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Baudot Caroline
Directrice du mémoire :
Mme Laboureau.
L’étude de l’intertextualité
de la maternelle
au cycle trois
C.R.P.E. I.U.F.M. de Dijon N°de dossier : 0363392 S Année 2005
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Remerciements Avant toutes choses, je tiens à remercier ma directrice de mémoire, madame Laboureau, pour ses nombreux conseils et ses idées originales, ainsi que les deux classes avec lesquelles j’ai pu mener à bien mes deux projets.
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SommaireSommaireSommaireSommaire
I. Quelques définitions… ...................................................................................................5 A. Comment définir les termes d’intertextualité et d’intertexte ?......................................5 B. Que signifie le recours à l’intertextualité ? .................................................................6
1. L’intertextualité au service de la caractérisation des personnages ............................7 2. La relation lieux/mémoire .......................................................................................7 3. « L’intertexte, le mythe et l’histoire »......................................................................7 4. Intertextualité au service de la mémoire collective...................................................8 5. L’esthétique de l’intertextualité ...............................................................................9 6. Le jeu avec le lecteur...............................................................................................9
C. Quels sont les enjeux de l’intertextualité à l’école primaire ? ....................................10 1. L’intertextualité est enrichissante d’un point de vue linguistique ...........................10 2. Le plaisir de la « connivence culturelle »...............................................................11 3. Former un lecteur littéraire ....................................................................................12
D. Enrichir la culture de mes élèves ...............................................................................13 1. Définitions ............................................................................................................13
E. Les enjeux de la culture littéraire...............................................................................17 1. La culture littéraire au service des élèves en difficulté ...........................................17 2. La culture littéraire au service de la compréhension/interprétation.........................18 3. Le rôle de la culture littéraire dans l’identification des références intertextuelles ...18
II. Quels projets ai-je mis en place ? ..................................................................................20 A. En maternelle............................................................................................................20
1. Présentation de mon projet. ...................................................................................20 2. Présentation de cet album......................................................................................20 3. Présentation de ma séquence. ................................................................................23 4. Description de la mise en œuvre du projet .............................................................24
B. Au cycle trois............................................................................................................28 1. Présentation de la classe. .......................................................................................28 2. Présentation de mon projet. ...................................................................................28 3. Présentation de mon support..................................................................................29 4. Présentation de ma séquence .................................................................................32 5. Organisation de mes séances. ................................................................................32
III. Analyse comparative de mes deux séquences................................................................37 A. Mise en œuvre pédagogique de la relation intertextuelle............................................37 B. L’importance de la ritualisation en maternelle ...........................................................40 C. L’importance de la théâtralisation de la lecture..........................................................42 D. Une culture littéraire pour une lecture littéraire .........................................................44 E. La qualité de l’interprétation de mes élèves. ..............................................................46 F. A propos de l’aspect esthétique de l’intertextualité....................................................47 G. Le rôle des interactions dans l’étude de l’intertextualité ............................................47 H. Le rôle de l’enseignant lors de la mise en œuvre d’une étude intertextuelle ...............48 I. Les difficultés que j’ai rencontrées lors de la mise en place d’une telle relation.........50
1. Lorsque la culture des élèves n’est pas clairement définie .....................................50 2. Le danger de l’exclusion .......................................................................................51 3. Une mise en place laborieuse de l’aptitude à mettre en relation .............................51
J. Bilan de ma pratique .................................................................................................53
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a littérature est pour moi, un domaine de prédilection. J’aime, depuis toute petite, la
sensation de plaisir que procure la lecture : plaisir d’identifier dans une œuvre une
référence à d’autres, que l’on a beaucoup aimées, ou plaisir de se retrouver plongé dans
un autre univers.
C’est pourquoi, j’ai été très satisfaite de constater que les nouveaux programmes1 de
2002, la placent au centre des apprentissages. En cycle un et deux, l’enseignant doit lire de
nombreux contes et albums. En cycle trois, elle fait l’objet d’un enseignement à part entière,
cinq heures par semaine, lui sont consacrées. Or, cela n’a pas toujours été le cas, car, dans les
programmes précédents, il était plus question de lecture que de littérature. Désormais, il s’agit
d’enrichir la culture littéraire des élèves, pour les conduire à effectuer une lecture intelligente
des textes. En effet, comme l’a écrit Umberto Eco2: « Les livres parlent toujours d’autres
livres, et chaque histoire raconte une histoire déjà racontée », la littérature est intertextuelle
par nature. Il n’existe pas de création ex nihilo, les écrivains sont toujours influencés
consciemment ou inconsciemment par leurs prédécesseurs. Ils sont tributaires de leur culture
littéraire.
Qu’en est-il de la littérature de jeunesse ? Les textes officiels3 de 2002 constatent qu’elle ne
fait pas exception :
« Les auteurs de littérature pour la jeunesse, et en cela ils ne se distinguent pas des autres
écrivains, tissent de nombreux liens entre les textes qu’ils écrivent et ceux qui constituent le
contexte culturel de leur création. »
L’intertextualité est donc fondamentalement liée au texte littéraire, d’où l’intérêt de l’analyser
et de développer chez le jeune élève la capacité à repérer les allusions intertextuelles. D’autant
que l’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit d’enrichir la culture des élèves. C’est pourquoi, j’ai
souhaité étudier au cours de cette année de formation, la manière de mettre en place avec des
élèves allant de la grande section au cycle trois, une initiation à l’intertextualité. J’ai ainsi pu
réaliser ce projet lors de mes deux stages en responsabilité.
D’où viennent les termes d’intertextualité et d’intertexte ? Quels sont les enjeux d’un
tel projet ? Autant d’interrogations auxquelles je vais tâcher de répondre. Après quoi, je
pourrai évoquer les conditions dans lesquelles se sont déroulées mes deux stages, et présenter
les supports choisis pour mener cette étude. Enfin, je montrerai en quoi ces deux expériences
m’ont permis de nourrir ma réflexion.
1 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? 2 Eco, U. Apostille au Nom de la Rose p.25 3 Op. Cit. p. 13
L
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I. Quelques définitions…
Il convient d’abord d’expliquer ce que signifient les mots intertextualité et intertexte.
Pour ce faire, je m’appuierai sur le livre de Nathaly Piegay-Gros1.
A. Comment définir les termes d’intertextualité et d’intertexte ?
La notion d’intertextualité a été définie pour la première fois dans les années soixante
par Julia Kristeva. Piegay-Gros2 explique que celle-ci propose une acception très vaste de
l’intertextualité : « non seulement elle inclut des interférences, implicites ou explicites entre
les œuvres, mais aussi des phénomènes diffus de réécriture, voire des présomptions de
ressemblance. » Selon Kristeva, l’intertextualité est l’ensemble des relations existant entre un
texte littéraire et un ou plusieurs autres, entre lesquels le lecteur établit des rapprochements.
De fait, se pose le problème de l’identification et des limites à poser à l’intertexte. Une telle
définition ne peut être prise en compte si l’on envisage un travail avec les élèves, car il faut
être rigoureux et à cet effet, délimiter clairement ce que sont ou non les références
intertextuelles.
Dans Palimpsestes, Genette envisage la notion d’intertextualité dans une optique
différente : elle n’est plus considérée comme un élément central, mais comme une relation
parmi d’autres. Il intègre cette notion dans un système de relation qui définit la littérature dans
sa spécificité : « la transtextualité ».
Catherine Tauveron3 définit « la transtextualité » ainsi: « Un texte s’inscrit […]
toujours dans d’autres textes, qu’il réagence ou avec lesquels il entretient un dialogue. » Il
s’agit donc d’un système de relation qui lie un texte à l’ensemble de la littérature. La
«transtextualité » inclut cinq types de relations, dont celle de l’intertextualité. La citation, le
plagiat, l’allusion relèvent de celle-ci. Selon lui, elle ne se limite qu’à une « relation de
coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est à dire, eidétiquement et le plus souvent, par
la présence effective d’un texte dans un autre texte. »4
Contrairement à la définition de Kristeva, celle de Genette est assez restrictive. Par
ailleurs, ces deux derniers n’ont envisagé cette notion que du point de vue de l’auteur, mais il
1Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité, éd. Dunod 2 Ibid. p.10 3Tauveron, C. Lire la littérature à l’école, Hâtier 2003, p.56 4Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité p. 13-14, cite GENETTE Palimpsestes
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faudrait envisager comment l’intertextualité peut être perçue par le lecteur, et plus
particulièrement par l’enfant lecteur.
Michaël Riffaterre ne considère plus l’intertextualité comme un élément produit par
l’écriture, mais comme un effet de lecture : c’est au lecteur qu’il appartient de reconnaître et
d’identifier l’intertexte. Ainsi dit-il1: « L’intertextualité est la perception par le lecteur de
rapports entre un œuvre et d’autres, qui l’ont précédée ou suivie. Ces autres œuvres
constituent l’intertexte de la première. » Elle nécessite du lecteur une participation active, il
doit détecter l’intertexte et faire un effort de mise en relation. Par ailleurs, cela induit
également une autre conséquence : cette relation n’a pas nécessairement une logique
chronologique : « L’intertexte n’est donc limité ni par les lectures de l’auteur, ni par la
chronologie »2. Une œuvre ancienne peut ainsi être éclairée par une œuvre plus récente.
Par conséquent, à la lumière de toutes ces définitions, il s’avère que l’intertextualité est
une notion complexe à définir : doit- elle être considérée comme un processus et/ou un objet ?
Comme « un phénomène d’écriture et/ou un effet de lecture » ?3
En ce qui me concerne, j’utiliserai en guise de synthèse des travaux de tous les auteurs
préalablement cités, la définition donnée dans le Petit Larousse (édition 2003) :
« Intertextualité : Ensemble de relations qu’un texte, et notamment un texte littéraire,
entretient avec un autre ou avec d’autres, tant au plan de sa création (par la citation, le
plagiat, l’allusion, le pastiche, etc.), qu’au plan de sa lecture et de sa compréhension, par les
rapprochements qu’opère le lecteur. »
B. Que signifie le recours à l’intertextualité ?
Nathaly Piegay-Gros4 explique qu’il est difficile de définir des fonctions des emplois
des relations intertextuelles, car il n’en existe pas de définition toute faite. En effet, la
signification de l’emploi d’une telle relation est propre à chaque texte. Toutefois, on peut tout
de même distinguer quelques points communs.
1Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité, cite p.16 Riffaterre, M. « La Trace de l’intertexte », La Pensée, n° 215, octobre 1980 2 Op. cit. p.6 3 Ibid 4 Ibid
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1. L’intertextualité au service de la caractérisation des personnages
Lorsqu’un personnage fait référence à une autre œuvre, il donne des indices sur sa
dimension psychologique, sur ses lectures. Le lecteur peut ainsi le situer dans un milieu, dans
une culture. La référence peut également être faite par l’auteur, aux dépens de son
personnage. Là encore cela permet au lecteur d’obtenir plus de renseignements sur le
caractère de son personnage. Par exemple, dans l’album que j’ai choisi d’étudier au cycle
trois1, l’auteur fait référence à différents contes, dont on comprend qu’ils ont bercé l’enfance
du narrateur. Or une telle évocation permet de comprendre qu’il est rêveur, et qu’il est
influencé par l’univers imaginaire créé par ces histoires. Par conséquent, l’intertextualité
permet de mieux comprendre, mieux saisir un personnage.
2. La relation lieux/mémoire
Le fait de référer à un lieu fortement connoté dans la mémoire culturelle, incite le
lecteur à réactiver toutes les œuvres liées directement ou indirectement à ce lieu. Ainsi en est-
il du lieu fortement connoté : la forêt. Elle est l’un des lieux les plus prisés dans les histoires
pour enfants, notamment dans les contes et dans les albums. Elle est, en effet, l’espace de
l’épreuve initiatique, le lieu de rencontres magiques avec des êtres mystérieux, qui imposent
une épreuve au protagoniste, celui-ci en sortira vainqueur et initié ou perdant et mortifié. Elle
peut être aussi le lieu de la rencontre avec soi-même, avec ses propres peurs à surmonter et à
dépasser. C’est ainsi le cas dans l’album Dans la forêt profonde1. La forêt est un lieu
initiatique, de transition vers un autre état.
Or, le fait que ce lieu soit récurrent dans les contes, incite le lecteur, lorsqu’il retrouve
dans une œuvre cette même symbolique, à réactiver ceux qu’il a en mémoire. Il pourrait ainsi
penser au Petit Poucet ou à Hansel et Gretel.
3. « L’intertexte, le mythe et l’histoire »2
Le fait de référer à un mythe, permet de le réactualiser et de lui redonner une
consistance et une signification, à la lumière de faits contemporains au lecteur. C’est
pourquoi, Piégay-Gros3 remarque qu’ « une des richesses de l’intertexte est qu’il constitue une
sorte d’échangeur entre la bibliothèque et l’histoire ». En effet, chaque époque interprète et
relit une œuvre ou un mythe en fonction de son actualité, de son histoire, ou de son idéologie. 1 Browne, A. Dans la forêt profonde, éd. Kaléidoscope 2 Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité 3 Ibid. p.88
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Ce phénomène permet à ses œuvres ou mythes de ne pas sombrer dans l’oubli. En retour, le
mythe enrichit le lecteur, il lui permet de saisir des faits sous un éclairage différent. Il est ainsi
plus lucide, et peut prendre de la distance par rapport à son histoire.
Le lecteur peut tirer un enseignement du mythe. En effet, il est à la fois un récit
imaginaire et une représentation imagée de faits ou de personnages réels. Entre la première et
la seconde guerre mondiale, les auteurs de pièces de théâtre ont ainsi eu recours aux mythes
antiques tels que Electre ou Antigone, pour délivrer un message pacifiste. C’est ainsi le cas de
Giraudoux, qui a repris et réadapté le mythe d’Electre dans la pièce éponyme. Cette référence
a certes permis de le réactualiser, mais elle était surtout destinée à faire réfléchir les lecteurs, à
les avertir et les prévenir des conséquences dramatiques d’un tel conflit.
De même, dans le langage courant, on a désormais très souvent recours à des
personnages mythiques pour qualifier des comportements : ainsi dit-on à propos de quelqu’un
d’avare qu’il est un harpagon. Par conséquent, la référence à une œuvre du passé ou à un
mythe, permet d’une part, de lui donner une nouvelle consistance et d’autre part de faire
réfléchir le lecteur.
4. Intertextualité au service de la mémoire collective.
Il apparaît que l’allusion à une œuvre permet d’unifier les lecteurs, en leur donnant les
mêmes références, la même culture. L’intertextualité permet ainsi de donner une cohésion au
groupe, elle peut être un moyen de solliciter le sentiment d’unité nationale. Ainsi en est-il de
nombreux auteurs français, auxquels on fait souvent référence, pour solliciter notre mémoire
collective. D’ailleurs, il est intéressant de constater que la publicité fait quelquefois allusion
aux contes pour fédérer les consommateurs, leur donner l’impression de faire parti d’un
groupe dont les références sont identiques. Par exemple, Nescafé invoque Blanche Neige,
Guerlain, le Petit Chaperon Rouge.
L’intertextualité est donc un moyen de réunir les lecteurs.
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5. L’esthétique de l’intertextualité
La relation intertextuelle dans un texte témoigne également d’un souci esthétique. Elle
confère au texte, l’image d’un texte éclaté, fragmenté. Il s’apparente ainsi à un collage, ou à
un puzzle que le lecteur se doit de reconstituer. Ceci est d’autant plus visible lorsque le type
de relation utilisé est la citation. L’intertextualité traduit un sentiment d’éclatement.
Toutefois, comme l’explique Nathaly Piégay-Gros1, cela n’a pas été toujours et n’est
pas toujours le cas. En effet, l’intertextualité, c’est aussi la tension entre le rapport à la
tradition, à un auteur, à une œuvre et la liberté prise par rapport à ce modèle : l’originalité de
l’auteur. Ainsi en est-il dans les deux albums que j’ai exploités en classe. Les auteurs font
référence plus ou moins explicitement aux contes, et tout leur talent réside dans la part
d’originalité prise à leur égard, tout en leur restant le plus fidèle possible. Ce dosage entre
imitation et distanciation est complexe et témoigne d’une intention esthétique de la part de
l’auteur.
6. Le jeu avec le lecteur
Cette fonction est, à mon avis, la plus importante, surtout lorsque l’on étudie
l’intertextualité avec des enfants. En effet, la référence intertextuelle est bien souvent un défi
lancé par l’auteur, le défi étant d’autant plus difficile à relever, lorsque la référence est
implicite. L’auteur s’amuse à semer dans son texte ou dans ses illustrations, de petits indices
que le lecteur va devoir s’attacher à repérer dans un premier temps, à identifier dans un
deuxième temps et à mettre en relation dans un dernier temps pour reconstituer l’énigme
proposée. Cet aspect ludique est bien présent dans les deux œuvres que j’ai choisi d’étudier.
Dans le Gentil facteur2, le personnage principal est un facteur qui apporte des lettres de
personnages de contes à d’autres personnages appartenant au même conte. Ces lettres sont
parsemées d’allusions humoristiques, que l’enfant lecteur se doit d’élucider. De même, dans
l’album Dans la forêt Profonde3, Anthony Browne s’est amusé à dissimuler dans les
illustrations, de nombreuses références aux contes. Par conséquent, l’aspect ludique de
l’intertextualité est tout à fait essentiel et me semble d’ailleurs la première chose à faire
découvrir aux élèves, afin de leur donner envie de continuer à rechercher les allusions et de
devenir de plus en plus perspicaces dans cette tâche.
1 Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité. 2 Alhberg. Le Gentil facteur, ou lettres à des gens célèbres. 3 Browne.A. Dans la forêt profonde, éd. Kaléidoscope.
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J’ai montré que l’emploi de la référence ou de l’allusion pouvait avoir différentes
fonctions : la caractérisation d’un personnage, la mise en relation de lieux fortement connotés
avec la mémoire du lecteur, redonner une signification à un mythe ou à une œuvre oubliés,
assurer la cohésion d’un groupe de lecteurs, donner à son texte une dimension esthétique
particulière et enfin jouer avec sa culture. Il s’agit désormais de définir les enjeux de l’étude
de l’intertextualité avec des enfants.
C. Quels sont les enjeux de l’intertextualité à l’école primaire ?
1. L’intertextualité est enrichissante d’un point de vue linguistique
Il s’avère que la mise en relation d’un texte avec un autre texte contribue à améliorer
les compétences linguistiques des élèves. En effet, elle les incite à employer des mots de
comparaison, des structures comparatives tels que : « c’est comme dans… », « on retrouve
cela dans… », « Cela ressemble à… » ou « cela me fait penser à… ».
Au cycle 3, on peut penser que ces structures sont acquises, en réalité, le fait de
proposer ces canevas à mes élèves s’est avéré très efficace. En effet, dans ma classe, il y avait
un élève d’origine turque, qui avait quelquefois des difficultés à s’exprimer. Il utilisait
souvent l’énoncé suivant : « c’est pareil que dans … ». J’ai alors demandé à l’ensemble de la
classe de m’indiquer des énoncés corrects, je les ai écrits au tableau, nous avons ainsi pu lui
proposer différents modèles de phrases. Cela a ainsi permis à cet élève, de même qu’aux
autres élèves de la classe de pouvoir utiliser à bon escient ces structures et d’enrichir leur
vocabulaire. Les autres utilisaient certes des énoncés corrects, mais ils n’avaient bien souvent
recours qu’à une seule structure qu’ils se contentaient de modifier en fonction du conte inféré.
En maternelle, cet aspect est fondamental. En effet, le maître doit apprendre aux élèves
à employer ces structures, inconnues des enfants. Toutefois, mes exigences étaient adaptées
aux élèves de cet âge, aussi ne me suis-je attachée qu’à leur transmettre deux modèles : « c’est
comme… » et « cela ressemble à… ». La démarche était également différente : je leur
proposais une structure, nous l’expliquions ensemble, puis les élèves la répétaient, en
l’utilisant en lien avec l’album étudié.
