l'économie des îles sucrières dans les conflits maritimes

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Histoire, économie et société L'économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du XVIIIème siècle Philippe Chassaigne Citer ce document / Cite this document : Chassaigne Philippe. L'économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du XVIIIème siècle. In: Histoire, économie et société, 1988, 7année, n°1. pp. 93-105; doi : 10.3406/hes.1988.1504 http://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1988_num_7_1_1504 Document généré le 15/06/2016

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Histoire, économie et société

L'économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de laseconde moitié du XVIIIème sièclePhilippe Chassaigne

Citer ce document / Cite this document :

Chassaigne Philippe. L'économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du XVIIIème siècle. In:

Histoire, économie et société, 1988, 7ᵉ année, n°1. pp. 93-105;

doi : 10.3406/hes.1988.1504

http://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1988_num_7_1_1504

Document généré le 15/06/2016

RésuméRésumé Soumise au blocus de la flotte anglaise, l'économie de la partie française de Saint-Domingueaccuse une diminution rapide et importante de la valeur des denrées coloniales, alors que dans lemême temps, le coût des marchandises venues de France fait plus que doubler. Le marché évolue defaçon très aléatoire, mais les cours des produits coloniaux sont toujours en dessous de leur valeurhabituelle. Face à une telle situation, les planteurs et les négociants créoles, déjà endettés auprès deleurs correspondants français, n'ont d'autre solution que d'essayer par tous les moyens, d'envoyer desdenrées vers la France. Il est alors largement fait usage du trafic interlope, de nombreux liens existantentre les négociants anglais, hollandais et français.

AbstractAbstract Under the blockade of the English fleet, the French part of Santo-Dominguo suffers from aquick and important decrease of the value of the local colonial products while at the same time theprice of the commodities brought from France is more than doubled. The market behaves in a veryunpredictable way, but the price of the colonial goods always remains under its usual value. In front ofsuch a situation, the planters and the already heavily indebted créole merchants can not try anythingbut send, however they can, their produce in France, a great deal of which through the illicit trade,thanks to the numerous links existing between the english, the dutch and the french merchants.

L'ECONOMIE DES ILES SUCRIERES DANS LES CONFLITS MARITIMES

DE LA SECONDE MOITIE DU XVIIIe SIECLE

L'exemple de SAINT-DOMINGUE

Résumé Soumise au blocus de la flotte anglaise,

l'économie de la partie française de Saint-Domingue accuse une diminution rapide et importante de la valeur des denrées coloniales, alors que dans le même temps, le coût des marchandises venues de France fait plus que doubler. Le marché évolue de façon très aléatoire, mais les cours des produits coloniaux sont toujours en dessous de leur valeur habituelle. Face à une telle situation, les planteurs et les négociants créoles, déjà endettés auprès de leurs correspondants français, n'ont d'autre solution que d'essayer par tous les moyens, d'envoyer des denrées vers la France. Il est alors largement fait usage du trafic interlope, de nombreux liens existant entre les négociants anglais, hollandais et français.

Abstract Under the blockade of the English fleet, the

French part of Santo-Dominguo suffers from a quick and important decrease of the value of the local colonial products while at the same time the price of the commodities brought from France is more than doubled. The market behaves in a very unpredictable way, but the price of the colonial goods always remains under its usual value. In front of such a situation, the planters and the already heavily indebted créole merchants can not try anything but send, however they can, their produce in France, a great deal of which through the illicit trade, thanks to the numerous links existing between the english, the dutch and the french merchants.

L'histoire des colonies sucrières françaises s'est peu attardée sur le comportement des économies insulaires pendant les longues périodes de conflits que les Antilles subirent après Utrecht (1).

Trop souvent la question a été résolue par de rapides considérations sur le marasme généralisé qui sévissait alors. Cette explication était cependant insuffisante et laissait en suspens une interrogation lancinante : comment, dès la cessation des hostilités, l'expansion économique pouvait-elle reprendre de plus belle ? Les planteurs endettés, les négociants ruinés se relevèrent-ils, tel le phénix, de leurs cendres pour faire des îles françaises les colonies les plus prospères de l'aire antillaise ?

Il est vrai que les sources étaient rares ou malaisées à exploiter. Mais le dépouillement des correspondances des planteurs, saisies par les Anglais sur les navires tran- çais faisant route vers les îles ou en revenant, et conservées à Londres plus souvent qu'acheminées vers leurs destinataires (2), nous permet maintenant de mieux appréhender ce problème. Pour nous en tenir à la « perle des Antilles », Saint-Domingue (3), on peut dès lors étudier les variations du marché local, mais également les comportements des planteurs et des négociants pour parvenir à « survivre », en dépit des blocus et de la guerre de course qui gênaient les trafics habituels.

94 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Le « marché » colonial se compose en fait de deux marchés ; d'une part, celui des « denrées » — c'est-à-dire les productions locales : sucres blancs ou bruts bien sûr, mais aussi indigo, café, coton — achetées par les capitaines de vaisseaux pour le compte des négociants de la métropole (4) ; d'autre part, celui des produits importés de France — viandes salées, vins, huile, savon mais aussi clous, tissus, etc. Ces deux marchés réagissent de façon très différente et, en fait, s'opposent du tout au tout.

