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www.agauchepourgagner.fr - @MotionB_AGPG #AGPGMotionB - facebook.com/agauchepourgagner 1 L’AVENIR DU TRAVAIL Notre « contre-réforme » du droit du travail Désarmer le droit du travail n’a rien de moderne, au contraire. Nous y voyons plutôt un fatalisme déjà dépassé, sans principes, ni ambition face au chô- mage de masse que la crise de 2008 et les politiques macroéconomiques étouffant la reprise ont propulsé à plus de 10%. La démarche imposée par la loi « Travail » n’a rien de celles que doit reven- diquer la social-démocratie. Elle n’a pas construit le compromis social de grande ampleur dont notre pays a tant besoin. Influencée par les lobbys pa- tronaux, elle se contente d’un accord à la sauvette avec une part seulement des partenaires sociaux. Elle s’est même évadée des règles élémentaires de la démocratie sociale que le Président de la République avait désignée comme l’une des marques de ce quinquennat. Le cheminement unanimement décrié de ce projet de loi en fait une réforme unilatérale, sans concertation préalable sérieuse sur les points durs, ni négociation à aucune des principales étapes. La brutalité sous-jacente et la menace toujours présente de l’usage de l’article 49-3 sont inacceptables pour le Parlement et le Parti socialiste. Là comme ailleurs, la forme en dit beaucoup sur le fond. Nous avons souhaité aller beaucoup plus loin que la simple critique. Elle est aisée, à la veille du conseil des ministres ! Les motifs sont nombreux, car ce texte est dangereux. Nous proposons ici une autre réforme. Ambitieuse pour tous, pour les salariés comme pour les entreprises. Nous n’ignorons pas les attentes des entreprises en matière de formation professionnelle, de meilleure lisibilité du code du travail. Mais l’esprit de réforme, ce n’est pas de cé- der aux discours des puissants, mais plutôt de construire ensemble les protections adaptées aux formes nouvelles de l’économie. «Le problème n’est pas tant de réformer un code que de restau- rer la confiance dans le projet de société pour lequel les réformes sont engagées». Daniel Cohen Mars 2016

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L’AVENIR DU TRAVAILNotre « contre-réforme » du droit du travail

Désarmer le droit du travail n’a rien de moderne, au contraire. Nous y voyons plutôt un fatalisme déjà dépassé, sans principes, ni ambition face au chô-mage de masse que la crise de 2008 et les politiques macroéconomiques étouffant la reprise ont propulsé à plus de 10%.

La démarche imposée par la loi « Travail » n’a rien de celles que doit reven-diquer la social-démocratie. Elle n’a pas construit le compromis social de grande ampleur dont notre pays a tant besoin. Influencée par les lobbys pa-tronaux, elle se contente d’un accord à la sauvette avec une part seulement des partenaires sociaux.

Elle s’est même évadée des règles élémentaires de la démocratie sociale que le Président de la République avait désignée comme l’une des marques de ce quinquennat. Le cheminement unanimement décrié de ce projet de loi en fait une réforme unilatérale, sans concertation préalable sérieuse sur les points durs, ni négociation à aucune des principales étapes. La brutalité sous-jacente et la menace toujours présente de l’usage de l’article 49-3 sont inacceptables pour le Parlement et le Parti socialiste. Là comme ailleurs, la forme en dit beaucoup sur le fond.

Nous avons souhaité aller beaucoup plus loin que la simple critique. Elle est aisée, à la veille du conseil des ministres ! Les motifs sont nombreux, car ce texte est dangereux.

Nous proposons ici une autre réforme. Ambitieuse pour tous, pour les salariés comme pour les entreprises. Nous n’ignorons pas les attentes des entreprises en matière de formation professionnelle, de meilleure lisibilité du code du travail. Mais l’esprit de réforme, ce n’est pas de cé-der aux discours des puissants, mais plutôt de construire ensemble les protections adaptées aux formes nouvelles de l’économie.

«Le problème n’est pas tant de réformer un code que de restau-rer la confiance dans le projet de société pour lequel les réformes sont engagées». Daniel Cohen

Mars 2016

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1. « CETTE LOI VISE À RÉPONDRE AU DUALISME DU MARCHÉ DU TRAVAIL NUISIBLE AUX OUTSIDERS (JEUNES ET PRÉCAIRES). »

La philosophie de la loi « Travail »

La théorie insiders/outsiders apparaît à la fin des années 80. Il s’agit d’expliquer le dualisme du marché du travail par une trop grande protection accordée aux personnes en emploi pérenne. Sur ce foncement théo-rique, les think tanks libéraux, le patronat et la droite française dénoncent depuis 20 ans les rigidités du CDI pour expliquer le chômage élevé et la précarité d’une part importante de la population. La nouveauté vient de l’appro-priation de cet argumentaire par un gouver-nement socialiste. 83% d’embauches se font en CDD. C’est sur ce chiffre que le gouverne-ment insiste pour appuyer son propos.

Notre vision

La réalité de l’emploi est bien différente des axiomes libéraux. Une étude de la DARES (2014)1 sur la période 2000-2012 montre que la part des CDI dans l’emploi est restée stable autour de 87% des salariés du secteur privé. Cependant, sur la même pé-riode, la part des contrats temporaires (inté-rim et CDD) dans les embauches a augmenté et leur durée moyenne a nettement baissé. En réalité, c’est l’embauche en CDD de moins d’un mois (voire une semaine) qui explose. En 2012, seulement 21 % des intentions d’em-bauche en CDD concernent des CDD de plus d’un mois, contre 37 % début 2000. On a du mal à croire qu’un CDI, même flexibilisé, puisse se substituer à un contrat hebdoma-daire ou mensuel.