Il est clair que la mise en relation de deux textes a permis aux élèves d’enrichir et/ou
de connaître de nouvelles structures syntaxiques.
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Par ailleurs, l’intertextualité est également un excellent moyen d’introduire et
d’enrichir le vocabulaire de l’analyse. Il est donc évident que l’étude des références d’un texte
à un autre permet non seulement d’enrichir les compétences linguistiques, mais encore de leur
donner du sens. J’ai ainsi constaté que le vocabulaire appris avait bien été retenu par les
élèves car celui-ci répondait à un besoin des élèves.
2. Le plaisir de la « connivence culturelle »
Comme je l’ai déjà évoqué, la référence à une autre œuvre, peut être plus ou moins
explicite. Dans le cas où elle est implicite, il est tout à fait possible de ne pas repérer
l’intertexte. Or, pour le lecteur qui parvient à le faire, il s’agit d’une réussite, il peut se sentir
fier d’avoir su déceler cet intertexte si bien dissimulé. En revanche, celui qui n’a pas réussi à
effectuer cette opération faute de connaissances, peut éprouver un sentiment d’exclusion.
C’est d’ailleurs dans ce sens que Bourdieu1 a donné naissance à l’expression « connivence
culturelle». Elle désignait le lien qui unissait le maître et l’élève qui avait hérité de la même
culture, mais elle excluait complètement celui qui n’avait pas eu cette chance. Puis, peu à peu,
ce terme a pris une connotation plus positive, ainsi en est-il dans la Maîtrise de la langue2, il
s’agit alors d’une complicité qui s’instaure entre le lecteur et l’auteur. Nathaly Piégay-Gros3
explique que:
« c’est précisément parce [l’intertexte] peut ne pas être perçu qu’il suscite, lorsqu’il est
repéré et compris, un plaisir certain : celui qui naît du clin d’œil saisi, de l’humour partagé ;
plaisir également d’une compréhension à demi-mot, d’un échange avec la mémoire, le savoir,
la lecture d’un auteur ; plaisir enfin de retrouver, enfouie dans sa mémoire, la trace d’un
texte dont la perception est changée par son inclusion dans un autre texte. »
Apprendre aux élèves à repérer les allusions à d’autres textes, va ainsi leur permettre
d’éprouver à leur tour ce plaisir. On peut faire l’hypothèse que faire ressentir aux élèves
l’enthousiasme éprouvé lors du repérage et de l’identification d’une allusion, va leur donner
envie de lire. Or, il s’agit d’une des missions, donnée aux enseignants dans les programmes :
faire de l’élève « un lecteur assidu »4.
L’étude de l’intertextualité permet ainsi aux élèves, de découvrir le plaisir qu’éprouve
un lecteur littéraire et de leur donner le goût d’une telle lecture.
1 Bourdieu, P. Les Héritiers. 2 Maîtrise de la langue, CNDP, 1992 3 Piégay-Gros, N. Introduction à l’intertextualité. 4 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002
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3. Former un lecteur littéraire
La lecture littéraire diffère des autres lectures, en ce qu’elle est une espèce d’instance
qui propose des rôles divers au lecteur. A cet effet, Italo Calvino, écrivain italien, en définit
sept, qui me paraissent très pertinents :
• le naïf : il fait semblant de croire
• le détective : il reconstitue le puzzle de la lecture, rassemble des indices pour
en faire des pièces à conviction.
• le géomètre : il fait des relevés méthodiques de ce qu’il lit.
• le vagabond : dans un premier temps, il avance le plus vite possible dans la
lecture du texte et dans un second temps, il revient sur ses pas pour éclaircir et
approfondir certains points.
• l’archéologue : il entreprend des fouilles et retrouve ainsi les strates anciennes
qu’il dégage.
• le stratège : il anticipe les coups de l’auteur tend des pièges ou tombe dans ses
pièges, pour mieux en éprouver la finesse.
• l’orpailleur : « c’est lui qui rencontrant un petit grumeau de sens, creuse autour
pour voir si la pépite ne s’étend pas en un filon ».
Il faut enseigner ces postures aux élèves, afin de faire d’eux de vrais lecteurs
littéraires.
L’étude de l’intertextualité, familiarise les enfants à deux rôles de lecteur : le détective
et l’archéologue. En effet, le lecteur pour repérer les allusions, doit être un détective
minutieux, à l’affût des indices, puis une fois ceux-ci collectés, il doit les mettre en relation,
reconstituer le puzzle pour identifier puis interpréter la référence. Quant au rôle de
l’archéologue, il va de soi qu’il s’agit du rôle que l’intertextualité impose au lecteur de jouer.
Il doit fouiller le texte pour retrouver l’intertexte.
De plus, il existe un autre comportement que le repérage et l’identification de
l’intertexte exige : savoir mettre en relation. En effet, le lecteur, après avoir repéré une
référence à une autre œuvre, doit effectuer un travail de mise en relation entre le ou les indices
relevés et les textes qu’il a en mémoire, afin de pouvoir identifier la ou les œuvres référées. Or
cela mobilise des compétences cognitives considérables, surtout chez le lecteur débutant, car
cette opération mentale ne va pas de soi. Il faudra d’abord initier les enfants, puis les entraîner
à l’exercer.
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L’étude de l’intertextualité contribue à former des lecteurs de texte littéraire en incitant
les élèves à développer les comportements nécessaires.
J’ai ainsi montré qu’aborder l’intertextualité à l’école primaire est une démarche
pertinente, car elle permet de développer et d’enrichir les compétences linguistiques des
élèves et de contribuer à faire d’eux de véritables lecteurs de textes littéraires. Néanmoins, il
me semble que l’enjeu le plus important reste l’enrichissement de la culture littéraire des
élèves. Toutefois, il me faut avant d’évoquer cela, définir ce que j’entends par culture
littéraire.
D. Enrichir la culture de mes élèves
1. Définitions
Avant toute chose, il est essentiel de rappeler ce que disent les programmes à ce sujet.
Dans le document d’application Littérature1, on peut ainsi lire : « une culture littéraire se
constitue par la fréquentation régulière des œuvres. Elle suppose une mémoire des textes,
mais aussi de leur langue, une capacité à retrouver, chaque fois qu’on lit, les résonances qui
relient les œuvres entre elles. Elle est un réseau de références autour desquels s’agrègent les
nouvelles lectures. » On peut ainsi constater que, lorsque l’on évoque la culture littéraire, on
peut distinguer deux catégories : la mémoire des textes, de leur langue et la capacité à
effectuer une lecture littéraire. Je vais m’attacher à définir la culture littéraire, à la lumière de
cette distinction.
a) La mémoire des textes
Il s’agit des textes que l’élève a lus et qui sont désormais intégrés dans sa mémoire.
Catherine Tauveron appelle cela la « bibliothèque intérieure du lecteur ». Dans Lire la
littérature à l’école2, elle la définit comme un répertoire d’histoires que le lecteur aime à
convoquer et à « redéguster ». Or, je pense qu’il faut distinguer une fois encore deux types de
mémoire des textes : la mémoire des textes « partagée », c’est-à-dire celle qui est acquise en
classe et qui est susceptible d’être réinvestie par la majorité des enfants et la mémoire des
textes, individuelle : les textes que les enfants ont lu chez eux.
1 Document d’application Littérature, p.5. 2 Tauveron, C. Lire la littérature à l’école.
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� La culture personnelle
Il s’agit de la culture propre à chaque élève, ils disposent tous d’une culture spécifique
plus ou moins étendue.
Je me suis intéressée à la culture personnelle de mes élèves et plus précisément à leur
connaissance des contes. En effet, ils constituent l’intertexte des deux albums que j’ai mis en
place. En grande section de maternelle, j’ai demandé aux enfants s’ils lisaient des histoires
avec leurs parents. Tous ont répondu positivement. En réalité, il s’avère qu’il s’agit d’un
milieu favorisé.
En revanche, dans ma classe de cycle trois, dix-neuf élèves sur vingt-cinq disent lire
des livres pour le plaisir. J’ai également demandé aux élèves quels contes ils avaient chez eux.
En maternelle, la majorité des enfants disent avoir un exemplaire des contes comme Boucle
d’Or, le Petit Chaperon Rouge, les Trois petits cochons, Blanche-Neige, Cendrillon, La belle
au bois dormant, le Petit Poucet. Un seul m’a dit avoir chez lui un conte africain : Kirikou et
la sorcière. Dans ma classe de cycle trois, seulement neuf élèves ont chez eux un livre pour
chaque conte, et treize ont déclaré disposer de recueils. Beaucoup d’entre eux, environ la
moitié, avoir ces contes en cassette vidéo. J’ai alors demandé à ceux qui m’avaient dit
posséder des livres, s’il s’agissait de versions réadaptées par Walt Disney, la plupart ont
confirmé. D’ailleurs, certains ont préféré regarder le film car : « c’était moins fatiguant »,
d’autres se sont contentés de la version cinématographique. Par conséquent, il existe tout de
même un certain décalage entre les enfants qui lisent des histoires chez eux, et en cela qui
contribuent à élargir leurs horizons culturels et les autres qui n’ont pas cette possibilité. La
connaissance et la lecture des contes témoignent du caractère hétérogène de cette classe de
cycle trois. En effet, les enfants, pour la plupart, ne connaissent ces histoires qu’au travers
d’adaptations, sans parler de ceux qui ne les connaissent pas du tout.
Toutefois, je pense que ces réadaptations sont de bons moyens pour eux de se
constituer une base culturelle, car ils prennent connaissance de l’intrigue.
D’ailleurs, j’ai pu constater que pour les enfants de culture étrangère, elles leur avaient
permis de connaître l’existence de ces contes. Dans ma classe, il y avait quatre enfants
d’origine étrangère et il s’est avéré qu’ils ne connaissaient que ces contes. Ceux qui n’avaient
pas été adaptés : Hansel et Gretel, Jack et le haricot magique n’étaient pas connus d’eux.