Pour le marché des denrées, le maître mot est « dépression ». La guerre provoque aux colonies la mévente des produits coloniaux. Ainsi, lorsque les Anglais, en septembre 1755, s'emparent, sans déclaration de guerre, de nombreux navires français, le cours de ces produits accuse une baisse de moitié : l'indigo, coté à 9.15 voire 10 livres la livre-poids en temps normal, se retrouve en-dessous de 5 ! Le sucre blanc passe de même de 50 livres le cent à 25. C'est l'effet habituel de l'ouverture des hostilités : entre août 1778 et janvier 1779, on constate les mêmes baisses (77 % sur le sucre blanc, 90 % sur l'indigo)*. L'explication est simple : la marine française subit des revers, les routes commerciales sont peu sûres, les Anglais arraisonnent de nombreux vaisseaux. Du coup, les produits s'entassent en attente d'un convoi, on hésite à charger sa récolte, il y a surabondance de denrées qui perdent de leur valeur.

Durant tout le conflit, les produits coloniaux restent en dessous de leur cours normal : en 1763, le sucre blanc est 40 % plus bas qu'en 1755, avant la « rafle » anglaise ; en 1783, la différence est d'environ 50 % ! Cependant, la tendance ne doit pas masquer des fluctuations annuelles, voire saisonnières, toutes explicables par la présence ou l'absence de vaisseaux susceptibles d'emporter la marchandise.

Il faut souligner l'importance du facteur psychologique. Le marché dominicain réagit au moins autant aux bruits, aux rumeurs qu'aux faits. Annonce-t-on l'arrivée d'un convoi ? Les cours affichent une hausse dont se plaignent les capitaines ou négociants restés en ville depuis le précédent arrivage de vaisseaux et soucieux, quant à eux, d'acheter au plus bas prix... Pendant les mois qui séparent le coup de main anglais de septembre 1755 de la déclaration effective de la guerre en juin 1756, les colons se perdent en suppositions ; la guerre éclatera-t-elle, ou la paix sera-t-elle conservée ? A chaque fois, les prix évoluent en fonction de l'humeur ambiante, toute espérance déçue faisant baisser un peu plus les cours revigorés quelques jours plus tôt.

Le tableau de la page 104 fait apparaître pour chaque conflit diverses phases, de durée variable. Quatre périodes se dégagent pendant la Guerre de Sept Ans : forte baisse fin septembre 1755, stabilisation jusqu'en juin 1756 (déclaration de guerre connue aux Antilles), effondrement aux alentours de 1757/1758 (on atteint, semble-t-il, un « cours plancher »), puis amélioration dans les dernières années du conflit (sucre blanc et brut voient leurs cours multipliés par trois et deux et demi). Pour la Guerre d'Amérique, la conjoncture diffère sensiblement : on se rend compte que le marché a des réactions beaucoup plus saccadées ; la fin de l'année 1778 est marquée par une forte dégringolade du cours des denrées, puis une reprise a lieu en 1780 et 1781, ramenant sucres blancs et bruts, en août 1781, à un niveau légèrement inférieur à celui d'avant la guerre.

* Voir tableau récapitulatif page 1 04.

L'ÉCONOMIE DES ILES SUCRIERES : L'EXEMPLE DE SAINT-DOMINGUE 95

Nouvelle chute en 1782 (—37 % sur le sucre blanc) et on peut tabler sur une remontée rapide dès le traité de Paris paraphé.

A cela, une seule explication : les possibilités d'écouler la production. La chronologie le confirme : les années d'interruption totale du trafic (1759-61 ou 1779-80) par les vaisseaux anglais croisant au large des îles Turques ou Caïques, passage obligé des convois français, sont celles des plus bas cours pour les denrées. Le commerce reprend- il (en particulier au cours de la Guerre d'Amérique, la Royale restaurée par Louis XVI et Sartine ayant eu un rôle plus glorieux que lors des précédents conflits), les produits coloniaux se vendent d'un seul coup bien plus cher, même s'ils ne retrouvent pas, bien sûr, leurs cours habituels.

La question de l'exportation des sucres et des autres denrées était d'autant plus importante que la production semble ne pas varier durant des années de guerre. Aucune correspondance consultée ne mentionne la réduction des récoltes comme conséquence de la guerre et de l'interruption du trafic. Certains gérants vont jusqu'à mettre de nouvelles « pièces » — parcelles — en culture, alors que le conflit est déjà bien engagé. Au besoin, on stocke la récolte, en attendant des jours meilleurs. On imagine alors l'engorgement du marché lorsque, la conjoncture paraissant favorable, tous les stocks y sont jetés. C'est ce qui se passa en 1782, lorsque le trafic régulier entre Saint-Domingue et la France fut à peu près complètement rétabli.

L'étude du tableau fait également ressortir des variations d'une denrée à l'autre : sucre et « marchandises sèches » (5) subissent des évolutions dissemblables. Pendant la Guerre de Sept Ans, les sucres sont souvent délaissés par les capitaines au profit de l'indigo, véritable valeur refuge. N'oublions pas qu'alors, en Europe, le sucre souffre d'une conjoncture défavorable, ses cours sont plutôt à la baisse (6) ; aussi les fréteurs sont-ils peu enclins à s'en charger.

