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Coopération Internationale et Développement Evaluation externe de la coopération de l’Union européenne avec la région Afrique de l’Ouest (2008-2016) Rapport final Volume I - Rapport principal Novembre 2018 ___________ Evaluation effectuée pour le compte de la Commission européenne Commission européenne

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Coopération

Internationale et

Développement

Evaluation externe de la coopération de

l’Union européenne avec la région

Afrique de l’Ouest (2008-2016)

Rapport final

Volume I - Rapport principal

Novembre 2018

___________

Evaluation effectuée pour le

compte de la Commission européenne

Commission européenne

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Ce rapport a été préparé par

Consortium composé d’ADE, PEM Consult et IRAM

Leader du Consortium: ADE s.a Personne de contact: Edwin Clerckx

[email protected]

Contrat No COM 2015/Lot 1 Evaluation

N° 2016/381014

Cette évaluation a été commanditée par

l’Unité en charge de l’évaluation de la

Direction Générale Coopération Internationale et

Développement (Commission européenne)

Equipe d’évaluation Jérôme COSTE, Chef d’équipe

Cécile PATAT, Chef d’équipe adjointe Caty CLEMENT, Expert sectoriel Max HENNION, Expert sectoriel

Henri LETURQUE, Expert sectoriel Michel MIDRE, Expert sectoriel

Mary VAN OVERBEKE, Expert sectoriel

Le rapport présente les points de vue des auteurs et ne reflète pas nécessairement les

opinions de la Commission européenne ni celles des autorités des pays concernés

Photo de couverture : libre de droits

ADE SA Rue de Clairvaux 40, Bte 101

1348 Louvain-la-Neuve (Belgique) +32 10 45 45 10

[email protected] www.ade.eu

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Rapport final Novembre 2018 Table des matières

Table des matières

LISTE DES SIGLES

CARTE DE LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST

RÉSUMÉ

SUMMARY

1. INTRODUCTION ................................................................................................................. 1

1.1 OBJECTIFS ET CHAMP DE L’ÉVALUATION .............................................................................. 1 1.2 MÉTHODOLOGIE ET PROCESSUS D’ÉVALUATION ................................................................. 2 1.3 ORGANISATION DU RAPPORT FINAL ....................................................................................... 5

2. LE CONTEXTE DE LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST ........................................................ 7

2.1 EVOLUTION DE LA SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE AU COURS

DE LA PÉRIODE SOUS REVUE .................................................................................................... 7 2.2 POLITIQUES ET STRATÉGIES D’INTÉGRATION RÉGIONALE ................................................ 8 2.3 FORCES, FAIBLESSES, MENACES ET OPPORTUNITÉS DE L’INTÉGRATION

RÉGIONALE EN AFRIQUE DE L’OUEST ................................................................................... 9

3. ELÉMENTS-CLÉS DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE DE L’UE EN AFRIQUE DE

L’OUEST ........................................................................................................................... 13

3.1 EVOLUTION DES STRATÉGIES DE COOPÉRATION ............................................................... 13

4. RÉPONSES AUX QUESTIONS D’ÉVALUATION ..................................................................... 19

4.1 QE 1 – ADÉQUATION DE LA STRATÉGIE AU CONTEXTE ET À SON ÉVOLUTION ........... 19 4.2 QE 2 – PAIX, SÉCURITÉ ET STABILITÉ RÉGIONALE ............................................................ 25 4.3 QE 3 – INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE ............................................................ 31 4.4 QE 4 – INTERCONNEXION (TRANSPORT ET ÉNERGIE)...................................................... 38 4.5 QE 5 – SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITIONNELLE ..................................................... 42 4.6 QE 6 – GESTION DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES ............................................. 48 4.7 QE 7 – MOYENS ET DÉMARCHES D’INTERVENTION .......................................................... 53 4.8 QE 8 – COORDINATION, COMPLÉMENTARITÉ ET COHÉRENCE ....................................... 57

5. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ........................................................................... 63

5.1 CONCLUSIONS .......................................................................................................................... 63 5.2 RECOMMANDATIONS .............................................................................................................. 71

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Table des illustrations

LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 – Récapitulatif des conclusions ................................................................................... 63 Tableau 2 – Résumé des recommandations et lien avec les conclusions ................................ 71

LISTE DES ENCADRES Encadré 1 – Synthèse de l’étude de cas : le recours aux agences d’exécution

dans le secteur “integration économique régionale” ............................................ 23 Encadré 2 – Synthèse de l’étude de cas : La lutte contre la surcharge routière ..................... 24 Encadré 3 – Synthèse de l’enquête auprès des Chambres de commerce et d’industrie

(CCI) d’Afrique de l’Ouest ....................................................................................... 37 Encadré 4 – Synthèse de l’étude de cas : l’appui aux politiques régionales en matière

d’élevage pastoral, contributions et perspectives .................................................. 47 Encadré 5 – Synthèse de l’étude de cas : Le programme contre-terrorisme Sahel ................ 60 LISTE DES FIGURES Figure 1 – Schématisation du champ de l’évaluation ................................................................... 1 Figure 2 – Les étapes de l'évaluation .............................................................................................. 2 Figure 3 – Atouts, faiblesses, risques et potentialités de l’intégration / coopération régionale

en Afrique de l’Ouest ................................................................................................... 11 Figure 4 – Schéma reconstitué de la logique d’intervention 2008-2016 ................................. 16 Figure 5 – Importance et échéance des recommandations....................................................... 72

LISTE DES ANNEXES DANS LE VOLUME II

ANNEXE 1: MATRICE D'EVALUATION ANNEXE 2 : MATRICE DES PREUVES

LISTE DES ANNEXES DANS LE VOLUME III

ANNEXE 3 : TERMES DE REFERENCE ANNEXE 4: METHODOLOGIE DE L'EVALUATION ANNEXE 5: PERSONNES RENCONTREES ANNEXE 6: DOCUMENTATION CONSULTEE ANNEXE 7: CONTEXTE REGIONAL ANNEXE 8: STRATEGIES DE COOPERATION GLOBALES ET PAR SECTEURS ANNEXE 9: INVENTAIRE DE LA COOPERATION REGIONALE ANNEXE 10: ETUDES DE CAS ANNEXE 11 : RÉUNIONS DE RESTITUTION

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Rapport final Novembre 2018 Sigles / i

Liste des sigles

ACP Afrique, Caraïbes, Pacifique

AFD Agence française de Développement

AfIF African Investment Facility

AFISMA African-led International Support Mission in Mali

AFRITAC African Regional Technical Assistance Centre

AGIR Alliance globale pour la résilience

AIC Agriculture intelligente face au climat

AITF Fonds Fiduciaire UE-Afrique pour les Infrastructures

ALG Autorité du Liptako Gourma

AMCC Alliance mondiale contre le changement climatique (cf. GCCA)

AMIF Fonds asile, migration et intégration

AP Aire(s) protégée(s)

APD Aide publique au développement

APE Accord de Partenariat Economique

APESS Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane

APRM African Peer Review Mechanism

APSA African Peace and Security Architecture

AQMI Al Qaïda au Maghreb islamique

ARAA Agence régionale pour l’agriculture et l’alimentation (CEDEAO)

ARREC Autorité régionale de régulation du secteur de l’électricité de la CEDEAO

ARTP Across the river - a transboundary peace park for Sierra Leone and Liberia

AT Assistance technique

BAfD Banque africaine de développement

BCEAO Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest

BCG Bureau de coordination générale du PAPE (au niveau UEMOA)

BEI Banque européenne d’investissement

BID Banque islamique de développement

BIDC Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO

BIT Bureau international du travail

BM Banque Mondiale

BOAD Banque ouest-africaine de développement

CAD-OCDE

Comité d’aide au développement - Organisation de coopération et de développement économiques

CAE Communauté d’Afrique de l’Est

CC Convention de Contribution

CCI Chambre de Commerce et d’Industrie

CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

CEDEAO Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest

CEEAC Communauté économique des Etats d’Afrique centrale

CEMAC Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale

CEN-SAD Communauté des États sahélo-sahariens

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Rapport final Novembre 2018 Sigles / ii

CER Communauté économique régionale

CEREEC Centre pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique dans la CEDEAO

CFA Communauté financière en Afrique

CH Cadre Harmonisé

CILSS Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel

CITES Convention on International Trade of Endangered Species

CJ Critère de jugement

COFO Commissions foncières (Niger)

COHESION Civic Ownership for Human rights Enforcement, Stability Improvement, Organisation and Networking (COHESION) in the Mano River Union

COMESA Common Market for Eastern and Southern Africa

COP Conférence des Parties

COPAN Consolidation of Protected Area Network (Banque Mondiale)

COS Comité d’Orientation Stratégique

CPCO Comité des Pêches du Centre-Ouest du Golfe de Guinée / Fisheries Committee for the West Central of Gulf of Guinea (FCWC)

CRIMGO Critical Maritime Routes Gulf of Guinea

CRIS Common Relex Information System (anglais)

CSAO Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (OCDE)

CSO-LA Programme thématique « soutien aux organisations de la société civile et autorités locales » (instrument de coopération au développement)

CSRP Commission Sous Régionale des Pêches / Sub-Regional Commission on Fisheries (SRCF)

CSSA Cadre Sectoriel pour Sécurité Alimentaire du CILSS

DCET Direction du comité exécutif sur le terrorisme (Nations unies)

DCI Instrument de coopération au développement

DECISIPH Droits, Egalité, Citoyenneté, Solidarité Inclusion pour les Personnes Handicapées en Afrique de l’Ouest

DG DEVCO

Direction générale « développement et coopération »

DG ECHO Direction générale aide humanitaire et protection civile

DG HOME Direction générale migrations et affaires intérieures

DG TRADE Direction générale du commerce

DSP Document de stratégie pays

DUE Délégation de l’Union européenne

EAMR External assistance management report (anglais)

EASA Agence européenne de sécurité aérienne

ECOMIB Economic Community of West African States (ECOWAS) Mission in Guinea Bissau

ECOMOG Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group

ECOSHAM Standard Harmonisation in the ECOWAS region

ECOWAFD Fond de développement agricole de la CEDEAO

ECOWAP ECOWAS Agricultural policy

ECOWARN Système d’observation et d’alerte précoce (ECOWARN

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Sigles / iii

ECPDM European Centre for Development Policy Management

EJF Environmental Justice Foundation

ENRTP Thematic programme for environment and sustainable management of natural resources including energy

ENV Programme thématique « environnement » (instrument de coopération au développement)

ERM Early Response Mechanism

ERSUMA Ecole Régionale Supérieure de Magistrature

EXPAN Expansion of Protected Area Network (Banque Mondiale)

FAA Force africaine en attente

FAP Facilité africaine pour la Paix

FBCF Formation Brute de Capital Fixe

FDA Forest Development Authority - Government of Liberia

FED Fonds Européen de Développement

FER Fonds d’entretien routier

FEWACCI Federation of West African Chambers of Commerce and Industry

FFU Fonds Fiduciaire d’Urgence pour l’Afrique

FMI Fonds monétaire international

FOOD Programme thématique « sécurité alimentaire et nutritionnelle » (instrument de coopération au développement)

FOSCAO Forum de la Société civile d’Afrique de l’Ouest

GAM Groupe d'apprentissage mutuel

GCCA Global Climate Change Alliance (cf. AMCC)

GEMDEV Groupement d’Intérêt Scientifique pour l’Etude de la Mondialisation et du Développement

GDT Gestion durable des terres

GFP Gestion des Finances Publiques

GIABA Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest

GIZ Agence allemande pour la coopération internationale

GoWAMER Programme Gouvernance, politiques de gestion des ressources marines et réduction de la pauvreté dans l'écorégion WAMER

GPGC Global Public Goods and Challenges

GR Groupe de référence

GRN Gestion des ressources naturelles

GRNP Gola Rainforest National Park

GTT Groupe de Travail Technique

HEA Household Economy Approach

HIP Humanitarian Implemenation Plan

HUM Programme thématique « développement humain » (instrument de coopération au développement)

I Indicateur

ICD Instrument de coopération au développement

ICG International Crisis Group

ICSP Instrument contribuant à la paix et à la stabilité

IDE Investissements Directs Etrangers

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Sigles / iv

IDH Indice de développement humain

IDS Instrument de stabilité

IEDDH Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme

IFC International Finance Cooperation

IGAD Intergovernmental Authority on Development

IIRA Indice de l’intégration régionale en Afrique

IMET Integrated Management Effectiveness Tool (outil intégré sur l’efficacité de gestion des aires protégées)

INN Pêche illicite, non déclarée et non réglementée / Illegal, unreported and unregulated fishing (IUU)

IOV Indicateurs objectivement vérifiables

IPE Service des instruments de politique étrangère

ITC/CCI International Trade Center/Centre de Commerce International

LAB Lutte anti-braconnage

LC Laboratoire Citoyennetés, opérateur

LI Logique d’Intervention

LRRD Linking Relief, Rehabilitation and Development

MAG Malnutrition aiguë globale

MCS Monitoring, Control and Surveillance (fisheries)

MEGC Modèle d’Equilibre Général Calculable

MESA Monitoring of Environment and Security in Africa

MIDWA Dialogue sur les migrations pour l'Afrique de l'Ouest

MIGR Programme thématique « asile et migration » (instrument de coopération au développement)

MINUSMA Mission des Nations Unies au Mali

MISMA Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine

MME Partenariat pour la migration, la mobilité et l'emploi

MNJTF Multinational Joint Task Force (Bassin du Lac Tchad)

MRU Mano River Union

OACI Organisation de l'aviation civile internationale

OCDE Organisation de Coopération et Développement économiques

OHADA Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OIF Organisation de la Francophonie

OIM Organisation internationale des Migrations

OMC Organisation Mondiale du Commerce

OMD Objectifs du millénaire pour le développement

OMS Organisation mondiale de la santé

OMVS Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

ONUDC Office des Nations unies contre la drogue et le crime

ONUDI Organisation des Nations Unies pour de le Développement Industriel

OR Organisation régionale

ORDM Organisation régionale dûment mandatée

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Rapport final Novembre 2018 Sigles / v

OSC Organisations de la société civile

OSCAF Organisations de la Société Civile en Afrique Francophone

OTC Obstacles Techniques au Commerce

PACCIR Projet d’Appui à la compétitivité du commerce et à l’intégration régionale de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

PACIR Programme d’Appui au Commerce et à l’Intégration Régionale (Côte d’Ivoire)

PADSP Programme d’Appui au Développement du Secteur privé (Burkina Faso)

PAG Plan d’Aménagement et de Gestion (d’un parc national)

PANA Plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques

PAPE Programme d'appui aux parcs de l'Entente

PAPED Programme APE pour le Développement

PARCI Programme régional d’Appui à la Régulation du Commerce Informel

PAU Politique agricole de l’Union (UEMOA)

PAULAB Plan d'Action d'Urgence de Lutte Anti. Braconnage

PCAE Politique commune d’amélioration de l’environnement

PCD Programme Commun de Développement

PCJ Postes de contrôles juxtaposés

PER Programme Economique Régional

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

PIB Produit intérieur brut

PIDA Programme de développement des infrastructures en Afrique

PIN Programme indicatif national

PIR Programme indicatif régional

PIRC Programme intégré de renforcement des capacités

PME Petites et Moyennes Entreprises

PNIA Programmes nationaux d’investissement agricole

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

PRP Plans Résilience Pays

PPP Partenariat public-privé

PRCM Partenariat Régional pour la Conservation de la zone côtière et Marine en Afrique de l'Ouest

PREGEC Prévention et gestion des crises alimentaires

PRIA Programme Régional d’Investissement Agricole

PSQAO Programme de soutien à la qualité en Afrique de l’Ouest

PTF Partenaire technique et financier

QE Question d’évaluation

RBM Réseau Bilital Maroobé

RBT-W Réserve de la biosphère transfrontalière du W

RNB Revenu National Brut

RPCA Réseau de prévention des crises alimentaires

RRSA Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire

SADC Southern African Development Community

SANAD&R Sécurité alimentaire et nutritionnelle, agriculture durable et résilience

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Sigles / vi

SAP Systèmes d’alerte précoce

SDA Schéma Directeur d’Aménagement

SE4ALL Initiative mondiale pour l’accès à l’électricité

SEAE Service européen pour l'Action extérieure

SFI Société Financière Internationale

SIASA Supporting the improvement of air safety in Sub-Saharan Africa

SISA Systèmes d’information sur la sécurité alimentaire

SLE Schéma de Libéralisation des Echanges

SMART Spatial Monitoring and Reporting Tool (Fauna)

SPS Normes Sanitaires et Phytosanitaires

STC Secrétariat technique conjoint (à la CEDEAO et à l’UEMOA)

SUN Scaling Up Nutrition

TDR Termes de référence

TEC Tarif Extérieur Commun

TFA Trade Facilitation Agreement

TNCB Trade negociations capacity Building

TOFE Tableau des Opérations Financières de l’Etat

TRAQUE Trade related Assistance and Quality Enabling Programme (Ghana)

TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée

UA Union africaine

UE Union européenne

UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine

UICN Union internationale pour la conservation de la nature

UMA Union du Maghreb arabe

UNIDA Association pour l’Unification du Droit en Afrique

USAID United States Agency for International Development

USD Dollar des Etats-Unis d’Amérique

VIH-SIDA Virus de l’Immunodéficience Humaine - Syndrome de l'Immunodéficience Acquise

WACAP Réseau des autorités centrales et des procureurs de l'Afrique de l'Ouest

WAGP West African Gas Pipeline

WAMER West Africa Marine Eco-region

WAP / WAPO

Parcs W, Arly, Pendjari / Oti -Kéran - Mandouri

WAPIS West Africa Police Information System

WAPP/CIC West African Power Pool / Centre d’information et de coordination

WCS World Conservation Society

WEF World Economic Forum

WWF Fond mondial pour la nature

ZLE Zone de Libre Echange

ZMOA Zone Monétaire d’Afrique de l’Ouest

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Carte

Carte de la région Afrique de l’Ouest

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Résumé / Page i

Résumé

Les objectifs de l’évaluation

Ce rapport présente les résultats de l’évaluation de la stratégie de coopération de l’Union européenne (UE) avec la région Afrique de l’Ouest, ainsi que sa mise en œuvre au cours de la période 2008-2016. L’évaluation a pour principaux objectifs de : i) rendre compte et fournir aux institutions de l'UE, ainsi qu'à un public plus large, une évaluation indépendante et globale des relations de coopération et de partenariat passées et présentes de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest ; ii) identifier des leçons clés et formuler des recommandations en vue d'améliorer les stratégies, les programmes et les activités, actuelles et futures de l'UE. Ces recommandations portent jusqu’en 2020, terme de la période couverte par le programme indicatif régional (PIR) du 11ème Fonds européen de développement (FED). Elles permettent aussi d'alimenter les réflexions relatives à la stratégie de coopération régionale post 2020.

La méthodologie d’évaluation

A partir de la reconstitution de la logique d’intervention, mettant en évidence les relations causales identifiées entre les activités prévues, les résultats et impacts attendus, l’équipe d’évaluation a formulé huit questions d’évaluation et les critères de jugement qui y sont associés, mesurés par des indicateurs objectivement vérifiables. La grille d’évaluation comprend trois questions de portée générale : Adéquation de la stratégie au contexte et à son évolution (QE 1) ; Moyens et démarches d’intervention (QE 2) ; Coordination, complémentarité et cohérence (QE 8) et cinq questions sectorielles : Paix, sécurité et stabilité régionale (QE 2) ; Intégration économique régionale (QE 3) ; Interconnexion : transport et énergie (QE 4) ; Sécurité alimentaire et nutritionnelle (QE 5) ; Gestion durable des ressources naturelles (QE 6).

Au cours de cette évaluation, plus de 470 documents ont été consultés, 340 personnes ont été interviewées et 21 projets ont été examinés plus en détail. Les missions de terrain se sont déroulées en deux phases (novembre 2017 et janvier 2018) dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest. Enfin, une enquête en ligne a été réalisée auprès des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) de l’Afrique de l’Ouest ainsi que de la FEWACCI (Federation of West African Chambers of Commerce and Industry).

Informations contextuelles

La région concernée par cette évaluation couvre 16 pays, soit : les 15 pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO ; Bénin, Burkina-Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo) plus la Mauritanie. Parmi les 15 pays membres de la CEDEAO, 8 appartiennent également à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA ; Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo). La CEDEAO et l’UEMOA sont les deux organisations régionales dûment mandatées (ORDM) pour la négociation et la signature des PIR.

Durant la période évaluée, la région a connu un taux de croissance économique élevé, tout au moins jusqu’en 2014. Dans le même temps, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Résumé / Page ii

connu de graves crises de diverses natures : alimentaires (pays du Sahel), sanitaires (épidémie Ebola en Guinée, Liberia et Sierra Leone), politiques (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali…) et sécuritaires (pays du Sahel, Côte d’Ivoire, Nigeria…). 40 ans après la création de la CEDEAO et 20 ans après celle de l’UEMOA, l’Afrique de l’Ouest est l’une des régions du continent africain où l'intégration régionale est la plus avancée, notamment en termes de libre circulation des personnes et d’intégration financière et macroéconomique. Cependant, au cours de la période évaluée (2008-2016), il est constaté un décalage important entre les ambitions affichées en matière d’intégration régionale par les dirigeants d’Afrique de l’Ouest et la concrétisation effective de ces ambitions (schéma de libéralisation des échanges, réglementation des transports, politique commerciale extérieure…).

La coopération UE – Afrique de l’Ouest

La stratégie de coopération pour le 10ème Fonds européen de développement (FED) (2008-2013), reposait sur deux secteurs de concentration : i) l’approfondissement de l’intégration régionale, l’amélioration de la compétitivité et l’Accord de Partenariat Economique (APE) et ii) la consolidation de la bonne gouvernance et de la stabilité régionale. A l’issue de la revue à mi-parcours (fin 2011), une partie des fonds ont été réaffectés à l’African Infrastructure Trust Fund pour contribution à l’initiative « énergie durable pour tous ». La stratégie relative au 11ème FED (2014-2020) est structurée autour de trois secteurs de concentration : i) Paix, sécurité et stabilité régionale ; ii) Intégration économique régionale, aide au commerce ; iii) Résilience, sécurité alimentaire et nutritionnelle et ressources naturelles. La programmation et la mise en œuvre du PIR 11ème FED se sont accompagnées, en Afrique de l’Ouest comme dans les autres régions ACP, de plusieurs changements institutionnels qui visent à améliorer l’efficacité de la coopération régionale : diversification de la gamme des acteurs d’exécution, augmentation des montants alloués aux mécanismes de financement mixte (blending), mise en place de comités de pilotage des stratégies régionales de coopération.

Pour l’ensemble de la période évaluée (2008-2016), la coopération régionale UE-Afrique de l’Ouest représente un volume total d’engagement de 1 164 M€, dont 76% provenant du FED régional et 24% des programmes régionaux du Fonds fiduciaire d'urgence (110 M€), de la Facilité africaine pour la paix (53 M€) et du budget des institutions européennes [ligne thématique FOOD (43 M€) et Instrument de Stabilité/Instrument contribuant à la Stabilité et la Paix (33 M€)].

Les conclusions

Conclusion générale :

Au début de la période évaluée, la coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest était marquée (à l’instar de la période précédente) par une projection du schéma d’intégration à l’œuvre au sein de l’UE, c’est à dire une approche basée sur le droit. En raison notamment d’une faible prise en considération des facteurs politiques, sociaux et économiques qui font obstacle à une telle approche, la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest a abouti à peu de résultats durables. Le doublement de l’enveloppe régionale entre le 9ème et le 10ème FED est lié aux enjeux de la négociation d’un accord de libre-échange (APE) entre les deux régions plutôt qu’aux performances de la coopération régionale. De même, le nouveau doublement survenu entre le 10ème et le 11ème FED repose

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EVALUATION EXTERNE DE LA COOPÉRATION DE L’UE AVEC LA RÉGION AFRIQUE DE L’OUEST 2008-2016 ADE - IRAM

Rapport final Novembre 2018 Résumé / Page iii

davantage sur la prise en compte de nouvelles interdépendances entre les deux régions (sécurité et migration notamment) que sur l’obtention de résultats significatifs en termes de progression de la coopération et de l’intégration régionales au sein de l’espace ouest-africain. Malgré les améliorations apportées, depuis le début du 11ème FED, à la gouvernance de la coopération régionale entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest, cette coopération souffre aujourd’hui d’un déficit d’orientations communes aux deux partenaires, tant en termes de vision de l’intégration régionale que de modalités de partenariat.

Conclusions par critères d’évaluation :

Pertinence :

C1. La vision qui sous-tend la coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest s’exprime aujourd’hui de manière nettement moins claire qu’il y a dix ans. Cela reflète les tensions entre les principes qui fondent l’Accord de Cotonou et les orientations de la récente stratégie globale de l’UE en matière de politique étrangère et de sécurité. La stratégie de coopération 10ème FED reposait sur un projet d’intégration régionale assez clair : soutien à une intégration économique de type libéral à travers la mise en place d’une Union douanière et la négociation d’un accord de libre-échange avec l’UE, renforcement du rôle de la CEDEAO en matière de consolidation de la paix et de la sécurité, soutien à des actions de coopération régionale visant à traiter des interdépendances ou des problèmes communs, tels que les aires protégées transfrontalières, la prévention des crises alimentaires. Depuis, le tableau s’est brouillé à deux niveaux (liés entre eux) : d’une part, en Afrique de l’Ouest et en Europe, les projets d’intégration régionale sont moins consensuels (parmi les dirigeants) et suscitent guère d’adhésion de la part des opinions publiques. D’autre part, dans le cadre de l’affirmation de sa politique étrangère et de sécurité commune, l'UE veut mieux défendre ses intérêts et préserver sa sécurité, ce qui a des conséquences sur les orientations (et les modalités) de sa politique de coopération au développement. Cette évolution du positionnement de l’UE se manifeste dès à présent dans sa coopération avec l’Afrique de l’Ouest du fait des diverses interdépendances qui lient les deux régions. Cette évolution se trouve en décalage avec les textes régissant actuellement la coopération régionale (Accord de Cotonou, PIR 10ème FED et 11ème FED), ce qui pèse sur le dialogue avec les deux organisations régionales dument mandatées (ORDM). Ces deux éléments conduisent à ce que les différentes parties prenantes, au sein des institutions européennes et des ORDM d’Afrique de l’Ouest, ressentent fortement l’existence d’un flou sur le cap qui guide aujourd’hui la coopération entre les deux régions. Dans ce contexte, l’absence de refondation d’un projet de coopération régionale, dont les objectifs et le périmètre serait réellement partagé entre les parties prenantes (l’UE et les acteurs d’Afrique de l’Ouest), se fait ressentir de manière aiguë.

C2. La coopération régionale a porté sur les principaux défis d’intégration auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée, mais pour plusieurs programmes importants, les théories du changement ont présenté de fortes lacunes, qui sont dues : i) à des problèmes de conception des interventions sectorielles (au niveau des objectifs et des résultats parfois trop ambitieux, mais aussi des hypothèses et mesures d’atténuation et de suivi des risques trop peu développées) ; ii) à la trop grande ampleur du champ thématique couvert par la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest dans son ensemble. Les deux ORDM ont des mandats et des feuilles de route très ambitieux au regard des ressources

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(humaines et financières) dont elles disposent ; et la coopération de l’UE n’a pas contribué à définir des priorités, à concentrer les interventions régionales sur un nombre limité de domaines / sous-domaines / actions.

C3. La coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest s’est adaptée à l’évolution du contexte en mettant, d’une part, davantage l’accent sur la prévention / gestion des crises alimentaires dans le domaine « sécurité alimentaire et nutritionnelle » et, d’autre part, en mobilisant une gamme d’instruments ou programmes (fonds fiduciaire d’urgence, Instrument contribuant à la Stabilité et la Paix, Facilité Africaine pour la Paix et lignes thématiques) pour faire face à la multiplication des crises de divers types auxquelles l’Afrique de l’Ouest a été confrontée durant la période évaluée. Cette multiplication des outils de coopération régionale a cependant un coût en termes de cohérence, complémentarité et synergies entre les différentes interventions, notamment dans le secteur « paix et sécurité ». Par ailleurs, d’une période à l’autre, la coopération régionale de l’UE n’a pas suffisamment tiré les enseignements des interventions antérieures. En particulier, les causes de la non obtention de certains résultats n’ont pas été analysées en profondeur ce qui a pesé sur l’efficacité, l’efficience, la durabilité et l’impact des actions menées.

Efficacité :

C4. Une grande partie des produits attendus des appuis régionaux de l’UE ont été obtenus. Ces appuis ont contribué à des avancées significatives en termes de prise de conscience de problèmes nécessitant une action concertée à l’échelle régionale, tels que la lutte contre la surcharge routière, la gestion durable des terres ou la protection des ressources naturelles transfrontalières. Ils ont également favorisé le développement de méthodologies communes à l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest dans des domaines de première importance comme la gestion des finances publiques ou la prévention des crises alimentaires et nutritionnelles. Enfin, les appuis de l’UE ont facilité l’élaboration et l’adoption de politiques essentielles pour l’approfondissement de l’intégration régionale, en particulier en ce qui concerne la libre-circulation des biens et des personnes, la constitution d’une Union douanière et la définition de normes régionales de qualité. Cependant ces contributions positives ne se sont généralement pas traduites par l’application effective des règles communautaires par les pays d’Afrique de l’Ouest ou la réalisation d’investissements répondant aux enjeux identifiés à l’échelle régionale. Les facteurs explicatifs de cette faible efficacité sont multiples, en particulier : i) la conception des programmes qui, pour la plupart, privilégient une approche par le droit sans accorder suffisamment d’attention à l’analyse des coalitions d’acteurs favorables ou défavorables à l’avancée de l’intégration régionale ; ii) la faible place accordée aux questions régionales dans le dialogue sur les politiques que l’UE conduit au niveau national et iii) les difficultés ou faiblesses rencontrées dans les modes de gestion de la coopération régionale.

Efficience :

C5. Au cours de la période évaluée, l’efficience des programmes de coopération régionale, bien que difficile à mesurer, s’avère mitigée. Ces mauvaises performances en particulier en termes de respect des calendriers d’exécution, résultent de lacunes dans la conception des programmes, du manque de capacités, principalement organisationnelle et de gestion, de la CEDEAO et de l’UEMOA pour exécuter, ou faire exécuter, les actions dont elles ont la responsabilité et de l’absence de réelle coordination entre ces deux

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organisations régionales. Pour certains programmes régionaux, la non-exécution (ou l’exécution avec retard) des contreparties dues par les deux organisations régionales ont contribué à affaiblir l’efficience.

Impact et durabilité :

C6. La durabilité des actions de coopération régionale de l’UE est globalement faible, quel que soit le secteur considéré, en raison principalement d’une appropriation superficielle par les différents acteurs d’Afrique de l’Ouest concernés , du manque de capacités des acteurs non étatiques concernés (OSC, secteur privé…) pour contribuer plus activement à l’élaboration et au suivi des politiques régionales, du manque de capacité des organisations régionales pour exercer les mandats qui leur sont confiés par leurs Etats-membres et des lacunes dans la conception et la mise en œuvre des actions de renforcement des capacités. Si la CEDEAO et l’UEMOA sont toujours formellement les co-pilotes de la stratégie de coopération régionale, il apparaît que durant la période évaluée, elles se sont trouvées progressivement marginalisées dans l’exercice de cette fonction (les responsabilités de cette évolution étant partagées entre les deux ORDM et l’UE).

C7. Au niveau des impacts spécifiques, la contribution, lorsqu’elle a pu être évaluée, de la coopération régionale de l’UE aux progrès constatés ou à la limitation de la dégradation de la situation a été faible. Pour la plupart des impacts visés par la stratégie de coopération de l'UE, la région a connu une dégradation de sa situation au cours de la période 2008-2016. Le niveau de contribution de la coopération régionale de l’UE est soit nul, soit faible. Cette absence de contribution aux résultats de développement, y compris dans des domaines de concentration de la coopération régionale de l’UE depuis de longues années, reflète l’intensité des contraintes qui pèsent sur le processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest mais également des carences dans la formulation des interventions (dont l’inadéquation des moyens alloués aux objectifs poursuivis), des retards dans les calendriers d’exécution, des problèmes de cohérence des interventions et le manque de continuité des appuis de l’UE sur certaines thématiques.

Coordination et valeur ajoutée de l’UE :

C8. La valeur ajoutée « naturelle » de l’UE en matière d’appui à l’intégration régionale s’est peu manifestée. Alors que l’UE a alloué des montants importants (et en forte croissance) à la coopération régionale, son action a été faiblement coordonnée avec les actions régionales de ses Etats-membres (excepté dans le secteur « sécurité alimentaire ») et avec celles des autres partenaires techniques et financiers. L’UE a développé peu de complémentarités ou de synergies entre les actions de coopération de niveau régional et celles de niveau national. La coopération régionale de l’UE a été en général peu visible, que ce soit dans les actions de communication des organisations régionales ou dans celle des Etats d’Afrique de l’Ouest. Enfin, elle a fait très peu appel à l’expertise et à l’expérience dont disposent les institutions européennes en matière de formulation / mise en œuvre / suivi de politiques régionales.

Complémentarité et cohérence :

C9. Au sein des secteurs de coopération, et entre ceux-ci, la complémentarité, la cohérence et les synergies ont été globalement faibles, en raison de la fragmentation des appuis et d’une coordination et concertation internes à l’UE insuffisantes (notamment entre Délégations de l’Union européennes – DUE – régionales et nationales). Ces constats

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sont renforcés en fin de période, avec la délégation de l’exécution des programmes à différentes agences d’exécution et la mise en place de nouveaux instruments (tel que le Fonds fiduciaire d'urgence). Pour ce qui concerne les interactions entre la stratégie de coopération régionale et d’autres politiques de l’UE, le bilan est variable d’un secteur à l’autre.

Questions transversales :

C10. La prise en compte effective des dimensions transversales (genre, droits de l’homme, VIH-SIDA, environnement) dans les actions de coopération régionale de l’UE a été faible. Les mécanismes, internes à l’UE, de prise en compte de ces dimensions dans les interventions ont été renforcés et normalisés. Cependant, cela a engendré une standardisation de l’approche qui ne compense pas l’absence d’analyses socio-économiques approfondies, permettant d’appréhender correctement ces problématiques en amont des interventions. Par ailleurs ces mécanismes n’ont pas été suivis de mesures suffisantes au niveau de la mise en œuvre des interventions.

Renforcement des capacités :

C11. La coopération régionale de l’UE a accordé des moyens importants au renforcement des capacités des acteurs, en particulier les ORDM. Les appuis dans ce domaine ont été menés sans un diagnostic initial approfondi et, sauf quelques exceptions, ont abouti à peu de résultats. Lorsque des résultats positifs sont notés, ils concernent principalement des individus et/ou des outils, avec des interrogations fortes sur l’appropriation des acquis au sein des organisations et, en conséquence, sur leur durabilité institutionnelle. La multiplication des organisations et/ou initiatives de coopération régionale accentue cette difficulté. Le manque de robustesse des théories du changement sur lesquelles reposent les programmes régionaux constitue, une fois de plus, l’un des facteurs explicatifs de cette situation (hypothèses insuffisamment approfondies en ce qui concerne les rôles spécifiques des organisations régionales vis-à-vis des Etats et des autres parties prenantes).

Les recommandations

Recommandations transversales :

R1. Poursuivre la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest au-delà de 2020 (terme de l’actuel 11ème PIR). Dans cette perspective, et en lien étroit avec les réflexions relatives au « post Cotonou », il s’agirait de préparer une communication conjointe (Commission européenne et Service européen pour l’action extérieure – SEAE) au Conseil et au Parlement sur le thème de l’intégration régionale dans les pays en développement. En lien avec la préparation de cette communication, un bilan spécifique de la coopération régionale devrait être organisé avec les acteurs d’Afrique de l’Ouest (organisations régionales, Etats-membres et acteurs non étatiques). Ce bilan porterait notamment sur les coopérations fonctionnelles multipays, en examinant dans quelles circonstances (et à quelles conditions) celles-ci présentent des avantages significatifs vis-à-vis de la coopération à l’échelle de l’ensemble de la région.

R2. Dans le cadre de la politique de gestion des connaissances de la Direction générale « Développement et Coopération » (DG DEVCO), organiser de manière régulière des processus de capitalisation par grands thèmes de la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest. Ces processus de capitalisation seraient alimentés, en amont, par des

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travaux d’économie politique afin de disposer d’une meilleure connaissance des obstacles politiques et économiques qui pèsent, dans les différents secteurs, sur l’avancée de la coopération et de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest.

R.3. Poursuivre l’amélioration de l’organisation institutionnelle, en interne aux institutions européennes, relative au pilotage et au suivi de la coopération régionale avec la région Afrique de l’Ouest i) en renforçant les effectifs dédiés à ces questions (au sein de l’unité chargée de l'Afrique de l'Ouest, des DUE du Nigeria et du Burkina Faso et des autres DUE en charge de programmes régionaux), ii) en améliorant les concertations / coordinations entre les deux DUE ayant un mandat régional et avec les autres DUE en Afrique de l’Ouest et, enfin, iii) en améliorant le processus de négociation des conventions PAGODA (avec les agences des Etats membres de l’UE et avec les organisations internationales) afin de s’assurer de l’existence d’une réelle convergence de vues et de parvenir à une diminution des coûts d’exécution.

R4. Renforcer la place des questions régionales dans le dialogue sur les politiques mené par l’UE avec chacun des Etats-membres de la CEDEAO (et de l’UEMOA) et examiner la faisabilité de l’allocation d’enveloppes financières supplémentaire qui seraient accordées à chacun des pays de la région (sous forme, par exemple, de top up d’un appui budgétaire) à la condition que tous aient respecté ou mis en en œuvre des engagements régionaux. Ce type d’incitation concernerait plus particulièrement le domaine de l’intégration économique (y compris les transports et l’énergie).

R5. Dans le cadre de l’exécution du PIR 11ème FED, améliorer la cohérence et les synergies entre les différentes interventions, en particulier dans le secteur « intégration économique régionale » et le secteur « paix et sécurité ».

R6. Appuyer la CEDEAO dans le développement de ses outils et capacités de suivi-évaluation de l’intégration régionale afin de lui permettre d’être plus légitime, vis-à-vis de ses Etats-membres, dans le pilotage du processus d’intégration régionale et davantage crédible dans le dialogue avec ses partenaires techniques et financiers. En complément à ces appuis, renforcer la « culture du suivi-évaluation » dans les programmes de coopération régionale de l’UE.

R7. Renforcer la prise en compte des dimensions transversales lors de la formulation des interventions régionales et de leur mise en œuvre sur la base de d’analyses socio-économiques approfondies.