En outre, cette lecture duale et caricatu-rale sous-estime le continuum de situa-tions entre chômeurs et salariés, le travail précaire, le fait qu’une même personne peut

connaître une diversité de situations tout au long de sa vie professionnelle... Il n’existe pas de « stocks » de précaires à opposer à des « nantis », la Gauche ne saurait alimenter cette fausse opposition entre les uns et les autres pour introduire de la précarité… dans les CDI.

En outre, il est illusoire de croire qu’une flexi-bilisation accrue du marché du travail per-mettra d’aider les plus fragiles : les moins qualifiés, les jeunes, les seniors… seront tou-jours les premières victimes de la précarité, car abaisser les protections des mieux proté-gés, c’est en réalité abaisser les protections de tous, et accroître la précarité des plus vul-nérables.

Enfin, cette recherche de justification so-ciale à une réforme libérale est un contre-sens politique. Le mouvement socialiste ne saurait aujourd’hui substituer cette fausse opposition entre insiders et outsiders à ce qui devrait, même si les rapports salariaux ne sont pas toujours conflictuels, demeurer au cœur de nos combats : la confrontation d’in-térêts entre le capital et le travail. Or, c’est le grand oubli des débats actuels sur la nature même de notre modèle de production.

2. « SÉCURISER LE LICENCIEMENT FA-VORISE L’EMBAUCHE. »

La philosophie de la loi « Travail »

Manuel Valls (RTL 23.02) : «Ce que nous vou-lons démontrer c’est que le chef d’entreprise ne doit plus avoir peur d’embaucher parce qu’il aurait éventuellement peur de licen-cier. Nous voulons donner plus de souplesse aux entreprises. Ça leur donne la possibilité d’embaucher d’avantage et si c’est bon pour l’emploi, c’est bon pour les salariés et pour le chômage».

Plus que faciliter le licenciement, le gouverne-ment cherche à réduire les incertitudes liées à

AUTOUR DE LA LOI « TRAVAIL » : DEUX VISIONS DE SOCIÉTÉ, DEUX VISIONS DU PROGRÈS

La loi « Travail » repose de façon assumée sur une philosophie libé-rale et régressive, sur l’instauration d’un modèle social dont nous ne partageons pas les fondements.

1 DARES, « Entre 2000 et 2012, forte hausse des embauches en contrats temporaires, mais stabilisation de la part des CDI dans l’emploi », Juillet 2014

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l’embauche. C’est ainsi qu’a été notamment justifié le plafonnement des indemnités su-pra-légales pour licenciement abusif.

Notre vision

La protection de l’emploi en CDI n’est pas source de chômage. Selon les données de l’OCDE2, la protection des contrats à durée indéterminée est plus importante en Alle-magne, mais également aux Pays-Bas, en Autriche ou en Suède. Or, ces Etats sont pré-sentés comme des modèles en termes de mise en œuvre de « réformes structurelles ».

En outre, il n’existe pas de consensus scientifique permettant d’établir un lien entre protection de l’emploi et hausse du chômage. Proposer une réforme sur ce fon-dement n’a rien de pragmatique. Le gouver-nement ne fait que céder aux assertions libé-rales.

Enfin, c’est avant toute chose l’activité économique qui favorise l’embauche. Les mesures de baisses d’impôts et cotisations sur les entreprises financées par les ménages et les restrictions budgétaires compressent l’activité. L’OFCE estime qu’une croissance du PIB de 1,5% constitue un plancher pour assurer une baisse conséquente du taux de chômage.

3. « CETTE LOI EST UNE RÉPONSE À LA COMPLEXITÉ DU DROIT DU TRAVAIL DONT LES PREMIÈRES VICTIMES SONT LES SALARIÉS ET LES EMPLOYEURS DES TPE ET PME. »

La philosophie de la loi « Travail »

Emmanuel Macron : « Notre Code du travail est beaucoup trop complexe si bien que les salariés connaissent mal leurs droits. »

François Asselin (CGPME) : « A force de grossir et de se complexifier, les acteurs en ont été dépossédés, ils ne le [droit du travail] maîtrisent plus. Là où il devait fluidifier les ini-tiatives, il est venu figer les positions. »

Le MEDEF dénonce un code du travail passé de 1000 à 3000 pages en 25 ans.

Notre vision

La complexité supposée du code du travail s’explique au moins par deux raisons: d’une part, parce qu’il est le produit d’une tension entre des exigences contradictoires (d’un côté la liberté d’entreprendre et d’organisa-tion de l’employeur, de l’autre le respect des droits des salariés) ; d’autre part, par souci de s’adapter à la diversité des entreprises, selon leur taille notamment.

En outre, la simplification n’est pas le sou-ci du gouvernement qui s’est plutôt attelé à une refondation du code du travail, alors même qu’il y eu une recodification à droit constant, c’est-à-dire sans modification autre que formelle des règles, en 2008. Rappelons que le code du travail s’est construit pour pro-téger les salariés d’une situation intrinsèque-ment inégale marquée par le principe de su-bordination à l’employeur.

Pour autant, le droit actuel est trop com-plexe. Il faut le rendre plus clair et plus acces-sible. Cette réforme à droit constant exigerait des objectifs clairs et un pilotage politique pour les faire respecter.