En revanche, pendant la Guerre d'Amérique, les lettres des négociants métropolitains font rarement preuve d'intérêt pour une autre denrée que le sucre ; indigo, café, coton connaissent des cours très bas durant tout le conflit. C'est que la conjoncture européenne est de nouveau favorable aux sucres, leur consommation accrue rendant les réexportations (7) très lucratives ; les autres produits coloniaux sont moins favorisés, souffrant de la concurrence importante des Antilles anglaises, qui inondaient le marché européen d'indigo, café et coton.

Le marché des denrées coloniales à Saint-Domingue se révèle donc animé de mouvements saccadés, dont nous n'avions pas nécessairement idée auparavant. Mais parler de « la » colonie de Saint-Domingue ne correspond pas à la réalité telle qu'elle apparaissait aux « habitants » du XVIIIème siècle : la géographie avait, en effet, créé trois colonies, séparées par des chaînes de montagnes difficilement franchissables. En temps de guerre, chaque « quartier » était coupé des autres, la présence continuelle des vaisseaux anglais au large des côtes rendant impossible le cabotage habituel. Du coup, dans chacun des districts (Le Cap, Saint-Marc, Les Cay es-Saint-Louis), le cours des denrées varie ; en fait, seul le marché du Cap fonctionnant — tant bien que mal, et, nous l'avons vu, plutôt mal que bien — en temps de guerre, c'est là que les denrées connaissent les cours les plus élevés ; ainsi, en septembre 1778, le sucre blanc est 22 % moins cher à Saint-Marc qu'au Cap, l'indigo 12 % et le café 28 %.

96 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Si le marché des denrées est marqué par une chute globale des cours, celui des provisions venant de France se caractérise par le renchérissement.

Dès l'ouverture des hostilités, en septembre 1755, les deux articles de base, le vin et la farine, augmentent respectivement de 140 et 120 % (le vin passe de 1 10 livres la barrique à 300, la farine de 40 à 100 !). Certains articles atteignent des prix records, dès les premiers mois de guerre, en particulier pendant la Guerre d'Amérique, où l'on vit le vin à 500 livres la barrique en janvier 1779 et août 1781. Ce niveau atteint, les prix ne pouvaient guère augmenter davantage sans perdre toute signification (8).

Tout comme le cours des denrées est fonction des possibilités de les exporter, le prix des provisions est fonction des possibilités de les importer. A navires rares, provisions chères. Cependant, le marché subit des fluctuations extrêmes : l'arrivée de trois navires ramène l'abondance et les provisions peuvent baisser de vingt livres ou plus — auquel cas le négociant crie « au meurtre ». Celui-ci semble d'ailleurs préférer un trafic réduit, avec quelques navires arrivant régulièrement, afin de maintenir des cours avantageux, sans exaspérer les colons par des prix excessifs. Si un convoi apporte une quantité importante de provisions, les négociants, en accord avec les capitaines, tentent d'enrayer la chute des cours, en limitant les ventes, en constituant des stocks.

Les disparités constatées sur les prix des denrées se retrouvent sur celui des provisions : plus on s'éloigne du Cap, plus celles-ci coûtent cher ; par exemple, en février 1756, aux Cayes-Saint-Louis, la barrique de vin vaut 77 % plus cher qu'au Cap, à 400 livres ; le baril de farine 61 %, à 100 livres ; le baril de bœuf salé 57 %, à 100 livres !

Durant la Guerre d'Amérique, la même situation se reproduit. En pareil cas, l'habitant consomme ce qu'il peut : dépendant, en raison de l'Exclusif, des arrivées de la métropole pour s'approvisionner, il doit consommer l'ordinaire des esclaves — patates douces, ignames, galettes de maïs.

Le marché des esclaves était le troisième point sensible de l'économie dominicaine en temps de guerre. On connaît la forte mortalité des Noirs en temps de paix, la

culture et l'exploitation de la canne à sucre étant épuisantes. L'entretien et la reconstitution de l'atelier servile étaient au cœur de la vie de la plantation. En temps de guerre, la situation empirait : supprimer l'approvisionnement en main d'œuvre noire était pour nos ennemis un sûr moyen de désorganiser l'économie de l'île ; les Anglais procédaient

aussi à des raids dans l'intérieur des terres - l'île avait peu de troupes pour la défendre, et les colons armés se déplaçaient lentement — et enlevaient les esclaves.

Or, pendant la guerre, nombre de planteurs maintenant le même rythme de production, le dépérissement des ateliers se poursuivait au même rythme. Que faire alors ? Beaucoup de planteurs — résidents ou, au contraire, absentéistes, et jugeant la situation depuis la France — préféraient attendre et n'achetaient pas d'esclaves, chers car rares. Mais d'autres, au contraire, reconstituaient leur atelier, achetant très cher les esclaves apportés par quelques négriers ayant forcé le blocus. Pour les payer, ils avaient généralement recours au crédit : ainsi, dans un compte de vente de quatre cent quarante et un Nègres, envoyé le 7 juillet 1778 à Simon Jauge, négociant de Bordeaux, par le régisseur de sa plantation dominicaine (9), le coût total s'élève à 707 945 livres (soit 1 605 livres par tête) ; mais un peu plus du tiers de la somme seulement a été payé comptant, le reste étant en créances échelonnées de trois à vingt -quatre mois.