R8. Améliorer la pertinence et la cohérence des stratégies et démarches de renforcement des capacités (individuelles et institutionnelles) lors de la formulation des interventions régionales et de leur mise en œuvre. Cela devrait concerner non seulement les ORDM, mais également les autres acteurs jouant (actuellement ou potentiellement) un rôle important dans le processus d’intégration régionale.

Recommandations sectorielles :

Intégration économique régionale : - Soutenir la relance du processus d’intégration économique régionale en appuyant

une double dynamique : l’une au niveau des Etats Nations, l’autre au niveau de groupes (secteur privé, société civile…) qui transcendent les intérêts strictement nationaux.

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- Mieux prendre en compte les dimensions d’inclusivité et de durabilité des processus de croissance dans l’appui aux processus d’intégration économique, et ainsi s’aligner sur le nouveau Consensus européen sur le développement de 2017.

Transport: - Associer la poursuite des opérations de blending sur les corridors régionaux à un

programme régional qui vise à promouvoir l'alignement progressif des politiques nationales sur les directives régionales en matière de libéralisation et de professionnalisation des métiers du transport, de facilitation des transports et de lutte contre la surcharge et les pratiques anormales. Cet alignement est à rechercher par des plateformes thématiques d'échanges entre les pays de la région et par une plus forte articulation entre le dialogue sur les politiques aux niveaux national et régional (cf. R4).

Énergie: - Poursuivre l'investissement dans l'interconnexion régionale par le recours au

blending, en renforçant les liens avec les actions engagées sur PIN pour faire évoluer la gouvernance sectorielle vers plus d'ouverture, d'efficacité et de transparence sur les prix.

Sécurité alimentaire et nutritionnelle, agriculture durable et résilience : - Conduire des travaux d’économie politique (cf. R2) sur des thèmes spécifiques au

secteur. - Appliquer la recommandation relative à des allocations supplémentaires (cf. R4) à

des thèmes spécifiques au secteur, notamment la levée des contraintes à la transhumance transfrontalière ou l’harmonisation / rationalisation des systèmes d’information.

- Compte tenu du caractère foisonnant des dispositifs institutionnels régionaux dans le secteur, encourager la coordination entre OR et accompagner les processus de réforme en cours vers une rationalisation des dispositifs institutionnels.

- Contribuer activement à la coordination entre PTF, en s’inscrivant de manière affirmée dans une démarche d’appui à un leadership régional.

Environnement et changement climatique : - En matière d’actions environnementales et d’atténuation de la vulnérabilité des

populations au changement climatique, compléter l’approche normative actuelle (« descendante ») par une approche « de bas en haut », à travers plusieurs actions complémentaires entre elles.

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Summary

Purpose of the evaluation

This report presents the external evaluation of the European Union's (EU) strategy of cooperation with the West Africa region and of its implementation over the period 2008-2016. Its main objectives are: i) to provide both the EU institutions and a broader audience with an independent and global analysis of EU’s past and present cooperation relations with West Africa; and ii) to identify the key lessons and make recommendations with a view to improving current and future strategies, programmes and activities of the EU . These recommendations relate to the time frame up to 2020, which is the end of the period covered by the Regional Indicative Programme (RIP) of the 11th European Development Fund (EDF). They also provide food for thought on regional cooperation strategy post-2020.

Evaluation methodology

Based on a reconstitution of the intervention logic highlighting causal relations between planned activities, expected results and pursued impacts, the evaluation team formulated eight evaluation questions (EQ) and associated evaluation criteria and objectively verifiable indicators. The evaluation grid is structured around three cross-cutting issues – relevance of the strategy to the context and its evolution (EQ 1); intervention means and approaches (EQ 2); coordination, complementarity and coherence (EQ 8) – as well as issues concerning five sectors – peace, security and regional stability (EQ 2); regional economic integration (EQ 3); interconnection: transport and energy (EQ 4); food security and nutrition (EQ 5); sustainable natural resource management (EQ 6).

For the purposes of this evaluation, the evaluation team has consulted more than 470 documents, interviewed almost 340 people and examined some 21 projects in greater detail. Field missions were conducted in two phases (November 2017 and January 2018) in 11 West African countries. Finally, an online survey was conducted with the Chambers of Commerce and Industry (CCI) of West Africa as well as with the Federation of West African Chambers of Commerce and Industry (FEWACCI).

Background information

The geographical scope of this evaluation covers 16 countries: the 15 Member States of the Economic Community of West African States (ECOWAS: Benin, Burkina Faso, Cape Verde, Côte d’Ivoire, Gambia, Ghana, Guinea, Guinea Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Senegal, Sierra Leone and Togo) together with Mauritania. Eight of the 15 ECOWAS Member States also belong to the West African Economic and Monetary Union (WAEMU: Benin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinea Bissau, Mali, Niger, Senegal and Togo). ECOWAS and WAEMU are the two duly-mandated regional organisations (DMROs) for the negotiation and signature of the RIPs.

During the period under review, the region enjoyed rapid economic growth, at least until 2014. Over the same period, several West African countries experienced serious crises of various types: food (Sahelian countries), health (Ebola crisis in Guinea, Liberia and Sierra Leone), political (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali and others) and security issues (Sahelian

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countries, Côte d’Ivoire and Nigeria, among others). Some 40 years after the creation of ECOWAS and 20 years after that of WAEMU, West Africa is one of the African regions where regional integration is most advanced, in particular in terms of the free movement of people and financial and macroeconomic integration. During the period under review (2008-2016), a major discrepancy was nevertheless observed between West African leaders’ ambitions for regional integration and what was actually achieved (trade liberalisation scheme, transport regulation, foreign trade policy, etc.).

EU – West Africa cooperation

The cooperation strategy for the 10th European Development Fund (EDF) (2008-2013) was founded on two focal sectors: i) regional integration, competitiveness and the Economic Partnership Agreement (EPA); and ii) political governance and regional stability. At the end of the mid-term review (end 2011), some funds were reallocated to the EU-Africa Infrastructure Trust Fund (AITF) to contribute to the “Sustainable Energy for All” initiative. The 11th EDF (2014-2020) strategy is structured around three focal sectors: i) peace, security and regional stability; ii) regional economic integration and support for trade and the private sector; and iii) resilience, food security and nutrition and natural resource management. In both West Africa and the other ACP regions, the programming and implementation of the 11th EDF RIP were accompanied by several institutional changes aimed at making regional cooperation more effective, including the diversification of implementation stakeholders, an increase in the funds allocated to blending, and the implementation of regional cooperation strategy steering committees.

Throughout the period under review (2008-2016), regional cooperation between the EU and West Africa represented a total commitment of €1,164 million. The regional EDF provided 76% of this sum, while the regional programmes of the EU Emergency Trust Fund for Africa (€110 million), the African Peace Facility (€53 million) and the budget of the European institutions [thematic budget lines FOOD (€43 million) and Instrument of Stability/Instrument contributing to Stability and Peace (€33 million)] supplied the remaining 24%.

Conclusions

Overall conclusion:

At the beginning of the period under review (as in the previous period), regional cooperation between the EU and West Africa reflected the integration model at work within the EU, i.e. a law-based approach. Through failure to give adequate consideration to the political, social and economic factors impeding such an approach, EU-West Africa regional cooperation yielded few lasting outcomes. The doubling of the regional envelope between the 9th and 10th EDFs has more to do with the stakes involved in the negotiation of a free-trade agreement (EPA) between the two regions than with regional cooperation performance. Similarly, the further doubling of the envelope between the 10th and 11th EDFs is mainly the result of factoring in new interdependencies between the two regions (notably in security and migration) than to the achievement of any significant progress in regional cooperation and integration within the West African space. Despite the improvements made in the governance of EU-West Africa regional cooperation since the beginning of the 11th EDF, the two partners' lack of common policy directions in terms of

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their vision of regional integration or the practical outworking of their partnership is weighing on their cooperation today.

Conclusions by evaluation criteria:

Relevance:

C1. The vision underlying regional cooperation between the EU and West Africa is far less clear now than it was ten years ago. This reflects the tension between the principles underlying the Cotonou Agreement and the priorities of the recent Global Strategy on Foreign and Security Policy for the European Union. The 10th EDF cooperation strategy was founded on a relatively clear regional integration project involving support for liberal economic integration through the implementation of a customs union and the negotiation of a free-trade agreement with the EU; a strengthening of ECOWAS’s role in consolidating peace and security; and support for regional cooperation actions aimed at handling interdependencies or common problems such as protected cross-border areas and the prevention of food crises. Since then, the picture has become blurred on two (interlinked) levels: on the one hand, in both Europe and West Africa, the consensus among leaders as well as public support for regional integration projects has weakened. On the other hand, to assert its common foreign and security policy, the EU is keen to more effectively defend its interests and protect its security, which affects the orientations (and conditions) of its development cooperation policy. These shifts in EU policy have had repercussions on its cooperation with West Africa due to interdependencies between the two regions. This situation is no longer in line with the texts currently governing regional cooperation (Cotonou Agreement, 10th EDF and 11th EDF RIPs) and is affecting the conditions of the dialogue with the two DMROs. These two factors mean that the different stakeholders within the European institutions and the West African DMROs are keenly aware of the somewhat unclear course currently guiding cooperation between the two regions. This being so, there is a pressing need to set up a fresh regional integration project, in which the stakeholders (the EU and the West African partners) fully agree on the objectives and scope.

C2. Regional cooperation focused on the main integration challenges facing West Africa although for several key programmes, the theories of change have displayed major flaws due to: i) program design weaknesses (objectives and results sometimes too ambitious, as well as insufficiently developed risk monitoring and mitigation hypotheses and measures); ii) the wide thematic scope covered by regional cooperation between the EU and West Africa as a whole. While the two DMROs have very ambitious mandates and roadmaps by comparison with their human and financial resources, EU cooperation has not helped to define priorities or focus regional cooperation on a limited number of fields, sub-fields or actions.

C3. Regional cooperation between the EU and West Africa has adapted to the changing context, first by putting greater emphasis on preventing and managing food crises and second, by using a range of instruments or programmes (EU Emergency Trust Fund for Africa, Instrument contributing to Stability and Peace, African Peace Facility and thematic budget lines) to adapt to the increasing number of crises affecting West Africa during the period under review. This increase in the number of regional cooperation tools has had a cost in terms of coherence, complementarity and synergies between the different measures, particularly in the “peace and security” sector. Furthermore, the EU’s regional

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cooperation has failed to learn from previous interventions. In particular, the reasons for failing to achieve the expected results have not been analysed in depth, so continue to weigh on the effectiveness, efficiency, sustainability and impact of the interventions.

Effectiveness:

C4. A large number of the expected outputs of EU regional cooperation were obtained. This support helped make significant headway in raising awareness of issues that require concerted action at regional level, such as the elimination of road vehicle overloading, sustainable land management and the protection of cross-border natural resources. It also smoothed the way for developing common methodologies for use by all West African countries in such fundamental areas as public finance management or the prevention of food and nutrition crises. Lastly, EU support facilitated the drafting and adoption of policies that were essential for strengthening regional integration, especially as regards the free movement of goods and people, the establishment of a customs union and the definition of regional quality standards. However these positive contributions are not generally translated into the effective application of community rules by West Africa states, or investments to meet the needs identified at regional level. Numerous factors explain this low level of effectiveness, in particular: i) programme designs, most of which favour a rights-based approach without paying sufficient attention to the analysis of stakeholders’ coalitions in favour, or not, of furthering regional integration; ii) the lack of importance accorded to regional issues in the national policy dialogue conducted by the EU; and iii) the difficulties or weaknesses encountered in regional cooperation management.

Efficiency:

C5. During the period under review, the efficiency of the regional cooperation programmes, though difficult to measure, was somewhat mixed. Poor performance, in particular with regard to the implementation schedule, results of flawed programme designs, a lack of ECOWAS and WAEMU organisational and managerial capacities to implement or manage the actions falling under their responsibility and an absence of genuine coordination between these two regional organisations. For certain regional programmes, absence or delayed mobilisation of the counterparties owed by the two regional organisations contributed to undermining efficiency.

Impact and sustainability:

C6. Sustainability of the EU’s regional cooperation actions is generally weak, irrespective of the sectors. Reasons are mainly superficial ownership by the various West African stakeholders concerned, the lack of capacities among the non-state actors (civil society organisations, private sector, etc.) to more actively contribute to formulating and monitoring regional policies, lack of capacity of the regional organisations to fulfil their mandates and flaws in the capacity-building actions’ design and implementation. While ECOWAS and WAEMU are still officially the co-pilots of regional cooperation strategy, it appears that during the period under review, this function gradually lost substance (responsibility being shared between the two DMROs and the EU).

C7. With regard to specific impacts, the contribution of EU regional cooperation – where it can be evaluated – to the observed progress or the limitation of deterioration of the situation was weak. With regard to most of the impacts targeted by

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the EU’s cooperation strategy, the regional situation deteriorated during the period 2008-2016. The EU’s regional cooperation was either weak or non-existent. This lack of contribution to development results, including in the areas in which EU regional cooperation has long been focused, reflects the intensity of the constraints weighing on the process of regional integration in West Africa as well as intervention design failures (including the lack of means allocated to pursued goals), implementation delays, lack of coherence between interventions and a lack of continuity in EU cooperation on certain themes.

Coordination and EU added value:

C8. There was little “natural” added value of the EU in terms of support to regional integration. Although the EU allocated substantially higher sums to regional cooperation, its actions were poorly coordinated with its Member States’ regional actions (except in the field of food security) and with those of other technical and financial partners. The EU developed few complementarities or synergies between cooperation actions at regional level and those at national level. Overall, the EU’s regional cooperation has lacked visibility both in the regional organisations’ communications and in those of West African states. Finally, very limited use was made of the expertise and experience available within the European institutions to formulate, implement and monitor regional policies.

Complementarity and coherence:

C9. Within and between the cooperation sectors, complementarity, coherence and synergies were globally weak, due to the fragmented support and insufficient coordination and dialogue within the EU (in particular between the regional and national European Union Delegations). These findings are reinforced, at the end of the period, by the delegation of programme execution to different implementing agencies and the introduction of new instruments (such as the EU Emergency Trust Fund for Africa). With regard to the interactions between regional cooperation strategies and other EU policies, the results differ from one sector to another.

Cross-cutting issues:

C10. The effective incorporation of cross-cutting issues (gender equality, human rights, HIV-AIDS, the environment) into EU regional cooperation actions was weak. The internal EU mechanisms for incorporating these aspects into the operations were reinforced and standardised, although this gave rise to a mechanical approach which, in addition with the absence of in-depth socio-economic analyses, do not allow these problems to be grasped correctly upstream of the operations. Furthermore, the mechanisms were not followed by sufficient measures during the implementation of the interventions.

Capacity building:

C11. EU regional cooperation allocated considerable resources to capacity building for stakeholders, and in particular the DMROs. Support in this area was deployed without an in-depth initial diagnostic and, barring a few exceptions, achieved very little. When positive results were observed, they primarily relate to individuals and/or tools, with major doubts remaining as to the skills acquired within the organisations and thus their institutional sustainability. This problem is exacerbated by the increasing number of regional cooperation organisations and/or initiatives. The lack of robust theories of

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change on which regional programmes were founded once again serves in part to explain this situation (assumptions insufficiently examined with regard to the specific roles of regional organisations vis-à-vis the states and other stakeholders).

Recommendations

General recommendations:

R1. Pursue regional cooperation with West Africa beyond 2020 (end of the current 11th RIP). With this in mind, and in close connection with the “post-Cotonou” considerations, this would involve preparing a joint communication (European Commission and European External Action Service – EEAS) to the Council and the Parliament on the topic of regional integration in developing countries. In connection with the preparation of this communication, a specific review of the regional cooperation should be organised with the West African stakeholders (regional organisations, member states and non-state actors). This review would, in particular, deal with operational multi-country cooperation by examining the circumstances and circumstances in which these display significant advantages compared to cooperation at regional level.

R2. Within the framework of knowledge-management policy adopted by the Directorate General for International Cooperation and Development (DG DEVCO), organise regular stocktaking processes for each major theme of regional cooperation between the EU and West Africa. These processes would be fostered upstream by political economy analyses with a view to ensuring a better understanding of the political and economic obstacles to enhanced regional cooperation and integration in West Africa in the different sectors of activity.

R.3. Pursue improvement of the institutional organisation within the European institutions related to steering and monitoring of regional cooperation with the West Africa region i) by strengthening the staff dedicated to these issues (within the unit responsible for West Africa, the European Union Delegations (EUDs) to Nigeria and Burkina Faso and other EUDs in charge of regional programmes), ii) by improving consultation and coordination between the two EUDs with a regional mandate and with the other EUDs in West Africa and finally, iii) by improving the PAGODA negotiation process (with the agencies of the EU member states and with the international organisations) in order to ensure true convergence of views and to achieve a reduction in implementation costs.

R4. Strengthen the importance of regional issues in the policy dialogue conducted by the EU with each member state of ECOWAS (and WAEMU) and examine the feasibility of allocating additional financial envelopes that would be granted to each country in the region (for example in the form of a top-up in a budget support operation), providing that all of them have complied with or implemented regional commitments. This type of incentive would be particularly suitable for economic integration sectors (including transport and energy).

R5. As part of implementing the 11th EDF RIP, improve the coherence and synergies between the different interventions, in particular in “regional economic integration” and “peace and security” sectors.

R6. Support ECOWAS in developing its tools and capacities for monitoring and evaluating regional integration in order to increase its legitimacy vis-à-vis its member

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states in steering the regional integration process and to be more credible in its dialogue with technical and financial partners. To complement this support, the “monitoring and evaluation culture” should be strengthened in the EU’s regional cooperation programmes.

R7. Strengthen the incorporation of cross-cutting issues when formulating and implementing regional actions on the basis of in-depth socio-economic analyses.

R8. Improve the relevance and coherence of the capacity-building strategies and approaches (individual and institutional) when formulating and implementing regional actions. This should concern not only the DMROs but also the other stakeholders (currently or potentially) playing a key role in the regional integration process.

Sector-specific recommendations:

Regional economic integration: - Help to relaunch the process of regional economic integration by supporting a dual

dynamic: one involving the Member States, the other involving groups (private sector, civil society, etc.) that transcend strictly national interests.

- Give greater consideration to the inclusiveness and sustainability of the growth processes when drawing up economic integration processes and thereby fall into line with the New European Consensus on Development from 2017.

Transport: - Combine the pursuance of blending operations on regional corridors with a

regional programme aimed at promoting the gradual alignment of national policies on regional directives concerning the liberalisation and professionalisation of the transport industry, the facilitation of transport and efforts to eliminate overloading and abnormal practices. To achieve this alignment, special-interest platforms should be set up to enable the countries in the region to exchange information and ideas, and national and regional policy dialogue should be more closely linked.

Energy: - Continue investing in regional interconnection through blending,and strengthen the

ties with the initiatives carried out using NIP funding, to make sector governance more open, more efficient and more transparent about prices.

Food and nutrition security, sustainable agriculture and resilience: - Conduct political economy analyses (cf. R2) on themes specific to the sector. - Apply the recommendation regarding additional financial allocations (cf. R4) to

themes specific to the sector, in particular eliminating the constraints on cross-border seasonal migration, or harmonising and rationalising information systems.

- Given the tendency of regional institutional systems in the sector to expand and multiply, encourage the ROs to coordinate their initiatives, and guide the reform processes under way towards a rationalisation of institutional systems;

- Actively contribute to the coordination among TFPs by playing a strong role in supporting regional leadership.

Environment and climate change: - In efforts to protect environment and to attenuate the populations' vulnerability to

climate change, add a "bottom-up" approach to the current "top-down" normative approach, through a number of actions that complement each other.

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1. Introduction

1.1 Objectifs et champ de l’évaluation

L’étude consiste à évaluer la stratégie de coopération régionale de l’Union européenne (UE) avec la région Afrique de l’Ouest, ainsi que sa mise en œuvre au cours de la période 2008-2016. Les objectifs principaux de l’étude sont les suivants : i) Rendre compte et fournir aux institutions de l'UE (Commission européenne, Service européen d’action extérieure, Parlement européen, …), ainsi qu'à un public plus large, une évaluation indépendante et globale des relations de coopération et de partenariat passées et présentes de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest (objectif sommatif) ; ii) Identifier des leçons clés et formuler des recommandations en vue d'améliorer les stratégies, les programmes et les activités, actuelles et futures de l'UE (objectif formatif ou d’apprentissage). Ces enseignements et ces recommandations portent sur la coopération régionale de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest jusqu’en 2020, terme de la période couverte par le programme indicatif régional (PIR) du 11ème Fonds européen de développement (FED). Ils alimenteront donc la stratégie de coopération régionale post 2020.

Le champ de l’évaluation couvre la stratégie de coopération régionale de l’UE avec la région Afrique de l’Ouest, ainsi que sa mise en œuvre au cours de la période 2008-2016. La figure n°1 ci-dessous synthétise le champ de l’évaluation.

Figure 1 – Schématisation du champ de l’évaluation

La région concernée par cette évaluation couvre 16 pays, soit : les 15 pays membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)1 plus la Mauritanie2. Parmi les 15 pays membres de la CEDEAO, 8 appartiennent également à l’Union économique et

1 Bénin, Burkina-Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal,

Sierra Leone et Togo. 2 La Mauritanie a quitté la CEDEAO en 1999 mais a donné mandat à cette dernière pour la négociation et la mise en œuvre des

PIR 10ème FED et 11ème FED.

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monétaire ouest-africaine (UEMOA)3. La CEDEAO et l’UEMOA sont les deux organisations régionales dûment mandatées (ORDM) pour la négociation et la signature des PIR.

1.2 Méthodologie et processus d’évaluation

1.2.1 Processus d’évaluation4

L’évaluation s’est déroulée en trois phases avec, pour chacune d’elles, l’élaboration d’un ou plusieurs livrables (rapports, présentations). La figure n°2 ci-dessous présente ce processus séquentiel.

Figure 2 – Les étapes de l'évaluation

1.2.2 Approche méthodologique de l’évaluation

L’approche méthodologique, conforme à la méthodologie de l’UE, devait permettre de collecter des informations fiables et utiles et de faire des analyses rigoureuses pour arriver à des jugements et à des réponses aux huit questions d’évaluation5. Celle-ci a tout d’abord consisté à préparer le cadre de l’évaluation, puis à définir les méthodes appropriées pour la collecte et l’analyse des informations.

Définition du cadre d’évaluation

L’étape de structuration a été dédiée à la préparation du cadre d’évaluation. Celui-ci a consisté à retracer la raison d’être et la logique d’intervention de la stratégie de coopération européenne avec l’Afrique de l’Ouest pour la période sous revue. Les théories du changement sur lesquelles se sont basées les stratégies de coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest pour les périodes du 10ème FED et du 11ème FED ont été présentées dans le rapport de démarrage. L’annexe n°8 présente le

3 Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. 4 Une description plus détaillée de la méthodologie et des instruments utilisés est proposée en annexe 4. 5 Pour une large partie, les outils mobilisés se réfèrent à la méthodologie développée par les services de l’UE. Voir:

https://europa.eu/capacity4dev/evaluation_guidelines/.

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schéma consolidé pour l’ensemble de la période évaluée ainsi que les schémas des logiques d’intervention sectorielles. La reconstitution de la LI a servi de base à la formulation des questions d’évaluation (QE) et des critères de jugement (CJ). Les huit questions ont été validées par le groupe de référence (GR) qui a piloté l’évaluation et qui a commenté et validé les rapports aux différentes étapes. Chaque QE est composée de plusieurs CJ appréciés sur la base d’indicateurs objectivement vérifiables (IOV). La matrice d’évaluation (présentée en annexe n°1) a permis d’identifier les données associées aux CJ et indicateurs et de les rechercher lors des phases successives. Les réponses aux 5 QE sectorielles (QE 2 à 6) reposent sur une analyse de contribution, dont la démarche est présentée en annexe n°4.

Processus de collecte et d’analyse des données

Le croisement des informations entre différents niveaux, entre différents interlocuteurs associés à divers titres au sein d’une même démarche ou intervention et l’approfondissement des divergences et des contradictions entre les différentes données et avis collectés ont permis d’assurer la base de la triangulation de l’information. Celle-ci, sans prétendre à l’exhaustivité, devait permettre de restituer les appréciations diverses portées sur la stratégie de coopération régionale de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest tout en assurant une certaine profondeur aux conclusions retenues.

Une importante documentation a été mobilisée lors de la phase de démarrage et complétée lors de la phase documentaire et de terrain6 et une série d’entretiens individuels et collectifs a été réalisée aux différentes étapes de l’étude7.

L’inventaire de la coopération UE-Afrique de l’Ouest a été élaboré à partir de l’exploitation des informations contenues dans les bases de données Common Relex Information System (CRIS) et Data Warehouse (voir annexe n°9). Sur base de l’inventaire des projets de la coopération UE-Afrique de l’Ouest, l’équipe d’évaluation a réalisé une étude approfondie d’une sélection illustrative d’interventions (consistant en un examen documentaire, la conduite d’entretiens et, le cas échéant, de visites de sites). L’échantillon retenu comprend 21 interventions (voir détail en annexe n°4).

Les missions de terrain se sont déroulées en deux phases dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest : i) les pays où se trouvent les sièges des deux ORDM (Nigeria et Burkina-Faso, analyse de tous les secteurs et des QE de portée générale) et ii) 9 autres pays d’Afrique de l’Ouest, sélectionnés parmi la liste des 16 pays couverts par l’étude : le Bénin (énergie), la Côte d’Ivoire (intégration économique), le Ghana (énergie, intégration économique), la Guinée Bissau (paix et sécurité), le Mali (paix et sécurité), la Mauritanie (paix et sécurité), le Niger (sécurité alimentaire, gestion des ressources naturelles), le Sénégal (intégration économique, paix et sécurité) et le Togo (sécurité alimentaire).

Une enquête en ligne a été réalisée auprès des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) de l’Afrique de l’Ouest ainsi que de la FEWACCI (Federation of West African Chambers of Commerce and Industry) et plusieurs autres fédérations d’entrepreneurs ou groupes d’affaires, afin de recueillir et analyser le point de vue du secteur privé sur l’évolution de l’intégration économique régionale au cours des dix dernières années.

La démarche d’analyse des données a veillé à garantir la crédibilité des constats et la solidité de l’analyse (voir « matrice des preuves » en annexe n°2). Elle a reposé sur des synthèses successives pour conforter la chaîne de raisonnement (indicateurs, CJ, QE). Pour le renseignement des QE 1, 7 et 8 (qui sont les 3 QE de portée générale), les informations contenues dans la « matrice d’évaluation » (annexe n°1) proviennent des sources (documentation, entretiens) exploitées dans le cadre des QE sectorielles.

6 473 documents ont été consultés. Voir liste complète en Annexe n°6. 7 340 personnes ont été rencontrées. Voir liste des personnes rencontrées en Annexe n°5.

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Limites de l’évaluation

Malgré la recherche d’un équilibre entre les phases successives et de l’optimisation du temps alloué, l’exercice d’évaluation présente plusieurs limites, en particulier :

Le défi de la bonne définition du périmètre de l’évaluation : Compte tenu de la définition large des notions de coopération régionale et d’intégration régionale, l’identification des interventions à considérer dans le cadre de la présente évaluation n’a pas été aisée. Il s’est posé à la fois un problème de définition des critères de sélection des projets à considérer et une difficulté de repérage de ces interventions. L’annexe 4 (section 4.4.4) présente les choix effectués pour sélectionner le portefeuille d’interventions qui a été étudié.

La disponibilité et la qualité de l’information : L’évaluation n’ayant ni les moyens ni l’ambition de faire de la collecte intensive de données primaires sur le terrain, elle repose en grande partie sur l’analyse de la documentation existante. La qualité de l’analyse dépend ainsi notamment de l’existence de rapports d’évaluation au niveau des projets à examiner, de statistiques régionales, ou de la disponibilité d’informations documentées et fiables à propos du dialogue politique (et du dialogue sur les politiques) entre l’UE et les organisations régionales. La multiplication des sources (rapports, entretiens, visites de terrain) et le recoupement des données collectées a visé à compléter et à renforcer la qualité et la crédibilité de l’information. Par ailleurs, les informations concernant le début de période d’évaluation sont généralement plus parcellaires et difficiles à obtenir. Les témoins ne sont plus en place ou ont changé de position. Pour pallier cette difficulté, l’équipe d’évaluation s’est attachée à collecter des informations auprès d’une variété de sources institutionnelles et d’interlocuteurs couvrant également les débuts de la période8. En ce qui concerne spécifiquement l’analyse de la cohérence entre les interventions relevant de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et celles menées au titre de la coopération au développement, cette analyse a été limitée par le caractère confidentiel d’un certain nombre de documents concernant les interventions PESC.

Le retard pris dans l’exécution du PIR 10ème FED : La stratégie contenue dans le PIR 10ème FED (2008-2013) et sa mise en œuvre constituent, a priori, le « bloc central » de la présente évaluation. Cependant, pour différentes raisons, la plupart des décisions de financement des projets relevant de ce PIR ont été prises avec beaucoup de retard (2013 et 2014). De plus, dans plusieurs cas, des retards supplémentaires ont eu lieu lors de la mise en œuvre des interventions9. De ce fait, l’appréciation des effets des interventions relevant du PIR 10ème FED n’a été possible que pour un nombre limité d’entre elles. Pour pallier cette difficulté, le choix des interventions qui ont fait l’objet d’une analyse plus approfondie, dans le cadre de la phase de terrain, a tenu compte de leur degré d’avancement. Ce choix a également tenu compte des projets relevant du PIR 9ème FED et qui ont connu une exécution significative durant la période sous revue.

Le défi de l’appréciation des résultats et impacts : en raison des insuffisances (absence d’IOV et/ou de situation de référence, nombre limité d’exercices de monitoring et d’évaluations externes) voire l’absence, dans certains cas, de dispositif de suivi-évaluation des interventions de coopération régionale de l’UE, il s’est avéré difficile de porter un jugement sur les résultats et impacts de la coopération régionale. Cette difficulté a été renforcée par l’absence d’un bilan du processus d’intégration régionale et de ses résultats et impacts au niveau des Etats et des populations de la sous-région. Dans ce contexte, le présent rapport veille à qualifier aussi précisément que possible la « solidité » des jugements qui sont émis en réponse à chaque question.

8 Interviews de personnes qui étaient auparavant en charge de la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest. 9 Signature des devis-programmes, contrats de services, conventions de délégation.

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Le défi d’une approche englobante devant prendre en compte les interactions et les synergies entre les interventions : Comme pour toute évaluation stratégique, le jugement qui est porté sur les résultats obtenus par la coopération de l’UE devait veiller à ne pas reposer sur une simple addition des résultats obtenus par chaque intervention mais davait chercher à prendre en compte les interactions et les synergies entre les interventions.

1.3 Organisation du rapport final

Le rapport est structuré en six chapitres. Le premier chapitre (la présente introduction) présente les objectifs et la méthodologie de l’évaluation. Le second chapitre rappelle succinctement le contexte économique, social et politique de l’Afrique de l’Ouest et le processus d’intégration régionale dans lequel la région est engagée. Le troisième chapitre expose de manière synthétique la coopération entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest. Le quatrième chapitre présente les réponses aux huit questions d’évaluation. Le cinquième et dernier chapitre correspond aux conclusions et recommandations résultant de l’évaluation.

Les exigences des termes de référence relatives à la longueur du rapport principal (70 pages) et la demande du groupe de référence de disposer d’un narratif facile à lire n’ont pas permis d’exposer les preuves, ni même des exemples, pour chacun des constats figurant dans le rapport principal. Les annexes (réparties en deux tomes) contiennent ainsi des éléments d’approfondissement des chapitres 1 à 4 du rapport.

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2. Le contexte de la région Afrique de l’Ouest

2.1 Evolution de la situation politique, économique et sociale au

cours de la période sous revue10

Par-delà la diversité de leurs problématiques nationales de développement, les 16 pays formant la région concernée par cette évaluation sont confrontés à un certain nombre de défis communs :

Le rythme élevé de la croissance démographique, qui se traduit par une ampleur inédite de la question de l’accès à un emploi décent pour les jeunes générations. La région se caractérise par une forte croissance démographique, une population majoritairement jeune et une urbanisation croissante. Elle est confrontée à une ampleur inédite de la question de l’accès à un emploi décent pour les jeunes générations. Cette situation résulte du fait que la croissance de la sous-région est essentiellement portée par l’investissement public, dans des secteurs non intensifs en main d’œuvre, sans renforcement des structures économiques et des facteurs de compétitivité et avec une accentuation des vulnérabilités. Elle s’explique également par la quasi-inexistence des écoles de formations techniques et professionnelles adaptées11.

Une trop faible diversification des économies qui dépendent, pour la plupart, d’un nombre limité de produits de base (pétrole, cacao, coton, …). Les fluctuations des cours internationaux de ces denrées, particulièrement fortes au cours de la période en revue, fragilisent la situation économique et sociale des pays d’Afrique de l’Ouest. Durant la période évaluée, la région a en effet connu un taux de croissance économique élevé, tout au moins jusqu’en 2014. Magré cette longue période de croissance, occasionnant une amélioration des revenus par tête, la situation sociale reste encore précaire et les niveaux de pauvreté demeurent préoccupants tout au long de la période sous revue : le niveau de vie mesuré par le revenu national brut (RNB) par habitant reste faible : 2.300 USD / habitant / an12. En 2014, plus de 70% de la population de la sous-région vivait avec moins de deux USD par jour. En ce qui concerne l’indice de développement humain (IDH), sa valeur moyenne en 2014 pour l’Afrique de l’Ouest était de 0,461 contre 0,524 pour l’ensemble du continent africain13.

Une aspiration des populations à une gestion plus transparente des affaires publiques et à un renforcement de la démocratie, qui est souvent contrecarrée par les pratiques des pouvoirs en place. Une majorité des pays de la sous-région échappe à toute situation de conflits ouverts et, dans plusieurs pays, les évolutions récentes ont été marquées par l’élargissement relatif des espaces démocratiques (progression de la participation politique et des élections de plus en plus crédibles). Selon les données de l’Ibrahim Index pour la période 2008-201514, l’Afrique de l’Ouest a une meilleure progression que l’ensemble du continent africain en matière de sécurité et Etat de droit, en matière de participation de la société civile et en matière de droits humains. Cependant, dans plusieurs pays, les périodes électorales restent souvent associées à un regain de contestation et des tensions épisodiques (manifestations contre la vie chère, crises pré-électorales ou post-électorales) rappellent les risques d’un basculement vers des situations de crise ouverte.

10 L’annexe 7 du rapport présente une version plus complète de cette analyse contextuelle. Par ailleurs, des analyses

contextuelles sectorielles sont présentées en introduction de chacune des réponses aux QE sectorielles. 11 Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique, L’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, 2013. 12 La moyenne pour un individu sur la planète est de 14 301 USD (en parité de pouvoir d’achat 2011). 13 PNUD, Rapport sur le développement humain en Afrique, 2016. 14 2015 étant la dernière année disponible.

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Par ailleurs, si les organisations de la société civile se mobilisent de plus en plus, les restrictions à leurs activités augmentent.

La multiplication des menaces sécuritaires et des conflits politiques qui constitue un réel défi pour l’amélioration de la gouvernance de l’action publique, à l’échelle nationale et régionale. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont connu de graves crises de diverses natures : alimentaires (pays du Sahel), sanitaires (épidémie Ebola en Guinée, Liberia et Sierra Leone), politiques (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali…) et sécuritaires (pays du Sahel, Côte d’Ivoire, Nigeria…). Le retour à une stabilité relative dans nombre de pays coexiste ainsi avec la montée de nouvelles menaces et formes de conflictualités, qui tirent parti notamment de la fragilité des institutions nationales et régionales de sécurité. Au cours de la période sous revue, les conflits les plus intenses ont concerné successivement la zone de la Mano River, le Golfe de Guinée et aujourd’hui le Sahel.

L’augmentation de la fréquence des crises alimentaires, qui est le résultat conjugué d’évènements climatiques et d’une croissance économique insuffisamment forte et inclusive dans un contexte de concurrence accrue pour l’accès aux ressources productives (terres, eau, pâturages). La fréquence et l’intensité des crises alimentaires ayant touché les populations de la région sont restées élevées durant toute la période évaluée. Au-delà des crises d’origine « naturelle », les crises alimentaires d’origine anthropique ont nettement augmenté en fréquence et en intensité depuis le début des années 2000, en particulier en zone sahélienne. Par ailleurs, les données disponibles indiquent que les niveaux de malnutrition aigüe (maigreur extrême dont la prévalence est sensible à la conjoncture) demeurent élevés15 dans la majorité des pays de la région. Néanmoins, la mortalité infantile a fortement régressé, ce qui serait en partie attribuable à une amélioration de l’efficacité des réponses aux crises et notamment à l’augmentation de la couverture et de l’efficacité du traitement de la malnutrition aigüe sévère dans la région. Les données disponibles16 font état d’une réduction continue de l’incidence de la sous-alimentation au niveau régional et de la plupart des pays.

2.2 Politiques et stratégies d’intégration régionale

Dès les indépendances, et même auparavant17, les responsables politiques d’Afrique de l’Ouest ont exprimé leur attachement à l’intégration régionale, perçue comme un levier essentiel pour le développement d’un espace dont le morcellement résultait de la colonisation. Cette volonté politique s’est traduite par la création de nombreuses organisations intergouvernementales d’intégration régionale ou de coopération technique. Progressivement, dans le cadre de ses deux principales organisations régionales que sont la CEDEAO et l’UEMOA, l’Afrique de l’Ouest a renforcé son intégration politique et économique. Cependant, le processus d’intégration de la sous-région se caractérise par l’existence de plusieurs organisations interétatiques en charge de la coopération et de l’intégration régionale, dont les périmètres géographiques et les mandats sectoriels se recoupent sans se recouvrir entièrement.

En matière d’intégration économique régionale, au cours de la période sous revue, la CEDEAO a fait d’importants progrès en ce qui concerne la libre circulation des personnes et l'intégration financière et macroéconomique. En revanche, l’implantation des politiques de la CEDEAO en matière de commerce, de coopération économique et monétaire, d’énergie et de développement social a été limitée. Il existe par ailleurs des enjeux forts de coordination entre la

15 Fréquemment au-dessus des seuils d’urgence : 15% des enfants de moins de 5 ans touchés par la malnutrition aigüe 16 FAOSTAT, Atlas Household Economy Approach (HEA) 2014, World Development Indicators. 17 Cf. l’engagement du président du Ghana K. N’Krumah et du président de la République de Guinée, A. Sékou Touré, en

faveur du panafricanisme dès les années 1940 et du projet d’intégration post-indépendance par la signature, en avril 1959, de

la “ Déclaration de Conakry ” par laquelle ils engagent leurs pays à consolider l’Union ainsi formée, tout en manifestant leur

adhésion à la cause de l’unité africaine.

