreprisededéménagementetdegarde-meubleDAPlant.—Quiça?—Entreprisededéménagementetdegarde-meubleDAPlant.Nicoleallumalavidéodelacaméradesurveillanceextérieure.L’hommeàquielleparlaitavait

incontestablementl’allured’undéménageur.Lelogofigurantsursonuniformebleucorrespondaitbienàceluiducamionvisiblederrièrelui.

—Désolée,vousdevezvoustromperd’adresse.—Onnousaprévenusquevousdiriezça,mademoiselleCorisi.C’estvotrefiancéquinousenvoie.—Jesuisdésoléedecetteconfusion,maisjenecomprendspaspourquoiilvousaappelés.Jene

déménagepas.L’hommes’essuyalefrontd’unreversdemanche.—Ilnousaaussiditquevousdiriezça.Voulez-vousqu’ilannulesonrendez-vousavecvotre

avocat?Servicededéménagementavecmenacesintégrées.Charmant.—J’ignoraisquelesdéménageursétaientaussibavards.—Ilnousagratifiésd’unerallongepourlemessage,expliqual’homme,unpeuconfus.Oh,etpuismince.L’importantn’était-ilpasqueStephanacceptedel’aider?Elleappuyasurleboutoncommandantl’ouverturedesportesàl’autreboutdelalongueallée.Surleperron,lesdeuxdéménageurssedandinèrentd’unpiedsurl’autrecommes’ilscraignaient

desalirlemarbreblanc.Detousleursyeux,ilsprenaientlamesuredel’étalagederichessesavammentagencéparfeulepèredeNicole.Sicen’étaientpasdesantiquités,alorsçanevalaitpaslapeine.—Entrezdonc,ditNicoled’untonsec.Qu’est-cequemonfiancévousaracontéd’autre?Àpetitspastimides,lesdeuxhommess’avancèrent.L’und’euxretiramêmesacasquette,commesi

legrandhallméritaitunemanifestationderespect.—Iladitquecen’étaitpaslapeinequevousprenieztout.Justelenécessairepourl’instant.—Etqu’est-cequeçasignifie?demanda-t-ellesansriendissimulerdesonhumeur.—Paslamoindreidée,m’dame.Nousemballeronstoutcequevousnousdirez.—Iln’apasledroit!Effrayé,l’undeshommesreculaetfaillitrenverserunvaseromainvieuxdeplusdedeux

millénaires.—Attention,ditmachinalementNicole.C’étaitàmonpère…Ellesetut.Toutétaitàsonpère.Toutcequecontenaitlamaisonétaitàlui,cartoutn’étaitlàquepourépaterla

galerie.Ilavaitchargéunspécialistehorsdeprixdedécorerchacunedespiècesavecuniquementlesobjetslesplusraresetlespluschersdumondeentier;etsademeuren’avaitjamaisétéunvéritablefoyer.Etcevaseromain?JamaisNicolenel’avaitneserait-cequ’effleuré;jamaissonpèrenel’auraitlaisséfaire.Nicolelepritpourlefracassersurlesolàsespieds.Desdébrisdecéramiquevolèrentdanstouteslesdirections.Divinesensation.EllemarchadroitsurlesfigurinesgrecquesenprovenancedesCycladesornantlemanteaudela

cheminéeetlesbrisaausoluneparune–ainsiqu’unportraitdesonpèreentraindeserrerlamainduprésidentd’unpaysquelconque.Àlaplace,ilauraitdûyavoirunephotodeNicolerecevantunprixlorsd’undesespremiersrécitalsdedanse,maiscesclichés-làavaientétémisaurebut.Indignesd’êtreexposés.—Vousvoussentezbien?demandal’undesdéménageurs.—Onnepeutmieux!Nicolerepritsesespritsjusteàl’instantoùelleallaits’emparerd’uneautrefigurineinestimable.

Lesdeuxhommesassistaientbouchebéeàsapetitecrisedenerfs.C’esttoujoursunmomentgênantquandons’aperçoitqu’onestlapersonnelaplusdérangéedans

unepièce.Duplatdelamain,Nicolelissalescôtésdelavestedesontailleuretseressaisit.—Qu’est-cequ’onemballe?demandanerveusementl’undeshommes.Nicolepromenaunregardcirculairesurlapièce.—Rien.Iln’yarieniciquejesouhaiteemporter.Etellesortit.EnroutepourlepenthousedeStephan,Jeff,lechauffeurdeNicole,ouvritlavitredeséparationde

lalimousine.—Vousn’avezvraimentrienpris?—Rien.—Pasmêmequelquesaffairesdansunsacdevoyage?—Jetel’aidit.Iln’yavaitrienquejevoulaisemporter.—Vousaurezpeut-êtrebesoind’unebrosseàdentsquandmême.Nicolelefusilladuregard.—Jedisaisçacommeça.Lesparolesdujeunehommefirentnéanmoinsleurchemin.—J’auraispeut-êtrebesoind’unebrosseàdents.Nicoleémitunpetitrire,nonpaspourladrôleriedesaremarque,maisparcequesavielui

échappaitcomplètementetqu’ellen’avaitpaslamoindreidéedecequ’ellepourraitbienfairepourrecollerlesmorceaux.Ellen’étaitmêmepluscapabledeprendrelamoindredécision,d’anticipercedontelleallaitavoirbesoinpours’installerchezStephan.—Jenesaispasquoifaire,dit-elleàvoixhaute.—Vousn’avezpasdesmillionsetdesmillionsdedollars?demandaJeff.Nicolehaussalesépaules.Sonpèreluiavaittoujoursallouéunesommestrictementdéfinie.En

contrepartie,elledevaitseconformerauxrèglesetmaintenirlesapparences.L’argentn’avaitjamaisdonnéàNicolecettelibertédonttantdemondelasupposaitdotée.—Ehbien,achetez-vousunebrosseàdents.Unebrosseàdentsenor.Achetez-vouscequevous

voulez,poursuivitJeff.Ils’oubliaitetfranchissaitlalignerouge.Maisiln’avaitpastort.Sonpèren’étaitpluslàpourl’arrêter.Certes,elledevaitsebattrepourgarderlecontrôledesa

société,maiselleavaitlamainsursesproprescomptes.Sil’envielaprenait,ellepouvaits’acheterunmagasinentierdebrossesàdents.Iln’yavaitqu’unseulproblème.—Oùest-cequeças’achète,Jeff?—Unebrosseàdents?Lasurprisedujeunechauffeurn’avaitriendeflatteuse.Instantanémentsurladéfensive,Nicolerépliquasèchement.—Jenesuispasidiote.Jesaisqueças’achètedansunepharmacieouquelquechosecommeça.

C’estjustequejen’aijamais…—Jamais?C’étaitmortifiantd’avoiràadmettrelavérité.—Lenécessaireétaittoujourslà.Lepersonnelachetaitcequ’ilfallait.Jen’aijamaiseuàfaire

d’achats.Nousavionstoutcequ’ilfallaitàlamaison.—Voilàquiexpliquebeaucoupdechoses.—Qu’est-cequevousinsinuez?—Est-cequevousaimezcequevousportez?Nicoles’examinad’uncoupd’œil.—Jen’yaijamaisréfléchi.Jemesuistoujourshabilléepour…—Vousfondredansledécor?Nicoleseraiditsousl’effetdelacolère.—Jen’aipasbesoind’êtrejugée.—Jevousdisjustequejecomprends.Jeffneparaissaitpaslemoinsdumondedécouragéparl’exaspérationdeNicole.—Jedoutequetusachesquoiquecesoitàmonsujet.Leursregardssecroisèrentuninstantdanslerétroviseur.—Jesaisquevotrepèreétaitunhommeirritableetavaitlamaniedevouloirtoutcontrôler.Jesais

quevotremèreestpartie–ouqu’elleestmorte–lorsquevousavieztreizeans.Votrefrères’estdisputéavecvotrepèreausujetdeladisparitiondevotremère,sibienqu’ilestpartietvousalaisséeàsontour.Toutlemondesaitqu’ilétaitenguerrecontrevotrepèrejusqu’aujourdesamort.—D’accord,çasuffit.Mavieprivéen’estpassiprivéequeça.J’aicompris.Oùveux-tuenvenir?Cettefois,onatouchélefond,cettejournéenepourrapasêtrepire…Lasympathiequ’elledéceladanslesyeuxdeJeffluiarrachaunegrimace.—Vousn’êtespaslaseulepersonneconfrontéeàcettedétresse.Vousdevriezenparlerà

quelqu’un.—Unpsy?Ouunchauffeurindiscret?—L’unoul’autre,répondit-ilavecunhaussementd’épaules.Oulesdeux.Entoutcas,jenepeux

pasresterassisàvousvoirvouseffondrersansvousdirequecequevoustraversezestparfaitementnormal.Vousavezsurvécuàunpèreviolent,c’estmaintenantqueladifficultécommence.Nicoleneluidonnaaucunsigned’encouragement,maisilnesemblaitpasenavoirbesoin.—Vousdeveztrouverquivousêtessanslui.Etsijenesuispersonne?—Etjefaisçaenm’achetantunebrosseàdents?—C’estundébut,maisilfautaussifairequelquechosepourvosvêtements.Vousavezl’aird’une

bibliothécairepleineauxas.Etbim!—Ehben,onpeutdirequetusaist’yprendrepourremonterlemoralauxfilles.Généralement,les

chauffeurss’inquiètentplusdelaroutequedelatenuedeleuremployeur.—Vousallezfairequoi?Mevirer?Onnegagnepassibienqueçachezvous.—Ahoui?—Exactement.Etc’étaitdéjàlecasavecvotrepère.Turajouterasçasurmapetitenote.—Alorspourquoitonpèreresteàmonservice?—Parcequ’ilvousaimebien.Ilditquevousêtescommeunefleuraumilieud’unroncier.Cen’est

pasvotrefautesivousêteslà,etilestquasimentimpossibledevoussauver.C’estcommeçaqu’onmevoit?Commeunevictime?Unepauvrefillequiabesoind’êtresauvée?

Pasétonnantquejesoisseule.—Jeneveuxplusêtrecettepersonne,Jeff,dit-elle,enserendantcompteàquelpointelleavait

envied’opérercettetransformation.—Vousêtesjeune,vousêtesbelle,vousêtesriche.Qu’est-cequivousarrête?Unpoidsénormequipesaitsurelles’envola.Rienn’allaitl’arrêter.Absolumentrien.—Bon,oùest-cequ’onvafairedushoppingquandonneveutplusressembleràune

bibliothécaire?—Avecvotrelignedecrédit?Oùvousvoulez.Épuiséeeteuphorique,Nicolelaissachoirsessacsdansl’entréedupenthousedeStephan.Ellese

sentaitrajeuniedeplusieursannéesdanssanouvellerobebleueàpoisgrifféeOscardelaRenta.Jusqu’alors,elleavaitcoutumededissimulersesépaules,troposseusesàsongoût,maisellenevoulaitplusriencacherdésormais.Dansl’entréedel’immeuble,deuxhommess’étaientretournéssurelle.Soncœuravaitmanquéunbattement;elles’étaitdemandésiStephanéprouveraitlamêmechoseendécouvrantlanouvelleNicole.ElleseretournaversJeff,presqueenfouisouslesquantitésdepaquetsqu’iltransportait.—Tucroisaux«happyends»?—Dugenre,«ilssemarièrenteteurentbeaucoupd’enfants»?—Jesuppose.—Cen’estpaslaréalité.Lavienes’arrêtepasàlafindulivre.—Maiscertainespersonnestrouventl’amouretpassenttouteleurvieensemble.Unamourcomme

çaestpossible,n’est-cepas?—Mesparentssontmariésdepuisquaranteans.C’estd’ailleurscequ’ilsfêtentpendantces

vacancesàrallonge.L’humourdemamèremettoujoursautantmonpèreenjoie.Donc,oui,c’estpossible.—D’aprèstoi,commentfont-ils?—Pourquoicettequestion?—Autrefois,Stephanetmoiavonseuunlientrèsfort.—Etaujourd’hui?—Jeveuxcroirequenouspouvonsleretrouver,maisleshommesnerestentpasavecmoi,Jeff.

Pourquoinerestent-ilspas?—D’aprèsvous,pourquois’envont-ils?Nicolehaussalesépaulesensigned’impuissance.—Écoutez,ditJeffenposantsespaquets,jeneconnaispasvotrepasséavecleshommes.Etjene

veuxpasleconnaître,sehâta-t-ild’enchaînerenvoyantqueNicoleallaitl’informer.Mais,decequej’aipuvoirdeStephan,jenevousrecommandepasdevousjeterdanssesbras.Ilnerespectepascequ’ilobtientfacilement.Nicolesemordillalalèvre.—Ilneserapeut-êtremêmepasintéressé.—Ilvousinstalledanssonpenthouse.Ilestintéressé.Faitesattention.LepenthousedeStephanétaitdécevant.Biensûr,ilétaitsituéprèsdeCentralPark–cequiavaitdû

luicoûterplusdevingtmillions–etl’intérieurétaitaussimodernequ’immaculé,maisilrappelaitàNicolel’austèremaisonqu’ellevenaitdequitter.OùétaientlesphotosdelafamilledeStephan?Chaqueélémentdedécorationavaitétéinstalléavec

pouruniquesoucid’équilibrerl’agencementdelapièceàlaperfection.Nicoleregrettaitden’avoirtrouvésurcesmursnulletraceduStephand’autrefois.Absolumentrien.

UnrapidetourdanslesautrespiècesnefitrienpourrassérénerNicole.EllerejoignitJeffdanslesalon.Ilétaitassissurundivandesign,blanc,dontleslignesaiguësnesemblaientoffriraucunconfort.Commemonpère.Toutpourlagalerie.—Cepenthousen’aqu’uneseulechambre.Oùcroit-ilquejevaisdormir?ditNicole,pluspour

elle-mêmequepoursonchauffeur.Jefflaregardaavecdesyeuxronds.Ah,tucroisqueçavaêtrefacile,Stephan?Tumefaisvenir,tut’amusesavecmoipendantquelques

semaines,puistumebalancescommetouteslesautresavantmoi?Çanevapassepassercommeça.Elleretournaouvrirlaportedubureau.—Tuasgardélenumérodecesdéménageurs,Jeff?Jecroisquejen’aipasencorefinimon

shopping.

Chapitre9

DETOUTEÉVIDENCE,ELLENEL’AVAITPASENTENDUENTRER.DEBOUTSURUNECHAISE,ELLEFAISAITdesonmieuxpourenfonceruncloudanslemurentapantdessusavecletaloneffiléd’unechaussure.Sesépaulesnues,sescheveuxdénouésetsapetiterobebaindesoleildecotoncomposaientuneimagetoutesimple,maisextrêmementattirante.C’étaitunspectacletoutàfaitinattendu.Qu’est-cequ’ellefabrique?Seshanchesmincesondulaientaurythmedelamusiquediffuséeàfonddanstoutl’appartement.Il

fallaitabsolumentqu’ildisequelquechose.Plusilattendaitpoursemanifesteretplussonimaginationluiproposaitdesscénariospourretirercettepetiterobe.Ils’avançaetbaissalevolume.Nicolesursautaetfaillittomberàlarenverse,maisStephanlarattrapainextremis.Toutenlatenant

serréecontrelui,illalaissadoucementglisserjusqu’àcequesespiedsnustouchentlesol.Ilauraitalorspularelâcher,maisellelevalesyeuxversluietilvitunsouvenirdanssesprunelles.L’imaged’untempsenfuioùill’avaittenueainsicontrelui.—Jepensaisquetunerentraisquedemain,dit-elle,lesoufflecourt.—Jesuispartiplustôtqueprévu.—J’aifaitquelquesmodifications,j’espèrequeçanet’embêtepas.Ellefaisaitréférenceàlapiècederrièrelui,commesi,depuissonarrivée,ilavaitfaitletourdu

penthousesansrienvoird’autre.Commes’ilnel’avaitpasvueavecsapetiterobeetsescheveuxdénoués…—Pasdutout.LesmainsdeStephanvinrenttoutnaturellementseplacerautourdelatailledelajeunefemme

pourlaserrerplusétroitementcontrelui.Peuluiimportaitqu’ellepuissesentirl’effetquecetteproximitéproduisaitsursonanatomie.LefaitqueNicolesembleaccepterlasituationétaitassezexcitant,maisStephanéprouvaitmalgré

luiunepointededépitàl’idéequelachassesoitfinieavantmêmed’avoircommencé.Elleétaitdanssesbras,etlapointedresséedesesseins,visiblederrièrelafineétoffedecoton,semblaitréclamersonattention.Lessemainesàvenirpromettaientd’êtreépuisantes,maistellementdélectables…Stephansepenchaenavantpourcueillirseslèvres,maisNicoletournalatête,sibienquelebaiser

atterritsursajoue.Ladernièrefoisqu’ilavaitétélejouetdecettefeinte,c’étaitàl’écoleprimaire,sonpremierbéguinnepartageantpassessentiments.Etiln’étaitpastrèscontent.Vraimentpas.Ellesedégageadesonétreintepours’éloignerdequelquespas.—Stephan,jecroisqu’ilseraitbonquenousdéfinissionscertainesrègles.—Desrègles?gronda-t-il.—Oui,pourqueleschosessoientclairesentrenous.—Elleslesontparfaitement,répliqua-t-ilenserapprochant.Nicolerecula.—Cetaccord,c’estdubusinessetriend’autre.—Cen’estpasuneobligation.—Sijesuisici,c’estuniquementpoursauverlasociétédemonpère.Dansquelquesmois,nos

cheminsseséparerontdenouveau.—Raisondepluspourprofiterdecetteparenthèse.—Jenesuispasd’accord.Etc’estpourçaquej’aiconvertitonbureauenchambred’amis.—Monbureau?D’unpasdécidé,ilmitlecapsurlapiècedontilinterdisaitstrictementl’accèsetenouvritlaporte

àlavolée.Toutsonmobiliernoiretgrisavaitétéremplacéparuneexplosiondebabiolesblanchesetlavandepourmagazineféminin.D’uncôtédelapièce,unlitàuneplaceoccupaitlaplacenaguèredévolueàsonbureau.Nicoleavaitrepeintlesmursenblancetornéledessusdesplinthesdecequiavaittoutl’aird’unefrisedefleurspeinteaupochoir.—Bordel,qu’est-cequetuasfaitdemesaffaires?!hurla-t-il.Nicolenetressaillitmêmepas.—Toutcequiavaitl’airimportantaétémisencartonsettransportéàtesbureaux.Leresteestau

garde-meuble.Cen’étaitpaspourçaquetum’avaisenvoyélesdéménageurs?Pourquejepuissemesentiricichezmoi?Sontoninnocentparaissaittoutdemêmeunpeucalculé.Ilavaitsous-estiméNicole;c’étaitincroyablementémoustillant.L’excitationmitlefeudansses

veinesetsacolèresevolatilisa.Iln’avaitplusqu’unepensée:soulevercetterobeetdécouvrirlegoûtdeNicole,toutdesuite,là,sursesdrapsimmaculés.—D’aprèstoi,combiendetempstuvasteniràdormirici?feula-t-il.Aulieudebattreenretraiteoudejouerlescoquettesenfaisantsemblantdenepascomprendre,

Nicoles’avançaverslui.Stephanétaitstupéfait;elles’arrêtajusteavantqueleurscorpsnesetouchent.Elleétaitsiprèsqu’ilpouvaitsentirlachaleurdesapeau.—Situveuxcoucheravecmoi,Stephan,souffla-t-elledansunmurmure,ilvafalloirtrouver

beaucoupmieuxquetonpetitrentre-dedansettesrépliquesuséesjusqu’àlacorde.Enfait,tuvasdevoirfairequelquechosequiestprobablementau-dessusdetesforces.Auprixd’uneffortsurhumain,Stephanseretintdel’attirercontrelui.L’espaced’unmoment,leurattractionmutuelleparutabolirletemps.Iln’yavaitplusqu’euxau

mondeetriend’autren’existait.NicolelevaunemainetlecorpsdeStephansefigeainstantanémentdansl’attentedesacaresse.Ledésirqu’iléprouvaitpourelleétaitdévorant.Ilétaitprêtàtoutpourlamettredanssonlit.Lafaçondédaigneusedontelleluitapotalajoueleprittotalementaudépourvu.—Tuvasdevoirfaireensortequejefinissepartetrouveraimable,dit-elle.PuisellerepoussaunStephanmédusédel’autrecôtéduseuil,horsdesachambre,etrefermala

portesurlui.Adosséeaumur,Nicoleneputretenirunsoupir.L’expressionahuriedeStephann’avaitpasde

prix;ilnedevaitpasluiarriverdesefairerembarrertrèssouvent.Celanenuiraitpasàsonegodémesuré.Jouerlesproiesdifficilesleurpermettraitpeut-êtredeprendreletempsnécessairepour

redécouvrirlelienquilesunissait.ÀmoinsqueStephanneperdetoutintérêtpourelleetnepasseàquelqu’und’autre.Pourunefois,l’incertituden’effrayaitpasNicole.Lesdéfisqu’elleavaitdûreleveretsurmontercestempsderniersl’avaientrendueplusforte.Sans

mêmeparlerdesessentiments,elleavaitréussiàconvaincreStephandel’aider.Bientôt,CorisiLtdseraitsauvéedeseaux,etavecelletouslescadresdirigeants.Unefoisquelespapiersseraientsignés,

ellepourraitreprendrelesrênesdesonentrepriseetprouveraumondeentierqu’ellen’étaitpasunevictimesansdéfense.Elleavaitgagné.Enfin.Fortedecetteconfiancenouvelle,elleserisquaàuneintrospection.Sonpasséfaisaitpartie

intégrantedelafemmequ’elleétait,maisilneladomineraitpassielleneselaissaitpasfaire.Ellerefusaitl’idéeden’êtrequelasommedetoutcequiluiétaitarrivé.Ilétaittempsdésormaisdedécouvrircedontelleavaitbesoinpourêtreheureuseetdesebattrepourl’obtenir.Peut-êtreluifaudrait-ilredécouvrirl’amouravecStephan–s’ilétaitdisposéàs’engagersurla

voiedelasincérité.Maispeut-êtredevrait-ellesimplementl’abandonnerpourpasseràautrechose.Dansuncascommedansl’autre,elleprenaitlecontrôledesavie.Attentionàtoi,Stephan.C’esttoutourien.Et,pourmoi,finidesuivrelesrèglesquelesautres

m’imposent.

Chapitre10

LELENDEMAIN,STEPHANN’ÉTAITPASDEBONNEHUMEUR.ILAVAITEUDUMALÀFERMERL’ŒILLAveilleausoir.Ilavaitfinalementsombréauxpetitesheurespourseréveillertoutseuldanssonpenthouse.L’absencedeNicolel’irritaitauplushautpoint.Iln’auraitpasdûenêtrefâché,cequiavaitledondel’agacerencoreplus.Vêtuentoutetpourtout

d’uneserviette,Stephansortitdelasalledebainspourserendreàlapenderiedesachambre.Ilchoisitundecescostumesquesonpèrequalifiait«d’insignesdupouvoir».Dansmoinsd’uneheure,ilseraitenfacedeNicole,danslebureaudesonavocat,entraindepataugerdanslejargonjuridique.Sontéléphonesonnaetsonhumeurpassaauniveauexécrable.Dominic?Ildoitcommenceràêtredésespéré.DèsqueStephanpritlacommunication,uneaccusationjaillitdel’écouteur.—Bordel!Qu’est-cequetutrafiquesavecmasœur,Stephan?—J’imaginequetuneveuxpaslesdétails.Dominicfulminaitàl’autreboutdelaligne.—Qu’est-cequ’ellefabriquecheztoi?—TunedevraispasplutôtdemanderçaàNicole?Ahoui,ellenerépondpasàtesappels.Ellete

mauditautantquejetedéteste.Oh,çadoitfairemal…—Tubatsunnouveaurecorddemédiocrité.—Peut-être,maismoi,aumoins,jenekidnappepasmesfemmes.Certes,ilavaitvulesnouvelles.Ons’accordaitàdécerneràDominicletitrederomantiquede

l’année,maisStephanconnaissaitlavérité.Lapetiteprofn’avaitjamaiseulamoindrechancefaceàquelqu’uncommeDominic.Stephanétaitdésolépourcettefemme,quiavaittentédefuirsansparveniràéchapperauxgriffesdumilliardaireCorisi.AvecNicole,c’estdifférent.Ellem’utilisedelamêmemanièrequemoijemesersd’elle.—Tasœurestvenues’installerchezmoidesonproprechef,maisavecplaisir,railla-t-il.—Nefaispasd’ellel’outildetavengeance.D’oùtevientcepetittondésespéré,Dominic?Çafaitqueleffet?Ettun’asencorerienvu,lepire

estàvenir…—Jenepeuxpas.Tun’aspasapprislanouvelle?Noussommesfiancés.Toietmoi,onestune

famillemaintenant.—Jevaistetuer.—Alorsfaisçaenhomme.Nem’envoiepastesescogriffes.Contrairementàd’autres,jeneme

cachepasderrièredeshordesd’agentsdesécurité.Biensûr,j’imaginequequelqu’undanstongenre–quelqu’unquicollectionnelesennemiscommed’autreslespiècesdemonnaie–n’apasvraimentlechoix.—Tunel’emporteraspas,Stephan.Jevaist’écraser.—C’estainsiquetuparlesàtonfuturbeau-frère?DominicenétaitàformulerdenouvellesmenacesquandStephanraccrochadansunéclatderire.

Sonrivalétaitaussifurieuxetpréoccupéqueprévu.Lorsqu’ilreviendraitàsonnouveaulogiciel,ceseraittroptard.Stephanmarchaitverssonbureauquandilsesouvintquelapièceétaitdésormaisunechambre.Un

juronluiéchappa.

D’ordinaire,ilavaitl’instinctsûretvoyaitclairdanslejeudesautres.Pourtant,chaquefoisqu’ilcroyaitavoircernéNicole,ellefaisaitlecontrairedecequ’ilavaitpensé.Avecelle,iln’avaitqu’unecertitude:elleoccupaitbientropsespensées.Nicolefitcommesiderienn’étaitlorsqueStephanpénétradanslesalond’attentedesonavocat.

Elletournaunepagedumagazinequ’elleavaitpourtantcessédelireàlasecondeoùellel’avaitaperçusortantdel’ascenseur.Àvoirletroublequis’emparadelasecrétairequandils’adressaàelle,onauraitpupenserque

Stephann’étaitriendemoinsqu’unestardecinéma.Maisquiauraitpuleluireprocher?Ilavaitsaplacesurn’importequelcalendrierplacésouslesignedelaséduction,auxmoislespluschauds.Etiln’étaitmêmepasobligédesedéshabillerpourfairesaliverlesfemmes.Ilpossédaitcemagnétismeanimalquiopèrecommeparmagiesurlalibidoféminine,quellequesoitsatenue.Nicoletournaunenouvellepage.C’estçaleproblèmeavecStephan.Ils’attendàcequelesfemmessoientàsespieds.—Nicole,dit-ilenvenantseplantervingtcentimètresdevantelle.—Oh,Stephan.Tueslà.C’estparfait.J’aidemandéàlasecrétairedenepasnousannonceravant

tonarrivée.—Jepensaisquenousviendrionsensemble.PauvreStephan…Ilneparaissaitpastrèsjoyeuxd’avoirétélaissésurleborddelaroute.—J’avaisquelquescoursesàfairecematin,réponditNicoleencontenantunsourire.Ellereposasonmagazine,puisseleva,guettantlesréactionsdeStephan,lecœurpleind’espoir.La

robebleufoncéqu’elleavaitchoisieétaitparfaitementconvenablepourunrendez-vousd’affaires,maiselleépousaitétroitementsasilhouetteetdécouvraitjustecequ’ilfallaitdesesjambespourqu’ellesesenteattirante.Autreavantagedel’argent,elleavaitdénichéenuncoupdefilunasdumaquillagequiavaitacceptédelarecevoirsur-le-champ.Lejeuenvalaitlachandelle.Stephansepenchasurellepourmurmureràsonoreille.—Tuesmagnifiquedanscetterobe,maisjemedamneraispourtevoirsans.Ellelevalesyeuxversluienbattantdescils–devenusinterminables.—Est-cequecetterépliqueadéjàfonctionnéavecunefemme?Stephans’empourpralégèrement.—Oui,répondit-ilsurladéfensive.Nicoleéclataderiredevantsamine.Ilnegoûtaitpassonhumour.Elleneseréjouitpaslongtemps.Stephansepenchaplusencore;sonsoufflechaudcaressa

l’oreilledelajeunefemme.—Cetteroben’estdoncpaspourmoi?C’estdommage.Tun’imaginespaslasensationdemes

mainsseglissant…Iln’eutpasletempsd’endireplus.Laportedubureaus’ouvrit,livrantpassageàGavinBurke,

l’avocatdeNicole,venulesaccueillir.Malgrél’interruption,ilfallutunmomentàNicolepourchasserdesonespritl’imagequeStephanavaitsoufflée.Sapeaufrissonnaitàl’évocationdesmainsdeStephanrelevantdoucementl’ourletdéjàbienhaut,pourvenirsoussesfessesetlaplaquercontrelui.Ellepriapourquepersonneneremarquelerosesubitementapparuàlabasedesoncou.Gavinpritsesdeuxmainsdanslessiennes.Ilétaitd’unedizainedecentimètrespluspetitque

Stephan,maisassezséduisantdanslegenre«beaugossed’àcôtémontéàNewYorkpourdeveniravocatd’affaires».Iln’yavaitjamaisrieneuentreeux,maisStephanl’ignorait.Gavinl’embrassa

surlajoue,avantdereculerd’unpasenluiécartantlesmainspourapprécierlatransformation.—Vousêtesmagnifique!Nicolelegratifiad’ungrandsourire.Gavinavaittoujoursétéaimableetsemettaitenquatrepour

elle.Àmoinsdequaranteans,ilavaitfaitfortuneenaidantdesgensrichesàfairepreuvedecréativitédansl’interprétationdetoutuntasdedocuments.Ilauraitputenterd’utilisersarelationavecNicolepoursemettreenrapportavecleshommesd’argentetdepouvoirdesafamille,maisilnel’avaitjamaisfait.Raisonpourlaquelleelleavaittouteconfianceenlui.—J’aipenséqu’ilétaittempsdechanger.IlgardaencoreuninstantlesmainsdeNicoledanslessiennes.—Vousétiezmagnifiqueetvousvoicirayonnante.C’estbondevousvoirsourire.Nicolerougitausouvenirdesmotsquiavaientamenécettelumièresursesjoues.Stephans’approcha,pasvraimentenchantédeleurpetiteconversation.—StephanAndrade,dit-il,enmettantcequ’ilfallaitdanssavoixpourquesonnomsonnecomme

unemenace.IlglissaunemainpossessiveaucreuxdesreinsdeNicole.GavinlibéraNicolepourtendrelamainàStephan.—GavinBurke,dit-il.Avanttoutechose,jetiensàpréciserquejereprésentelesintérêtsdeNicole.