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Un dernier problème résidait dans les aspects monétaires. Le numéraire était constamment rare aux colonies (10), en dépit de l'« appoint », pourtant illégal, des pièces espagnoles ou portugaises. En temps de guerre, le problème se posait de façon encore plus aiguë. En juillet 1744, pendant la Guerre de Succession d'Autriche, l'intendant Maillart instaura une monnaie de papier, mesure temporaire, consistant en ordonnances numérotées, scellées et reçues comme du comptant, de douze à cinquante livres de valeur. Mais sourcilleux des prérogatives régaliennes, le ministre Maurepas ordonna l'arrêt de l'expérience dès septembre 1744.

La famine d'espèces se fait sentir dès les premiers mois de guerre, négociants et capitaines se disant, dans leurs correspondances, « peu en espèces ». Du coup, les banqueroutes se multiplient, et on recourt au troc. Certes il était déjà utilisé en temps de paix, et ce durant tout le XVIIIème siècle. Il n'y a donc pas retour, mais extension du troc ; lorsqu'il paie, l'habitant paie en nature, pour acheter ses provisions ou régler ses dettes. Le gouvernement général prit un arrêt obligeant les capitaines à recevoir du sucre et des denrées en paiement, ce qui ne va pas sans provoquer maintes protestations des capitaines et des négociants, furieux d'être remboursés en denrées dépréciées de dettes contractées en argent et billets à ordre.

Dès lors, la denrée a deux cours : l'un en argent, plus bas, et le cours « en paiement » de 15 à 20 % plus élevé ; en mars 1756, le sucre brut vaut 13 livres le quintal en argent et 17 en paiement, l'indigo 5 à 6 livres la livre en argent et 6 ou 7 en paiement.

L'absence de monnaie gênait aussi les transferts de fonds en France par les gérants des habitations ou les négociants, qui prenaient souvent la forme d'envois effectifs d'espèces. En pareil cas, on recourait aux lettres de change et aux rescriptions sur le Trésor : le négociant effectue à Saint-Domingue une remise en argent ou en nature auprès du Trésor des Colonies, contre un reçu, qui est expédié en France où il est encaissé en argent de France, au pair (11). Leur usage est très courant, par exemple en 1762, pour payer les fournitures nécessaires à l'escadre de M. de Blénac, qui venait secourir la colonie, soumise à un strict blocus par les Anglais. Cependant, le souvenir de Law était toujours présent à la mémoire des négociants, et ceux-ci se firent souvent tirer l'oreille avant d'accepter.

Enfin, l'usage des paiements à terme est lui aussi accru. En temps de paix, c'est un des moteurs de l'économie coloniale, planteurs, négociants antillais et français étant liés par un réseau compliqué de dettes (12). Mais pendant la guerre, les termes s'allongent (au moins un ou deux ans) et sont rarement respectés. Le planteur, paradoxalement, ne s'en tire pas trop mal, pouvant régler ses dettes en nature à un cours, nous l'avons vu, légèrement plus avantageux — la législation le protège. En revanche, l'endettement du négociant antillais auprès de son partenaire français s'accroît au fur et à mesure que les cargaisons expédiées vers la métropole sont saisies par les Anglais.

Telles sont les caractéristiques essentielles de l'économie coloniale en temps de guerre : forte dépréciation des denrées, renchérissement parallèle des provisions venues de France, oscillations brusques et parfois imprévisibles des marchés, rareté et cherté des esclaves, famine monétaire qui impose le recours à divers expédients. Mais, comme nous l'avons déjà mentionné, la croissance économique de l'île reprenait fortement dès la fin des hostilités. C'est que les « habitants » tentaient par tous les moyens de remédier à la désorganisation des circuits commerciaux habituels.

98 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Comment pouvait-on, en temps de guerre, poursuivre les relations commerciales avec la métropole ? Nous avons vu que les Anglais soumettaient les îles françaises à un blocus rigoureux, cela afin de les forcer à capituler (13). Pendant la Guerre de Sept Ans, le commerce fut quasi-constamment interrompu : les Anglais s'étaient assuré dès 1755 le contrôle de la mer des Antilles, et rares étaient les navires qui parvenaient à leur échapper. Pendant la Guerre d'Amérique, le commerce, surtout après 1779, fut protégé par des convois, et la Royale remporta de brillants succès aux Antilles. Cependant, les habitudes acquises au cours des précédents conflits n'étaient pas perdues.

Considérons en premier lieu le commerce « régulier » avec la métropole ; on ne peut que constater l'allongement des escales, les navires pouvant rester plusieurs mois sans appareiller alors qu'ils sont déjà chargés, attendant d'être en nombre suffisamment important pour appareiller sous escorte de deux frégates qui les accompagnent jusqu'aux Débouquements, nom donné aux passages entre les îles Lucayes et Turques, à deux cents kilomètres environ au nord de Saint-Domingue.

Qu'est-ce qu'un nombre suffisamment important ? Entre 1750 et 1755, le seul port de Bordeaux expédie une moyenne de cent soixante deux navires par an, dont 50 à 60 % pour Saint-Domingue ; or, en 1762, lorsque les correspondances mentionnent « une abondance de navires », il ne s'agit que de quatorze vaisseaux ! On mesure alors l'effondrement du commerce en temps de guerre.