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CEDEAO et l’UEMOA afin de renforcer les synergies entre leurs programmes respectifs : les deux organisations ont des mandats très proches et le degré de coopération entre elles est très hétérogène selon les dossiers ; par ailleurs, le fait que la CEDEAO soit désignée comme Communauté économique régionale (CER) pilier par l’Union africaine (UA) est assez mal perçue par l’UEMOA, mais également par les autres organisations de la sous-région.

Il existe à l’heure actuelle plusieurs organisations et initiatives intervenant en Afrique de l’Ouest en matière de paix, sécurité et stabilité. Alors que pendant les quinze premières années de son existence, la CEDEAO est restée à l’écart des questions sécuritaires, considérées comme le domaine réservé des Etats18, son champ d’action s’est progressivement étendu au maintien de la stabilité régionale et de promotion de la paix. Selon le rapport de l’International Crisis Group (ICG), la CEDEAO possède aujourd’hui l’architecture de paix et sécurité la plus élaborée du continent africain, qu’elle a pu, a de multiples occasions mettre en pratique (Guinée, Mali, Togo, Guinée-Bissau, Niger). Cette période s’est aussi accompagnée de l’intervention création d’autres institutions dans le champ sécuritaire. La politique de paix et de sécurité de l’UEMOA a été définie en mai 2011 et a pour objectif de faire de l’Union une zone de stabilité, de sécurité et de paix favorable au développement des activités économiques19. Le G5 Sahel (Burkina Faso, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad), créé en 2014, a notamment pour objectifs de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l'espace de ses pays membres. Lors de leur deuxième sommet (novembre 2015, N’Djamena), les chefs d’État du G5 Sahel ont décidé la création d’une école de guerre sous-régionale, d’un comité de défense et de sécurité et d’une plateforme de coopération en matière de sécurité20 . Enfin, face à la menace constituée par le mouvement terroriste Boko Haram, le Bénin, le Cameroun, le Tchad et le Nigeria ont créé la Force multinationale mixte (FMM)21 formellement rattachée à la Commission du Bassin du Lac Tchad.

2.3 Forces, faiblesses, menaces et opportunités de l’intégration

régionale en Afrique de l’Ouest

Plus de 40 ans après la création de la CEDEAO et 20 ans après celle de l’UEMOA, il existe un décalage important entre les ambitions affichées en matière d’intégration régionale par les dirigeants d’Afrique de l’Ouest et la réalité de la mise en œuvre de ces ambitions. Ce décalage résulte en premier lieu des défis en termes de développement au niveau national (insuffisance des infrastructures, non disponibilité des qualifications techniques et managériales, difficulté d’accès au crédit, …), de conditions socio-politiques particulièrement difficiles et de l’instabilité de plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest (avec des conséquences socio-économiques majeures). Il est également le reflet d’un certain nombre de contraintes auxquelles la région est confrontée, notamment :

l’existence d’asymétries structurelles entre les Etats de la région ;

la coexistence d’organisations interétatiques en charge de l’intégration régionale aux mandats géographique et sectoriel variés avec comme conséquence des duplications qui se traduisent par des initiatives non concertées, voire contradictoires, et/ou des tensions ;

une faible appropriation de l’intégration régionale par les Etats-membres ;

l’absence d’intérêt des populations vis-à-vis de l’intégration régionale formelle ;

18 Le traité fondateur de la CEDEAO (1975) entérinait la norme de non intervention dans les affaires intérieures des Etats-

membres. 19 La stratégie de coopération régionale de l’UE ne comprend pas d’appui à l’UEMOA dans le domaine paix, sécurité et stabilité. 20 En 2017, le G5 Sahel s’est doté d’une force conjointe, dont l’objectif est la lutte anti-djihadiste mais aussi la lutte contre les

trafics de drogues, d’armes et de migrants. 21 Ou en anglais : Multinational Joint Task Force (MNJTF).

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la faible prise en compte de « l’intégration par le bas »22 dans les stratégies et politiques des organisations régionales ;

des difficultés en termes de capacités institutionnelles et financières des organisations régionales (OR).

La figure de la page suivante propose une synthèse des éléments précédents, en cherchant à mettre en lumière les forces, faiblesses, risques et potentialités qui caractérisent l’Afrique de l’Ouest dans une perspective de renforcement de la coopération et de l’intégration régionales.

22 Cette expression recouvre les flux commerciaux transfrontaliers (à court distance ou au long cours), qui échappent en grande

partie aux statistiques douanières, ainsi que les multiples liens sociaux ou culturels tissés entre les habitants de pays voisins.

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Figure 3 – Atouts, faiblesses, risques et potentialités de l’intégration / coopération régionale en Afrique de l’Ouest

Définitions Dividende démographique: Le dividende démographique induit une croissance économique tirée par la modification de la structure par âge d'une population, avec la baisse des personnes à charge (enfants et personnes âgées) et la hausse des adultes en âge de travailler

ATOUTS Contexte

Diversité et complémentarité des zones agro-écologiques

Taux de croissance économique élevé de 2001 à 2014

Importance des transferts de fonds des migrants

Paix et stabilité dans la majorité des pays de la région

Processus d’intégration Libre circulation des biens et des personnes formellement établie

Convergence des politiques macro-économiques dans la zone UEMOA

Rôle actif de la CEDEAO dans la prévention / résolution des conflits

Dispositif régional de surveillance et de prévention des crises alimentaires fonctionnel depuis 30 ans

POTENTIALITES

Contexte

Dividende démographique*

Forte mobilité régionale des habitants d’Afrique de l’ouest

Emergence des classes moyennes (effets potentiels sur la croissance de la demande en produits locaux de qualité)

Processus d’intégration

Poids du Nigeria (qui peut avoir un effet d’entrainement positif sur la dynamique régionale)

Existence d’une intégration de fait (ou par le bas)

Emergence et circulation régionale de nouvelles formes de mobilisation citoyennes sur des thèmes sociaux, économiques et politiques

FAIBLESSES Contexte

Forte pression démographique sur les ressources naturelles qui se dégradent dans de nombreuses zones de la région, en particulier au Sahel.

Faible diversification du tissu économique, faible compétitivité des entreprises dans de nombreux secteurs, forte sensibilité aux chocs externes

Prédominance du commerce « au loin » au détriment des échanges intra-régionaux

Climat des affaires peu attractif pour les investissements extérieurs

Faiblesse des indicateurs sociaux (éducation, santé, …)

Insuffisance des réseaux régionaux d’infrastructures de transport et d’électricité

Processus d’intégration Faible transposition et/ou faible application des politiques communautaires

dans le droit des Etats-membres

Faibles capacités institutionnelles et organisationnelles des OR / Fragilité financière des OR

RISQUES

Contexte

Opportunités d’emploi insuffisantes face à l’effectif de jeunes arrivant sur le marché du travail chaque année

Fréquence accrue des phénomènes météo extrêmes (sécheresses, inondations) sous l’effet du changement climatique

Dégradation irréversible des ressources naturelles dans certaines zones, en particulier au Sahel

Intensification / extension des menaces sur la sécurité et la stabilité : terrorisme, trafics illicites, piraterie maritime, circulation non contrôlée d’armes, …

Survenue de nouvelles épidémies type Ebola

Fréquence accrue des crises alimentaires

Intensification des migrations illégales (vers l’extérieur de la région)

Processus d’intégration

Poids du Nigeria qui peut déstabiliser, voire bloquer, le processus d’intégration/ coopération régionales

Affaiblissement de la solidarité entre pays

Accentuation des superpositions des mandats des OR, créant une compétition inefficace entre elles

Renforcement du désintérêt des populations vis-à-vis de l’intégration régionale formelle

INTEGRATION ET COOPERATION REGIONALE EN AFRIQUE DE L’OUEST

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3. Eléments-clés de la coopération régionale de l’UE en Afrique de l’Ouest

3.1 Evolution des stratégies de coopération

3.1.1 Bref rappel historique

Depuis la signature de la première Convention de Lomé, en 1976, la coopération régionale constitue l’un des éléments importants du partenariat entre l’UE et le groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Parmi les régions ACP, l’Afrique de l’Ouest a toujours bénéficié d’une part importante des fonds régionaux du FED.

L’analyse du contenu de la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest de 1976 à aujourd’hui fait apparaître les tendances suivantes : le secteur « transports » a constitué un secteur prioritaire de 1976 à 2013 ; l’intégration économique est un secteur prioritaire depuis 1996 ; la consolidation de la bonne gouvernance et de la stabilité régionale constitue une priorité depuis 2008 ; la protection de l’environnement a constitué un secteur de premier plan de 1986 à 1996, puis a disparu des priorités de l’agenda avant de redevenir un secteur de concentration à partir de 2014 ; il en est de même pour le développement rural qui constituait l’un des secteurs prioritaires de 1976 à 1985, puis a été relégué au second plan avant de figurer à nouveau, sous l’intitulé « sécurité alimentaire » parmi les axes d’un secteur de concentration à partir de 2008.

3.1.2 Raison d’être de la coopération régionale

La raison d’être de l’engagement régional de l’UE en Afrique de l’Ouest s’enracine dans plusieurs textes : ceux qui fondent ou engagent juridiquement les institutions européennes (Traité de Maastricht, Traité de Lisbonne et Accord de Partenariat ACP-UE) ; ceux qui définissent les orientations de la politique extérieure de l’UE dans les pays en développement (stratégie de l’UE pour l’Afrique, 2005 ; Consensus européen pour le développement, 2005 ; Communication de la Commission intitulée « Intégration régionale pour le développement des pays ACP », 2008 ; Agenda for Change, 2011 ; stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel, 2011 ; Stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, 2016 ; Nouveau consensus européen pour le développement, 2017) et, enfin, les stratégies de coopération régionale des PIR 10ème et 11ème FED.

La conclusion de la communication de 2008 met en exergue l’importance de l’intégration régionale pour l’ensemble des politiques de coopération au développement de l’UE : « L’intégration régionale est appelée à devenir la norme de la politique de développement de l’UE et des relations UE-ACP. Elle est un facteur essentiel d’une plus grande stabilité politique. Elle est un facteur de croissance accélérée par des réformes structurelles coordonnées et une ouverture progressive du commerce. L’intégration régionale est donc un vecteur essentiel pour atteindre l’objectif du millénaire pour le développement de réduction de la pauvreté dans les pays ACP »23.

23 Communication de la Commission des Communautés européennes « Intégration régionale pour le développement des pays

ACP », COM(2008) 604 final, page 11.

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3.1.3 Théorie du changement

Stratégie de coopération régionale définie lors de la programmation du 10ème FED :

L’UE et les deux ORDM (CEDEAO et UEMOA) ont retenu deux domaines de concentration pour la période d’exécution du 10ème FED24 :

L’approfondissement de l’intégration régionale, l’amélioration de la compétitivité et l’APE ; ce premier domaine représentait 70% de l’enveloppe du PIR (soit 418 M€).

La consolidation de la bonne gouvernance et de la stabilité régionale ; ce second domaine représentait 20% de l’enveloppe régionale (soit 119 M€)25.

L’évolution de la stratégie 10ème FED :

Fin 2011, au moment de la revue à mi-parcours du PIR 10ème FED, le taux d’engagement de l’enveloppe initiale était seulement de 5,24%. Cette piètre performance résultait principalement de i) la finalisation tardive de la feuille route de l'intégration régionale entre la CEDEAO et l'UEMOA, ii) la remise en cause de la modalité de mise en œuvre envisagée à savoir la convention de contribution (CC)26 et iii) la complexité institutionnelle de la mise en œuvre de la coopération régionale (2 organisations régionales et 2 DUE en charge de la coopération régionale) 27 . Afin de remédier à ce retard, la revue à mi-parcours a identifié les actions susceptibles d’être engagées avant la fin de l’année 2013 et a proposé la réaffectation de 142 M€ à l’African Infrastructure Trust Fund pour contribution à l’initiative « énergie durable pour tous » (SE4ALL).

La stratégie de coopération régionale 11ème FED :

Le PIR 11ème FED est structuré autour de trois domaines prioritaires28 :

Paix, sécurité et stabilité régionale.

Intégration économique régionale, y compris les appuis aux secteurs des transports et de l’énergie.

Résilience, sécurité alimentaire et nutritionnelle et ressources naturelles.

En Afrique de l’Ouest comme dans les autres régions ACP, la programmation et la mise en œuvre du PIR 11ème FED se sont accompagnées de plusieurs changements institutionnels qui visent à améliorer l’efficacité de la coopération régionale, en particulier : diversification de la gamme des acteurs d’exécution, pour permettre aux autorités nationales et aux organisations régionales autres que celles dûment mandatées d’avoir directement accès aux fonds régionaux du FED ; augmentation des montants alloués aux mécanismes de financement régional mixte (blending ou association de subventions et de prêts) ; mise en place de comités de pilotage des stratégies régionales de coopération29.

Logique d’intervention consolidée :

La figure n°4 présente la logique d’intervention consolidée des PIR 10ème et 11ème FED30. Il expose de manière synthétique la chaîne des effets attendus pour chacun des cinq grands secteurs

24 Voir : Commission européenne. CEDEAO. UEMOA. Communauté européenne – Afrique de l’Ouest : Document de

stratégie régionale (68 p) et Programme indicatif régional 2008-2013 (53 p). Novembre 2008. 25 Les 10% restant (soit 60 M€) correspondaient aux programmes « hors concentration » : environnement, suivi et gestion du

PIR, acteurs non étatiques. 26 Cette remise en cause était liée aux résultats négatifs des audits des conventions de contribution qui avaient été accordées dans

le cadre du PIR 9ème FED. 27 Services de la Commission européenne. Conclusions de la revue à mi-parcours du document de stratégie régionale et du PIR

Afrique de l’Ouest 2008-2013. 2012, 6 p. 28 Commission européenne. CEDEAO. UEMOA. Union européenne – Afrique de l’Ouest : Programme indicatif régional 2014

2020. 49 p. Juillet 2015. 29 En Afrique de l’Ouest, cette instance est dénommée Comité d’orientation stratégique (COS) 30 L’annexe n°8 détaille la démarche d’élaboration de cette logique d’intervention ainsi que les sources utilisées pour déterminer

les hypothèses sous-jacentes à la stratégie de coopération régionale.

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de la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest : paix, sécurité et stabilité ; intégration économique ; interconnexion (transports et énergie) ; sécurité alimentaire et nutritionnelle et, enfin, environnement.

Pour ces cinq secteurs, les intrants de la coopération régionale sont de même nature et ils comprennent le dialogue politique à haut niveau, le dialogue sur les politiques (sectorielles), la mise à disposition d’assistance technique, la réalisation d’actions de formation et, bien sûr, des appuis financiers (dons seuls et dons combinés à des prêts).

Les produits (premier maillon de la chaîne des effets) attendus de la fourniture de ces inputs sont semblables d’un secteur à l’autre. Il s’agit principalement i) du renforcement des capacités des organisations régionales à élaborer et mettre en œuvre des politiques régionales, ii) du renforcement des compétences des acteurs nationaux (gouvernements, administrations, organisations professionnelles…) à appliquer les politiques régionales et iii) de la réalisation d’infrastructures régionales en matière de transport et d’énergie.

Les résultats (deuxième maillon) sont spécifiques à chaque secteur et portent sur l’élaboration et l’application effectives de politiques, stratégies, règles et dispositifs institutionnels régionaux pertinents au regard de la problématique de chacun des domaines.

Les impacts spécifiques (troisième maillon) sont également propres à chacun des secteurs. C’est sur la base de ces impacts que chacune des QE sectorielles (QE 2 à 6) est structurée, l’analyse visant à apprécier dans quelle mesure la coopération régionale a contribué à les atteindre.

Enfin, les impacts globaux (quatrième maillon), qui expriment les finalités de la coopération UE – Afrique de l’Ouest, sont la résultante combinée des impacts spécifiques visés dans chaque secteur.

La lecture des colonnes « impacts spécifiques » et « impacts globaux » du schéma montre que la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest poursuit des objectifs ambitieux. L’atteinte de ceux-ci est conditionnée à la réalisation d’hypothèses fortes, en particulier : i) la mobilisation effective, par les pays et par les organisations régionales, des ressources financières nécessaires à la mise en œuvre des politiques régionales ; ii) l’existence de capacités suffisantes, au niveau des ORDM, pour orienter et piloter le processus d’intégration et de coopération régionales et iii) une réelle volonté des Etats-membres des ORDM à appliquer les décisions prises au niveau régional ; iv) l’expérience européenne comme référence pertinente en matière d’intégration régionale et v) l’application du principe de subsidiarité dans tous les appuis de l’UE à la coopération régionale.

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Figure 4 – Schéma reconstitué de la logique d’intervention 2008-2016

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3.2 Inventaire de la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest31

En raison de la pluralité du sens donné au terme « coopération régionale » (ce qui crée des difficultés pour recueillir de manière exhaustive l’information sur ce type de coopération), l’évaluation a considéré les critères suivants pour établir l’inventaire de la coopération UE – Afrique de l’Ouest32 :

1. Relever de la programmation du PIR 10ème ou 11ème FED. 2. Relever de la programmation du PIR 9ème FED, avoir été exécutée de manière

significative après 2007 et avoir connu une poursuite (thématique) dans le cadre du 10ème FED.

3. Etre mise en œuvre en coordination étroite ou sous l’égide d’une organisation régionale d’Afrique de l’Ouest sans relever pour autant d’un PIR33.

4. Concerner plusieurs pays de la région en poursuivant un objectif de gestion plus efficace de problèmes communs, de gestion de ressources naturelles partagées et/ou de réalisation d’économies d’échelle34.

Deux types d’engagement financier ont été pris en compte pour estimer les montants correspondant à cet inventaire : i) les décisions de financement prises entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2016 (PIR 10ème et 11ème FED35) ; d’autre part, les contrats établis entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2016 avec des entités menant (ou ayant mené) des actions de coopération régionale répondant aux critères 3 et 4 présentés ci-dessus.

Sur la base de ces choix méthodologiques, le montant total des interventions prises en compte dans le cadre de la présente évaluation s’élève à 1 164 288 604 euros.

Les principaux secteurs couverts par cette coopération régionale sont : les infrastructures (40% du montant total), le secteur « paix, sécurité et stabilité » (19%), le traitement des crises alimentaires et sanitaires (17%)36, la sécurité alimentaire et le développement agricole (10%) et, enfin, l’intégration économique régionale (7%).

L’analyse de la répartition selon les instruments ou programmes montre que le FED régional prédomine (890 M€, soit 76% du total). Viennent ensuite : les programmes régionaux du FFU (110 M€), la Facilité africaine pour la paix (53 M€), la ligne thématique FOOD (43 M€) et l’IdS/IcSP (33 M€).

31 Pour une présentation plus complète de cet inventaire, voir annexe n°9. 32 Pour figurer dans l’inventaire, une intervention doit répondre à au moins l’un de ces critères. 33 Exemple : mise en place par l’UA d’observateurs des droits de l’homme au Mali sur financement de la Facilité africaine pour

la paix, action qui a été menée en coordination avec la CEDEAO 34 Ce quatrième critère vise à éviter de considérer des projets pouvant être classés comme régionaux dans la base de données

CRIS mais qui correspondent en réalité à la juxtaposition d’actions similaires menées dans plusieurs pays voisins sans qu’il y ait de réelle coopération régionale.

35 Dont les transferts à AfIF ; ainsi que les projets régionaux FFU décidés avant fin 2016. 36 Il s’agit essentiellement de transferts de l’enveloppe du PIR à ECHO pour la mise en place de réponses d’urgence et de

relèvement.

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4. Réponses aux questions d’évaluation

4.1 QE 1 – Adéquation de la stratégie au contexte et à son

évolution

Champ couvert et logique d’intervention sectorielle :

La question porte sur l’ensemble des secteurs couverts par la coopération régionale de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest durant la période 2008-2016. Elle vise à examiner la pertinence et la cohérence de la stratégie régionale de coopération. La pertinence est tout d’abord analysée en considérant l’adéquation de la stratégie au contexte régional (et son évolution) ainsi qu’aux orientations de la politique européenne de développement. Cette analyse est complétée en examinant les éventuelles divergences de vue (sur certains thèmes) entre l’UE et ses partenaires régionaux d’Afrique de l’Ouest. L’analyse est poursuivie en considérant, d’une part, les complémentarités et synergies37 entre les instruments (au regard des objectifs poursuivis par la stratégie de coopération) et, d’autre part, l’application du principe de subsidiarité38.

Réponse à la question :

QE 1 Dans quelle mesure la stratégie de coopération est-elle adaptée aux caractéristiques de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, à l’évolution du contexte de la région et à celle des priorités politiques de l’UE ?

Les domaines couverts et les objectifs poursuivis par les appuis régionaux de l’UE présentent une forte pertinence au regard des caractéristiques de l’Afrique de l’Ouest (faible diversification du tissu économique et des échanges intra-régionaux, intensification des menaces sur la sécurité et la stabilité, fréquence accrue des crises alimentaires…) et des « besoins d’intégration régionale » pour relever ces défis.

Cependant, cette pertinence ne s’est pas déployée pleinement au cours de la période évaluée, en raison de la combinaison de plusieurs facteurs, en particulier : la difficulté à tracer un cap clair en matière d’intégration économique régionale ; la tendance à transférer le modèle européen d’intégration par le droit sans considérer avec suffisamment d’attention les obstacles politiques et économiques qui entravent l’avancée de l’intégration régionale ; un manque de priorisation des actions à conduire au niveau régional ; une articulation insuffisante entre le soutien à des coopérations multipays (dont la nécessité s’accroit avec la diversification des menaces sécuritaires) et l’appui à un processus plus global d’intégration à l’échelle de la CEDEAO.

D’autre part, au cours de la période analysée, l’UE a évolué dans sa conception de la coopération au développement, en particulier en Afrique de l’Ouest du fait des diverses interdépendances qui la lient à cette région ; cette évolution du positionnement de l’UE, qui se traduit déjà dans les faits, se trouve en décalage avec les textes qui régissent encore la coopération régionale (Accord de Cotonou) et cela perturbe le dialogue avec les deux ORDM.

37 Deux actions sont complémentaires lorsqu’elles concourent à un objectif commun sur la base d’une répartition (thématique,

géographique, …) de leurs champs d’intervention. La notion de synergie exprime une interdépendance entre deux actions, celles-ci se renforçant mutuellement.

38 Le principe de subsidiarité vise à privilégier le niveau inférieur d'un pouvoir de décision (et d’action) aussi longtemps que le niveau supérieur ne peut pas agir de manière plus efficace.

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4.1.1 Analyse du degré de compréhension du contexte régional et de la prise en compte des enseignements du passé dans la formulation de la stratégie39

La stratégie de coopération régionale de l’UE40 présente une bonne adéquation à la situation de l’Afrique de l’Ouest. En effet, l’ampleur des défis communs auxquels les pays de cette région sont confrontés nécessite un renforcement de l’intégration régionale dans plusieurs domaines clés (voir ci-dessus, chapitre « contexte »). Cependant, cette stratégie l’UE présente trois points faibles en termes de prise en compte des caractéristiques socio-politiques de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Le premier correspond au manque d’analyse des mécanismes, des déterminants et des jeux d’acteurs susceptibles d’expliquer la très faible appropriation par les Etats-membres de la CEDEAO et de l’UEMOA des politiques et réglementations régionales. De ce fait, alors que l’UE a toujours mis l’accent sur le soutien à une intégration régionale par le droit (à l’image de la construction européenne), la stratégie de coopération régionale ne propose pas de démarche susceptible d’aboutir à une application effective des politiques régionales par les Etats d’Afrique de l’Ouest. Le second point faible réside dans une trop faible prise en considération du poids (économique, politique et diplomatique) du Nigeria. La troisième difficulté correspond à l’absence de choix de l’UE face à la pluralité des organisations régionales et aux chevauchements de leurs mandats. Par ailleurs, il se pose un problème de mesure : les données officielles ne permettent pas d’appréhender correctement la réalité de l’intégration régionale (en matière de commerce et de migrations notamment), ce qui hypothèque la pertinence des diagnostics initiaux et l’appréciation des résultats obtenus. Les leçons du passé ont été faiblement prises en compte dans la formulation et la mise en œuvre de la stratégie de coopération régionale. Ainsi :

Les « coopérations fonctionnelles renforcées » (entre acteurs régionaux et nationaux, acteurs publics, privés et société civile) identifiées dans le PIR comme une piste d’amélioration des appuis de l’UE n’ont pas été testées.

Bien que l’exécution du 9ème FED par les ORDM ait connu de nombreuses difficultés, il a été retenu dans le PIR 10ème FED de doubler l’enveloppe (de 235 à 597 M€) et de privilégier le recours aux conventions de contribution. Les raisons de ce choix se trouvent principalement dans le contexte de la négociation de l’APE, l’UE souhaitant créer les conditions d’un soutien des ORDM à l’aboutissement de cette négociation.

Plusieurs des recommandations de l’évaluation précédente (200841) et du rapport de la Cour des Comptes (200942) n’ont pas été appliquées, notamment celles relatives à l’amélioration des systèmes de suivi-évaluation, à une priorisation plus marquée des appuis et à une meilleure articulation entre les PIN et le PIR.

Au niveau des secteurs de coopération, le constat est similaire : la formulation des nouvelles interventions n’a pas suffisamment tiré les enseignements des interventions précédentes (voir, ci-dessous, les réponses aux QE sectorielles).

39 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 1-12. 40 Stratégie consolidée 10ème et 11ème FED. 41 Evaluation de la stratégie régionale de la Commission européenne en Afrique de l’Ouest, mai 2008. 42 Cour des Comptes européenne. Efficacité de l’appui du FED à l’intégration économique régionale en Afrique de l’Est et de

l’Ouest, rapport spécial n°18, 2009.

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4.1.2 Analyse de l’alignement de la stratégie de coopération sur les priorités de la CEDEAO et de l’UEMOA43

Pour les différents secteurs de coopération, la stratégie de coopération régionale de l’UE, est bien alignée sur les orientations et priorités des deux ORDM, ce qui est logique puisque les PIR sont des documents signés par les deux parties. Dans le secteur « sécurité alimentaire », les appuis mis en place durant la période d’exécution du 10ème FED ont finalement été davantage orientés vers la prévention / gestion des crises alimentaires que prévu en raison de la succession de plusieurs crises alimentaires. Cela traduit une bonne adaptation de la mise en œuvre de la stratégie à l’évolution du contexte régional. Néanmoins, dans les secteurs « paix et sécurité », « intégration économique régionale » et « transports », il y a eu d’importantes lacunes dans la conception de plusieurs grands programmes de la coopération UE – Afrique de l’Ouest44. Ces lacunes dans les théories du changement sectoriels correspondent, d’une part, à la définition d’objectifs et de résultats attendus trop ambitieux au regard de la durée des interventions et des moyens alloués et, d’autre part, à des hypothèses peu pertinentes au regard de la situation de la région45.

Par-delà une forte convergence entre les objectifs de la stratégie de coopération de l’UE et ceux poursuivis par les deux ORDM, des désaccords, plus ou moins profonds, se sont manifestés entre les deux parties à propos de certains dossiers. Ainsi, en 2012, durant l’exécution du PIR 10ème FED, l’initiative AGIR impulsée par l’UE a un peu bousculé la CEDEAO qui venait d’adopter le programme régional d’investissement agricole (PRIA), déclinaison opérationnelle de sa politique agricole (l’ECOWAP). Finalement, c’est en 2016, lors de l’actualisation de l’ECOWAP que les questions de résilience ont davantage été prises en compte par cette politique régionale. Par ailleurs, le démarrage du PIR 11ème FED a été marqué par l’importance croissante prise par la question des migrations dans l’agenda politique (interne et externe) de l’UE, question qui a été source de tensions entre l’UE et ses partenaires d’Afrique de l’Ouest. D’une part, les responsables d’Afrique de l’Ouest mettent en avant l’importance des migrations intrarégionales et régulières (dans le respect du principe de libre circulation des personnes au sein de l’espace CEDEAO) tandis que l’attention des dirigeants de l’UE est focalisée sur les migrations irrégulières. Enfin, les ORDM ont critiqué le transfert de 200 M€ du PIR (soit 13% de l’enveloppe totale) vers le fonds fiduciaire d’urgence (FFU), nouvel instrument créé en novembre 2015 et à la gestion duquel elles ne sont pas associées46.

4.1.3 Analyse de l’alignement de la stratégie régionale de coopération sur la politique de développement de l’UE47

Le PIR 10ème FED fait référence à la communication de la Commission européenne sur l’intégration régionale publiée en 2008 48 . Si le PIR 11ème FED ne mentionne pas cette communication, il est néanmoins en phase avec les orientations et principes d’action définies par ce texte.

Globalement, il existe un bon alignement des PIR 10ème et 11ème FED sur les documents d’orientation de la politique européenne de coopération au développement 49 . Cependant, en matière d’intégration économique régionale, les stratégies développées dans les deux PIR ne sont

43 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 13-19. 44 Voir, ci-dessous, l’analyse des QE sectorielles (2 à 6). 45 Cf. analyse du CJ précédent. 46 Ce point de contentieux s’est accentué fin 2017, lorsqu’à l’issue de la revue à mi-parcours, l’UE a décidé unilatéralement de

diminuer l’enveloppe du PIR 11ème FED de 75 M€ au profit, entre autres, du FFU. 47 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 20-22. 48 « Intégration régionale pour le développement des pays ACP », Communication de la Commission au Conseil et au Parlement

européen, COM(2008) 604 final. 49 En particulier : « Le Consensus européen pour le développement » (2006) et. « Agenda for change » (2011).

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pas tout à fait en ligne avec le Consensus européen pour le développement (2005)50 qui insiste sur l’importance de soutenir des processus de croissance inclusive et de développement durable, y compris à travers l’intégration régionale et l’appui au commerce. Les deux PIR ont poursuivi, dans ce secteur, une approche assez « libérale » à travers la mise en œuvre de l’APE, la réalisation du marché commun, la consolidation de la stabilité macroéconomique, l’application des réformes liées à la transition fiscale et le renforcement de la compétitivité de l’appareil de production. Les dimensions d’inclusivité et de durabilité des processus de croissance sont très peu évoquées dans les deux PIR, de même que les liens avec les stratégies de réduction de la pauvreté.

Au début de la période évaluée, l’UE établissait un lien fort entre la négociation APE et ses appuis à l’intégration économique régionale, considérant que ces deux axes devaient se renforcer mutuellement. En fin de période, à partir de 2014-2015, la question des migrations, comme mentionné précédemment, a bousculé la programmation initiale du PIR 11ème FED. Parallèlement, l’UE a accordé une attention de plus en plus forte au nexus sécurité-développement en raison de l’intensification de l’action de groupes terroristes dans la zone sahélienne. En raison notamment de la localisation de ces zones d’insécurité, l’UE a développé des actions de coopération régionale avec d’autres entités que la CEDEAO (Commission du bassin du Lac Tchad et G5 Sahel).

4.1.4 Analyse de l’adéquation des modes de gestion de la coopération régionale de l’UE avec la situation régionale et avec les résultats attendus51

L’adéquation des instruments et modes de gestion de l’aide avec les enjeux prioritaires identifiés a été variable selon les secteurs. Dans le secteur « sécurité alimentaire », il y a eu une complémentarité assez bonne entre les différents instruments utilisés : complémentarité temporelle et thématique entre la ligne FOOD et le PIR ; synergies entre la CSO-LA, la ligne FOOD et le PIR en matière de renforcement des capacités des différentes catégories d’acteurs concernés52 par la politique agricole et de sécurité alimentaire de la région. Dans le secteur « paix et sécurité », le recours aux différents instruments était, lors de la programmation, en adéquation avec leurs spécificités respectives (durée, objet…) ; lors de la mise en œuvre, cette complémentarité entre instruments n’a pas été aussi forte qu’attendu53. Concernant les modes de gestion de l’aide, le recours accru aux agences d’exécution à partir du 10ème FED a répondu à l’objectif d’accélérer l’engagement des fonds mais a affaibli davantage le pilotage stratégique par l’UE et les ORDM, comme le montre l’étude de cas réalisée dans le secteur « intégration économique » (cf. encadré ci-dessous).

50 Ni avec le « Nouveau consensus » adopté en 2017, soit au-delà de la période sous revue. 51 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 23-28. 52 Administrations nationales, organisations régionales, organisations professionnelles agricoles, organisations de la société civile. 53 Voir plus loin, analyse du CJ 8.3.

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Encadré 1 – Synthèse de l’étude de cas : le recours aux agences d’exécution dans le secteur “integration économique régionale”54

Un changement d’approche a été initié avec le 10ème FED pour la mise en œuvre des programmes relatifs à l’intégration économique régionale: en raison des difficultés rencontrées lors de l’exécution des contrats de subvention conclus avec l’UEMOA et la CEDEAO dans le cadre du 9ème FED, les composantes des programmes ont été confiées à différentes agences « d’exécution » (GIZ, ONUDI -seule agence déjà impliquée dans le 9ème FED- SFI/BM, CCI et FMI) et cette approche a été poursuivie avec le 11ème FED. Justifié surtout par les difficultés rencontrées dans l’exécution du volet intégration régionale du 9ème FED, ce choix a également été motivé par la volonté de renforcer la qualité technique des appuis. Si l’exécution s’est un peu améliorée (même si des retards importants, surtout au démarrage, ont été encore constatés) et si les appuis fournis sont techniquement très appréciés, cette nouvelle approche en silos a aussi eu pour effet d’éloigner à la fois l’UE et les ORDM de la conduite et du pilotage stratégique des activités déployées. La cohésion du programme dans son ensemble en a souffert, les agences travaillant de façon isolée et étant mues avant tout par leurs propres visions des enjeux.

Le mixage prêts-dons, ou blending, est un instrument pertinent compte tenu de l’ampleur des besoins de la région en infrastructures55. Les projets éligibles au financement de l’African Investment Facility (AfIF, aujourd’hui l’AITF56) correspondent à des projets soumis par les Etats d’Afrique de l’Ouest aux institutions financières (principalement BEI, AFD, BAfD et KfW). Ces projets font partie de ceux inscrits dans les documents de planification de la CEDEAO et de l’UEMOA et ces deux organisations sont invitées à siéger (comme observateurs) au conseil d’administration de l’AITF. Cependant, il s’avère que l’articulation entre les politiques régionales (en matière de transport et énergie notamment) et les infrastructures financées par blending est insuffisante. Cela tient notamment au fait que la contribution de l’UE aux projets blending n’est pas suffisamment mise en avant lors du dialogue sur les politiques, à l’échelle nationale et régionale.

4.1.5 Analyse de l’application du principe de subsidiarité dans la définition et la mise en œuvre des appuis de l’UE57

Concernant le PIR 10ème FED, bien qu’il y ait eu des concertations à ce sujet entre les DUE et les services du siège, le PIR et les PIN ont été conçus de manière indépendante. Pour ce qui est du 11ème FED, il existe quelques complémentarités et synergies entre le PIR et les PIN : i) dans le secteur « sécurité alimentaire », le PIR est finalement davantage orienté vers les questions de renforcement de la résilience des populations vulnérables tandis que les PIN traitent davantage des questions de productivité et de filières58 ; ii) dans le secteur « environnement », les appuis de l’UE sont concentrés au niveau régional, aucune action d’envergure n’étant prévu au niveau national ; iii) dans les secteurs « transports » et « énergie », les appuis inscrits dans les PIN concernent peu de pays59 tandis que le PIR comprend une enveloppe relativement importante destinée au financement d’investissements (via le blending) et d’actions de renforcement de la gouvernance du secteur. Au niveau de la mise en œuvre, en dehors du cas remarquable de la lutte contre la surcharge routière (cf. encadré ci-dessous), les synergies ont été faibles entre la coopération de l’UE de niveau national et celle de niveau régional. Dans le domaine « sécurité

54 Voir en annexe n°10 la présentation complète de cette étude de cas. 55 Voir notamment : European Commission. Evaluation of Blending. Final Report, December 2016, 126 p. 56 AITF : Fonds Fiduciaire UE-Afrique pour les Infrastructures 57 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 28-36. 58 Par ailleurs, la baisse de ressources allouées à ce secteur (en raison du transfert au FFU) est en partie atténuée par le fait que

11 pays d’Afrique de l’Ouest (sur 16) ont retenu la sécurité alimentaire et nutritionnelle comme l’un des secteurs de concentration de leur PIN.

59 3 pays ont inscrit les transports parmi les secteurs de concentration de leur PIN. Pour l’énergie, il s’agit de 5 pays.

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alimentaire », il existe un potentiel de synergies dans le cadre du 11ème FED, mais il est trop tôt pour déterminer s’il se concrétisera.

Encadré 2 – Synthèse de l’étude de cas : La lutte contre la surcharge routière60

La lutte contre la surcharge routière a, en Afrique de l’Ouest, une dimension régionale incontestable. Les pays sahéliens enclavés (Mali, Burkina Faso, Niger) doivent transiter par les pays côtiers pour accéder à un port. Si leurs camions sont surchargés, ils dégradent le réseau routier des pays de transit sans contribuer au financement de l’entretien routier. Dans le même temps, l’activité des ports dépend pour une large part du trafic de marchandises vers (et de) les pays sahéliens. Il y a donc à la fois interdépendance et externalités, ce qui justifie une action commune au niveau régional (application du principe de subsidiarité).

L’UE a donc logiquement soutenu l’action régionale dans la lutte contre la surcharge sur PIR pendant qu’elle finançait la construction de stations de pesage sur les PIN. Elle a fait preuve sur la période d’une grande cohérence et de beaucoup de persévérance. Malgré cela, durant la période sous revue, la surcharge n’a pas diminué sauf marginalement les surcharges extrêmes. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : la commission de l’UEMOA n’a pas eu les moyens (incitations ou sanctions) pour faire appliquer la réglementation régionale, les Etats-membres ne lui ayant pas donné ce mandat ; ces derniers ont, pour la plupart, transposé les directives communautaires dans leurs législations nationales en introduisant des ajustements à la baisse sur les normes, les sanctions et les délais ; les quelques gouvernements qui ont tenté d’appliquer les directives régionales se sont heurtés à de fortes oppositions sociales et à des détournements de trafic au profit de corridors de pays voisins, plus laxistes. L’économie politique du transport inter-Etats s’est donc avérée plus complexe que prévue et mal prise en compte. La surcharge s’est cependant imposée comme une cause régionale.