Peut-êtrevoudrez-vousfairelirelecontratàvosconseillersavantdelesigner.Stephanluiserralamain,etNicoleauraitpujurervoirGavingrimacer.—Telleestbienmonintention,réponditStephan.—Parailleurs,ceneseraitprobablementpasunebonneidéequequelqu’unendehorsdecebureau

apprennelacomédiedevosfiançailles,ajoutaGavin.NicoleintervintdevantlamineagacéedeStephan.—J’aiavouélavéritéàGavin.J’aiconfianceenlui.—C’estlemoinsqu’onpuissedire,fitremarquerStephansanschercheràdissimulerson

désaccord.IlretirasamaindudosdeNicole.L’avocatetsaclienteéchangèrentundecescoupsd’œilquiprovoquentunfourireàl’église.

Nicolesemorditlalèvreensecouantlatête.Stephanseprenaitunpeutropausérieux,maisiln’yavaitrienàgagneràl’exaspéreraupointqu’ils’enaillesansriensigner.Gavinlesconduisitàunetablesurlaquelletouslesdocumentsétaientétalés.Ilsprirentplace,et

Gavinpoursuivit.—Pourl’essentiel,c’estuncontratassezsuccinct.Unesorted’avant-contratdemariage.Prenons

letempsdelelire.Stephan,vousreconnaissezque,dansl’éventualitéoùilseraitmisuntermeàvosfiançaillesavecNicole,vousluiaccorderiezundroitdepremierrefussurl’acquisitiondel’entrepriseCorisiLtd,auprixoùvous-mêmel’aurezachetée.Demême,vousconsentezàceque,pendanttoutelapériodeoùvousserezpropriétairedeCorisiLtd,NicoleCorisienassureladirectiongénérale,àmoinsqu’ellenerenoncespécifiquementàoccupercetteposition.Nicole,ensignantcecontrat,vousdonnezsuiteàl’acceptationconsentieparfeuvotrepèreàl’offrederachatdeStephan.L’entrepriseetlesbénéficesqu’elledégageserontlapropriétéexclusivedeStephanjusqu’àéchéancedel’unedesdeuxconditionssuivantes:larupturedevosfiançaillesouvotremariage.Danscettesecondehypothèse,l’entrepriseserareverséeàlacommunautédebienssansdonnerlieuàunéchangefinancier.Cestermesvousparaissent-ilsacceptables?Onfrappaàlaporteetlasecrétaireentradanslapièce.

—Désoléedevousinterrompre,monsieurBurke,dit-elleavecunsourirecontrit,maisilyaunmonsieurquiexigedevoirmademoiselleCorisisur-le-champ.Dequis’agissait-il?Nicoleretintsarespiration.—Ilprétends’appelerGeorgeMiles.Jeluiaiditquevousétiezoccupés,maisilinsiste.StephansetournaversNicole.—Miles,cen’estpasle…—Si,réponditNicoleenhochantlatête.C’estlevice-présidentdumarketingdeCorisiLtd.—Vousluiavezexpliquélesraisonsdevotreprésenceici?—Non,maisj’enaiparléàThomas,ajouta-t-elle.Gavinneparaissaitpaslemoinsdumondeperturbéparcetteinterruption.—Faites-leentrer,dit-il.Voilàquidevraitêtreintéressant.Georgeentradanslapiècecommeunefurie.Sesjouesétaienttoutesrougesetquelquesgouttesde

sueurluisaientsursonfront;àcroirequ’ilavaitmontélesescaliersàpied.—Nicole,c’esttroptard?Avez-voussignéquelquechose?Nicoleselevapourl’accueillir.—Calmez-vous,George.Elleavaiteusoncontentdecrisescardiaquespourlemois.—Avez-voussignéquelquechose?—Non,pasencore,maisjem’apprêteàlefaire.GeorgeMiless’épongealefront.LeregarddeStephanendisaitlongsurcequeluiinspiraitle

nouveauvenu.—Cen’estpaslapeine.LorsqueThomasm’aavertidevosintentions,j’aicompriscequevous

vouliezfaire.Vouscraignezquevotrefrèrenousviretousdèsqu’ilauralecontrôle.Etvouspensezquecettesolutionestl’uniquemoyendel’enempêcher.Etc’estlecas,songeaNicole.—Maisnon,enchaînaGeorge.J’aifaitquelquesbonsplacementsaufildesans,etjenesuispasle

seulparmilescadres.Enmettantnosressourcesencommun,nouspourrionsquasimentracheterlasociété.Ilvoussuffiraitdecontracterunempruntpourlecomplément.—Jenepeuxpasacceptervotreargent,murmuraNicole.L’offreétaitdetoutefaçonnulleetnonavenue,puisqueseulStephanpouvaitseporteracheteuraux

termesdutestament.—AlorslaissezDominicprendreleschosesenmainpendantuncertaintemps.Mêmes’ilnous

remercietous,nousnousensortirons.Vousn’êtespasobligéedefaireça.Etpar«ça»,GeorgedésignaitindubitablementStephan.—Jeneveuxpasvousperdrevousaussi.Ellen’avaitaucuneintentiondelivrercetteconfidence,maislavéritéétaitsortietouteseuledesa

bouche–etsuruntonsidésespéréquetoutlemondeenrestafigé.Bonsang!Pourquoiest-cequej’aiditça?—Alorsc’estça,repritlevieilhomme,lesyeuxembuésparl’émotion.Jevousconnais

pratiquementdepuistoujours.Mafemmeditquevousêtescommenotregrandefilletoujourspasmariée,saufquenousn’avonsaucunepensionàpayer.Croyez-vousvraimentquevousneseriezpluslabienvenuecheznousàcausedecequepourraitfairevotrefrère?Oui,c’estexactementcequejecrois.Nicoleserralespoingsetgardasespenséespourelle.

Georges’avançad’unpaspourposerdoucementunemainsursonbrascrispé.—Vousn’avezrienàprouveràpersonne.Nousvousconnaissonsbien,etriennipersonnene

pourrachangerça.Allez.Venezavecmoiaubureau.Ontrouverauneautresolution.Non.NicolescrutalevisagedeStephan,enquêted’unsignesusceptibledeluirévélercequ’ilpouvait

bienpenser.Ellenesavaitpasaujustecequ’elleauraitaiméyvoir,maisellefutdéçueden’yrientrouver.Audébut,ils’agissaituniquementdesauverlesemploisdespersonnesqu’elleconnaissaitdepuis

sonenfance,maistoutétaitdevenubeaucouppluscompliqué.Était-ceunechimèred’espérerqueStephan,soussesairsdurs,étaittoujoursceluiqu’elleavaitconnu?Georgeetsescollèguesavaientvoléàsonsecours,etelleenétaitémueau-delàdudicible.Jamais

ellen’avaitosérêverpouvoirleurteniràcœurautantqu’eux-mêmesluiétaientchers.Jamaisellenepourraitoubliercettejournée;pourlapremièrefois,elleavaitvuquecertaineschosespouvaientsurvivreàlamalédictionCorisi.Oui,silesemploisdeGeorgeetdesautresavaientétél’uniqueenjeu,peut-êtrel’aurait-ellesuivià

saréuniondecrise.Seulement,quelquepartenchemin,elleavaitlaissél’espoirrefleurirenelle.EllenepouvaitpastournerledosàStephanetàsafamille.Pasencore.Siellefranchissaitcecap,

ellerisquaitdeneplusjamaislesrevoir.Septansplustôt,elleavaitcouruseréfugierchezsonpère,déterminéeàfairesondeuildesonamour.Cettefois,ellen’étaitpasdisposéeàabandonneraussifacilement.Or,lesfaussesfiançaillesétaientladernièrechosequilesunissait.Aujourd’hui,jen’aipluspeurdemebattre.Avant,elleauraitchoisilasécurité.Elleseraitrepartieavecletestamentdesonpère,convaincue

qu’ellenepouvaitrienyfaire.Elleauraitacceptélesemblantd’intimitéoffertparStephan,ens’attendantàcequ’ilfinisseparlaquitter.Maisellen’étaitpluscommeça.Sielledevaitfinirparperdresonhéritage,ceseraitparcequ’elleneseseraitpasassezbattuepour

leconserver.EtsiStephanetellepartaientchacundesoncôtéàlafindesfaussesfiançailles,alorsellepartirait

aveclacertituded’avoireulecouragedegarderlecœurouvert,etlaforcemoraled’exigerd’êtretraitéeavecrespect.Sadécisionétaitprise.NicolepritGeorgedanssesbraspouruneaccolade.—C’étaitvraimentadorableàvousdevenir,George.Jen’oublieraijamaiscequevousavezfait

pourmoi,mais,sijesuisiciaujourd’hui,c’estparcequejeleveux.Àl’époqueoùjetravaillaischezsonpère,Stephanetmoisommestombésamoureux.Celafaitunmomentquenousnousfréquentonsensecret.Ellemarchajusqu’àStephanetluipritlamain,sanscesserd’afficherungrandsourirepour

prouveràGeorgequ’iln’yavaitriendepernicieuxdanscetteaffaire.—J’aimeStephanetjeveuxl’épouser.Essayezd’êtreheureuxpourmoi.Stephanl’attiracontrelui;elleentendaitlecœurdujeunehommebattrefollementdanssapoitrine.

LesyeuxdeGeorgepassaientdel’unàl’autre.Ilhésitaitencoreàlacroire.—Vousêtessûre?NicolepassasesdeuxbrasautourdelatailledeStephanetposalajouesursontorse.—Certaine.Retournezaubureauetditesàchacunqu’ilestinvitéàlafêtedefiançaillesquenous

organiserons.

GavinraccompagnaGeorgeàlaporte.Surleseuil,levieilhommesetournaunedernièrefois.—Sivousluifaitesdumal,Stephan,vousleregretterez.Stephann’avaitpaslâchéNicole.Ilsesentaitcommesiuncamionvenaitdeluipasserdessus.Ellem’aime?Non,cen’étaitpaspossible.Leurarrangementn’étaitriend’autrequ’unaccordcommercial.Elle

avaitétéonnepeutplusclairepasplustardquelanuitprécédente.Toutçan’étaitqu’unmensonge–etillesavait.Alorspourquoiavait-ileulesoufflecourt,

pourquoilatêteluiavait-elletournélorsqueNicoleavaitannoncéqu’ellevoulaitvraimentl’épouser?Sanslaregarder,ilposaunequestiondontiln’étaitpascertaindevouloirentendrelaréponse.—Nicole,est-cequetum’aimes?Lajeunefemmesedégageadesonétreinte,etStephansesentittoutàlafoissoulagéetinfiniment

déçu.—Ilfallaitbienquejedisequelquechose.Jenepouvaispaslelaisserpartirdévoréd’inquiétude

pourmoi.Elles’approchadelatableetapposasasignatureaubasdudocument.Depuisl’entréedelapièce,Gavinlesregardaitavecintensité.Stephans’avançaàsontourpourinscriresonparaphe.—C’estfait,ditNicole.MerciGavin,jevouscontacterai.Elleluiserralamainetdéposaunbaisersursajoue.Ensuite,ellesetournaversStephan.—Onsevoitàlamaison.Stephansentitsonestomacsenouer.Sansrienajouter,Nicolepivotalestalonsetsortit.Debout,immobile,Stephanlaregardapartir.—Vousnelaméritezpas,ditGavin.Jamaisphraseplusvraien’avaitétéprononcée.—Envoyezunecopieducontratàmonbureau,ditStephan,avantdequitterlapièceàsontour.Monsieurl’avocatjolicœurétaitpeut-êtreamoureuxdeNicole.Ilétaitpeut-êtreaussi

suffisammentprochepourqu’elleseconfieàlui.Maisc’étaitchezStephanqu’ellerentrait.Nicoleétaitdéjàpartielorsqu’ilparvintautrottoir.Ilvoulaitlapoursuivre,larattraper,l’obligerà

luidirepourquoiellesedémenaittantpourl’entreprisedesonpère,puisl’embrasserjusqu’àcequ’ilsenoublienttousdeuxqu’ilsn’étaientrienl’unpourl’autre.Aulieudeça,ilserenditchezTiffanypouracheterlediamantleplusgrosetlepluscherqu’ils

avaient.

Chapitre11

QUIAURAITPUCROIREQU’UNESAUCEOUBLIÉESURLEFEUPOUVAITDÉGAGERAUTANTDEFUMÉE?LAgorgeenfeu,Nicoleagitaituntorchondevantledétecteurdefuméepouréviterqu’ilnesedéclencheencoreunefois.Mêmevêtued’unsimpleshortetd’untee-shirtblanc,elleparvenaitàsemettreennage.Cesoir-là,elleavaitquelquechoseàfêter.Elleavaitréussi.Lescadresdel’entreprisedesonpère

–non,delaCorisiLtd–pouvaientdormirsurleursdeuxoreilles.Leursemploisétaientsauvés.Lesgensquiluitenaientlieudefamillen’allaientpasêtresacrifiés,dumoinspasdansunfuturproche.Etsontéléphoneallaitenfincesserdesonner;cefrèreauquelellerefusaitdeparlerallaitpouvoirarrêterdel’appeler.Libéréedecessoucis,Nicolepouvaitenfinseconcentrersurunsujettoutaussistressant–Stephan.

Commentremercie-t-onunhommequivientd’acheterunesociétéd’informatiquepourvousrendreservice?NicolesavaitcequelafamilledeStephanauraitfait.Certained’avoireulabonneidée,Nicoleavaitrédigélapremièrelistedecoursesdesavie,avant

d’allerachetercommeunegrandetouslesingrédientsausupermarchéducoin.Cependant,ellen’avaitpasprévuquelachaleurdufourallaitréduireànéantleseffetsdelaclimatisation.Lefour.Lepoulet!Parlaporteouverteentoutehâte,Nicoledécouvritunplatprincipalnoirciaupointd’enêtre

méconnaissable;uneboufféed’épaissefuméeluitourbillonnadanslevisage.Lesyeuxluipiquèrentets’embuèrentdelarmes.—UnerecettedelafamilleCorisi?demandaStephan,suffisammentfortpourcouvrirl’alarmedu

détecteurdefumée.Nicoleseretournad’unbloc.Appuyéauchambranledelaporte,Stephanl’observait,lavestetenue

àl’épaule.—Trèsdrôle,répliquaNicoleenagitantvainementlamainpourdissiperlafumée.Commentfaut-

ilfairepourquelefourarrêtedefumer?Stephanposasavestesurledossierd’unechaiseetvintjusqu’àelle.Nicolenebougeapas.Il

s’arrêtajustedevantelle,puisbaissalatêtejusqu’àcequeleurslèvressoientsurlepointdesetoucher.Toutd’abord,Nicolecrutqu’ilallaittenterdel’embrasserdenouveau,maisnon,ilvintseulementappuyersurdeuxcommandesdufour.—Onpeutcommencerparl’éteindre.Çapeutêtreutile,murmura-t-il.Nicoleessayadereculer,maissesjambesétaientdéjàcontrel’appareildecuissonderrièreelle.En

sepenchantenarrière,elleamenasesfessesaucontactdelamainStephan.Ellesursautaversl’avant,commesielles’étaitbrûlée;cefaisant,ellevintplaquersapoitrinecontreletorsedujeunehomme.Ilretintbrusquementsonsouffle,révélantquecebrefcontactphysiqueluifaisaitlemêmeeffetqu’àelle.Ellesedégageaparlecôtépourtrouverrefugeàunmètredelui,ensemaudissantden’avoirpas

revêtuuneautretenueavantsonretour.Riennefonctionnaitcommeellel’auraitvoulu.—J’aivusurInternetquelepouletetlespâtesétaientlesplatslesplussimplesàréaliser,dit-elle

ensoufflantpourchasserunemèchequiluitombaitdanslevisage.Maisc’estunramassisdeconneries.LeriredeStephanlapritparsurprise;c’étaitlesonleplusextraordinairequ’elleavaitentendu

depuisbienlongtemps.—J’aiuncuisinier,Nicole.—Jesais,répondit-ellesurladéfensive.Maisjevoulaispréparerquelquechosedespécialpourte

remercierdem’avoiraidéeaujourd’hui.Ill’examinaunmoment,commes’ilavaitétésurlepointdedirequelquechoseavantdeseraviser.—Maddyadoreraitcettehistoire,dit-ilfinalement.Avecelle,leprincipeestsimple:ceuxpourqui

ellecuisineontl’obligationdemangercequ’elleapréparé.Toutelafamilleaétésoulagéelejouroùelleaépouséunchef.AvantRichard,onenétaittousàenvisagerd’acheterdesactionsdansunlaboratoirespécialisécontrelesbrûluresd’estomac.Toutétaitallédetravers,maisNicoleneputs’empêcherdesourireàl’évocationdelacousineau

tempéramentdefeu.—Commentpeut-ellenepassavoircuisineravecEliseetKatrinepourlaconseiller?Ellessont

fantastiques.—Jenesaispassituasremarqué,maisMaddyn’acceptepastrèsbienlesconseils.Ellefaitce

qu’elleveut…mêmeaveclesrecettes,ditStephanenmimantunfrisson.—J’aimebeaucoupMaddy,affirmaNicoleentoutespontanéité.Stephaneutl’airdes’absorberdansundébatintérieur.—Surcepoint-là,jetecrois,dit-ilfinalement.Nicoles’adossaaurebordduplandetravail.—Tafamilleatoujoursétéaimableavecmoi.Lorsquenotreaccordtoucheraàsafin,jeveilleraià

cequeleschosessefassentd’unemanièrequitedonnelebeaurôle.Jeneferaijamaisrienquipuissenuireàtafamille.Sesparolesn’eurentpasl’effetescompté.—Déjàentraindeprévoirlafin?demanda-t-il,levisagefermé.Turegrettesd’avoirsigné?—Non,ettoi?Aulieuderépondre,StephanlançaunepetiteboîteàNicole,quilarattrapadejustesse.Elley

découvritundiamanttailleémeraudedevingt-quatrecaratssurmontureenplatine.Élégantetoutrageusementcher.C’étaitexactementlegenredebaguequ’ons’attendraitàvoiraudoigtd’uneCorisi.Nicolesentitsoncœursombrer.Ellelasortitdupetitcoffrettendudeveloursetlafitjouerlentemententresesdoigts.Cen’estpasdutoutmoi.—Elleneteplaîtpas,déclaraStephand’untoncatégorique.Nicolegrimaça.—Non,elleestjolie,répondit-elle.—Tupeuxlarapporteretchoisircequetuveux,grogna-t-il.Cequejeveux,onneletrouvepasdansuncoffretdechezTiffany.Labaguequ’ilavaitchoisiepourelleprouvaitàquelpointillaconnaissaitmal.Ellepassal’anneau

àl’annulairedesamaingauche.—Elleestmagnifique,Stephan.Et,detoutefaçon,cen’estquepourunecourtepériode.Merci.Ilpoussaunsoupiragacé.—Laplupartdesfemmesadoreraientcettebague.—Maisj’aiditqu’elleétaitmagnifique,ripostaNicole.LesentimentdefrustrationdeStephannecessaitdegrandir.—J’aidépensétrente…non,trente-cinqmillionsdedollarspourtoiaujourd’hui.Trente-cinq

millionsdedollars.Tuenconnaisbeaucoupdesfemmesquionteucegenredejournée?Etpourtant

tun’aspasl’airheureuse.Jepensaisquetupourraisaumoinstemontrerreconnaissante.—Maisjelesuis.J’aicuisiné…,commença-t-elle,avantdes’interrompre.Tuveuxdire

reconnaissante?Oubienreconnaissante?Stephanlevalesdeuxmainscommepourpareruneattaque.—Je…Duboutdel’index,Nicoleluimartelalapoitrine.—Mettonsleschosesaupoint.Ils’agitd’uncontratcommercial.Enéchangedel’aidequetu

m’apportes,tugagneslesdroitssurunbrevetportantsurunlogicieldeconversion.Riendeplus.Etsituasdépensébeaucoupd’argentaujourd’hui,tulerécupérerasintégralementd’iciquelquessemaines.Etçaavec,ajouta-t-elleenluiagitantlabaguesouslenez.J’espèrequetuasgardélereçu.J’étaissérieusehier.Jenesaispassijet’aimebien.Tuesimpolietarrogant.Etcen’estpasparcequetuessublimequetouteslesfemmesontenviedecoucheravectoi.Ellesveulentplusquedespropositionssalacesmurmuréesaucreuxdel’oreille.Ellesveulentdelaconversation.Ellesveulent…L’expressionamuséesurlevisagedeStephanluicoupasonélan.—Quoi?Àquoipenses-tu?Dis-le.Unelueurespiègleilluminasesyeuxbleusmagnifiques.—Non,non.Continue.J’écoute.MaisNicolerestaitobstinémentsilencieuse.—Tuétaisentraindemedirecequeveulentlesfemmes.—Jesuissérieuse,dit-elleensecouantlatête.Ilsourit.—Tuesunâne,renchérit-elle.Souriantjusqu’auxoreilles;ils’approchad’elle.—Oui,maisunânesublime.Iltenditverselleunemainqu’ellerepoussa.—Nemetouchepas.Ilsegardabiendelefaire.Maisilrestadevantelle,siprèsquelecorpsdeNicolecommençaàla

trahir.Ellesepassalalanguesurleslèvres,subitementdevenuessèches.Ilsepenchadequelquescentimètresencore.—Donc,jenetemurmurerienaucreuxdel’oreille.Jenetetouchepas.Etonsecontented’avoir

uneconversation.C’estbiença?Seslèvresétaientsiprochesqu’ellepouvaitpresqueensentirlegoût.—Oui,répondit-elle,lagorgeserrée.—Parcequetuveuxpasserchaquenuit,seuledanstonpetitlit?Non.—Oui.Elleavaitforcélemotàfranchirseslèvres,ens’efforçantd’ignorerlespicotementsquela

perspectivedesmainsdeStephansurellefaisaitnaîtresursapeau.D’ignoreraussicombiencelle-cidevenaitmoite,etcombiensonventresenouaitàlapenséedecequ’elleluirefusait.—Etmoi,tusaiscequejeveux?demanda-t-ild’unevoixronronnante.Dites-moiquejerêve…—Delapizza,annonça-t-ilensereculantd’unpas.Jenepensepasquecepouletsoitencore

comestible.Tuveuxbiencommanderpendantquejepassequelquescoupsdefil?D’unpasnonchalant,ilallarecherchersaveste.

—Jeseraidanslesalon,puisquejen’aiplusdebureau.Ensuite,nouspourronsmangeretavoirune…conversation,ajouta-t-ileninsistantsurlederniermot.Lagrimacedontellelegratifialefitrireàgorgedéployée.—Àmoinsquetun’aiesuneautresuggestion?Aucune,hormistegiflerpoureffacercepetitairsatisfait.Ilpritsavesteets’éloignaverslaporte.—Oh,ajouta-t-ilencore.Demande-leurdemettrelejambonetl’ananassurunemoitiéseulement.

Iln’yaaucunfruitsurunepizzadignedecenom.Dèsqu’ilfutsorti,Nicoleselaissatombersurunechaise.Ilsesouvientdemagarniturepréférée.Parviendrait-elleunjouràlecerner?

Chapitre12

DURANTLESJOURSQUISUIVIRENT,STEPHANETNICOLECONVERSÈRENT.LEMATIN,À7H30,ILSSEretrouvaientautourdelapetitetabledupetitdéjeuner.Lecuisinierleurpréparaitducaféetquelquesplatslégers.StephandemandaitàNicolequelétaitsonprogrammepourlajournéeetilluiparlaitdusien.Ensemble,ilsprenaientl’ascenseurjusqu’auhalld’entrée,avantdesequittersurunpetitsignedelamainempreintd’unecertainegêne–dontilsemblaits’amuser.Ilsseretrouvaientlesoirpourdînerentêteàtêtedanssasalleàmangerultramoderne.Autout

début,ilss’enétaienttenusauxanecdotes,mais,àmesurequeleursrapportssefaisaientplusdécontractés,leurssujetsdeconversations’étoffèrent.NicoleluiconfessasesinquiétudesausujetdeCorisiLtd;elles’attendaitàdevoiraffronteruncertainnombrederésistanceslorsqu’elleenprendraitlesrênes.Pourtoutdire,ellen’avaitpasprévud’avoiràsedéfendrecontreceuxquiauraientétérenvoyéssiellenes’étaitpasbattuepoureux.Stephanl’écoutaattentivement,puisproposaquelquespistespourarrondirlesangles.Sespropositionsayantportéleursfruits,laconfianceentreeuxs’épanouitunpeuplus.—Tamèreaappelé,annonçaNicole,unsoiraucoursdurepas.Lafêtepourtonneveuauralieu

samedi.—Etqu’as-turépondu?—J’aiditqu’onyserait.—J’auraispréféréquetum’enparlesd’abord.Subitement,lejoursefitdansl’espritdeNicole;ellesentitsagorgesenouer.—Nicole…—Non,nemejouepascetair-là.Soisfranc.Tucroisqu’ilsnem’apprécientpas,c’estça?Eh

bien,sachequetamèrem’aproposédevenirplustôtpourmemontrerquelquesrecettes.—Mafamillet’adore.Etc’estbiençaleproblème.—Jet’aidéjàditquelorsquelemomentseravenu…—Tunecomprendspas,dit-ilensepassantnerveusementunemaindanslescheveux.Chaquefois

quetuleurparles,c’estunmensonge.Ilsignorentqu’iln’yariendevraidanstoutça.Jeneveuxpasquetufassessouffrirmafamilleplusque…Nicoleselevabrusquementetjetasaserviettesurlatable.—Finisdonctaphrase,Stephan.Non,attends,jevaislafinirpourtoi.Tuneveuxpasquejeles

fassesouffrirplusquejenel’aidéjàfait.TumereprochestoujourscequeDominicafaitàtonpère.Jecroyaisquenousétionsaumoinsentraindedeveniramis.Jepensaisquetuavaiscomprisquej’auraisfaitn’importequoipourlestiens,dit-elle,tandisqu’unelarmebrûlanteluicoulaitlelongdelajoue.Tuneveuxpasquejelesvoie?Trèsbien.Alorstuleurexpliqueraspourquoijen’assistepasàunefêteenl’honneurd’unenfantquej’aiaidéàmettreaumonde.Surce,Nicoletraversalesalonetclaqualaportedesachambre.Stephanabattitunpoingsurlatable.Génial.Voilàqu’ellepleuremaintenant.Cettefemmeestimpossible.Lasituationétaitcenséeêtretemporaireetagréable;riend’autrequ’unemanièredese

désintoxiquerd’elle.Iln’étaitpascensépassersousladoucheenquatrièmevitesselematin,simplementpourpouvoirpasserquelquesminutesdeplusavecelleavantdepartiraubureau.Au

beaumilieud’uneréunion,sonespritn’étaitpascenséêtreenvahid’imagesd’elle;iln’étaitpascensérêvasser,àsedemandercequ’elleétaitentraindefairechaquefoisquesespenséesallaientverselle.Etjamais,augrandjamais,iln’avaitimaginéqu’unjourilabandonneraitundossierencourssursonbureaupourêtrederetouràtempspourdîneravecelle.Ellel’obnubilait.Ill’écoutaitbouchebéecommeunamoureuxtransi,maisétait-ceseulement

suffisantpourelle?Non.Ellevoulaittout.Àquelmomentavait-ilperdulecontrôledelasituation?Ilnevoulaitpasqu’ellevoielessiens,etilavaitraisondelesprotégerd’elle.Plusilspassaientde

tempsavecelle,etplusceseraitdouloureuxàlafin.Lorsqu’elles’enirait.Auboutducompte,ellerestaituneCorisi.Stephansavaittoutça,maislesouvenirdelaréunionchezl’avocatdeNicolelehantait.Ilyavait

beletbieneudelapeurdanslavoixdeNicole.Seulement,ilnepouvaitl’admettre,carcelaimpliquaitunenouvelledonne,deplusenplusdifficileàignorer.Nicolen’étaitpascommesonfrère.Ellenepouvaitpasêtreàl’imagedeDominicetinspirerauxcadresdel’entreprisedesonpèreune

telleloyauté.Lafemmequ’ils’étaitcompluàvoirenellen’auraitpasaidésacousineàaccoucher–nifaitl’unanimitéauprèsdetoutelafamilleAndrade.L’indécisionetlesregretsétaientdesluxesqu’ilnes’autorisaitjamais.Pourautant,lesquestionsse

bousculaientsansrelâchedanssonesprit.Ets’ilavaittort?Etqu’yavait-ilchezNicolequifaisaitqueseregarderdansuneglaceluidevenaitchaquejourplusdifficile?Ellenepouvaitpasêtreaussiauthentiqueetattentionnéequ’elleleprétendait–sansquoiiln’était

qu’uncrétin.Unsombreetirrécupérablecrétin.Lemomentétaitmalchoisipourremettreenquestiontoutessesdécisions.Ils’étaitlancésurune

voieetaucundemi-tourn’étaitpermis.Désormais,lelogicieldeDominicn’étaitriend’autrequ’ungenredegruyèrenumérique.Stephann’avaitplusqu’àattendre.Ensuite,toutviendraitàpoint.Lorsquesesserveursmontreraientleursfaiblesses,Dominicseraitlaminé,emportéparuntsunamifinancier.EtStephann’auraitalorsplusqu’àrécupérerl’îledesafamille,maisaussiàtirerd’immensesbénéficeslorsquelesautoritéschinoisessetourneraientverslui.Toutcepourquoiilavaittantluttéétaitenfinàportéedemain.Iln’allaitpass’excuserauprèsdeNicole,maisiln’allaitpasl’empêchernonplusdevoirsa

famille.Pourcettefois.Pourcetteseuleetuniquefois.Ensuite,moinsilsseverraient,mieuxceseraitpourtoutlemonde.