Par ailleurs, nous l'avons déjà mentionné, le commerce se concentre ipso facto en un seul port, le Cap : c'est le plus fortifié, celui que l'on atteint le premier en venant de France, et y décharger évite d'avoir à franchir les passes difficiles de Tiburon et Saint- Nicolas.

Les retours se font également de façon particulière, puisqu'en temps de guerre se pratiquent la division des chargements sur plusieurs navires et la multiplication des cosignataires ; ainsi, en juin 1780, les Anglais s'emparent du Comte de Haîîeveil, de Bordeaux, allant du Cap à Bordeaux sous le commandement du capitaine Minviel- le (14) ; les livres de bord font apparaître un chargement fractionné en petites quantités, dont voici un extrait :

Expéditeur consignataire sucre café indigo

Min vielle armateur HObq Minvielle Baigneux & Co 6 bq 1 quart Lacombe, habitant Descrambe 16/4 Loustanneau, " Macnemara 12 bq Désiré Cazin Baux frères 30 bq 59 sacs

C'était le meilleur moyen de procéder à des remises, dans l'espoir qu'au moins l'un des navires passerait à travers les mailles du blocus et parviendrait à bon port ; d'autre part, fractionner les chargements permettait de réduire les pertes en cas de saisie par les Anglais.

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Enfin, les coûts du commerce sont accrus : le fret augmente dès les premiers bruits de guerre : entre septembre 1755 et avril 1762, celui de l'indigo passe de 35 deniers la livre à 15, voire 16 sols, soit 400 % d'augmentation ; c'est un fret cher — 75 livres le quintal —, plus cher que celui pratiqué de la France vers les îles — 25 Its. Le fret est le loyer du navire ; s'il y a peu de navires, le fret est cher ; de même, la perspective du départ d'un convoi fait monter les prix du fret ; le fret dépend aussi de la place prise par la marchandise : indigo, café, coton sont moins encombrants que les sucres, et le capitaine, courant les mêmes risques, ne voulant pas perdre de profit, facture un fret plus élevé.

Il y a aussi les assurances qui atteignent rapidement des sommes très élevées ; le taux normal de 3 à 3,5 % passe à 25, voire 30 %, après la déclaration de guerre (septembre 1755 à février 1756) ; dès mars 1756, nous voici à 40 %, en juin, 45 %, en octobre 1757, 50, voire 55 % ; la prise d'un convoi par les Anglais fait même apparaître une prime de 70 % ! Passé 40 %, les négociants déclarent avoir perdu toute perspective de profit. Notons au passage que les marchandises chargées sur les vaisseaux — armés — du roi ne sont assurées qu'à 15 %, voire 8 %. Peut-être, en revanche, faillait-il laisser au roi une fraction du chargement ? Les assurances sont contractées sur de multiples places d'Europe : Paris, Londres, Amsterdam, Cadix, Gênes, ces deux dernières places pratiquant des taux moins élevés (40 % lorsqu'ailleurs on est à 50, 55 %).

En pareil cas, les armateurs ont trois réactions : soit s'assurer en dépit des coûts, tout en recherchant les places qui pratiquent les meilleurs taux ; soit assurer l'assurance, pour ne pas tout perdre d'une somme exorbitante, soit, enfin, courir les risques de la mer, ne pas assurer, ce que de nombreux négociants choisissent.

Cependant, les circuits commerciaux « traditionnels » étaient loin d'être suffisants. Il fallait donc avoir recours à d'autres circuits ; d'où l'importance du commerce interlope. Rappelons que, théoriquement, les îles sont soumises à l'obligation de commercer exclusivement avec la métropole, sur les navires de la métropole-c'est l'Exclusif. Sa rigidité, toutefois, était la justification d'entorses perpétuelles en temps de paix. En temps de guerre, l'Exclusif n'est plus que théorique. Le seul impératif est de vendre les récoltes et d'acheter des provisions ; pour cela, l'habitant utilise les services de navires étrangers, neutres ou même anglais — les Parlementaires.

Le commerce des Parlementaires (15) est un commerce frauduleux, auquel se livrent les Anglais, des îles ou du Continent, sous couvert d'échanger les prisonniers de guerre ; le navire chargé de l'échange transporte plus de provisions que nécessaire, afin de les vendre aux colons des Iles françaises, qui y trouvent aussi l'occasion de faire transiter des marchandises par la Jamaïque et Londres, où des négociants amis les vendaient et remettaient l'argent aux consignataires originels. Dès février 1756, les négociants Pa- vageau et Rousseau, de Port-au-Prince, demandent au Nantais Chancerel « des correspondances que votre ami de Londres vous a donné à la Nouvelle-Angleterre et à la Jamaïque de sûres » (16) ; s'ils désirent les connaître, c'est pour s'en servir dans les plus brefs délais. En revanche, vers 1762, Delzollier-Lagrange, au Cap, regrette que les Parlementaires ne viennent plus « depuis que nous avons eu le malheur de perdre la Martinique, ils préfèrent aller dans cette île sans risque plutôt que de venir ici » (17).