Le poids respectif des actions soutenues par l’UE à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et de celles impliquant un nombre restreint de pays (i.e., coopération multi-pays) a évolué au cours de la période sous revue. Au début de la période évaluée, la priorité était clairement donnée à l’intégration régionale telle que définie et pilotée par les deux ORDM, CEDEAO et UEMOA. En fin de période, une certaine réorientation a été réalisée au profit d’actions multi-pays soit sous l’égide d’une institution intergouvernementale (cas des appuis au G5 Sahel), soit sous la seule impulsion de l’UE (cas d’actions multi-pays financées par le FFU61). Cette inclinaison de l’UE vers la coopération multi-pays s’effectue sans qu’un bilan de ce type d’actions n’ait réellement été dressé, alors qu’il existe une expérience assez riche en la matière dans certains secteurs (par exemple : environnement, appuis à la société civile, sécurité alimentaire). La complémentarité (dans la conception des interventions et dans leur exécution) entre les actions de coopération multi-pays et les appuis aux ORDM est faible. Deux facteurs expliquent cette situation : premièrement, les actions multi-pays relèvent le plus souvent d’un financement par les lignes budgétaires tandis que les appuis aux ORDM relèvent du FED et la coordination opérationnelle entre ces deux instruments n’est pas souvent optimale. Deuxièmement, les actions multi-pays sont pilotées par la DUE de l’un des pays concernés par ces actions tandis que les appuis aux ORDM relèvent des DUE à mandat régional (Burkina Faso ou Nigeria selon les cas).

60 Cette étude de cas est détaillée en annexe n°10. 61 Auparavant, c’était déjà le cas pour les actions financées par les lignes budgétaires : l’impulstion venait de l’UE.

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4.2 QE 2 – Paix, sécurité et stabilité régionale

Contexte sectoriel :

La période sous revue est marquée par une situation politique contrastée où se côtoient des situations de stabilité relative (Bénin, Ghana, Togo, Sénégal), de transition (Burkina-Faso, Guinée, Niger, Gambie), de sortie de crises (Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Liberia) et des tendances à l’enracinement de la conflictualité (Mali, Nigeria)62. La région a été confrontée à des crises complexes, dans lesquelles l’instabilité politique a pris la forme de rébellions armées. Cependant, elle a enregistré, entre 2008 et 2016, une plus forte diminution des tensions transfrontalières que l’ensemble du continent. Les gouvernements de la région sont, en revanche, de plus en plus impliqués dans des conflits armés sur leurs territoires nationaux. Les détériorations les plus nettes correspondent à la participation des gouvernements à des conflits armés (Nigeria, Cameroun, Mali, Niger…) et aux atteintes à la sûreté des personnes (Gambie). Entre 2008 et 2016, les conflits violents en Afrique de l’Ouest ont oscillé entre deux et six par an, avec des pics en 2014 et 2015, principalement en raison de la situation au Nigeria63. Les conventions des droits de l'homme sont de plus en ratifiées, mais les violations des droits de l'homme, elles, augmentent champ (Mauritanie, Burkina Faso) et il est également constaté des restrictions importantes aux libertés publiques (Gambie, Mali).

Enfin, le contexte général de la région reste caractérisé au cours de la période sous revue par des enjeux de sécurité très préoccupants, une intensification et une diversification des menaces : mouvements terroristes dans les parties septentrionales du Sahel et au Nord-Est du Nigeria ; traite d’êtres humains ; trafics illégaux (drogue et armes principalement) ; piraterie maritime ; blanchiment d’argent ; cybercriminalité…

Champ couvert et logique d’intervention sectorielle :

Cette question correspond au premier secteur de concentration du PIR 11ème FED, c’est-à-dire les actions en faveur de la paix, de la sécurité et de la stabilité y compris la lutte contre les menaces globales qui touchent la région. Celles-ci ont des conséquences souvent dramatiques pour les populations ouest-africaines et ont également des répercussions directes sur l’UE. En début de période, la coopération régionale de l’UE accordait la priorité à la lutte contre la piraterie maritime et le trafic de drogue ; aujourd’hui, l’accent est davantage mis sur les questions de terrorisme et de migrations irrégulières. Il en résulte un grand nombre d’interventions (plus de 6064), recouvrant quatre sous-secteurs qui structurent la logique d’intervention sectorielle65 : gouvernance politique, conflits violents, menaces spécifiques à la région et flux migratoires irréguliers. En plus des actions programmées ou exécutées dans le cadre des PIR, le portefeuille de ce secteur comprend de nombreuses actions financées par d’autres instruments ou programmes : i) la Facilité africaine pour la paix (FAP) ; ii) sous l’instrument pour la coopération au développement (ICD) : le programme panafricain ; le programme Global Public Goods and Challenges (GPGC) et les programmes thématiques « organisations de la société civile et autorités locales » (CSO-LA), « développement humain » (HUM) et « asile et migration » (MIGR) ; iii) parmi les instruments thématiques : Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) et Instrument de stabilité (IdS) / Instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP)66 ; iv) les missions d’observation électorale, gérées par IPE et v) plus récemment, le

62 Cette classification est tirée de Lutumbue, M., Groupes armés, conflits et gouvernance en Afrique de l’Ouest : une grille de

lecture, GRIP 27 janvier 2017. 63 Base de données Uppsala Conflict Data Program/PRIO sur les conflits armés, consultée en septembre 2017. 64 Cf. le détail dans les annexes n°8 et 9. 65 Voir schéma de la logique d’intervention sectorielle en annexe n°8. 66 Co-gérés par DEVCO et le Service des instruments de politique étrangère (IPE).

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Fonds fiduciaire d’urgence67 (FFU) pour l’Afrique. Au total se sont près de 221 M€ qui ont été engagés dans ce secteur au cours de la période.

Réponse à la question :

QE 2 Dans quelle mesure la coopération régionale de l’UE a-t-elle contribué à la paix, sécurité et la stabilité en Afrique de L’Ouest ?

La coopération régionale de l’UE a contribué à des impacts positifs en matière de diplomatie électorale, de participation politique accrue, de médiations réussies, d’alertes précoces et d’opérations de maintien de la paix. Deux programmes, la cellule de finance et gestion des opérations de paix de la CEDEAO et le Programme de Contre-terrorisme au Sahel, ont eu des effets positifs, notamment en termes d’appropriation durable par les structures bénéficiaires, mais l’UE n’en a pas tiré les leçons pour les diffuser vers d’autres programmes. En matière de sécurité maritime, de lutte contre les menaces qui affectent la région (blanchiment d’argent, trafics illicites, terrorisme…) et de prévention des migrations irrégulières, l’UE n’est pas parvenue à contribuer (en interaction avec de nombreux autres acteurs) à enrayer la dégradation de la situation qu’a connu la région au cours de la période sous revue. Parmi les facteurs explicatifs de ce faible impact de la coopération régionale de l’UE dans ces domaines, il ressort notamment : i) des théories du changement parfois défaillantes ; ii) la multiplicité des actions (relevant d’instruments ou de programmes différents) concourant aux mêmes objectifs mais sans recherche de synergies entre elles et iii) des problèmes d’appropriation de ces nombreuses actions tant par les bénéficiaires que par les agences d’exécution et les DUE.

4.2.1 Analyse de la contribution de la coopération régionale de l’UE à une gouvernance politique améliorée68

Dans le sous-domaine de la médiation / diplomatie électorale, les principaux produits de la coopération régionale de l’UE ont été la mise en place, au sein de la CEDEAO, d’une Division de la facilitation de la médiation, d’un Groupe des Aînés et d’un pool de médiateurs. Ces appuis de l’UE ont joué un rôle, non prépondérant69, dans les résultats positifs obtenus par la CEDEAO lors de la médiation de crises politiques au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Gambie et en Guinée70. Cependant, cette contribution de l’UE est affaiblie par l’accumulation des retards dans l’exécution des programmes, le manque de capitalisation d’un programme à l’autre, des décalages temporels entre les projets du PIR et ceux relevant de la FAP et, enfin, une faible appropriation par les institutions bénéficiaires.

En matière d’assistance et l’observation électorales et plus généralement de la promotion de la démocratie, les appuis de l’UE ont donné les produits escomptés 71 . La coopération régionale de l’UE (un des principaux partenaires de la CEDEAO en matière électorale) a été un facteur important dans les résultats obtenus par la CEDEAO en matière de promotion de la démocratie, à travers notamment l’affirmation de la « tolérance zéro à l’accession antidémocratique au pouvoir ».

En ce qui concerne le rôle de la société civile pour une meilleure gouvernance politique, les principaux produits de la coopération régionale UE ont été des capacités renforcées en plaidoyer, en participation politique des femmes, en radiodiffusion communautaire ainsi que

67 Le nom complet est : « Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la

migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique ». 68 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 37-52. 69 L’implication du leadership politique des pays membres de la CEDEAO étant un facteur plus important. 70 En revanche, les succès de la CEDEAO ont été moindres dans le cas de crises complexes, tel le Nigeria, la Guinée-Bissau, le

Mali (conflit au Nord ; conflit avec les islamistes), le Niger et le Togo. 71 En particulier : planification, mise en œuvre et suivi des activités électorales par le bureau du représentant spécial du Président

de la Commission de la CEDEAO ; Réseau des commissions électorales de la CEDEAO ; lancement d’une des premières missions d’observation électorale à long terme au Libéria...

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l’organisation, dans plusieurs pays, de débats radio et de cadres juridiques propres à garantir une information indépendante. Si l’évolution dans ce sous-domaine est positive avec de nombreux exemples de contribution des OSC locales à une meilleure gouvernance politique (Guinée, 2006 ; Burkina Faso, 2014 ; Togo 2010 et 2015), elle est néanmoins restée à un stade expérimental.

Globalement, la contribution de la coopération régionale de l’UE à une gouvernance politique améliorée est mitigée, l’Afrique de l’Ouest présentant en la matière des évolutions contrastées72. Cette contribution est positive en matière de médiation et elle est significative en matière électorale et de promotion de la démocratie.

4.2.2 Analyse de la contribution de la coopération régionale de l’UE à la prévention et l'atténuation des conflits violents73

En matière d’alerte précoce, l’UE a appuyé le système régional de la CEDEAO (ECOWARN) dont les produits sont significatifs : observation d’un large éventail de conflits tout en étant connecté au système d’alerte précoce continental (UA) couvrant une vaste gamme d’indicateurs pertinents par pays74. La coopération régionale de l’UE a facilité le développement de ce système d’alerte précoce, contribuant ainsi à l’utilisation des produits ECOWARN par les décideurs de la région ; ainsi, lors de la crise de 2014-2015 au Burkina Faso, le dispositif ECOWARN a permis une réaction rapide de la CEDEAO.

En matière d’opérations de maintien de la paix régionale, la coopération régionale de l’UE a abouti notamment au déploiement de l'AFISMA (African-led International Support Mission to Mali)75,

d’ECOMIB (la mission de la CEDEAO en Guinée-Bissau) et d’ECOMIG (la mission de la CEDEAO en Gambie) ainsi qu’à la mise en place, conjointement par l’UA et la CEDEAO, d’observateurs des droits de l'homme au Mali (2013). Ces appuis de l’UE constituent une contribution importante à l’opérationnalisation de la Force de réserve de la CEDEAO, dont les résultats positifs ont été démontrés par les succès d’ECOMIB et d’ECOMIG, en synergie avec les actions de médiation politique menées en Guinée Bissau et en Gambie par la CEDEAO. Les appuis régionaux de l’UE ont également permis à la CEDEAO de créer la cellule « finances et gestion des opérations de paix » qui, au travers d’une réelle acquisition de capacités, a facilité le déploiement rapide d’ECOMIB et d’ECOMIG. Cette cellule fait figure d’exception dans un contexte où l’exécution des programmes régionaux de l’UE a été majoritairement confiée à des agences d’exécution européennes, créant un réel problème d’appropriation par les bénéficiaires. Cependant, l’UE n’a pas capitalisé sur cette expérience positive de la CEDEAO lors de ses appuis plus récents à la Commission du Bassin du Lac Tchad (pour la mise en place de la MNJTF76) et au secrétariat du G5 Sahel (pour la création de la Force conjointe du G5 Sahel). De plus, le soutien de l’UE à ces deux institutions donne la priorité aux aspects militaires au détriment des questions de développement et de droits de l’homme. Enfin, les synergies entre ces différents programmes européens en faveur du maintien de la paix ainsi qu’entre ceux-ci et les missions PESC n’apparaissent pas clairement77.

En matière de gouvernance du secteur « sécurité », la coopération régionale UE a appuyé la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en Guinée-Bissau78 et la mise en œuvre de l’Accord de paix au Mali. Dans ce sous-domaine, la CEDEAO a atteint des résultats positifs : en Guinée-

72 Voir la présentation du contexte régional : au début de la QE 2, dans le chapitre 2 et en annexe n°7. 73 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 52-66. 74 Fragilité sociale, dynamiques démographiques et migratoires, conflits identitaires, tensions liées aux ressources naturelles,

instabilité politique, scénarios et stratégies de gestion des conflits possibles. 75 Puis à la transition entre l’AFISMA et la MINUSMA (Mission des Nations unies pour le Mali). 76 MNJTF : Multinational Joint Task Force. Mission en charge de la lutte contre Boko Haram. 77 Voir également, ci-dessous, la section 8.3. 78 Cependant, en 2017, suite à des changements de personnel dans les forces de sécurité de Guinée Bissau, la DUE a demandé

l’arrêt des activités de soutien à la réforme du secteur de sécurité.

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Bissau, elle a su s’imposer depuis 2012 comme un acteur important, en particulier face à l’armée. La contribution de l’UE à la gouvernance du secteur de sécurité repose également sur les instruments PESC déployés dans la région (EUCAP Sahel, EUTM Mali, EUTM Niger, Regional Coordination Cell - RCC), ainsi que l’appui au Collège Sahélien de Défense, rattaché au G5 Sahel. A l’heure actuelle, les synergies entre ces différents appuis de l’UE ne sont pas maximisées. De ce fait, la contribution de l’UE aux réformes du secteur de sécurité n’est pas optimale par rapport aux fortes sommes engagées.

Globalement, au niveau de l’impact « prévention et atténuation des conflits violents », la situation de l’Afrique de l’Ouest durant la période sous revue s’est détériorée79. S’il n’est pas possible de savoir avec certitude quelles crises ont été prévenues, la relative stabilisation de la Gambie et de la Guinée Bissau par la CEDEAO doit beaucoup à la contribution de l’UE. Il y a suffisamment d’exemples de médiations réussies, d’alertes précoces et d’opérations de maintien de la paix déployées, dont l’UE a souvent été le principal bailleur international, pour établir une contribution plausible de l’UE à des conflits atténués. En revanche, il n’y a pas de preuves que la coopération régionale de l’UE ait significativement transformé les causes profondes des conflits. Dans le cadre des conflits aux frontières septentrionales de l’espace CEDEAO (Lac Tchad et Sahel), où les interventions des forces régionales sont critiquées pour des violations des droits de l’homme, le bilan est mitigé : faibles synergies entre les instruments, coordination insuffisante entre les DUE et manque de soutien aux composantes civiles, susceptibles de toucher aux causes profondes des conflits.

4.2.3 Analyse de la contribution de la coopération régionale de l’UE à la diminution des menaces spécifiques à la région80

En matière de sécurité maritime, les produits des appuis régionaux de l’UE ont consisté notamment en la mise en place ou le fonctionnement de mécanismes de coordination 81 , le renforcement des capacités des administrations nationales et régionales et, enfin, l’adoption d’un Code de conduite relatif à la prévention et la répression des actes illicites dans l’espace maritime du golfe de Guinée. Malgré ces appuis, les résultats de la région en matière de sécurité maritime restent pour l’instant limités : en 2016, le Code de conduite n’était toujours pas devenu contraignant et les structures de sûreté et sécurité maritimes n’étaient pas opérationnelles. Si certaines mesures se sont avérées efficaces, la piraterie reste un phénomène de grande ampleur dans l’ensemble du Golfe de Guinée.

En ce qui concerne la lutte contre les trafics illicites, les produits de la coopération régionale UE ont consisté principalement en l’amélioration des connaissances sur l’usage des stupéfiants dans la région, la mise en place d’un système régional d’information policière (géré par la CEDEAO), la création de plusieurs plate-formes régionales82 et des appuis83 à différentes entités nationales (services de police en charge de l’interception des flux de drogue, cellules de renseignement financier, organes chargés de la répression du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme). Ces appuis de l’UE ont permis plusieurs avancées au niveau de la région, en particulier la progression des échanges d’informations relatifs aux trafics illicites, l’amélioration du contrôle de certaines routes utilisées par les passeurs de drogue et la

79 Voir la présentation du contexte régional : chapitre 2 et annexe n°7. 80 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 67-80. 81 Mise en place du Centre international de coordination entre la CEDEAO, la CEEAC et la Commission du Golfe de Guinée ;

fonctionnement effectif des cadres de coordination entre la CEDEAO et la CEEAC. 82 Le West African Epidemiology Network on Drug Use (WENDU), le Réseau des autorités centrales et des procureurs de l'Afrique de

l'Ouest (WACAP) et la Plate-forme judiciaire du Sahel. 83 Fourniture de matériel, formation, mentorat…

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structuration des cadres juridiques nationaux84. Cependant, l’efficacité de la coopération régionale de l’UE a été limitée par plusieurs facteurs : i) les dysfonctionnements des services policiers et judiciaires des pays (les opérations de lutte contre les trafics se limitent souvent à l’arrestation des contrevenants sans que les responsables de ces trafics soient inquiétés) ; ii) un certain déséquilibre dans le contenu des appuis (focalisation sur le renforcement des capacités au détriment de l’équipement en matériel) ; iii) des tensions dans la collaboration entre la CEDEAO, l’UE et les autres PTF du domaine (Royaume-Uni et Etats-Unis) et iv) des difficultés de coordination entre PTF.

En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le projet « contre-terrorisme Sahel » (CT Sahel) a permis à l’UE de se poser en pionnière de l’engagement et du soutien aux pays du Sahel dans ce domaine ; il a également joué un rôle de catalyseur dans l’opérationnalisation de la stratégie de l’UE pour le Sahel. A travers ce projet et d’autres interventions, les produits des appuis régionaux de l’UE ont consisté en i) la mise sur pied d’un Collège sahélien de sécurité, qui a été un facteur d’alignement régional85 et ii) le renforcement des compétences d’un ensemble d’acteurs cibles (autorités judiciaires, services de sécurité), avec un soutien concret à la création d’unités anti-terroristes spécialisées. Au cours de la période sous revue, la région Afrique de l’Ouest a enregistré une aggravation de la situation en matière de terrorisme et les quelques succès obtenus ont été le fait de forces armées étrangères (Serval, Barkhane) ou multinationales (AFISMA, MINUSMA, MNJTF). La contribution de la coopération régionale de l’UE au recul du terrorisme s’avère donc assez faible, ceci alors que l’UE est un financeur important dans ce domaine. Parmi les facteurs explicatifs de cette situation, on relève notamment : la prédominance des approches sécuritaires et punitives ; la faible capacité de dialogue politique (et de dialogue sur les politiques) dès lors que l’action se porte principalement sur le volet sécuritaire via des agences d’exécution dont le niveau de suivi par l’UE est faible, accentué par une coordination insuffisante entre les DUE concernées ; une coordination insuffisante entre les services en charge des différents instruments mobilisés (IcSP, FED régional, FFU…) et dans le dialogue avec les différentes institutions régionales concernées (CEDEAO, G5 Sahel et Commission du bassin du Lac Tchad). De plus, certains projets, tel que le projet d’appui aux GAR-SI Sahel86, quoique récents, soulèvent des questions d’appropriation et d’efficience.

Globalement, au niveau de l’impact « diminution des menaces spécifiques à la région », les évolutions observées au cours de la période sous revue sont très préoccupantes : augmentation de la piraterie maritime, extension du terrorisme, accroissement des trafics illicites…87. L’UE, à travers sa coopération régionale, n’est pas parvenue à contribuer (aux côtés des nombreux autres intervenants) à enrayer cette détérioration de la situation. L’une des raisons de ce faible impact réside dans le manque de clarté et d’adéquation des théories du changement qui sous-tendent les principales interventions de la coopération régionale de l’UE dans ce domaine88.

84 Par exemple : adaptation aux normes internationales en matière de lutte contre le trafic de drogue ; ratification de la

convention anticorruption. 85 Le Collège sahélien de sécurité est aujourd’hui intégré au sein du G5 Sahel. 86 Groupes d’action rapide – surveillance et intervention. Projet financé par le FFU à partir de 2016. 87 Pour plus de détails, voir la présentation du contexte régional : chapitre 2 et annexe n°7. 88 Voir analyse plus détaillée dans la matrice d’évaluation (synthèse de l’indicateur 2.3.5).

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4.2.4 Analyse de la contribution de la coopération régionale de l’UE à la prévention des flux migratoires irréguliers, du trafic de migrants et de la traite de personnes89

Dans ce domaine, les principaux produits issus des appuis de l’UE ont été : i) des processus régionaux de dialogue sur les migrations ; ii) la mise en place d’un centre d’information et de gestion des migrations au Mali ; iii) un renforcement des capacités des Etats, des OR et des OSC ; iv) le renforcement de la gestion des frontières et v) la réintégration des migrants de retour.

Les résultats obtenus dans la région, à partir notamment de ces contributions de l’UE, s’avèrent contrastés. Les appuis de l’UE ont favorisé l’établissement d’un dialogue régional sur des approches communes en matière migratoire : tous les pays de la région, excepté le Bénin et la Guinée, intègrent aujourd’hui les questions migratoires dans leurs politiques de développement. Cependant, en 2016, aucun des pays de la région n'avait de stratégie globale de migration en vigueur, négligeant des aspects clefs de la protection des migrants. D’autre part, les appuis de l’UE n’ont pas joué un rôle décisif pour renforcer les capacités de gestion des migrations régulières et de limitation des migrations irrégulières. Ainsi au Niger, où le principe de la libre circulation des personnes connaît une application restrictive, on constate une réduction des migrations régulières mais une augmentation des migrations irrégulières vers la Libye et l’Algérie. Au niveau de l’ensemble de la région, si les retours volontaires enregistrés par l’organisation internationale pour les migrations (OIM) particulièrement de Libye, sont très élevés, les taux de retours forcés d’Europe restent modestes.

Le niveau modeste de la contribution de la coopération régionale de l’UE à des politiques migratoires, nationales et régionales, plus pertinentes et plus efficaces s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs : i) le caractère relativement récent des appuis de l’UE ; ii) le faible intérêt pour la question migratoire de nombreux pays de la région90 ; iii) des lacunes dans la conception de certaines interventions : ainsi, le principal projet dans ce domaine (Support to Free Movement of Persons and Migration in West Africa) a démarré sans théorie du changement, ce qui ne facilite pas le suivi et l’évaluation d’un programme aussi complexe ; iv) une attention insuffisante portée à l’appropriation par les acteurs nationaux : par exemple, le Mali, qui est un des 10 principaux pays de départ des migrants vers l’Europe, n’a quasiment aucune information sur les 6 projets régionaux dans lequel il est impliqué91 . Par ailleurs, la présente évaluation, des Etats membres de la CEDEAO et certains Etats-membres de l’UE émettent des préoccupations à propos de certains projets FFU, en raison de la lenteur de leur mise en œuvre, de leurs coûts élevés et de leur moindre appropriation au contexte (par rapport aux projets relevant du PIR ou des PIN).

Les tendances en matière de migrations irrégulières et de vulnérabilité des migrants sont stables ou en détérioration. La diminution des migrations irrégulières dépend aussi bien des capacités, nationales et régionales, au sein de l’espace CEDEAO que des capacités dans les pays voisins (Tunisie, Algérie, Libye). De plus, si le soutien au développement et à l’emploi pour réduire la migration demeure un axe clef, son impact ne se fera sentir que dans le long terme ; en effet, tant que le différentiel entre les niveaux de revenu des pays de départ et d’arrivée reste important, la migration demeure une option attractive92. Ainsi, à l’heure actuelle, la coopération régionale de

89 Cette section n’inclut pas la promotion de la mobilité au sein de la région Afrique de l’Ouest, qui relève de la QE3. Pour une

analyse plus détaillée de cette section, voir : annexe 1, pp. 80-90. 90 L’importance des transferts de fonds des migrants vers leurs pays d’origine n’incite pas les gouvernements d’Afrique de

l’Ouest à prendre des mesures visant à freiner les migrations vers l’Europe ou les pays du Golfe. 91 A cela s’ajoutent des maladresses dans la conduite du dialogue politique sur les questions migratoires : en décembre 2016, un

envoyé de l’UE annonçait (à tort selon le gouvernement malien et plusieurs observateurs) qu’un accord sur les retours forcés depuis l’Europe avait été conclu, ce qui avait provoqué une crise politique au Mali et à un raidissement de la position du gouvernement malien.

92 Michael CLEMENS, Developement Aid to Deter Migration will do Nothing of the Kind, Refugees Deeply, 31 October 2016

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l’UE n’a pas encore joué un rôle clef dans la prévention des flux migratoires irréguliers et de la traite des personnes.

4.3 QE 3 – Intégration économique régionale

Contexte sectoriel93

Au cours de la période sous revue, les économies de la zone CEDEAO ont connu un taux de croissance global encourageant mais en baisse en fin de période. Les structures de production ont globalement peu évolué, dominées par des secteurs d’activité à faible valeur ajoutée. Les principaux changements dans la structure du PIB sont liés au développement du secteur des services, en particulier transport et télécommunications alors que le secteur secondaire ne progresse pas réellement, à l’exception de la construction qui profite des investissements réalisés.

Des réformes visant à améliorer l’environnement économique et renforcer les facteurs de compétitivité ont été entreprises dans la région ce qui se traduit par une amélioration du climat des affaires entre 2008 et 2016 dans tous les pays de la CEDEAO, excepté le Ghana. Mais la dégradation, à partir de 2013, de l’environnement macroéconomique et la lenteur de certaines réformes entreprises au sein de la région explique pourquoi le classement des pays de la zone ne s’améliore pas significativement. En effet, en 2016, la zone CEDEAO affiche le plus mauvais score de l’ensemble du continent africain au sein du classement « Doing Business »94 et l’un des plus bas au niveau mondial pour le « Global Competitiveness Index »95.

Parallèlement, l’analyse des indicateurs macroéconomiques montre une accentuation des vulnérabilités, reflétée notamment dans le non-respect des critères de convergence, en particulier au niveau des déficits budgétaires maintenus au-dessus des seuils fixés, et financés en partie par le recours à des emprunts non concessionnels, ce qui accentue les vulnérabilités de la dette.

Depuis 2008, le commerce extérieur des pays de la CEDEAO a connu une évolution plutôt négative, reflétée par une détérioration de la position extérieure des pays de la zone, une balance des échanges de marchandises déficitaire, des pertes de parts de marché dans le commerce intra-zone et une absence de diversification des structures d’exportations. La part des exportations vers la zone CEDEAO dans le total des exportations est toujours inférieure à 10% en fin de période. Les parts de marché des producteurs locaux sur le marché régional ont baissé tout au long de la période, en particulier pour les produits primaires. Il faut également souligner la détérioration de la situation des producteurs européens sur le marché CEDEAO dont les produits ne représentent plus que 30% des marchandises importées alors que les produits en provenance de l’Asie émergente96 couvrent près de 40% des besoins.

Champ couvert et logique d’intervention sectorielle

Cette question porte sur les interventions soutenues par l’UE à travers les PIR des 9ème et 10ème FED et visant à renforcer l’intégration économique régionale dans le but d’accélérer le développement du secteur productif, la croissance du PIB, l’emploi et in fine de réduire la pauvreté97. Ces interventions ont été focalisées sur trois enjeux prioritaires : i) la libre circulation

93 Cette partie s’appuie sur les sources documentaires suivantes : Banque africaine de développement, Organisation de

Coopération et Développement économiques, Programme des Nations Unies pour le Développement, Perspectives économiques en Afrique 2016 ; World Bank. 2016, Doing Business de 2008 à 2016.

94 Initié en 2002 par la BM, cet indicateur classe 190 économies par rapport à leur facilité à faire des affaires. 95 Indicateur développé par le Forum Economique Mondial (World Economic Forum, WEF) qui classe la compétitivité de 140

pays sur la base de 12 indicateurs 96 Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Thaïlande, Malaisie, Philippines, Singapour, Oman, Koweït, Bahreïn, Qatar, Arabie

Saoudite, Turquie, EAU 97 Dans le cadre du PIR 9ème FED, trois projets en appui à l’intégration régionale, à la négociation de l’APE et à la compétitivité

des entreprises étaient encore en exécution en 2008, pour une valeur de 112 M€. Dans le cadre du PIR 10ème FED, l’intégration économique régionale a été appuyée à travers quatre projets pour un montant total de 70 M€ : 1) appui à la mise en œuvre de l’APE, 2) African Regional Technical Centre (AFRITAC) Ouest I et II, 3) appui au commerce, 4) appui à la

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des biens et services, ii) la convergence macroéconomique et l’union monétaire et iii) le développement du secteur privé, avec pour impacts attendus, une intensification du commerce de biens et services au sein de la zone, un accroissement de la compétitivité des entreprises et de leur capacité d’exportation, ainsi que le maintien d’un cadre macroéconomique stable, accompagné d’une amélioration du climat des affaires et des investissements.

Le cadre d’analyse adopté 98 suit la chaîne de résultat qui structure la logique d’intervention de l’UE dans ce domaine à savoir (i) l’amélioration des capacités des ORDM (CEDEAO et UEMOA) et de leur légitimité à piloter l’intégration économique régionale (surveillance macroéconomique, négociation et suivi des accords commerciaux, formulation, suivi et coordination des législations régionales) et la mise à niveau des capacités des Etats-membres pour appliquer les règles et dispositifs régionaux. Sur la base de ces capacités renforcées et d’appuis techniques spécifiques, l’UE a cherché à contribuer (ii) à l’adoption et la mise en œuvre effective de politiques régionales propices au développement des échanges et des investissements. En parallèle, elle a cherché (iii) à ce que soient mis en place des dispositifs accompagnant le processus d’intégration régionale afin d’en neutraliser les effets négatifs (transition fiscale) ou pour en assurer les effets bénéfiques notamment en appuyant le déploiement de services aux entreprises. Le montant des financements régionaux qui ont été engagés dans ce secteur au cours de la période évaluée s’élève à 81,5 M€.

Réponse à la question :

QE 3 Dans quelle mesure les appuis de l’UE ont-ils contribué au renforcement de l’intégration économique régionale et à une insertion profitable de l’Afrique de l’Ouest dans l’économie mondiale ?

L’intégration économique régionale a progressé au cours de ces dernières années, avec l’adoption d’un cadre réglementaire instaurant l’union douanière au sein de la CEDEAO et facilitant les échanges et de politiques communes susceptibles de favoriser l’émergence d’une économie plus compétitive et plus attractive.

Néanmoins, ce cadre n’est pas réellement appliqué et aucun des impacts spécifiques attendus de ces progrès n’est aujourd’hui visible : le commerce à l’intérieur de la zone stagne (tout au moins à travers les statistiques officielles) ; les exportations vers le reste du monde sont dominées par des produits primaires et donc largement dépendantes des effets prix ; les producteurs de la CEDEAO ont perdu des parts de marché dans la zone ; aucune inflexion n’apparaît dans l’évolution des investissements privés. Les capacités d’exportation à l’intérieur de la zone sont freinées par le maintien des barrières tarifaires et non tarifaires, par la coexistence de plusieurs monnaies dont certaines ne sont pas convertibles, par des structures économiques peu diversifiées et peu compétitives.

Des progrès encourageants ont cependant été acquis auxquels l’UE a contribué, parmi lesquels l’émergence d’acteurs bien informés, conscients des enjeux et promouvant des réformes au niveau des Etats-membres dans le domaine commercial ainsi que la mise en place progressivement d’une infrastructure qualité à l’échelle régionale et la poursuite de l’harmonisation des systèmes de gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA.

Mais ces progrès ne sont pas encore consolidés alors que les obstacles au changement sont nombreux, notamment la résistance de certains Etats-membres à ouvrir leurs marchés, à lever leurs barrières et à s’aligner sur des politiques harmonisées, en particulier sur le plan fiscal. Ces résistances ont été sous estimées autant qu’a été surestimée la capacité technique et politique de la CEDEAO de les contrer. A ce niveau, l’UE si elle a permis d’apporter des appuis techniques appréciables, n’a pas contribué à renforcer la capacité structurelle et la crédibilité de l’organisation à exercer sa fonction de pilotage du processus d’intégration économique.

La contribution de l’UE à l’intégration économique régionale en Afrique de l’Ouest s’est heurtée à des facteurs propres au contexte économico-politico-institutionnel de la zone qui auraient pu être anticipés.

compétitivité du secteur privé. Dans le cadre du PIR 11ème FED, 160M€ ont été alloués à quatre projets : 1) AFRITAC, 2) renforcement de la compétitivité, 3) facilitation du commerce et 4) transition fiscale.

98 Voir le schéma de logique d’intervention sectorielle présenté en annexe n°8 ainsi que la présentation de la démarche d’analyse de contribution en annexe n°4.

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4.3.1 Analyse de la contribution des interventions de l’UE au renforcement de

la libre circulation des biens, des services et des capitaux99

Dans ce domaine, les produits visés par les programmes de l’UE consistaient avant tout en un renforcement des capacités des différents acteurs pour négocier l’accord de partenariat économique (APE) régional ainsi que les conditions de l’Union douanière (TEC et SLE) puis assurer la mise en œuvre de ceux-ci par les Etats de la région. Parmi les produits réalisés, le plus notoire est la dynamique instaurée autour des négociations de l’APE et de l’Union douanière. Les négociateurs rencontrés 100 ont tous insisté sur la dimension constructive du processus d’apprentissage, à l’œuvre de 2008 à 2015, qui leur a permis de mieux maîtriser les enjeux de la libéralisation des échanges et de l’ouverture des marchés101. Cela constitue un effet inattendu des appuis régionaux de l’UE. Cependant, cette dynamique ne s’est que partiellement traduite par un renforcement durable des institutions nationales et régionales concernées : les acquis obtenus par les acteurs directement impliqués dans les négociations n’ont pas été pérennisés par les institutions ; les mécanismes de suivi-évaluation des politiques de libéralisation des échanges n’ont pas été développés alors que cela était prévu dans le PIR 10ème FED ; les capacités de la CEDEAO pour piloter tous les chantiers liés à l’intégration commerciale restent limitées. De plus, la convergence des agendas respectifs des deux ORDM dans ce domaine n’est pas assurée même si une coordination renforcée a permis d’harmoniser leurs positions sur plusieurs dossiers (TEC, SLE, code des douanes, TVA).

Les avancées obtenues sur le plan législatif et réglementaire régional sont significatives (création de l’Union douanière), mais elles ne sont pas à la hauteur des objectifs de départ en raison des retards accumulés et de difficultés rencontrées au niveau de certains Etats, qui peinent à les mettre en œuvre, voire même les remettent en cause. Dix ans après le lancement des négociations en 2003, un accord a été obtenu d’abord sur le TEC CEDEAO en octobre 2013, ensuite en juin 2014, sur l’APE régional (avec un seuil d’ouverture du marché de 75% 102). Le TEC est en principe d’application depuis 2015 dans 13 des 16 pays alors que le SLE est maintenant d’application dans 15 pays. Mais l’Union douanière et le marché commun sont loin d’être effectifs : des barrières tarifaires non conformes au TEC sont encore en place ; le SLE souffre de beaucoup de difficultés d’application sur le terrain ; la libre circulation des marchandises est entravée par le maintien de barrières non tarifaires et le mauvais fonctionnement des services des douanes. L’APE régional est lui bloqué principalement en raison de l’opposition du Nigéria, ce qui a obligé la Côte d’Ivoire et le Ghana à signer en 2016 des APE intérimaires qui ne sont pas en parfaite cohérence avec le TEC CEDEAO.

La contribution la plus manifeste de l’UE aux évolutions constatées est d’avoir initié les négociations de l’APE régional. Il est unanimement reconnu que sans les négociations sur l’APE, l’accord sur le TEC CEDEAO et celui sur le SLE n’auraient pas été obtenus, à tout le moins dans les délais observés. Les appuis fournis à travers les programmes TRADE du 9ème et du 10ème FED, ont favorisé la conduite des négociations et leur aboutissement, en les alimentant par des analyses techniques, en renforçant les capacités des acteurs à en maîtriser les enjeux (aux côtés d’autres bailleurs) et en facilitant la convergence des positions des ORDM sur la mise en place de l’Union douanière. Plus en aval, les appuis de l’UE ont aussi contribué à faciliter l’application, au moins partielle, de certains engagements, à sensibiliser des acteurs de terrain sur le TEC et le SLE et à déployer la task force sur le SLE.

99 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 91-130. 100 Les 6 négociateurs rencontrés au sein des différentes structures (CEDEAO, UEMOA, Société civile, Ministères du

commerce) sont impliqués depuis 2008 au moins dans les négociations et toujours actifs sur ces questions. 101 Il faut dans ce cadre mentionner la place prise par les organisations de la société civile, très actives dans les débats et qui ont

notamment défendu, à la demande de tous les négociateurs, des positions permettant de renforcer la protection des marchés régionaux.

102 Ce seuil (le plus bas de tous les APE régionaux) est considéré par les négociateurs régionaux et par les acteurs européens comme un bon résultat pour la CEDEAO.

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La manière dont l’UE a conduit ses appuis constitue l’un des facteurs explicatifs du faible degré d’atteinte des objectifs de départ103. La vision du schéma de libéralisation était trop théorique et reposait sur une appréciation erronée du contexte politico-institutionnel et des forces en présence. Elle prenait pour acquis la volonté des Etats-membres de jouer le jeu régional plutôt que de suivre une politique protectionniste pour développer leurs secteurs économiques nationaux. Elle considérait également que la CEDEAO aurait la capacité de conduire le processus APE jusqu’au bout et, plus globalement, de piloter le processus d’intégration économique. L’importance des Etats-membres comme moteurs de l’intégration commerciale et de l’Union douanière, a été négligée, ce qui a eu notamment pour effet de limiter l’appropriation des appuis régionaux au niveau national et l’articulation des PIN avec les enjeux de l’intégration régionale. L’UE n’a pas suffisamment pris en compte l’existence de forces d’intégration non symétriques au sein de la région, les pays de l’UEMOA étant poussés par une dynamique propre qui complexifie l’atteinte des objectifs d’intégration à l’échelle de la CEDEAO. Par ailleurs, le positionnement de l’UE sur certains volets de la négociation de l’APE (PAPED104, maintien de la clause de rendez-vous ou de celle de non-exécution105) a pu freiner l’atteinte d’un accord.