En outre, il y a à mon avis, une grande différence entre les enfants qui lisent des
histoires et ceux qui se contentent de les regarder. Le livre laisse une plus grande part à
l’interprétation. Le rapport au livre n’est pas donné d’emblée, il faut tout d’abord déchiffrer le
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texte, puis comprendre l’intrigue. Pour un enfant de huit ans, pour qui la lecture est encore
une aventure hasardeuse, il faut fournir une quantité d’efforts pour accéder au sens.
� La mémoire des textes partagés
Outre les livres que nous avons étudiés et que je présenterai ultérieurement, les enfants
ont également lu plusieurs autres livres de littérature de jeunesse. Je me garde d’en faire
l’énumération car elle serait trop longue. Or tous ces livres, tous ces textes étudiés constituent
des références communes pour l’ensemble de la classe. Dans ce cas, il n’existe plus
d’inégalités entre les élèves, car tous ont lus et analysés les mêmes œuvres. Ces textes
constituent un socle, un bagage culturel commun pour les élèves d’une même classe. Les
instructions officielles insistent sur l’importance de leur donner une culture « partagée »1 :
« l’essentiel est que l’enfant découvre qu’une oeuvre peut être prise dans de multiples
horizons d’interprétations, reliée à des références culturelles variées, partagées avec ses
camarades autant qu’avec sa famille ou le maître. »
A cet effet, le document Littérature2 propose aux enseignants une liste nationale d’œuvres de
références :
« En guidant le choix [des enseignants] par une liste nationale de références, on vise ainsi à
faire de la culture scolaire une culture partagée. »
Par conséquent, le rôle de l’école est essentiel, elle permet aux élèves de disposer d’un
socle commun de références communes.
b) La capacité à effectuer une lecture littéraire
Sensibiliser l’enfant à une lecture littéraire contribue à enrichir la culture littéraire de
l’enfant. Connaître les postures à adopter face à un texte littéraire, fait parti de la culture
littéraire. La lecture littéraire, comme je l’ai déjà évoqué, nécessite une attention particulière.
Catherine Tauveron dans Lire la littérature à l’école3 la définit ainsi:
«Il s’agit d’une lecture attentive au fonctionnement du texte et à sa dimension esthétique,
d’une lecture soucieuse de débusquer des effets de sens non immédiats et de les faire
proliférer, de débusquer des effets de non sens pour leur trouver du sens, toutes opérations
qui supposent la mobilisation d’une culture antérieurement construite et la création d’une
culture nouvelle. »
1 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002 2 Document d’application Littérature, p.5 3 Tauveron. C. Lire la littérature à l’école, p.18
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Le lecteur littéraire doit donc être véritablement actif. Le texte littéraire n’est en effet,
qu’un ensemble d’indéterminations, d’ouvertures de sens dont le lecteur doit se saisir pour
tenter de les résoudre. Les enfants doivent donc s’y confronter pour acquérir les notions
nécessaires à la compréhension /interprétation et doivent se familiariser à ce genre de lecture.
Je vais donc expliquer ce que j’entends par comportement à adopter face aux textes. Je
rappelle que les différents rôles du lecteur littéraire, que j’ai déjà analysés, font parti de ce
savoir faire à enseigner aux élèves.
� Apprendre à justifier :
Une telle attitude permet aux élèves d’être plus rigoureux dans leur interprétation, car
en prenant l’habitude de vérifier à chaque fois ses propos : soit dans le texte, soit dans les
illustrations, il prendra peu à peu conscience de ce qui est pertinent, ou de ce qui l’est un peu
moins. Effectivement, il est essentiel d’apprendre aux enfants les limites de l’interprétation :
on ne peut pas faire dire n’importe quoi au texte. Habituer les enfants à justifier leurs propos,
va leur permettre de constater que toute proposition n’est pas recevable.
Prendre l’habitude de justifier est à mon avis, un premier pas non négligeable, dans
l’acquisition des réflexes de lecteur littéraire, car si l’élève sait justifier ses hypothèses, il
montre ainsi qu’il a compris ce qu’il vient d’énoncer.
� Se placer dans une position d’auteur
Comme je l’expliquerai ultérieurement, j’ai beaucoup favorisé l’émission
d’hypothèses lors de l’étude de mes deux albums. Or, cette tâche les a conduits à se substituer
à l’auteur. En effet, ils se sont placés dans la posture du lecteur qui se pose les problèmes de
celui qui écrit, ils n’étaient plus des lecteurs passifs. Ils ont ainsi pu comprendre et ressentir le
texte. J’utiliserai, en guise d’illustration, des remarques d’élèves de cycle 3. Dans cette classe,
j’ai étudié l’album Dans la forêt profonde. Le héros doit traverser une forêt sombre et
profonde, afin d’apporter un gâteau à sa grand-mère souffrante. Après avoir fait d’étranges
rencontres, celui-ci s’égare dans la forêt. J’ai alors demandé aux enfants de proposer une suite
possible à l’histoire : « Que va t-il se passer à votre avis ? » Un élève de CM2 m’a ainsi
proposé : « il va rencontrer le loup, il va l’attaquer, mais le garçon sera plus fort et il va
gagner. » Un autre élève a écrit ceci : « il va retrouver son chemin et va arriver à la maison de
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sa grand-mère, mais le loup a mangé sa grand-mère et il va sauter sur le petit garçon pour le
manger. » Par conséquent ces deux suites fortement inspirées, notamment pour la deuxième
proposition de la version du conte le Petit Chaperon rouge de Perrault, sont recevables.
L’intervention du loup et la référence à ce conte sont tout à fait justifiées, puisque nous
sommes dans un univers imaginaire où l’allusion à différents contes est récurrente. Ces deux
suites sont donc en adéquation avec la logique de l’auteur, ils se sont véritablement mis à sa
place. Mettre les élèves en position d’auteur est donc très intéressant, car cela les incite à
s’interroger sur l’instance narrative et les aide à devenir des lecteurs véritablement actifs.
Après avoir défini ce que j’entendais par culture littéraire, je vais montrer pourquoi il
est nécessaire de la développer chez les élèves.
E. Les enjeux de la culture littéraire
Outre le fait de mettre tous les élèves sur un même pied d’égalité, comme je l’ai déjà
mentionné, développer leur culture littéraire répond également à d’autres préoccupations.
1. La culture littéraire au service des élèves en difficulté
Il s’est avéré que les enfants qui rencontraient des difficultés en lecture, étaient des
élèves qui n’avaient pas de bons comportements de lecteurs. Catherine Tauveron, dans Lire la
littérature à l’école1, constate que : « Les élèves en difficulté de lecture, que l’on retrouve
dans les SEGPA, croient que pour comprendre un texte il suffit d’identifier et de retenir
chacun de ses mots et que de la somme de ces mots va naturellement jaillir du sens sans autre
procédure, sans autre activité de leur part. » Ces adolescents ont donc une mauvaise
représentation de l’acte de lire, ils n’ont pas compris qu’il nécessite, de la part du lecteur, une
position d’acteur, celui-ci doit faire l’effort de lier ensemble les mots pour créer une histoire.
Le couple Chauveau a ainsi montré que pour des enfants en âge de rentrer au CP, une bonne
représentation de l’acte de lire est un des facteurs déterminants pour favoriser un bon
apprentissage de la lecture. Il est donc nécessaire de développer de bons comportements de
lecteurs, dès la maternelle.
1 Tauveron, C. Lire la littérature à l’école, p.15
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2. La culture littéraire au service de la
compréhension/interprétation
Les connaissances du lecteur sont essentielles pour mener une activité d’interprétation
et de compréhension. Un enfant qui ne disposerait d’aucune connaissance ne pourrait
interpréter et comprendre un album. En effet, tout texte exige des inférences pour être
compris. Le lecteur doit toujours être capable de convoquer ses connaissances, ou son
expérience personnelle pour comprendre. Umberto Eco appelle « l’encyclopédie du lecteur »1,
l’ensemble des savoirs disponibles dans la mémoire du lecteur, qui permettent de comprendre
un texte de fiction. Il explique que cette encyclopédie est « mise sous narcose », car on ne
peut convoquer l’ensemble de ses significations, le lecteur ne mobilise que les propriétés
nécessaires à la compréhension du texte. Les autres sont « narcotisées », elles ne sont pas
supprimées, elles sont latentes et prêtes à être invoquées, si besoin est. Il faudra donc
apprendre aux enfants non seulement à mobiliser leur culture, mais encore à le faire à bon
escient ; ce qui n’est pas toujours le cas chez les jeunes enfants.
Ainsi en maternelle, suite à la lecture de la première lettre de l’album, j’ai demandé
aux élèves d’imaginer qui pourrait être le destinataire de la prochaine lettre. Or un enfant m’a
répondu : « il va aller voir sa tata ». Or le personnage de la tante n’avait pas lieu d’être.
Certes, il est probable que ce facteur ait une tante, mais il n’était pas pertinent de réactiver
cette propriété dans cette histoire. En effet, aucun indice n’autorisait à penser que tôt ou tard
ce personnage apparaîtrait. Cet enfant a commis une erreur de compréhension qui l’a conduit
à une interprétation erronée. Il est donc clair que la culture littéraire de l’élève est nécessaire
pour comprendre un texte, mais il faut également veiller à ce qu’elle soit utilisée à bon
escient.
3. Le rôle de la culture littéraire dans l’identification des références
intertextuelles
La culture littéraire est essentielle pour identifier l’intertexte auquel une œuvre fait
référence. En effet, comme je l’ai déjà évoqué, il n’est pas toujours aisément repérable, ce qui
implique un lecteur à l’affût des moindres détails du texte. Cependant, une fois l’allusion
repérée, le travail du lecteur n’est pas terminé, il doit pouvoir l’identifier puis l’interpréter. Il
doit pour ce faire, mettre en relation cette référence avec sa « bibliothèque intérieure ».
1 Eco,U. Lector in fabula
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Certes, cette opération est complexe et nécessite un effort de réflexion de la part du lecteur,
mais elle est théoriquement vouée à la réussite.