Mais la simplification peut être dangereuse si le code du travail est trop flou ou trop général. Cela conduira à redonner plus de pouvoirs aux juges qui sont saisis des litiges liés au travail ; faire reculer le domaine de la loi c’est prendre le risque d’une judiciarisation accrue des relations sociales. En Allemagne, le code du travail comporte 3000 pages (édition 2012). Si la partie normative est plus réduite qu’en France, celle relative à la jurisprudence est bien plus épaisse.

4. « LES PAYS EUROPÉENS ONT EN MA-JORITÉ MIS EN PLACE DES MESURES SIMILAIRES AVEC DES RÉSULTATS PRO-BANTS. »

La philosophie de la loi « Travail »

Les partisans de la loi «Travail», privés de l’exemple allemand, se tournent vers les Etats du sud de l’Europe pour justifier la réforme. Parmi eux l’Italie ou l’Espagne sont souvent ci-tés pour avoir mis en œuvre le même type de mesures depuis 2011. En Italie, le « Jobs act » entré en vigueur en mars 2015, est présenté comme la réforme à l’origine de la baisse de 1 point de chômage entre décembre 2014 et

2 Indicateurs de l’OCDE sur la protection de l’emploi3 Données ISTAT

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décembre 2015. Celui-ci retrouve son niveau de 2012. En 2015, 135 000 ont été créés en CDI contre 25 000 en 20143.

Cette justification par l’efficacité est rejointe par l’impératif de cohésion. Dans le dernier rapport du Conseil d’orientation pour l’em-ploi, sa présidente s’exprime en ces termes : « Aujourd’hui, nos économies sont interconnec-tées, et cela d’autant plus dans une zone monétaire intégrée où le taux de change ne corrige pas des écarts de compétitivité. Il est impératif de regarder ce qui se fait dans les autres pays, tout en tenant compte de la spé-cificité de chacun ».

Notre vision Les mesures de flexibilité du marché du tra-vail votées par les pays du Sud de l’UE ne sont pas des gages de création d’emploi. Tout d’abord parce qu’elles émanent de pays en grande difficulté. Il est pour le moins ori-ginal de prendre en exemple l’Italie dont le taux de chômage a doublé depuis 2008 et reste très élevé aujourd’hui (11,5%) avec un chômage des jeunes à 40%. Pis encore en Es-pagne, où le taux de chômage atteint 20% de la population active.

En outre, une étude du Trésor sur l’écono-mie italienne, datée de février 20164, ap-pelle à la retenue : « sur la hausse totale de l’emploi en 2015, l’impact du Jobs Act est dif-ficile à quantifier ». La Banque d’Italie a néan-moins tenté d’estimer les effets du « Jobs act » à court terme, pour la seule région Vénétie. Les résultats montrent que l’augmentation de l’emploi salarié sur les 4 premiers mois de l’année 2015 en Vénétie sont imputables à la reprise économique et au rattrapage d’après-crise (avec la baisse de la population active). Concernant le quart restant, les deux tiers se-raient attribuables aux exonérations de coti-sations sociales durant trois ans liées à l’em-bauche en CDI et seulement le dernier tiers… au « Jobs act » en lui-même. L’institution ita-lienne ajoute qu’« il est vraisemblable que des évaluations analogues soient applicables à l’ensemble de l’économie ».

Enfin, la Commission européenne ne pré-voit pas de reflux du taux de chômage en Italien pour 2016 démontrant une fois de plus qu’appuyer la réforme française sur les résultats du « Jobs act » est au mieux hâtif, au pire malhonnête. Le taux de chômage italien reste aujourd’hui près de deux fois plus élevé

qu’en septembre 2008 (6,6%).

On ajoutera aussi l’impact négatif des ré-formes de l’emploi sur la pauvreté. Le Conseil d’orientation pour l’emploi écrit dans son rapport sur « les réformes du marché du travail en Europe » (2015)5 que : « La pau-vreté au travail et la pauvreté tout court ont augmenté en Europe. Si cela résulte naturelle-ment de la crise, on peut aussi y voir l’impact de certaines réformes. Des pays comme l’Alle-magne ou le Royaume-Uni, qui ont résolu leur problème d’emploi, commencent à augmen-ter les salaires. » L’Allemagne subit une hausse de son taux de pauvreté à mettre en parallèle avec la précarisation accrue liée aux réformes Hartz.

5. « CETTE LOI, C’EST LE PARI DU DIA-LOGUE SOCIAL. »

La philosophie de la loi « Travail »Dès le mois de septembre, Myriam El Khomri a présenté les objectifs de la future loi en ces termes : «La réforme du droit du travail, ce n’est pas forcément une régression sociale, c’est renforcer le dialogue social.». L’inversion de la hiérarchie des normes telle qu’elle appa-raît dans le texte donne la primauté à l’accord d’entreprise dans de nombreux domaines. Le but est de responsabiliser les partenaires so-ciaux en lien direct avec la réalité économique de leur entreprise.