4.3.2 Analyse de la contribution des interventions de l’UE au renforcement de la compétitivité du secteur privé106

Dans ce domaine, les produits issus des appuis régionaux de l’UE ont consisté principalement en i) la mise en place d’un système régional qualité, matérialisés notamment par l’adoption en 2013 d’une politique de la qualité au sein de la CEDEAO (ECOQUAL) et des plans nationaux de qualité cohérents avec les engagements régionaux, ii) l’harmonisation des normes au niveau régional suite à l’adoption du programme ECOSHAM107, iii) le développement de l’accès à des laboratoires d’essais et d’étalonnage accrédités sur base des standards internationaux. Cependant, ce système qualité régional n’est pas encore entièrement opérationnel : i) les organismes d’accréditation sont maintenant identifiés mais pas encore implantés ; ii) le processus d’harmonisation des normes est en cours mais n’est pas achevé ; iii) les politiques nationales sont formulées et en phase d’adoption, mais ne disposent pas (ou peu) de ressources ; iv) des doutes sont émis sur l’existence de normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) au vrai sens du terme et v) la question de la pérennité du système et de son financement (public/privé) est posée.

Les résultats au niveau des services rendus en matière de qualité sont encore timides. La démarche qualité se répand dans le monde des entreprises du secteur formel essentiellement mais l’utilisation des laboratoires d’essai est encore limitée alors que la certification de produits marque CEDEAO en est à ses débuts. Les principaux freins sont le manque de ressources au niveau des entreprises, le manque de visibilité du système et l’insuffisance de liens avec les politiques de promotion des exportations.

La contribution de l’UE à la mise en place du système qualité régional entre 2008 et 2016 est très importante en raison de la combinaison de plusieurs facteurs : i) la continuité des soutiens démarrés en 2001 (avec l’UEMOA) et poursuivis dans le cadre des PIR 9ème, 10ème et 11ème FED ; ii) le recours à l’ONUDI comme agence d’exécution depuis le début des appuis ; iii) le choix

103 D’autres facteurs ont également joué, en particulier l’instabilité politique dans plusieurs des pays de la région ainsi que la crise

EBOLA qui a considérablement freiné la mise en œuvre d’un certain nombre de programmes régionaux. 104 Le « programme APE pour le développement » (PAPED), censé venir en appui à la mise en œuvre de l’APE, a créé des

attentes fortes, déçues en cours de route une fois la non additionnalité des fonds clarifiée. 105 La clause de rendez-vous permet de revenir sur un point spécifique à une date ultérieure après conclusion de l’accord. La

clause de non exécution permet de préserver le pouvoir des deux parties et en particulier, pour l’UE, d’appliquer des sanctions sur base des articles 11b, 96 et 97 de l’accord de Cotonou par exemple en cas de non respect des droits humains, des principes démocratiques ou de l’Etat de droit même si ces actions ne sont pas en ligne avec les engagements commerciaux pris dans l’APE.

106 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 131-145. 107 Standard Harmonisation in the ECOWAS region

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d’une approche régionale, fortement ancrée dans les Etats-membres avec des points focaux nationaux, en charge de la déclinaison des engagements régionaux, et la mobilisation en parallèle de financements à travers les programmes des PIN. Cependant, l’efficacité des appuis régionaux de l’UE a été affectée, d’une part, par les retards accumulés dans la mise en œuvre des activités et, d’autre part, par les difficultés récurrentes de voir tous les Etats-membres avancer en même temps dans ce domaine, notamment dans la reconnaissance des normes régionales 108 . Si les appuis de l’UE ont permis de renforcer les capacités de gestion au sein de la CEDEAO, cela ne sera sans doute pas suffisamment pour éviter la création d’une Agence régionale en charge de la qualité, qui risque d’affaiblir encore un peu plus la capacité de la CEDEAO à piloter cette politique sectorielle, importante en matière d’intégration économique.

De la mise en place de ce système qualité à l’échelle régionale à l’amélioration de la compétitivité des entreprises de la zone, le chemin est encore long. Les autres facteurs de compétitivité du secteur privé ont très peu évolué durant la période sous revue, la contribution de l’UE étant de toute façon très limitée face aux enjeux : 1) la promotion des exportations est cantonnée à des opérations assez spécifiques, à l’exemple du projet d’appui à la compétitivité du commerce et à l’intégration régionale (PACCIR/UEMOA, l’un des volets du programme TRADE 10ème FED)109 mené à petite échelle, peu connu des Etats-membres et avec très peu d’effets multiplicateurs ; 2) alors que dans le cadre du 9ème FED, l’UE avait apporté son appui à des évènements d’affaires au niveau régional, créant aux dires des acteurs une dynamique régionale positive, ces appuis n’ont pas été poursuivis ; 3) l’implication croissante du secteur privé dans les négociations commerciales ainsi que dans le dialogue sur les politiques est un élément positif mais elle ne permet pas encore de donner une voix et de défendre les intérêts de l’ensemble des entreprises.

L’approche « chaînes de valeur » que poursuit le 11ème FED répond davantage à cet enjeu de renforcement de la compétitivité des filières ainsi qu’à une meilleure intégration entre approche nationale/régionale, en promouvant notamment des approches « clusters » à travers la mise en réseau et le renforcement des acteurs au niveau de chaque pays. Néanmoins, le choix des filières suscite des questions notamment quant à leur capacité à créer de la valeur ajoutée et quant au risque de concurrence entre les pays ayant retenu les mêmes chaînes de valeur. Tout comme pose question le choix des agences chargées de mettre en œuvre cette stratégie et leur capacité à articuler stratégie régionale et stratégie nationale propre à chaque Etat-membre.

4.3.3 Analyse de la contribution des interventions de l’UE au maintien de la stabilité macroéconomique, à l’amélioration du climat des affaires et à la stimulation des investissements110

Les produits en matière de renforcement du cadre macroéconomique et d’investissement au niveau régional sont limités. Le mécanisme de surveillance des politiques macroéconomiques, élargi à la CEDEAO, a été mis en vigueur à partir de 2012 mais les ORDM ont peu de poids dans les décisions de politiques macroéconomiques : les critères de convergence ne sont pas respectés par les Etats-membres et le mécanisme de sanctions prévu n’est pas appliqué. La capacité des ORDM à élaborer et mettre en œuvre des programmes communautaires en matière de gestion des finances publiques et de transition fiscale et à les opérationnaliser au sein des Etats-membres a peu évolué : la transposition des 6 directives du cadre harmonisé des finances

108 C’est notamment le cas du Nigeria qui continue d’appliquer ses propres normes pour certains produits malgré l’existence de

normes régionales. 109 Appui aux organismes de promotion du commerce, médiation des différents commerciaux, plateforme d’alerte au commerce,

dématérialisation du certificat d’origine. 110 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 146-159.

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publiques adoptées en 2009111 a été achevée en 2016 mais sa mise en œuvre tarde, les délais étant repoussés chaque année. Il n’y a pas d’initiatives envisagées à l’heure actuelle pour harmoniser davantage les systèmes de gestion des finances publiques (GFP) au-delà des pays francophones de l’UEMOA. La transition fiscale est un enjeu sensible pour les Etats-membres dans le cadre de la mise en place de l’Union douanière, mais elle peine à s’imposer comme un enjeu régional et reste appréhendée avant tout avec une logique nationale. La mise en œuvre d’une Union monétaire pour l’ensemble de la zone, quoique présentée comme un objectif par les instances régionales suscite des réserves de la part de certains Etats-membres dont le Nigéria. En matière de promotion des investissements au sein de la CEDEAO, le code régional n’est pas adopté et n’est pas reconnu comme un enjeu par les Etats-membres qui sont davantage focalisés sur des stratégies nationales d’attraction des investissements.

Les politiques macroéconomiques menées par les Etats-membres au cours de la période sous revue présentent un certain nombre de risques. Les critères relatifs à l’ampleur du déficit budgétaire ont été dépassés dans la presque totalité des pays en raison à la fois de facteurs externes (crise financière internationale, épidémie Ebola, problèmes sécuritaires et crises politiques dans plusieurs pays de la zone) et de dynamiques d’investissement public facilitées par l’accès à de nouvelles sources de financement (partenariat public-privé (PPP), prêts non concessionnels, prêts chinois). Le diagnostic posé par le FMI en fin de période est clair : les vulnérabilités se sont accentuées au cours de ces dernières années. Même si les taux d’endettement restent, pour presque tous les pays, en deçà du seuil des 70%, la dette publique s’accroît rapidement et les réserves de la BCEAO sont en baisse. Dans le même temps, la mise en place de politiques fiscales harmonisées et accompagnant la mise en place de l’Union douanière et la baisse des droits de porte qu’elle implique, a peu progressé. Des réformes des systèmes de GFP sont menées dans l’ensemble des pays de la zone avec une dynamique régionale clairement affirmée au niveau de l’UEMOA mais avec des stratégies nationales propres des autres Etats-membres, sans implication des ORDM. Les politiques d’investissement restent essentiellement conduites par chaque Etat, dans une logique d’optimisation individuelle. Les problèmes de transparence, de non-respect des règles de droit, sont encore très présents.

La contribution de l’UE à l’amélioration du cadre macroéconomique et des conditions d’investissement est palpable au niveau des Etats mais est peu visible au niveau régional112. La qualité des appuis techniques apportés est reconnue par les bénéficiaires au sein des Etats-membres mais le manque d’appropriation et d’implication des ORDM est clairement souligné. Le recours, dans le cadre du 10ème FED, à la Société Financière Internationale (SFI) pour le volet cadre des investissements et au FMI pour l’appui technique aux politiques macroéconomiques (à travers AFRITAC) a conduit à privilégier une approche d’abord nationale plutôt que régionale. Cela vient conforter l’approche de la Banque Mondiale (BM) visant à améliorer le cadre des investissements dans certains pays prioritaires113 ainsi que l’approche du FMI, dont l’objectif est d’assurer la stabilité des politiques macroéconomiques qui restent conduites au niveau des Etats-membres (à l’exception de la politique monétaire au sein de l’UEMOA).

Dans le domaine de la transition fiscale, l’UE a davantage contribué à développer un agenda régional, notamment à travers les apports de l’assistance technique de l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) auprès de la direction des douanes de la CEDEAO. En appuyant, via AFRITAC, les Etats-membres dans ce même domaine, elle devrait pouvoir faciliter la convergence entre les préoccupations régionales et nationales et donc pousser la mise en application des engagements régionaux. Le programme transition fiscale du 11ème FED qui sera

111 Relatives au code de transparence dans la gestion des finances publiques dans l’UEMOA, aux lois de finances, à la

comptabilité publique, à la nomenclature budgétaire de l’Etat, au plan comptable de l’Etat et au tableau des opérations financières de l’Etat complétées par la suite, par deux directives additionnelles (dont la directive sur la comptabilité matières).

112 Ceci en raison de la faible dynamique multilatérale, au sein de la zone UEMOA, en termes de mécanismes de surveillance de la stabilité et de mise en œuvre concertée de réformes structurelles.

113 Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal et Nigéria.

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prochainement mis en oeuvre devrait répondre à ce besoin d’assurer une meilleure communication entre ces deux niveaux.

4.3.4 Analyse de la contribution de l’UE aux impacts spécifiques visés en matière d’intégration économique114

Globalement, comme présenté dans l’analyse du contexte 115 , aucun des impacts spécifiques recherchés à travers les appuis de l’UE à l’intégration économique régionale n’a été atteint. Cette absence de contribution de l’UE aux impacts visés résulte de facteurs propres au contexte économico-politico-institutionnel de la zone, qui auraient pu être anticipés :

1) Un faible portage des réformes au sein des ORDM. En raison d’un manque de capacités techniques et de moyens, la CEDEAO et l’UEMOA ne parviennent pas à faire respecter, au sein de tous les Etat-Membres, les engagements pris en termes de libre circulation, à faire appliquer les dispositifs communs (respect des critères de convergence macroéconomique) et les politiques régionales adoptées (code des douanes, politique commerciale, politique de qualité…) ;

2) La difficulté d’imposer ou consolider une approche régionale dans des domaines où les intérêts nationaux sont importants, notamment dans ceux pour lesquels la pression sur les Etats-membres est forte dans le cadre de leur relation bilatérale avec la communauté internationale (par exemple, en matière de transition fiscale et de mobilisation des recettes domestiques ou d’amélioration du climat des affaires) ;

3) Un manque de poids politique de la CEDEAO pour faire adopter l’APE régional et éviter une situation où cohabitent un TEC et des APE intérimaires qui ne sont pas harmonisés.

Au-delà de ces facteurs de contexte, la stratégie de départ est questionnée : basée sur une libéralisation des échanges, un renforcement de la compétitivité des entreprises (essentiellement du secteur formel), et la mise en place de réformes structurantes pour améliorer les conditions d’investissement, elle n’a pas suffisamment tenu compte de la faible diversification des structures économiques au sein des Etats-membres et entre ceux-ci ainsi que du poids considérable du secteur informel dans le PIB et l’emploi (et qui répond à des conditions spécifiques en matière de commerce transfrontalier et de compétitivité). Plus globalement, le choix d’une stratégie d’intégration économique portée par un objectif de croissance, sans veiller à en assurer la dimension inclusive et sans prendre en compte les dimensions de cohésion territoriale et sociale au sein de l’espace régional, est également questionnable au vu des objectifs que s’est donnée l’UE en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités.

Encadré 3 – Synthèse de l’enquête auprès des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’Afrique de l’Ouest116

Les résultats de l’enquête menée auprès des CCI d’Afrique de l’Ouest confortent les constats réalisés sur base des missions quant à l’évolution des conditions pour commercer, de la compétitivité du secteur privé et du climat des affaires.

La moitié des CCI estiment que tant les facilités à exporter qu’à importer au sein de la CEDEAO (vers et depuis des pays membres) ne se sont pas améliorées durant la période 2008-2016 (le constat est plus sévère pour les facilités à exporter). Toutes reconnaissent que l’introduction du TEC en 2015 et la mise en place du SLE sont des facteurs facilitateurs importants, voire très importants. Mais les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce restent des obstacles de premier ordre. Si une amélioration de la situation tarifaire est perceptible durant la période, les barrières non tarifaires n’ont, en revanche pas diminué : non application des règlements, existence de barrages routiers et manque d’information sur

114 Cette analyse s’appuie sur les constats présentés dans les trois sections précédentes (4.3.1 à 4.3.3). 115 Voir ci-dessus, l’introduction de la QE 3 ainsi que l’annexe n°7. 116 Les résultats complets de cette enquête sont insérés dans la matrice d’évaluation de la QE 3 (voir annexe n°1, p.119).

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les marchés. Les CCI relèvent aussi que les structures économiques peu spécialisées, la concurrence forte entre économies de la zone et plus encore la concurrence des produits à moindre coût en provenance de l’Asie continuent également à constituer un obstacle très important au commerce intra-régional.

L’évolution du climat des affaires est perçue comme contrastée, une courte majorité la jugeant positive, les autres participants à l’enquête considérant plutôt que ce climat s’est détérioré. La mise en œuvre du TEC ainsi que dans une moindre mesure, l’adoption d’une politique qualité commune (ECOQUAL) et l’harmonisation des normes (ECOSHAM) sont considérés comme des avancées importantes, tout comme le renforcement du dialogue public/privé.

Globalement, les CCI jugent que la compétitivité du secteur privé s’est légèrement améliorée, en pointant surtout l’amélioration de la qualité des produits et l’application des normes ainsi que l’introduction d’innovation technologique et les qualifications de la main d’œuvre comme facteurs favorables.

4.4 QE 4 – Interconnexion (transport et énergie)

Contexte sectoriel :

En Afrique de l’Ouest, les services de transport routier demeurent chers et de qualité médiocre. Au cours de la période évaluée, il n’y a pas eu d’amélioration sensible des performances de la région en termes de prix et de temps de transport : les durées de parcours entre les ports et les capitales des pays sahéliens enclavés sont toujours extrêmement longues, limitant le nombre de rotation par an (12 maximum) et figeant les prix à des niveaux élevés. Les délais les plus importants correspondent toujours aux temps d’attente aux ports et aux frontières. Les prix pratiqués dans la région pour le transport inter-Etats sont nettement supérieurs à ceux qui se pratiquent ailleurs 117 . Les rackets routiers (« pratiques anormales ») avaient progressivement diminué de moitié jusqu’en 2014 tout en continuant à peser dans le coût du transit (à hauteur de 10% environ). La résurgence de la question sécuritaire à partir de 2015 a réintroduit de nombreux contrôles de police et avec eux, une recrudescence des rackets. La proportion de véhicules roulant en surcharge reste généralisée (de 80 à 90% du trafic lourd, selon les estimations). Cependant un acquis important est (seulement) en train d’émerger : la réduction des surcharges extrêmes118, qui sont les plus agressives pour le réseau routier. La tendance à la baisse de la surcharge n’a pas encore eu d’incidence sur la durée de vie des routes, même celles construites récemment.

Au cours de la période évaluée, les performances du secteur « énergie » en Afrique de l’Ouest sont marquées par i) la mise en œuvre d’une architecture régionale de l’électricité, avec 3 organes régionaux119sous la tutelle de la CEDEAO, ii) de faibles progrès dans la gouvernance sectorielle des États-membres de la CEDEAO, iii) une augmentation limitée du linéaire des lignes régionales, notamment du fait des délais de montage des projets de blending et de mise en service de projets couvrant de très longues distances, iv) une légère progression de la production électrique (pour les mêmes raisons) et v) un début de mise en œuvre des politiques d’efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables. L’accès à l’électricité s’est amélioré, passant de 36% en 2008 à 44% en 2014120.

117 Le prix de référence des syndicats de transporteurs des pays enclavés est de 40-45 Fcfa à la tonne-kilomètre. Celui revendiqué

par le Haut Conseil en Côte d’Ivoire est de 60 Fcfa. Par comparaison, le prix en Europe est de l’ordre de 10 Fcfa. Au Maroc, il est de 23 Fcfa et en Mauritanie, où il n’y a pas de quotas pour le fret, il s’établissait autour de 35 Fcfa en 2012.

118 Véhicules chargés de 80 à 100 tonnes, alors que la norme est à 27 tonnes. 119 Ces trois organes sont respectivement en charge du marché régional de l’énergie, de l’efficacité énergétique et des énergies

renouvelables. 120 Source : Banque mondiale. 2014 est la dernière année disponible. Pour plus de détails sur les données relatives à l’accès à

l’électricité, voir les données présentées dans la matrice d’évaluation (annexe n°1).

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Champ couvert et logique d’intervention sectorielle :

L’échelon régional a été systématiquement mobilisé par la coopération de l’UE dans le secteur « transports », particulièrement dans le cadre du 10ème FED en lien avec les efforts de planification continentale des corridors régionaux121. La coopération régionale de l’UE a soutenu l’application des directives communautaires de la CEDEAO et de l’UEMOA relatives à la protection du patrimoine routier (contrôle de la charge à l’essieu) et à la facilitation transfrontalière des transports. Elle a également visé l’amélioration des conditions du transit routier inter-Etats, la réhabilitation de tronçons routiers à caractère régional et l’amélioration de la sécurité aérienne. Dans le cadre du 10ème FED, et plus encore du 11ème FED, le focus donné par la coopération régionale aux infrastructures a été présenté par l’UE comme une justification (ou une compensation) du retrait de l’UE du secteur « transports » dans la majorité des PIN de l’Afrique de l’Ouest. Le 11ème FED a constitué une rupture importante vis-à-vis des approches antérieures avec (i) un recours au blending et (ii) un transfert de la mise en œuvre de la coopération régionale aux ordonnateurs nationaux (projet de gouvernance sectorielle). La stratégie de coopération UE – Afrique de l’Ouest considère le blending, à travers le Fonds fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures (AITF), puis Africa Investment Facility (AfIF) comme une modalité d’intervention particulièrement appropriée pour des projets d’intérêt régional, principalement des interconnexions ou des tronçons critiques pour la circulation des biens et des personnes entre les

pays enclavés et les ports des pays du golfe de Guinée. Au total ce sont près de 160 M€ qui ont été engagés dans le secteur « transports » sur la période.

Dans le secteur « énergie », les appuis 10ème FED sont centrés sur la mise à jour de la politique sectorielle régionale, le renforcement des institutions en charge de la construction du marché régional, la promotion de l’efficacité énergétique et du recours aux énergies renouvelables. Des investissements dans l’extension de l’interconnexion des réseaux électriques nationaux sont également prévus pour permettre des échanges entre les pays excédentaires (Nigeria essentiellement) et les pays sahéliens déficitaires. La coopération régionale de l’UE a également accompagné la mise en place de l’initiative mondiale pour l’accès à l’électricité (SE4ALL) à laquelle ont été réalloués, en 2012, les montants non engagés du PIR 10ème FED. Le 11ème FED est le premier cycle de coopération régionale où le secteur « énergie » est devenu un secteur de concentration de l’UE en Afrique de l’Ouest, avec des complémentarités entre le PIR (notamment au travers des fonds fiduciaires) et les PIN (appuis aux politiques sectorielles « énergie » et investissements dans la distribution et l’accès à l’électricité). Au total ce sont près de

173,5 M€ qui ont été engagés dans le secteur « énergie » durant la période évaluée.

Réponse à la question :

QE 4 Dans quelle mesure les interventions régionales de l’UE ont-elles contribué à améliorer le transport des biens et des personnes et l’accès à l’énergie ?

Dans le secteur « transports », la coopération régionale de l’UE a contribué à des avancées dans la législation régionale relative à la lutte contre la surcharge routière. Cependant, malgré une forte implication de l’UEMOA et un soutien actif de l’UE, les Etats de la région n’ont pas tenu leurs engagements. La situation reste donc pratiquement inchangée tout au long de la période en revue avec 80 à 90% des camions qui sont en surcharge, ce qui détériore les corridors régionaux, notamment ceux financés par l’UE. D’autre part, la coopération régionale de l’UE n’a pas eu d’effet notable sur la fluidité du transit inter-Etats, ni l’état des corridors régionaux. La plupart des actions engagées dans le cadre des PIR 9ème et 10ème FED pour améliorer la fluidité du transit inter-Etats ont connu des retards considérables et n’ont pas encore été menées à terme. Les investissements routiers ont été marginaux, que ce soit en linéaire cumulé ou au regard du rôle régional des deux tronçons construits. Les évolutions récentes des modalités de la coopération régionale (notamment le recours au blending) se font au prix de la capacité de l’UE à peser, dans le cadre du dialogue sur les politiques de transport,

121 Dans le cadre du Programme de développement des infrastructures en Afrique – PIDA.

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auprès de ses partenaires régionaux et nationaux. Dans ce contexte, la question de l’appropriation et de la durabilité des acquis risque de rapidement devenir cruciale.

Dans le secteur « énergie », les interventions de l’UE visent l’amélioration de l’accès à l’électricité par l’interconnexion des réseaux et la création des conditions institutionnelles et règlementaires d’un marché régional. Ces interventions ont commencé pour l’essentiel avec le 10ème FED. Leurs effets sur la constitution d’un marché régional de l’électricité, et a fortiori sur l’augmentation de la consommation des ménages ou la baisse des prix, ne peuvent donc encore être observés. Ces interventions augurent des transformations structurelles notamment en termes d’établissement des bases règlementaires d’un marché régional de l’électricité. Cependant, un facteur de risque est peu pris en compte au niveau régional comme au niveau national : la persistance des inefficacités des sociétés nationales d’électricité et de l’ouverture minimaliste du secteur aux opérateurs privés.

4.4.1 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à un transit inter-Etats plus rapide, plus fluide et plus sûr122

Les conditions du transit inter-état n’ont pas été modifiées par la coopération régionale de l’UE. Le projet 9ème FED « facilitation des transports dans la zone UEMOA » a consacré 65% de ses ressources à trois postes de contrôles juxtaposés (PCJ) qui n’étaient pas opérationnels fin 2016. Les autres produits prévus par ce projet 9ème FED, c’est-à-dire l’observatoire régional des transports et un système d’information sur le réseau de corridors régionaux n’ont également pas été réalisés. Les ressources du projet régional 10ème FED « facilitation des transports », signé en 2014 et dont la mise en œuvre ne fait que débuter, ont également été partiellement absorbées par les 3 PCJ. Le seul investissement en faveur de l’aménagement des corridors régionaux qui était prévu dans le cadre du PIR 10ème FED correspondait à la construction du pont de Rosso entre le Sénégal et la Mauritanie, infrastructure présentant un intérêt élevé pour l’intégration régionale. Ce projet a dû être abandonné, les deux pays n’ayant pas réussi à le finaliser. Il a été remplacé par deux opérations qui pouvaient être engagées rapidement : un tronçon de 34 km au Burkina Faso et un second de 396 km au Niger (vers le Nigeria). Fin 2016, ces deux chantiers n’étaient pas achevés. Cependant, dans le cadre des PIN, l’UE a contribué à améliorer les corridors régionaux123. Les garanties d’un bon entretien de ces corridors, ainsi que du reste du réseau, n’ont pas été améliorées malgré une articulation des programmes PIR (règlements UEMOA N° 11 et 15) et PIN sur le thème de l’entretien routier et de son financement.

Les appuis régionaux de l’UE n’ont pas contribué aux améliorations, marginales et fragiles, de la facilitation des transports routiers en Afrique de l’Ouest constatées au cours de la période sous revue. Les interventions clés n’ont pas été opérationnalisées (PCJ) ou ont été abandonnées (observatoire des transports, système d’information, pont de Rosso). Le dialogue sur les politiques en vue d’une application par les Etats d’Afrique de l’Ouest des politiques régionales n’a pas abouti (notamment pour l’entretien routier, l’interconnexion des douanes), sauf dans une certaine mesure pour la réduction des pratiques anormales.

Dans le sous-secteur « transport aérien », le projet d’appui à la formation pour la sécurité aérienne a renforcé les compétences techniques des futurs professionnels. A terme, il facilite l’harmonisation avec les règles internationales, appuyée au niveau national par un projet exécuté par l’agence européenne de sécurité aérienne (EASA)124. Cependant, les formations n’ont eu qu’un effet très indirect sur la sécurité aérienne ; l’inscription de plusieurs compagnies aériennes de la région sur la liste noire de l’UE a été une incitation beaucoup plus importante, qui a accéléré la mise en conformité des pays de la région avec les normes de l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

122 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 160-175. 123 Voir, en annexe n°1, la carte présentée dans la matrice d’évaluation correspondant à la QE 4. 124 Projet “Supporting the improvement of air safety in Sub-Saharan Africa (SIASA), 2013-2016, 2,7 M€.

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4.4.2 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à la réduction de la surcharge routière125

Les produits résultant des appuis de l’UE en matière de lutte contre la surcharge des véhicules présentent un bon bilan. L’UE a commencé à intervenir contre la surcharge dans le cadre du PIR 9ème FED, avec des études et du plaidoyer. Ces premières actions ont contribué à donner une priorité à la question dans le 10ème FED, avec une implication grandissante de l’UEMOA, puis de la CEDEAO et des gouvernements des Etats de la région. Quatre réunions des ministres des transports ont été organisées avec l’appui de l’UE, avec des engagements forts, tout particulièrement en 2015. Les actions de dialogue sur les politiques, menées dans le cadre du PIR, ont été appuyées par des financements provenant des PIN et portant sur la mise en place d’un maillage de postes de pesage et, plus généralement, le respect des engagements pris au niveau régional 126 . Les dispositifs réglementaires régionaux relatifs au contrôle de la surcharge des véhicules ont été transposés dans les droits nationaux mais ont été appliqués très progressivement et avec de trop larges tolérances. L’application du R14 de l’UEMOA s’est heurtée à l’opposition des transporteurs et des autorités portuaires, deux catégories d’acteurs généralement influents politiquement. La communication mise en œuvre par l’UE sur ce thème a été reprise progressivement par les transporteurs routiers, du moins ceux positionnés sur le segment des services de qualité. La pratique de la surcharge, initialement considérée comme normale et inévitable, est mainenant mal perçue – même si elle reste majoritaire. Il n’a cependant pas été possible d’homogénéiser les solutions d’application de la politique, laissée tantôt aux fonds d’entretien routier (FER), tantôt à des agences spécialisées. La rigueur et la systématisation des contrôles varient grandement d’un pays à l’autre. La lutte contre la surcharge sur un corridor (successivement Cotonou, puis Lomé) a eu un effet dissuasif qui a reporté les transporteurs des pays enclavés vers les autres corridors, plus laxistes (Côte d’Ivoire ou Ghana). Les pays qui s’étaient engagés sérieusement dans la lutte contre la surcharge ont dû revenir en arrière127. Le déchargement des marchandises en excès de poids n’a été mis en œuvre nulle part, en raison de la pression exercée par les syndicats de transporteurs.

Les Etats-membres de la CEDEAO et de l’UEMOA n’ont pas mis en application de manière coordonnée et synchronisée le cadre règlementaire régional qu’ils avaient pratiquement tous transposé dans leurs législations nationales. Les essais de mise en œuvre ont été caractérisés par une approche « pédagogique » vis-à-vis des transporteurs qui a consisté à introduire de larges tolérances qui ont remis en cause l’utilité des politiques. De plus, la majorité des dispositifs de contrôle ont été laxistes, voire corruptibles. Mi-2016, les pays côtiers ont suspendu sine die l’application du R14, remettant en cause plus de 10 ans de dialogue sur les politiques avec l’UE et avec les autres PTF. Par la suite, l’UE et l’UEMOA ont soutenu vigoureusement la reprise du dialogue (conseil des Ministres du transport et Sommet Afrique-UE fin 2017). Ainsi, jusqu’à présent, malgré son investissement dans la relance de la dynamique régionale (sommet de 2015) et ses efforts pour impliquer l’UEMOA dans le suivi de l’application de la feuille de route, l’UE n’est pas parvenue à impulser une réelle diminution de la surcharge des véhicules sur les axes routiers régionaux sinon, peut-être, pour les surcharges extrêmes.

125 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 176-185. 126 La question continue à être portée dans le cadre du PIR 11ème FED au travers du projet d’amélioration de la gouvernance

sectorielle. 127 Le port de Lomé a ainsi perdu la moitié de son trafic en 2015-2016.

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4.4.3 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à une amélioration du taux d’accès à l’électricité128

Dans le secteur « énergie », la coopération régionale de l’UE a abouti, jusqu’à présent, aux principaux produits suivants 129 : i) mise à jour et adoption du schéma directeur régional d’interconnectivité et de développement du marché régional de l’électricité (avec un plan d’investissement) ; ii) élaboration et adoption d’une politique d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables et iii) mise en place et début d’opérationnalisation d’un régulateur régional, l’Autorité régionale de régulation du secteur de l’électricité de la CEDEAO (ARREC). L’électrification rurale a été appuyée par 2 appels à propositions (Electrify) couvrant 50 projets pour un montant total de 190 M€, avec une contribution de l’UE de 50%130.

La contribution effective de l’UE à la mise en place d’un marché régional et à l’amélioration de l’accès à l’électricité, via l’interconnexion régionale électrique, n’aboutira que dans quelques années, en raison des délais normaux de montage financier et technique de projets de construction de nouvelles lignes d’interconnexion. Les projets adoptés ne sont qu’une toute première étape. Il faudra beaucoup plus d’investissements pour réellement connecter la région et sortit des échanges bilatéraux d’électricité. La possibilité d’établir un marché régional est conditionnée à la création d’un organe de coordination (WAPP/CIC) dont l’UE finance la construction et l’équipement au Bénin mais qui sera opérationnel en 2019. Les apports de l’UE en termes de schéma directeur sont importants, même si les financements mobilisés jusqu’à présent pour mettre en œuvre ce schéma directeur ne sont pas proportionnés aux investissements identifiés et adoptés par la CEDEAO. A ce stade précoce de son implication dans le secteur et eu égard à la lenteur de la construction institutionnelle régionale, l’UE n’a pas encore contribué à améliorer l’accès des populations à l’électricité, si ce n’est dans le cadre de projets hors PIR (comme, par exemple, la centrale solaire de Zagtouli au Burkina Faso et les projets d’électrification rurale).

4.5 QE 5 – Sécurité alimentaire et nutritionnelle

Contexte sectoriel :

Rejoignant la croissance des productions agricoles, le taux d’accroissement de la valeur ajoutée de l’agriculture ouest-africaine a été très élevé durant la période sous revue. Néanmoins, on observe un tassement de cette croissance ces dernières années, ce qui est préoccupant étant donné les perspectives d’augmentation de la demande régionale, liée à la démographie et à l’évolution des pratiques alimentaires. Jusqu’à récemment, la croissance agricole était essentiellement portée par une augmentation des surfaces cultivées et de la main d’œuvre agricole, mais cette dynamique serait en passe de devenir caduque131. L’agriculture et le secteur alimentaire au sens large occupent une large majorité des actifs régionaux. Néanmoins, agriculture et élevage n’occupent qu’une part minoritaire dans la formation des revenus des populations rurales les plus pauvres au Sahel, la part de l’emploi non agricole en milieu rural connaissant une forte croissance. La progression du front agricole et la croissance du cheptel s’accompagnent, à travers la région, d’une augmentation des tensions et des conflits fonciers.

128 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 185-198. 129 Dans le cadre du projet d’appui (PIR 10ème FED et Facilité Energie) au centre d’information et de coordination du West

African Power Pool (WAPP/CIC), l’institution spécialisée de la CEDEAO en charge de la construction du marché régional de l’énergie.

130 Le taux de déboursement est de 83%. 131 Depuis 2008, près de 40% de l’augmentation de la production agricole régionale serait associée à une croissance des

rendements.

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La fréquence et l’intensité des crises alimentaires sont restées élevées durant toute la période évaluée. Au-delà des crises d’origine « naturelle », celles d’origine anthropique ont nettement augmenté en fréquence et en intensité depuis le début des années 2000, en particulier en zone sahélienne. Il est difficile de retracer l’évolution du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire conjoncturelle, du fait des changements dans les cadres d’analyses, mais aussi de la faiblesse des systèmes de gestion de l’information. Par ailleurs, les données disponibles indiquent que les niveaux de malnutrition aigüe demeurent élevés132 dans la majorité des pays de la région. Néanmoins, la mortalité infantile a fortement régressé, ce qui serait en partie attribuable à l’augmentation de la couverture et de l’efficacité du traitement de la malnutrition aigüe sévère. Les données disponibles font état d’une réduction continue de l’incidence de la sous-alimentation au niveau régional et de la plupart des pays. Enfin, on note une stagnation de l’incidence de la malnutrition infantile chronique, en dehors du Sénégal, du Ghana et de la Mauritanie où elle s’est améliorée. Combinées à une nette croissance démographique, ces tendances correspondent bien souvent à une augmentation du nombre d’enfants chroniquement malnutris.

Champ couvert et logique d’intervention sectorielle:

Cette question porte sur un secteur d’importance croissante dans la coopération régionale de l’UE depuis 2008, tant sur le plan politique que sur le plan financier. Le premier axe de coopération régionale, développé dès le 9ème FED et poursuivi au cours des cycles de financement suivants, vise l’augmentation de la productivité agricole et des revenus des petits producteurs à travers des investissements en faveur i) de la réduction des pertes des productions fruitières et ii) de la diffusion de semences améliorées. Les appuis régionaux de l’UE correspondant à ce premier axe sont hétérogènes en termes de moyens alloués, d’instruments mobilisés et de type de maîtrise d’ouvrage133. Le second axe s’inscrit dans un objectif de renforcement de la gestion durable des terres (GDT) et se traduit par des actions en matière de régénération des terres, mais surtout en matière de production et de partage de connaissances et d’appui à des processus de dialogue multi-acteurs. Le troisième axe vise l’amélioration de l’efficacité de la gestion des crises alimentaires et nutritionnelles, en appuyant le renforcement des systèmes d’information et d’alerte, mais aussi la mise en place d’une stratégie de stockage alimentaire à différentes échelles (locale, nationale et régionale). Enfin, la coopération régionale vise à renforcer la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de politiques publiques, en matière de « sécurité alimentaire et nutritionnelle, agriculture durable et résilience » (SANAD&R). Le PIR 10ème FED s’inscrivait essentiellement dans les 2 premiers de ces 4 axes. Suite à la crise alimentaire de 2011/2012, la stratégie a été infléchie conduisant au lancement de l’Alliance globale pour la résilience AGIR et à l’instruction du Programme régional d’appui au stockage de sécurité alimentaire, matérialisations régionales de la stratégie « résilience aux crises alimentaires » de la coopération européenne134. Au total ce sont près de 118 M€ qui ont été engagés dans ce secteur au cours de la période à travers: un programme régional Facilité Alimentaire (2010-2012, 20 M€), 3 projets FOOD (2011-2016, pour un total de 21,8M€), 2 projets FED (2014-2019, pour un total de 76M€). Par ailleurs, une part significative des fonds du 10ème et 11ème FED a été transférée à ECHO pour la mise en place de réponses d’urgence et de relèvement suite aux crises alimentaires et sanitaires ayant touché la région135.

132 Fréquemment au-dessus des seuils d’urgence : 15% des enfants de moins de 5 ans touchés par la malnutrition aigüe 133 Les montants des interventions varient de 0,6 à 20 M€. Les instruments mobilisés correspondent à la Facilité alimentaire, à

deux lignesthématiques et au FED (PIR). Selon les projets, les maîtres d’ouvrage ont été soit la CEDEAO, un regroupement formé par le FIDA, l’ICRISAT et la CEDEAO ou des ONG.

134 COM (2012) 586: The EU approach to resilience: learning from food security crises. 135 Les actions d’ECHO sont analysées sous l’angle de la complémentarité et de la cohérence des politiques européennes, dans le

cadre de la QE 8.

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Réponse à la question :

QE 5 Dans quelle mesure la coopération de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest a-t-elle contribué à renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle durable et la résilience des populations ?

Alors que l’axe sécurité alimentaire inscrit dans le PIR 10eme FED était plutôt orienté sur le renforcement de la productivité de l’agriculture et de l’élevage, la mise en œuvre de la coopération régionale de l’UE a été finalement davantage tournée vers la réduction de la vulnérabilité et de la malnutrition. Dans ce domaine, la coopération européenne a contribué à certaines avancées, en particulier i) le renforcement et l’harmonisation des cadres d’analyse de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle conjoncturelle au sein du sous espace régional et ii) l’émergence d’un diagnostic partagé entre les différentes parties prenantes en ce qui concerne les orientations politiques favorables au renforcement de la résilience aux crises alimentaires. La mise en œuvre des orientations de politiques publiques associées à ce diagnostic ne fait toutefois que commencer, tant au niveau des OR qu’à celui des Etats et elle est confrontée aux difficultés de dépasser des logiques institutionnelles et de coordination intersectorielle, tant au niveau national que régional.