Qu’en est-il du lecteur non érudit, en d’autres termes du lecteur qui ne possède pas une
culture littéraire très riche ? On peut distinguer deux cas : soit la référence est très implicite,
celui-ci ne peut repérer la référence, soit celle-ci est facilement repérable d’un point de vue
typographique (présence de guillemets, citation d’un auteur ou d’une œuvre) mais, celui-ci ne
peut identifier à qui ou à quoi l’auteur veut renvoyer. Dans le premier cas, le lecteur a manqué
quelque chose, il ne disposera pas de toutes les clefs du texte pour l’interpréter. Il ne percevra
pas l’intention de l’auteur. Par ailleurs, l’intertextualité n’étant ni repérée, ni identifiée,
«elle devient lettre morte »1. Dans le deuxième cas, le lecteur peut percevoir l’intention de
l’auteur, mais se voit dans l’incapacité de l’interpréter. Par conséquent, celui-ci peut ressentir
de la frustration, il peut se sentir mis à l’écart. Cette deuxième option me paraît assez
intéressante, car il faut apprendre aux élèves à être des lecteurs actifs, à ne pas rester soumis
aux textes. Dans un tel cas, la posture à adopter, est de rechercher dans l’œuvre citée, si tel est
le cas, où se trouve l’allusion. Cela lui permet par là même d’enrichir sa culture. C’est
pourquoi, je pense que certes la culture est nécessaire pour repérer l’intertextualité, mais cette
dernière permet en retour d’enrichir la culture littéraire. Il s’agit là d’une relation de
dépendance intéressante à souligner, me semble t-il.
En conséquence, pour toutes les raisons que j’ai tâché d’expliquer, j’ai tenté de mettre
en place lors de mes deux stages en responsabilité une étude de l’intertextualité et ce afin
d’enrichir la culture littéraire de mes élèves.
Je vais désormais faire état de ce que j’ai mis en place.
1 Piégay-Gros, Op. Cit. p.17
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II. Quels projets ai-je mis en place ?
A. En maternelle
1. Présentation de mon projet.
Lors de mon premier stage en responsabilité, la classe que l’on m’a confiée était une
classe de moyenne et grande section de maternelle. Aussi me suis-je demandée comment
mettre en place une étude de l’intertextualité avec des enfants d’un si jeune âge ? En effet,
comme je l’ai déjà expliqué, une telle étude nécessite de la part des lecteurs une certaine
culture. Or à cet âge, il est clair que la culture littéraire des enfants n’est guère développée.
Elle se résume bien souvent aux œuvres que les enseignants ont présentées. Toutefois, l’école
en France, n’étant obligatoire qu’à partir de six ans, certains peuvent avoir débuté leur
scolarité seulement à partir de la moyenne section. Dans ce cas, le rôle des parents dans
l’acquisition d’une première culture est essentiel. Qu’en est-il des enfants qui n’ont pas eu la
chance d’avoir des parents qui leur lisent des histoires ? En maternelle, j’ai pu constater que
l’hétérogénéité des élèves était flagrante. Ainsi, l’enseignant se doit-il de réduire les
inégalités entre les élèves. C’est pourquoi, la question de la mise en place de postures de
lecteurs tels qu’apprendre à rechercher des indices dans le texte et apprendre à mettre en
relation, est problématique, mais non moins intéressante. En effet, un tel projet, me semblait-
il, pouvait contribuer à nourrir et enrichir la culture littéraire de ces jeunes élèves.
Pour ce faire, j’ai choisi de présenter aux élèves l’album le Gentil facteur ou Lettres à des
gens célèbres de Ahlberg.
2. Présentation de cet album
a) Résumé de l’histoire
Cet album met en scène un facteur qui distribue des lettres à des personnages peu
communs, puisqu’il s’agit de héros de contes. Il apporte ainsi une lettre d’excuse de Boucle
d’Or aux Trois Ours, un extrait de catalogue des Magasins Farfadjin à la méchante sorcière
d’Hansel et Gretel, une carte postale de Jack au géant, une lettre des Presses Petits Pas ainsi
qu’une épreuve du livre qu’elles veulent publier à Cendrillon, une lettre d’huissiers de justice
chargés des intérêts du Petit Chaperon Rouge et des Trois Petits Cochons au loup et enfin la
réponse des Trois Ours à Boucle d’Or. Ces lettres sont présentées telles qu’elles le seraient
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dans la réalité, dans une véritable enveloppe, ce qui confère à cet album un aspect très
original.
b) Mon analyse de l’album
On peut dire qu’il s’agit d’un conte de randonnées successives, car cette histoire se
caractérise par une succession de personnages. Leur rencontre se déroule toujours plus ou
moins selon le même rituel. Le narrateur explique les déplacements du facteur sur sa
bicyclette, puis donne des indices sur l’identité du prochain destinataire. Il apparaît d’ailleurs
que certaines formules utilisées lors de la présentation des personnages, sont récurrentes. Pour
les deux premières lettres et pour la dernière, on peut ainsi relever la formule : « Et tralalère
et tralala ». Le recours à un tel procédé permet d’exercer la mémoire de l’enfant.
De plus, suite à la description allusive des protagonistes, le narrateur invite le lecteur à
formuler des hypothèses sur l’éventuelle identité de ces derniers. La formulation varie en
fonction de chaque personnage, mais le comportement induit reste identique. Ainsi pour le
personnage de Cendrillon on peut lire : « Avec une lettre pour… Cendrillon. ». Les points de
suspension incitent le lecteur à deviner l’identité du destinataire avant qu’elle soit révélée. Il
se crée une « connivence culturelle » entre le narrateur et le lecteur, il s’instaure une relation
de complicité, fondée sur le postulat de mêmes références culturelles. Toutefois, ce jeu n’est
pas proposé lors de l’introduction des deux premières lettres, le destinataire est mentionné
d’emblée : « Avec une lettre pour les Trois Ours. » On peut, en effet, observer une sorte de
progression dans la mise en place du jeu. Tout d’abord, le narrateur prend la peine de le
présenter, en donnant deux exemples. Puis, avant la troisième lettre, il demande à son lecteur,
s’il souhaite jouer avec lui : « Avec une carte postale pour…devine qui ? ». Enfin avec les
lettres suivantes, le jeu une fois lancé, se poursuit. Par conséquent, on peut constater la
volonté didactique du narrateur. Il apprend ainsi au jeune enfant lecteur, à mobiliser sa culture
pour deviner grâce à de nombreux indices, l’identité de personnages connus.
Tout l’album, en réalité, est fondé sur le jeu avec la culture des contes. En effet, les
illustrations et les lettres sont parsemées de références intertextuelles aux contes dont les
différents personnages sont issus. Le lecteur doit ainsi véritablement assumer les rôles du
détective et d’archéologue, décrits dans la première partie. Il doit se mettre en quête d’indices
et également faire l’effort de se rappeler des contes, qui ne sont évoqués que sous forme
d’allusions. Ainsi, un lecteur qui ne disposerait pas de la culture nécessaire, se verrait dans
l’impossibilité de les comprendre, et donc, de saisir le sens de cet album. L’enseignant doit
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s’assurer que les élèves maîtrisent bien cette culture. Toutefois, si l’on reprend la typologie
établie par Gérard Genette concernant les différentes références intertextuelles, on ne
rencontre dans cet album, que des « références ». Cette forme de relation reste explicite, le
lecteur doit retrouver le texte auquel l’œuvre fait référence. Il s’agit d’une relation in
absentia, mais l’intertexte reste aisément identifiable. Les personnages étant cités, les titres
des contes éponymes le sont donc également, c’est le cas pour Cendrillon, Boucle d’Or… Par
conséquent, dans cet album, la relation aux autres œuvres se fait d’une manière assez
explicite. On peut ainsi penser, qu’une fois de plus, celui-ci est destiné à apprendre aux jeunes
lecteurs la posture de lecteur qu’est la mise en relation. Le jeune enfant, grâce à cet album, va
apprendre à repérer les allusions aux contes et à les mettre en résonance avec sa culture.
Il apparaît d’ailleurs, que dès la première page, l’album fait référence à l’univers
culturel du conte. En effet, elle s’apparente à l’incipit du conte. Ainsi l’histoire commence t-
elle avec la traditionnelle formule « Il était une fois… ». Il est également dit de ce facteur qu’il
« [vient] de loin », ce qui n’est pas sans rappeler l’expression récurrente : « dans un pays très
lointain… ». Toutefois, ces similitudes ne peuvent êtres repérées que par un lecteur initié à ces
formules rituelles. Pour des enfants scolarisés dès la petite section, cela ne devrait pas poser
de problème car les instructions officielles prônent un travail sur les contes. Cette première
page a pour fonction d’éclairer le sous titre de l’album : Lettres à des gens célèbres. Le
lecteur peut ainsi supposer que les gens célèbres sont des personnages issus de contes. Une
fois de plus, cette inférence est très complexe et ne peut être faite spontanément par les
enfants, l’enseignant devra veiller à bien les guider.
On peut regretter que les illustrations soient très petites, car la lecture d’images est
également un travail très intéressant à mener. D’ailleurs, elles sont également parsemées de
références aux contes. Ainsi, ne peut-on identifier la sorcière que grâce à une observation
approfondie des images. On découvre ainsi une petite maison en pain d’épice, qui n’est pas
sans rappeler celle de la sorcière dans Hansel et Gretel. Là encore, l’analyse des images
nécessite la capacité à mettre en relation. Travailler cette compétence à la fois avec le texte et
les images permettraient de lui donner une véritable consistance. C’est pourquoi, en dépit de
la petite taille de ces images, je pense qu’il faut le faire.
Cet album est également très riche car il propose, de manière très authentique, tout un
éventail de types d’écrit concernant la correspondance, auxquels les enfants peuvent être
confrontés dans leur vie quotidienne : cela va de la lettre au catalogue en passant par la carte
postale. Il est donc tout à fait possible de faire une étude de ces types d’écrit. Celle-ci devra
notamment porter sur la silhouette spécifique de chacun de ces écrits, ainsi que sur la fonction
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de chacun d’entre eux. Elle contribuera à enrichir la culture des élèves et leur facilitera leur
entrée dans l’écrit. En effet, ils seront capables de se repérer facilement dans ces écrits,
puisqu’ils connaîtront le rôle de chaque partie qui les compose.