Chapitre13

LEVENDREDIMATIN,NICOLESEDEMANDASIELLEN’AVAITPASEUTORTDEDIRE«OUI»ÀMADDY.Stephanétantoccupéàl’extérieurpourlajournée–unproblèmeàréglerdansleréseaudedistributionquelquepartdansleConnecticut–,MaddyavaitdemandéàNicoledepasseraubureaurécupérerpourelledesbilletsqu’elleavaitlaissés.—InutilededérangerStephan,avait-elledit.Jemesouviensexactementoùilssont.Lasecrétaireremplaçante,quimontaitlagardedevantlebureaudeStephan,avaitd’abordhésitéà

laisserentrerNicole.Maisunseulcoupd’œilàl’énormediamanttailleémeraudeornantl’annulairegauchedelavisiteusel’avaitfaitchangerd’avis.Nicoleavaitlesentimentdecommettreunemauvaiseaction.Lorsdesaprécédentevisite,ellen’avaitguèreprêtéattentionaubureau,quiétaitpourtantun

meublepourlemoinsimpressionnant.D’unesophisticationtechnologiqueau-delàdecequemêmesonpèreavaitjamaiseu.Duverre,dumétalgrisetunécrantactileintégré.Detouteévidence,ilcomportaitd’autresfonctionnalités,quidevaientdevenirapparentesunefoisactivées.Joli…Àcoupsûr,lesfichierssurl’ordinateurdeStephandevaientêtrecryptés,maisleclasseur

métalliquesouslebureaus’ouvraitfacilement.MaddyavaitdemandéàStephandegardersesbilletspouruneexpositionimminente.Letiroirduhautnecontenaitriend’important.Dansletiroirdumilieu,Nicoledécouvritquelquechoseetsesjambessedérobèrentsouselle.Elle

tombaassisedanslefauteuil.C’étaitunephotodeStephanetelle,prisedansleparcd’attractionsparunphotographeitinérantlejourdeleurseuletuniquerendez-vous.Nicoleavaitoubliéjusqu’àl’existencedececliché.LescheveuxdeStephanétaientpluslongs,etsatenuedécontractée.Elleetluiseregardaientensouriantcommesil’avenirleurappartenait.Ellen’avaitjamaisimaginéqu’ilpuissenourrirdessentimentspourelle,mais,àlamanièredontil

laregardaitsurlaphoto,celanefaisaitaucundoute.Indépendammentdecequiallaitsuivre,àcetinstant-là,iléprouvaitquelquechosepourelle.Souslaphoto,ilyavaituneinvitationàungaladebienfaisanceenCalifornie,organiséune

semaineplustard.Surlecarton,unmotmanuscritavaitétéajouté.Uneécrituremasculinedetouteévidence.«Onprenddesparispoursavoirsic’estcetteannéequetuvascraqueretvenirnousvoir.Kayladit

quetudevraisramenertonculiciavantquenosmômesaientdesmômesàleurtour.Mark»Unepetitephotoétaitagrafée.LesvieuxamisdeStephandelacôteOuest.Ilsavaientl’airsincères,

épanouisetprospères,pasdutouttelsqueVictorAndradelesavaitdécrits.Biensûr,cen’étaitpaslarichesseoutrancièretellequelafamilledeNicolelaconcevait,maisl’aisancedelaclassemoyennesupérieure–deuxvoitures,unbateauetdebellesvacancesenfamille.Etilavaitl’airheureuxaussi.InfinimentplusqueNicolesesouvenaitden’avoirjamaisété.Nicolefourralesphotosetl’invitationdanssonsac.Iln’yavaitpaslemoindrebilletdansles

tiroirsdeStephan.MaddyvoulaitsûrementqueNicolevoielaphoto.PourquoiStephanlagardait-ildanssontiroir?Sepouvait-ilqu’iléprouveencorequelquechosepourelle?Allait-elles’autoriseràycroire?

Nonsansréticences,StephanavaitautoriséNicoleàserendretôtlesamedimatinchezsatanteetsononclepouraiderKatrineetEliseàcuisiner.Elleétaitdoncdanslasaucejusqu’auxcoudes,latailleceinted’untablier,lorsqueMaddyfitsonentréedanslacuisineavecsonbébé.Lanourriturefuttemporairementoubliée.—Nicole!s’exclamaMaddyenrefilantJosephàsamèrepourpouvoirserrerNicoledansses

bras.LesAndradeétaientassezdouéspourfairesauterlesinhibitionsdeNicoleenmatièredesphère

personnelle.NicolerenditsonétreinteàMaddy.Lesquatrefemmespassèrentquelquesinstantsàroucoulerau-dessusdutout-petit.—Êtes-vouspasséeaubureaudeStephan?demandaMaddy.Instantanément,KatrineetElisesetournèrentversNicole.Àcroirequ’ellesétaientdanslaconfidenceetqu’ellessavaienttout.Nicolehochalentementlatête,

nesachanttropquoidire.—Avez-voustrouvélaphoto?demandaKatrine.Nicoledevintrougecommeunepivoine.—Vousêtesaucourantpourlaphoto?Voussavez…—Nicole,nousconnaissonstoutel’histoire,réponditEliseenriant.Mafilleestincapablede

garderunsecret.Pasmêmelessiens.Vousl’avezavecvous?Nicolepritlaphotodanssonsacpourlamontreràtoutes.Katrinesecouatristementlatête.—Jecroisquec’estladernièrefoisquej’aivucetteexpressionsurlevisagedeStephan.Ilétaitsi

joyeuxautrefois.Biensûr,ilsourittoujours,maisplusjamaisaveclecœur.Pluscommeça.Elisepritlaphotopourl’examinerattentivement.—Maddy,jetedisgénéralementquetuastortdetemêlerdecequineteregardepas,mais

regardez-moileurspetitsvisages.Jecomprendspourquoiilfallaitquetufassesquelquechose.—C’étaitcequejecroyais,réponditMaddyenhaussantlesépaules.Maisjen’ensuisplussisûre.

Aujourd’hui,ilsonttouslesdeuxl’airplusmisérablel’unquel’autre.—Euh…voussavezquejesuisencorelà,ditNicole.Maddyeutunpetitsourirehonteux.—C’estvrai,vousêtesencorelà.Maisj’auraispourtantjuréquevousenseriezdéjààdeuxdoigts

d’unedemandeenmariage.Nicoleglissasesmainsdansledospourdénouersontablier,qu’elleretiraensuiteenlefaisant

passerpar-dessussatête.—Mêmesicequenouséprouvionsl’unpourl’autrecejour-làétaitunsentimentsincère,

commentaurait-ilpusurvivreàcequis’estpasséensuite?—Vousaimeztoujoursmonfils.Toutvas’arranger,affirmaKatrined’untonrassurant.—Non,réponditNicoled’unevoixrenduesourdeparleslarmes.J’aimaisl’hommequipensait

pouvoirsauverlemondeavecsesdocumentaires.J’aimaissabontéetsonhonnêteté.Etj’aimaislafemmequejedevenaisquandilmeregardait.Ilnemeregardeplusjamaiscommeça.Ilneveutmêmeplusquejevousrevoieaprèslajournéed’aujourd’hui.Elises’approcha,sonpetit-filsnichécontreelleet,d’untonsec,lançaquelquesmotsrapidesen

italien.—Jem’inquiètepourStephan,ditKatrine.C’étaitunidéalisteautrefois.Ilenvisageaitl’aveniravec

optimisme.IlachangélejouroùVictoracédél’entrepriseàvotrefrère.StephanvousenavouluàDominicetàvous.Ils’estdétournédetoutcequiluitenaitàcœurpourdevenirceluidontilpensait

quenousavionsbesoin.Lorsqu’ilétaitjeune,jeparvenaisàl’ameneràs’ouvriretàseconfieràmoi.Aujourd’hui,ilestfermé.Pourtoutlemonde.Jevoudraislesecouer,luidirequ’iln’apasbesoind’êtrecethomme,cetétranger.Ilestdansunemauvaisepasseencemoment,Nicole.Ilalesentimentd’avoirperduencoreunefoisfaceàvotrefrère.Appelonsçadel’intuitionmaternelle.Toujoursest-ilqu’ils’estpasséquelquechoseenChinedontilneveutpasparler.Ilfautquevousreveniezdanssavie.Vousêtespeut-êtrelaseuleàpouvoirl’atteindreavantqu’iln’ailletroploin.Nicoleessuyaleslarmesquiruisselaientlelongdesesjoues.—Jenecroispasenêtrecapable.Jenesaismêmepassil’hommequej’aimaisvitencoreenlui.—Maissi,intervintMaddy.Toutvabiensepasser…Oh,Maddy!Avons-nousgrandisurlamêmeplanète?—Toutçaestbienjoli,répliquaNicole,maislaréalitén’estpascommeça.Lesdénouements

heureuxsontbonspourlescontesdefées–desmensongesqu’onraconteauxenfants.Debiencruelsmensonges.Àlafindel’histoire,onseretrouveplussouventseuledanssonlit,déjàbienheureused’avoirsurvécuàlajournée.J’ensuistoutjusteàcommenceràcomprendrecequ’ilmefautpourêtreheureuse.Commentest-cequejepourraisaiderStephan?Katrinelapritdanssesbrasetlaserracontreelle.Danslachaleurprotectricedesonétreinte,

Nicoles’abandonnaauxlarmes,laissantcoulertoutescesémotionsqu’elleavaitcontenuesdetoutessesforces.Ellepleurasurlepèrequinel’avaitjamaisaimée,lamèrequ’elleavaitperduesilongtempsauparavant,etlefrèrequ’elleadorait–autantqu’elleledétestait.Ellepleurasurunhommequis’étaitperduencoursderoutealorsqu’ilvoulaitseulementsauverlemonde.Etelles’accrochaàlafemmequiluimurmuraitquetoutallaitbiensepasser.Lorsqu’ellesecalmaenfin,Eliseluitenditunmouchoir,etNicolesemoucha.Maddysemblavouloirdirequelquechose,maisd’ungeste,Katrinelafittaire.—Vousavezdéjàtraversébiendesépreuves,Nicole,ditKatrine.Etj’aiprobablementtortdevous

demanderderisquerdesouffrirplusencore,maisjevoisbienlafaçondontmonfilsvousregarde.Vousavezraisoncependant:l’amouravechappyendàlaclén’estqu’unmythe.L’amourestbienplusqueça.C’estaccepterladécisiondechérirquelqu’unmêmequandonnerêvequedel’étrangler,etdeluipardonnerdenepasêtreparfait.L’amour,c’estdutravail,avecdesrisquesetdessouffrancesbienréellesparfois.Maissivousvousinterdisezdecroiredanslapersonnequevousaimez,alorsvouspassezàcôtédecequ’ilyadebonenelle.Voustournezledosàceluiquipourraitêtreunvéritablepartenaireàvoscôtésdansl’existence.Sivousdonnezsachanceàmonfils,jenevousgarantispasqu’ilsemontreraàlahauteur,maisjesaisquevousêtesimportantepourlui.JesaisquevousêtesunefemmecapabledenousramenernotreStephan.—Quellequesoitvotredécision,nouscomprendronstoutàfait,ajoutaElise.Souslecoupd’uneimpulsion,Nicoletiral’invitationdesonsac.—J’aitrouvéçaaveclaphoto.C’estuneinvitationàungaladebienfaisanceenCalifornie.Je

pensequeStephanaimeraityaller.Lecartonpassademainenmain.—Vousavezraison,ditMaddy.Cen’estpasparhasardqu’illagardait.Katrineconfirmaàsontouretprolongeal’idée.—Ildevraityaller.Etvousaveclui.Revoirsesamisl’aiderapeut-êtreàsesouvenirdecequiétait

importantpourlui.Siseulementleschosesétaientsisimples…—JenecroispasqueStephanacceptesijeluidemande.—Alorsneluidemandezpas,répliquaElise.

—Pardon?ditNicole.LesfemmesduclanAndradeéchangèrentunregard.—Maddy,tuveuxbienallerremuerlasaucependantqueKatrineetmoidonnonsàNicoleune

petiteleçonsurleshommes?Nicolelaregardas’éloigner,nonsansunecertaineappréhension.Maddyéclataderiredel’autrecôtédelapièce.—Vousdevriezavoirpeur,Nicole.J’aieudroitàlamêmeconversationquandjemesuismariée.

Etjenem’ensuistoujourspasremise.D’ungeste,Katrineleurproposadeprendreplaceaucomptoirdel’îlotcentraldelacuisine.—Surveilledonclescasseroles,Maddy.Nicole,certaineschosesquenousallonsvousdirevous

paraîtrontsansdoutecomplètementfolles,maiscesontdestechniquesauxquelleslesfemmesontrecoursdepuislanuitdestemps.Lorsquelesujetestimportantetquevoussavezquevotrehommevaêtredifficileàconvaincre,vouspouveztoujourstirerpartidesesfaiblessesbiologiques.Stupéfaite,Nicolesecoualatête.—Jenecomprendspasuntraîtremotdecequevousracontez.Eliseapprochasachaise.—Lapremièreétapeestappelée«lasecousse».Ils’agitdecaptersonattentionetdelagarder.Alessandropassalatêteàlaportedelacuisine.—Toutsepassebien?demanda-t-il.Eliseluifitsignedes’éloigner.—Nouscuisinons,Alessandro.Vaparleravecleshommes.—Mais…,commença-t-ilenjetantunregardcirculaire.—Dehors,ordonnaElise.Bon,oùenétions-nous?enchaîna-t-elleunefoissonépouxreparti,bon

grémalgré.—Toujoursàl’étapeun,réponditKatrine.—Jenesuispassûred’êtretrèsàl’aise,avouaNicole.Katrinehochalatêted’unaircompréhensif.—Nicole,lesAndradesontdeshommesloyauxetaimants,maisilspeuventaussisemontrer

entêtésetautoritaires.Vousdevezabsolumentapprendreàmanœuvrerpourcontournerleurego,expliqua-t-elle.—Etc’estpourleurbien,renchéritElise.Toutlemondeestcontent,etilsn’yvoientquedufeu.—JepréféreraisquandmêmeêtrehonnêteavecStephan,ditNicole.Jeluidiraiàquelpointc’est

importantpournousdeuxd’yaller.EliseetKatrinesecouèrentlatêteàl’unisson.Maddygloussasanscesserdetouillerlecontenude

lacasserole.—Vouspouveztoujoursessayer,intervintElise,franchementsceptique.Sivouspensezqueçapeut

marcher…Nicoledéroulamentalementlescénario,etconvintqueleschancesétaientminces.Jusque-là,

discuteravecStephannel’avaitpasmenéebienloin.EtsiuneviréeenCalifornieétaitlaréponseàtoutesmesquestions?Est-cequeçanevautpasun

petitsubterfuge?—D’accord,jevoussuis.Quelleestlapremièreétape?—Jevousauraiprévenue,intervintMaddydepuisl’autrecôtédelacuisine.D’ungestedelamain,Eliseluiintimadesetaire.—Lapsychologiemasculine…

—Lalala,jen’entendsrien,ditMaddy.—Elise,ditKatrine,jepensequevouspouvezsautercettepartie.JesuisconvaincuequeNicole

connaîtdéjàtoutdel’histoiredesrosesetdeschoux.—D’accord,droitdanslevifdusujet,poursuivitEliseavecunpetithaussementd’épaules.

Demain,lorsqueStephanrentreradutravail,voicicequevousallezfaire…Surlecheminduretouraprèslasoirée,Stephanétaitpensif.Danslalimousine,ilavaitprisplaceà

côtédeNicole,sansdireunmotpendantlapremièremoitiédutrajet.—Mafamillet’appréciebeaucoup.Ettuesvraimentobligédeprendrecetairmisérablepourdireça?—Etmoi,j’adoretafamille.Sanscesserdeparler,Stephandétournalatêtepourregarderparlafenêtre.—Àl’avenir,noustrouveronsuneexcusepourjustifierquetunepuissespasaccepterles

invitations.Jen’aipaschangéd’avis,Nicole.Jepréfèrequetuévitesdepasserdutempsaveceux.Ilestinutiledelesmêleràcettehistoire.—Jecomprends,acquiesçaNicole.Ilspourraientdifficilementêtreplusimpliqués,songeaNicoleensemordantl’intérieurdesjoues

pours’empêcherdesourire.—Bien,noussommesd’accord.Stephanparaissaitsoulagéetsurpristoutàlafois.—Oui,répondit-elle.Noussommesd’accordsitupensestoiaussiquecetteconversationjustifiechacundesinstantsque

tuvivrasdemainenrentrantdubureau.

Chapitre14

NICOLESESENTAITUNPEURIDICULED’ALLERETVENIRDANSLEPENTHOUSEVÊTUEENTOUTETPOURtoutd’unmini-bikinirouge,enattendantqueStephanrentredesajournée.Lorsqu’elleentenditenfinledéclicdelaported’entrée,ellefonçajusqu’àlachaiselonguequ’elleavaitinstalléedanslepatioetfitsemblantdeprendreunbaindesoleil.Stephansortitsurlaterrasse.Toutd’abord,Nicolefitminedenel’avoirpasentenduarriver,avantd’enchaînernégligemment

suruntonlanguissant.—Ah,Stephan.Tuesrentré.L’expressionsurlevisagedujeunehommeétaitpresquecomique.Çanepeutquandmêmepasêtreaussifacile.Étapeun–lafameuse«secousse».Eliseluiavaitassuréquecettephaseétaitunevraiesinécure,

parcequelesbikinissèmentlaconfusiondansl’espritdeshommes.Jusqu’àcetinstant,Nicolenel’avaitpasvraimentcrue.Modestementpourvueparlanature,ellen’avaitjamaisconsidérésasilhouettecommeparticulièrementattrayante.Pourtant,lorsqu’ellesemitdebout,avecunelenteurcalculée,lamâchoiredeStephanparutsedécrocher,tandisquelesyeuxluisortaientdelatête.Enfait,çapourraitdeveniramusant.—Comments’estpasséetajournée?demanda-t-ellesuruntonaussianodinquepossible.Ilneréponditrien–cequidonnaàNicolesuffisammentdeconfianceenellepourcontinuer.Elle

secambraenarrière,commepours’étirerausortird’unelonguesieste,appréciantl’effetquechacundesesmouvementsproduisaitsursonhôte.Voilàdoncpourquoilesfemmesdépensentdesfortunesensoutiens-gorgepigeonnantsetautres

tenuesaffriolantes.Lefaitdesavoirquelespectaclequ’elledonnaitsemaitlaconfusiondansl’espritdeStephanse

révélaitpourelleunpuissantstimulant.D’uncoup,ellecomprenaitenfinleshommesqu’elleavaitconnusparlepassé.Passiveetpeusûre

d’elle,elleleuravaitsugrédel’affectionqu’ilsvoulaientbienluidonner,etavaitétédévastéelorsqu’ilsl’avaientquittée.Pasétonnantqu’ilsnel’aientpasaimée,puisqu’elle-mêmenes’aimaitpas.C’étaitcettemêmepassivitéquiluiavaitvaludeperdreStephan;ellelecomprenaitdésormais.

Oui,elleétaitalléevoirDominicpourluidemanderd’arrêtersesmanœuvres,maiselleavaitacceptésonrefussansmêmeserebeller.Elleavaitacceptél’indifférencedesonfrèrepoursespropressentiments,exactementcommeellel’avaittoujoursfaitavecsonpère,convaincuequ’ellenepouvaitabsolumentpasl’emportercontrel’unoul’autredesmâlesCorisi.Maiselleavaitfinipargagner.Ensignantl’accordquitransmettaitl’entrepriseàStephan,elleavaitfinalementdamélepionàson

pèreetàsonfrère.Ellen’étaitpluscettepetitefleurperdueaumilieud’unroncier.Ellen’avaitplusbesoind’êtresecourue.Elleétaitlibre.Elleétaitforte.Etl’heureétaitvenuedesebattrepourconquérirStephan.Pourça,ilfallaitleconvaincredevenirenCalifornie,mêmesic’étaitledernierendroitaumonde

oùilvoulaitaller.Lastratégieétaitassezsimple,maislaconcentrationbiendifficilequandlesyeuxdeStephanbrillaientdedésirpourelle.Ellesedélectaitdelachaleurquisediffusaitdanstoutsoncorpssouslefeudecesyeux.—Stephan?—Hein?—Tum’écoutes?Sesjouesétaientuntantinetempourpréeslorsqu’ilsecoualatêtecommepourenchasserquelques

idéesparasites.Elles’approchadelui,appréciantlamanièredontsesyeuxs’écarquillaientdeplaisirenlavoyant

venir.Stephanparaissaitneplusrespirer.Lescrépitementsdansl’espacequilesséparaitétaienttoutsimplement…délectables.Iltenditunemainverslatailledelajeunefille,maisinterrompitsongestejusteavant.—Tuchangeslesrègles,Nicole?Ellereculad’unpas.—Non,jevoulaisjusteteposerunequestion.Maisjepeuxpasserunvêtementsitupréfères.—Non,répondit-ilmachinalement.Euh…oui,sereprit-ilensuite,lagorgenouée.Ceseraitpeut-

êtremieux.Nicoleseretourna,puissepenchapourramassersaserviettesurlesol.Pendantqu’ellelaposait

tranquillementsurchacunedesesépaules,ellefaillitéclaterd’unrirenerveux.C’estcommeunstrip-teaseàl’envers.Elleévoluaitsiloindesonterrainfamilierqu’ellen’auraitpasétésurprised’entendreStephan

éclaterderire.Enfin,elleseretournaverslui,pourconstaterqu’ilnefaisaitaucuneffortpourdissimulerl’effet

desesmanigancessurlui.Dubrasierdanssonregardàlabossedanssonpantalon,toutindiquaitqu’elleavaitréveilléletigreenlui.D’autreshommesavaientdéjàeuenviedeluifairel’amour,maisaucunnes’étaitconsumépour

elle.Etaucunn’avaitalluméenelleundésirréciproquesifortqu’elleenperdaittoutecapacitéàseconcentrersurautrechose.LaNicoleplusjeunedequelquesannéesavaitrêvédesentirleslèvresdeStephansurlessiennes.Lafemmequ’elleétaitdevenueéprouvaitlamêmefaimetbiend’autresencore.Concentre-toi.OnparledelaCalifornie.Pasdes’arrachernosvêtements.Pasencore.Ellefutsurlepointdeperdrepiedetdecrier«pouce»,maiselleparvintàserappeleràtempsde

toutcequiétaitenjeu.Derrièrecesairsbravachesetcessarcasmes,ilyavaitunhommequiavaitgardéunephotod’ellependanttoutescesannées.Poursauversafamille,ilavaitrenoncéàsesrêves–etàelleaussi.Pasétonnantqu’iln’aitpasconfianceenelle.Pourl’heure,ilneluiproposaitriend’autrequ’unrapprochementsexuel,mais,sielleparvenaitàluiremettreenmémoireceluiqu’ilavaitétéunjour,peut-êtreparviendraient-ilsàbouclerensemblecepériple.Nicoleprituneprofondeinspirationetrevintverslui;elleattaquaitlaphasedeux:lademande.

Escompterunrefus.—Maddyatrouvéuneinvitationdanstontiroirpourungaladebienfaisanceleweek-end

prochain,àSealBeach,enCalifornie.Ondevraitpeut-êtreyaller.—Non,répondit-ilsanslamoindrehésitation,etsuruntonquiexcluaittoutepossibilitéde

négociation.—Çaal’airdevaloirlecoup.Unecoursedebateauxdestinéeàleverdesfondsquiservirontau

nettoyagedesplages.—Non.EttupourrasdireàMaddyqu’ellenetravaillerapaslongtempspourmoisiellepersisteà

fouillerdansmesaffaires.Etpuisnon,oublieça.Jeluidiraimoi-même.Échecpourl’approchedirecte.Ellepouvaits’arrêterlàetaccepterl’idéedesonrefus.Ellepouvaitmêmemaintenirleurrelation

dansuncadrestrictementplatoniquejusqu’autermedel’accord,ets’épargnerainsilesaffresd’unepeinedecœurravivée.Enfait,encetinstantprécis,illuifallaitdiresiellecroyaitounonenStephan.PasenunStephanparfait;pasenunStephansortitoutdroitdesesfantasmes.Non,décidersimplementsiellecroyaitquesouslacolèreilyavaittoujoursunhommebonauxcôtésduquelellepourraitsevoirpasserlerestedesesjours.Oui.Alorslesortenétaitjeté.L’amourestunrisquequejesuisprêteàcourir.Californie,nousvoilà.Étapetrois:lacontre-propositioninopportune.Bienlamettreenvaleur.D’unpaslégeretnonchalant,Nicoletraversatoutlepenthousepourallerchercherunverred’eauà

lacuisine.Stephanlasuivit.Surlapointedespieds,lebrasdélibérémenttenduversl’étagèrelaplushaute,Nicoleobtintungémissementmasculindélicieusementtourmenté.Parfait.Laclédusuccèsconsistaitànepasluilaissertropletempsderéfléchiràlasituation.Pivotantlégèrementsurelle-même,Nicolevints’appuyercontreleplandetravail;d’unemainun

peutremblante,elleremplitsonverre.—Trèsbien.Alorsilfaudraprobablementquetuappellestamère.Ellem’ademandédepasserles

voir,Eliseetelle,pourcommencerlespréparatifsdumariage,maisj’airéponduquenousallionsenCalifornie.D’ungesteagacé,Stephansepassaunemaindanslescheveux.—Maisonnesemariemêmepas.Qu’est-cequevousvoulezpréparer?Unmensongemenaitàunautre.—Ça,ellenelesaitpas.Maiselleesttoutexcitéeàcetteperspective.Sagrimacerenfrognéefuttrèsexactementcellequiavaitétéprévue.Mince!Ellessontsacrémentfortes,cesfemmesdelafamilleAndrade.Detouteévidence,ellesauraientpuavoirécritelles-mêmesl’échangequ’ilsvenaientd’avoir.Étapequatre:sadécision.Bienveilleràconserverunvisageimpassiblependantqu’ill’élabore.Croisantlesmainsdevantelle,Nicoleaffichauneminesincèrementinquiète.—Ilfaudraitquejelarappellepourluidirequenousrestonsfinalement.Tunecroispas?Stephantraversalapiècepourvenirtoutcontreelle,l’obligeantàsepencherenarrière,lesfesses

appuyéescontrelerebordducomptoir.Ilposaunemaindepartetd’autredelajeunefemme;elleétaitprisonnièreentresesbras,quilafrôlaientsanslatoucher.Cen’étaitpaslaréponseprévue.Ildevaitdire«oui».Demauvaisegrâce,mais«oui»quand

même.Iln’yavaitpasdecinquièmeétape.Aucuneparadeàcedérapageimprévu.—J’ail’impressionquetujouesavecmoi,susurra-t-ilàsonoreille.Nicolefitl’erreurdeleverlatêtepourregarderdanssesyeuxbleus.Ellesentitpassersurellela

flammebrûlantedudésirquiyflambait.Nerveusement,ellesepassalalanguesurleslèvres.StephanposadoucementsonpoucesurlalèvrehumidedeNicole.Elleeneutlesoufflecoupé.