4.5.1 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à une augmentation de la productivité agricole et des revenus des producteurs136

Compte tenu d’une dispersion thématique et d’une continuité limitée des appuis de la coopération régionale à la productivité agricole, cette dernière n’a contribué que faiblement et de façon peu durable au dynamisme constaté au cours de la période dans les filières agro-pastorales régionales. Cependant, la robustesse de ce jugement est limitée par l’absence de systèmes de suivi et évaluation solides dans le cadre des interventions et le manque de fiabilité des informations disponibles sur la production agricole de la région. L’appui aux filières semencières a été bref (2 ans) et sans suite, réduisant les possibilités de renforcement des acteurs de ces filières au-delà de l’augmentation de la disponibilité immédiate de semences améliorées. Le programme de lutte contre la mouche des fruits, démarré en 2016, permet de renforcer les méthodes de lutte et de développer un système de veille à l’échelle de plusieurs pays, mais l’absence de visibilité sur la poursuite des investissements compromet la pérennité des acquis. Le programme 11ème FED d’appui régional à la productivité de l’élevage et à la facilitation des échanges pastoraux ne fait que démarrer. Bien que l’accès aux marchés régionaux des produits agricoles locaux figure parmi les priorités du PIR 10ème FED, les actions de renforcement de l’intégration économique régionale (cf. QE3) n’ont pas porté spécifiquement sur les filières agro-pastorales et la conception des actions de coopération régionale sectorielle n’a pas encouragé des partenariats transfrontaliers favorables au commerce des produits régionaux. En somme, les impacts des actions de niveau régional sur les transformations structurelles du secteur apparaissent très peu tangibles et ils sont compromis, plus encore que les résultats de chacune des actions concernées, par la cohérence137 et la continuité limitées des appuis à productivité et à la compétitivité du secteur agricole.

136 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 199-206. 137 Bien que répondant à une certaine demande des acteurs de la région, le choix de la filière mangue comme bénéficiaire des

appuis régionaux pour le 10eme FED est caractéristique : il s’agit de contribuer à lever une barrière à l’exportation alors que les marchés agro-alimentaires régionaux sont tirés par la demande régionale, il ne s’agit pas d’une filière prioritaire ni pour la PAU (politique agricole de l’UEMOA) ni pour l’ECOWAP (politique agricole de la CEDEAO).

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4.5.2. Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à une augmentation significative des surfaces de terres agricoles gérées de manière durable138

Les rapports du programme régional GDT indiquent une réhabilitation de surfaces de terre plus importantes que prévues et la diffusion de connaissances sur le sujet. Néanmoins, les entretiens réalisés témoignent d’une valorisation limitée des résultats de capitalisation de ce programme au-delà des acteurs impliqués. Dans ce contexte d’appréciation contrastée, l’absence d’évaluation externe est très dommageable. La priorité accordée à la gestion durable des terres agricoles par les orientations des politiques publiques régionales et nationales, antérieure à 2008 et régulièrement réaffirmée depuis, vise à répondre à des enjeux de long terme, relatifs à la démographie et aux changements climatiques. Néanmoins, la traduction en investissements concrets est jusqu’à présent réduite139. Alors qu’elles font l’objet d’un consensus technique régional, les politiques favorables à une gestion durable des terres sont peu appliquées par les pays de la région. Cela illustre les limites de leviers régionaux et techniques pour influencer le traitement d’enjeux dont les principaux ressorts sont nationaux et politiques. Des programmes « multi pays », appuyés par d’autres partenaires et articulant des volets régionaux et nationaux dont la maîtrise d’ouvrage est confiée au Etats, semblent mieux armées pour faciliter le dialogue politique avec les administrations nationales.

Les analyses disponibles indiquent un essoufflement des méthodes traditionnelles de reconstitution de la fertilité et une forte réduction de la pratique de la jachère dans un contexte où les surfaces cultivées ont doublé en 40 ans. L’influence des actions de coopération régionale sur ces tendances apparait réduite pour deux raisons principales : les Etats ayant été peu impliqués dans les actions pilotes appuyées, ils intègrent peu dans leurs politiques nationales les leçons de ces actions ; par ailleurs, le programme GDT a peu porté sur la question de la sécurisation foncière, ni sur les déterminants de l’expansion des terres cultivées au détriment des espaces naturels140.

4.5.3 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à une amélioration significative de la prévention et de la gestion des crises alimentaires141

Dans ce domaine, les niveaux de réalisation des produits issus de la coopération régionale de l’UE sont variables. Les appuis de l’UE ont favorisé l’évolution des outils d’analyse de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et facilité leur harmonisation au sein de l’espace régional. Alors que ce chantier a été initié il y a plus de 10 ans, des avancées concrètes ont pu être observées à partir de 2012. Les appuis au Réseau de Prévention des Crises Alimentaires (RPCA) ont contribué à la mise en œuvre de la Charte « prévention et gestion des crises alimentaires » (PREGEC) et ont permis de tirer des enseignements aboutissant à une feuille de route pour une réforme du RPCA. La mise en œuvre du Programme régional d’appui au stockage de sécurité alimentaire (en cours) rencontre de nombreuses difficultés, qui relèvent de la combinaison de plusieurs facteurs : i) la complexité de la conception du projet et le grand nombre d’acteurs impliqués, ii) des problèmes liés au fonctionnement et à l’organisation de la CEDEAO et iii) une faible appropriation, par les Etats-membres de la CEDEAO, du principe de solidarité qui sous-tend cette réserve régionale.

138 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 206-210. 139 Les Plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques (PANA), ont montré leurs limites comme outil d’intégration

effectif de la problématique de « l’Agriculture intelligente face au climat » (AIC) dans les politiques nationales ; et la CEDEAO fait le constat de la faiblesse générale des réglementations de sécurisation foncière dans l’ensemble de l’espace régional.

140 Qui demanderait une approche plus multisectorielle et politique, pour aborder la question démographique. 141 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 210-230.

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Malgré ces difficultés, certaines avancées ont eu lieu à partir de 2017 et le Nigeria a bénéficié de la première intervention de la réserve régionale.

L’adoption du Cadre Harmonisé (CH) comme cadre d’analyse régional de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, et sa diffusion dans les pays côtiers à partir de 2013, représentent un progrès important en termes d’analyse des risques à un niveau infranational. Mais cet outil présente aussi plusieurs limites142. Par ailleurs, le rôle décisionnel et les capacités de coordination opérationnelle du RPCA demeurent limités. Peu de progrès ont eu lieu en matière de préparation aux urgences143 et le suivi des interventions est hétérogène d’un pays à l’autre. La coordination des réponses aux crises humanitaires d’origine sécuritaire et sanitaire, dépassant les compétences des dispositifs nationaux de gestion des crises alimentaires, demeure problématique. Le poids du système des Nations Unies dans les diagnostics et les réponses reste prédominant. Enfin, l’adoption par les Etats de modalités d’intervention innovantes reste limitée144. Au-delà des appuis européens, qui ont joué un rôle catalyseur, l’évolution des systèmes d’information a été soutenue par des efforts conjoints de coalitions d’acteurs145 au niveau régional et au niveau des pays de la sous-région. Les appuis de l’UE en matière de diagnostic et de préparation aux urgences146 se poursuivent et des appuis sont prévus dans le cadre du 11ème FED pour accompagner un processus de réforme du RPCA.

Alors que la région a connu de multiples crises alimentaires depuis 2008, la contribution de la coopération régionale de l’UE à la prévention et l’atténuation de ces crises s’avère contrastée : si l’action de l’UE a contribué à améliorer l’efficacité des réponses aux crises alimentaires et nutritionnelles, ces avancées demeurent fortement dépendantes des appuis extérieurs tant sur le plan technique que financier. Ces difficultés montrent que des progrès en matière de diagnostic des crises alimentaires ne se traduisent pas forcément par un accroissement des moyens accordés par les décideurs politiques de la sous-région à la prévention et à la gestion de celles-ci.

4.5.4 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à une amélioration de la gouvernance sectorielle147

La coopération régionale de l’UE a abouti à des produits diversifiés en matière de gouvernance sectorielle : elle a renforcé la concertation et la diffusion de l’information au sujet des processus politiques régionaux ; elle a favorisé l’implication des organisations d’éleveurs dans ces processus (voir encadré ci-dessous) ; elle a lancé puis appuyé l’Alliance AGIR, conduisant à la formulation de référentiels régionaux et nationaux pour une meilleure prise en compte de la réduction de la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les politiques publiques ; elle permis d’initier un système régional de gestion de l’information (ECOAGRIS) pour le pilotage de la politique agricole de la CEDEAO ; enfin, elle a permis à des cadres régionaux de bénéficier d’une formation d’excellence sur les thématiques SANAD&R.

142 Les systèmes d’information nationaux ne sont pas autonomes pour l’alimenter ; la conduite des processus d’analyse nationaux

est très dépendante du CILSS ; les investissements nationaux dans les systèmes d’information sont insuffisants pour valoriser les acquis méthodologiques ; le CH n’est adapté ni aux informations disponibles, ni aux besoins d’analyse dans les pays côtiers; l’analyse de la vulnérabilité en milieu urbain demeure un point faible.

143 Absence d’un plan de contingence au niveau régional (élaboration en cours avec le soutien du projet « stocks ») ; pas de plans de réponse au niveau national en dehors de quelques exceptions (Mali, Niger et Burkina Faso).

144 L’utilisation de modalités d’intervention alternatives à l’aide alimentaire et/ou à la vente à prix modérés (ex, transferts monétaires) comme instrument de réponse aux crises demeure essentiellement le fait des acteurs internationaux.

145 Notamment les Nations Unies, USAID, FEWS Net, IPC et des ONG. 146 A travers l’appui à ECOAGRIS et à la stratégie régionale de stockage de sécurité alimentaire. 147 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 230-258.

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Encadré 4 – Synthèse de l’étude de cas : l’appui aux politiques régionales en matière d’élevage pastoral, contributions et perspectives148

La pertinence des actions de coopération de niveau régional est très forte dans le domaine de la sécurisation de l’élevage pastoral. Cette problématique est à la croisée de plusieurs dimensions de l’intégration régionale : développement économique des territoires périphériques de l’espace régional, sécurité et souveraineté alimentaire, prévention des conflits, gestion des ressources naturelles, gestion et prévention des crises régionales… L’analyse des actions de coopération régionale souligne une continuité dans ce domaine : après avoir soutenu l’implication des organisations professionnelles d’éleveurs de niveau régional dans le dialogue sur les politiques, l’UE prévoit de renforcer ses appuis dans le cadre du PIR 11ème FED, en s’appuyant sur des leçons tirées d’expériences pratiques mises en œuvre dans certains pays. Ces futurs appuis doivent relever plusieurs défis, notamment : un dialogue renforcé entre pays sahéliens et pays côtiers ; le renforcement de la gouvernance et de la coordination régionale dans ce domaine, du fait du foisonnement d’initiatives régionales. Ces défis seront à relever alors que les appuis régionaux européens sont contraints, d’une part, par des ressources financières moins importantes que celles initialement programmées dans le PIR 11ème FED et, d’autre part, par des possibilités limitées pour appuyer le renforcement des capacités de coordination et de leadership de la CEDEAO.

En matière de gouvernance régionale du secteur « SANAD&R », le fait majeur du début des années 2000 est l’adoption de politiques et stratégies formalisées respectivement par la CEDEAO, l’UEMOA et le CILSS. Faisant écho aux cadres stratégiques internationaux, ces référentiels régionaux sont larges et se recoupent avec ceux d’autres secteurs. Si la question de l’accroissement de la productivité agricole reste au cœur des préoccupations régionales et nationales, d’autres thèmes ont gagné en importance : la résilience aux crises alimentaires, la malnutrition chronique, l’élevage, la jeunesse, le financement de l’agriculture... Par ailleurs, certaines thématiques demeurent peu couvertes par les politiques régionales, notamment la question du genre, tandis que des incohérences entre stratégies régionales et nationales demeurent. En dehors de cas spécifiques, la traduction opérationnelle de ces cadres stratégiques multisectoriels est peu effective, tant au niveau régional que national.

En vue d’opérationnaliser ses politiques et programmes, la CEDEAO a décidé en 2013 la création de l’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation (ARAA). Néanmoins, des blocages persistent149. De fait, les OR entrent en compétition pour l’accès aux financements extérieurs dont elles dépendent et, à défaut de systèmes de gestion efficaces, chaque partenaire adopte ses propres schémas de financement. Sur le plan financier, l’analyse des engagements de Maputo150 démontre de fortes disparités entre pays pour ce qui concerne le niveau des ressources publiques affectées au secteur agricole. Par ailleurs, les investissements sont inégalement orientés vers les 4 piliers de la feuille de route AGIR151. La CEDEAO rencontre des difficultés à mobiliser les fonds nécessaires à la mise en œuvre de l’ECOWAP, qu’elle justifie par la compétition avec les priorités en matière de sécurité et la conjoncture économique. Le fond ECOWAFD (Fond de développement agricole de la CEDEAO), décidé en 2013, n’est toujours pas opérationnel et le bilan de l’ECOWAP en 2015 souligne l’absence d’instruments incitatifs régionaux. Au-delà des systèmes d’alerte précoce, le suivi et l’analyse d’indicateurs de pilotage des politiques publiques dans le secteur SANAD&R a peu progressé152.

148 Les éléments synthétisés dans cet encadré sont détaillés en annexe n°10. 149 La coordination entre la CEDEAO et l’UEMOA demeure réduite ; la CEDEAO est peu impliquée dans la conception de

certains programmes régionaux exécutés par le CILSS, pourtant qualifié de «bras technique» de la CEDEAO ; l’ARAA peine à remplir son rôle du fait d’un manque d’autonomie administrative et financière et de capacités opérationnelles encore réduites.

150 Engagement des Etats membres du NEPAD à allouer 10% de leurs budgets nationaux à la mise en œuvre de leurs politiques agricoles dans un délai de 5 ans.

https://au.int/sites/default/files/decisions/9548-assembly_fr_10_12_july_2003_auc_the_second_ordinary_session.pdf 151 Le Pilier « augmentation durable de la productivité agricole » est privilégié par rapport aux piliers « nutrition », « protection

sociale » et « gouvernance ». Voir : RPCA, 2017. 152 Le développement en cours du système ECOAGRIS se heurte à l’absence de données nationales pour de nombreux

indicateurs et à la difficulté à faire remonter les données vers le niveau régional.

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A travers le lancement et l’appui à l’alliance AGIR, la coopération régionale européenne a joué un rôle dans l’élargissement des référentiels stratégiques sectoriels vers les thématiques de nutrition, résilience, protection sociale. Cependant, l’alliance AGIR, guidée par la feuille de route régionale, a encouragé des orientations peu différenciées selon les contextes nationaux. Par ailleurs, le leadership européen sur AGIR a généré de fortes attentes vis-à-vis de la contribution de l’UE aux priorités soutenues, malentendu difficile à dissiper par la suite. Certains éléments nuancent les avancées en matière d’orientations stratégiques reposant sur des analyses et hypothèses fragiles vis à vis de dimensions politiques, institutionnelles et financières du contexte régional: manque de complémentarité entre OR ; absence de contreparties financières de la part des OR ; faible implication des banques de développement dans l’Alliance AGIR ; intérêt réduit pour les priorités AGIR par plusieurs pays côtiers. Compte tenu des difficultés des OR à engager les fonds du PIR, à exécuter certains projets, et à mobiliser leurs contreparties, des fonds ont été réalloués du PIR 11ème FED vers le FFU et vers le blending. Ce contexte limite les capacités de l’UE à encourager les OR à renforcer leurs complémentarités pour le secteur « SANAD&R » dans la cadre des réformes en cours.

Au final, les appuis de l’UE ont contribué à la révision d’orientations de politiques publiques régionales et nationales visant à améliorer de façon structurelle l’accès à l’alimentation et à réduire la malnutrition chronique, mais ils n’ont pas permis de lever les obstacles institutionnels et de coordination intersectorielle qui entravent la mise en œuvre de ces politiques. Si la coopération européenne régionale a contribué à encourager les investissements nationaux dans le secteur « SANAD&R », ceux-ci ne portent que très peu sur certains piliers de la feuille de route AGIR, à savoir la protection sociale et la nutrition des populations vulnérables.

4.6 QE 6 – Gestion durable des ressources naturelles

Contexte sectoriel153

:

Les problématiques de gestion des ressources naturelles sont multiples en Afrique de l’Ouest en raison de l’extrême diversité des écosystèmes. Mais au-delà de cette diversité, des questions communes majeures se posent dans tous les pays : la gestion intégrée de l’eau douce (dans un contexte de sécheresses fréquentes dans les pays du Sahel) ; la protection des espaces forestiers (développement de fronts pionniers dans certains pays côtiers, extension des espaces agricoles cultivés, prélèvement excessif de bois pour l’exportation et de chauffe…) ; l’érosion et la désertification des sols (extension rapide des surfaces cultivées, absence d’une intensification raisonnée de l’agriculture) ; la diversité biologique (recul de la biodiversité de façon continue au cours du dernier siècle, conséquence du peuplement rapide de la région, de l’expansion agricole, du braconnage, du commerce illicite des espèces sauvages et de la chasse). Deux milieux géographiques en particulier sont au cœur des préoccupations environnementales : le Sahel, menacé par la désertification, et la zone forestière localement soumise à d’intenses défrichements et aux conséquences néfastes d’une déforestation excessive. Par ailleurs, des changements majeurs s’opèrent sous l’effet de la variabilité et des changements climatiques, auxquels la région est particulièrement vulnérable en raison des multiples contraintes citées ci-dessus et de sa faible capacité d’adaptation.

Champ couvert et logique d’intervention sectorielle :

La question porte sur la contribution des appuis régionaux de l’UE à la préservation des écosystèmes naturels marins et terrestres, plus particulièrement des aires protégées transfrontalières, en Afrique de l’Ouest. Elle considère également les bénéfices que les populations riveraines des aires protégées peuvent tirer d’une meilleure gestion des écosystèmes

153 Cette partie s’appuie en partie sur les sources documentaires suivantes : CEDEAO, L’agriculture et l’alimentation en Afrique

de l’Ouest : mutations, performances et politiques agricoles, 2014.

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dans un contexte où leur vulnérabilité au changement climatique s’intensifie. La gestion des ressources naturelles ne constituait pas un secteur de concentration dans les PIR des 9ème et 10ème FED ; en revanche, elle fait partie du troisième secteur de concentration du PIR 11ème FED. Au cours des dix dernières années, les ressources de coopération régionale allouées à ce domaine sont restées limitées (bien qu’en augmentation) et ont principalement été orientés vers des actions de coopération multi-pays portant sur la gestion des ressources naturelles transfrontalières, pour

un montant total de 42M€.

Réponse à la question :

QE 6 Dans quelle mesure les appuis régionaux de l’UE ont-ils contribué à un maintien de la biodiversité et des services écosystémiques en Afrique de l’Ouest ?

Les ressources naturelles ne constituant pas un secteur de concentration des PIR 9ème et 10ème FED, un choix pertinent a été effectué en concentrant les interventions sur la préservation de la biodiversité dans les aires protégées transfrontalières du Niger, du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, d’une part, et la lutte contre la pêche illégale en mer, d’autre part.

Dans les zones d’intervention, ces appuis régionaux de l’UE ont apporté une contribution importante au maintien de la biodiversité et des services écosystémiques. Il est constaté des résultats positifs en termes de conditions favorables à la gestion de la faune et de la flore ou de gouvernance locale des ressources naturelles.

Les obstacles à une gestion durable des ressources naturelles régionales sont toujours présents : augmentation de la pression anthropique ; intensité de la vulnérabilité au changement climatique ; manque de diffusion des solutions techniques (limitant leur appropriation par les populations riveraines des aires protégées) ; obstacles techniques et juridiques aux activités de coopération transfrontalière ; manque de moyens des administrations nationales et faible reconnaissance du rôle de la CEDEAO et de l’UEMOA dans le domaine de l’environnement (qui se sont dotées, en 2008, de stratégies environnementales régionales, non appliquées, ni mises à jour).

Dans ce contexte et compte tenu du caractère localisé et le plus souvent temporaire des acquis de la coopération régionale de l’UE, la contribution de celle-ci à une gestion durable des ressources naturelles à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest s’avère faible.

4.6.1 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à l’amélioration de la gestion durable des ressources naturelles transfrontalières154

Les produits des interventions financées par l’UE en matière de gestion durable des ressources naturelles transfrontalières sont nombreux : ils vont de la réalisation d’infrastructures et la constitution de bases de données au développement des capacités des intervenants, en passant par une meilleure connaissance de la richesse de la biodiversité (nouvelles espèces découvertes dans le cadre de deux projets) et des activités de recherche et de développement rural. La réalisation de ces divers produits présente un bilan positif : i) lorsqu’une gestion participative des écosystèmes a été promue, les acteurs concernés ont pris davantage conscience de leurs rôles, droits et devoirs ; ii) un plan d’aménagement et de gestion par bloc de conservation transfrontalier a été élaboré ; iii) des patrouilles conjointes (inter-Etats) anti-braconnage ont été réalisées, mais en nombre trop limité au regard de l’ampleur du phénomène ; iv) la connaissance des ressources naturelles a été améliorée et v) les infrastructures et équipements des parcs nationaux ont été développés. Cependant, ces réalisations sont restées en deçà des objectifs ambitieux qui avaient été fixés et certaines activités n’ont pu être conduites.

L’évolution en matière de protection des ressources naturelles transfrontalières au cours de la

154 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 259-268.

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période sous revue est marquée par un statu quo : le nombre de patrouilles conjointes dans les zones frontalières reste limité, les savoirs accumulés ne sont pas transmis, les questions de recherche et de diffusion des techniques et informations ne font pas l’objet d’une attention suffisante, enfin, les pêches illégales en zones côtières ne sont pas toujours suivies de sanctions (difficulté d’appliquer le droit au niveau international).

La contribution de l’UE à une meilleure protection des ressources naturelles transfrontalières en Afrique de l’Ouest est restée limitée, car elle ne dépasse pas les zones d’intervention des projets. Dans certains cas, des résultats tangibles sont observés et la présence des interventions de l’UE a permis de freiner la dégradation des ressources 155 . Toutefois, la portée de ces actions reste limitée : la tendance à la dégradation des ressources naturelles se poursuit dans les zones ne bénéficiant pas d’interventions et elle reprend lorsque celles-ci sont arrêtées, même temporairement. D’autre part, la reconnaissance par les acteurs concernés (administrations, populations riveraines etc.) de la valeur des aires protégées en termes de biodiversité et de l’importance de leur connexion transfrontalière constitue une condition importante de la durabilité des actions dans ce domaine. Or, si la majorité des interventions incluent des exercices de capitalisation des acquis, les enseignements tirés de ceux-ci sont peu diffusés et, par conséquent, peu appropriés par les acteurs concernés. Tant pour les pays concernés que pour l’UE, il est très difficile de mener des activités transfrontalières conjointes. Même les ONGs internationales éprouvent des difficultés.

L’évolution de la biodiversité terrestre et marine au cours de la période sous revue est marquée par une continuation de la dégradation156. Il est difficile de faire le lien entre les interventions de l’UE et l’évolution de la biodiversité de la région en raison notamment du déficit d’information, globalement et au niveau des projets157. Néanmoins, l’Atlas des paysages de l’Afrique de l’Ouest (CILSS, 2016) montre que la dégradation des ressources naturelles peut être freinée, voire arrêtée, dans les aires protégées faisant l’objet d’actions de conservation158. Par ailleurs, l’expérience du projet ARTP (aires protégées au Liberia et en Sierra Leone) montre que les aires protégées ayant bénéficié d’appuis de l’UE présentent une plus grande biodiversité que les zones non protégées. Plus globalement, les interventions de l’UE dans le secteur ont permis de limiter soit le braconnage, soit les pêches illicites le long des côtes. Un impact favorable sur la biodiversité est donc obtenu lorsque ces activités sont poursuivies sur une longue période, de 10 à 15 ans.

4.6.2 Analyse de la contribution des appuis régionaux de l’UE à l’amélioration de la gouvernance régionale de la gestion des ressources naturelles et du changement climatique159

Les produits issus des appuis régionaux de l’UE en matière de gouvernance environnementale sont peu nombreux et d’une portée limitée : la gestion environnementale est du ressort des institutions nationales et les Etats d’Afrique de l’Ouest reconnaissent peu le rôle que peuvent jouer les organisations régionales en termes de coordination des stratégies et d’harmonisation des outils dans le secteur « environnement ». Ainsi, l’accord quadripartite (Bénin, Burkina Faso, Niger et Togo) pour la coopération sous-régionale en matière de gestion des aires protégées frontalières n’a pas abouti au cours de l’exécution du Programme d'appui aux parcs de l'Entente (PAPE)160. Par ailleurs, des activités de coopération transfrontalière (patrouilles anti-braconnage, élaboration

155 Par exemple, suite à une plainte couronnée de succès contre des bateaux de pêche illégaux, ceux-ci n’ont plus réapparu dans la

zone du projet Developing Marine Protected Areas. 156 Voir la présentation du contexte régional ci-dessus et en annexe n°7. 157 Les projets manquent d’études de référence et s’appuient souvent sur des constats généraux, voire des hypothèses peu

documentées. 158 Voir analyses plus détaillées dans la matrice d’évaluation (annexe n°1). 159 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 269-280. 160 A noter que postérieurement à la clôture du PAPE un accord tripartite sur la zone WAP a été conclu.

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de plans d’aménagement et de gestion) ont été menées, montrant la possibilité mais également les limites (légales et logistiques) de telles opérations conjointes. La mise en place d’une gestion transfrontalière intégrée des aires protégées s’avère très difficile, comme le montre l’exemple du projet ARTP qui, malgré l’intérêt porté par les Présidents des deux pays (Liberia et Sierra Leone) et les appuis de la BM et ceux de l’UE, n’a pu aller au-delà de simples actions conjointes. Dans le domaine du changement climatique, le programme Global Climate Change Alliance (GCCA) Afrique de l’Ouest a réalisé de nombreuses activités permettant aux pays de la région de se positionner lors de 3 conférences des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Concernant l’évolution des stratégies environnementales régionales dans le domaine des ressources naturelles, au début de la période sous revue, l’UEMOA et la CEDEAO se sont dotées de politiques environnementales161, élaborées de manière convergente et coordonnée. Des documents plus spécifiques ont également été développés comme le Règlement « pêche » de l’UEMOA (2007) ou le Plan de convergence pour les forêts de la CEDEAO (2013). Ces différentes politiques n’ont reçu que peu d’attention de la part des Etats-membres et elles n’ont pas été mises à jour. Ceci est le reflet, d’une part, de la faible « visibilité » dans le domaine de l’environnement de l’UEMOA et de la CEDEAO et, d’autre part, du manque de moyens (humains et financiers) dont disposent les institutions nationales en charge de la conservation des ressources naturelles pour remplir leurs fonctions. D’autres organisations régionales à vocation technique, comme le CILSS ou la Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP), ont une meilleure reconnaissance dans leurs domaines respectifs (agriculture et élevage pour le CILSS, pêche pour le CSRP).

En matière de stratégies environnementales régionales, la coopération régionale de l’UE a favorisé une meilleure reconnaissance des enjeux et a soutenu des tentatives d’harmonisation de la gestion transfrontalière des ressources naturelles. Ces dernières n’ont pas abouti à la signature d’accords de coopération inter-Etats, mais elles ont permis un renforcement de la concertation entre les administrations nationales et une coopération sur site.

La gouvernance régionale de la gestion des ressources naturelles a peu progressé au cours de la période sous revue. On peut aussi noter que les pays de la région sont fortement engagés dans les négociations relatives à la lutte contre le changement climatique et suivent de près les engagements pris au cours des Conférences des Parties de la CCNUCC. Dans ce domaine, l’élaboration de contributions pour la COP 21 (Paris, 2015) et leur soumission au Secrétariat de la CCNUCC peuvent être attribuées aux activités financées par l’UE.

La contribution de l’UE aux évolutions de la gouvernance régionale de la gestion des ressources naturelles et du changement climatique est, au final, assez faible. Cela résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : i) le montant relatif faible des moyens alloués à ce secteur de coopération régionale ; ii) la faiblesse des organisations régionales dans le développement et la mise en œuvre d’une vision générale et leurs difficultés à faire prévaloir le caractère régional des actions environnementales et iii) la dimension intersectorielle (environnement, sécurité, tourisme, développement rural) des actions de conservation ou de mise en valeur des ressources naturelles transfrontalières, ce qui accroit les difficultés de concertation et de coordination entre les acteurs concernés.

161 Politique commune d’amélioration de l’environnement » (PCAE) de l’UEMOA en 2008 et Politique environnementale de la

CEDEAO en 2008.

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4.6.3 Analyse de la contribution des interventions régionales de l’UE à la réduction de la vulnérabilité au changement climatique des populations des zones transfrontalières en Afrique de l’Ouest162

En matière de réduction de la vulnérabilité au changement climatique, les principaux produits issus des appuis régionaux de l’UE sont les suivants : i) la promotion de démarches participatives, lesquelles ont démontré leur importance pour faire appliquer la loi ou pour établir une situation de « gagnant-gagnant » entre le développement socio-économique et la conservation des ressources naturelles ; ii) la création d’emplois directs ou indirects, au bénéfice notamment des femmes, à travers l’implication des populations riveraines dans les activités de conservation163 ; iii) la réduction de la pression anthropique sur les aires protégées du fait d’actions d’amélioration de l’agriculture ou la réalisation d’infrastructures dans les zones riveraines et iv) la diminution des conflits entre bénéficiaires (p. ex. agriculteurs – éleveurs) et entre les gestionnaires des aires protégées et les populations riveraines.

L’évolution, durant la période sous revue, des bénéfices tirés par les populations d’une valorisation durable des ressources naturelles est peu documentée, tant au niveau des administrations nationales (en charge de l’environnement ou du développement rural) que des projets soutenus par l’UE ; en général, ces derniers ne disposent pas d’une situation de référence (baseline) à propos de la situation socio-économique des populations, car ces interventions sont liées aux institutions de tutelle en charge de la protection des ressources naturelles et non à celles en charge du développement rural. Les projets ont réalisé quelques activités de recherche-action mais celles-ci ont été davantage orientées vers la gestion et la protection des ressources naturelles que vers l’utilisation des ressources au bénéfice des populations.

Dans ce contexte, la contribution de l’UE aux évolutions constatées en matière de bénéfices tirés par les populations d’une valorisation durable des ressources naturelles est restée limitée. Bien que les interventions relatives à la protection des aires protégées reconnaissent l’importance des populations riveraines, celles-ci bénéficient d’appuis peu importants (en proportion du budget total des projets) et assez peu efficaces, en raison du manque de compétences et d’autorité des institutions de protection de l’environnement en matière de développement rural. Par ailleurs, les activités conduites avec succès (voir ci-dessus) restent localisées, du fait d’un manque de réplication et diffusion, et leur appropriation s’avère limitée. En effet, l’application des techniques ou des démarches mises au point pour résoudre un problème spécifique nécessitent d’avoir suffisamment de temps et de moyens pour convaincre de leur bien-fondé les parties intéressées, gagner leur confiance et les accompagner dans la mise en œuvre.

Tout en soulignant que l’évolution de la vulnérabilité des populations au changement climatique est également très peu documentée au niveau régional, il apparaît que la contribution de l’UE à cet impact spécifique est restée limitée aux zones d’intervention et a présenté une faible durabilité. Finalement, étant donné leur orientation vers le développement économique au niveau régional, les OR sont peu sensibilisées aux enjeux et opportunités qu’offre la gestion rationnelle des ressources naturelles au niveau local.

162 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 280-287. 163 Emplois directs : réalisation de travaux, activités de surveillance… Emplois indirects : tourisme, artisanat… Cependant, les

crises sanitaires (Ebola) et sécuritaires ont eu pour effet de réduire le potentiel de certaines activités (tourisme) qui auraient bénéficié tant aux aires protégées (financement) qu’à l’économie locale.

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4.7 QE 7 – Moyens et démarches d’intervention

Champ couvert et logique d’intervention :

La question couvre l’efficacité et l’efficience du dispositif de coopération au sens large : gamme des instruments, procédures, rôle de l’assistance technique, instances de partenariat avec les organisations régionales164, … Son analyse repose sur des investigations spécifiques et sur les constats effectués dans le traitement des autres questions. Cette question est transversale à l’ensemble de la logique d’intervention. Elle vise à appréhender le degré d’adéquation des modalités d’aide vis-à-vis des objectifs poursuivis par la stratégie régionale de coopération, en accordant une attention particulière au renforcement des capacités 165 et à l’appropriation qui constituent des éléments cruciaux pour l’atteinte des objectifs poursuivis par cette stratégie régionale de coopération.

Réponse à la question :

QE 7

Dans quelle mesure la combinaison des instruments, les démarches d’intervention et les modalités de gestion de l’aide ont-ils contribué l’atteinte des résultats obtenus par la coopération régionale de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest ?

Les résultats limités obtenus par la coopération régionale de l’UE en Afrique de l’Ouest résultent, entre autres, de facteurs liés aux démarches d’intervention, aux modes de gestion et d’organisation de la coopération régionale. Il s’agit notamment des éléments suivants : i) une trop faible inscription des questions régionales dans le dialogue sur les politiques conduit par l’UE au niveau national ; ii) des lacunes dans les logiques d’intervention en matière de renforcement des capacités des acteurs, tout particulièrement les Commissions de la CEDEAO et de l’UEMOA, ce qui n’a pas permis de contribuer à renforcer la crédibilité et l’efficacité de celles-ci ; iv) une articulation insuffisante de l’action des différentes entités, au sein des institutions européennes, en charge du pilotage et du suivi de la coopération régionale et v) une faible prise en compte des questions transversales dans la formulation et la mise en œuvre des interventions.

4.7.1 Analyse du fonctionnement des dispositifs de partenariat entre l’UE et les organisations régionales d’Afrique de l’Ouest166

Le dialogue politique entre la CEDEAO et l’UE est réalisé périodiquement167 dans un cadre formel réunissant le pays exerçant la présidence de la CEDEAO, le pays assumant la présidence de l’UE, les responsables de la Commission de la CEDEAO, de la Commission européenne et du SEAE. Ces réunions traitent principalement des questions de paix et sécurité ainsi que de l’intégration économique régionale (en lien avec l’APE). Le dialogue sur les politiques au niveau régional, bien que non formalisé, est assez fréquent et revêt différentes modalités168. Cependant, son efficacité est amoindrie par la faible place accordée aux questions régionales dans le dialogue sur les politiques que l’UE conduit au niveau national. Il y a eu une amélioration du pilotage de la préparation et de l’exécution des PIR depuis la mise en place, en 2014, du groupe de travail

164 Instances qui, depuis le démarrage du 11ème FED, associent également les ordonnateurs nationaux du FED. 165 Concernant à la fois des organisations et des individus, le renforcement des capacités correspond au processus par lequel les

acteurs concernés développent leurs ressources et leurs connaissances pour exercer efficacement leurs fonctions, résoudre des problèmes et atteindre leurs objectifs. Cette définition est reprise de : « Evaluation Methodology & Baseline Study of European Commission Technical Coopération Support », Septembre 2012, p. 1.

166 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 288-293. 167 La 21ème réunion CEDEAO-UE de ce type s’est tenue le 4 avril 2017 à Bruxelles. Il n’y en avait pas eu depuis deux ans et

demi. La Commission de l’UEMOA assistait à cette réunion en tant qu’observateur. 168 Rencontres des chefs de coopération des DUE au Nigeria et au Burkina Faso avec respectivement les commissaires de la

Commission de la CEDEAO et ceux de la Commission de l’UEMOA ; rencontres mensuelles entre le secteur « coopération régionale » de l’unité chargée de l’Afrique de l’Ouest de la DG DEVCO et les représentants de l’UEMOA et de la CEDEAO à Bruxelles ; échanges téléphoniques entre la responsable de ce secteur et les présidents des deux Commissions.

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technique (GTT) et du comité d’orientation stratégique (COS) sans pour autant que soient modifiées les asymétries de position entre les parties prenantes (l’UE conserve un rôle prépondérant). La participation des pays de la région à différentes enceintes de dialogue avec l’UE sur les questions de migration a eu des effets sur la formulation de leurs politiques nationales de migration. Globalement, les performances des comités de pilotage des projets régionaux s’avèrent assez faibles. Pour certains programmes, les comités techniques de suivi fonctionnent de manière satisfaisante. Au sein de la CEDEAO, une unité d’appui à la mise en œuvre du PIR 9ème FED a fonctionné jusqu’en avril 2010, jouant un rôle utile dans l’exécution de la coopération régionale ainsi que dans la coordination entre les deux ORDM. Pour ce qui est de l’UEMOA, le projet d’appui 10ème FED (PARCI) d’appui à la cellule FED démarre seulement fin 2017 en raison de divergences de vue entre l’UE et l’UEMOA et d’importantes lenteurs du côté de l’UEMOA.

4.7.2 Analyse de la contribution des appuis de l’UE au renforcement des capacités des organisations régionales à exercer leurs mandats169

Au niveau de la stratégie de coopération régionale, du 8ème FED et jusqu’au 10ème FED, la place accordée au renforcement des capacités des acteurs de la coopération régionale 170 n’a cessé d’augmenter et s’est traduite par l’allocation d’une part significative des enveloppes de coopération régionale de l’UE (sous forme d’appuis institutionnels et de volets ou actions de renforcement de capacités dans les programmes sectoriels). En fin de période, un important changement est observé avec la signature du PIR 11ème FED, avec pour effet de réduire les montants dédiés aux appuis institutionnels en faveur des ORDM, d’une part, et d’introduire une diversification de la gamme des acteurs d’exécution du FED171, d’autre part. ).

Tout au long de la période sous revue, il est constaté l’absence i) d’un diagnostic partagé (entre l’UE et les organisations régionales bénéficiaires) des besoins en matière de renforcement de capacités et ii) d’une stratégie d’intervention définissant les actions prioritaires et les modalités de mise en œuvre adaptées dans ce domaine. Au niveau des ORDM, les cadres stratégiques établissant les priorités en matière de renforcement des capacités (au niveau des individus et des organisations) n’ont été élaborés qu’en fin de période172. Par ailleurs des réformes institutionnelles des deux organisations sont toujours en cours et ont pesé négativement sur leurs capacités de conception des politiques et stratégies, de prise de décision, de fonctionnement de leurs organes, de recrutement (gel des recrutements toujours en cours) et de formation du personnel.

Dans certains cas, les appuis de l’UE en matière de renforcement de capacités ont pu jouer un rôle positif, permettant de renforcer des capacités individuelles au sein des organisations (intégration économique régionale, SANAD&R). Globalement, cependant, les résultats des appuis sont très mitigés. Les analyses sectorielles convergent pour confirmer qu’en l’absence de stratégie d’intervention en matière de renforcement des capacités (tant au niveau de l’UE que des organisations accompagnées), les décisions prises sont restés éparpillées, suivant une logique de fonctionnement en silos173 et sans coordination suffisante (entre elles avec les autres PTF). Par ailleurs, les résultats ont été hypothéqués par d’importants retards dans la mise en œuvre des

169 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 293-304. 170 ORDM, institutions techniques spécialisées, administrations nationales des Etats-membres de la région, organisations de la

société civile. 171 Accès aux fonds FED pour les autorités nationales et organisations régionales autre que les ORDM et gestion des

financements délégués à des organisations internationales ou des agences des Etats-membres de l’UE. 172 Un programme intégré de renforcement des capacités (PIRC) (2016-2020) a été préparé à l’initiative de l’UEMOA en fin de

période d’évaluation, constatant la nécessité d’intégrer l’ensemble des besoins en renforcement de capacités et des appuis des différents PTF en la matière. Au niveau de la CEDEAO, un plan 2016-2020 a également été élaboré. Toutefois, ces deux documents n’existaient pas au moment de la signature du PIR 10ème FED et de la formulation des différentes interventions.