Enfin, il ne faut pas négliger la note humoristique de cet album. Les personnages des
contes sont modernisés, ce qui leur confère un aspect comique. Ainsi, dans le garage de la
maison de pain d’épice, est garée une voiture ; le prince charmant et Cendrillon reviennent de
leur voyage de noce, comme en témoignent les valises et la chemise hawaïenne du prince ; le
Petit Chaperon et les Trois Petits Cochons sont représentés par un huissier. De même, l’extrait
de catalogue pour sorcières est très drôle. Il propose, entre autres, de grands balais pour les
sorcières fortes et « pour le sorcier de [leur] vie, un nœud papillon et chaussettes assorties ».
Cet aspect ne doit pas être occulté avec les enfants, sans quoi l’on omettrait une partie des
intentions de l’auteur.
Par conséquent, il s’avère que cet album est très riche. L’aspect didactique qu’il revêt,
m’a beaucoup intéressé. En effet, il permet par le biais d’une lecture plaisante, d’initier puis
de familiariser des lecteurs inexpérimentés à des postures de lecteurs littéraires complexes.
3. Présentation de ma séquence.
J’ai pu mener cinq séances autour de cet album, sans considérer celles destinées à
préparer certaines d’entre elles.
Les objectifs de cette séquence étaient les suivants :
• Développer chez les enfants la capacité à inférer, à mettre en relation.
• Enrichir la culture littéraire des élèves.
• Connaître la structure de la lettre, afin d’écrire en dictée à l’adulte une lettre au Père
Noël.
Les programmes prônent la mise en relation des projets de lecture et d’écriture et ce,
pour un enrichissement mutuel. J’aurais d’ailleurs souhaité que mon projet d’écriture soit plus
en relation avec ce que j’avais travaillé dans cette séquence. Ainsi, j’aurais beaucoup aimé
créer une petite histoire en dictée à l’adulte, dans laquelle on aurait fait référence à des contes
que nous aurions lus ensemble. Toutefois, ce projet ne peut être l’aboutissement d’un travail
mené au cours de toute une année scolaire. C’est pourquoi, je me suis limitée au
réinvestissement du travail que nous avions fait sur la lettre.
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Dans cette séquence, les autres types d’écrit présents dans l’album ne m’intéressaient guère,
car ce que je souhaitais avant tout, c’était travailler sur l’intertextualité. Je me suis donc
permise de réécrire certaines lettres, pour qu’elles soient plus conformes à mes attentes : la
lettre de la sorcière ainsi que celle de l’huissier ont été ainsi modifiées. Elles se trouvent dans
les annexes p.58 et 59.
4. Description de la mise en œuvre du projet
Il m’a semblé qu’une lecture par dévoilement progressif était la plus appropriée. J’ai
donc choisi de ne lire qu’une seule lettre par jour. En effet, j’ai pensé que cela allait permettre
aux enfants de mettre en place des habitudes qui leur feraient réellement comprendre le
fonctionnement de l’album.
Objectifs : - Introduire la notion de mise en relation d’une œuvre avec son intertexte :
mettre en relation la lettre de Boucle d’Or avec le conte éponyme.
- Se familiariser avec l’album : personnages, thème, sujet, univers des contes.
Compétences, être capable de :
- Employer le vocabulaire spécifique autour de cet objet livre.
- Analyser la couverture du livre.
- Bien se remémorer les étapes du conte de Boucle d’Or.
- Imaginer une suite logique à l’histoire.
Déroulement :
J’ai tout d’abord mené un travail sur le paratexte, pour apprendre aux enfants à se
repérer dans l’album. En effet, il ne faut pas négliger son aspect matériel : la couverture est-
elle souple ou dure ? Où se trouve le nom de l’auteur ? Le titre ? Eventuellement l’éditeur.
Les élèves ont ainsi analysé la couverture : ils ont observé, commenté les illustrations et
repéré où se trouvaient le nom de l’auteur et le titre. À ce propos, nous avons explicité les
mots qui pouvaient poser problème : facteur : qu’est-ce qu’un facteur ? Que fait-il ? Lettre :
pourquoi écrit-on des lettres ? Les élèves devaient notamment comprendre qu’elles servent à
communiquer, à délivrer un message, en l’absence des locuteurs. Gens célèbres : qu’est-ce
que cela veut dire « gens célèbres » ? Pourquoi peut-on dire que des gens sont célèbres ? Suite
à ce long travail d’analyse, les élèves ont formulé des hypothèses sur les éventuels
Séance n°1 : découverte de l’objet livre & Boucle d’Or
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destinataires des lettres. Ils se sont à cet effet, beaucoup aidé des illustrations de la couverture.
Je leur ai ensuite lu l’introduction de l’histoire, ainsi que la première lettre de Boucle d’Or
pour les trois ours. J’avais réécrit cette lettre afin qu’elle soit en grand format. Cela me
semblait essentiel pour une première entrée dans l’album. J’ai posé quelques questions aux
enfants pour m’assurer de leur bonne compréhension, puis je leur ai demandé de me
reformuler la lettre. Nous avons ainsi mené un travail d’explicitation des allusions au conte.
Les élèves ont ensuite rappelé collectivement les grandes étapes de ce conte, car, je savais
qu’ils l’avaient déjà étudié. Enfin, ils ont de nouveau émis des hypothèses sur les éventuels
destinataires des prochaines lettres. Cela me paraissait important de les solliciter une
deuxième fois sur cette activité car, pour qu’elle soit réussie, il faut que le lecteur comprenne
la logique du texte.
Objectifs : - Mettre en relation la lettre destinée à la sorcière avec le conte d’Hansel et
vffvvfvfvfvfvfGretel.
Nous avons commencé cette séance par une phase de reformulation orale du passage
que nous avions lu la veille. En effet, cela m’a permis de vérifier la compréhension des
enfants. Lors d’une lecture par dévoilement progressif, il s’agit à mon avis d’une étape
indispensable. Cette lecture s’étend dans le temps, il faut donc s’assurer que les élèves
maîtrisent bien le début de l’histoire avant de continuer. Puis, la présentation de cette lettre
s’est déroulée de la même manière que lors de la séance précédente, c’est pourquoi, je me
permets de le présenter sous forme schématisée :
� Lecture de l’introduction à la lettre.
� Commentaire de l’illustration
� Emission d’hypothèses sur le destinataire, l’auteur, le contenu.
� Lecture du courrier. J’avais ainsi imaginé une lettre écrite par Hansel et Gretel, afin de
dissuader la sorcière d’essayer de faire du mal à d’autres enfants. Celle-ci fonctionne
également sur le mode de l’allusion au conte.
� Mise en relation avec le conte, explicitation des allusions.
� Emission d’hypothèses sur la prochaine visite du facteur. Pour varier les activités, je
leur ai fait dessiner le personnage, et j’ai légendé leur dessin, en transcrivant ce qu’ils
me dictaient. Annexes p. 60, 61, 62, 63.
Séance n°2 : Hansel et Gretel
- 26 -
- Apprendre le vocabulaire spécifique à la structure de la lettre : adresse,
destinataire, signature.
J’ai fait observer aux élèves que dans la lettre, on pouvait distinguer trois parties :
l’adresse au destinataire, le texte, la signature.
Je ne rappelle pas les compétences mobilisées, car elles sont les mêmes que lors de la
séance précédente, excepté celles relatives à la découverte de l’objet livre.
Objectif : - Mettre en relation le conte de Cendrillon avec ce courrier un peu particulier.
Déroulement :
Cette séance, comme la suivante, a été construite comme celles déjà décrites. Je ne
préciserai donc, que les activités particulières qui ont été menées.
Ce courrier contient une lettre du directeur des Presses Petits Pas et une épreuve de l’ouvrage
qu’il souhaite publier. Nous avons donc dû expliciter ce qu’était une presse. Nous avons
ensuite pu lire le petit livre racontant l’histoire de la princesse, que nous avons comparée avec
la version qu’ils connaissent de Cendrillon. En effet, celle-ci est modernisée, ainsi la princesse
mange-t-elle des « quantités de petites saucisses piquées sur un bâton ». Il s’agit en quelque
sorte d’une parodie du conte.
Objectif : - Mettre en relation la lettre de l’huissier M. Mathieu avec les contes du Petit
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Chaperon Rouge et les Trois Petits Cochons.
Déroulement :
Une fois de plus, j’avais pris soin de réécrire la lettre, j’ai notamment remplacé le mot
« huissier » par avocat, qui était plus familier des enfants, considérant que cela, ne modifiait
pas beaucoup le sens. J’ai également insisté sur la notion d’avocat : qu’est- ce qu’un avocat ?
Pourquoi fait-on appel à un avocat ? Qui défend-il ?
Séance n°3 : Cendrillon
Séance n°4 : Le Petit Chaperon Rouge et les Trois Petits Cochons
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Objectif : - Réinvestir ce que les enfants ont appris à propos de la structure de la
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! !lettre : l’adresse au destinataire, le texte et la signature.
Déroulement :
Tout d’abord, j’ai présenté aux enfants l’album La Lettre au Père Noël 1.Je leur avais
ensuite préparé une surprise : dans une grande enveloppe blanche, sur laquelle était écrite
l’adresse de l’école, j’avais caché une image du Père Noël, une autre du facteur tel qu’il
apparaît dans l’album et une petite enveloppe dans laquelle il y avait une feuille blanche. Je
leur ai ainsi expliqué que nous avions reçu un courrier étrange. Les enfants ont tout de suite
compris qu’ils allaient devoir à leur tour, écrire une lettre au Père Noël. Nous avons à cet effet
rappelé tout le vocabulaire appris à propos de la lettre et de l’enveloppe : le timbre, le tampon,
l’adresse au destinataire, le texte et la signature. Puis, les enfants m’ont dicté ce qu’ils
voulaient écrire. Ils ont dû respecter les contraintes de la mise en page de la lettre. Enfin,
après maintes relectures et corrections, ces derniers ont tour à tour signé leur production.