Auquel cas on perçoit toute l'importance du trafic avec les « Neutres » — Espagnols (18), Danois, Suédois, impériaux d'Ostende, et surtout Hollandais (19). L'offïcia-

1 00 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

lisation — temporaire — du commerce interlope eut lieu pour la première fois en 1744, mais à petite échelle, tant la mesure était révolutionnaire. Il fallut recommencer en 1757, en fait avaliser une situation préexistante ; en 1778, les neutres furent autorisés à commercer dès le début du conflit ; il est vrai que l'ouverture du port franc du cap Saint-Nicolas en 1767 avait fait avancer les mentalités.

La voie de l'Espagne ne concerne que les premières années de la Guerre de Sept Ans ; elle est centrée plus particulièrement sur le port de Cadix, par où de nombreux commerçants marseillais — Imbert, My card, Castelron — font transiter leurs correspondances et leurs envois de denrées. Les vaisseaux qui effectuent ces transports proviennent pour beaucoup d'entre eux de La Havane, relativement proche de Saint- Domingue.

Plus important paraît le trafic avec les Iles danoises de Saint-Thomas et Sainte- Croix, proches de Saint-Domingue. L'état du chargement d'un navire danois, saisi en juillet 1758 (20), démontre un artifice juridique utilisé pour éviter d'être considéré comme « bonne prise » : il y est précisé que « les denrées sont achetées par le capitaine et les officiers du navire, ou par des négociants de Sainte-Croix, de sorte qu'aucun sujet ou vassal français n'aie la plus petite part dans la cargaison » ; il n'empêche que les produits furent déclarés « français » par la Haute Cour de l'Amirauté et le navire condamné. Le chargement se composait de sucres, de café, d'indigo, de soieries, mais aussi de pièces d'or, ce qui montre que les neutres enlèvent un numéraire déjà très rare, en raison de l'impossibilité de recouvrer en nature le produit de la vente des provisions, très chères ; d'où la nécessité d'emporter le solde en espèces. On constate la grande diversité des consignataires et la faible importance des retours effectués par un seul expéditeur :

COSIGNATAIRE PRODUITS ET QUANTITÉS

Berre, Fenger et Co 42 barils de sucre blanc de Saint-Domingue 249 barils de sucre brun de Sainte-Croix 85 sacs de café 2 barils de café 9 petites caisses d'indigo

M. H. Graur 12 petits barils de sucre brun de Sainte-Croix

Lady Hoist 3 barils de sucre blanc de Saint-Domingue

Hans Hvied 4 barils de sucre français

Ce n'est cependant pas la panacée ; le fret par Saint-Thomas ou Sainte-Croix atteint cinq à six livres sterling la barrique, soit cinq à six livres françaises (la livre anglaise coloniale ayant à peu près la même valeur que la monnaie coloniale française). De plus, les navires danois sont rares, et les Anglais respectaient peu ce pavillon, à l'opposé par exemple de celui des impériaux d'Ostende.

L'ÉCONOMIE DES ILES SUCRIERES : L'EXEMPLE DE SAINT-DOMINGUE 101

C'est en fait le trafic hollandais qui est le plus important. Il permet de maintenir les communications tout au long de la Guerre de Sept Ans, négociants français et antillais étant en contact avec des négociants de Saint-Eustache et Curaçao, eux-mêmes liés à des maisons d'Amsterdam ; et c'est par ce chemin que transitent les denrées que les vaisseaux français ne peuvent emporter. Ainsi, le Bayonnais Courryolles écrit-il à Lau- ga, aux Cayes (21) : « Une fois arrivé à Saint-Domingue, vous devez vous informer s'il vient des Hollandais pour charger pour Curaçao ; vous achetez de l'indigo et vous divisez les risques le plus possible ; vous les adressez à J. Van Lenneps, à Curaçao avec compte pour Thomas et Adrian Hope à Amsterdam en leur faisant suivre le débours qu'il aura fait, s'il n'y a pas de Hollandais aux Cayes, écrivez à Van Lenneps pour lui demander un bateau pour charger à compte et risque de Hope ». C'est donc le négociant d'Amsterdam qui est consignataire des denrées et qui assure les risques ; les maisons hollandaises et françaises s'arrangent ensuite entre elles — dans les meilleurs des cas ; sinon, le chargement est perdu pour le négociant français...

C'est surtout dans le quartier sud que les Hollandais viennent trafiquer, le port des Cayes ou celui de Port-au-Prince étant les premiers rencontrés lorsque l'on vient de Curaçao ou Saint-Eustache. Le commerce hollandais se fait tous azimuts, Saint-Eustache surtout étant en relations avec les îles françaises, la Virginie, le Maryland, l'Angleterre, la Hollande bien sûr, l'Irlande. La farine provient de France (la plus chère), d'Angleterre et de Hollande (« commune ») ; le bœuf salé, d'Irlande ; les toiles, de Hollande. Les provisions ne sont pas vendues à des prix exorbitants ; ainsi, en janvier 1782, la barrique de vin est vendue 243 livres coloniales, le baril de farine française, 144, celui de bœuf salé, entre 144 et 162. Ces prix sont loin des cours records atteints à Saint- Domingue en janvier ou août 1779. Cette situation peut s'expliquer par l'abondance des provisions à Saint-Eustache, qui est mentionnée dans de nombreuses correspondances, et par la concurrence des autres neutres (danois par exemple), ou encore celle des navires français.

