l’autogestion dans les années 1970v4

10
L’autogestion à la CFDT dans les années 1970 HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L’ENTREPRISE HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 1

Upload: roman-baudin

Post on 11-Jun-2015

59 views

Category:

News & Politics


0 download

DESCRIPTION

Présentation sur l'autogestion préparée dans le cadre du cours "Histoire de la critique du capitalisme" d'Eve Chiapello (Majeure Alternative Management - HEC 2013-2014)

TRANSCRIPT

Page 1: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 1

L’autogestion à la CFDT dans les années 1970HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L’ENTREPRISE

Page 2: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 2

1. Contexte – deux entreprises de définition de l’autogestionEDMOND MAIRE (1931-)

Ancien chimiste

Secrétaire général de la CFDT entre 1971 et 1988

L’un des artisans de la déconfessionnalisation de la CFTC

Proche du pouvoir (membre du CES entre 1969 et 1974), mais opposition à Mitterrand

Président de VVF à partir de 1988

PIERRE ROSANVALLON (1948-)Historien des idéesDocteur en sciences de Gestion et Lettres et sciences humainesChaire d’Histoire moderne et contemporaine au Collège de FranceL’un des principaux théoriciens de l’autogestionForte proximité avec la CFDT où il milite dès sa sortie d’HECCrée la « République des Idées » en 2002

Praticien Demain l’autogestion, 1976, 157p.

Intellectuel L’âge de l’autogestion, 1976, 185p.

Contexte historique :

• Gauche en ébullition depuis Epinay rénovation et reconquête électorale / Programme commun (1972) / assises du socialisme (1974)

• Autogestion dans les entreprises prônée par la CFDT depuis le changement de statuts de 1970

• 1976 : agitation au congrès d’Annecy de la CFDT – indépendance réaffirmée par E. Maire

Page 3: L’autogestion dans les années 1970v4

3

Zoom sur l’autogestion

Deux définitions• Robert: « gestion d’une entreprise, d’une collectivité par le personnel (direction et

conseil de gestion) ». • http://www.autogestion.coop/: ensemble de pratiques, de théories et de démarches ;

qui traduisent toutes un désir de prise en charge par les gens de leurs propres affaires

Apparition du terme dans le débat politique dans les années 1950-60• Contexte international (Hongrie, Yougoslavie, Algérie)• … Et national (critique du stalinisme, de la SFIO, de la guerre d’Algérie) recherche d’une

troisième voie• 1968: « jaillie comme un phare au cœur de mai 68, l’idée d’autogestion rassemble pour

nous la somme des espérances de l’humanité d’aujourd’hui » (E. Maire)

Mais longue histoire • Pratiques : communautés de vie et coopératives ouvrières pendant depuis la révolution

industrielle en France, Italie, Espagne, Commune de Paris (1871), Makhnovchtchina (Ukraine 1920), Coopératives de Mondragon (1955)

• Théorie : Proudhon (fédéralisme autogestionnaire, XIXe), Rosa Luxembourg (Réforme Sociale ou Révolution, 1898)

Inachevée…• 1990s : rachat de la mine Tower Colliery par ses salariés• Jardins communautaires…• Autres… (www.autogestion.asso.fr, www.autogestion.coop)

LIP, 1973

Jardin Communautaire du Poireau Agile, 10e arrdt

Page 4: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 4

Une pratique « en chantier », définie par opposition Avant tout une pratique en chantier…• E. Maire : « il n’y a pas de modèle à suivre, ni de modèle à proposer » (p.211)• P. Rosanvallon : « le propre de l’autogestion c’est d’avoir été un mouvement social avant d’être une doctrine » (p.216), « l’autogestion se

veut une proposition concrète » (p.221) ; « l’autogestion est en chantier » (p.221)

Expérience Soviétique Social-démocratie

E. Maire : « le socialisme ce n’est pas remplacer un P.D.G capitaliste par un P.D.G socialiste » (p.204)

E. Maire : « l’autogestion n’est pas un vernis humaniste passé sur le collectivisme » (p.204)

P. Rosanvallon: « Cette identité s’est d’abord définie négativement dans un double refus de la social démocratie et du socialisme bureaucratique d’Etat » (p.217)

Définie par un double refus

1) Conserve les rapports de production capitalistes, n’opère qu’un « changement de propriété » (E. M., p.204)

2) Déceptions et déviations (E. M., p.204)3) Echec de la proposition politique (P.R. p.231)

1) Ne met pas en cause la propriété privée, et tolère l’économie capitaliste (E.M. p.205)

2) Construction théorique « déconnectée » du réel (E.M. p.205)

3) « Démocratie bourgeoise » inachèvement (P.R.)