Annexe p. 64.
1 Alessandrini J. et Kniffe, S. La Lettre au Père Noël , éditions Grasset.
Séance n°4 : Rédaction de la lettre au Père Noël
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B. Au cycle trois
1. Présentation de la classe.
La classe dont on m’avait confié la responsabilité lors de mon deuxième stage, était
composée de six CE2, neuf CM1 et dix CM2, soit tout un cycle trois. Elle présentait un
niveau très hétérogène, car outre ces trois niveaux, il y avait également quatre enfants
d’origine étrangère. C’est pourquoi, ce stage a été pour moi l’occasion d’observer ce que mon
projet pouvait apporter à l’ensemble d’un cycle trois.
2. Présentation de mon projet.
Après avoir analysé comment introduire l’intertextualité avec de jeunes enfants dont la
culture littéraire n’était pas encore très étendue, j’ai souhaité mener une comparaison avec des
enfants plus grands, dont on pense qu’ils disposent d’un socle conséquent de références
communes.
Le but que j’ai poursuivi restait le même : enrichir la culture littéraire des élèves. J’ai
donc mis l’accent sur les postures de lecteur déjà décrites : entraîner les enfants à devenir des
« détectives » et des « archéologues » aguerris, ainsi que, faire de l’aptitude à inférer, un
réflexe de lecteur littéraire. En revanche, contrairement à mes élèves de maternelle, la culture
littéraire du point de vue « mémoire des textes » n’était pas la priorité, car je pensais que
l’intertexte de l’album était plus ou moins familier des enfants. Il s’agissait pour moi
d’insister sur les comportements de lecteur littéraire qu’impliquait l’étude de l’intertextualité.
En effet, selon les instructions officielles de 2002, au cycle des approfondissements,
l’objectif est de construire des connaissances de manière plus réfléchie, afin de rendre l’enfant
de plus en plus autonome dans ses apprentissages. Cela est également valable dans le domaine
de la littérature. L’enfant doit être peu à peu capable de comprendre et interpréter seul un
texte littéraire. Or pour ce faire, il doit être muni des bonnes armes que sont les postures du
lecteur littéraire. Elles sont pour lui, la seule manière de s’orienter dans une œuvre littéraire
sans courir le risque de se perdre ou d’être perdu par l’auteur. L’enjeu de mon projet serait
donc à long terme d’être capable de mener une véritable lecture littéraire.
Pour ce faire, j’ai choisi de présenter aux élèves l’album Dans la forêt profonde
d’Anthony Browne.
- 29 -
3. Présentation de mon support
a) Résumé de l’histoire
Une nuit, le narrateur qui est un petit garçon, est réveillé par un bruit étrange. Le
lendemain matin, il découvre que son père est parti. Sa mère reste très mystérieuse, les
illustrations la montre les yeux hagards, l’air désemparé. Le jour suivant, elle lui confie une
mission : aller apporter un gâteau à sa grand-mère malade. Toutefois, elle le met en garde, car
il existe deux manières d’aller chez cette grand-mère : traverser la forêt ou la contourner, ce
qui « prend des siècles », elle lui conseille d’emprunter le second chemin. Cependant, le
garçon désobéit et fait des rencontres très étranges : une petite fille aux cheveux d’or, un petit
garçon qui part vendre sa vache et deux enfants : un garçon et une fillette, attendant
désespérément leurs parents au coin d’un feu. Enfin, celui-ci est pris d’une crise de panique et
se sent poursuivi par un loup, si bien qu’il s’égare dans cette forêt sombre et froide. Il retrouve
finalement la maison de sa grand-mère mais, lorsqu’il frappe à la porte, celui-ci ne reconnaît
pas sa voix. Pourtant, il est trompé par les histoires que celle-ci lui avait racontées, car c’est
bien elle qui l’accueille. Les retrouvailles sont perturbées par un autre bruit, mais une fois
encore, le garçon découvre qu’il s’agit seulement de son père. Tout est bien qui finit bien, les
deux hommes rentrent chez eux et sont accueillies chaleureusement par la mère.
b) Mon analyse de l’album.
Cette histoire est, à mon sens, une représentation symbolique de l’acte de grandir. Elle
est en fait la transposition du parcours initiatique que chaque enfant doit nécessairement
accomplir pour vaincre ses peurs et devenir un adulte. Au début de l’album, le narrateur est un
petit garçon en proie à des angoisses, il se réveille en pleine nuit. Aussi le lecteur peut-il
croire qu’il s’agit d’un cauchemar ou du tonnerre, puisque les illustrations montrent un éclair
dans le ciel. Mais le lendemain, lorsque l’on apprend que le père est parti, on peut penser
également que le bruit pouvait provenir d’une dispute entre les parents. L’interprétation reste
ouverte.
Le départ du père vient ainsi fragiliser l’équilibre familial, la mère et le fils ne
communiquent plus laissant place à un silence pesant comme en témoignent les illustrations :
la mère semble totalement absente, effacée et le petit garçon attend le retour du père. Cette
rupture est également traduite dans les illustrations, en effet page cinq, elles prennent l’aspect
de vignettes, traduisant par là même une impression de fragmentation. De même, dans la
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première vignette, apparaît un portrait de la famille réunie, mais celui-ci est fissuré,
représentant ainsi la séparation effective du père et de la mère et son fils.
Ce déséquilibre conduit le narrateur à transgresser l’ordre donné par sa mère, qui est
de ne pas traverser la forêt, car il souhaite rentrer le plus tôt possible au cas où son père serait
rentré. Or, contrer l’autorité de la mère signifie qu’il commence à se constituer sa propre
identité.
La traversée de la forêt est cruciale car c’est à partir de ce moment que va réellement
commencer le rite initiatique : le garçon est seul face à ses peurs et personne ne pourra l’aider
à les affronter. Ce changement est également visible dans les illustrations, seul le petit garçon
est représenté en couleur, le reste est dessiné en nuance de noir et de blanc. La forêt apparaît
par ce procédé, assez inquiétante, il se dégage un sentiment de tristesse mêlé d’angoisse. Elle
semble destinée à faire ressurgir les peurs ancestrales du narrateur, mais aussi du lecteur. De
plus, les arbres sont dépourvus de feuilles, elles sont toutes tombées à terre, seules ont
survécues des épines assez hostiles. Certains troncs semblent avoir été arrachés par une
terrible tempête. On est face à un paysage de mort. Il semblerait que l’on ait basculé dans un
autre monde, un monde imaginaire où tout peut arriver. D’ailleurs, les rencontres qu’il fait,
semblent confirmer cette impression puisqu’il s’agit de héros de contes : Jack et le haricot
magique, Boucle d’Or, et Hansel et Gretel. Il voyage ainsi dans l’univers imaginaire des
contes. Peu à peu, ceux-ci prennent de plus en plus d’emprise sur le narrateur, la distanciation
du début à l’égard des personnages laisse place à un phénomène d’intériorisation, tant et si
bien qu’il finit par incarner le Petit Chaperon Rouge. Il trouve en effet un manteau rouge, le
revêt et se sent alors curieusement poursuivi par un loup.
Lorsqu’il retrouve la maison de sa grand-mère, il prend le risque d’y entrer, malgré ses
craintes : il pense que le loup l’a dévorée. Il explique ainsi qu’ « [il] étai[t] terrorisé. »
Cependant, il surmonte sa peur et vainc l’épreuve qui lui a été infligée. Il est ainsi récompensé
par le sourire chaleureux de sa grand-mère. On comprend que l’épreuve prend fin et que le
garçon a de nouveau basculé dans un monde rationnel, par le retour des couleurs dans
l’illustration. D’ailleurs la réaction du narrateur, lorsqu’il entend le deuxième bruit témoigne
de sa maturité : il n’a plus peur et affronte le danger. Cette fois, il remporte l’épreuve et il est
une fois encore, bien récompensé puisqu’il retrouve son père. Tout rentre dans l’ordre, mais le
garçon n’en est pas moins transformé, puisqu’il a accompli son parcours initiatique.
Cet album offre donc une lecture psychanalytique assez intéressante. Le message qui
s’en dégage ainsi que sa structure est très proche du conte. Ce message me paraît très
pertinent, car ce garçon dont on ne connaît pas le prénom, ressemble aux enfants de son âge, à
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qui on raconte des histoires angoissantes, qui permettent paradoxalement, de transcender leurs
craintes.
Par ailleurs, il va de soi, que la raison qui m’a poussée à choisir cet album, est
évidemment le rapport qu’il entretient avec les contes. Il est une mine d’allusions aux contes
pour enfants. Outre ceux que j’ai déjà cités, on peut également reconnaître des références au
Petit Poucet, au Petit Soldat de Plomb (page 2, dans les illustrations, on constate que le petit
garçon en possède un), Cendrillon, Blanche Neige, la Belle aux Bois Dormant, le Chat Botté,
Raiponce, et tous ceux qui ont peut-être échappés à mon analyse. En effet, non seulement, les
allusions sont présentes dans le texte, comme c’est le cas pour ceux que j’ai évoqués dans le
premier paragraphe, mais encore Anthony Browne par ses talents de dessinateur, s’est amusé
à dissimuler dans les illustrations de multiples indices. La forêt dans laquelle le garçon s’est
promené, regorge de petits objets ou personnages rappelant ces contes.
Par rapport au Gentil facteur, l’intertexte est donc ici plus difficile à repérer et à
identifier, la référence est devenue implicite. En reprenant la typologie de Genette, on peut
dire qu’il s’agit d’allusion. Elle est bien plus subtile que la citation ou la référence, elle
sollicite davantage la mémoire du lecteur. Il doit être capable de comprendre et d’identifier ce
que l’auteur lui dit à mots couverts. De fait, cette relation peut poser problème, car elle peut
ne pas être reconnue. C’est pourquoi, dans ce cas, il faut guider le lecteur et rendre l’allusion
explicite, sans quoi, le lecteur non averti encourt un risque d’exclusion. L’allusion est ainsi la
relation intertextuelle la plus difficile à identifier, mais à mon goût, elle est aussi la plus
intéressante, car c’est elle qui récompense le mieux le lecteur « archéologue ».