Terminons en précisant que les Hollandais eux aussi pratiquaient la division des cargaisons et la multiplication des consignataires, la neutralité de leur pavillon n'étant pas toujours respectée.

On perçoit dès lors l'ampleur du commerce interlope dans l'espace antillais et les nécessités auxquelles il répondait. Il est d'ailleurs significatif que l'ouverture du commerce colonial aux neutres soit à chaque guerre accordée plus rapidement et plus largement.

Le dernier point à aborder est celui des profits faits en temps de guerre ; l'expression peut paraître paradoxale ; d'autant qu'en temps de paix, les négociants se sont toujours plaints des frais occasionnés par le commerce colonial (22), en raison de plusieurs facteurs se conjuguant : coulage des sucres pendant les traversées, droits d'octroi, fret, assurances, et un cours des denrées plus élevé aux îles qu'en France (23). Lorsque la guerre éclate, toutes les données traditionnelles sont bouleversées et de nombreux négociants sont ruinés ou doivent fortement s'endetter. Mais certains réalisaient aussi de très gros profits (24). Ainsi le Marseillais Boussé écrit-il à son associé

1 02 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Tourrès, au Cap, le 20 octobre 1757 : « Suivant les prix que vous me marquez des sucres bruns et têtes —blancs— il y a profit considérable : les communs sont à 2 14 ; ajoutez-y le nolis (fret) fi 30 ; cela fait ici fi 44, on les vend fi 54 ; ajoutez fi 7,10, c'est l'augmentation du poids de tare au poids de marc (25), cela fait fi 64, otez-y les fi 44 reste fi 20, cela veut dire près de 150 %, on fait assurer à 50 %, il reste un profit considérable ». C'est en fait un calcul tout à fait fantaisiste, dont l'auteur confond, volontairement ou non (pour ôter tout doute au partenaire ?), divers éléments ; en effet, si le prix du quintal de sucre commun est bien de 44 livres coloniales, le prix de vente est lui indiqué en livres tournois ; 53 Its équivalent à 72 livres coloniales ; de même, la somme rajoutée pour le passage d'une unité de poids à une autre est donnée en livres tournois, mais comptée sur le prix de vente du sucre (indiqué, quant à lui, en livres tournois) en livres coloniales (7,10 Its + 33 1/3 % = 10 livres col.) ; en ce cas, dire que l'on vend le sucre commun 64 livres ne correspond à rien, puisqu'il y a addition de deux unités de compte différentes : le prix de vente est en réalité de 54 Its + 7,10 Its soit 61,10 Its, ou bien de 72 livres col. + 10 livres col., soit 82 ; le profit doit être calculé sur la même base, par conséquent en livres coloniales : ayant été acheté 44 livres et étant vendu 82, le quintal de sucre commun rapporte un profit de 38 livres, soit 86 %, sans compter l'assurance, qui étant à 50 % fixe le profit définitif à 36 %, ce qui reste important.

Ce n'est là qu'un exemple ; les correspondances des négociants en fournissent d'autres. Il faut y ajouter les profits tirés des ventes de provisions : en février 1756, Drouin-Lompon, de Saint-Marc, fait état de possibles profits de 150 à 200 %. Certes, les frais accrus grignotaient une partie des bénéfices ; ils n'en étaient pas moins considérables en regard de ceux que l'on retirait en temps de paix. Ceci explique que certaines maisons commerciales (à Bordeaux, les Bonnaffé par exemple) aient acquis à la faveur des guerres des fortunes impressionnantes dont on comprenait mal l'origine jusqu'alors.

En définitive, quatre points essentiels sont mis en lumière : la rigidité du marché colonial, qui se dérègle et plonge dans le marasme aux premiers bruits de guerre. De même parait-il imprévisible : les nouvelles les plus aléatoires ont d'importantes conséquences. Or en pareille époque, il est bien ardu de faire le tri entre les vraies et les fausses informations et, de place en place, le marché est prompt à s'emballer, commandé autant par la psychologie que par le jeu de l'offre et de la demande.

Mais un élément capital est la souplesse des circuits commerciaux, que l'on trouve bien illustrée dans la multiplicité des alternatives face à la déconfiture de la marine marchande française. Ces solutions ne se sont pas imposées ex-nihilo le jour suivant la déclaration de la guerre ; la rapidité de leur mise en place, avec ou sans la bénédiction des autorités locales, traduit l'habitude qui s'était créée en temps de paix d'utiliser des circuits parallèles et simultanés ; la guerre ne faisait que pousser au maximum les déficiences du système colonial, qui n'a pas eu pendant longtemps les moyens de sa politique.

Néanmoins, il ne faut jamais perdre de vue la formidable vitalité de l'île ; l'âge d'or de Saint-Domingue débute dès 1763, dès la fin de la Guerre de Sept Ans, pourtant extrêmement dure pour l'Ile. Ceci est compréhensible : la prospérité de l'île repose sur ses cultures de produits tropicaux, et la production ne diminue pas sensiblement en temps de guerre ; il y a donc constitution de réserves prêtes à être expédiées en France au retour d'une conjoncture favorable. Les périodes de guerre ne sont pas des périodes

L'ÉCONOMIE DES ILES SUCRIERES : L'EXEMPLE DE SAINT-DOMINGUE 1 03

de récession, mais plutôt des parenthèses, sombres certes, mais au cours desquelles les facteurs économiques ne sont pas modifiés de façon structurelle.