Notre vision Il ne s’agit pas d’être caricatural. Nombre d’ac-cords d’entreprises aboutiront à la protection des droits des salariés. Cependant les ac-cords signés dans les entreprises où les sa-lariés sont en situation de faiblesse peuvent conduire à leur diminution. C’est un risque pour les salariés de l’entreprise en question. C’est aussi un risque pour les autres. En effet, l’accord de branche a pour mérite premier avec le principe de faveur qui in-terdit à l’accord d’entreprise d’y déroger d’empêcher la concurrence d’entreprises d’un même secteur par une pression à la baisse sur les droits des salariés (« dum-ping social »). Si certaines entreprises, même peu nombreuses, signent un accord au rabais, alors l’argument de la concurrence pèsera sur les droits de l’ensemble des salariés de la branche. La Loi de 2008 permet d’ores et déjà des dérogations en matière de temps de tra-vail mais ses possibilités sont en l’état assez peu exploitées.

4 Direction général du Trésor, « Regard sur l’économie italienne », février 20165 Conseil d’orientation pour l’emploi, “Les réformes du marché du travail en Europe”, Novembre 2015

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LOI TRAVAILPRINCIPAUX DANGERS ET RÉGRESSIONS

L’INVERSION DE LA HIÉRARCHIE DES NORMES REMET EN CAUSE LES PROTECTIONS DES SALARIÉS

Le cœur du projet de loi reste le même. Dans un grand nombre de cas, c’est l’accord d’entreprise définira la norme sociale. L’accord de branche interviendra uniquement par défaut. Les accords signés dans les entreprises où les salariés sont en situation de faiblesse peuvent conduire à la diminution de leurs droits. C’est un risque pour les salariés de l’entreprise en ques-tion. C’est aussi un risque pour les autres.

En effet, l’accord de branche a pour objectif premier dans le droit actuel d’empêcher la mise en concurrence d’entreprises d’un même secteur et donc des droits de leurs salariés. Si certaines, même peu nombreuses, signent un accord au rabais, alors l’argument de la concurrence pèsera sur les droits de l’ensemble des salariés de la branche.

Le cas de la majoration des heures supplémentaires illustre le propos. C’est l’accord d’entreprise qui pourra la limiter à 10%. Là où les syndicats sont faibles, le risque est grand de voir la rémuné-ration des heures supplémentaires baisser et forcer les entreprises concurrentes à s’aligner. Par ailleurs, le verrou que pourrait constituer l’accord majoritaire est remis en cause par la possi-bilité de référendum qui affaiblit la légitimité des organisations syndicales.

LES LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES FACILITÉS

La réforme des licenciements économiques comporte deux parties. La première prévoit d’incorporer dans la loi les motifs de difficultés économiques, en précisant les critères d’évaluation de ces difficultés, notamment quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires et deux trimestres consécutifs de perte d’exploitation. La seconde prévoit l’appréciation des difficultés économiques au seul niveau du territoire hexa-gonal pour les filiales françaises d’un groupe, et non au niveau de l’ensemble du groupe.

Si l’entreprise organise « artificiellement » les difficultés économiques, le juge pourra requalifier le licenciement économique en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le juge ne pourra plus que constater la présentation «optique» présentée par l’entreprise, et dire le licenciement justifié. Il est donc complètement écarté En outre, les critères qui définissent les difficultés économiques peuvent très simplement être contournés. Grâce à des montages finan-ciers et comptables élémentaires, une entreprise bénéficiera dans les faits d’un droit à licencie-ment sans fondement. Enfin, retenir le seul périmètre national pour l’appréciation des difficultés, c’est offrir une prime au licenciement économique dans les filiales françaises des groupes étran-gers et européens.

LE RETOUR DES « ACCORDS COMPÉTITIVITÉ-EMPLOI » DE NICOLAS SARKOZY

Les entreprises se voient offrir la possibilité de signer un accord permettant la modulation du temps de travail (et donc du salaire horaire) pour préserver et/ou développer l’emploi. Un tel accord réduirait à néant toute capacité de résistance du contrat de travail.. Le salarié le refusant pourrait être licencié pour motif personnel. L’article tel que rédigé, retire quasiment toutes les contraintes qui existaient pour la signature d’un accord de ce type (difficultés conjoncturelles, licenciements économique). Cette disposition s’inscrit dans la lignée de la Loi Macron qui avait déjà retiré certaines barrières. Le flou des critères préalables à la signature de ces accords « of-fensifs » rend la possibilité d’en conclure quasi-permanente et participe d’une flexibilisation forte de la législation sur le temps de travail.

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1. GAGNER LA BATAILLE DE L’EMPLOI PAR LA DYNAMISATION DE L’ACTIVI-TÉ ÉCONOMIQUE ACCOMPAGNÉE DE MESURES CIBLÉES

La flexibilisation du marché du travail et l’insécurisation des salariés ne créeront pas d’emplois. Nous ne pouvons espérer réduire durablement le chômage de masse qu’en réunissant, au préalable, les condi-tions d’une redynamisation de l’activité éco-nomique. Des mesures fortes de soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes (par la réforme fiscale progressive notamment) et à l’investissement des collec-tivités territoriales (rétablissement pour sou-tenir l’investissement public des dotations baissées ces dernières années) demeurent absolument nécessaires. Le soutien public aux filières d’avenir (numérique, transition énergétique, services à la personne…) et des aides spécifiques aux PME (réglementa-tion des délais de paiement et encadrement des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants) feront à coup sûr diminuer le chômage. « A gauche pour gagner » porte ces propositions depuis de nombreux mois et a eu l’occasion de les exprimer en détails dans son « Agenda des réformes » en 20156. (mettre un lien)

Pour accompagner cette réorientation de la politique économique en faveur de l’emploi, un certain nombre de mesures ciblées doivent être prises pour réduire le chômage :

• Initier un plan de soutien aux missions locales leur permettant notamment de renforcer leurs moyens humains au mo-ment où de nombreuses collectivités se désengagent, alors que les missions lo-cales voient leur rôle renforcé (garantie jeunes, sortie des emplois d’avenir, dé-crocheurs, etc.).