—Pourquoiveux-tuallerenCalifornie,Nicole?Qu’est-cequit’intéresselà-bas?—Jenesaispasdequoituparles.Del’extrémitédesonpouce,Stephansuivitdoucementl’ovaleduvisagedeNicole,jusqu’aupetit

creuxderrièrel’oreille,àlapeausisensible,pourseperdreensuitedansl’épaissecheveluredelajeunefemme.—Maissi,tusais…Tunemenspastrèsbien,dit-ilenplaçantsamainsurl’arrièredelanuquede

Nicole.Tunecommenceraispasàregretterlesrèglesquetuasfixées?Desrègles?Soussacaresse,Nicoleavaitdéjàbiendumalàsesouvenirdesonnom.Commettrait-elleuneerreurenacceptantdeselaisseralleràcequ’ilsdésiraientsiforttousles

deux?Siceladoitm’empêcherdeparveniràquelquechosedeplussubstantiel,alorsoui,ceseraitune

erreur.Jenepeuxpasabandonnermaintenant.Étapecinq:lavérité?—Oui,j’aienviedetoi,Stephan,mais…Lesmâchoiresdujeunehommesecrispèrent.—Maispasici.Pascommeça.D’ungestedelamain,elleindiquaqu’ellevoulaitunautrecadrequeceluidecetappartement.StephanscrutalonguementlevisagedeNicole.—EnCalifornieouici,noussommestoujourslesmêmes.NicoleglissaunemainsurcelledeStephanposéesurleplandetravail.—Ceserapeut-êtrenotreseuleoccasion.Dansquelquessemaines,noscheminsseserontpeut-être

définitivementséparés.Toutcequejedemande,c’estunweek-end.Jeneveuxplusavoiràpenseràtafamille,ouàlamienne.Jeveuxunweek-endavectoi,etriend’autre.—PourquoilaCalifornie?Onpourraitallern’importeoù…Disoui,s’ilteplaît.C’estpeut-êtrenotredernièrechance.Nicoles’efforçadeconserveruntonparfaitementanodin.—Unecoursedebateaux,çaal’airgénial.J’aienviedequelquechosedespontanéetdefou,pas

toi?Àquandremonteladernièrefoisquetuasfaitquelquechosesimplementpourt’amuser?—Unweek-end.Niattaches?Nipromesses?demanda-t-il,sceptique.—Oui,répondit-elled’unevoixrauque.—Tuaccepterais?Souslecoupdel’émotion,lesyeuxbleusdeStephanprirentuneteintecield’orage.J’espèrequejen’enarriveraipaslà.J’espèrequetafamillearaison.D’unhochementdetête,Nicoledonnasonaccord.Stephanreculapours’écarterd’elle.—Ondécollevendredisoir.Iladit«oui».Jen’arrivepasàycroire.Iladit«oui»àuneescapadepourallervoirdevieuxamis.Etmoi,j’aiacceptédecoucheraveclui.Jen’enrevienspas.Lelundisuivant,lasituationseraitbienmeilleure–ouinfinimentpire.

Chapitre15

LORSQUESTEPHANETNICOLESORTIRENTDUJETPRIVÉDANSLACHALEURCALIFORNIENNE,UNHOMMEgrandetmince,vêtud’unjeanetd’unecourtetuniquebleuclair,descenditdesavoiturehybridepourveniràleurrencontresurletarmacd’unpetitaéroportprivé.IlsaluaStephand’uneaccoladeassortiedequelquestapesamicalesdansledos.—Stephan,jesuistellementcontentdetevoir!Lejeunemilliardaireluirenditsonembrassade,sanstoutefoisparaîtrepleinementàl’aise.—J’avaislouéunevoiturepourleweek-end,dit-ilenregardantàlaronde.—Parcequetupensaisquejen’allaispasvenirtechercher?demandasonamiavecunsourire.

Quandc’estlafamillequivient,onn’envoiepasunevoiture.Mêmepourceuxquinerépondentjamaisauxmessages…Lapetitepiqueétaitdépourvuedeméchanceté.—C’estquej’aiététrèsoccupé,sejustifiaStephan,singulièrementcontrit.L’hommesetournaversNicoleetluisourit.—MarkAllen,seprésenta-t-ilenluitendantlamain.EtvousdevezêtrelafameuseNicole.J’ai

beaucoupentenduparlerdevous.Beaucoup.Nicoleluiserrachaleureusementlamain.CeMarkluiétaitimmédiatementsympathique.—Vraiment?Stephanrécupéraleursdeuxsacsdevoyageapportésparlepilote.—Necommencepasàjoueraumalin,Mark.Markouvritlecoffredesonbreak.—Ilesttoujourssurladéfensivequandonparledevous,dit-ilengratifiantNicoled’unpetitclin

d’œil.Maispourquejenediserien,ilfaudraitqu’ilcessedemontersursesgrandschevauxàtoutboutdechamp.Sinon,c’estplusfortquemoi.Stephanfourralesbagagesdanslamalleavantdelarefermer.—Etc’estpourçaqu’uncertainjoueurdefootballaméricaint’amisK-Oenpremièreannée.Tu

nesaisjamaisquandt’arrêter.LeregarddeNicolepassaitdel’unàl’autre;ellenepercevaitaucuneressemblancephysiqueentre

eux.—Vousavezunliendeparentétouslesdeux?ToutenouvrantlaportièrepassagerpourNicole,Marksecoualatête.—Non,maisc’esttoutcomme.Mêmesiçafaitbienlongtempsqu’onnel’apasvu.Trop

longtemps,ajouta-t-ilencoreensetournantversStephan,unsourcilhaussé.Ignorantlaremarque,Stephantassasagrandecarcassesurlabanquettearrière.Nicolepritplace,maistressaillitdèsqu’ellefutassise.Elleglissaunemainsoussesfesseseten

rapportaunpetitvaisseauspatialenLego.—Oh,désolé,ditMarkens’installantauvolant.Mettezçalà,poursuivit-ilenouvrantle

compartimentàl’intérieurdel’accoudoircentral.C’estàcroirequelesjouetssereproduisenttoutseuls.Plusonensortdelavoitureetplusonentrouve.Markrestauninstantàlaregarder.Nicoles’étaithabilléedansunstyledécontracté,suivantencelal’exempledeStephan.C’était

incroyablementlibérateurdenepasavoiràsesoucierd’êtrepimpanteetparfaiteàtoutinstant.

—Çavouschangedevoshabitudes?—Oui,réponditNicoleenmettantsaceinture.Maisdanslebonsens.MarkmitlecontactetStephanintervint.—Nousavonsuneréservationau…—Non,lecoupaMark.Maddyl’aannuléeaprèsmoncoupdefil.Çafaitdesannéesquenousne

t’avonspasvu.Lesenfantssontsurexcitésàl’idéederencontrerl’hommemystérieuxquileurenvoiedescadeaux,etKaylaapréparélachambred’amispourvous.Stephansepenchaentrelesdeuxsièges.—C’esttrèsgentil,dit-ild’untonferme.MaisNicoleseracertainementplusàsonaiseàl’hôtel.Vas-y,mets-moiçasurledos.Nicolecroisasesjambes,dontlejeanlaissaitdevinerlegalbe,etgratifiaStephandesonplus

avenantsourire.—Jen’airiencontrelefaitdepasserlanuitcheztesamis.Stephanémitungémissementenselaissanttomberenarrièresurlabanquette.Markéclataderire.—Vousaurezlerestedevotreviepourvouscouriraprèsdansdeschambresd’hôtel.Vousn’êtes

iciquepourdeuxjours,alorsvousvenezàlamaison.Ledébatétaitclos.NicoleeutenviedeseretournerpourvoirlaminedeStephan,maisellen’enfitrien.Enfait,elle

étaittropoccupéeàessayerdedéterminercequeluiinspiraitcechamboulementdeleursprojets.D’uncôté,l’invitationdesamisdeStephanétaitplusqu’ellenepouvaitespérer.Mais,del’autre,ellepartageaitlemanqued’enthousiasmemanifestéparStephan.Lespromessesd’uneescapadetorrides’évanouissaientaussivitequel’aéroportauloinderrièreeux.Markjetaunregardàsonamidanslerétroviseur.—Ah,lefeudévorantd’unnouvelamour.Tusurvivras,Stephan…—Çasepaierademain,répliquaStephan.Lorsquej’iraifracassertonnouveaubateausurdes

rochers.Nullementimpressionné,MarkintégraNicoledanslaplaisanterie.—Ilditçacommes’ilétaitcapabledel’éviter.Heureusementqu’ilalesmoyensdeleremplacer.

CombiendechosestuasempruntéesetcasséesquandtuvenaischeznousàPaloAlto?—Tun’achetaisquedestrucsvieux,réponditStephan,suruntonamusé.—Ouais.Kaylaétaitdanssapériode«sauvonslemondeparlerecyclage».Çaaprisunpeude

tempspourlaconvaincrequetouslesobjetsneufsn’étaientpasnuisiblespourl’environnement,ditMark.Mais,aumoins,monbateauestneuf,conclut-ilavecunpetithaussementd’épaules.—J’aivuquelquesphotossurInternet,ditStephan.C’estunquinzemètres,non?Ilal’airbien.—Ilestpasmal.J’aipromisàKaylad’organiserunecoursedebienfaisanceaussilongtempsque

jelegarderai.Monbateaun’estpastrèsrapide,maisjeperdsmescoursesavecclasseetdistinction.Stephanritdoucement.—Tunem’asjamaissollicitépourundon,Mark.Tusaisquetupeux…—Noustesommestrèsreconnaissantsd’avoirtoujourssoutenunoscauses,Stephan,maison

préfèretevoir.J’étaiscertainquecetteannéeencoretuallaisignorernotreinvitation.—Je…,commençaStephan.—Tun’aspasàtejustifier,lecoupaMark.Onestheureuxdet’avoirparminous.Etmoiaussi,songeaNicoleenécoutantlesdeuxhommes.Détenduetrieur,Stephanparaissaitrajeunir.

Oui,çapourraitbienmarcher.Jepourraism’yfaire.Installéedansunrocking-chairsurlaterrassedeboisàl’arrièredelamaisonfamilialedesAllen,

Nicolepromenaitunregardappréciateursurlecadre.Danssonstyle«ranch»–quatrechambres,deuxsallesdebains,piscineextérieureetunhectaredeterrain–,ellereprésentaitungenred’utopiedelaclassemoyenne.Àleurarrivée,commeàlaparade,unlabradorcouleursableavaitsurgiaucoindelabâtissepourvenirlesaccueillir,uneballedetennisdanslagueule.Unesecondeplustard,deuxenfants–ungarçonetunefille–étaientarrivésàleurtour.C’étaientKyleetKara,desjumeauxdehuitans.Leparadis.Kayla,lafemmedeMark,lesrejoignitsurlapelouseàl’avantdelamaison.Ellecomplétaitle

tableaudelafamilleparfaite.Toutcommesonmari,elleétaitvêtuesimplement,enjean,tee-shirtetsandales.Sanslemoindreeffort,elledégageaituneintensesensationdeconfiance,d’aisanceetderéussite.LesAllenétaientuncoupleenvue,enCalifornieetjusquedansl’ÉtatdeWashington,maiscelanetransparaissaitguèredansleurmodedeviesommetoutemodeste.KaylaserraStephandanssesbras,commeunfrèredepuistroplongtempsparti,avantdesetournerversNicolepourl’accueillirchaleureusement.Ensuite,aprèsavoirprésentélesenfants,Kaylafitentrertoutlemondedanslamaison.Nicolesortitalorssurlaterrasse,pendantqueStephanetMarkparlaientbateaux.—Demande-lui,ditunepetitevoix.—Non,toitudemandes,intervintuneautre.KylepoussaitsasœurendirectiondeNicole–quidissimulasonsourire.Lesdeuxbambinsétaient

adorables,avecleurscheveuxbruns,leursyeuxnoirsetunairsisérieuxqu’ilsenétaientpresquecomiques.—Alors,qu’est-cequevousvoulezsavoir?Karas’avança.—C’estvraiquevousêtesüberriches,oncleStephanettoi?Cen’étaitpasunequestionàlaquelleNicoleavaituneréponsetouteprête.—Etpourquoi?—C’estpoursonstupidesiteWeb,réponditKyle.Elleinterviewetouteslespersonnesqu’elle

rencontre.Nelalaissesurtoutpasprendredephotosdetoi.Après,ellelespublieavecdescommentairesquineteplairontsûrementpas.Tupeuxmecroire.Karacroisalesbrasenjetantunregardfuribondàsonfrère.—Ilestjalouxparcequelesgenslisentmonblog.—Tuasunblog?demandaNicole,plussurprisequ’ellen’auraitvoululeparaître.Maisquanddonclesenfantsétaient-ilsdevenusaussisavants?—Biensûr.«Changezlesespritspourchangerlemonde»,récita-t-elleentirantunechaisepour

s’asseoiràcôtédeNicole.Donc,est-cequevousl’êtes?Riche,biensûr.Ilfautquejetrouvelebonanglepourmonpost.Toutbienconsidéré,laterrassen’étaitpeut-êtrepasunesibonneidée.—Tesparentssontaucourantdetoutça?demandaNicole.—Biensûr,réponditKaraenhochantlatête.Mamanvoulaitt’interviewerpoursonblogàelle,

maiselleaditàpapaquetunefaisaisrienquivaillelapeined’enparler.Etpan!—Kara,c’estmalpoli,intervintKyle.

—Cen’estpasmalpoli,répliquaKara.C’estvrai.Mamanécritsurdesgensquilèventdesfondsoumènentdesactionsenfaveurdel’environnement.Est-cequetufaisça,Nicole?—Non,admitNicoleàcontrecœur.—Etvoilà,ditKara.Donc,jepeuxt’interviewer?—Reparlons-endemain,esquivaNicole.—Voilàquiveutdirenon,raillaKyle.—Vatefairevoir,Kyle,ditKara.Kyleouvritlaportemoustiquairemenantàl’intérieur.—N’oubliepascequej’aiditausujetdesphotos,Nicole.—J’yveillerai,réponditNicoleenriant.Karasetortillasursachaise.—Mamanditquejedoisl’aimerparcec’estmonfrère.Est-cequetuasunfrère,Nicole?—Oui,réponditNicole,subitementsérieuse.—Non,attends…Tun’espas…TonfrèreneseraitpasDominicCorisiparhasard?s’exclama

Karaenbondissantlittéralement.—Si,maugréaNicole.Karaallachercherunetablettequ’elleavaitlaisséeprèsdelaporte,latiradesonétui,puis

l’alluma.—TufaispartiedesCorisi?Çavaêtregénial!Jen’arrivepasàycroire.Tonfrèreestmon

nouveauhéros!Ilfaitlacouverturedetouslesmagazines.Tusaisqu’ilestsurlepointdemettreenplaceunebourserévolutionnaireenChine?Cen’estpasquedubla-bla,illefaitvraiment.Ilagitdemanièreconcrète.Qu’est-cequetupeuxmediresurlui?—Jenefaisaucunedéclarationausujetdemonfrère,ditNicoled’unevoixrenduerauquepar

l’émotion.Dominicl’appelaittoujoursunefoisparjour,quandbienmêmeellepersistaitànepasprendreses

appels.Parlebiaisdesonavocat,ellel’avaitfaitprévenirdurachatparStephan;ilnepouvaitignorerqu’iln’avaitplusbesoindesemêlerdesaffairesdelaCorisiLtd.Alorspourquoinelalaissait-ilpastranquille?—Sérieusement?demandaKara,lesbrassubitementballants.—Sérieusement,réponditNicole.Kararemitsatablettedanssahousse.—Tantmieuxsimamanneveutpasdetoipoursonblog.Nicolehaussaunsourcil.Aveclabrutalehonnêtetédel’enfance,Karaserrasatablettecontreelleetlivralefonddesa

pensée.—Toninterviewestnulle,dit-elleavantdedisparaîtredanslamaison.Ledînerfutunesplendeurvégétarienneàlacréationdelaquelletouslesmembresdelafamille

Allenavaientprispart.LorsquelejeuneKyletenditunepiled’assiettesàStephan,Nicoleneputs’empêcherderessentirdel’espoirenvoyantl’aisanceaveclaquelleilaccomplissaitlatâchequiluiavaitétédéléguée.Kyleetluimirentlecouvertenriantensemblecommedespetitsfous,etNicolefaillitfondreenlarmes.Ilressembleraàçaquandilserapère?Siseulementonpouvaitrestericipourtoujours…Stephandébattaitavecpassiondesméritesdesdernièresloisenvironnementalesendiscussionau

Congrès,aussibienaveclesadultesqu’aveclesenfants.KaraetKylerappelaientlespositionsantérieuresdenombreuxpoliticiens,commed’autrescitentlesanciensrecordsdessportifs.Lorsquelesenfantsl’interrogèrentausujetdesstratégiesdegestiondesdéchetsdesesentreprises,

pourdéciders’ilfallaitounonleurdécernerunlabel«vert»,Stephans’animapourdebon.Detouteévidence,ilétaitdemeuréfidèleàsesconvictions.Certes,iln’étaitplusunlobbyistemilitantetactif,maisilavaitadoptédespolitiquesenvironnementalesextrêmementstrictesdanstoutessesentreprises,quitteàfairedesbénéficesmoinsimportants.—Est-cequeçatemanquedeneplusfairedefilmsavecpapa?demandaKyle.Stephanselaissaallerdanssachaise.—Chaquejour.—Alorspourquoias-tuarrêté?—J’avaisdeschosesimportantesàfaire.—Plusimportantesqueleréchauffementclimatique?—C’estcequejepensaisàcemoment-là,réponditStephanavecunepetitenotederegretdont

Nicoleétaitcertainequ’elleluiavaitéchappé.—C’estpourçaquetuneviensjamaisnousvoir?Parcequeçaterendtristedetesouvenir?Delabouchedesenfants…—Çasuffit,Kyle,ditMark.—Laisse-leposersesquestions,lecontreditsafemme.Cen’estpasdéplacé.—Aumoins,jeposedesquestionsparcequejeveuxsavoir,ditKyle.Pasàcaused’unblogàla

con.—Maman,tuentendscequ’ildit,seplaignitKara.—Kyle,tusaiscombientasœurestsensible…,commençaKayla.—Pourrépondreàtaquestion,Kyle,intervintStephan,c’estexactementpourçaquejenevenais

pas.Maisj’avaistort.J’auraisdûvenirplustôtpourquevousdeuxnesous-estimiezpaslavaleurdesactionspénalesstratégiquespourfavoriserlamiseenapplicationdesloisenfaveurdelaprotectiondel’environnement.C’estcepoint-làquiauraitdûêtreaucœurdevotredébat.—Bonsang!s’exclamaMark.Commejesuiscontentdetevoirici.Tusais,onadestasdeprojets

quis’annoncent,situveuxenêtre.—Jen’aipasletempsderestersurplaceàcollecterdesdonnées,réponditStephanensecouantla

tête.Ilyapleindechosesquisepassentencemoment.Toutenramassantlesassiettessales,Kaylaapportadel’eauaumoulin.—Onnefaitpratiquementplusaucuntravaildepréparation.Onproduitlesfilmsquiservent

ensuiteautravaildelobbying.Toi,tuastoujourseuledondemettreenavantlemessage.Àdirevrai,onutiliseencorecertainsdetesanciensfilmspourmiliterenfaveurd’unchangementàl’échelondel’ÉtatdeCalifornie.Imaginel’impactquetupourraisproduireaujourd’hui.—Ellearaison,renchéritMark.Associéàtonsuccèsphénoménaldansl’informatique,ton

engagementenfaveurdelaprotectiondel’environnementferaitdetoiunporte-paroleécoutéàl’échelleplanétaire.—Jenevoispas…—Penses-y,c’esttout,lecoupaMark.Pourquoiest-cequej’aidit«oui»?sedemandaStephanenpénétrantencompagniedeNicole

danslachambred’amisqueKaylaavaitpréparéepoureux.Elleétaitjolimentdécorée,avecdesmurspeintsdecouleursneutres,rehaussésd’œuvres

manifestementdessinéesparlesenfantsetencadréesparMark.Unechambrechaleureuseetaccueillante,parfaitepourn’importequellenuit…maispascelle-ci.Deboutaupieddugrandlit,Nicoleetluirestaientplantéssansoserbougerniparler.—Çanem’avaitpassemblédevoirêtreaussiétrangequandj’aiaccepté,ditfinalementNicole.Onsentaitpoindreunecertainenervositédanssaremarque.Maisçapouvaitencoreêtrepire.—Laportenefermepas.J’aivérifiéenapportantlesbagages,ajoutaStephand’unevoixlasse.—Jecroisquej’entendslesenfantsdanslachambreàcôté,fitremarquerNicoleenfixantlemurà

unmètredulit.—Pascequ’onfaitdeplusstimulant…—Jetel’accorde!confirmaNicoleavecunpetitsourire.Tuesdéçu?Merde,etcomment!Stephanfaillitbienexprimersonsentimentàvoixhaute,maisildécelasurlevisagedeNicoleune

expressionàlafoisvulnérableetpleined’espoir.Illuipritlamain.—Biensûrquejelesuis.Maisjesurvivraipourunenuit.—Onn’estpascensésresterdeuxnuits?s’étonnaNicole.—Uniquementsionleveut,susurra-t-ildelaplussuggestivedesfaçons.LesyeuxgrisdeNicolefoncèrentsousl’effetdudésir.Ill’attiraàluietremontadoucementla

mainlelongdelacolonnevertébraledelajeunefemme.Sesdoigtsl’électrisaientàtraverslefintissudesonchemisier.Siellecontinuaitdeleregarderainsi,ilallaitoublierlesrudimentsdelapolitessepourlaconduireillicoàl’hôtel.Ill’attiracontrelui,etNicoleployasonjolicouversl’arrièrepourleregarder.Stephanneput

résister.Ilposasabouchesurcelledelajeunefemme;justepourgoûter.Mais,commeleslèvresdeNicolesemontraientréceptives,leurbaisers’intensifia.LajeunefemmenouasesbrasautourducoudeStephan;elles’accrochaitàluidetoutesses

forces.LalanguedeStephans’immisçadanslabouchedeNicole,l’invitantàl’accueillirplusencore.Ellelereçutetn’hésitapasàalleràsarencontre.Ledouxgémissementqu’elleémitfaillitfaireperdretouteretenueàStephan.Ilseraittellementsimpled’oublieroùilssetrouvaient…Stephaninterrompitleurbaiser;l’espace

d’uninstant,leurssouffleshaletantscouvrirenttouslesautresbruitsdelanuit.—Sinousrestonsicicesoir,cen’estpasunebonneidée.—Tuasraison,ditNicoleenposantlatêtesursapoitrine.Illuicaressadoucementlebras;sapeauétaitextraordinairementdouce.—Onnepeutpasalleràl’hôtel,ilsnecomprendraientpas.MarketKaylaseferaientuneraison,

maispaslesenfants.—Etonneveutpastracasserlesenfants,ditNicole,lesoufflecourt.Ellenefaisaitrienpoursimplifierleschoses.Ellerelevalatêtepourleregarder;derrièreseslongscils,sesyeuxbrillaientdedésir.Comment

Stephanaurait-ilpurésister?Leursbouchessetrouvèrentdenouveau.Touteslesbonnesraisonspourlesquellesilpensaitquecen’étaitpasunebonneidéesevolatilisèrent.Illasoulevadeterrepourlaporterjusqu’aulit,surlequelilsroulèrent,accrochésl’unàl’autre.LegoûtdeNicolepourlespetitesrobesfacilitantl’accèsàsoncorpsétaitunenouveauté,maiscen’étaitpassuffisant.Stephanvoulaitvoirdisparaîtrejusqu’auderniercentimètrecarrédetissu.Ilvoulaitlavoirtoutentière–etgoûterenfinàcefruitdemeurésilongtempsdéfendu.LesmainsexquisesdeNicoledéboutonnèrentlachemisedeStephanpourpartirenexploration,et

luifaireperdrelaraison.Elleenglissaunesouslaceinture,danslebasdudosdujeunehomme,quisefigeaencomprenantoùellecomptaitserendre.LamaindeNicolepassadelafessedeStephanàsahanche,etilretintsonsouffle,incapabledepenseroud’esquisserlemoindregeste.Ilnepouvaitplusqu’attendre.—Maman!Kyleaencorepostéuncommentairesurmonblog!LavoixdeKaraexplosadanslecouloir,suiviedesonpasdécidéendirectiondelachambredeses

parents.NicoleritdoucementcontreStephan,puisretirasamain.Roulantsurledos,ilentraînalajeune

femmeaveclui.LescheveuxdeNicolecaressaientdoucementsontorsenu.Jamaiselleneluiavaitparuplusmagnifique.—Tutrouvesçadrôle?luiglissa-t-ilàl’oreilled’unevoixrauque.Elleluisouritenhochantlatête;deslarmesdejoierendaientsonregardétincelant.—Jem’attendsàcequeKaraouvrelaporteàlavolée.—Etonfiniraitdanssonblog,ajouta-t-ilencaressantnonchalammentsescheveuxnoirs.Soncorpsmettaitunpeuplusdetempsquesonespritàsecalmer.Delonguespulsationssourdes

continuaientdel’assaillir.Tunevaspasenmourir,semorigéna-t-il.Pourtant,àl’époquedulycée,ilavaiteulacertitudequecettesensationpouvaitêtrefatale.Depuis,

unteldegrédefrustrationn’avaitpluscoursdanssavied’adulte.Commesielleavaitludanssespensées,Nicoles’écartadelui.Stephanlaretint.—Restelà.Jepeuxmecontrôler.Latêteinclinéesurlecôté,Nicolelegratifiaduplusdélicieuxdessourires.—Cen’estpaspourtoiquejem’inquiète.Stephanémitungrognement.Elleveutmamort.Cen’estpaspossibleautrement.Ilsrestèrentlà,immobiles.Silencieux.Paisiblementimmergésdansundésirtranquille.—Stephan?demandaNicoled’unevoixdouce.—Oui?—Jesaisquecettenuitn’estpascellequenousavionsprévue,maisjesuisheureused’êtreici.Tes

amissontadorables.LecœurdeStephantambourinaitdanssapoitrine.Sessentimentssurceweek-endétaientsiconfus

encetinstantqu’ilnesavaitmêmepluscequ’ilpensaitdecevoyage.Ilnepouvaitpass’empêcherd’êtreheureuxàl’idéequ’elleappréciaitsesamis.Avait-ilétéunpeudéplacéd’espérerquesesamisperceraientàjoursonpetitmanègeaulieudeluidireenapartéàquelpointelleétaitmerveilleuse?Pourquoifallait-ilqu’ellesoittoujourssiparfaite?—Oui,répondit-ildistraitement.—Etleursenfantssontincroyablementvifs.Tuasenviedeparler.Alorsparlons.—MarketKaylapensentquelepouvoirpasseparlesavoir.Et,commedejuste,ilsonttransmis

cetteconvictionàlagénérationsuivante.CesinstantspassésauprèsdelafamilleAllenétaientunpeudoux-amerspourStephan.Ilsvivaient

laviedontilavaittoujoursrêvé.Unmariageépanoui.Desrêvespartagés.Desenfantsgéniaux.MarketKaylaavaienttoutça.Etmoi,qu’est-cequej’ai?J’aiceweek-end.