Philippe CHASSAIGNE Agrégé d'Histoire

Lycée R.J. Valin et Lycée Hôtelier - La Rochelle

NOTES

(1) y< Guerre de l'Oreille de Jenkins » - version antillaise de la Guerre de Succession d'Autriche (1744-1748), Guerre de Sept Ans ou « Grande Guerre de l'Empire » (1756-1763), Guerre d'Amérique (1778-1783). (2) Public Record Office, séries HCA 30 253 à 345. (3) La partie occidentale de l'île de Santo-Dominguo avait été cédée à la France par l'Espagne à Ryswick en 1697 ; des flibustiers français avaient établi dès 1620 des bases sur l'ilôt de la Tortue. (4) Ou pour leur propre compte ; parfois le capitaine était un négociant chevronné entre deux voyages ; se reporter à P. Butel, Les négociants bordelais, l'Europe et les îles, Paris, 1974, p. 229-235. (5) C'est-à-dire l'indigo, le café, le coton, qui ne coulaient pas pendant le voyage. (6) Sur ce point, voir P. Butel, La croissance commerciale bordelaise dans la seconde moitié du XV Ш ème siècle, Paris, 1973. (7) Les Français étaient loin d'avoir « la bouche la plus sucrée d'Europe » et entre 1775 et 1785, 74 % - en moyenne annuelle — des importations de denrées coloniales furent réexportées ; voir à ce propos J. Tarrade, Le commerce colonial de la France à la fin de l'Ancien Régime, Paris, 1972, p. 753. (8) Déjà, à un tel niveau, certains négociants se plaignent de devoir consentir des crédits qui ne seront jamais entièrement honorés. (9) HCA 30 273. (10) A ce propos, voir la démonstration de Hilliard d'Auberteuil, Considérations sur l'état présent de la colonie de Saint-Domingue, Bruxelles, 1776. (11) C'est-à-dire, en suivant l'équivalence habituelle de la livre coloniale qui perdait 33 1/3 % dans sa « conversion » en livres tournois. (12) En règle générale, le planteur est débiteur des deux à la fois et le négociant antillais débiteur du français. Voir en particulier F. Thesee, Liaisons d'habitations, négociants et planteurs à

Saint-Domingue à la fin du XVIIIème siècle, Paris, 1972. (13) Ce qui se produisit à la Guadeloupe en 1759 et à la Martinique en 1761. Notons d'ailleurs que les colons étaient peu enclins à « résister » aux occupants anglais, la capitulation signifiant la fin de la disette. (14) HCA 32, 297. (15) On trouvera l'exposé le plus précis sur le trafic des « Parlementaires » dans l'ouvrage classique de R. Pares, War and Trade in the West Indies, Oxford, 1936. (16) HCA 30 260. (17) HCA 32 201. (18) Les Espagnols furent neutres de 1756 à 1761 ; après quoi ils entrèrent en guerre aux côtés de la France contre l'Angleterre, tout comme en 1778. (19) Neutres durant toute la Guerre de Sept Ans, les Hollandais ne le demeurèrent que de 1778 à 1780 pendant la Guerre d'Amérique. (20) HCA 32 173, Christiana Sophia, capitaine Hans Janssen Meyer. (21) HCA 32 173. (22) Se reporter à J. Tarrade, op. cit., p. 136 sqq., qui démontre la relativité de pareille argumentation. (23) Par exemple, le café vaut 10 à 11 sols tournois en moyenne la livre en France, et 15 à 16 sols aux colonies, ce qui fait 10, 10 1/2 sols tournois. (24) HCA 30 265. (25) Le poids de marc, utilisé en France, est supérieur de 16,13 % au poids de tare, en vigueur aux colonies : 100 livres poids de marc= 1 16,13 poids de tare.

104 HISTOIRE ÉCONOM

IE ET SOCIÉTÉ

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13 й о U

Juillet 1757

Juin 1756

Mai i. 1756

Mars 1756

février 1756

fin sept. 1755

24 à 36 10 à 12 о 4f XO 00 CM со XO CM 20 à 38 in CM CJ о in

Sucrp blnnc le cent

10 à 12 m XO rf ■4- XO CM 12 à 15 12 à 13 14 à 15 CM Ы CM

Sucre brut le cent

5.10 à 5.12 5.10 à 6 со XO in со r^- xo ■4- m 9,15 à 10 E

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Coton le cpnt

L'ÉCONOMIE DES ILES SUCRIERES : L'EXEM

PLE DE SAINT-DOM

INGUE

105

ex б о

AVRIL 1762 Février 1757 Mars 1756 Février 1756 décembre 1755 fin sept. 1755 Septembre 1755

О OD g g g О О О vin rouge bq

100 à 120 300 s чО О N43 о LT\ О Farine bl

о о со о чо Boeuf salé bl

о Huile cuve

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Août 1782 Janvier 1779 Novembre 1778 Septembre 1778 Juillet 1778 Juin 1778

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