Critiques

Page 5: L’autogestion dans les années 1970v4

5

Zoom sur l’échec de la proposition politique socialisteP. Rosanvallon

La fin de la politique au XIXe – le positivisme

Le marxisme - léninisme

P.R. cite Saint-Simon « Une société éclairée (…) n’a besoin que d’être administrée » (p.204)

P.R. « Pourtant « la politique » (…) ne pourra être seulement dépassée par la raison et le savoir. C’est la morale qui sera son ultime substitut (p.204)

Saint-Simon (1760-1825)

• Suppression du politique en passant à une société administrative (objectivation/rationalisation)•Réintroduction du concept de vertu

volontarisme dangereux (P.R. p.224)•A l’épreuve des faits, utilisation du concept de

« besoin/intérêt » économie politique, applications industrielles (Taylor, Ford) et technocratiques

Pas de « proposition d’exercice du pouvoir et de la force organisée socialement » (P.R. p224)

•Doctrine positiviste (cf. ci-contre) donc moraliste•Réduction du politique, et absorption par

l’économique•Objectif final de fin de la démocratie et

suppression de l’Etat passage à une société « transparente »

P.R. « L’idéalisme politique, c’est l’assimilation de tout conflit politique à un conflit de classe, c’est la dissolution de l’activité politique dans la sphère économique » (p.227)

Karl Marx (1818-1883)

P.R. cite Lénine « seul le communisme est capable de réaliser une démocratie vraiment complète ; et plus elle sera complète, plus vite elle deviendra superflue et s’éteindra d’elle-même» (p.226)

•Relégation à un rang inférieur (Marxisme) et subordination à l’économique ou disparition via l’administration (positivisme)• L’autogestion comme réhabilitation de la dimension politique du socialisme qui implique que soit

« reconsidéré le rapport entre l’activité économique et les autres formes d’activité sociales » (P.R. p221)

Page 6: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 6

Des thèses radicales pour une société renouvelée Modifier les rapports de pouvoir pour permettre la reconstruction d’une véritable société civile…• E. Maire : « Contre-conception globale de la société qui se propose, par l’action et la réflexion collective, de faire naître une autre conscience

sociale et de modifier tous les rapports de pouvoir » (p.205)• P. Rosanvallon : «l’autogestion se propose de donner le pouvoir de décision aux individus et aux collectivités directement concernés. Le

problème de l’autogestion est aussi politique : c’est celui de l’appropriation des moyens de pouvoirs par les travailleurs et les citoyens » (p.221)

Au niveau global (E.M. p.207)

1) Autogestion2) Propriété sociale des moyens de production et d’échange3) Planification démocratique

1) Election des responsables de l’entreprise par les travailleurs2) Décision collective de l’organisation et des conditions de

travail3) Définition par les travailleurs de la politique de fabrication,

répartition des investissements et rémunération

Au niveau des entreprises (E.M. p.209)

E. Maire – transformer l’organisation de la production P. Rosanvallon – la dépropriation

• L’autogestion est réhabilitation de la dimension politique du socialisme (cf. ci-dessus)•Appropriation des moyens de pouvoir

déconstruction de la propriété• Éclater les droits de la propriété (usus, fructus et

abusus) entre différentes instances• Une révolution juridique• Une révolution technologique• Une révolution de l’information

« La socialisation autogestionnaire reconstruit un droit nouveau à partir de l’éclatement des attributs classiques du droit de propriété » (P.R. p. 244)

Page 7: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 7

L’autogestion s’inscrit dans la glorieuse histoire du combat syndical•Une pensée enracinée dans l’histoire

Un marxisme honni mais qui demeure la référence incontournable.

•Un combat social mené de front avec la bataille idéologique: la plume au service du progrès

L’intellectuel au service du combat syndical, le syndicalisme qui prend la plume pour mener la bataille des idées

•Une foi dans un progrès social continu

1850 1900 1970 Quel contraste avec le pessimisme ambiant actuel!

Page 8: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 8

L’autogestion, le crépuscule du syndicalisme de conquête•15 ans après L’âge de l’autogestion, le capitalisme a triomphé partout

Avec Thatcher et Reagan en occident, avec Gorbatchev en URSS, avec « l’ajustement structurel » du Tiers-Monde…

•La CFDT a pris un « virage réformiste » aux antipodes du combat pour l’autogestion

1983: la CFDT soutient le « Grand Tournant de la Rigueur »

1988: scission de l’aile « autogestionnaire » qui fonde Sud-PT.

•Le syndicalisme est passé d’un mouvement de conquête sociale à la défense des acquis sociaux

Au-delà du clivage entre la CFDT « réformiste » et la CGT « inflexible », une crise du syndicalisme.

Page 9: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 9

L’autogestion porte des valeurs éminemment modernes

• Le plaidoyer pour le pluralisme politique et le rôle de la société civile

Une critique précoce du modèle soviétique, un rejet de la révolution par l’avant-garde éclairée.

•Une certaine forme de pragmatisme dans la critique sociale

« dans une société autogestionnaire, la seule question véritablement importante est celle du contrôle des mécanismes de financement de l’investissement », Rosenvallon

•Au-delà des références théoriques, une prise en compte des réalités économiques.

•Derrière la dépropriation, l’intuition de l’économie collaborative

« l’autogestion se présente d’abord comme une destruction de la propriété comme institution sociale » Rosanvallon

Derrière la brutalité du propos, un constat visionnaire.

Page 10: L’autogestion dans les années 1970v4

HISTOIRE DE LA CRITIQUE DE L'ENTREPRISE - L'AUTOGESTION À LA CFDT DANS LES ANNÉES 1970 10

Conclusion Deux entreprises de définition de l’autogestion justification de pratiques. L’autogestion transcende la démocratie bourgeoise et la démocratie populaire.

R + JB