• Soutenir l’emploi associatif. Les asso-ciations loi 1901, dans nombre de leurs secteurs d’activité, créent aujourd’hui des emplois et ont des besoins de recru-tement, mais rencontrent des difficultés de modèle économique du fait de leur positionnement non lucratif et du recul de l’aide de la puissance publique. Pour aider à la pérennisation des contrats ai-dés (emplois d’avenir notamment), à la stabilisation et à l’accroissement des recrutements, une politique publique de l’emploi associatif doit être mise en œuvre : dispositif fiscal permettant d’en finir avec la discrimination que subissent ces structures empêchées, contrairement aux entreprises lucratives, de toucher le-bénéficier du CICE, aide aux logiques de mutualisation et groupements d’em-ployeurs, appui à la pérennisation des emplois d’avenir...

• Améliorer les conditions du chômage partiel. L’Etat doit donc renforcer les moyens de Pôle emploi pour permettre un taux d’indemnisation plus généreux et applicable plus longtemps en cas de travail fortement réduit et une instruction plus rapide des dossiers de demande d’activité partielle.

• Déployer la puissance publique pour chasser les emplois dans les territoires les plus touchés par le chômage. Des équipes exclusivement dédiées à la lutte contre le chômage de longue du-rée piloteraient l’ensemble des actions : ces commissaires à l’emploi arrêteraient des plans d’action à trois ans mobilisant autour d’objectifs précis la totalité des moyens disponibles sur les territoires. Ils auraient la responsabilité d’étendre, après expérimentation, l’opération « zéro chômeurs de longue durée ».

NOTRE PROJET POUR L’EMPLOI ET LA PROGRESSION DES DROITS DES TRAVAILLEURS

Savoir concilier en France la performance économique et la sécu-rité professionnelle, construire des protections adaptées à la mise en cause du salariat par les nouveaux modèles économiques émer-gents : voici le sens de nos propositions de réforme.

6 Lien : http://agauchepourgagner.fr/agendadesreformes/

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2. CONSTRUIRE UN MARCHÉ DU TRA-VAIL PLUS EFFICACE ET UN CODE DU TRAVAIL PLUS PROTECTEUR

A. Restaurer la hiérarchie des normes, fondée sur le principe de faveur, le respect de la loi et la primauté de la convention collective de branche.

Depuis plus de trente ans, la France a connu un mouvement continu de développement de la négociation d’accords dérogatoires à la loi au niveau des entreprises. La garantie du rôle protecteur de la loi et la revalorisa-tion de la branche professionnelle dans les négociations collectives est dès lors un im-pératif économique et social majeur. Nous proposons de garantir par la loi les principes fondamentaux du droit du travail et les ga-ranties élémentaires des salariés, sans que des dérogations puissent leur être imposées par accord collectif. S’agissant du champ de la négociation collective (salaires, temps de travail, organisation du travail, …), nous pro-posons de revaloriser le rôle de la branche professionnelle, qui devra fixer les grandes normes d’organisation du travail et de pro-tection des salariés.

B. Réformer les prud’hommes dans le sens de l’efficacité et non de la régression

Plutôt que de plafonner ou de conformer à un barêmebarème les indemnités de li-cenciement, il s’agit de donner de la lisibi-lité et de la prévisibilité en réformant les prud’hommes:

• Raccourcir les délais et améliorer la qua-lité de la procédure de jugement, notam-ment en imposant la non-recevabilité des pièces communiquées hors des délais prescrits par le bureau de conciliation et d’orientation.

• Augmenter le nombre de juges dépar-titeurs en commençant par les plus gros Conseils qui traitent à eux seuls la moitié des affaires. 3

C. Face à l’inflation des contrats courts et précaires, instaurer une sur-cotisation sur le principe du « pollueur-payeur »

Agir contre le chômage nécessite égale-ment de lutter contre la précarité de l’em-ploi.

• Moduler les cotisations employeur à l’assurance-chômage, non selon le type de contrat de travail comme l’a instau-ré la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisa-tion de l’emploi, avec des exemptions pour la majorité des contrats courts (in-térim, saisonniers), mais selon le coût induit pour l’assurance chômage. Le taux de cotisation de chaque entreprise serait déterminé en fonction du solde de ses cotisations et des dépenses d’indem-nisation de ses ex-salariés au chômage, quel que soit le type de contrat sur lequel ils sont embauchés.

• Renforcer les sanctions administratives en cas de recours abusif au travail précaire (contrats à durée déterminée et travail temporaire) pour renforcer les capacités d’action de l’inspection du travail.