173 Cloisonnement d’une Commission/Division à l’autre, d’un secteur à l’autre, d’un projet à l’autre.

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projets (9ème et 10ème FED174). L’assistance technique financée par l’UE a alors principalement servi à accomplir des tâches opérationnelles pour remédier à des anomalies et lacunes constatées dans le fonctionnement de ces organisations afin d’atteindre les objectifs immédiats des projets, plutôt que de créer une capacité interne pérenne inscrite dans une stratégie de moyen terme de ces organisations. Des faiblesses dans le déploiement de l’assistance technique sont également notées dans un certain nombre de cas, avec des équipes mal positionnées dans les organigrammes des institutions et/ou travaillant en « substitution ». Ce problème a été renforcé par le non-respect par les ORDM (notamment la CEDEAO), de leurs engagements en matière de mise à disposition ou recrutement de personnel. En fin de période, ces constats sont renforcés avec la délégation de fonds à des organisations internationales ou des agences des Etats-membres, dont la sensibilité au renforcement de capacités est variable et vis-à-vis desquelles l’UE ne dispose pas d’outils adéquats pour exercer un suivi efficace des résultats/effets/impacts des appuis. Cela constitue un effet inattendu au regard de la logique d’intervention initiale.

4.7.3 Analyse de la contribution des appuis de l’UE au renforcement de la légitimité et de la crédibilité des organisations régionales175

Tout au long de la période évaluée, il y a eu une faible appropriation (et en conséquence, une faible application) des stratégies, politiques et directives régionales par les Etats-membres de la CEDEAO et de l’UEMOA. Le décalage entre les engagements pris, au niveau régional, lors de sommets des chefs d’Etat ou de conseils des ministres et leur application effective dans les pays est particulièrement aigu dans le champ des politiques commerciales (persistances des barrières tarifaires et non tarifaires dans le commerce intra-régional) et dans celui des politiques de transport (non application des règlements relatifs à la lutte contre la surcharge des véhicules). Les causes de cette situation sont davantage d’ordre socio-politique que de nature juridique176. Si par rapport aux OR d’autres régions d’Afrique, la CEDEAO et l’UEMOA élaborent des stratégies régionales de qualité, leurs performances en termes de mise en œuvre s’avèrent assez faibles. L’un des facteurs explicatifs réside dans le fait que ces deux ORDM cherchent à couvrir un trop grand nombre de domaines au regard des ressources (humaines et financières) dont elles disposent. Et la coopération de l’UE n’a pas contribué à ce que ces organisations définissent des priorités et concentrent leurs interventions sur un nombre limité de domaines / sous-domaines / actions, en appliquant au mieux le principe de subsidiarité.

Par ailleurs, si le taux d’autofinancement de la CEDEAO et de l’UEMOA par leurs ressources propres est relativement élevé (par rapport à d’autres OR en Afrique 177), beaucoup d’Etats-membres ont des arriérés de paiement importants et chroniques, reflet d’un cercle vicieux dans lequel l’efficacité des ORDM est affaiblie par le non-paiement des contributions, ce qui réduit leur légitimité et n’incite pas, en retour, les Etats-membres à s’acquitter de leurs dus 178 . En l’absence de dispositifs de suivi de l’application des règles communautaires, il n’est pas possible pour l’ensemble des acteurs concernés (Etats-membres, organisations de la société civile, acteurs privés, PTF…) de savoir où en est réellement le processus d’intégration régionale et donc,

174 Qui pour certains démarrent seulement en 2017. 175 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 305-311. 176 Jusqu’en 2006, la CEDEAO n’avait pas d’instruments juridiques permettant une transcription automatique des textes

communautaires dans les droits nationaux. En revanche, cela était le cas de l’UEMOA depuis sa création. Aujourd’hui, dans la zone UEMOA comme dans la zone CEDEAO, un texte communautaire est automatiquement transcrit dans le droit national sans qu’une ratification par le Parlement soit nécessaire.

177 L’UEMOA autofinance 80% de son budget de fonctionnement et 0% de son budget d’investissement. Jusqu’en 2014, la CEDEAO finançait la totalité de son budget de fonctionnement et une bonne part de ses investissements. Mais ses ressources sont fortement dépendantes de la contribution du Nigeria. Suite à la chute des cours du pétrole, ce dernier a fortement diminué ses versements à la CEDEAO, fragilisant sa situation financière.

178 Conséquence de ces problèmes de financement : le non-respect par la CEDEAO de ses engagements relatifs au financement de la réserve régionale de sécurité alimentaire l’a décrédibilisée aux yeux des différents acteurs du secteur (PTF, organisations professionnelles…).

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d’appréhender le rôle effectif des OR en matière d’accompagnement des Etats pour une la mise en œuvre effective des politiques régionales.

La convergence des stratégies, politiques et règlements adoptés par la CEDEAO et par l’UEMOA a formellement progressé durant la période évaluée, en particulier en matière de politique commerciale (adoption du TEC CEDEAO qui s’applique à l’ensemble de la zone) et de politique de transports (contrôle de la charge à l’essieu). Cependant, dans les faits, la collaboration entre les deux organisations demeure difficile. Le secrétariat technique conjoint (STC), dont le fonctionnement a été soutenu pendant plusieurs années par l’UE, ne parvient pas à jouer un véritable rôle de coordination entre les deux ORDM. Dans plusieurs domaines (sécurité alimentaire, paix et sécurité), chaque organisation prend des initiatives et élabore des stratégies peu ou pas coordonnées avec celles de l’autre. Ces difficultés de coordination entre les deux ORDM ont pesé négativement sur l’exécution de plusieurs programmes régionaux financés par l’UE (9ème et 10ème FED) notamment en matière de commerce, de compétitivité et de transports.

4.7.4 Analyse des modalités d’organisation et de mise en œuvre de la coopération régionale de l’UE179

Les ressources humaines dédiées à la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest (tant au siège que dans les DUE) sont insuffisantes au regard des montants alloués et de la complexité des dossiers. Alors que le rapport de la Cour des Comptes de 2009 notait un manque de clarification dans l’organisation de la coopération régionale, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de consensus sur les rôles respectifs que jouent, ou devraient jouer, les différentes entités (DG DEVCO, SEAE, DUE ayant un mandat régional, autres DUE) dans le pilotage de la coopération avec la région Afrique de l’Ouest. Pour une DUE qui n’a pas de mandat régional, la coopération régionale est une préoccupation de second plan en raison, d’une part, de la faible attention accordée, en général, aux questions régionales dans la coopération de niveau national et, d’autre part, de la complexité du montage des projets régionaux. Cependant, la situation évolue depuis le démarrage du 11ème FED avec la préparation de projets (par exemple, « gouvernance transport » ou « gouvernance énergie ») qui impliquent à la fois les ordonnateurs régionaux et les ordonnateurs nationaux.

Globalement, la coopération régionale réalise de mauvaises performances en termes de calendrier d’exécution ; cela résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : i) lacunes dans la conception des programmes (théories du changement peu robustes, sous-estimant les obstacles et les risques) ; ii) manque de capacités, principalement organisationnelle et de gestion, des ORDM pour exécuter, ou faire exécuter, les actions dont elles ont la responsabilité et iii) absence de réelle coordination entre la CEDEAO et l’UEMOA (avec des programmes 9ème et 10ème FED qui étaient « découpés » entre les deux organisations). Pour ce qui est du rapport coûts / résultats, dans certains cas, le recours à des agences d’exécution, celles-ci étant sélectionnées sans mise en concurrence, semble se traduire par des coûts de mise en œuvre anormalement élevés.

4.7.5 Analyse de la prise en compte des dimensions transversales dans la formulation et la mise en œuvre des interventions régionales de l’UE180

Il existe un décalage important entre les objectifs affichés par l’UE en ce qui concerne les dimensions transversales (genre, droits de l’homme, VIH-SIDA, environnement) et leur prise en compte effective au niveau des stratégies de coopération régionale (10ème et 11ème FED) et dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des interventions. Au niveau de la formulation des interventions, les mécanismes, internes à l’UE, de prise en compte des dimensions transversales

179 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 311-316. 180 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 316-322.

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dans les interventions ont été renforcées et normalisées au cours de la période (en particulier pour les dimensions sociales incluant le genre et environnementales), avec une analyse systématique à l’étape de la formulation des interventions. Ces mécanismes ont permis un renforcement de l’intérêt accordé aux dimensions transversales. Cependant, ils ont également engendré une standardisation de l’approche181 qui ne compense pas l’absence d’analyses socio-économiques approfondies permettant d’appréhender correctement ces problématiques en amont des interventions. Par la suite, les cadres logiques des interventions n’explicitent pas la manière dont ces dimensions vont être prises en compte ou alors les actions envisagées sont marginales dans l’objectif global des interventions et leur portée reste limitée. Enfin, lorsqu’ils existent, les dispositifs de suivi-évaluation des interventions régionales ne prennent pas ou peu en compte les questions transversales182. En ce qui concerne le genre spécifiquement, les dispositifs de suivi-évaluation ne comportent pas systématiquement d’indicateurs désagrégés et, lorsqu’ils en ont, ils sont rarement renseignés.

Les facteurs explicatifs de cette prise en compte marginale des dimensions transversales sont: i) la faiblesse voire l’absence d’analyses socio-économiques approfondies permettant d’appréhender correctement ces problématiques suffisamment en amont de la définition des interventions et de proposer ainsi des mesures adaptées ; ii) des ressources humaines en charge de la mise en œuvre des interventions rarement sensibles et/ou formées à ces questions tant au niveau des équipes en charge de la coordination et de la mise en œuvre des interventions (UE, OR, AT), que des consultants en charge des exercices de monitoring et d’évaluation ; iii) une focalisation des ressources humaines sur l’atteinte des objectifs souvent ambitieux des programmes et qui ne permettent de tenir compte de ces aspects que de manière marginale ; iv) enfin, un manque d’appui des services du siège pour mieux savoir comment intégrer ces dimensions. Du côté des organisations régionales, la prise en compte des dimensions transversales est restée très faible et il semble que l’UE n’ait pas réussi à impulser une amélioration de la situation dans le cadre de sa coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest au cours de la période sous revue.

4.8 QE 8 – Coordination, complémentarité et cohérence

Champ couvert et logique d’intervention: Cette question de portée générale porte sur l’ensemble de la stratégie de coopération de l’UE avec la région Afrique de l’Ouest au cours de la période 2008-2016. Elle vise à traiter quatre critères d’évaluation et éléments-clés auxquels l’UE accorde une attention particulière : la coordination avec les autres partenaires techniques et financiers, la complémentarité et la valeur ajoutée des interventions des institutions européennes vis-à-vis de celles des Etats-membres de l’UE et, enfin, la cohérence de l’action de l’UE dans les différente dimensions de ses relations avec la région Afrique de l’Ouest183.

Réponse à la question :

QE 8

Dans quelle mesure la stratégie de coopération de l’UE avec l’Afrique de l’Ouest a-t-elle été coordonnée avec les interventions des autres bailleurs de fonds, complémentaire de celles des Etats-membres et a été formulée et mise en œuvre de manière cohérente ?

Les mécanismes de coordination de l’aide au processus d’intégration régionale ouest-africain ont été renforcés au cours de la période, débouchant sur un meilleur partage d’information entre acteurs et, dans certains secteurs, une meilleure coordination opérationnelle. Cependant, en l’absence d’exercice de

181 Avec des cadres communs à tous les secteurs et interventions, bien que des niveaux différents de prise en compte existent

selon les catégories de projets. 182 Absence de situation de départ permettant de mesurer les évolutions environnementales et sociales et de cibles, des indicateurs

portant sur les activités et non sur les résultats, absence de reporting et non utilisation des cadres logiques dans un certain nombre de cas pour suivre les avancées.

183 Valeur ajoutée et cohérence constituent des critères d’évaluation spécifiques à l’UE.

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programmation conjointe des stratégies de coopération des différents acteurs, cela ne s’est pas traduit par une convergence renforcée, ni par un renforcement du dialogue sur les politiques. La coordination et la division du travail entre l’UE et ses Etats-membres en matière de coopération régionale en Afrique de l’Ouest s’avère également limitée. Il apparaît un décalage important entre la forte valeur ajoutée dont dispose l’UE en matière d’appui à l’intégration régionale et l’absence de valorisation de ces compétences pour partager, avec les homologues ouest-africains, l’expérience concrète du processus d’intégration régionale de l’UE. La faible visibilité du soutien de l’UE aux actions régionales hypothèque également l’efficacité du dialogue sur les politiques (lorsqu’il a lieu) dans la mesure où elle prive l’UE d’un levier supplémentaire pour favoriser les changements (de politiques, institutionnels,…) visés par les interventions de coopération régionale.

La cohérence et les synergies entre les différents secteurs de coopération régionale et, au sein d’un même secteur, entre actions mises en œuvre et instruments mobilisés, ont été problématiques tout au long de la période sous revue, en raison de la fragmentation des appuis et d’une coordination et concertation interne à l’UE insuffisantes. Ces constats sont renforcés en fin de période avec la fragmentation de l’exécution des programmes entre différentes agences d’exécution. Pour ce qui concerne les interactions entre la stratégie de coopération régionale et d’autres politiques de l’UE, le bilan est variable d’un secteur à l’autre.

4.8.1 Analyse des processus et modalités de définition et de suivi de la mise en œuvre de la stratégie de coopération régionale de l’UE184

Le processus de préparation des PIR pour l’Afrique de l’Ouest au cours de la période sous revue (10ème et 11ème FED) n’a pas fait l’objet d’une réflexion concertée avec les autres PTF. Il n’existe pas de mécanisme de concertation entre l’UE et les autres PTF à cet effet. Des mécanismes de coordination formalisés existent entre les ORDM et leurs PTF, mais ils sont peu dynamiques185 et s’apparentent davantage à des échanges d’information sur le portefeuille de programmes actifs des différents PTF qu’à de réels mécanismes de coordination de l’aide. On note par ailleurs un manque de pro-activité des ORDM sur ces questions. Cette situation résulte principalement des facteurs suivants : i) des effectifs insuffisants (au sein de ces organisations) pour permettre une consultation élargie dans les différents secteurs, ii) un manque de coordination / concertation entre les deux ORDM et iii) les réticences des ORDM à partager l’information à propos des financements octroyés par chacun de leurs partenaires dans les différents secteurs.

Le nombre de mécanismes de coordination des PTF entre eux s’est multiplié au cours de la période (dont certains à l’initiative de l’UE), principalement au niveau des partenaires de la CEDEAO. Si ces cadres de concertation ont permis d’améliorer le partage d’information entre PTF, les résultats de ces investissements ont été limités en termes de programmation conjointe de l’aide et de coordination opérationnelle des interventions : i) il n’existe toujours pas de mapping détaillé et actualisé des interventions des différents acteurs (qui ont par conséquent une vision assez parcellaire du portefeuille des autres acteurs) ; ii) la structuration de cette coordination est restée très fragmentée ; iii) les PTF ne disposant pas tous de stratégies de coopération régionale et de bureaux régionaux, il n’est pas toujours évident d’identifier les interlocuteurs pertinents et de savoir où se situe la concertation au niveau de la coopération régionale ; iv) on note par ailleurs l’absence de « nouveaux acteurs » de cette coopération régionale qui ne s’impliquent pas dans les mécanismes de coordination (BM, BAfD), avec tous les risques que cela comporte en termes d’efficacité et d’impact de l’aide. Les analyses sectorielles indiquent que les PTF ont une analyse assez semblable des enjeux de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest et que, dans les secteurs phares où ils interviennent, il n’y a pas de grosse incohérence sectorielle, les interventions suivant une logique assez similaire. Il est cependant difficile de parler de

184 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 323-329. 185 Irrégularité de l’organisation des réunions, turn-over des personnes présentes et, dans le cas de l’UEMOA, une dynamique plus

poussée en fin de période seulement.

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convergence des stratégies de ces acteurs en l’absence de concertations spécifiques entre eux à ce sujet. De fait, chaque PTF définit son agenda de façon bilatérale et souvent selon une logique top-down. Dans certains cas, une bonne coordination opérationnelle est notée (SANAD&R, commerce). Dans les secteurs « paix et sécurité », « environnement » et « intégration économique régionale », la convergence est restée limitée par le nombre élevé de PTF impliqués sur ces thématiques et par la faible coordination de l’aide. Dans le cas des appuis institutionnels aux ORDM, les appuis sont restés dispersés.

4.8.2 Analyse de la complémentarité de la stratégie de coopération régionale de l’UE avec celles des Etats-membres et analyse de la valeur ajoutée de l’action communautaire de l’UE186

La coordination et la division du travail entre l’UE et ses Etats-membres s’avèrent limitées. Si les Etats-membres sont informés des actions de coopération régionale programmable, les PIR 10ème et 11ème FED pour l’Afrique de l’Ouest n’ont pas fait l’objet d’une programmation conjointe. Par ailleurs, il n’existe pas de mécanisme de concertation entre l’UE et les Etats-membres à cet effet alors que certains d’entre eux (France, Allemagne et Espagne notamment) initient et financent des actions régionales. La montée en puissance en fin de période de nouveaux instruments de coopération (FFU et blending) modifie les relations entre l’UE et les agences des Etats-membres, mais cela n’est pas forcément favorable à une avancée dans la division du travail dans la mesure où les ressources sous forme de dons viennent uniquement de l’UE. En effet, les agences des Etats-membres exerçant alors exclusivement une fonction d’agence d’exécution de financements de l’UE, il n’y a pas matière à définir une répartition des rôles entre la stratégie de coopération régionale de l’Etat membre concerné et celle de l’UE.

L’UE a une valeur ajoutée et une légitimité reconnues dans le domaine de l’appui au processus d’intégration régionale en raison i) de sa nature d’entité d’intégration régionale et ii) de l’ampleur des moyens mobilisés187. Cependant, l’UE ne valorise pas suffisamment les compétences dont elle dispose en tant qu’entité d’intégration régionale. Dans les différents secteurs de coopération régionale, il y a eu très peu de mobilisation de fonctionnaires des différentes directions générales de la Commission européenne (sous forme de missions en Afrique de l’Ouest ou d’accueil à Bruxelles de cadres de la CEDEAO ou de l’UEMOA) pour partager avec leurs homologues ouest-africains l’expérience concrète du processus d’intégration régionale au sein de l’UE.

Les actions des organisations régionales étant peu visibles, les appuis régionaux de l’UE sont, par ricochet, peu visibles. La multiplication, au cours de la période sous revue, des agences d’exécution188 (et les postures spécifiques de certaines d’entre elles) affaiblit la visibilité de l’UE dans les projets régionaux concernés au profit de ces agences. Cette faible visibilité du soutien de l’UE aux actions régionales hypothèque l’efficacité du dialogue sur les politiques (lorsqu’il a lieu) dans la mesure où elle prive l’UE d’un levier supplémentaire pour favoriser les changements (de politiques, institutionnels…) visés par les interventions de coopération régionale.

186 Pour une analyse plus détaillée, voir : annexe 1, pp. 329-332. 187 Evolution de ses engagements depuis le 8ème FED, doublement de l’enveloppe entre le 10ème et le 11ème FED. 188 Le recours croissant à des agences d’exécution résulte des difficultés opérationnelles des OR pour la définition/coordination,

la mise en œuvre et le suivi des interventions, difficultés qui ont été à l’origine de retards importants dans la mise en œuvre des interventions du 9ème et 10ème FED.

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4.8.3 Analyse de la cohérence des interventions de l’UE en Afrique de l’Ouest entre elles189

La cohérence et les synergies entre les différents secteurs de coopération régionale et, au sein d’un même secteur, entre actions mises en œuvre et instruments mobilisés, ont été problématiques tout au long de la période sous revue en raison notamment i) de la fragmentation des appuis qui relèvent de différents niveaux de coopération (national / régional), de différents instruments (FED, FFU, Instrument contribuant à la paix et à la stabilité (ICSP)…) et de différents secteurs et ii) d’une coordination et concertation interne à l’UE insuffisantes. Ainsi, par exemple, de nombreuses actions soutenues par l’UE au cours de la période ont concerné les zones frontalières (facilitation du transit, lutte contre le terrorisme et les trafics illicites, contrôle des migrations irrégulières…). La recherche de cohérence et de synergies entre ces différentes actions s’est toutefois avérée faible. Ces constats sont renforcés en fin de période avec la fragmentation de l’exécution des programmes entre différentes agences d’exécution.

Dans le secteur « paix et sécurité », l’analyse des interactions entre les interventions relevant de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et celles menées au titre de la coopération au développement a été conduite à partir de l’étude plus particulière du programme « contre-terrorisme Sahel » (CT Sahel). Les enseignements tirés en termes de cohérence, coordination et synergies entre interventions relevant de différentes politiques de l’UE sont résumés dans l’encadré ci-dessous.

Encadré 5 – Synthèse de l’étude de cas : Le programme contre-terrorisme Sahel190

Le programme CT Sahel, financé par l’IcSP de 2011 à 2016 pour un montant de 8,7 M€, poursuivait un triple objectif : i) la création d’un pôle de connaissance sur le crime organisé et le terrorisme, ii) le renforcement des capacités locales en matière de prévention et iii) l’amélioration des capacités des Etats à poursuivre et réprimer les actes terroristes. Il comprenait deux volets: un volet national, (Mali, Mauritanie et Niger ; et, ensuite, Burkina Faso et Tchad) et un volet régional, le Collège Sahélien de Sécurité (CSS). Le programme a été mis en œuvre alors que le Sahel connaissait de nombreux évènements politiques et militaires, qui ont conduit à l’intervention de nombreux acteurs, notamment l’UE (trois missions PESC : EUCAP Sahel Niger 2012, EUTM Mali 2013 et EUCAP Sahel Mali 2014) ou certains de ses Etats-membres (interventions militaires de la France : Serval 2013, puis Barkhane 2014). Les initiatives prises, avec le soutien de l’UE, par des organisations continentales ou régionales sont également nombreuses (AFISMA, MINUSMA, MNJTF et force conjointe du G5 Sahel).

Si ce nouvel « embouteillage sécuritaire »191 renforce l’importance d’une plus grande cohérence au sein des interventions de l’UE, d’une meilleure complémentarité avec celles de ses Etats-membres et d’une plus forte coordination avec les autres institutions, il ne semble pas y avoir eu de stratégie à cet effet. D’une part, il n’y a pas eu de mécanisme visant à assurer la cohérence entre les interventions (PESC, IcSP et FED). D’autre part, sur le terrain, la circulation de l’information entre les actions relevant de différents instruments européens mais agissant sur le même théâtre d’opération et sur des sujets connexes s’est heurtée à de nombreux obstacles.

En matière de lutte contre le terrorisme, l’efficacité des appuis de l’UE est affaiblie par i) l’absence d’un réseau thématique de partage d’information, ii) un manque de coordination entre les interventions relevant de différents instruments mais concernant la même institution (cas du G5 Sahel) et iii) des synergies insuffisantes entre les appuis orientés vers différentes institutions mais poursuivant le même objectif (cas des soutiens apportés, d’une part, au G5 Sahel et à la MNJTF et, d’autre part, à la CEDEAO). Ce fonctionnement en silos a été accentué par le fait qu’il n’y avait pas de conseiller « sécurité / défense » dans toutes les délégations, qui aurait pu centraliser et faire circuler l’information. Cette complexité institutionnelle et ce manque de coordination entre les différentes interventions affaiblissent aussi considérablement la fonction de contrôle du Parlement européen192.

189 La cohérence vis-à-vis de l’objectif global de la stratégie est analysée dans la QE 1. Pour une analyse plus détaillée de cette

section, voir : annexe 1, pp. 332-341. 190 Voir présentation détaillée de l’étude de cas en annexe n°10 191 Crisis Group, “Force du G5 Sahel: Trouver sa place dans l’embouteillage sécuritaire”, Rapport n°258, 12 Décembre 2017. 192 Parlement Européen, Le Sahel: un enjeu stratégique pour l'Union européenne, Briefing Novembre 2017.

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Au cours de la période 2008-2016, la convergence des agendas de la DG TRADE et de la DG DEVCO a été renforcée. Les liens commerce-développement ont été resserrés, le commerce étant devenu au fur et à mesure des négociations sur l’APE et le TEC, un point important de l’agenda de développement des pays d’Afrique de l’Ouest. En fin de période, la collaboration entre les DG TRADE et DEVCO apparaît aussi renforcée : à Bruxelles, la DG TRADE est impliquée dans les phases de formulation des programmes et assure un rôle de suivi technique au moment de la mise en œuvre. Ceci n’empêche pas des divergences de vue 193 mais celles-ci s’expliquent notamment par des perspectives d’action différentes. L’installation d’experts de la DG TRADE dans deux DUE (au Nigéria et en Côte d’Ivoire194) a contribué à ce rapprochement entre commerce et développement, notamment au niveau du dialogue sur les politiques, même si à l’heure actuelle, sans accord sur l’APE régional, celui-ci s’opère essentiellement à une échelle nationale (dans chacun des trois pays couverts). La coordination des interventions sur le terrain reste cependant compliquée et s’avère souvent déficiente. L’importance croissante donnée au commerce et au développement du secteur privé dans les agendas de développement et le déploiement attendu du Plan européen d’investissement vont rendre cette coordination indispensable.

La période sous revue correspond à un mouvement de rapprochement important entre les DG ECHO et DEVCO concernant le secteur « SANAD&R », qui s’est notamment traduit par l’adoption d’une stratégie conjointe des deux DG en 2012195. Au niveau de l’Afrique de l’Ouest, ce rapprochement, initié par ECHO, s’est notamment traduit par un appui conjoint à l’alliance AGIR. Il en résulte une bonne cohérence stratégique entre priorités de coopérations sectorielle et priorités inscrites dans les HIP (Humanitarian Implemenation Plan de la DG ECHO) successifs, notamment en ce qui concerne l’appui aux systèmes d’information sur la sécurité alimentaire (SISA) et le projet d’appui à la réserve régionale de sécurité alimentaire. L’inscription du secteur « SANAD&R » comme secteur de concentration dans la plupart des PIN et l’augmentation des financements alloués à ce secteur entre les PIR 10ème et 11ème FED ont été influencées par ce rapprochement stratégique. Outre des transferts importants de ressources depuis les PIR 10ème et 11ème FED vers les HIP successifs, ce rapprochement a abouti à des complémentarités, dans de nombreux pays de la région, en matière i) d’appui aux SISA, ii) d’appui aux dispositifs nationaux de prévention et gestion des crises alimentaires et iii) de dialogue sur les politiques. D’autre part, une partie importante des ressources programmées sur le Pilier « SANAD&R » du PIR 11èmeFED a été réaffectée au FFU à partir de 2016. Celui-ci est utilisé comme un instrument LRRD (Linking Relief, Rehabilitation and Development) mais permet essentiellement la mise en place d’actions de niveau national, voire local. Ces collaborations accrues ont notamment été facilitées par une présence croissante de personnel d’ECHO dans la région, une participation accrue à des réseaux et plateformes de travail communs et à l’existence du bureau ECHO de Dakar dédié aux questions régionales. Malgré ce mouvement de rapprochement stratégique, ECHO exprime un certain scepticisme sur les résultats de la stratégie de renforcement des capacités des institutions régionales et nationales, notamment en matière de SISA et sur la priorité effective accordée aux problématiques de prévention de la malnutrition par les acteurs régionaux et nationaux. De son côté, DEVCO s’interroge sur les impacts et la soutenabilité des actions de filets sociaux, dont l’exécution est souvent déléguée à des acteurs privés.

193 Pour les pays signataires des APE intérimaires (Côte d’Ivoire et Ghana), la DG TRADE souhaitait que des appuis au

commerce soient inscrits dans les PIN 11ème FED avec des actions de moindre envergure financière et davantage ciblées sur le renforcement de capacités.

194 Ce pays est bénéficiaire de l’APE intérimaire. Les experts de la DG TRADE basés à la DUE de Côte d’Ivoire couvrent aussi l’autre pays bénéficiaire de l’APE intérimaire, à savoir le Ghana.

195 Com 586: The EU Approach to Resilience: Learning From Food Security Crises.

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5. Conclusions et recommandations

5.1 Conclusions

Les 11 conclusions auxquelles l’évaluation aboutit sont organisées selon les critères d’évaluation de l’UE (cf. « Better Regulation ») et certaines questions clés. Elles sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1 – Récapitulatif des conclusions

Critères / Questions clés

Conclusions Questions

d’évaluation correspondantes

Pertinence

C 1 – La vision qui sous-tend la coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest s’exprime aujourd’hui de manière nettement moins claire qu’il y a dix ans.

QE 1

QE 2 à 6

C 2 – La coopération régionale a porté sur les principaux défis d’intégration auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée, mais, pour plusieurs programmes importants, les théories du changement ont présenté de fortes lacunes.

QE 2 à 6

C 3 – La coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest s’est adaptée à l’évolution du contexte. Cependant, elle n’a pas suffisamment tiré les enseignements des interventions antérieures.

QE 1

QE 2 à 6

Efficacité

C 4 – Une grande partie des produits attendus des appuis régionaux de l’UE ont été obtenus. En revanche, il y a peu de domaines pour lesquels ces produits se sont traduits par des contributions significatives aux résultats attendus.

QE 2 à 6

Efficience C 5 – Au cours de la période évaluée, l’efficience des programmes de coopération régionale, bien que difficile à mesurer, s’avère mitigée.

QE 2 à 6

QE 7

Impact et durabilité

C 6 – La durabilité des actions de coopération régionale de l’UE est faible, en raison principalement d’une appropriation superficielle par les organisations régionales et par leurs Etats-membres.

QE 2 à 6

C 7 – Au niveau des impacts spécifiques, la contribution de la coopération régionale de l’UE aux progrès constatés ou à la limitation de la dégradation de la situation a été faible.

QE 2 à 6

Coordination et valeur ajoutée de l’UE

C 8 – La valeur ajoutée « naturelle » de l’UE en matière d’appui à l’intégration régionale se manifeste peu.

QE 8

Complémentarité et cohérence

C 9 – Au sein des secteurs de coopération, et entre ceux-ci, la complémentarité, la cohérence et les synergies sont globalement insuffisantes.

QE 1

QE 7

QE 8

Questions transversales

C 10 – La prise en compte effective des dimensions transversales (genre, droits de l’homme, VIH-SIDA, environnement) dans les actions de coopération régionale de l’UE est finalement faible.

QE 7

Renforcement des capacités

C 11 – La coopération régionale de l’UE accorde des moyens importants au renforcement des capacités des acteurs, en particulier les ORDM. Les appuis dans ce domaine sont menés sans diagnostic initial approfondi et, sauf quelques exceptions, aboutissent à peu de résultats.

QE 7

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5.1.1 Conclusion générale

Au début de la période évaluée, la coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest était marquée (à l’instar de la période précédente) par une projection du schéma d’intégration à l’œuvre au sein de l’UE, c’est à dire une approche basée sur le droit. En raison notamment d’une faible prise en considération des facteurs politiques, sociaux et économiques qui font obstacle à une telle approche, la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest a abouti à peu de résultats durables. Le doublement de l’enveloppe régionale entre le 9ème et le 10ème FED est lié aux enjeux de la négociation d’un accord de libre-échange (APE) entre les deux régions plutôt qu’aux performances de la coopération régionale. De même, le nouveau doublement survenu entre le 10ème et le 11ème FED repose davantage sur la prise en compte de nouvelles interdépendances entre les deux régions (sécurité et migration notamment) que sur l’obtention de résultats significatifs en termes de progression de la coopération et de l’intégration régionales au sein de l’espace ouest-africain. Malgré les améliorations apportées, depuis le début du 11ème FED, à la gouvernance de la coopération régionale entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest, cette coopération souffre aujourd’hui d’un déficit d’orientations communes aux deux partenaires, tant en termes de vision de l’intégration régionale que de modalités de partenariat.

5.1.2 Pertinence

Conclusion 1 – La vision qui sous-tend la coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest s’exprime aujourd’hui de manière nettement moins claire qu’il y a dix ans. Cela reflète les tensions entre les principes qui fondent l’Accord de Cotonou et les orientations de la récente stratégie globale de l’UE en matière de politique étrangère et de sécurité.

Il y a dix ans, au démarrage du PIR 10ème FED, la coopération UE – Afrique de l’Ouest reposait sur un projet d’intégration régionale assez clair, comprenant trois grands axes :

Le soutien à une intégration économique de type libéral, à travers la mise en place d’une Union douanière et la négociation d’un accord de libre-échange avec l’UE (APE régional), des actions de mise à niveau de la compétitivité du secteur privé et le développement d’infrastructures régionales (transport principalement). Ce premier axe reposait sur l’hypothèse selon laquelle l’approfondissement de l’intégration régionale favoriserait la croissance économique, laquelle bénéficierait « automatiquement » à toutes les catégories de population et à tous les territoires (processus de percolation)196.

Le renforcement du rôle de la CEDEAO en matière de consolidation de la paix et de la sécurité, ceci en lien avec l’architecture institutionnelle (APSA) définie par l’UA.

Le soutien à des actions de coopération régionale visant à traiter des interdépendances ou des problèmes communs, tels que les aires protégées transfrontalières, la prévention des crises alimentaires…

L’élaboration et la mise en œuvre de cette coopération régionale entre l’UE et l’Afrique de l’Ouest étaient alors régies par l’esprit (et la lettre) de l’Accord de Cotonou. Aujourd’hui, l’UE, dans le cadre de l’affirmation de sa politique étrangère et de sécurité commune197, veut mieux défendre ses intérêts et préserver sa sécurité, ce qui a des conséquences sur les orientations (et les modalités) de sa politique de coopération au développement. Ce tournant, qui est affirmé dans la « stratégie globale » (Mogherini, 2016) et dans le Nouveau consensus européen pour le développement (2017), concerne particulièrement l’Afrique de l’Ouest du fait des phénomènes

196 L’UE a suivi, elle aussi, une intégration de type libéral mais accompagnée par de puissants instruments d’intervention publique

(Politique agricole commune, fonds structurels…). 197 Cette affirmation plus forte de la politique étrangère et de sécurité de l’UE est l’une des conséquences du Traité de Lisbonne

et de la création du SEAE.

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qui s’y produisent (mouvements terroristes, migrations vers l’Europe, trafics de drogues…) et de leurs répercussions sur l’Europe en raison notamment de la proximité géographique des deux espaces.

Parallèlement à cette évolution du positionnement de l’UE en tant qu’acteur majeur de la coopération au développement, d’autres changements se sont produits. Dans le domaine économique, le « projet d’intégration régionale » est en panne un peu partout dans le monde : la vision d’une mondialisation libérale, régulée par des accords entre grands ensembles régionaux sous l’égide de l’OMC est en recul. Au niveau de l’Afrique de l’Ouest, malgré l’adoption de textes importants (TEC, ZLE), l’intégration économique formelle progresse peu tandis que l’APE régional est en panne. Enfin, il existe un décalage entre, d’une part, les orientations données par l’UE en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités et, d’autre part, la stratégie d’intégration économique régionale en Afrique de l’Ouest (soutenue par l’UE) qui, jusqu’à présent, accorde peu d’attention à l’inclusion de tous les territoires et de toutes les catégories sociales dans la croissance économique.

Dans le secteur « paix et sécurité », en Afrique de l’Ouest, les défis se sont intensifiés et leur nature s’est diversifiée. Si la CEDEAO est plutôt bien outillée pour traiter cette diversification des menaces, il se pose un problème de mandat géographique. En effet, les mouvements terroristes qui déstabilisent la région se déploient sur des territoires qui sont à cheval sur plusieurs communautés économiques régionales (CER) : Afrique de l’Ouest et Afrique centrale pour Boko Haram ; Afrique de l’Ouest et Afrique du Nord pour AQMI et les autres groupes actifs dans la zone saharo-sahélienne. De ce fait, l’UE soutient d’autres institutions, telles que la force conjointe bassin du Lac Tchad et la force conjointe du G5 Sahel, qui interviennent en partie dans l’espace de la CEDEAO, la coordination avec celle-ci étant assez limitée.

Ce qui se passe dans le secteur « paix et sécurité » reflète la question plus globale de l’articulation entre ce que l’on appelle couramment « les coopérations fonctionnelles multi-pays » avec les processus d’intégration à l’échelle d’une CER telle que la CEDEAO. Dans ses actions en Afrique de l’Ouest, l’UE a toujours combiné les deux types d’appui, ceci dans des proportions variables au fil du temps. Au début de la période évaluée, la priorité était clairement donnée à l’intégration régionale telle que définie et pilotée par les deux ORDM, CEDEAO et UEMOA. En fin de période, une certaine réorientation a été réalisée au profit d’actions multi-pays soit sous l’égide d’une institution intergouvernementale (cas des appuis au G5 Sahel), soit sous la seule impulsion de l’UE (cas d’actions multi-pays financées par le FFU). Cette inclinaison de l’UE vers la coopération multi-pays s’effectue sans qu’un bilan de ce type d’actions n’ait réellement été dressé, alors qu’il existe une expérience assez riche en la matière dans certains secteurs (par exemple : environnement, appuis à la société civile, sécurité alimentaire).

Il semble donc que le tableau soit brouillé à deux niveaux (reliés entre eux). D’une part, en Afrique de l’Ouest et en Europe, les projets d’intégration régionale sont moins consensuels (parmi les dirigeants) et suscitent guère d’adhésion de la part des opinions publiques. D’autre part, l’UE a évolué dans sa conception du rôle de la coopération au développement, en particulier en Afrique de l’Ouest du fait des diverses interdépendances qui la lient à cette région ; cette évolution du positionnement de l’UE, qui se traduit déjà dans les faits, se trouve en tension avec les textes qui régissent encore la coopération régionale, ce qui pèse sur le dialogue avec les deux ORDM. Ces deux éléments conduisent à ce que les différentes parties prenantes, au sein des institutions européennes et des ORDM d’Afrique de l’Ouest, ressentent fortement l’existence d’un flou sur le cap qui guide aujourd’hui la coopération entre les deux régions. Dans ce contexte, l’absence de refondation d’un projet de coopération régionale, dont les objectifs et le périmètre serait réellement partagé entre les parties prenantes (l’UE et les acteurs d’Afrique de l’Ouest), se fait ressentir de manière aiguë.