Hormislafindumonde,iln’yavaitpasgrand-chosequipourraitempêcherStephand’entraînerNicoleàl’hôtelleplusprochedèsquelafrégatetoucheraitàsafin.Ilallaitenfinlaposséder…Toutefois,silaperspectivefaisaittoujourscoulerdufeudanssesveines,lesentimentdetriompheavaitperdudesonéclat.Elleétaitàluipourleweek-end.Peut-êtremêmepourlesquelquessemainesàvenir.Maisaprès?LaCaliforniemefaitperdrelatête.Après?Après,c’estfini.C’estcequiatoujoursétéprévu.Imaginerunautrescénarioétaittoutàlafoisirréalisteetdangereux.Duboutdudoigt,Nicoleluitapotadoucementletorse,commesielles’étaitrenducomptequeson

espritdivaguaitauloin.—Karam’ademandésijemenaisdesactionsoum’occupaisd’unefondation.—ÇaressemblebienàKara.Etqu’as-tudit?Nicoleremitenplaceunebouclequiluitombaitdanslevisage.—Jeluiairéponduquenon.Jen’aijamaisfaitça.Est-ceçafaitdemoiunemauvaisepersonnede

n’yavoirjamaispenséavant?PourquoichacunedesparolesdeNicoleamplifiait-elleledégoûtqueStephanavaitdelui-même?—Tun’aspasétéélevéeparleplusgénéreuxdeshommes.—Maisj’aipresquetrenteans,Stephan.Pendantcombiendetempsencoreest-cequejevais

reprocheràmonpèrelafemmequejesuis?Quandest-cequej’assumeraimesresponsabilités?—Nicole…Lajeunefemmesecoualatêtepourcontredirelesmotsqu’iln’avaitpasencoreprononcés.—Jesuissérieuse.MevoirtellequeKaramevoitm’aouvertlesyeux–pourdireleschoses

gentiment.J’aipassébientropdetempsàm’apitoyersurmonsort.Ànepenserqu’àmoi.Stephanressentitaucreuxduventreunesensationbrûlantebienpirequelafrustration.Une

émotionsurlaquelleilpréféraitnepasmettredenom.Parfois,ilestpréférabledegarderdesœillères.—Tut’esbattuepourlescadresdel’entreprisedetonpère.—Parcequejenevoulaispaslesperdre.Encoreunefois,ilnes’agitquedemoi.Stephanallaitrépondrequelquechose,maisNicoleroulasurlecôté,pourresterallongée,unbras

repliésouslatête.—Quedirais-tusijevendaisauxenchèreslamaisondemonpèreettoutcequ’ellecontient,pour

fairedondelasommerécoltéeàunfoyerd’accueildefemmesvictimesdeviolences?Stephanroulaàsontourpourveniràcôtéd’elle,latêteposéesuruncoude.—Jetedemanderaiscequiabienpusepasserdanscettemaison.Nicolefermalesyeux.—Dis-moi,insistaStephanencaressantlajouedeNicoled’undoigtléger.Lorsqu’ellerouvritlesyeux,lecorpsdeStephanétaittoutentiercrispésouslecoupdelafureur.Quelqu’unt’afaitdumal.Quelqu’unt’aprofondémentblessée.Jamaisencoreiln’avaitvucequ’illisaitdanssesyeux,etilcompritquec’étaitparcequeNicole

n’avaitjamaisbaissésagarde.IldécouvraitlavraieNicole,cellequelajeunefemmedissimulaitaumondeentier.Stephanétaitdéchiréentreledésirdelaserrercontreluipourlaréconforter,etuneenviedefuiravantqu’ilnesoittroptard.Ilnefitnil’unnil’autre.Ilretintsonsouffleetattendit.Nicoleleregardadroitdanslesyeux.—Monpèreétaitunhommeviolent.Sonhumeurchangeaitd’uncouppourunsimplemotde

travers.Quandnousétionspetits,ilnefrappaitquemamère.Dominicetmoiallionsnouscacherdans

lamaisonquandilhaussaitlavoix.Onsavaitcequinousattendait.Engrandissant,Dominicacesséd’allersecacheretmonpèreacommencéàpassersescolèressurluiaussi.Leregardperdudanslelointain,Nicolesemblaitrevivrecessouvenirs.—J’avaistreizeansquandmamèreadisparu.Pendantuntemps,lapoliceétaitcheznousen

permanence.Onnousdisaitqu’elleavaitabandonnénotrefamille,maisDominicimaginaitquelquechosedebienpire.Ilrefusaitdel’admettre.C’étaitplusfortquelui.Ilaexigédenotrepèrequ’illuidisecequis’étaitpassé.Papaatentédel’intimider,maisDominicn’avaitpluspeurdelui.Illuiadoncdonnéunultimatum:soitilarrêtaitsesrecherches,soitilperdaittout.C’estcesoir-làqueDominicestparti.Ilajuréqu’ilnereviendraitpasavantd’avoirretrouvénotremère.Pourlapremièrefois,Stephanressentitunepointed’admirationpourl’hommequ’ilhaïssait

depuissilongtemps.Dominics’étaitdressécontreunpèrecruel,unhommequetoutlemondeoupresqueredoutait,et,cefaisant,ilavaitrenoncéàsonhéritagepourcherchersamère.StephannevoulaitrienentendrequipuisseluifaireapprécierDominic,maisilnepouvaits’empêcherd’éprouverdurespect.—Ques’est-ilpasséaprèsledépartdeDominic?Ilnepouvaitfaireautrementquedeposerlaquestion;soncœurbattaitdouloureusementdanssa

poitrine.S’ilteplaît,dis-moiqueleschosessesontaméliorées.Quepuis-jefairedetoutecettecolèreenvers

unhommemalheureusementmortetintouchable?—Thomas,notreavocat,estvenuàlamaisonpourmenacermonpère.Ilsseconnaissaientdepuis

l’école,etThomasestlaseulepersonneàavoirjamaistenutêteàmonpère.Cesoir-là,ilsontbeaucoupcrié,puistoutestdevenucalme.Jemesuisglisséedanslecouloirpourvenirécouter.Thomasdisaitàmonpèrequ’iln’yauraitpasunendroitsurTerreoùilpourraitsecachers’illevaitlamainsurmoi,etqu’ilensavaitsuffisammentlongsursesaffairespourleruiners’ilapprenaitquemonpères’enprenaitàDominic.Monpèrearéaffirmén’avoirpastuémamère.Thomasaréponduqueçan’avaitpasd’importance,maisque,s’ilfranchissaitlalignejaune,lechâtiments’abattraitsansavertissement.—Etilt’alaissée?s’emportaStephan,l’espritrenduconfusparlacolère.—Oui,réponditNicoledansunmurmure.—Tudevaisêtresieffrayée,dit-il,d’unevoixnouéeparl’émotion.Ill’attiracontreluipourenfouirsonvisagedanssescheveux.Ellenerefusapasl’étreinte,maisne

laluirenditpas,tropabsorbéedanssessouvenirspourréagir.—Audébut,oui,maisdecejour,monpèren’aplusjamaislevélavoixcontremoi.Quelquechose

s’estbriséenluiàcetteépoque.Iln’yavaitplusdemomentsinsupportables,maisaucunmomentheureuxnonplus.J’aimêmetentédelemettreencolèreunefois.Jemedisaisque,s’ilmefrappait,aumoinsilmeregarderait.Maisils’estéloigné,commes’ilnemevoyaitpas.Etmoi,jevoulaisqu’ilmevoie.StephancalalatêtedeNicolesoussonmenton;ilsentaitleslarmessilencieusesquiinondaientsa

chemise.—Jevoudrais…,gronda-t-il,avantd’enfouirdenouveausonvisagedanslachevelurebrune.Siseulementilavaitsu…Ilauraitfaitpreuvedeplusdegentillesseetdecompréhension

lorsqu’elleétaitvenuesollicitersonaide.Iln’auraitpasétésipromptàimaginerlepireseptansplustôt.—Jenesavaispas,Nicole.Sijem’étaisdouté…NicoleroulasurledosetposaunemainsurlabouchedeStephan.Sonvisageétaitbaignéde

larmes,etcessouvenirsavaientdéclenchéunetempêtedanssesyeuxgris.—Celan’auraitriendonnédebon.Jen’auraispasquittémonpère.Jelehaïssaisautantqueje

l’aimais.Lorsqu’onaditquemamèreétaitmorte,Dominicn’aeudecessededétruiretoutcequemonpèreavaitbâti.Sesattaquesconstantesm’ontpousséeàprotégerpapa.C’estcomplètementfou,non?Jedétestaismonpère,maisj’avaislesentimentqu’ilavaitbesoindemoi.Dominicauraitdûêtremonhéros.Et,pourtant,jefaisaismonpossiblepourprotégermonpèredelui.Pourquoi?—Parcequ’ilétaittonpère.Nicolesecouatristementlatête.—Jenepleurepassamort.Mevoircommeunefilleaimanteseraitexagéré.Jesuisseulement

soulagéequetoutçasoitderrièremoi.Maintenant,jepeuxallerdel’avant.Jeneveuxplusvivredanslacolèreoudanslapeur.Jeveuxvivreaumilieudepersonnesauthentiquesetbienveillantes.Jenepeuxpaschangermonenfance,maisjepeuxchoisirceuxquipartagerontmavie,déclara-t-elleenluicaressantrêveusementlajoue.Desgenscommetafamilleettoi.Despersonnesdignesd’êtreaimées.LesparolesdeNicolesefichèrentenluicommeunelame.Non,pascommemoi.Àunecertaineépoque,j’aipeut-êtreétél’hommequetucherches,maisplus

maintenant.Ilretirasonbrasglissésouselle.—Ilesttard,Nicole.Ilfautdormir.Unerideinquiètesecreusasurlefrontdelajeunefemme.—J’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?Stephanéteignitlalampedechevet.—Non,jesuissimplementfatigué,répondit-ilenluitournantledos.—D’accord,dit-ellelentement,manifestementblessée.Ellerouladesoncôtédulit.Stephanattenditdel’entendrerespirerdoucementetprofondément.Puis,quandilfutsûrqu’elle

dormait,ilsortitdulitpourallers’asseoirdansuncoindelapièce.Tandisqu’illaregardait,ilsentitlepoidsdesaculpabilités’abattresurlui.Iln’avaitaucundroitdecoucheravecellealorsqu’elles’étaitlivréeàluientoutefranchise,etquelui-mêmesavaitqueleuridyllenesurvivraitjamaisàcequ’ilavaitmisenbranle.Elleavaitsouffertetsurvécu.VenirenCalifornieavecelleétaituneerreur.ResteretcontinueràtromperNicoleenseraitune

plusgrande.Demainmatin,jeluidiraiquej’aireçuunappelurgentdeNewYork–unproblèmequirequiertma

présence.Ensuite,dèsleurretour,StephanprendraitlesdispositionspourrendreCorisiLtdàNicole,et

annonceràtouslarupturedeleursfiançailles.Plusviteillaferaitsortirdesavieetmieuxceseraitpourchacund’eux.Unplanparfait,quin’avaitqu’undéfaut.Stephanselaissaallersurlachaiseetfermalesyeux,

résigné.Jesuisfouamoureuxd’elle.

Chapitre16

LEDIMANCHEMATIN,NICOLEÉTAITASSISEÀLATABLEDELACUISINEDUPENTHOUSEDESTEPHAN–seule.Laveille,ilavaitdonnélesignalduretouràNewYork,pours’occuperd’uneurgence.Ill’avaitrenvoyéechezluienlimousine,pourmettrelecapsursonbureau.Ellel’avaitattendujusqu’àminuitpassé,maisiln’étaitpasrentré.Elleavaitfinipars’attablerdevantlepetitdéjeunerpourdeuxquelecuisinieravaitpréparé.Sonchauffeursonnadepuislarue.Aulieudelerejoindre,elleluidemandademonter.Aprèsavoir

longuementconsidérélepyjamadeNicole,ils’étaitrisquéàuneconclusion.—Sijecomprendsbien,onnesortpasaujourd’hui.—Exactement.—Etonboycotteladoucheégalement?—Çasepourrait.Tuveuxuncafé?dit-elleendésignantlatasseentrainderefroidir.—Àcepoint-là,hein?demandaJeffens’installantàlatable.Nicoleposalespiedssursachaisepourenserrersesjambesentresesbras.—J’aimerdéenCalifornie.Duboutdelafourchette,JeffdonnaquelquespetitscoupsauxœufsbrouillésdeStephan,avantde

hausserlesépaulesetdes’accorderunepremièrebouchée.—C’estquoivotredéfinitionde«merder»?—Toutsepassaitbien.Sesamisétaientsuper.Lecourantpassaitentreluietmoi.Nousnous

sommesembrassésetc’était…torride.Lebaiserleplusfabuleuxquej’aijamaisreçu.J’aidéjàfaitl’amour,maislà…—Restez-enàlapartieoùvousavezmerdé,lacoupaJeff.—Jeluiaiparlédemafamille.—Et?—Etilnem’apratiquementpasadressélaparolependantlevolduretour.Etiln’estpasrentréla

nuitdernière.Jeneveuxpasl’appelerparcequ’ilm’aditqu’ilavaitdûrentrerdemanièreprécipitéepouruneraisonprofessionnelle.—Mais?—Maisjenelecroispas.Ilavaitl’airtrèsmalàl’aisehier.Ilatémoignédelacompassionquand

jeluiairacontémonhistoire,maisaprèsilnem’aplusregardée.Jenesaispasquoipenser.Jeffbutunegorgéedecaféfroidetreposalatasse.—Soitc’estbonsigne,soitc’esttrèsmauvaissigne.Nicolefaillitsourire.—Waouh,tum’esd’ungrandsecours.Jeffrepoussasachaisepourselever.—Jenesuispasmédiumsic’estcequevousespériez.Mais,sivousvoulezsavoircequ’ilpense,

ilyaunmoyen.Nicolereposalespiedsparterreetselevaàsontour.Jesuisassezdésespéréepourtentern’importequoi.—Lequel?—Demandez-lui,réponditJeff.Jeseraienbassivousavezbesoindemoi.Ilrefermadoucementlaportederrièrelui.

Uneheureplustard,vêtued’unpantalondeyoga,d’untee-shirtetdebaskets,Nicolefranchitla

ported’entréedel’immeuble.Ilyavaituncaféàdeuxruesdelà.Lesoleilbrillait.J’yverraipeut-êtreplusclairaprèsunepetitebalade.Jeffn’avaitpastort.Aulieudetournerautourdupot,effrayéeàl’idéed’offenserStephanoudele

mettreencolère,mieuxvalaitsansdoutequ’elleluiposelaquestion.L’amourestpossiblesionestprêtàsebattrepourlui.N’est-cepasçaquedittoujoursMaddy?Pourquoiest-cequej’acceptetoujourstoutsansriendire?J’auraispuposercesquestionsà

Stephanpendantlevol.J’auraispuexigerqu’ilmedonnelesvraiesraisonsdenotreretourprécipité.Sijen’avaispaseusipeur.Maisdequoiest-cequej’aipeur?Deleperdre?Ilestdéjàparti.Delemettreencolère?Stephann’estpasmonpère.Ilnemeferapasdemal.Elleavaitàpeineparcouruquelquesmètresqu’unefemme,dontl’allureluiparaissaitvaguement

familière,s’approchad’elle.Perduedanssespensées,ellenel’avaittoutd’abordpasremarquée.—Nicole?—Excusez-moi,jevousconnais?—Jem’appelleAbbyDartley.Nousnoussommesdéjàcroisées.Unefois.Àlalecturedutestament

devotrepère.Nicoleretintsonsouffle,avantd’expirerlentement.—Ah,oui,lanouvellefiancéedemonfrère.Félicitations…jesuppose.Elleétaitvêtued’unpantalontoutsimple,bienqu’étantunmodèleexclusif,etd’unchemisier

classique.Deuxhommesveillaientsurelle,postésàcôtéd’unelimousinedel’autrecôtédelarue.Unchauffeuretungardeducorps.Ilneluiavaitpasfallubienlongtempspours’accoutumeràsonnouveautraindevie.—Pouvons-nousallerparlerquelquepart?demandalajeunefemme.Nicolejetauncoupd’œilàsamontre.Pourquoipas?Aupointoùj’ensuis,çanepeutpasêtrepire.—J’allaisprendreuncafé.Vouspouvezm’accompagnersivousvoulez.Abbysejoignitàelle.—Dominicaessayédevousjoindre.—Jesais.Dansl’établissement,ellesnedirentplusrienjusqu’àcequ’ellessoientinstalléesàunetable

discrèteetqu’onleuraitservileursconsommations.Abbyneparaissaitnullementpresséederomprel’étrangesilenceentreelles.—Allez-y,ditNicole.Déballezcequevousavezàdire.QueveutDominic?AbbyneselaissapasdécontenanceraussifacilementqueNicolel’avaitpensé.—Votrefrères’inquiètevraimentàvotresujet.Nicolefixalatassedevantelle.—Dites-luiquec’estinutile.—Ilvousaime,Nicole.Ilnesaitpeut-êtrepaslemontrer,mais…D’unbloc,NicolerelevalatêtepourfixerdurementAbby.—Çafaitcombiendetempsquevousleconnaissez?Allez…unmois?Moi,jeleconnaisdepuis

toujours.Etilyauneseulechosequicomptepourlui–Dominic.—Cen’estpasvrai.Ilvousalaisséetomber.Illesait,maisildonneraitn’importequoipour

pouvoirserattraper.—C’estça,qu’ilvousadit?Qu’ilm’alaisséetomber?Croit-ilquedesexcusesvontsuffireà

effacersesactes?Toutd’abord,iladisparucommemamèreavantlui,et,ensuite,aumomentprécisoùjepensaisavoirtrouvéunefamillequim’aimait,ilm’enaprivée.Ça,jesuissûrequ’ilnevousl’apasraconté,crachaNicoleentresesdentsserrées.Abbynetressaillitpas.Savoixconservacemêmetondouxetapaisant–contrelequelNicole

luttait.—Si,ilm’atoutraconté.Iln’estpasfierdecequ’ilafait.Iln’avaitquedix-septansquandvotre

mèreestpartie.Àpeineunhomme.Vousnepouvezpaslehaïrpourdeschoixqu’ilafaitsvoiciplusdequinzeans.—EtlafamilleAndrade?Était-ilobligédeleurprendreleurentreprise?Leurîle?Etde

construirecettehorreurchroméedessus,puisdeleurjeterauvisagecemanquederespectpourleurpatrimoineancestral?C’estparamourpourmoiqu’ilafaitça?—Non,réponditAbbytristement.Jeparieraisqu’ilnesaitmêmepaslui-mêmepourquoiilafait

ça.Ilaagiparjalousieetilaeutort.Ilestorgueilleuxetentêté,maisilnecherchaitpasàvousnuiredélibérément.Laissez-luiunechancedes’excuser.—Ilaeuquinzeanspourlefaire.C’estunpeutardmaintenant.Jeveuxtournerlapage.NicoleselevaetAbbyl’imita,endonnantlesentimentdevouloirserrerNicoledanssesbras.—Vossentimentssontparfaitementlégitimes,Nicole.MaisDominicestlàpourvoussivousavez

besoindelui.Uncoupdefil,etvousverrezqu’ilestprêtàtoutpourvous.Nicolejetasongobeletencorepleindanslacorbeille.Sonestomacviraitàl’aigre.—C’étaitvraimentgentilàvousdevenirplaidersacause,maisjen’aiaucuneintentiondele

revoirunjour.Vouspouvezluidirequejeluipardonnetoutcequ’ilpeutregretterdenotreenfance.Jenelehaisplus,maisjen’aipasbesoindelui.—Jecomprends.NoussommesàNewYork.Nousn’allonsnullepart,ditAbbyenglissantà

Nicoleunmorceaudepapieravecunnumérodetéléphone.Gardezçaaucasoùvouschangeriezd’avis.Nicoleleprit.—Pourquoifaites-vousça?Qu’avez-vousàygagner?Lesyeuxd’Abbys’emplirentdelarmes.—Unenouvellesœur,j’espère,répondit-elle,avantdes’enaller.

Chapitre17

LEDIMANCHESOIR,NICOLEATTENDITSTEPHAN.Ilétaitgrandtempsqu’ilsparlent.Elleavaitprisdesdécisionsquiallaientlesaffectertousdeux.Ensortantdusalondethé,NicoleétaitalléefaireunelonguebaladeàCentralPark.Toutense

frayantuncheminparmilesinnombrablespromeneursvenuseuxaussigoûterauplaisird’unebellejournée,ellen’avaitpasvraimentportéattentionauchaudsoleiletàl’airvif.Avantderepartir,elles’étaitarrêtéeauchâteauduBelvédèrepourregarderlestortuesdansle

bassinencontrebas.C’étaitunendroitoùDominicetelleétaientsouventvenusdansleurenfance.C’étaitleurdestinationfavoriteavecleurmère,lorsquequelqueobligationconduisaitleurpèreàlesemmeneravecluiàManhattan.ChezlesCorisi,onn’avaitpasnonplusdebonnesd’enfants,maispourdesmotifsbienmoinsavouables.Pourl’entretienetleménage,rienn’étaitplussimplequedeprogrammerlesinterventionsàdesmomentsquiexcluaienttouteinteractionaveclafamille.Lesnourrices,elles,auraientvutropdechoses.Surlesrochersderrièrelechâteau,lapetiteNicoles’imaginaitenprincesseretenueprisonnière

dansunetourparunméchantdragon.Et,dansleursjeuxd’enfants,Dominictuaittoujoursledragonpourlalibérer.C’estpourçaquejeluienveux?Parcequ’auboutducompteiln’estqu’unhomme–pasun

héros?Et,accessoirement,laseulevéritablefamillequimereste.ElletenaitbeaucoupàGeorgeetauxautres,quiluirendaientsonaffection.Pourautant,ellen’avait

aucunliendesangaveceux.LesAndradeincarnaientlafamilledesesrêves,maiscen’étaitpassafamille.Pasencore.Etpeut-

êtrejamais.Endépitdecequis’étaitpasséentreeux,Dominicrestaitsonfrère.Abbyvenaitdeluidirequ’ill’aimait,etNicolecommençaitàycroireunpeu.Depuislalecturedutestament,ill’avaitappeléechaquejour.Et,sipasunefoisellen’avait

décroché,jamaisilnes’étaitdécouragé.EtsiAbbyavaitditvrai?S’ilregrettaitlepassécommeelle-mêmeencetinstant?Pouvaient-ilsenvisagerd’effacerdes

annéesdesouffrancepourraccommodercequirestaitdelafamilleCorisi?Oubienétait-cetroptard?Ledéclicdelaported’entréefitsursauterNicole.Stephanrentrait.Iln’allaitpasappréciercequ’elleavaitàluidire,maispeut-êtreétait-ceprécisémentcedontils

avaientbesoin.Desimplicitéetd’honnêteté.Ellenechercheraitplusàlemanipulerpourparveniràsesfins.Elleneluicacheraitpluscequ’elleressentait.Et,s’ilsn’étaientpascapablesdeparler–deparlerentoutesincérité–,alorsiln’yavaitplusrienpourquoisebattre.Ellevintàsarencontredansl’entrée;ilvenaitderetirersavesteetdedénouersacravate.Il

donnaitl’impressionden’avoirpasdormiuneheuredepuisladernièrefoisqu’ilss’étaientvus.—Tun’espasrentréhiersoir,dit-elleenfaisantdesonmieuxpourconserverunevoixnormale.—Ouais,répondit-ilensepassantlamaindanslescheveux.Désolé,j’avaisdeschosesàfaire.—Vraiment?dit-elleenlesuivantdanslesalon.Jenetecroispas.Ilneseretournapas.—Nepoussepaslebouchon,Nicole.

Ellevintseplanterdevantlui,plongeantsonregardgrisdanssesyeuxbleus.—Aucontraire,jevaislepousserunpeu.J’ailedroitdesavoircequisepasse.Avantla

Californie,jepensaisquenousétionsaumoinsalliés.ChezlesAllen,ilyamêmeeuquelquechoseentrenous.Jenel’aipasrêvé.Alors,ques’est-ilpassé?Qu’est-cequiachangé?Pourquoiévites-tumonregard?—Ettoi,pourquoitunelaissespastomber?demanda-t-ilenhaussantleton.Nicolesentittoutsoncorpssecrisper,maislapeurnevintpas.Cen’étaitpassonpèreenface

d’elle;ellen’avaitrienàcraindre.Ellesavaitdésormaisqu’elleavaitsonmotàdiresurlafaçondontelleétaittraitée.—Nelèvepaslavoix,Stephan.Jenemelaisseraipashurlerdessus.LevisagedeStephansedéformasouslecoupd’uneémotionqu’elleneparvintpasàcerner.—Jamaisjeneteferaidemal,Nicole.—Jesais.Ellelecroyait.LesAndradeétaientbruyants,maisenaucuncasméchants.Elles’approchadelui.—J’aiconfianceentoi,Stephan.Ilreculad’unpas.—Tuastort.Jenesuispasl’hommequetucrois,Nicole.Etjeleregrette.J’avaisenviedetoi,

c’esttout.Etc’estlaseulechosequ’ilpuisseyavoirentrenous.Iltenaitlespoingsserrés,etsesyeuxétaientempreintsd’unetelleémotionqueNicolenelecrut

pas.S’ilditlavérité,sijenesuisrienpourlui,alorspourquoiparaît-ilsitourmenté?—EnCalifornie,j’aicomprisquetuavaisraison.Ilnedoityavoirentrenousriend’autrequ’un

contratstrictementcommercial.Coucheravectoineferaitquecompliquerunesituationquinedevraitpluss’éterniser.Nicolerefitunpasverslui.—Riennenousobligeànousenteniràça,Stephan.Danslesyeuxbleusdujeunehomme,unelueurflambaitdontilnepouvait–ounevoulait–rien

dire.—Si.Illefaut.Pourquoinemeregardes-tupas?Iln’yavaitplusgrand-choseàdire;Nicolechangeadesujet.—J’aiappelémonfrère.LatêtedeStephanserelevad’uncoup.—Pourquoi?Ilfautquejelefasse,mêmesijedoisteperdreunenouvellefois.Nicolecroisasesmainsdevenuesglacées.—Jelevoisdemainàlamaisondemonpère.Jenepeuxpaspasserlerestedemavieàlehaïr

pourcequemonpèreainfligéànotrefamille.Stephanhochalatêteimperceptiblement,sansunmot.—Celanechangerien,poursuivitNicole.Jeneluidiraipasquenousnesommespasréellement

fiancés,ettuaurasquandmêmelebrevet.—Jen’enveuxpasdetonbrevet,répliqua-t-ildurement,ensedétournantd’elleunefoisdeplus.—Maisc’estbienpourcetteraisonquetuasacceptél’accord?Parcequej’aiaidéMaddy,mais

aussiparcequetusaisquecelogicielterapporterabeaucoup?ElleposaunemainsurledosdeStephan,lesuppliantmuettementdeseretourner.Lesmusclesdu

jeunehommetressaillirentàcecontact.—Vavoirtonfrère,Nicole,conclut-ilens’écartantd’elle.Et,avantqu’ellen’aitletempsdeposeruneautrequestion,ils’étaitréfugiédanssachambreet

avaitfermélaporte.

Chapitre18

LELUNDIMATIN,NICOLEDÉJEUNASEULEUNENOUVELLEFOIS,AVANTD’APPELERJEFFPOURQU’ILLAconduiseàl’anciennemaisondesonpère.Aprèsavoirenvisagédifférentsendroitsoùsonfrèreetelleauraientpuserencontrer,elles’étaitfinalementditquelemieuxseraitencorederetourneroùtoutavaitcommencé.Nicolevenaittoutjusted’ouvrirlaported’entréedonnantsurlevastehallderéceptionquandla

limousinedeDominicvintsegarerderrièrelasienneautourdurond-pointornéd’unimmensemassif.Elleleregardas’extrairedelalourdevoiture,puisaiderAbbyàendescendre.Ilsepenchasursanouvelleconquêtepourluiglisserunmot,commes’illapréparaitàcequiallaitsuivre,puisl’embrassadoucementetluipritlamainpourmarcherverslamaison.Ill’aime.Ilestvraimentamoureuxd’elle.Nicolelesattenditdansl’entrée.Unsilencepénibles’appesantitentreeuxavantqueNicolenese

décideàparler.—Mercid’êtrevenus.—Tupensaisquejemedéfilerais?demandaDominicunpeusèchement.AbbyseglissasouslebrasdeDominicpourleserrercontreelle.Lajeunefemmeétaitune

présenceapaisanteparticulièrementbienvenue.NicoleetDominicn’avaientjamaisététrèsdouéspourlesdiscussionssereines.Nicoleoffritunetrêve.—Sitelavaitétélecas,jenet’enauraispasvoulu.Abbyobservalescartonsvisiblesdanstouteslespiècesadjacentes.—Vousdéménagez?—Oui.J’aidécidédevendrelamaisonetsoncontenuauxenchères.Donc,s’ilyaquelquechose

quetusouhaitesgarder,Dominic,prends-lemaintenant.L’entreprisequisechargedelaventevaenvoyerquelqu’unpourl’inventaire.Ànousd’êtresûrsquenousneregretteronsrienpuisquetoutvapartir.—Jeneveuxriengarderdecequ’ilyaici,réponditDominic,laminefermée.—Etmoinonplus,ditNicole.Jevaisfairedonduproduitdelaventeàunfoyerd’accueilde

femmesvictimesdeviolences,ajouta-t-elleaprèsuninstantd’hésitation.—C’estungestetrèsgénéreux,ditAbby.—Çam’asembléêtrelachoseàfaire.J’aidécidéqu’ilétaittempsd’oublierlepassé.Dominic–l’indestructibleetrugueuxDominic–rougit.Sesyeuxs’embuèrentsouslecoupde

l’émotion.IlfitunpasendirectiondeNicole,puisparutseraviser.Ils’arrêta.—Jesuisdésolé,Nicole.Absolumentnavréden’avoirpasétélefrèredonttuavaisbesoin.Nicolesetordaitlesmains,luttantpourgardercontenance.—Ilnousafaitdumalàtouslesdeux,Dominic.—Ilfautquejefassequelquechosepourmeracheter,déclaraDominic,quin’avaitjamaisété

adeptedelademi-mesure.Illefautabsolument.Aveclaréflexionvenaitlacompréhension.—Jenecroispasquecesoitpossible,Dominic.Et,d’ailleurs,c’estsansdoutequelquechoseque

jedoisaccepterpourquenouspuissionsguérir.Lepasséestlepassé.Considéronsquenousl’avonsenterréavecpapa.