D. Moderniser le travail au profit des salariés et l’adapter aux nouveaux modes de vie

Moderniser le travail ce n’est pas travailler plus pour gagner autant et dans de moins bonnes conditions. «A gauche pour ga-gner» propose cinq réformes de progrès social pour adapter nos règles au monde du travail du 21e siècle :

• Relancer une dynamique de partage du temps de travail. Aujourd’hui, le travail est déjà partagé (et réduit pour certains et certaines) entre ceux qui travaillent 0 heures (les chômeurs), ceux qui travaillent à temps plein (en moyenne 39.6 heures hebdomadaires selon l’INSEE) et ceux –surtout celles-, qui travaillent à temps partiel et n’ont pas les moyens d’en vivre : plus de la moitié des travailleurs à temps partiels perçoivent moins de 800 euros par mois. Le choix n’est donc pas entre partage ou non du temps de tra-vail, mais entre partage « sauvage » tel qu’il se pratique aujourd’hui et un par-tage qui permette à d’avantage de gens de travailler. La réduction du temps de travail, qui ne doit plus être nécessaire-ment pensée sous un prisme hebdoma-daire, mais en lien avec le temps de tra-vail tout au long de la vie, les périodes de formation, de congés d’engagement, de reprise d’études… doit s’articuler avec la mise en œuvre du compte personnel

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d’activité. Plus précisément, « A gauche pour gagner » propose de franchir une première étape dès 2017 en organi-sant le passage aux 32h (payées 35h) pour les travailleurs de nuit même en cas de modulation du temps de travail (le travail de nuit est particulièrement dan-gereux pour la santé physique et morale des individus) et pour tous les travaux pénibles. En attendant, les 35h doivent être renforcées en fixant un plancher de majoration des heures supplémentaires de 25%, et 50% à partir de la septième heure supplémentaire sans possibilité de remise en cause par convention ou ac-cord collectif.

• Atteindre enfin l’égalité femmes-hommes au travail. La loi doit fixer un délai d’un an, assorti d’astreintes et de sanctions financières, aux entreprises pour l’établissement de l’égalité salariale entre femmes et hommes occupant un poste équivalent, à ancienneté et com-pétence égales. Les femmes de retour de congés maternité devront avoir la ga-rantie de retrouver un poste similaire et seront protégées pendant 18 mois.

• Instaurer un « droit au temps libre et prévisible » en inscrivant dans la loi la nécessité d’un préavis d’au moins sept jours pour toute modification d’emploi du temps, un droit au refus des modifi-cations d’horaires, une indemnité pour les interruptions du temps libre par l’em-ployeur et le principe d’un temps d’as-treinte rémunéré au moins au tiers du salaire normal.

• Faciliter la reconnaissance du burnout comme maladie professionnelleEn France des centaines de milliers de travailleurs sont exposés à un risque éle-vé d’épuisement professionnel («burn out»). Ceci est le plus souvent dû à une surcharge de travail et a des modes d’or-ganisation délétères. Il faut aujourd’hui faciliter la reconnais-sance de l’épuisement professionnel, pour répondre aux difficultés et souf-frances des personnes concernées et inciter les entreprises à intégrer la pré-vention de ce risque dans leur politique managériale et leur organisation du tra-vail.

C’est pourquoi nous proposons de facili-ter la reconnaissance individuelle des cas de « burn out » par les comités régionaux de reconnaissance des maladies profes-sionnelles, en abaissant le seuil d’instruc-tion des dossiers, aujourd’hui fixé à un taux minimum d’incapacité permanente partielle (IPP) de 25%, seuil qui élimine l’immense majorité des cas de «burnout». Nous proposons également que la com-position des comités régionaux soit ren-forcée et ouverte à des professionnels spécialistes des risques psychosociaux, afin de faciliter l’identification et la pré-vention du «burn out».

E. Les nouvelles protections dans l’économie numérique émergente.

La numérisation de l’économie prend deux formes : la numérisation accélérée des en-treprises existantes, « traditionnelles » et l’apparition des formes inédites de la nou-velle économie, parmi les quelles les plates-formes et les modèles collaboratifs.

L’impact est déjà considérable sur le salariat, les collectivités de travail…Le phénomène Uber le démontre. Mais ce n’est qu’un do-maine parmi tous les modèles qui explosent: l’hébergement touristique, la restauration, le transport, les auto-écoles, les services à la personne connaissent le même sort. Des emplois sont crées, beaucoup sont détruits. Ces évolutions produisent de l’externalisa-tion, et des emplois précaires là où le sala-riat était la règle : le numérique se nourrit de l’essor du travail indépendant.

Pour protéger aujourd’hui, il faut innover. Une réforme du code du travail en 2016 ne saurait l’ignorer. C’est l’un des principaux points aveugles de la loi « Travail », déjà dé-passée avant d’être déposée.

• Adapter le droit du travail à la numéri-sation de l’économie en luttant contre le salariat déguisé de l’économie col-laborative. La loi doit organiser la re-qualification en salariés des travailleurs des plates-formes numériques employés sous statut d’indépendant, mais se trou-vant en situation de « sur-subordination » vis-à-vis de la plateforme. Le critère de la dépendance économique doit être pré-cisé dans ce but.

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• Réglementer les plateformes : pour sor-tir de la jungle de l’uberisation, l’éco-nomie numérique doit se développer, mais aussi être régulée en temps réel. « L’intermittence permanente et généra-lisée » subie ne saurait êttre un projet de société. Le droit du travail doit reconnaître une responsabilité sociale des plates-formes. En l’état, elles affaiblissent la pro-tection sociale des travailleurs, qu’elles mobilisent, fragilisent le financement de la Sécurité sociale (sans oublier les pertes de recettes fiscales et la concurrence dé-loyale, destructrice d’emplois).