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Conclusion 2 – La coopération régionale a porté sur les principaux défis d’intégration auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée, mais les théories du changement ont présenté de fortes lacunes et les objectifs poursuivis n’ont pas été suffisamment hiérarchisés.

Les domaines couverts et les objectifs poursuivis par les appuis régionaux de l’UE présentent une forte pertinence au regard des caractéristiques de l’Afrique de l’Ouest (faible diversification du tissu économique et des échanges intra-régionaux, intensification des menaces sur la sécurité et la stabilité, fréquence accrue des crises alimentaires…) et des « besoins d’intégration régionale » pour surmonter ces nombreux défis. En dépit des flous ou des interrogations qui se manifestent à l’heure actuelle à propos de ses orientations (cf. conclusion 1), cette coopération régionale est donc tout à fait justifiée.

Néanmoins, les analyses sectorielles (cf. QE 2 à 6) ont fait ressortir l’existence d’importantes lacunes dans la conception de plusieurs grands programmes de la coopération UE – Afrique de l’Ouest. Ces lacunes dans les théories du changement sectoriels se situent à plusieurs niveaux sont de différents types :

Des objectifs et, surtout, des résultats qui sont trop ambitieux au regard de la durée des interventions et des moyens (financiers et humains) alloués.

Une sous-estimation des obstacles politiques et économiques à la mise en œuvre effective de l’intégration régionale, celle-ci restant souvent un objectif affiché mais pas réellement porté par les dirigeants politiques de la région.

Une sous-estimation des difficultés techniques à l’application de certaines mesures (par exemple : harmonisation informatique des services des douanes).

Une articulation insuffisante entre les actions de coopération de l’UE au niveau national et celles au niveau régional ; ceci est particulièrement important dans une région où la plupart des pays sont des PMA, fortement dépendants de l’aide extérieure et dont les relations avec les institutions internationales (FMI, Banque Mondiale…) reposent sur une analyse de leurs performances nationales, sans réellement tenir compte du respect ou non de leurs engagements régionaux (cf. réponse à la QE 3).

Cela se traduit par des cadres logiques dans lesquels les hypothèses sont insuffisamment approfondies (pas d’identification des gagnants et des perdants de l’intégration) et les mesures d’atténuation et de suivi des risques trop peu développées.

A ces problèmes de conception des interventions sectorielles, s’ajoute la trop grande ampleur du champ thématique couvert par la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest dans son ensemble. Les deux ORDM ont des mandats et des feuilles de route très ambitieux au regard des ressources (humaines – nombre, compétences et motivations – et financières) dont elles disposent ; et la coopération de l’UE n’a pas contribué à définir des priorités, ni à concentrer les interventions régionales sur un nombre limité de secteurs et sous-secteurs.

Conclusion 3 – La coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest s’est adaptée à l’évolution du contexte. Cependant, d’une période à l’autre, elle n’a pas suffisamment tiré les enseignements des interventions antérieures.

Lors de l’exécution du PIR 10ème FED, dans le domaine « sécurité alimentaire et nutritionnelle », la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest a fait preuve d’adaptation au contexte, avec l’accent mis sur la prévention / gestion des crises alimentaires alors que la programmation initiale du PIR 10ème FED portait davantage sur l’amélioration de la productivité de l’agriculture. Cette réorientation sectorielle partielle constituait une réponse pertinente face à l’augmentation de la fréquence des crises alimentaires dans la région.

En 2015, face à la multiplication des crises de divers types au Sahel (et dans d’autres régions d’Afrique) et des questions migratoires en Europe, l’UE a créé un nouvel outil, le Fonds

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fiduciaire d’urgence (FFU). Celui-ci a été approvisionné, entre autres sources de financement, par le PIR 11ème FED Afrique de l’Ouest (transfert de 200 M€ sur une enveloppe totale du PIR s’élevant à 1.150 M€). Avec le FFU, mais également l’IcSP, la FAP et les lignes thématiques, la coopération régionale de l’UE a disposé, aux côtés du PIR, d’une gamme d’instruments ou programmes susceptibles de traiter la diversité des défis auxquels la région Afrique de l’Ouest est confrontée. Cette multiplication des outils de coopération régionale a eu cependant un coût en termes de cohérence, complémentarité et synergies entre les différentes interventions, notamment dans le secteur « paix et sécurité » (cf. conclusion 9).

De plus, les aspects positifs de cette « plasticité » de la coopération régionale sont amoindris par le fait que, dans plusieurs domaines (ou sous-domaines), les nouvelles interventions n’ont pas suffisamment tiré les enseignements des interventions précédentes ; en particulier, les causes de la non obtention de certains résultats n’ont pas été analysées en profondeur. Cela renvoie pour une large part i) aux lacunes des dispositifs de suivi-évaluation des programmes régionaux (accentués par les carences des OR en matière de suivi-évaluation de l’intégration régionale), ii) aux retards pris dans l’exécution des programmes des PIR 9ème et 10ème FED (de ce fait, les nouveaux programmes sont formulés alors que les précédents ont à peine démarré), iii) à la fragmentation de la mise en œuvre entre diverses agences d’exécution (ce qui ne facilite pas une vue d’ensemble des résultats obtenus dans un domaine particulier), iv) au manque de continuité de la coopération de l’UE sur certains thèmes (filières agricoles, par exemple) et v) au turn-over du personnel de la Commission européenne (au siège et dans les DUE) sans mécanisme structuré de transmission de la mémoire institutionnelle (au sens large). Ces différents facteurs ont pesé négativement sur l’efficacité, l’efficience, la durabilité et l’impact de la coopération régionale de l’UE.

5.1.3 Efficacité

Conclusion 4 – Une grande partie des produits attendus des appuis régionaux de l’UE ont été obtenus. En revanche, il y a peu de domaines pour lesquels ces produits se sont traduits par des contributions significatives aux résultats attendus.

Le niveau de réalisation des produits est satisfaisant pour une large majorité des secteurs et sous-secteurs couverts par la coopération régionale de l’UE. Les quelques sous-secteurs pour lesquels les appuis régionaux n’ont pas abouti aux produits attendus sont : le marché commun des investissements, la facilitation du transit routier inter-Etats, le développement de la production et des filières agricoles, la gouvernance régionale des ressources naturelles ainsi qu’une large part des appuis institutionnels aux ORDM.

Dans tous les secteurs de coopération, les appuis régionaux de l’UE ont contribué à des avancées en termes de prise de conscience de problèmes (p. ex. : gestion durable des terres, surcharge routière…), de développement de méthodologies communes (pilotage de la gestion des finances publiques, diagnostic de l’insécurité alimentaire conjoncturelle, connaissance des circuits de trafic de drogue…) ou d’adoption de stratégies, politiques ou règlements communautaires (libre-circulation des biens et des personnes, normes qualité, politique agricole régionale…). Ce sont des acquis importants.

Cependant, en général, ces contributions positives ne se sont pas traduites par l’application effective des règles communautaires par les pays d’Afrique de l’Ouest ou la réalisation d’investissements répondant aux enjeux identifiés à l’échelle régionale. Les facteurs explicatifs de cette faible efficacité (au niveau des résultats) sont multiples, en particulier : i) la conception des programmes qui, pour la plupart, privilégient une approche par le droit (reprenant ainsi un des traits majeurs de la construction européenne) sans accorder suffisamment d’attention à l’analyse des coalitions d’acteurs favorables ou défavorables à l’avancée de l’intégration régionale ; ii) la faible place accordée aux questions régionales dans le dialogue sur les politiques que l’UE conduit

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au niveau national (le non-respect par les Etats d’Afrique de l’Ouest de leurs engagements régionaux est rarement à l’agenda du dialogue sur les politiques mené par l’UE avec chacun de ces Etats) et iii) les difficultés ou faiblesses rencontrées dans les modes de gestion de la coopération régionale (cf. conclusions 5 et 9).

5.1.4 Efficience

Conclusion 5 – Au cours de la période évaluée, l’efficience de la stratégie de coopération régionale, bien que difficile à mesurer, s’avère mitigée.

L’appréciation de l’efficience d’une stratégie de coopération représente un exercice difficile, a fortiori lorsqu’il s’agit de coopération régionale. Si l’on considère le niveau relativement satisfaisant des produits obtenus par les appuis de l’UE au niveau régional (cf. conclusion 4), l’efficience des inputs alloués à la coopération régionale peut être considérée comme assez élevée. En revanche, si l’on prend en compte le faible niveau des résultats atteints (cf. conclusion 4), d’une part, et les retards très importants enregistrés dans la mise en œuvre de nombreux programmes, d’autre part, l’efficience apparaît alors comme assez basse.

Les mauvaises performances en termes de calendrier d’exécution résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : i) lacunes dans la conception des programmes (théories du changement peu robustes, sous-estimant les obstacles et les risques) ; ii) manque de capacités, principalement organisationnelle et de gestion, des ORDM pour exécuter, ou faire exécuter, les actions dont elles ont la responsabilité ; iii) faibles performances de certaines agences d’exécution et iv) absence de réelle coordination entre la CEDEAO et l’UEMOA (avec des programmes 9ème et 10ème FED qui étaient « découpés » entre les deux organisations). Par ailleurs, dans certains cas, le recours à des agences d’exécution, celles-ci étant sélectionnées sans mise en concurrence, semble se traduire par des coûts de mise en œuvre anormalement élevés.

5.1.5 Impact et durabilité

Conclusion 6 – La durabilité des actions de coopération régionale de l’UE est faible, en raison principalement d’une appropriation superficielle par les différents acteurs d’Afrique de l’Ouest concernés.

La durabilité des résultats (lorsque ceux-ci sont présents) de la coopération régionale de l’UE est globalement faible, quel que soit le secteur considéré. Les facteurs explicatifs de cette situation sont principalement : i) la faible appropriation par les Etats d’Afrique de l’Ouest du processus d’intégration régionale ; ii) le manque de capacités des acteurs non étatiques concernés (OSC, secteur privé…) pour contribuer plus activement à l’élaboration et au suivi des politiques régionales ; iii) les difficultés rencontrées par les organisations régionales pour exercer les mandats qui leur sont confiés par leurs Etats-membres et iv) les lacunes dans la conception et la mise en œuvre des actions de renforcement des capacités (cf. conclusion 11).

Si la CEDEAO et l’UEMOA sont toujours formellement les co-pilotes de la stratégie de coopération régionale, il apparaît que durant la période évaluée, elles se sont trouvées progressivement marginalisées dans l’exercice de cette fonction (les responsabilités de cette évolution étant partagées entre les deux ORDM et l’UE). L’option retenue dans le cadre du PIR 11ème FED, consistant à permettre aux ordonnateurs nationaux d’accéder directement aux enveloppes régionales, va dans le sens d’une meilleure implication des Etats d’Afrique de l’Ouest aux actions de coopération régionale. Cependant, cette option est appliquée de manière plus ou

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moins adéquate selon les secteurs : l’adéquation est, par exemple, plus forte dans le nouveau programme « transport » que dans celui « compétitivité »198.

Conclusion 7 – Au niveau des impacts spécifiques, la contribution, lorsqu’elle a pu être évaluée, de la coopération régionale de l’UE aux progrès constatés ou à la limitation de la dégradation de la situation a été faible.

Pour la plupart des 17 impacts spécifiques visés par la stratégie de coopération régionale de l’UE (voir figure n°4 dans le chapitre 3), la région a connu une dégradation de sa situation au cours de la période 2008-2016. Les domaines qui font exception sont : certains aspects de la gouvernance politique (participation politique, élections, processus judiciaires), la sécurité aérienne, la surcharge extrême des véhicules de transport routier et la productivité agricole. L’appréciation du rôle joué par la coopération régionale de l’UE pour favoriser les progrès constatés dans ces domaines ou pour limiter les détériorations enregistrées dans les autres représente une entreprise particulièrement difficile. Cette difficulté s’explique notamment par les fortes carences dans le suivi-évaluation des politiques régionales au niveau des ORDM (carences qui sont à relier aux faiblesses des appareils statistiques nationaux et régionaux) et par les insuffisances (voire l’absence dans certains cas) des dispositifs de suivi-évaluation des interventions de coopération régionale de l’UE.

Pour la plupart des domaines d’impact, et tout en considérant les limites méthodologiques de l’analyse, le niveau de contribution de la coopération régionale de l’UE est soit nul, soit faible. Cette absence de contribution à l’impact est constatée même pour des secteurs où la coopération régionale de l’UE intervient depuis de longues années et avec des moyens significatifs (par exemple : facilitation du commerce, transports…). Elle reflète à la fois i) l’intensité des contraintes qui pèsent sur le processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest (cf. plus haut) mais également ii) des carences dans la formulation des interventions (cf. conclusion 2), iii) les problèmes constatés en termes de calendrier d’exécution (cf. conclusion 5) et de cohérence (cf. conclusion 9) des interventions et iv) le manque de continuité des appuis de l’UE sur certaines thématiques199.

5.1.6 Valeur ajoutée UE et coordination

Conclusion 8 – La valeur ajoutée « naturelle » de l’UE en matière d’appui à l’intégration régionale se manifeste peu.

L’UE, de par son statut et son expérience d’Union économique 200 , affirme qu’elle est un défenseur « naturel » de l’intégration régionale dans les pays en développement (cf. la communication de la Commission européenne au Conseil sur l’intégration régionale, 2008). Cependant, force est de constater qu’en Afrique de l’Ouest, durant la période évaluée, cette valeur ajoutée « intrinsèque » de l’UE s’est peu exprimée. En effet, alors que l’UE a alloué des montants importants (et en forte croissance) à la coopération régionale, il s’avère que celle-ci :

est faiblement coordonnée avec les actions régionales des Etats-membres (peu nombreux il est vrai à intervenir à l’échelle régionale en Afrique de l’Ouest), excepté dans le secteur « sécurité alimentaire », et avec celles des autres partenaires techniques et financiers ;

développe peu de complémentarités ou de synergies avec les actions de coopération de l’UE au niveau national (faible articulation entre les PIN et le PIR ainsi qu’entre les différents PIN), notamment en matière de dialogue sur les politiques (cf. plus haut) ; dans

198 Dans le programme « compétitivité », la question des synergies ou, au contraire, de la concurrence potentielle entre les filières

choisies par chaque pays n’est pas posée. 199 Par exemple, dans le secteur « SANAD&R », il n’y a pas eu de continuité dans les appuis relatifs aux thématiques « filières

agricoles », « stockage régional de sécurité alimentaire » ou « gestion durable des terres ». 200 Et monétaire pour la zone euro.

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le cadre du 11ème FED, la complémentarité entre PIR et PIN s’avère plus forte pour certains secteurs, notamment celui de la sécurité alimentaire.

est en général peu visible201, que ce soit dans les actions de communication des OR ou dans celle des Etats d’Afrique de l’Ouest ; cette faible visibilité est accentuée par le recours croissant à des agences d’exécution et par la montée en puissance du blending ;

fait très peu appel à l’expertise et à l’expérience dont dispose les institutions européennes en matière de formulation / mise en œuvre / suivi de politiques régionales202.

5.1.7 Complémentarité et cohérence

Conclusion 9 – Au sein des secteurs de coopération, et entre ceux-ci, la complémentarité, la cohérence et les synergies sont globalement insuffisantes

La cohérence et les synergies entre les différents secteurs de coopération régionale et, au sein d’un même secteur, entre actions mises en œuvre et instruments mobilisés, ont été problématiques tout au long de la période sous revue, en raison de la fragmentation des appuis et d’une coordination et concertation internes à l’UE insuffisantes (notamment entre DUE régionales et nationales). Ces constats sont renforcés en fin de période avec la fragmentation de l’exécution des programmes entre différentes agences d’exécution et la mise en place de nouveaux instruments tel que le FFU.

Pour ce qui concerne les interactions entre la stratégie de coopération régionale et d’autres politiques de l’UE, le bilan est variable d’un secteur à l’autre : il est positif dans celui de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (politiques de coopération au développement – DG DEVCO et d’aide humanitaire – DG ECHO) ; il est mitigé dans celui du commerce, même si les synergies entre les DG TRADE et DEVCO se sont renforcées au cours de la période sous revue ; il est peu satisfaisant dans le secteur « paix et sécurité » où l’échange d’information et la coordination entre les missions PESC et les interventions relevant de la politique de coopération au développement s’avèrent insuffisants.

5.1.8 Questions transversales

Conclusion 10 – La prise en compte effective des dimensions transversales (genre, droits de l’homme, VIH-SIDA, environnement) dans les actions de coopération régionale de l’UE est faible.

Il existe un décalage important entre les objectifs affichés par l’UE 203 en termes de prise en compte des dimensions transversales (genre, droits de l’homme, VIH-SIDA, environnement) et l’intégration effective de ces dimensions dans les stratégies de coopération régionale (10ème et 11ème FED). Les mécanismes, internes à l’UE, de prise en compte des dimensions transversales dans les interventions ont été renforcés et normalisés au cours de la période, permettant un renforcement de l’intérêt accordé aux dimensions transversales dans les différents secteurs. Cependant, ces mécanismes ont également engendré une standardisation de l’approche qui ne compense pas l’absence d’analyses socio-économiques approfondies permettant d’appréhender correctement ces problématiques en amont des interventions (cf. conclusion 2 à propos de la faiblesse des théories du changement). Par ailleurs, cette attention accordée aux questions transversales n’a pas été suivie de mesures suffisantes au niveau de la mise en œuvre des interventions (en termes de ressources humaines spécialisées, d’objectifs spécifiques attendus dans les interventions et de dispositifs de suivi-évaluation).

201 Dans le secteur « sécurité alimentaire », les appuis régionaux de l’UE bénéficient d’une bonne visibilité. 202 Par exemple, les DG Budget, Concurrence, Economie et finances… envoient peu de fonctionnaires en mission auprès des

ORDM et accueillent peu d’homologues de la CEDEAO ou de l’UEMOA pour des échanges d’expériences. 203 Cf. : Agenda for a change, New European Consensus on Development.

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Conclusion 11 – La coopération régionale de l’UE accorde des moyens importants au renforcement des capacités des acteurs, en particulier les ORDM. Les appuis dans ce domaine sont menés sans diagnostic initial approfondi et, sauf quelques exceptions, aboutissent à peu de résultats.

Alors qu’une part significative des enveloppes de coopération régionale de l’UE est allouée au renforcement des capacités des acteurs, les dispositifs susceptibles de mesurer les résultats de ces appuis sont quasi inexistants. Toutefois, ces appuis ont rencontré des résultats mitigés dans les différents secteurs de coopération, en l’absence de stratégie d’intervention globale, tant au niveau de l’UE que des organisations concernées. Lorsque des résultats positifs sont notés, ils concernent principalement des individus et/ou des outils, avec des interrogations fortes sur l’appropriation des acquis au sein des organisations et, en conséquence, sur leur durabilité institutionnelle. Le manque de robustesse des théories du changement sur lesquelles reposent les programmes régionaux constitue, une fois de plus, l’un des facteurs explicatifs de cette situation (hypothèses insuffisamment approfondies en ce qui concerne les rôles spécifiques des organisations régionales vis-à-vis des Etats et des autres parties prenantes).

5.2 Recommandations

La présente évaluation aboutit à 13 recommandations dont 8 recommandations transversales et 5 recommandations sectorielles. Ces recommandations s’adressent toutes à la DG DEVCO, au SEAE et aux délégations en Afrique de l’Ouest en charge de la coopération régionale.

5.2.1 Recommandations transversales

Les recommandations transversales sont résumées dans le tableau ci-dessous et hiérarchisées dans la figure 5.

Tableau 2 – Résumé des recommandations et lien avec les conclusions

Recommandations Conclusions de

référence

R 1 – Préparer la poursuite de la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest

1

R 2 – Organiser des capitalisations par grands thèmes de la coopération régionale

2 et 3

R 3 – Poursuivre l’amélioration de l’organisation institutionnelle de la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest

5, 8 et 9

R 4 – Renforcer la place des questions régionales dans le dialogue sur les politiques

4, 6, 8 et 9

R 5 – Améliorer la cohérence et la synergie entre les différentes interventions 9

R 6 – Renforcer la « culture du suivi-évaluation » 7

R 7 – Renforcer la prise en compte des dimensions transversales 10

R 8 – Améliorer les démarches de renforcement des capacités 11

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Figure 5 – Importance et échéance des recommandations

NB : Court terme = d’ici à moins d’un an ; moyen terme = de un à 3 ans ; long terme = plus de 3 ans.

Recommandation 1 Préparer la poursuite de la coopération avec l’Afrique de l’Ouest

Poursuivre la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest au-delà de 2020 (terme de l’actuel 11ème programme indicatif régional). Dans cette perspective, et en lien étroit avec les réflexions relatives au « post Cotonou » :

- Préparer une communication conjointe (Commission européenne et SEAE) au Conseil et au Parlement sur le thème de l’intégration régionale dans les pays en développement, en s’appuyant notamment sur les conclusions des évaluations de coopération régionale récentes ou en cours. La préparation de cette communication constituerait une opportunité pour les différentes entités de l’UE de préciser leur vision actuelle du soutien à l’intégration régionale. Cette communication devrait être alignée sur les orientations exprimées dans le Nouveau consensus européen sur le développement, notamment celles relatives à l’inclusivité et à la durabilité des processus de croissance économique.

- En lien avec la préparation de cette communication, organiser un dialogue spécifique avec les acteurs d’Afrique de l’Ouest : organisations régionales (CEDEAO, UEMOA, CILSS, G5 Sahel, MNJTF), Etats-membres, représentants du secteur privé et organisations de la société civile. Ce dialogue relèverait pour partie du dialogue politique entre l’UE et les organisations régionales d’Afrique de l’Ouest. Il permettrait aux différentes parties prenantes, de l’UE et de l’Afrique de l’Ouest, de dresser le bilan des dix dernières années de coopération régionale à la fois en termes de contenu, de qualité du dialogue et de modes de gestion de l’aide européenne. Ce bilan porterait également sur les coopérations fonctionnelles multipays, en examinant dans quelles circonstances (et à quelles conditions) celles-ci présentent des avantages significatifs vis-à-vis de la coopération à l’échelle de l’ensemble de la région 204 . La présente évaluation pourrait constituer l’un des inputs de ce processus de dialogue.

204 Ce bilan est d’autant plus important avec le démarrage actuel de « l’Alliance pour le Sahel ».

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Recommandation 2 Organiser des capitalisations par grands thèmes de la coopération régionale

Dans le cadre de la politique de gestion des connaissances de la DG DEVCO, organiser de manière régulière des processus de capitalisation par grands thèmes de la coopération régionale UE – Afrique de l’Ouest (par exemple : commerce intra-régional ; compétitivité ; lutte contre le crime organisé ; lutte contre le terrorisme ; résilience ; ressources naturelles transfrontalières…). Ces processus impliqueraient les différents services concernés au sein des institutions européennes, les institutions (régionales et nationales) bénéficiaires de cette coopération, les organisations de la société civile ainsi que les agences d’exécution. Il s’agirait de tirer les enseignements des réussites et des échecs enregistrés par les programmes conduits, dans chacun des domaines, depuis une dizaine d’années, afin d’identifier des pistes d’amélioration en termes de définition d’objectifs réalistes, de contenu des futurs programmes, de modalités de mise en œuvre, de coordination des activités et de circulation de l’information205.

Ces processus de capitalisation seraient alimentés, en amont, par des travaux d’économie politique (mobilisant des équipes mixtes de chercheurs européens et ouest-africains) afin de disposer d’une meilleure connaissance des obstacles politiques et économiques qui pèsent, dans les différents secteurs, sur l’avancée de la coopération et de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Les résultats de ces exercices de capitalisation seraient présentés chaque année au COS.

Recommandation 3 Poursuivre l’amélioration de l’organisation institutionnelle de la coopération régionale avec l’Afrique de l’Ouest

Poursuivre l’amélioration de l’organisation institutionnelle, en interne aux institutions européennes, relative au pilotage et au suivi de la coopération régionale avec la région Afrique de l’Ouest. Cela impliquerait notamment :

Le renforcement des effectifs du secteur « coopération régionale » au sein de l’unité chargée de l’Afrique de l’Ouest (DG DEVCO), notamment pour disposer des moyens adéquats de suivi des actions régionales au-delà du PIR (lignes thématiques, IcSP, FAP, FFU, ComTrade…)206.

Le renforcement des effectifs dédiés à la coopération régionale au sein des DUE du Nigeria et du Burkina Faso afin de permettre i) une amélioration de la conception des programmes régionaux207, ii) un dialogue politique et un dialogue sur les politiques plus intenses avec les ORDM et les autres institutions régionales et iii) un suivi plus rapproché des fonctions confiées aux agences d’exécution (en replaçant les ORDM dans une réelle fonction de maître d’ouvrage).

Le renforcement des moyens alloués aux DUE (autres que celles du Nigeria et du Burkina Faso) qui sont en charge du pilotage et du suivi de programmes régionaux (par exemple : DUE du Togo et DUE du Sénégal).

L’intensification des concertations / coordinations i) entre les DUE du Nigeria et du Burkina Faso et ii) entre ces deux DUE et les autres DUE en Afrique de l’Ouest208.

205 A la différence d’une évaluation stratégique (telle que la présente étude), il s’agirait d’un processus impliquant dès le départ

l’ensemble des parties prenantes afin que celles-ci définissent ensemble le futur de la coopération régionale. 206 Une formule alternative consisterait en la mise en place de task forces thématiques sur les thèmes pour lesquels le nombre

d’instruments / programmes mobilisé est important (par exemple : lutte contre le terrorisme). 207 Augmentation du temps alloué aux travaux préparatoires compte tenu de la complexité des dispositifs institutionnels, suivi

plus rapproché des consultants ; attention particulière aux dispositifs de suivi-évaluation… 208 Modalités à définir, par exemple : circulation de l’information, partage d’expériences, réunions spécifiques du comité des

délégations d’Afrique de l’Ouest – Codelao.

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L’amélioration du processus de négociation des conventions PAGODA avec les agences des Etats-membres de l’UE ou avec les organisations internationales, afin de s’assurer de l’existence d’une réelle convergence de vues entre l’UE et ces agences d’exécution à propos des objectifs, des résultats attendus et des approches des programmes régionaux dont la mise en œuvre est confiée à ces agences.

L’encouragement du partage d’expériences entre les administrations de l’UE et celles d’Afrique de l’Ouest (OR et Etats) et de la mobilisation d’expertise (au sein des institutions européennes et des administrations des Etats-membres) en s’inspirant des modalités qui ont fait leur preuve dans la politique du voisinage (appuis de type jumelage et TAIEX).

Recommandation 4 Renforcer la place des questions régionales dans le dialogue sur les politiques mené au niveau national

Renforcer la place des questions régionales dans le dialogue sur les politiques mené par l’UE avec chacun des Etats-membres de la CEDEAO (et de l’UEMOA).

En synergie avec un dialogue sur les politiques plus soutenu au niveau national, examiner la faisabilité de l’allocation d’enveloppes financières supplémentaires (sous forme, par exemple, de top up d’un appui budgétaire) qui seraient accordées à chacun des pays de la région à la condition que tous aient respecté ou mis en en œuvre des engagements régionaux..

Recommandation 5 Améliorer la cohérence et la synergie entre les différentes interventions

Dans le cadre de l’exécution du PIR 11ème FED, améliorer la cohérence et les synergies entre les différentes interventions. Cela concernerait plus particulièrement :

Le secteur « intégration économique régionale » à travers : o la circulation d’une information régulière sur les activités des projets, entre les

agences d’exécution, les DUE (régionales et nationales) et les ORDM ; o une bonne coordination des composantes portant sur la promotion du commerce

et des exportations et le renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment en mettant en place les comités de revue de politique sectorielle ;

o dans le cadre de la nouvelle architecture du programme compétitivité, mis en œuvre en parallèle aux niveaux régional et national, la mise en place de circuits de communication et de coordination entre les nombreux acteurs impliqués.

Le secteur « paix et sécurité », à travers la définition et l’application de modes plus fluides de circulation de l’information thématique entre tous les services concernés au sein des institutions européennes (tout en préservant la confidentialité des informations sensibles) 209 . Cela devrait concerner prioritairement le domaine de la lutte contre le terrorisme et le thème du renseignement (ce dernier étant transversal à de nombreux domaines d’intervention de l’UE : sécurité maritime, alerte précoce, lutte contre les trafics illicites et le terrorisme…).

Le secteur « SANAD&R » à travers la poursuite des efforts de coordination stratégique et opérationnelle entre ECHO et DEVCO dans le cadre de l’approche « résilience aux crises alimentaires ».

209 Par exemple, à travers des « communautés de pratiques » ou des réunions virtuelles de clusters qui, chaque mois, feraient le

point entre les différents programmes (nationaux et régionaux, et relevant de différents instruments) relatifs à la sécurité dans la région autour du Lac Tchad ou dans le faisceau central du G5 Sahel.

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Le secteur « gestion des ressources naturelles » à travers une planification des interventions sur une période suffisamment longue et en évitant les interruptions entre plusieurs phases successives.

Recommandation 6 Renforcer la culture du suivi-évaluation

Appuyer la CEDEAO dans le développement de ses outils et capacités de suivi-évaluation de l’intégration régionale. Ces appuis concerneraient les thèmes majeurs de l’intégration régionale210. Ils permettraient à la CEDEAO d’être plus légitime, vis-à-vis de ses Etats-membres, dans le pilotage du processus d’intégration régionale et davantage crédible dans le dialogue avec ses partenaires techniques et financiers. Pour ces derniers, dont l’UE, des données fiables et précises sur la dynamique d’intégration régionale favoriseraient la pertinence de leurs interventions, l’appréciation des impacts de celles-ci et la coordination. L’UEMOA contribuerait au développement de ces outils en se focalisant, pour ses Etats-membres sur les domaines pour lesquels elle dispose d’avantages comparatifs (intégration monétaire, convergence des politiques macroéconomiques et fiscale…).

De manière complémentaire à ces appuis à la CEDEAO, renforcer la « culture du suivi-évaluation » dans les programmes de coopération régionale de l’UE, notamment à travers : i) l’élaboration de théories du changement robustes (et des IOV associés) lors de la formulation des programmes ; ii) la systématisation de missions annuelles de suivi (ROM) et iii) l’organisation de réunions d’échanges et de réflexions, associant DUE, agences d’exécution et maîtres d’ouvrage, autour des rapports d’évaluation (mi-parcours ou finales) dans un objectif de capitalisation partagée (multi-acteurs) des réussites, difficultés et échecs des programmes régionaux.

Ces efforts accrus en matière de suivi-évaluation pourraient aboutir, dans un second temps, à des outils de communication centrés sur les résultats, donnant une meilleure visibilité aux progrès de la région en matière d'intégration et de coopération (et du rôle joué par l’UE dans ces progrès).

Recommandation 7 Intensifier la prise en compte des dimensions transversales

Renforcer la prise en compte des dimensions transversales lors de la formulation des interventions régionales et leur mise en œuvre. Cela impliquerait :

d’incorporer ces aspects dans les accords avec les organisations régionales et autres maîtres d’ouvrage ;

de tenir compte de ces dimensions dans l’élaboration des TdR pour toute mission de formulation, en donnant les moyens pour la réalisation d’analyses socio-économiques approfondies ;

de donner une importance plus forte à ces dimensions dans la sélection des organisations de mise en œuvre que ce soit des agences d’exécution, des bureaux d’études ou des assistants techniques ;

de veiller á ce que ces éléments soient bien inclus dans les documents de rapportage et d’évaluation, quels qu’ils soient.

210 Dans le domaine de l’intégration économique régionale, il s’agirait notamment de couvrir : les échanges intra et extra zone, la

compétitivité des filières, les dynamiques d’investissement…

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Recommandation 8 Améliorer les démarches de renforcement des capacités

Améliorer la pertinence et la cohérence des stratégies et démarches de renforcement des capacités (individuelles et institutionnelles). Cela impliquerait notamment :

Lors de la formulation des interventions, de mieux relier la conception des démarches de développement des capacités aux analyses, par secteur et par institution, des principaux goulots d’étranglement à desserrer et des jeux d’acteurs en présence.

Compte tenu du foisonnement des dispositifs institutionnels régionaux, d’encourager la coordination entre OR et d’accompagner les processus de réforme en cours vers une rationalisation des dispositifs institutionnels.

De définir et appliquer des dispositifs de suivi-évaluation des effets comportant des indicateurs spécifiques aux actions de formation et autres actions de renforcement des capacités.

De préciser le contenu des postes d’assistants techniques et d’améliorer le processus de sélection de ceux-ci afin d’améliorer l’adéquation entre besoins de renforcement des capacités et appuis techniques fournis.

De clarifier, dans le suivi du travail des assistants techniques, les rôles respectifs du maître d’ouvrage (en général, une OR), de l’organisme ayant recruté l’AT (bureau d’étude, agence d’exécution…) et de la DUE en charge de l’intervention régionale concernée.

De capitaliser les acquis du dispositif TAIEX afin que l’expertise technique existant dans les institutions européennes et dans les administrations des Etats-membres puisse être mobilisée en vue d’un renforcement des capacités des OR d’Afrique de l’Ouest.

L’amélioration des démarches de renforcement des capacités devrait concerner non seulement des ORDM, mais également les autres acteurs jouant (actuellement ou potentiellement) un rôle important dans le processus d’intégration régionale : fédérations d’acteurs du secteur privé ; réseaux d’organisations de la société civile etc. Pour ces acteurs non étatiques, il s’agirait notamment de renforcer leurs capacités à intervenir dans l’élaboration des politiques régionales et à exercer la veille sur l’application effective de celles-ci (tout en renforçant les mécanismes de redevabilité interne à ces fédérations et réseaux).

5.2.2. Recommandations sectorielles

Les recommandations sectorielles sont à la fois basées sur les réponses aux questions d’évaluation sectorielles (2 à 6) et sur les conclusions plus générales qu’elles complètent.

Intégration économique régionale :

- Soutenir la relance du processus d’intégration économique régionale en appuyant une double dynamique : l’une au niveau des Etats Nations qui restent les fers de lance de l’intégration (souvent guidée par leurs intérêts propres) ; l’autre au niveau de groupes (secteur privé, société civile…) qui transcendent les intérêts strictement nationaux et qui peuvent encourager le transfert de certaines fonctions à un niveau supranational. Il s’agit de faire converger les visions portées par ces deux dynamiques. Cela implique notamment de : i) renforcer la dimension régionale dans les programmes financés par le 11ème FED211 en veillant à ce que les interventions, mêmes lorsqu’elles sont ciblées sur les Etats, s’inscrivent bien dans cette dimension régionale et qu’elles sont bien comprises comme telles par les bénéficiaires nationaux ; ii) développer un dialogue régulier entre PTF sur les questions régionales.

211 Essentiellement AFRITAC (GFP, transition fiscale, cadrage macroéconomique) et les deux volets SFI (corridors et cadre

d’investissement).

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- Mieux prendre en compte les dimensions d’inclusivité et de durabilité des processus de croissance dans l’appui aux processus d’intégration économique, et ainsi s’aligner sur le nouveau consensus européen sur le développement de 2017 qui précise : « l’Union européenne continuera par ailleurs, dans le cadre de sa politique commerciale, à s’assurer que les pays en développement, en particulier les plus vulnérables, récoltent les fruits d’une croissance inclusive et du développement durable grâce à leur participation accrue à l’intégration régionale et au système commercial multilatéral ». Implications :

o Poursuivre la mise à niveau des cadres légaux (commerce, douane, investissement, mobilité des travailleurs)/fiscal (transition, harmonisation) dans une logique de libre circulation des biens, services, personnes, capitaux.

o Veiller en priorité à assurer l’application des engagements pris au niveau de l’Union Douanière.

o Mettre en place des actions plus ciblées pour développer les échanges et « l’innovation » dans des filières à forte intensité de travail, pour accompagner les petits entrepreneurs du secteur informel dans des démarches d’exportation/importation au sein de la sous-région, pour développer le long des frontières des programmes de coopération transfrontalière ciblés sur des groupes « vulnérables ».

Transport:

- Associer la poursuite des opérations de blending à un programme régional qui vise l'alignement progressif des politiques nationales sur les directives régionales en matière de libéralisation (sortie progressive du régime des quotas nationaux et instauration du cabotage régional), de professionnalisation des métiers du transport (régulation de l’entrée dans la profession), de facilitation des transports et de lutte contre la surcharge (reconnaissance de la co-responsabilité des chargeurs aux côtés de celle des transporteurs) et les pratiques anormales. Cet alignement est à rechercher par des plateformes thématiques d'échanges entre les pays de la région et par une plus forte articulation entre le dialogue sur les politiques aux niveaux national et régional (cf. R4)

Énergie:

- Poursuivre l'investissement dans l'interconnexion régional par le recours au blending, en renforçant les liens avec les actions engagées sur PIN pour faire évoluer la gouvernance sectorielle vers davantage d'ouverture, d'efficacité et de transparence sur les prix. Un programme régional de dialogue sur les politiques de régulation du secteur de l’énergie pourrait contribuer à accélérer l'émergence des résultats économiques et sociaux attendus du marché régional.

SANAD&R :

- Conduire des travaux d’économie politique (cf. R2) sur : i) l’analyse des obstacles (politiques, financiers, institutionnels…) à un réel investissement des Etats de la région dans des systèmes d’information performants sur la sécurité alimentaire ; ii) l’analyse des conditions d’un soutien (par les décideurs et par les citoyens) à des mécanismes régionaux de solidarité telle que la réserve régionale de sécurité alimentaire ; iii) l’analyse des causes profondes de la vulnérabilité aux crises alimentaires et iv) l’approfondissement des liens migration – vulnérabilité – insécurité.

- Appliquer la recommandation relative à des allocations supplémentaires (cf. R4) à des thèmes spécifiques au secteur « SANAD&R », notamment la levée des contraintes à la transhumance transfrontalière ou l’harmonisation / rationalisation des systèmes d’information.

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- Compte tenu du caractère foisonnant des dispositifs institutionnels régionaux dans le secteur « SANAD&R », encourager la coordination entre OR et accompagner les processus de réforme en cours vers une rationalisation des dispositifs institutionnels.

- Contribuer activement à la coordination entre PTF, en s’inscrivant de manière affirmée dans une démarche d’appui à un leadership régional.

Environnement et changement climatique :

- En matière d’actions environnementales et d’atténuation de la vulnérabilité des populations au changement climatique, compléter l’approche normative actuelle (« descendante ») par une approche « de bas en haut », au moyen notamment : i) d’une approche coordonnée du développement rural, de la gestion des ressources naturelles et de la lutte contre le changement climatique ; ii) d’un appui aux activités économiques liées aux aires protégées ; iii) d’un soutien à la diversification des systèmes d’activités des populations rurales et iv) d’un appui à la mise en réseau des organisations locales.