—Etoùensommes-nousalors?demanda-t-il,suruntonpresqueempreintd’humilité.—Jenesaispas.Jen’auraisjamaiscruquenouspuissionsallersiloin.Ilsnetombèrentpasdanslesbrasl’undel’autre.Ilétaittroptôtencorepourquechacunpuisse

fairemieuxqueregarderl’autrepar-dessuslegouffrequilesséparait,etconvenirquechacund’euxavaitsestorts,maisquepersonnen’avaitcommisdefaute.—J’auraisdûrevenirpourtoi,Nicole,dit-ilentresesdentsserrées.—Etmoi,j’auraisdûpartirquandj’étaisenâgedelefaire.Nousnepouvonsplusrienychanger.Ilfautpardonneràceuxqu’onaimeden’êtrepasparfaits;Nicoleapprenaitqu’illuifallaitaussise

pardonneràelle-même.Dominicfitunnouveaupasendirectiondesasœur.Ladéterminationluidurcissaitlestraits.—Maisnouspouvonsfaireensortedeneplustomberdanslesmêmeserreurs.Nicole,ilnefaut

pasquetuépousesStephan.Vlan!Àpeineentrouverte,laportevenaitdeserefermerentreeux.—NeparlepasdeStephan!s’exclamaNicoleens’écartant.Dominicvintseplacerdevantelle.—Jesaisquetuneveuxpasl’entendre,maisquoiqu’ilaitputedire…Quellequesoitlamanière

dontilt’aconvaincuedetefianceràlui…ilt’utilise.Jenesaispascequ’ilespèreentirer,maisiltement.—Dominic,nousn’avonsaucunecertitude,intervintAbby.—Toipeut-être,grondaDominic,maismoisi.Ill’utilisepourm’atteindre.Lacolèrelaissaplaceàlafureur.Nicoles’avançajusqu’àn’êtreplusqu’àquelquescentimètresde

sonfrère.—Alorsc’estça,dit-elled’unevoixtremblante.MarelationavecStephanneconcernequetoi,

Dominic?Etmoi,biensûr,jen’airienàyvoir?Ilnepeutpasm’aimer?ToutdoitforcémenttournerautourdugrandDominicCorisi.—Cen’estpascequejedis,Nicole.Simplement,jeneveuxpasqu’iltefassedumal.—Mefairedumal?MaisStephanm’asauvée.Tusaisquoi?Nosfiançaillesn’ontrienderéel.Ila

acceptédefaireçapourmerendreservice.Tuimagines?Ilsesouciedemoiaupointdejouerunrôle,maisaussid’investirsonpropreargentetdemettreenjeusaréputation.Etqu’a-t-ildemandéenéchange?Rien.Parcequ’iln’estpascommetoi,Dominic.Ilobéitàd’autresrègles.C’estunhommebonethonnête.Deslarmesderageruisselaientlelongdesesjoues.—JesuiscertainqueStephantemanipule,répliquaDominic,levisageempourpréparlacolère.—Parcequetulejugesselontescritères.Maisiln’estpascommetoi.Ilestauxcôtésdesafamille

etdesesamis.Mêmeaprèscequetuluiasfait–cequetunousasfait–,ilaacceptédemevenirenaide.Alorsnevienspasmedirecequetucroissavoirdelui.LetéléphonedeDominicsonnaetilréponditimmédiatement.—Non,cen’estpasunebonneidée,déclara-t-ild’untonbrutal.Ellen’estpasenmesuredele

supporter.Restedanslavoiture.—Supporterquoi?—Rien.Rienqu’onpuisseenvisageraujourd’hui.—Encoredesmensonges?Commentlaisserlepasséderrièrenoussionnepeutmêmepasêtre

honnêtesl’unenversl’autre?Abbyvints’interposerentreNicoleetlaporte.

—Jesuisd’accordavecDominic,Nicole.Pasaujourd’hui.UnvoilerougebrouillalavisiondeNicole.Unatrocepressentiments’emparad’elle.Cen’estpossible.—Quiestdanscettelimousine,Dominic?Qui?NicolerepoussaAbbyetDominicpours’élancersurleperrondepierreendirectiondesvéhicules.

EllemarchadroitsurceluideDominic.Lemensonges’arrêteaujourd’hui.Elleouvritlaporte…pourlarefermertoutaussivite.—Emmène-moiloind’ici,Jeff,ditNicole,àl’abridansl’habitacledesaproprelimousine.Ilmitlesgazetappuyasurlacommanded’ouvertureduportail.Toutenconduisant,ilnequittait

pasdesyeuxlerétroviseurpoursuivrelascènedansl’alléederrièrelui.—Vousêtessûre?Parcequ’ilyaunepetitefoulequinouscourtaprès…Etmêmeunevieille

dame.Nicoleplaquasesdeuxmainssursonestomac.—Certaine.Etlavieilledameestmamèremortedepuisdesannées.Situneveuxpasmevoir

devenircomplètementfolle,tuasintérêtd’arriveravanteuxàlagrille.Jeffaccéléra.—Vousêtesvraimentsûrequec’estvotremèreetpasunecousineou…—Sajumelle?Non,c’estbienmamère.Onsaitceschoses-là.Bonsang,mamèreestenvie.Je

devraisêtreheureuse.Quandmême,elleestvivante.Etpourquoin’est-ellepasmorte?TouslesenquêteursdeDominicaffirmaientqu’elleétaitmorteenItalie,ilyaplusdedixans.Pourquoiauraient-ilsmenti?—Ça,cesontdesquestionsdontvouspourriezobtenirlesréponsesenfaisantdemi-tourpouraller

leurdemander,répliquaposémentJeff,cequieutledond’exaspérerNicole.Lajeunefemmeéclataensanglotsentrecoupésderires.—Mamèreestenvie!Mamèreestenvie,serépétait-ellesansdiscontinuer,tandisquesonesprits’enflammait.—Ellenevoulaitpasdemoi,c’estça.J’aimaisencoremieuxquandelleétaitmorte.Ilsfranchirentlagrille,etJefffitquelquestoursauhasarddanslesruesvoisinesjusqu’àêtresûr

qu’ilsn’étaientpassuivis.—Jevousconduisoù?Ilnerestaitplusqu’unesolution.—Emmène-moiàl’immeubledebureauxdeStephan.Jeffluijetaunregarddanslerétroviseur.—Jenesuispascertainquevousdevriezyallerdanscetétat.Laragefroidequibouillonnaitaucreuxduventredelajeunefemmenelaissaitguèredeplaceau

débat.Ilfallaitàtoutprixqu’ellesache.—Dominicm’aditqueStephanavaituneautreraisondemevenirenaide–uneraisonquin’arien

àvoiravecmoi,etquiestsimplementunmoyendesevengerdeDominic.—Etvouspensezqu’ilvavousladire?demandaJeff.Nicolecroisalesbrassursapoitrine.—Ohoui,ilvameladire.Jevaisluiarracherlavérité,àcesalaud.

Chapitre19

—NICOLEDOITÊTREUNSACRÉCOUP,MONPOTE,PARCEQUETUNAGESENPLEINDÉLIRE.—LaisseNicoletranquille,grondaStephan.Est-cequetupeuxéliminercevirus?Peuimportele

prix.Est-cequeleprocessusestréversible?—J’ail’impressionquetunecomprendspascequejedis.Jen’aiaucuneenviedefaireça.J’ai

introduitunbugdanssonsystèmepourdevenirunestarchezleshackers,paspourdevenirlecrétincélèbrepourêtreretournédanslecodedéfairecequiavaitétéfait.Cen’estpasunjeu.Iln’yapasdeboutonsurlequelonpeutappuyer.—Leschosesontchangé.Jenepeuxplusfaireça.—Rienn’achangépourmoi.Lemoisprochain,lorsqueDominicchargerasonlogiciel,ilvase

retrouveravectellementdeproblèmesdeserveurqu’ilpasserapourunbouffondel’informatique.Etàmoilagloire!—Jenepeuxpastelaisserfaireça.—Troptard,Stephan.C’estdéjàfait.Etpasquestionquejeportelechapeauparcequetabiteest

connectéeàtaconscience.Nemerappelleplus.Sijemefaischoper,c’esttoiquipaieraslespotscassés.Moi,jenesuisqu’unfigurantdanscettehistoire.D’aprèstoi,quiest-cequ’ilsvontvouloirmettreentaulepourfairelesgrostitres?Ungeekinconnuaubataillon…oubientoi,Stephan?Réfléchisbien.Encasdepépin,moijemeretrouveraisûrementembauchéparuneagencegouvernementalepourbossersurleursfaillesinformatiques,pendantquetoitucroupirasenzonzon.Nemerappelleplus.Lacommunicationfutcoupée.Stephanaperçutsonrefletdanslemiroirdel’autrecôtédelapièce–etdétestacequ’ilvit.

Commentenétait-ilarrivélà?Àquelmomentlebesoindeprotégerl’environnement,puissafamille,l’avait-ilconduitàça?Ilétaitdevenul’hommequ’ilavaitentreprisdedétruire.SiseulementNicoleavaitétéaussifourbeetméprisablequ’ill’avaitcrueuncertaintemps,alorsil

auraitpus’éloignerd’elleets’enalleràlafindecettehistoire.Maisnon.Ilavaitfalluqu’ellesoitletypedefemmequ’unhommeaenviedeprotéger,ycompriscontrelui-même.Ellenehaïssaitpasvéritablementsonfrère–cequirendaitlegestedeStephand’autantplus

infâme.Ilallaitdevoirtoutluidire.D’unefaçonoud’uneautre.Nicoleenavaitsoupédesmensonges.Finidejouer.SoitStephanavaitdessentimentspourelle,soit

iln’enavaitpas.Elledébouladanssonbureaucommeunefurie.—Jet’aime,dit-elleavecunairdedéfi.Jet’aimedepuisquetum’asharceléejusqu’àceque

j’acceptedesortiravectoi,ilyaseptansdecela.Jet’aimaisencorequandjepensaisquetumedétestais.Etlestroissemainesquejeviensdepasseràtescôtéscomptentaunombredesmeilleursmomentsdemonexistence.Alorsjedoissavoirsitumemens,Stephan.Ya-t-ilquoiquecesoitdevraientrenous?M’aimes-tuoucherches-tuàtevengerdemonfrèred’unemanièreécœurante?Dis-moilavérité.Jeméritedesavoir.Dominicpensequetumemanipulespourluinuire.Dis-moiquece

n’estpasvrai.Deboutdevantsonbureau,elles’autorisaenfinàreprendresonsouffle.Puiselleattendit.Ilnerépondaitrien.Nicoleeutl’impressiondeprendreuncoupenpleinepoitrine.Assisdansson

fauteuil,ilaffichaitunairaussicoupablequepitoyable.—Espècedesalaud.Etquandallais-tumeledire?Stephanhaussalesépaulesenungesteflou.—Peuimportepourquelleraisonj’aiacceptéaudébut.Tuteservaisdemoietmoidetoi.—Etqu’est-cequetugagnaisaujusteàêtremonfiancé?Ilfutsurlepointderépondre,maisellel’interrompit.—Non,jeneveuxmêmepaslesavoir.J’enaimarredetoutça.Detoi,demonfrèreetdetousces

mensonges.Jen’enpeuxplus.—Nicole,je…—Quoi?Tuveuxpeut-êtremedirequetum’aimes,toiaussi?dit-elleenpartantd’unriretriste.

Etpourquoipas,aprèstout?Allez,dis-le.Mêmesic’estunmensonge…J’ail’impressionquepersonneneditlavéritéautourdemoi.Elletournalestalonsets’apprêtaàquitterlapièce.Stephanseruasurlaporte.—Oùvas-tu?demanda-t-il.—Jenesaispas,maisnefaispascommesiçat’intéressait.Stephantenditunemainverselle,maisellel’esquiva.—Nemetouchepas.Jeneveuxplusjamaisquetumetouches.Nicolesortitdubureauetpritl’ascenseurpourrejoindreJeffdanslalimousine.Sesyeuxétaient

secs;elleavaitfinidepleurer.—Oùva-t-on?demandaJeff.—Tuneveuxpassavoircommentças’estpassé?demanda-t-elled’unevoixlasse.Toutenglissantlavoituredanslacirculation,Jeffsecoualatête.—Pasvraiment,non.Nicolefrappalesiègeàcôtéd’elle.—Dominicavaitraison.Iln’afaitçaquepourunestupidequestionderivalitéentreeux.Stephan

nem’ajamaisaimée.Jenel’intéressepas.Toutçan’estqu’unjeupoureux.C’estprobablementpourçaqueDominicn’arrêtaitpasdem’appeler.Ilvoulaitgagneretj’étaisleprixduvainqueur.Pluselleressassaitlesfaitsetplussacolèregrandissait.EllelatournacontreJeff.—Tucroistoutsavoir,hein?Alorsdis-moi,est-cequetoutçan’étaitqu’unmatchentredeuxego

surdimensionnés?Jenet’entendsplus,Jeff?Oùsontpasséstesconseilsettesprophéties?LesépaulesdeJeffs’affaissèrent.—Jesuisdésoléqueleschosesaienttournéainsi.C’esttout.Désoléquevousayezàsubirça.Nicolesoupira.Iln’yestpourrien.—Moiaussi,Jeff.Moiaussi.—Oùestmonpère?demandaStephanàsononcle,venul’accueilliraprèsqu’undesmembresdu

personnell’eutannoncé.Lesourired’Alessandrocédalaplaceàuneminesoucieuse.Ilneposaaucunequestionnéanmoins.—Victorestentraindeliredansmonbureau.Stephanremontaitlecouloirquandlavoixdesononclel’arrêta.

—Sachequejesuislàsituasbesoindemoi.Siseulementjeméritaistonsoutien…—Jesais.Merci,réponditStephansansseretourner.Installédanssonfauteuilpréféré–spécialementrestéàsonintentionauxÉtats-Unis–,Victorreplia

sonjournalenentendantsonfilsarriver.Ilétaitaussiàl’aisedanslamaisond’AlessandroquedanssavillaenItalie,etiltiraitfiertédelacertitudequ’ilenallaitdemêmepoursonproprefrèredansleursdeuxmaisons.Stephans’arrêtapiteusementdevantlefauteuildesonpère,incapabledeleregarderdanslesyeux,

dansuneattitudequ’iln’avaitpluseuedepuisl’enfance.Depuislejouroùilavaitbrisélavitredelavoitured’uninvitéetqu’ilétaitvenuconfessersonforfait.Maislà,leschosesétaientplusgraves.Infinimentplusgraves.—Papa,ilfautquejeteparledequelquechose.Inutiledepréciseràquelpointl’affaireétaitsérieuse.—Quesepasse-t-il?demandaVictorsuruntond’inquiétude.C’estNicole?Vousvousêtes

disputés?LeursregardssecroisèrentenfinetStephansecoualatête.—J’aimeraisquecesoitaussifutile,papa.Maisjevaistedirequelquechosequivachanger

l’imagequetuasdemoi.—Tuessûrquecettechose-làmérited’êtredite?Victorposalejournalparterre.—Ilfautquej’enparleàquelqu’un.Victorselevaetposaunemaincompatissantesurl’épauledeStephan.—Cen’estjamaisaussigravequ’onlepense.Parfoissi.—J’aiaidéunhackeràchargerunvirusdansleserveurchinoisdeDominicCorisi.J’aiuséde

mesrelationspourobtenirsescodesd’accès.Victorselaissaretomberdanssonfauteuil;sonvisageétaitlivideetsonnezpincé.C’estbiencequejepensais,songeaStephan.Riennepouvaitjustifiercequ’ilavaitfait;toutaupluspouvait-ilexpliquer.—J’étaisencolèreaprèsavoirloupélecontrat,etjepensaisqu’illeméritait.Dèsl’instantoù

Dominicvamettresonlogicielenligne,ilvatoutperdre.—Stephan…Commentas-tupufaireunechosepareille?Jamaisiln’avaitentenduunetelledéceptiondanslavoixdesonpère.Ilenfutdéchiré.Jemesuisposécettequestionunmillierdefois.Stephanmarchajusqu’àlafenêtre.L’expressiondouloureusesurlevisagedesonpèrerestait

impriméesursarétine;ellepromettaitdelehanteràjamais.—Jenesaispas,papa.J’étaissiobsédéparl’idéedel’emporterquej’aiacceptédemettreà

exécutionunplanquivaàl’encontredemesvaleurs.—Est-cequeNicoleestaucourant?Stephannesongeamêmepasàmentir.—Ellesaitquejel’aimanipuléepouratteindresonfrère,maisellen’ensaitpasplus.Personne

n’estinformé.Ilestprobablementimpossiblederemonterjusqu’àmoi.—Alorspourquoiviens-tumeraconterça,Stephan?Ils’étaitattenduàcequesonpèresoitencolère;ils’yétaitpréparé.Maisilnesavaitpascomment

réagirfaceauregretetàl’amourindéfectiblequ’ilpercevaitdanssavoix.—Parcequej’aigagné.J’aifinalementbattuDominic.—Mais?Sonpèreleconnaissaitsibien.—Maisjenepeuxpasvivreensachantquej’aifaitdumalàNicoleparcetacte.Elleadéjàsubi

tantdetrahisons.Aujourd’hui,elleestarrivéecommeunetornadedansmonbureaupourm’annoncerqu’ellem’aimait.Ellevoulaitsavoirsimoiaussijel’avaistrahie.J’auraisdonnén’importequoipourpouvoirdirequ’ellefaisaitfausseroute.J’aitentédedéfairecequej’aifait,maisilesttroptard.Jenevauxpasmieuxquesaproprefamille.Elleestvenuemedemandermonaideetjemesuisservid’elle.Stephanseretournapourregardersonpèredanslesyeux.Ilsrestèrentaussiimmobilesetsilencieuxl’unquel’autre.—Disquelquechose,papa,murmuraStephan,àbout.N’importequoi,maisdisquelquechose.Levieilhommesefrottamachinalementungenou,commepourcalmerunevieilledouleur.—J’aimeraissavoirquoidire.J’aimeraistantquetoutçanesoitpasmafaute.Stephantournavivementlatête.—Tafaute?Maisriendetoutçan’esttafaute.Tuesl’hommequej’aimeraisêtre.Sonpèresecouasombrementsonbeauvisagealtier.—Non,Stephan.Nousavonstousnosdéfauts.Lesmiensm’apparaissentdeplusenplusclairement

avecl’âge.—Maisdequoiparles-tu,papa?Victorselevapourvenirenfacedesonfils.—Tuétaisunbonfils,Stephan.Quandtuétaisjeune,tufaisaistoutcequejetedemandais.Je

pensaisqu’unjourtureprendraislasociété,quandletempsseraitvenu.Mais,aprèslafac,jet’aivupartirenCalifornie.Tut’eséloignédemoi,delafamille,denosaffaires.Toutcequit’intéressait,c’étaitdefairedesfilms.Et,pourmoi,iln’yavaitaucunavenirdanscettevoie.—Cen’estrien,papa.Letempsapasséetçan’aplusd’importance.LaminedeVictorsefitplussévèreencore.—Si,c’estimportant.J’auraisdûtelaisserdevenirl’hommequetuvoulaisêtre.Tuétaisheureux

danscettevie-là.Sijenem’enétaispasmêlé,tuseraissansdoutemariéàNicoleaujourd’hui.Vousauriezpeut-êtredesenfants.—Jenecomprendspas.—L’économiepiquaitdunez,poursuivitlevieilhomme.J’étaisfatigué.Jevoulaisprendrema

retraiteetlebusinessnet’intéressaitpas…J’aidoncpriscontactavecDominic.AndradeSolutionsétaitdéjàdanslerouge.Lerendementétaitloind’êtrecequej’avaisescompté.Lamoitiédelafamilletravaillaitpourmoi.Cen’étaitpascommeaujourd’huioùAlessandroasapropreaffaire.J’avaisconvaincutoutlemondedemesuivreauxÉtats-Unispourdémarrerunenouvellevie.Alorsilfallaitquejedonneàchacunsuffisammentd’argentpoursuivresonchemin.Jeleurdevaisbiença.Et,pourça,j’aiinclusIsolaSantosdansl’accord.Cen’estpasDominicquimel’avolée.Jeluiaivendul’îleetj’aipartagél’argententretouslesAndrade.Souslechoc,Stephanrecula.—Maispourquoi,papa?Pourquoifallait-ilquetuaillesvoirDominic?—Parcequ’ilavaitlesmoyensd’acheter,etparcequejet’envoulais.Tuvivaistaviesanste

soucierderien.Tuavaistrouvéunefemmequelafamilleadorait,ettuluifaisaisdesavancescommeunvulgaireclochard.Jesavaisquefaireappelàsonfrèreallaitêtreunobstacle,dit-ilendétournantlatête.Jevoulaisquetugrandisses.

—Etpendanttoutescesannéesj’airejetélafautesurDominic…Subitement,Victorparutvieilli.—Jesais.Audébut,jepensaisqueceseraitunebonnechosequetuaiesunadversaire.Et,pendant

uncertaintemps,çaaétélecas.Tuasdéménagéet,avantmêmequej’aieletempsdedire«ouf»,tut’étaislancédansl’informatique.Malheureusement,jenesavaispasàquelleguerresansmercivousalliezvouslivrer,Dominicettoi.Et,quandj’aicomprisquetuavaisvraimentaiméNicole,ilétaitdéjàtroptard.Stephansesentitchanceler;cettenouvellechangeaittout.Ilavaitpasséseptannéesdesavie

obnubiléparunévénementquines’étaitjamaisproduit.Dominicn’avaitrienvolé.Et,plusencore,Nicoleétaitinnocente.Qu’est-cequej’aifait?—Jesuisdésolé,monfils.Toutestmafaute.—Non,ditStephan.Ilétaitdevenuunhommemeilleurd’avoirpassédutempsavecNicole.Ilentendaitlavoixdela

jeunefemmedanssonesprit.«Tuastrenteetunans,Stephan.Ilesttempsd’assumertesresponsabilités.»—Tuasdéclenchétoutça,papa,maisj’auraispulaisserNicoles’expliquerilyaseptans,aulieu

delarepousserparmesaccusations.J’auraispurenonceràcettevengeancequim’obsède.Aulieudeça,j’aifaitcequej’aifait.J’aifranchiunpointdenon-retour.—Nicole,tul’aimes?demandadoucementVictor.Lavéritéétaitlebaumerequis–mêmesielleneseraitpasagréableàentendre.—Oui,maisnosfiançaillesn’étaientqu’unemascarade,papa.—Jesais.Alessandromel’adit.—Etcommentl’a-t-ilsu?Maddy!—Sivousétieztousaucourant,pourquoiavez-vousfaitcommesi?Toutcelan’avaitaucunsens.Victorréponditenhaussantuneépaule:—Nicoleestlafemmeaveclaquellenousvoudrionstoustevoir.Elleauncœurencoreplusgrand

quel’Italie,ettousceuxquivousontvusensembleneserait-cequ’uneminutesaventbienquevousêtesfousl’undel’autre.LesépaulesdeStephans’affaissèrentsouslepoidsdeladéfaite.—Elleestpartie,papa.J’aimerdéetjel’aiperdue.—Çaneressemblepasaufilsquejeconnaisdedireça,murmuraVictorenposantunemain

affectueusesurl’épauledeStephan.Jamaistun’asbaissélesbraspourquelquechosequitetientàcœur.—M’excusernesuffirapas,ditStephanenregardantsonpèredanslesyeux.Victorhochalatête.—Tuasraison.Qu’es-tuprêtàrisquerpourlarécupérer?Tout.N’importequoi.—Papa,jerisquelaprisondanscettehistoire.Sonpèreluiserradoucementl’épaule.—C’estvrai,etc’estpourçaquejenesaispasquoiteconseiller.Maisjenetrahiraipastonsecret,

quellequesoittadécision.Stephanretintunequestion.Laréponseimportaitpeuaudemeurant.

Victorvitl’expressiondesonfils.—Queveux-tusavoir,Stephan?Laquestionjaillittouteseule.—Pourquoinemereproches-tupasd’avoirtoutgâché?JamaisnousnerécupéreronsIsola

Santos.—Stephan,tucroisvraimentquenotrehéritageestunrocherdanslamer?réponditVictoren

secouantlatête.Non,c’estlamanièredontnousnouscomportonsvis-à-visdenosfemmes,denosenfants…etmêmedenosennemis.Voilàcequinousestléguéetquenousdevonstransmettre.Tuascommisunacterépréhensible,maistuasencoreletempsd’yremédier.Jeneveuxpastevoirallerenprison,Stephan.Maissituneréparespascequetuasfait,alorsjecrainsdedécouvrirceluiquetudeviendras.Stephanseredressa.—Jedoisarrêtercevirusavantqu’ilneplanteleserveurdeDominic.Victorhochadoucementlatête.EtStephanleserrafortcontrelui.Jamaisiln’avaitéprouvéplusde

respectpoursonpèrequ’encetinstant.Cequirestaitdebonenlui,c’étaitàlaforceetàl’intégritédel’hommequil’avaitélevéqu’illedevait.Sijesurvisàcettefolie,jeprometsdem’efforcerd’êtretoujoursdignedesonexemple.—Oùvas-tu?demandaVictoralorsqueStephans’apprêtaitàquitterlapièce.Lejeunehommes’arrêtasurleseuil,sansdévierdesaroute.—JevaisvoirDominic.Ilestleseulquipuissefairequelquechosedésormais.Et,commeils’éloignait,ilentenditlesparolesdesonpèrederrièrelui.—Voilà,ça,c’estmonfils.

Chapitre20

NICOLEOCCUPAITLEVIEUXFAUTEUILDECUIRDERRIÈREL’ÉNORMEBUREAUD’ACAJOUDESONPÈRE.Commentensuis-jearrivéelà?Ilyabieneuuntempsoùjedevaisêtreheureuse.Desimagesluirevinrentd’untempsavantladisparitiondesamère.Entrelesaccèsdecolèrede

sonpère,ellevenaitlevoirdanscettepièce.Commeelleétaitfièrealorsdecethommesipuissant.Ilcommandaitàsonentouragecommeunroiàsonarmée;etcefauteuilétaitsontrône,surlequelill’avaitautoriséeàgrimperpourdemanderunverredelaitàlasecrétairevial’intercom.Non,ellen’avaitpastoujoursétésimalheureuse.Maiscetterévélationneluiapportapaslesréponsesqu’ellecherchait.Pourquoimamèrerevient-ellemaintenant?Etoùétait-ellependanttoutcetemps?Dominicétait-ilsérieuxlorsqu’ilm’aditvouloirrenoueravecmoi?Commentai-jepumetromperàcepoint-làausujetdeStephan?Nicolecaressalasurfacedubureaudesonpère,etuneautrequestionluivint.Est-cequec’estvraimentlàquej’aienvied’être?Depuisdeuxsemaines,ellesiégeaitauconseild’administration,dirigeaitl’entreprisedesonpère,

etattendaitvainementqu’unesensationd’euphories’empared’elle.Mêmequandellenégociaitdenouveauxcontratsouélaboraitdesstratégiespourtirerlescomptesdurouge,ellen’yprenaitaucunplaisir.Enfait,jem’enfousunpeudesordinateursetdeslogiciels.Commentai-jepuenfaireabstraction?Nicoleposaunregardneufsurlebureauetlasociétédesonpère.C’étaitlerêved’unhomme

défunt;paslesien.Jusqu’àprésent,jemesuistellementdémenéepourêtrecellequejepensaisdevoirêtrequejeneme

suisjamaisdemandéquijevoulaisêtre.Audébut,elles’étaitplongéedansl’informatiquepourconquérirl’affectiondesonpère.Parla

suite,elles’étaitacharnéeàsauverl’entreprise,pluspournepasperdrelesemployésdontelleétaitprochequepourévoluerdanslemondedesaffaires.Nicoledécrochapourappelerunepersonneàquiellesavaitpouvoirfaireconfiance.Quelqu’un

quiavaittoujoursétéàsescôtés.—George,quediriez-vousdechoisirunnouveaudirecteurgénéral?Non,jeneparspasen

vacances,jeréorientemacarrière.Àdirevrai,Georgen’étaitpassurprisoutremesure.Ilneposaqu’uneseulequestion.—Cequejevaisfaire?répétaNicole.Jenesaispas,répondit-elleensongeantàsonfoyer

d’accueildefemmesvictimesdeviolences.Quelquechosedansuneassociationàbutnonlucratif…Dominicn’étaitpasseuldanssonbureau.Adosséàunrayonnagedelivres,l’incontournableJake

étaitassezprèspourcapterlaconversation,maissuffisammentloinpourn’êtrequ’unobservateur.Stephanpénétradanslapièceavecladéterminationd’unhommebiendécidéànepartirqu’unefoistouteslesquestionsréglées.Étonnamment,Dominicavaitconviésafiancéeàl’entrevue.Deboutàsescôtés,elleluitenaitla

main–cequiexpliquaitsansdoutepourquoicettemain-làn’étaitpasdéjàentraind’étranglersonennemijuré.—Stephan,ditDominic,enguisedesalutdénuédetoutechaleur.Jeteproposeraisbiende

t’asseoir,maisj’aimeraisautantqueçanedurepaspluslongtempsquenécessaire.Tum’asditquetuavaisuneinformationpourmoi.Quelquechosequetunepouvaispasmedireautéléphone.Stephanpritsurlui.—Commeiln’yapasmoyenderendreçaagréable,jevaisêtredirect.Tonserveurchinoisaété

piratéetc’estmoiquiensuisresponsable.Nelemetssurtoutpasenservicelemoisprochainavantdel’avoircomplètementdébuggéettantquetouslesessaisvoulusn’aurontpasétéfaits.LevisagedeDominicviraaurougefoncé,puisaublanc.Ilfitunpasenavant,l’airmauvais;

Stephannebougeapasd’unpouce.—Jevaistetuer.Abbys’interposaentreeux,unemainposéesurletorsedechacun.—Dominic,lefrappern’arrangerarien.—Jenevaispasmecontenterdelefrapper…—Laissez-le,ditStephan.Jelemérite.—Ohqueoui,confirmaDominic.Jakequittasapositionenretraitpours’approcherdutrio.—Pourquoiêtes-vousvenu,Stephan?Pourquoinousprévenir?—Tut’esplanté,c’estça?raillaDominic.Quelqu’unt’arepéréettupensesfairepasserlapilule

envenantenparlerlepremier?Stephandemeuraitparfaitementimmobile,lesmainsaufonddespoches.—Non,j’aimenémonaffaireàlaperfection.Iln’yaaucunmoyenderemonterjusqu’àmoi,ni

personnequipourraitavoirintérêtàrévélercequej’aifait.—Alorspourquoiavouer?insistaJake.C’estduchantage?Vousavezlecodepourrétablirle

serveur?—Non.J’aimeraisl’avoir,maisjenel’aipas.Jenesaismêmepassiuneremiseenétatest

possible.—Tuveuxmourirjeune,c’estça?grondaDominic.—C’estàcausedeNicole?demandaAbbyenretirantsesmains.—Sic’estça,tuesvraimentuncrétin,ditDominic.Tuvaspassertellementdetempsenprison

qu’elleseraàl’hospicequandtusortiras.LesépaulesdeStephansevoûtèrent;ilavaitméritéchacunedesremarques.—Jecomprendraisparfaitementquetuappelleslapolice,Dominic.Jeferaispareilàtaplace.—Stephan,oùest-elle?demandaAbbyavecinsistance.Quitteoudouble.—Jenel’aipasvuedepuishier.Ellem’aditqu’ellem’aimait,puism’ademandésijela

manipulais.Jevoulaisluidirequenon,maisj’aibeletbienutilisénosfaussesfiançaillespourdétournerl’attentiondeDominicdestestssurleserveur.Etçaafonctionné.Simplement,jenesavaispasque…—Quevousallieztomberamoureuxd’elle,complétaAbby.—Exactement,confirmaStephan.Écoutez,jesaisqu’ellenevoudrajamaismerevoir…—Tantmieux,grondaDominic.Parcequetuasautantdechancesdelarevoirquederester

solvablelorsquelanouvellevaéclater.—Nenousemballonspas,intervintJake,tentantdefaireentendrelavoixdelaraison.Ilfautbien

réfléchir,Dom.Iln’estpassouhaitablequecettehistoiredevirusserépande.LaChinepourraitdevenirnerveuseetseretirerdel’accord.Mieuxvautnepasfairedevaguesetréglerçaeninterne.—D’autrespersonnessontaucourant?demandaDominicens’avançantencored’unpas.