• Protéger les travailleurs d’une dégra-dation numérique de leurs conditions de travail. Le numérique, avec l’omni-présence de la messagerie électronique, peut conduire à une intensification du tra-vail, facteur de risques psycho-sociaux, à une altération de l’équilibre entre vie pri-vée et vie professionnelle, et à l’isolement dans le télétravail, s’il est mal organisé. La traçabilité des salariés, de leur mobilité et de leurs performances contribuent éga-lement à la pression accrue et aux nou-veaux stress.Pour protéger les travailleurs de telles dérives, le projet de loi El Khomri fait un premier pas en évoquant un « droit à la déconnexion », qui reste cependant virtuel puisque renvoyé, en l’absence d’accord, au bon vouloir de l’employeur. Il faut également aller plus loin en cla-rifiant les conditions d’exercice et les droits collectifs du télétravail.

• Promouvoir les coopératives. Les struc-tures coopératives (SCOP, CAE, SCIC…) sont très bien adaptées à l’économie nu-mérique. Elles ouvrent en outre, à l’image des coopératives d’activités et d’emplois, une troisième voie entre travail salarié subordonnée et travail indépendant pré-carisé, en répondant à une demande de démocratie sociale par la participation de chaque employé à la gestion et au capital de l’entreprise. Ces nouvelles formes de propriété sociale d’entreprise en phase avec l’économie numérique doivent être davantage encouragées et soutenues, notamment par le Programme d’investis-sement d’avenir.

F. Redonner de la sécurité dans une économie désormais « éclatée ».

Plus que la division « insiders/outsiders », c’est désormais la différence de situation entre les salariés des grands groupes don-neurs d’ordre ou des franchiseurs, et ceux des entreprises sous-traitantes, franchisées, et des travailleurs indépendants externali-sés…qui constituent le vrai fossé entre sécu-rité et précariat.

L’extension de la notion de coemployeur permettrait aux « sous-traités » d’avoir en face d’eux les sociétés et les groupes qui détiennent en réalité une bonne part du lien de subordination et du pouvoir écono-mique, et donc de leur destin professionnel. Ces travailleurs pourraient exercer le droit syndical dans les deux entreprises, partici-per aux élections professionnelles, intégrer les CHSCT, bénéficier des formations ou des restaurants d’entreprise…et donc sortir de la sous-condition dans laquelle ils sont relé-gués (par exemple dans les entreprises de sécurité, de propreté, de maintenance…)

3. CRÉER UNE VÉRITABLE SÉCURITÉ SO-CIALE PROFESSIONNELLE, DANS LE CADRE D’UNE PROTECTION SOCIALE REFONDÉE

Nous croyons que la mise en place du Compte Personnel d’Activité peut être le prélude à une évolution majeure de notre modèle social, à l’obtention de nouveaux progrès sociaux, de nouvelles conquêtes so-ciales pour la France au 21eme siècle.. Mais à certaines conditions.

A l’inverse de ce qui est actuellement pré-vu dans le projet de loi, nous ne voulons pas d’un CPA se résumant à une simple jux-taposition de droits existants, et « vendu » comme une contrepartie à un recul des droits et protections. Nous croyons qu’il faut, au contraire, inscrire dès à présent le CPA dans une démarche de long terme, comme la première pierre de la sécurité sociale professionnelle que nous appelons de nos vœux, dans le cadre d’une protec-tion sociale refondée.

Cette sécurité sociale professionnelle que nous défendons permettrait de répondre à deux objectifs essentiels dans la période :

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• créer des nouveaux droits pour permettre aux citoyens de construire des transitions et des évolutions sécurisées dans leurs trajectoires personnelles et profession-nelles, de s’émanciper dans un environ-nement du travail mouvant, de bénéficier d’une autonomie renforcée dans un cadre collectif garanti ;

• répondre à la nécessité de la protection sociale des travailleurs-non-salariés, sans laquelle le risque d’une dualité crois-sante sur le marché du travail, entre ceux qui bénéficient de l’ensemble des droits rattachés au salariat « traditionnel », et ceux qui en sont partiellement ou totale-ment exclus (précaires, travailleurs indé-pendants...), sera un besoin grandissant.

Réussir le pari de cette sécurité sociale pro-fessionnelle demande donc de s’accorder au préalable sur deux éléments :

• l’affirmation des principes clairs qui doivent guider la philosophie, la mise en place et les objectifs du CPA, comme pre-mière pierre de cette SSP ;

• • la proposition d’une méthode et d’un ca-

lendrier à déployer autour de cette vision partagée

Du CPA à la SSP : se mettre d’accord sur les principes et les objectifs

Le CPA ne saurait être une contrepartie à un marché du travail davantage fléxibili-sé et précarisé : c’est en ce sens que nous nous opposons à la loi «travail» et à sa phi-losophie, et que nous refusons le marchan-dage actuellement proposé entre facili-tation des licenciements, inversion de la hiérarchie des normes et mise en place du CPA. Il faut au contraire à la fois de nouvelles protections dans le code du travail, et de nouveaux droits garantis à travers la sécuri-té sociale professionnelle. Le CPA serait une première brique. C’est en ce sens que nous demandons le retrait de la loi «Travail» et la mise en place du CPA dans un autre texte législatif qui lui serait pleinement dédié.

Le CPA est une brique de la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle, qui doit elle-même s’inscrire dans le cadre d’une

protection sociale refondée, autour d’un principe : dans la lignée des «droits de tirage sociaux» définis par Alain Supiot, les droits ne doivent plus être rattachés au statut, au type d’emploi ou d’activité profession-nelle exercés, mais bien à la personne ; et doivent permettre d’exercer des libertés tout au long de la vie grâce aux liens de solidarité.