Stephannebronchapas.IlnehaïssaitplusDominic,maisiln’allaitpaspourautantbattreenretraite.—Non.Dominicserralespoings.—Net’imaginepasêtretiréd’affaire.Tuvaspayerpourça.Etsicen’estpaspar…lesystème

judiciaire,alors…Abbys’interposaunenouvellefois,lesmainslevéesensigned’exaspération.—Çasuffit!Vousvouscroyezoùtouslesdeux?Ondiraitdeuxgossesquisedisputentunjouet

dansunbacàsable.Maintenantqu’onestavertisdeceproblèmedevirus,onlerègle.Toutcequim’intéresse,c’estdesavoiroùestNicole.Hier,elleaapprisquesamèreétaitvivante,etquel’hommequ’elleaimesesertd’elle.Cen’estpasbon.Ilfautlaretrouver.Stephansepenchaenavant,menaçantDominicsansmêmeenavoirconscience.—Samèreestvivante?Ettulesavais?Dominictressaillituninstant,avantdeluijeterunregardnoir.—C’estmamèreégalement.Celanefaitquequelquessemainesquejel’aidécouvert.Onnesavait

pascommentapprendrelanouvelleàNicole.C’estlameilleure…—Toi?Tut’esdonnélapeinederéfléchiràça?Situluifaisdumal…Stephanserralespoingsàsontour.Faceàlui,Dominicétaitdansuneposturetoutaussi

belliqueuse.—Tuesladernièrepersonnequidevraitparlerdeça.Uneseulequestionseposait:quiallaitfrapperlepremier?Leregardd’Abbyallaitdel’unàl’autre;ellepritcequidevaitêtresavoixdeprofesseure.—Sérieusement,arrêtez!Ilnes’agitpasdevous,maisdeNicole.Oùa-t-ellepualler?Dominicbaissad’unton;ilavaitpresquel’airdes’excusersousleregardindignédesafiancée.—JevaisappelerThomas,dit-ild’untonétrangementdoux.Ilapeut-êtredesesnouvelles.—Vousdevezsavoiroùelleestallée?demandaAbbyàStephan.Lejeunehommeneputretenirsonsoufflepluslongtemps.—Pasexactement,maisjesaisquipourraitsavoir.Aupieddel’immeubledebureauxdeDominic,Stephans’approchad’unhomme.—Mercid’êtrevenu,Jeff.—Jen’étaispascertaind’avoirbiencomprisquandvousm’avezdonnél’adresse,réponditJeff,

deboutàlaportièredelalimousine.—Jeff,sais-tuoùestNicole?—C’estpossible.—Possible?—Çadépenddecequisepasse…,précisa-t-ilendésignantDominic,AbbyetJake.—Onveutjustes’assurerqu’ellevabien,ditStephan.J’aibesoindesavoir.—Jenesaispassivousêteslesmieuxplacéspourjuger.—Contrairementàtoi?rugitStephan.Maistuteprendspourqui?—Justelechauffeurquisaitoùelleest,réponditJeffenhaussantlesépaules.Ilnecédaitpasunpoucedeterrain,inébranlablecommeonl’estàsonâge.Stephanlevalesbrasauciel.—Jel’aimeetj’aicommisdeserreurs.Ellesouffreàcausedemoi,maisilnefautpasqu’elle

resteseule,dit-il,avantdepoursuivre,quandbienmêmechaquemotluicoûtaithorriblement.Mêmesielleneveutpasmevoir,elleabesoindessiens.Jeffhochalatête,manifestementsatisfaitdequelquechosequ’ilavaitpuvoir.—D’accord,nevousprécipitezcependantpastousenmêmetemps.Lajournéed’hierl’a

particulièrementsecouée,maiselleserrelesdents.Ellenevapasbien,c’estsûr.Unsoutienluiferaitleplusgrandbien.Enrevanche,sic’estencoreunehistoiredeguéguerreentrevousetDominic,laissez-latranquille.Çavaudramieuxpourelle.Stephanbrûlaitd’allerlavoir,pourlasupplierdeluipardonner.Mais,aussiétonnantquecela

puisseparaître,ceJeffn’avaitpastort.PlusStephanprenaitlamesuredesessentimentspourelleetplusilsentaitbienquecejourn’étaitpaspourlui.Nicoleavaitbesoindesonfrère.StephansetournaversDominic.—Valavoir.Elleabesoindetoi.Sourcilsfroncés,DominicsetournaversAbby.Avecunsourire,lajeunefemmehochalatête.—Tupeuxveniravecnous,Stephan,dit-ilsuruntonquin’avaitriendechaleureux,maisqui

n’étaitpasmenaçant.Ellevoudratevoirtoiaussi.Personnenebougea.—Abbyaraison,ditDominic.Toutça,c’estpourNicole.Et,commepersonnenesedécidaitàrejoindrelavoiture,ilenchaînaengrognant.—J’aicompris.Oui,c’estaussimafauteenpartie.Jen’auraisjamaisachetévotreîlesij’avaissuà

quelpointelleétaitimportantepourvous.Etjen’auraisjamaisreprisl’entreprisedetonpèresij’avaissuàquelpointlesAndradeavaienttousétéaussibonsavecNicole.J’aivraimentuneenviefolledetefrapper,maisjen’enferairiensimasœurt’aime.Çavacommeça?Onpeutembarquermaintenant?PourDominic,cesquelquesphraseséquivalaientvraimentàdesexcusesenbonneetdueforme.—Oncommettousdeserreurs,ditStephan,unpeuironique.Jen’auraisjamaissabotétonserveur

sij’avaissuqu’unjouronmonteraitdanslamêmelimousine.Sonironiedissipalatensioncommeparmagie.Jakeleurtapotaamicalementl’épaule.—C’estparfait.Allons-y.Toutlemondeenvoiture,dit-ilenlesfaisantavancer.Diplomatiquement,ils’installaentrelesdeuxhommesd’affaires,mêmesicesderniersveillaient

déjààseteniraussiéloignésquepossiblel’undel’autre.Surlaroute,Jakenequittapasdesyeuxlesvitresdeséparation.Pourfinir,ilencommanda

l’ouverture.—Jeff,dit-il.C’estbiença?—Oui?—Vousn’êtespaslechauffeurhabitueldeNicole,n’est-cepas?—Exact.Jeremplacemonpèrepourl’été.—Vousavezgérélasituationavecbeaucoupdedoigté.Tenez,ditJakeenluitendantsacarte.Si

vousvoulezvouslancerdanslesaffaires,appelezmasecrétaire.Onadesplacespourdesjeunesgensdécidésàfaireleurspreuves.Enriant,Jeffluirenditsacarte.—Mercidel’offre,maisjesuisentraindefinirmondoctoratenpsychologie.Jenesavaispas

encorebienversquellespécialitém’orienter,maisjecroisquejevaismelaissertenterparlathérapiedecouple.Enfait,c’estbienplusfascinantquecequ’onpeutliredansleslivres.Jepensaisquej’allaism’ennuyeràmouriràconduireNicoleàdroiteetàgauche,maismonmémoires’écrit

pratiquementtoutseul.Dominicsepenchaenavantpourparlerd’unevoixcertescalme,maislourdedesous-entendus.—SijevoislenomdeNicole,oulemoindreélémenttrahissantcequ’elleaputedire…—Tun’auraisrienàfaire,renchéritStephan.Ilseraitdéjàmortunefoispasséentremesmains.Abbysepenchaàsontourpourappuyersurlacommandedelavitre.—Byebye,Jeff!Neleprenezpasmal.Jevienstoutjustedecalmercesdeux-là.Justeavantquelavitrenesereferme,lechauffeureutletempsd’uneultimeréplique.—Vousvoulezpeut-êtreparlerdetoutçaàquelqu’un.Jepourraisvousfaireuntarifdegroupe.—C’estçaleproblèmeaveclanouvellegénération,grommelaDominic.Aucunrespect.Abbylaissafilerunpetitrire,quisetransformaenfranchehilarité.Jakesejoignitàelle.Et

StephaneutbiendumalàcontenirunsourirelorsqueDominic–l’hommequiavaitconcourupourletitredemilliardaireleplusmalheureuxaumonde–secoualatêtepourreconnaîtreavechumoursadéfaite.—Moijel’aimebien,déclaraAbbyenposantunemainsurlacuissedeDominic.—Tun’aspasintérêt,répondit-ilenlaserrantplusfortcontrelui.—Allez,lançaAbbyenluidonnantunpetitcoupdecoude.«Untarifdegroupe»,c’esthilarant.L’expressionmaussadedumilliardairefonditdevantlesourired’Abby.—Disdonc,tuesdequelcôté?Ellesepenchapourluidéposerunbaisersurleslèvres.—Letien,Dominic…Maisçanerendpaslachosemoinsdrôlepourautant.Dominicmurmuraquelquechoseàl’oreilledelajeunefemme;Stephandétournalatête.Avait-il

perdutoutechanced’accéderluiaussiàcegenredebonheur?SiNicolerefusaitdelerevoir,ilnepourraitluienvouloir.Maissielleparvenaitàluipardonner,alorsilsemontreraitàlahauteurcettefois-ci.

Chapitre21

NICOLEOUVRITLAPORTEDELASUITEDESONHÔTEL,ENS’ATTENDANTÀTOMBERSURLESERVICEd’étage.Aulieudecela,ellesetrouvanezànezavecunfrèremilliardaireparticulièrementrepentant.—Jepeuxentrer?demanda-t-ild’untonbourru.Delamaingauche,Nicoletenaitfermementlaporte.—Jenesuispasencoreprête,Dominic.Sonfrèrenepoussapaslepanneau,cequi,pourunhommetelquelui,démontraitqu’ilétait

désolé.—Jevoulaisjustem’assurerquetuallaisbien.—Dequoias-tupeur?L’expressionsurlevisagedesonfrèrelafitblêmir.—Jenesuispasébranléeàcepoint-là,Dominic.Jenevaispasmefairedemal.Lejeunehommepâlitencoreetsesépauless’affaissèrent.Ildonnaitl’impressionden’avoirpas

dormidepuisdesjours.—Jeneveuxpasteperdreunenouvellefois,Nicole.Lajeunefemmerecula,ouvrantlaporte.—Entre.Ilsprirentplacechacunsuruncanapé.NicoleétaitdansunepostureinconfortableetDominicavait

lesmainsposéessurlesgenoux.—Oùas-tutrouvémaman?demanda-t-elle.Illascrutauninstantavantderépondreenchoisissantprudemmentsesmots.—C’estellequim’atrouvélorsquej’aiconduitAbbysurl’île.Elletrouvaitquejecommençaisà

beaucouptropressemblerànotrepère.Ellevoulaitmesauverdemoi-même.—Oùétait-ellependanttoutescesannées?demandaNicoledansunmurmure.—Thomasl’aaidéeàfuirauvillageoùelleagrandi,enItalie…Ensuite,elleafeintd’êtremorte,

puiselleachangédenometvécudansunefuiteperpétuellejusqu’àlamortdepapa.—Elleavaitpeurdelui?—Oui.—Cen’estdoncpasparcequ’ellenenousaimaitpas?Nicolesemordaitl’intérieurdesjouespournepasfondreenlarmes.Dominicsepenchaenavant.—Ellenousaimait,Nicole.Etellenousaimetoujours.Elleavaitvraimentpeurpoursavie–età

justetitresansdoute.Elleveuttevoir.Elleveuts’excuserdetoutcequis’estpassé.—Jeneveuxpaslavoir,ditNicoleensecouantlatête.Pasencore.—Moinonplus,jenelevoulaispas.Jepensaisquejenepourraisjamaisluipardonner.Maisc’est

notremère,Nicole.Laseulequenousauronsjamais.Nicoleposaunemaintremblantesursabouche.—Jesuistoujourstrèsencolèreaprèstoi,Dominic.—Jesais,répondit-ilenseredressant.—TuavaisraisonausujetdeStephan,dit-elle,lesyeuxpleinsdelarmes.Ilnem’aimepas.Dominicselevapourlarejoindresurl’autredivan.D’ungestepleindegentillesse,illuitouchale

bras.

—Non,Nicole.Jemetrompais.C’estvraimentunemmerdeurdepremière…,commença-t-il,avantdes’arrêterpourreprendredifféremment.Ilestvenumevoircematinpourmedirequ’ilavaitutiliséleprétextedevosfiançaillespourdétournermonattentionpendantqu’ilsabotaitmonnouveauserveurpourl’Internetchinois.—Tuvois?dit-elleenreniflant.Ils’estservidemoi.—Non,tuloupesl’essentiel.Iln’étaitpasobligédevenirm’enparler.Ilauraitpusecontenterde

meregarderlemettreenroute,puisderaflerlamiselorsquelesChinoism’auraientviré.Apparemment,ilauraitétéimpossiblederemonterjusqu’àlui.—Alorspourquoiteprévenir?—Ill’afaitpourtoi.Nicolesursauta.—Iladitça?—Oui,réponditDominicavecunegrimacededégoût.Iladitça.—Tuauraispul’envoyerenprison.—Auminimum.Sansl’interventiond’Abby,ilauraitpuperdresaboîte,saréputation,etpeut-être

mêmesavie,répliquaDominicenseremémorantsacolère.—Alorsilm’aime.Ilm’aime!—Oui,grommelaDominic.—Etmoi,jel’aime!annonçaNicole.—Jesais,gronda-t-ilsurunenoteencoreplusgrave.—Ilfautquejelevoie,dit-elleenregardantfrénétiquementautourd’elle.—Ilestenbas,dansl’entrée,avouaDominicàcontrecœur.Desaisissement,Nicoledemeurauninstantbouchebée.—Tul’asamené?—Ilestvenuavecnousdanslalimousine,expliquaDominicenrougissant.Nicolesepenchapourserrersonfrèredanssesbras–leurpremièreétreintedepuisquinzeans.—Jen’arrivepasàcroirequetuaiesfaitçapourmoi,ajouta-t-elleenseredressantpourregarder

levisagedesongrandfrère.MalgrésonressentimentenversStephan,Dominicavaitfaitpasserlebonheurdesasœuravant

tout.—Quiauraitcruquesecachaitungrandsentimentalderrièretesmanièresdebruteépaisse?Dominicluisouritetlaserraàsontourcontrelui,aupointdeluicouperlesouffle.—Neledisàpersonne.J’aidéjàbiendumalàmefaireobéirdepuisquej’airencontréAbby.—Jesuisheureusequevoussoyezensemble,ditNicoleensedégageant.—Jesuisunemeilleurepersonnedepuisqu’elleestdansmavie.—C’estexactementcequejeressensavecStephanetsafamille,ditNicoleenhochantlatête.J’ai

lesentimentqueriennepeutm’arriver.Jesuislibred’êtrecellequejesuisvraiment.Dominicluipritlamain.—J’aieutortdememettreentrelesAndradeettoi.J’avaispeur.—Peur?s’exclamaNicoleenclignantdesyeuxdestupéfaction.Toi?Dominiclaregardadanslesyeux;iln’étaitpasfierdecequ’ilavaitfait,maisilnevoulaitpasse

dérober.Ilparlad’untondétaché,etNicolecompritquecettedistancequ’ilmettaitentreluietladouleurétaitsafaçonàluidesurvivre.—Monintentionétaitderevenirpourtoidèsquejemeseraissentisuffisammentfortpourte

protégerdenotrepère.Uneannéeestpassée,puistrois,puisquatre.Turefusaislemoindrecontactavecmoi.Jepensaistoujoursquetoutchangeraitlejouroùj’auraistrouvémaman.Lorsqu’onm’aditqu’elleétaitmorte,jesuisdevenufou.Foudecolèrecontrenotrepère,contrenotremèredisparue,etcontretoi,quisemblaist’accommoderdetoutça.PuistuasfaitlaconnaissancedesAndradeetcontinuécommes’ilsétaienttavraiefamille.Or,tuavaisdéjàunevraiefamille.Tum’avais,moi.Enachetantleursociété,jesavaisquejeglissaisunobstacleentreeuxettoi.Jelesavaisetjemesuisconvaincuquec’étaitpourlemieux.Nicoleserralamaindesonfrère.—Toietmoi,onaquandmêmeunsérieuxproblèmeavecl’angoissedelaséparation.Dominicouvritlabouchepourdirequelquechose,maisNicolelepritdecourt.—Cen’estpasgrave,Dominic.Cequicompte,c’esticietmaintenant.Celadit,ajouta-t-elle

commeunepenséeluivenaitsoudain,j’aimeraisautantquetunemettespasdesgardesducorpsdansmonsillage,vuqu’onseparledenouveau.Tuasunpeutendanceàexagéreravecça.—Jeprotègecequim’appartient.—Tuesmonfrère,Dominic.Riennepourrajamaischangerça,maisj’aimeaussilafamille

Andrade.Ilvafalloirquetut’yfassesetqueturespectescechoix.Pasquestionquejesoisdenouveaucoupéedumonde.Situveuxrevenirdansmavie,tuvasdevoiradmettrequejesuiscapabledem’occuperdemoi.—Oui,jeleferai…J’essaierai,concéda-t-ilenrougissant.Etpuisqu’onparledesAndrade…—Oùm’as-tuditqu’étaitStephan?Et,sansattendrelaréponsedesonfrère,Nicolecourutjusqu’àlaportepourseruerdans

l’ascenseur.StephansefigeasurplaceenapercevantNicole.Ilretintsonsouffleetattendit.Était-celedébutou

lafin?Elles’avançadanssadirectionàtraverslehalldel’hôtel.Bonsang,ilauraitvolontiersfaitlamoitiéduchemin,maislevisagedelajeunefemmeaffichaituneexpressionbiendifficileàdécrypter;sespiedsdemeurèrentcollésausol.Elles’arrêtaàvingtcentimètresdelui.—Tum’asmenti,dit-elle.—Oui,répondit-il,lagorgeserrée.—Ettut’esservidemoi.Àquoibonmentirdésormais?—Oui.—EttuassabotéleserveurdeDominic.Ilsecontentadehocherlatête.—Alorspourquoinefêtes-tupastavictoire?Pourquoiluiavoirtoutraconté?Ellesait.Ellesaitpourquoij’aifaitça.Stephans’éclaircitlavoix.—Parcequejet’aime.Ellesepenchaenavant,unemainderrièrel’oreille;unelueurmalicieusejouaitdanssesyeuxgris

somptueux.—Pardon.Qu’est-cequetuasdit?Jen’aipasentendu.Ill’attiraàluietnouasesmainsdansledosdelajeunefemme,heureuxpourlamillionièmefois

qu’elleaittroquéseslourdstailleurscontredepetitesrobeslégères.—Tum’asentendu.

Pasdécidéeàluidonneraussifacilementl’absolution,ellesecoualatête,avecunairdetristessefeinte.—Situnepeuxpasledireenpublic,commentveux-tuquejetecroie?Stephans’écartapourmontersurunetablebasse.—Votreattention,s’ilvousplaît,clama-t-ild’unevoixpleined’autorité.Touteslestêtessetournèrentverslui.StephanpointaundoigtsurNicole.—Jesuisamoureuxdecettefemme,poursuivit-il.Jel’aime,etsielleveutbienm’épouser,nous

auronsunemaisonimmenseetbeaucoupd’enfants.Quantàmoi,jeveuxpasserlerestedemesjoursàluiprouverqu’elleaeuraisondemepardonner.Nicolerositdelaplusdélicieusedesmanières.—Toutlemondenousregarde,Stephan.Illapritparlamainpourlafairemonteràcôtédelui.—Alors,c’estlemomentparfaitpourtedemandertamain,déclara-t-ilenposantungenoudevant

elle.Nicole,acceptes-tud’êtremafemme?Lesyeuxdelajeunefemmeseposèrentsursamaingauche,qu’aucunebaguen’ornaitplus.—Commentpuis-jeêtresûrequetoutcelaestvrai?Quecen’estpasunjeu?Stephanglissaunemaindanslapochedesavestepourentirerunepetitebaguetoutesimple,de

moinsd’uncarat,austyleunpeusuranné.—Cettebaguevientdemagrand-mère.Mamèrel’aportéequandelles’estfiancéeàmonpèreet,

unjour,j’espèrequenotrefillelaportera.Jenejoueplusàaucunjeu,Nicole.Épouse-moietjeteleprouveraichaquejour.Nicoleneseprononçapastoutdesuite,etStephanseconsumad’impatience.—Oui.Oui,jeveuxdevenirtafemme,répondit-elleenluitendantlamain.Illuipassalabagueaudoigt.Etilss’embrassèrentsouslesvivatsdelafoule.Pourfinir,Stephanrepritsesespritsetdescenditdelatable;unimmensesourireluibarraitle

visage.Galamment,ilaidaNicoleàdescendre.—Ondiraitqu’ilssesontréconciliés,fitremarquerAbby.—C’estcequejevois,marmonnaDominic.—Tuvasdevoirluipardonner,ditJake.Dominicémitunesortedegrondementaufonddesagorge.Stephanvintàeux.Endépitdetoutcequis’étaitpassé,DominicrestaitlefrèredeNicole.—Dominic,jesuisdésolé,ditStephanenluitendantlamain.J’avaistortàtonsujet,etjemesuis

malcomporté.J’espèrequenouspourronssurmonterça.Dominicnebougeapas;Abbyluidonnauncoupdecoude.—Commentjevaisfairepeuràtoutlemonde,luidit-il,situn’arrêtespasdefaireça?Abbyluisourit.Stephanrit.—Jenecroispasquecesoitunproblème.—Situtecomportesbienavecmasœur,ditDominic,laminetoujourssérieuse,alorstun’auras

jamaisrienàcraindredemoi.—Tuvois,Dom,intervintJake.C’estexactementlegenredecommentairesquipoussentlesunset

lesautresàsedemanderjusqu’oùtupourraisaller.Tunepeuxpassimplementluiserrerlamainetacceptersesexcuses?DominicserraalorslamaindeStephanet,àcetinstant,lesdeuxhommesscellèrentunpactemuet.PourNicole.

Unpeuplustardcemêmejour,Nicoleôtaseschaussuresdèsl’entréedeleurpenthouse.Stephanrefermalaportederrièreluietserralajeunefemmecontrelui.Nicolenouasesbrasautourducoudujeunehomme;lesourirenequittaitpassonvisage.—Nousvoicienfinseuls,dit-ilenluitapotantlajoueduboutdesonnez.Etnousavonsréglétous

nosproblèmes.Tusaiscequeçaveutdire?Stephanluidéposadepetitsbaisersdanslecou.Ellesavaitexactementcequecelasignifiait,mais

ellen’avaitriencontreunpeud’humour.—Tuveuxquejetecuisinequelquechose,c’estça?Illapoussasurledivanetretirasavesteensecouantlatête.Unsouriredeprédateurs’épanouissait

lentementsursonbeauvisage.—Tuasenregistréuneémissionettuveuxqu’onlaregardeensemble?demanda-t-elle,espiègle.Ildénouasacravatepourlajeterparterrederrièrelui.Sanslaquitterdesyeuxuneseuleseconde,

ilentrepritdedéboutonnersachemiseavecunelenteurcalculée.Nicolesentitsabouches’assécher,etcommeunesensationdepapillonnementsaucreuxdesonventre.Stephanbalançasonvêtementderrièrelui,fièrementcampésursesjambes,etparfaitementconscientdel’effetquesontorsemuscléproduisaitsurelle.Nicoles’agrippaaucoussinsurlequelelleétaitassise.Qu’ilestbeau…Àgesteslents,d’unelenteursiinsupportablequeNicolebrûlaitdeseleverpourlefaireàsaplace,

Stephandéfitsaceinturedecuiretouvritlehautdesonpantalon.Lafermetureàglissièrecoulissa,puislejeunehommeretiralebas.Leboxerbleufoncéqu’ilportaitnedissimulaitpasgrand-chosedesonémoi.LecorpsdeNicolevibraitetfrémissaitenréponseàchacundesesgestes.Stephans’approcha,

s’agenouillasurledivanetsepenchasurelle.Sonsoufflechaudenveloppal’oreilledeNicole.Ellefrissonna,maisparvintànepasbouger.—Étapeun:lasecousse,ronronna-t-il.Est-cequej’aitoutetonattentionmaintenant?Nicolerenversalatêteenriant.—Tuesaucourant?—Nedisrienauxfemmesdelafamille,maisleshommessaventdepuistoujours,répondit-ilen

glissantunindexsousunebretelledesarobepourlafaireglisserlelongdesonépaule.Ilyabienlongtempsquemonpèrem’amisengardecontrelefameuxscénariodubikini,maisjenepensaispasqu’ilmeseraitunjourdonnéd’enfairel’expérience.Seslèvresavidesgoûtèrentlapeauofferteentrelecouetl’épauledelajeunefemme.Nicoleavait

biendumalàseconcentrer,maisdesimagesdelascèneluirevinrent.—Tuauraispumeprévenir,luireprocha-t-elleenluiassénantunepetitetapejoyeuse.—Etlouperlespectacle?Etaprès,commentest-cequejesauraisquoidireànosfils?Ilfitglisserl’autrebretelleetaccordaàlasecondeépaulelemêmetraitement.Lesyeuxclos,Nicolebasculalatêteenarrièresousl’effetduplaisir.Unemainagileetsûrela

soulevalégèrement,tandisquel’autreseglissaitadroitementsoussarobepourluiretirersaculotte.Nicolerouvritlesyeux;leursregardssecroisèrent.Ilestdivinementbeau…D’unseulmouvementfluide,ilfitpasserlarobepar-dessuslatêtedeNicole,puisl’allongeasurle

divan,nueetofferte.Lentement,duboutdel’index,ileffleuralabouchedelajeunefemme,sonventre,soncou,puiss’attardadanslavalléeentresespetitsseins.—Qu’est-cequetuaimes?demanda-t-ildansunmurmure.

—Jenesaispasaujuste,réponditNicole,lesoufflecourt.Stephans’arrêta,etNicoleeutpeurd’avoirtoutgâché.Lesrécriminationscontreelle-mêmese

frayaientunchemindanssonesprit,quandStephanmurmurasaréponse.—Alorscommençonsparledébut.Etilroulasurledivanavecelle;leursvisagessetouchaient.—Embrasse-moi,dit-ilenposantunemainsurlahanchedeNicole.Leursbouchessetrouvèrent,etlajeunefemmeoubliabienvitejusqu’ausouvenirdelagêne

qu’elleavaitpuéprouver.LeslèvresdeStephancaressaientetadoraient;salanguetitillaitetsuggérait.Nicolesemitaudiapasonet,ensemble,ilsexplorèrentlapassionqu’ilss’étaientsilongtempsefforcésdenier.LabouchedeStephandescenditlelongducoudeNicole;desbrasierss’allumaientdanstoutson

corpssousl’effetdecesbaisers.LesmainsdeStephanétaientaussifermesetpuissantesquedoucesetcaressantes.Chaquefoisqu’ellepensaitavoiratteintunsommet,Stephans’arrêtaitpourluilaisserletempsderépliqueràsontourparsesproprescaressesetexplorations.Elleluiretirafébrilementsonboxer,puiss’extasiadevantsasplendideérection,dontellesentait

lespulsationsaucreuxdesamain.Ellel’enserradesesdoigtspourlacaresserlentementdehautenbas,émerveilléedesmanifestationsdeplaisirqu’ellevoyaitdanstoutlecorpsdeStephan.Ledésirqu’elleluiinspiraitetqu’ilmanifestaitsansaucunfarddonnaàNicolelaconfiancedontelleavaitbesoinpourselaisseralleretgoûteràlajoiedel’instant.LamaindeStephantrouval’intimitédeNicole.Dupouce,ilcaressaleclitoris,imprimantun

rythmedontlajeunefemmeressentitlesvibrationsjusqu’àl’extrémitédesesorteils.Unautredoigtseglissaenellepours’accorderauxmouvementsdupremier;l’espritdeNicolefutsubmergéparunebrumeabolissanttoutepenséeconsciente.Lorsqu’ellesetorditsoussacaresse,lesuppliantdenepass’arrêter,ilretirasamainpourlaremplacerparsabouche.Uneexplosiondechaleursediffusaenelleenvaguesconcentriques;soncorpsfrémissantétaitàlamercideStephan,dontlesourirepromettaitquetoutcelan’étaitqu’unprélude.Toutdoucement,illaretournasurleventre,puisécartaseslongscheveux.D’unemain,ildessina

uncheminlelongdesacolonnevertébrale,qu’ilparcourutensuitedeseslèvres.Avecamouretpassion,ilcaressachaquecentimètrecarrédesapeau,jusqu’àcequ’ellebrûledelevoirdenouveau.LesmainsdeStephans’activaientsansrelâche,éveillantàlavietouslesrecoinsducorpsdeNicole.Puiselleneputplusrésisteretroulasurelle-même,l’entraînantdanssachutesurlesol.Illa

rattrapasouplemententresesbraspuissants,pourlamaintenirjusteau-dessusdesavirilitédresséequin’attendaitqued’êtrereçueenelle.—Montre-moicequetuaimes,Nicole.Etlajeunefemmeselaissadescendresurlui,savourantl’exquisesensation.Ellesemitàbouger,

doucement,avechésitation,commeunedanseusequin’ajamaisapprisàmener.Chaquemouvementétaitunedécouverte;lessecretsdesonpropreplaisirsedévoilaientàelleetStephanlasuivaitpasàpas.Aveclui,ellesesentaitlibred’êtrelafemmequ’elleavaittoujoursrêvéd’être.Elles’abandonna

complètementauxrythmesqu’ilsinventaientensembleàchaqueinstant.Leuréblouissementpartagéleslaissavidésettoujoursimbriqués,accrochésl’unàl’autrependantqueleurssoufflesretrouvaientunrythmenormal.NicoleredressalatêtepourdéposerunbaisersurleslèvresdeStephan.—Tupeuxtoutmettresurlalistedecequej’aime.Ilsourit,labouchetoujourscolléeàcelledeNicole.

—Maisjevaismefaireunplaisird’étoffercetteliste.Nicolecontractasesmusclesinternes;ellelesentitquiretrouvaitdesasuperbeenelle.—Moiaussi,dit-elle.Moiaussi.IlglissasesdeuxmainssouslesfessesnuesdeNicoleetentrepritd’imprimerunlentmouvement

circulaireàseshanches;ensemble,ilsreprirentlechemindecettecontréeoùiln’estplusbesoindemotspourcommuniquer.Lelendemain,NicoleetStephanrenouèrentavecleurrituelmatinaldupetitdéjeuner.L’émotion

faisaitbrillerlesyeuxdeNicole.Au-delàdelapassion,au-delàdeleuramourl’unpourl’autre,ilsétaientaussidesamis–etc’étaitcequidonnaitàNicolefoienl’avenir.Stephanpritunebouchéedesontoastetposanégligemmentunequestion,commeilauraitparlédu

beautemps.—Quedirais-tud’acheterunemaisonenCalifornieetd’yvivreunepartiedel’année?—J’adoreraisça.Tuenvisagesderefairedesdocumentaires?—Markm’arelancépendantnotreséjour,réponditStephan.Etiladesarguments.Jepourrais

mêmepousserleschosesunpeuplusloinenmettantmesconcurrentsaudéfid’adopterdespratiquesécologiquementresponsables.C’estduràadmettre,mais,avecsabourse,tonfrèreadonnéunsacréexempleauxautresentreprises,auxÉtats-UniscommeenChine.Aujourd’hui,onsebousculepourdénicherdegrandescausesàdéfendre.Etmoi,jepourraisbienêtreceluiquibraquelalumièresurlesgrandesquestions.—Enparlantdemonfrère…NicolenesavaitpastropcommentStephanallaitaccueillirsonidée,maiselleluitenaitvraimentà

cœur.—J’aimeraisinviterDominicetAbbyàdînercedimanche,poursuivit-elle.Avectafamille.—Tonfrèren’apprécierapeut-êtrepaslesmiensautantquetoi,réponditStephanenserrant

doucementlamaindeNicoledanslasienne.—Ohsi,illesaimera,contestaNicole.—Depuisquandes-tusioptimiste?demandaStephanavecunsourire.—Depuisquejecroisauxhappyends.Stephanhaussaunsourcil,incertaindusensdesesparoles.—Lesfêtesserontlàenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourledire.Jenelesaijamaisvraiment

célébrées,maiscetteannéejevoudraisquetoutlemondesoitréuni.Et,pourça,ilfautd’abordqu’ilsapprennentàseconnaître.SituappellesDominic,ilviendra.Et,commeStephanavaittoujoursl’airsceptique,Nicoleajoutauneformuleàsasupplique.—S’ilteplaaaaîîît…Stephansegrattalementon,l’airpensif.—Tudevraispeut-êtremereposerlaquestionaprèsavoirmistonpetitbikinirouge.—Idiot,ditNicoledansungrandrireenluilançantsaserviette.—Oui,répliquaStephan,toutsourires.Maisunidiotquiesttellementfoudetoiqu’ilvaappeler

tonfrère.Nicolefitletourdelapetitetablepourvenirs’asseoirsurlesgenouxdeStephan.Ensuite,ellele

gratifiadecegenredebaisersquivautgénéralementàunhommed’êtreenretardautravail.Quelquesheuresplustard,StephanpartitetNicolepassaquelquescoupsdefil,avantd’envoyerun

messageàJeff,luidemandantdepasserlaprendrepourlaconduireàlamaisondesonpèredansles

Hamptons.EllepassaencourantsouslenezdeJeffpourserueràl’intérieurdelavoiture.Elleétaitenretard,

unefoisn’étaitpascoutume.Etimpossibledenepasrougirquandelleserappelaitpourquoi.Griséeparsonbonheur,Nicolecommandaspontanémentl’ouverturedelavitredeséparation.—Jeff,tuavaisraisonsurtoutelaligne!Jesuisvraimentheureused’avoirattendupourfaire

l’amouravecStephan.Lanuitdernière,çaaétéfantastique.Unvrairêve.Etc’esttoiquejedoisremercier.Nicole,quinesavaitpastropàquelleréponses’attendre,passaduroseaurougeécarlateen

découvrantArnold,lepèredeJeff,quiseretournait.—Jesuisrentréhiersoir,mademoiselleCorisi,annonça-t-ilsuruntonimperturbable.Nicolefitdesonmieuxpourrassemblersesesprits,maisréponditavantd’avoirtoutàfaitachevé

leprocessus.—Oh,trèsbien.VousdirezàJeffquejeleremercie.Arnoldl’examinauninstantdanslerétroviseur,maisneréponditrien.—Oupas,ajoutaNicoleendissimulantunsourirederrièresamain.Nouspourronstrèsbienfaire

commesicetinstantn’avaitjamaiseulieu,n’est-cepas?Arnoldmitlecontact.PauvreArnold.—Certainement,mademoiselleCorisi,répondit-ilsuruntonquelquepeurassuré.Jevousconduis

directementàlamaison?—Non,j’aipromisàMaddyetàAbbydelesprendre.Ellesvontm’aideràtrierlesaffairesde

monpère,réponditNicoleenprécisantlesadresses.—C’estbienquevousnesoyezpasseulepourfaireça,observaArnold,enrompantlarèglede

toujourss’enteniràdesproposimpersonnelsqu’ilobservaitdepuisplusdevingtans.Nicoleméditasesparolesuninstant,etunimmensesourires’épanouitsurseslèvres.Mêmesile

bravehommedevaits’entrouvermalàl’aise,ilfallaitqu’elleluidisecombiensavies’étaitamélioréependantsonabsence.—Jenesuisplusseule,Arnold.J’aiunefamillemaintenant.Lechauffeurdétournalatête,maisNicoleeutletempsdevoirdanslerefletdurétroviseurqueson

regards’étaitembué.—J’ensuisheureux,Nicole.Souslecoupd’uneinspirationsubite,Nicolepoursuivit.—Etvoussavezcequivavousrendreheureuxégalement?Illuijetauncoupd’œilinterrogateurpar-dessussonépauleavantdedéboîter.—Uneaugmentation.Unebonnegrosseaugmentationpourvouspermettred’emmenervotre

femmeenvoyagechaqueannée.—Vousn’êtespasobligée,serécria-t-il.Biensûr,maisj’enaienvie.—Oh,maisvousallezlamériter,cetteaugmentation.Attendezunpeudevoirlesneveuxde

Stephan.—Desdiablotins?demanda-t-ilavecunsourire.—Oui.Etrapidesavecça.—Vousméritezd’êtreheureuse,ajouta-t-il,augrandétonnementdeNicole.Lajeunefemmeglissalamainparl’ouverturepourserreraffectueusementl’épauleduchauffeur.—Jenesaispassijelemérite,Arnold,maisjelesuis.Enfin.

Nicoleauraitpujurerl’avoirvurougir.Elleseréinstallaàsaplace,avecungrandsouriresurleslèvres,etlesyeuxunpeuembués.—Jevaisreleverlavitre,Arnold.Vousallezpouvoirêtretranquille.—Trèsbien,mademoiselleCorisi,répondit-ilenretrouvantsontonempreintdeformalisme.Et,justeavantqueleurconversationnes’interrompe,Nicoleajoutauneultimeremarque.—Mercidenem’avoirjamaislaisséetomber,Arnold.Ilneréponditrien,maisNicoleeutletempsdevoirl’amorced’unsouriresurseslèvres.Jemesuistoujourssentieseule,maisjenel’étaispastantqueça.ArnoldétaitsurlepointdedevenirlechauffeurlemieuxpayédeNewYork.

Chapitre22

RICHARD,L’ÉPOUXDEMADDY,ÉTAITENPLEINECONFECTIONDUREPASDUDIMANCHEPOURLECLANAndrade,etmenaçaitdespiressévicesquiconqueosaitneserait-cequesouleverlecouvercled’unedesesinnombrablescasseroles.AbbypritunegorgéeducaféqueKatrineluiavaitserviquelquesinstantsplustôt.—Lorsquevousm’avezproposédevenirpourcuisiner,jem’attendaisà…fairelacuisine.D’unreversdelamain,Elisedésignal’hommequimarmonnaitdeschosesenfrançaisdevantses

fourneaux.—Ledimanche,c’estlejourdeRichard.Nousvenonsicipourêtreloindeshommesetparler

tranquillement.NicolecoulaunregardentenduàAbby.—Jesais.J’aipensélamêmechoselapremièrefoisqu’ellesm’ontinvitée.Çaal’airunpeu

sexisted’avoirtouteslesfemmesdanslacuisinependantqueleshommessontausalon,mais,croyez-moi,c’esticiqu’ons’amuse.MaddyinstallalepetitJosephdanssoncouffin.—J’aigrandidanscetteambiance,dit-elle,maisjedoisbienavouerqu’àl’adolescencej’avais

plutôtl’impressionqueleschosesimportantessepassaientdehors.Tut’ensouviens,maman?—Etcomment,réponditEliseavecunsourire.Maisilnet’apasfallubienlongtempspour

comprendrequec’esticiqueseprennentlesvraiesdécisions.—Est-cequeleshommeslesavent?demandaNicole,avecunpetitriredanslavoix.—Rassurez-moi,c’estparchoixquevousêtesici?demandaAbby,d’untonsérieux.Jeveuxdire,

sivousvouliezallerlà-basparleraveceux,ilsn’ytrouveraientrienàredire?Eliselatranquillisad’unhochementdetête.—Pasdesouci.Sivousvoulezentendrecauserconceptiondeprocesseursetplates-formes

marketing,n’hésitezsurtoutpas.Moi,jepréfèreêtreici.Eliseneputdissimulerunsouriredevantlamineébahied’Abby.—Abby,lesmouvementspourlesdroitsdesfemmesdemandaientl’égalitépourquenous

puissionschoisirquinousvoulonsêtre.Paspourquenousdevenionstoutesdeshommesoudesspécialistesdeslogiciels.Jen’aiplusd’activitérémunéréeaujourd’hui,maisjesuisactivedansplusieursassociationscaritativesetjeconsidèrequemafamilleestunvéritableemploiàplein-temps.Alessandromesoutiendraitsijevoulaism’investirdanslagestiondel’entreprise,maiscelanem’intéressepas.Cequiestbienavecl’âge,c’estqu’onserendcomptequ’onn’estpasobligéd’impressionnerlesautres.Leschosesmeconviennenttrèsbientellesqu’ellessont.—Jesuisd’accord,renchéritKatrine.Victoretmoiavonstravaillédurpendantdesannéesau

succèsd’AndradeSolutions.Ildisaittoujoursquej’auraisétécapabledeconvaincreunemouchedemevendresesailesunbonprix.Et,parfois,ilfallaitbiençapoursurvivre.Touteslesannéesn’ontpasétébonnes.Ontravaillaitdurparcequ’onn’avaitpaslechoix.Maisvous,mesdames,vousavezlachancedepouvoirfairecequivouspassionnevraiment.—Àvraidire,jenesaispasquoifaire,avouaAbbyenseredressant.J’aitoujoursoccupéun

emploi–etmêmeparfoisdeux.Maisjenemevoispasallerenseignerdanslesquartierssensibles.Dominicmeferaitescorterparuneéquipedegardesaucomplet.Commentfait-onpournepasseperdredansl’ombred’hommesaussiconsidérables?

Elisesepenchapourposerunemainaimablesurcelled’Abby.—Onresteàleurscôtés,maisonsuitsonproprechemin.Lafortunenevapassansunprixà

payer,maiselleoffreégalementunecertaineliberté.Entantqueprofesseure,vousaveztouchélaviedequelquescentainesdepersonnes.Aujourd’hui,sivouslevoulez,vouspouveztoucherdesmillionsdegens.Etcequ’ilyademerveilleuxavecnoshommes,c’estqu’ilssontdisposésànousaider.Dominicmedonnelesentimentd’êtrelemêmegenredepersonne.Àl’aiseauseind’ungroupedefemmesquil’appréciaientsincèrement,Nicoleselivra.—Jusqu’àmarencontreavecStephan,jenevoyaispascequel’argentpouvaitavoirdepositif.Je

n’aiaucungoûtpourleschosesmatériellesetlesapparences.Jenesaismêmepass’ilm’estuneseulefoisarrivéd’êtrereconnaissantedecequejepossède.Or,auxyeuxdeStephan,noussommestousconnectéslesunsauxautres,quecesoitparl’environnementouparl’économie.Etplusonpossède,plusondoitêtreresponsable.Aveccegenredephilosophie,difficiledenepasvouloirdéfendretouteslescauses.Jevaismeconcentrersurl’aideauxfemmesvictimesdeviolences.Decequevousm’avezdit,Abby,jecroisquevousvousintéressezàl’éducation.Entantqu’enseignante,vousavezcertainementétéenbutteàdespolitiquesquevousvoudriezpouvoirchanger.Aujourd’hui,c’estpossible.—J’adoreleshistoiresquifinissentbien,ditMaddyavecunsoupir.—Et,commem’aditunchauffeurdelimousineunjour,l’histoireneseterminepasquandon

refermelelivre.Pournous,cen’estquelecommencement.Pournoustous.—Enparlantde«noustous»,ditAbbyensetournantverslaporte,commentçasepassed’après

vousducôtédeshommes?—Lesgarçonsvontsetenir,réponditKatrine,nullementinquiète.AlessandroetVictorveillentau

grain.—Ilsveillentsurtoutsurlesdeuxegolesplussurdimensionnésdelaplanète,lançaNicoleenriant.—Etdequicroyez-vousqueStephanl’ahérité?intervintKatrine.Victorn’étaitpasunangelot

quandjel’airencontré.Heureusement,quaranteetquelquesannéesdemariagel’ontfaitrentrerdanslerang.SesparolesparurenttoucherunecordesensiblechezAbby.—Vousauriezunconseilpourfairedurerunerelation?—Honnêteté,respectetpardon,réponditKatrine.—Etunpetitbikinirouge,ajoutaElise.—Oh,intervintNicoleàvoixhaute,avantdebaisserleton.Ilssontaucourantpourlebikini.Notre

petitnuméron’estplusunsecret.Dansunbelensemble,EliseetKatrinejetèrentunregardaccusateurendirectiondeRichard–qui

nerelevapaslenezdesessauces.Toujoursàl’unisson,ellessetournèrentdel’autrecôté.—Maddy!Unsourirepenaudsurleslèvres,lajeunefemmehaussalesépaules.—Oh,c’estvilain,ditNicoleenriant.Maddyfronçalessourcilsàl’intentiondeNicole.—Oui,maisbiendifficiledem’envouloir.C’estquandmêmegrâceàmesingérencessivousêtes

denouveauensemble,Stephanetvous,non?—Nicole,ditAbby,avecunimmensesourire.Jecomprendstoutàfaitpourquoivousadorezcette

famille.Elise,poursuivit-elleensetournantverselle,verriez-vousuninconvénientàcequej’amènemasœuràdînerundecesjours?C’estexactementcedontelleabesoin.NicoleavaiteuletempsdedécouvrirAbbylesjoursprécédents;ellesavaitcombienelleadorait

sasœurets’inquiétaitpourelle.—Commentva-t-elle?demanda-t-elle.A-t-elleparléàJakedepuiscettefameusejournéesur

l’île?Vousm’aviezbienditqu’ilyavaitquelquechoseentreeux?D’ailleurs,vousdevriezsansdoutelesinvitertouslesdeux.Ceseraitpossible?dit-elleensetournantversEliseetKatrine.—Abby,votrefamilleestnotrefamille,ditKatrine.Invitez-les.—Jake.Jake…,ditEliseenfouillantsessouvenirs.LepartenairedeDominic?NicoleetAbbyhochèrentlatête.Elisesetapadanslamain.—Ilestbelhommeetoutrageusementriche.Est-cequeceneseraitpasmerveilleuxs’ilépousait

votresœur?Abbyouvritdesyeuxrondsencomprenantqu’ellevenaitdedéclencherquelquechosequipourrait

bienluiéchapper.—Merci,Katrine.JedemanderaiàLildem’accompagner.QuantàJake,jenesaispas.Pourceque

j’ensais,ilsnesontpasrestésencontact.Mieuxvaudraitsansdouteleslaissersedébrouiller.Soudain,Maddylevalesdeuxmains,toutexcitée.—J’aiuneidée.Jesaisexactementcommentfairepourqu’ilsfinissentensemble.—Non!s’écrièrent-ellesenchœur.—Quanddoncapprécierez-vousmongénieàsajustevaleur?demandaMaddy,outragée,lamain

surlahanche.—Jedoisbienreconnaîtrequelesrésultatsmeconviennent,fitremarquerNicole,nonsans

réticence.—Vousvoyez,ditMaddyavecungrandgeste.Ilarrivequel’amoursurviennedelui-même,mais

parfoisilabesoind’uncoupdepouce.Elisesepenchaverssafille.—Etqu’as-tuconcoctédanstapetitetête?MaddysetournaversAbby.—Pensez-vousqueDominicsoitfiable?—S’ils’agitd’enremontreràJake,alorscertainement,réponditAbbyavecunsouriremalicieux.—Çavaêtregénial,ditMaddy.—Maddy!intervintKatrinesuruntond’avertissementquifauchaquelquepeul’élandesanièce.Lesbrasballants,Maddysetournaverssatante,apparemmentdisposéeàendurerune

admonestation.Mais,auboutd’uninstant,Katrinechangead’avis.—Restetellequetues,dit-elleenserrantsaniècedanssesbras.Aprèsuneinfimehésitation–letempsdedigérerlesmotsdeKatrine–,Maddyrecouvrabienvite

sonenthousiasmenaturel.—Bien,alorsvoicicequenousdevrionsfaire…ÀlagrandesurprisedeStephan,Dominicarrivaseul,auvolantdesavoiture.Pasd’escorte,pasde

gardes.JusteAbby.Unautrehommeauraitsansdouteéténerveuxd’unetelleinférioriténumérique,maisDominic

pénétradanslademeuredesAndradelatêtehaute.IlserralamainàVictoretàAlessandrosanslamoindrehésitation.Aprèsuninstant,ilacceptaégalementcelledeStephan.Enparfaithôte,Alessandrolesfits’installer,puisdemandaqu’onleurserveducafé.TroisAndrade

etunCorisiprirentplacesurlavasteterrassedominantdesarpentsdepelouseparfaitementtondue.—Jeconsidèredéjàvotresœurcommemaproprefille,ditVictor.Jesuisheureuxquevousayez

accepténotreinvitation.

Dominichochalatête,avantdesetournerversStephan.—Abbym’aexpliquéquetucroyaisquej’avaisescroquétonpèredesonentrepriseetd’Isola

Santos.—C’estexact,réponditStephanenregardantsonfuturbeau-frèredroitdanslesyeux.—Mais,maintenant,tuconnaislavérité.Stephanconfirmad’unecourteinclinaisondelatête.Aucundesdeuxhommesnecilla.—Danslamêmesituation,j’auraisagiexactementcommetul’asfait.Ettuasbienfaillimebattre.

Cen’estpastoutlemondequipeutdireça.L’airparutsefiger.—Jenesuispasfierdecequej’aifait.—ÇapourraitêtreletitredemesMémoires,ditsombrementDominic.Abbyaraison,poursuivit-il

d’untonplussérieux.Onnechangepaslepassé,maisonn’estpasobligédelereproduire.Comporte-toibienavecmasœur,Stephan.—C’estbienmonintention,répondit-il.Pourlapremièrefois,ilmesuraitpleinementl’amourqueDominicportaitàNicole.DominictirauneenveloppedesapocheetlatenditàVictor.—C’estl’actedepropriétéd’IsolaSantos.Reprenez-le.Victorconsidéralesdeuxhommesdevantlui.—Pourquoin’enferiez-vouspasuncadeaudemariagepourStephanetNicole,defaçonquenotre

héritagecontribueàl’uniondenosdeuxfamilles?Dominicremitledocumentdanssapoche.—C’estunebonneidée.Alessandrosepenchaunpeuenavant.—Avez-vousprogressédanslaremiseenétatdevotreserveur?Victorsecoualatêtepourindiqueràsonfrèrequ’ildésapprouvaitsonintervention.—Allonsbon,ditAlessandro,onestunefamillemaintenant.Commentl’aidersionn’enparle

pas?Unefamille.Auboutducompte,c’étaitbiencequ’ilsétaientdésormais.—Dominic,ditStephan,tupeuxutiliserleprogrammequej’allaisproposerauxChinois.—Impossible.Ilesttropdifférent.LesChinoisleverraienttoutdesuite.Et,malheureusement,ton

hackersavaitcequ’ilfaisait,Stephan.Aucundeceuxàquij’aiversédesbakchichscolossauxn’estparvenuàrésoudreleproblème.C’estcommesilevirusétaitimbriquédanschaquelignedecode.—Stephan,ditVictorensetournantverssonfils.Parmitoutestesrelations,tuneconnaîtrais

personne?—Leseulquejeconnaissedeceniveau,réponditStephanavecunpetithaussementd’épaules,c’est

précisémentceluiquiacréélevirus.Etilneveutrienentendre.—JeconnaiscertainespersonnesquiseraientcapablesdedéfragmenterDieuenpersonne,avança

Dominic,maisjedoutequ’ellesacceptentdenousaider.Stephanseleva.—Toutcedonttuasbesoin,Dominic.Jesuislà.Sic’estdel’argent…—Non,l’argentnelesintéressepas.—Toutlemondeaunprix,ditStephan.Qu’est-cequilesintéresse?—Jake,réponditDominic.

Victorselevaàsontour.—Attendez,dit-il.Jaken’appartienttoutdemêmepasàcettefamilleWalton,si?—Papa,maisdequoiparles-tu?demandaStephan.—Àlafindesannées1980,deuxingénieursdetrèshautevoléeontannoncéqueleurlogicielavait

étévoléparlegouvernementaméricainàdesfinsmilitaires.Lescandaleétaiténorme,maisilaprisfinsibrutalementquetoutlemondesedemandaitsionavaitachetéleursilenceousionlesavaitfaittairepourdebon.Danslesdeuxcas,c’étaitunevraieperte.Leprogrammedecryptagequantiquesurlequelilstravaillaientétaittellementenavancequ’onutiliseencoreleursnotesaujourd’hui.S’ilssonttoujoursenvie,jeveuxabsolumentlesrencontrer.VouspensezqueJakepourraitêtreleurfils?Dominicsetrémoussa,commes’ilenavaitditplusqu’ilnel’auraitvoulu.—Ilnel’ajamaisadmis,maisjepensequeoui.VictorrejoignitStephan,accoudéàlarambardedepierre.—Ondiraitbienqu’ilvanousfalloirdescertitudes.Dominic,combiendetempsvousreste-t-il

avantlamiseenligneduserveur?—Environunmois.—Çanefaitpaslourd,ditStephan.Alessandrotapotal’épauledesonneveuensigned’encouragement.—Moi,jeconnaisdesgensquipeuventnousaideràlesretrouver.S’ilssontenvie,jesauraioùils

sontenmoinsd’unesemaine.Lasueurperlantàsonfrontetlatailletoujoursceinted’untablier,Richardouvritlaportedela

cuisinedonnantsurlaterrasse.—Dominic,salua-t-ilavecunsourire.Votreprésenceestrequiseencuisine.L’intéressésetournaversleshommes,quiarboraienttousunsouriresuspect.—Cen’estjamaisbonsigne,fitremarquerAlessandroenassénantunepetitetapefatalistesur

l’épauledeDominic.—Ilyapeut-êtreuntablierentrop,plaisantaVictor.Duregard,DominicsollicitalesoutiendeStephan;iln’obtintriend’autrequ’unsourirenarquois.—LepuissantDominicCorisiaurait-ilpeurd’unecuisinepleinedefemmes?Lejeunehommenedémentitpas.—Situtrouvesçadrôle,répliqua-t-il,tun’asqu’àallervoircequ’ellesveulent.D’unbond,Stephanseperchasurlemuretdepierre.—C’esttoiqu’ellesontdemandé,dit-ilsanstenterdedissimulersonamusement.—Jem’ensouviendrai,Stephan,ditDominicensedirigeantverslamaison.—D’aprèsvous,demandaStephanensetournantverssonpèreetsononcle,qu’est-cequ’elles

peuventbienluivouloir?—JeposerailaquestionàMaddy,réponditAlessandroavecunpetithaussementd’épaules.Stephansourit,puisunepenséeluirevintsoudainàl’esprit.—Papa,ilfautquejet’avouequelquechose.VictoretAlessandrosefigèrent,etStephanregrettaden’avoirpasmieuxchoisisesmots.J’espèrebiennejamaisavoiràrefaireunaveucommeceluiauquelilspensent.—J’airévéléàNicolequ’onétaitaucourantpourlecoupdubikinirouge.—Ohnon!gémitVictor.Tamèrenevaplusmettrelesien.—Papa!s’exclamaStephanensautantdelarambarde.Lejeunehommes’efforçaitdechasserl’imagequesonpèrevenaitd’évoquer.Alessandroétait

plusoptimistequesonfrère.

—Ellesvontpeut-êtretrouvermieux.MaisçavamemanquerdeneplusvoirElisem’attendantàlaportedanssonpetitbikini.Ilestgrandtempsdes’éloigner,songeaStephan.—JevaisvoirsiDominicabesoind’uncoupdemain.Àlaportedelacuisine,Stephanpritletempsdecontemplerlascènequis’offraitàlui.Richard

avaitreprissonposteauxfourneaux.MaddyexposaitavecenthousiasmesonplanmachiavéliqueàunDominicinfinimentradouciparlesprésencesféminines.Dominiccroisaleregardd’Abby,ritavecelleethochalatêteenréponseàuneremarqued’Elise.Unmois.Ilsnedisposaientqued’unmoispourremettreleserveurenétat.Onpeutyarriver.Ilfautqu’onyarrive.Nicolel’aperçutetlerejoignit.Elleleserracontreelle,etStephansesentitdébarrasséd’unlourd

fardeau.—Lerestedelafamillevaarriver.Commentças’estpassédehors?Bien,jesuppose,puisque

vousêtestouslesdeuxencoreenvie.—Monpèrel’appréciebeaucoup.EtoncleAlessandrovasemettreenquêtedequelqu’unqui

pourral’aideràéradiquerlevirus.NicoleenfouitsonvisagecontrelapoitrinedeStephan;illasentitquitremblaitcontrelui.Ilse

reculapourpouvoirvoirl’expressiondesonvisage.—Quesepasse-t-il,Nicole?Jepensaisquetuétaisheureuse.—Maisjesuisheureuse,répondit-elleenravalanttantbienquemalseslarmes.Jesuissiheureuse

queçameterrorise.Est-cequemaviepeutvraimentêtreainsi?Etsijemeréveillepourdécouvrirquetoutçan’étaitqu’unrêve?Stephanrepoussaunemèchequitombaitdanslevisagedelajeunefemme.—Siçaseproduit,viensmevoirauboulotàManhattan.Jet’yattends,avectaphotosurmon

bureau.Puisill’embrassa–luidonnantundecesbaisersquifontgrimacerunfrèrehyperprotecteurde

l’autrecôtédelapièceetapplaudirunetanteunpeudélurée.

RuthCardelloaétéenseignanteenclassedematernellependantvingtans.Aprèsavoiressuyéle

refusdenombreuxéditeurs,ellerencontreungrandsuccèscommercialavecsasagaautopubliéeLesHéritiers,quilapropulsedanslalistedesbest-sellersduNewYorkTimes.Ruthseconsacredésormaisàl’écrituredanssapetitefermeausuddesÉtats-Unis.

Dumêmeauteur,chezMilady:

LesHéritiers:1.LeMilliardaireetmoi2.LeBusinessmanetmoi

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copieouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraînerdespoursuitescivilesetpénales.ISBN:978-2-8205-1652-7Bragelonne–Milady60-62,rued’Hauteville–75010ParisE-mail:info@milady.frSiteInternet:www.milady.fr

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