Dans cette vision, la protection sociale doit être considérée comme un investissement et non comme un coût, ce qui implique que les politiques publiques cessent de réduire les recettes de la protection sociale (fuite en avant des exonérations de cotisations so-ciales) et de se fixer des objectifs contre-pro-ductifs de réduction des dépenses (cf les actuelles pressions aux économies lors des négociations en cours pour l’assurance chô-mage).

En résumé, l’enjeu de cette SSP est de construire de nouvelles possibilités d’émancipation et de progrès pour les citoyens, dans leurs trajectoires person-nelles et professionnelles, et pas la mise en place de « bouées de sauvetage » dans un marché du travail davantage instable et précarisé.

Définir une méthode et un calendrier

Il faut sortir de la dictature du court-terme et de l’obsession de la communication pour proposer une vision d’ensemble et de long terme. Il est impératif de mettre en place et de fixer dès à présent, sur plusieurs an-nées, un calendrier présentant les étapes qui permettront d’inscrire cette première pierre qu’est le CPA dans la mise en place d’une sé-curité sociale professionnelle, au sein d’une protection sociale refondée.

Des négociations avec les partenaires so-ciaux devront ainsi se tenir pour évoquer les sujets suivants :

• définition des droits garantis au sein de cette protection sociale refondée : droits garantis comme les prestations famille et santé - droits en dotation comme la formation professionnelle - droits spéci-fiques comme les prestations handicap, aidants… - droits accumulés comme chô-mage, épargne salariale ...

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• conditions de portabilité de ces droits entre toutes les situations profession-nelles, et de fongibilité

• gouvernance et financement... Avec l’objectif de garantir une effectivité per-sonnelle de droits financés de manière collective.

Dans la première étape qui pourrait avoir lieu cette année autour de la création du CPA, il s’agit :

a. de stabiliser et d’approfondir les droits actuellement prévus dans le CPA:

• effectivité du Compte de Prévention de la Pénibilité, avec financements mobili-sés en conséquence

• montée en puissance du Compte Per-sonnel de Formation, qui nécessite suivi et accompagnement dans le cadre de la mise en œuvre de la récente réforme de la formation professionnelle (mise en place effective d’un conseil en évolution professionnelle suivi de la conséquence du passage de l’obligation de dépenser à l’obligation de former, clarification et simplification du système des listes éli-gibles aux formations).

b. d’aller dès à présent plus loin, dans le CPA, en matière de formation tout au long de la vie

• Mobiliser des financements nouveaux pour la formation des décrocheurs, des personnes les plus éloignées de l’em-ploi, et des travailleurs non-salariés : produit de la sur-cotisation des contrats précaires, redéploiement d’une partie du pacte de responsabilité, taxation des plateformes numériques…

• Accentuer l’aide aux structures de l’In-sertion par l’Activité Economique qui assurent l’accompagnement social des personnes les plus éloignées de l’emploi et rencontrent aujourd’hui des difficultés de financement de leurs missions et des formations

c. d’intégrer au CPA un compte «Re-tour à l’emploi» qui permettrait la portabili-té des droits aux allocations chômage, dans le prolongement des droits rechargeables mis en place par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013.

d. d’intégrer au CPA l’épargne sala-riale, qui actuellement ne peut être mo-bilisée qu’à la fin du contrat de travail, et permettre son utilisation pour des heures de formation ou des heures d’engagement dans des activités non-marchandes

4. RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL EN REDYNAMISANT LE SYNDICA-LISME

La négociation collective et le dialogue social ne peuvent être approfondis que si les partenaires sociaux sont dans une re-lation équitable : sans syndicats forts, les salariés demeureront en position défavo-rable. « A gauche pour gagner » propose donc un grand plan de relance du syndica-lisme qui se traduirait par une campagne as-sumée par les pouvoirs publics sur l’intérêt de la syndicalisation, par l’accroissement (comme en Allemagne) de la présence des représentants syndicaux dans les conseils d’administration des entreprises afin de rendre plus attractifs les mandats syndicaux et le vote aux élections professionnelles et par la limitation du cumul des mandats syndicaux dans le temps pour favoriser l’accès aux responsabilités syndicales. Plus discutée, l’instauration d’un chèque syndi-cal doit faire l’objet d’un débat préalable dans le monde professionnel.

Cette revalorisation du dialogue social doit enfin s’appuyer sur les outils numé-riques. Le projet de loi fait un premier pas en ouvrant sous conditions l’accès de l’intra-net d’entreprise aux syndicats. Mais il faut aller plus loin : en prévoyant également un accès syndical à la messagerie électronique de l’entreprise ; en créant, comme l’a fait le syndicat allemand IG Metall avec la plate-forme FairCrowdWork Watch, un site inter-net public de notation des entreprises (et notamment des plateformes de l’économie collaborative) par les salariés eux-mêmes, permettant ainsi de faire remonter des in-formations sur leurs conditions de travail se-lon une logique de réputation et de diffuser les bonnes pratiques.

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L’AVENIR DU TRAVAILNotre « contre-réforme » du droit du travail

Ont contribué à ce document : Laurent Baumel, Fanélie Carrey-Conte, Pascal Cherki, Gaëtan Gorce, Marie-Noëlle Lienemann, Christian Paul, Denys Robiliard, Barbara Romagnan et Gérard Sebaoun.