Par conséquent, cet album m’a semblé être en parfaite adéquation avec le projet que je
m’étais fixé, car il oblige le lecteur à adopter une position active, il doit se mettre en quête de
tous les indices qui lui permettront d’identifier les contes. En effet, à aucun moment, ceux-ci
ne sont nommés. Tout fonctionne sur le mode de la complicité entre le lecteur et l’auteur. Un
lecteur qui se contenterait de lire, sans chercher à comprendre les sous-entendus, ne pourrait
comprendre la signification de l’histoire, du moins il n’en percevrait qu’une infime partie et
omettrait l’essentiel.
Enfin, il ne faut pas négliger le côté poétique et esthétique du livre. Les illustrations
sont de très bonne qualité, elles sont très expressives et fournissent à elles seules des
informations essentielles à la compréhension, elles ne redisent pas le texte, mais le
complètent, elles constituent presque un deuxième système d’énonciation. D’ailleurs, la
relation texte/image est très souvent représentative de la qualité littéraire d’un album.
L’imaginaire est flatté à la vue de ces images et l’on se prend à rêver et à voyager à notre tour
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dans cet univers si mystérieux, mais si évocateur. Elles sont très propices à des débats
d’interprétation, notamment la première représentation de la forêt, lorsque le garçon y pénètre
pour la première fois. Par conséquent, il me semble indispensable d’envisager une analyse
approfondie des illustrations.
4. Présentation de ma séquence
J’ai mené en tout six séances sur l’étude de cet album. Je n’inclus pas ici les activités
satellites que j’ai également conduites. Les objectifs que je poursuivais étaient les suivants :
• Enrichir la culture littéraire des élèves :
o Mémoire de certains contes.
o Postures de lecteur liées à l’étude de l’intertextualité.
• Faire un inventaire poétique de tout ce qu’on peut trouver dans « la forêt profonde », à
la manière de Paul Eluard dans « L’armoire aux enfants».
Une fois de plus, je dois avouer que j’aurais également apprécié de mener un projet
d’écriture en parfaite adéquation avec ce projet de lecture. Toutefois, ce que j’aurais voulu
conduire ne pouvait être envisagé qu’à long terme. En effet, il aurait été intéressant de créer
un petit album avec une histoire similaire, faisant référence à d’autres contes. Ce projet
d’écriture m’a permis d’aborder de manière dynamique l’aspect poétique de l’album.
D’ailleurs, écrire « à la manière de… », c’est aussi être capable de mettre en relation le talent
du poète avec la dimension esthétique de l’album.
5. Organisation de mes séances.
Objectifs : - Découvrir l’album.
. - Comprendre l’intrigue, et le rôle de chacun des personnages.
Compétences, être capable de :
- Comprendre les informations explicites d’un texte littéraire.
- Exposer un point de vue critique sur le texte, lors de la phase de bilan.
Séance n°1 : Découverte et lecture de l’album
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Déroulement :
J’ai commencé par expliquer aux élèves que j’allais leur lire une histoire qui
s’intitulait Dans la forêt profonde, je leur ai demandé ce que pouvait leur évoquer un tel titre.
Je prenais note de leurs hypothèses au tableau. J’ai ensuite dévoilé l’illustration de la
couverture. Les enfants l’ont commentée et ont poursuivi leur travail d’émission
d’hypothèses : de quel genre d’histoire peut-il s’agir ? Que peut-elle raconter? Quels
personnages peut-on y trouver ?
Puis, je leur ai lu l’histoire, et me suis arrêtée aux passages clés, afin de faire un point
sur leur compréhension et de leur faire imaginer une suite éventuelle : pages 1-2, pages 5-6, je
leur ai alors demandé d’écrire ce qu’ils auraient fait à la place du narrateur : quel chemin
auraient-ils pris et ce qu’ils pensaient que le petit garçon allait faire, p.17-18 : lorsqu’il est sur
le point d’entrer dans la maison de sa mamie, p.19-20 : lorsqu’il entend un autre bruit derrière
lui.
Ils ont ensuite réfléchi par écrit, à la morale de l’histoire : que raconte cette histoire, à
quoi fait-elle réfléchir ? Ils ont également exprimé ce qu’ils avaient ressenti et pensé de
l’histoire de manière individuelle, puis en commun.
Enfin, nous avons travaillé sur la caractérisation des personnages, notamment sur le
contraste entre le début et la fin de l’histoire où le garçon et la mère semblent s’être épanouis.
Objectif : - Vérifier la compréhension de l’histoire lue la veille.
Déroulement :
Avant d’envisager une étude approfondie de l’album, il me fallait être certaine que les
élèves maîtrisaient l’intrigue de l’histoire et avaient bien cerné le rôle de chacun des
personnages. Comme ma classe était un triple niveau, j’avais à cet effet, prévu un
questionnaire que les enfants remplissaient en autonomie. Celui-ci était différent en fonction
des différents niveaux. Car, mes exigences n’étaient pas les mêmes pour les CM que pour les
CE2. La correction s’est faite en commun, afin de pouvoir intervenir le plus rapidement et
efficacement possible, en cas de contresens.
Séance n°2 : Vérification de la compréhension
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Objectif : - Reconnaître et identifier le deuxième personnage rencontré dans la forêt : la
? fillette n’est autre que Boucle d’Or.
Compétences, être capable de :
- Analyser finement des illustrations
- Se souvenir du conte Boucle d’Or
- Mettre en relation les indices présents dans le texte et dans l’illustration avec les
…………….réminiscences que les élèves ont de ce conte.
Déroulement :
Cette double page est riche d’allusions à ce conte, aussi bien dans les illustrations que
dans le texte. Je voulais donc conduire les élèves à les repérer puis à les mettre en relation
avec leur culture, afin d’identifier l’intertexte.
Cette séance a été conduite deux fois : la première avec les CM, la deuxième avec les CE2.
Tout d’abord, les élèves ont travaillé par groupes de deux. Ils devaient chercher dans
les illustrations et dans le texte, des indices qui pourraient les aider à identifier la petite fille.
En effet, chaque élève disposait du texte, que j’avais pris soin de recopier. A chaque fois
qu’ils repéraient quelque chose qui leur paraissait intéressant, ils ne devaient pas se contenter
de le relever, mais également écrire en face ce que cela leur évoquait. Nous travaillions ainsi
la compétence de mise en relation.
Ensuite, les élèves échangeaient leurs découvertes, je prenais note au tableau de ce
qu’ils avaient relevé de significatif dans le texte et j’entourais sur une reproduction de l’image
au format A3, les détails qu’ils avaient remarqués.
Nous avons fait une synthèse de tous ces indices et les élèves en ont alors déduit
l’identité du personnage.
Pour confirmer ou infirmer leur hypothèse, nous avons relus le conte de Boucle d’Or.
Séance n°3 : Analyse des pages 11-12
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Dans la double page étudiée lors de la séance 4, il est question du conte Hansel et
Gretel, et pages 9-10 : de Jack et le haricot magique. J’avais choisi de n’étudier ce conte
qu’en dernier, pensant qu’il était moins familier des élèves. Je souhaitais ainsi modifier ma
démarche pédagogique pour l’analyse de cette double page. Pourtant, à l’issu de la séance 4,
les élèves ayant commencé à bien comprendre le fonctionnement de l’album, ont deviné que
le petit garçon avec la vache était très certainement Jack. C’est pourquoi, j’ai suivi le même
déroulement pour les séances 4 et 5, que celle que je viens de décrire. Aussi me contenterais-
je d’en donner la structure.
� Recherche par groupes de deux, d’indices dans le texte et l’image, avec émission
d’hypothèses.
� Mise en commun
� Synthèse, déduction de la véritable identité du ou des personnages.
� Relecture du conte. Contrairement au conte de Boucle d’Or qui était plus court et
connu de tous les élèves, la redécouverte de ces contes a fait l’objet d’une autre
séance.
Objectif : - Identifier les multiples références aux contes de la page 16 de l’album Dans la
. forêt profonde pour créer un inventaire poétique à la manière de Paul Eluard.
Annexe p.65.
Compétences, être capable de :
- Analyser finement des illustrations
- Se rappeler des contes auxquels cette page fait allusion.
- Mettre en relation les indices présents dans le texte et dans l’illustration avec les
réminiscences que les élèves ont de ces contes.
- Faire l’inventaire de toutes ces allusions à la manière de Paul Eluard.
Séance n°4: Analyse des pages 13-14/ séance n°5 : pages 9-10
Séance n°6 : Mise en relation de l’album Dans la forêt profonde avec le
poème de Paul Eluard « Dans l’armoire aux enfants »
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Déroulement :
J’avais déjà consacré une séance à l’étude du poème de Paul Eluard. Les élèves ont
commencé comme lors des autres séances, par un travail en groupe de deux : ils devaient
repérer et identifier dans l’illustration le plus d’indices possibles. Ils ont ensuite mutualisé
leurs recherches. Nous avons relu le poème, je leur avais expliqué auparavant, que nous
allions faire l’inventaire poétique de ce que nous avions trouvé dans la forêt profonde. J’ai
rappelé aux enfants les quelques contraintes d’écriture : le texte ne doit faire qu’une seule
phrase. Il doit être un inventaire, une liste de ce que vous avez trouvé dans la forêt profonde.
Vous ne pouvez pas vous contenter d’écrire seulement les noms, vous devez les expliquez un
peu tout en restant allusif. L’inventaire commencera par « Dans la forêt profonde, il y a… ».
Enfin, j’ai lu quelques productions qui me semblaient très réussies pour aider ceux qui avaient
plus de difficulté. Annexes p. 66, 67, 68,69.
Objectif : - Conduire les élèves à un petit débat d’interprétation sur la ou les sens de cette
histoire.
Déroulement :
Nous avions déjà mené un petit débat à ce sujet suite à la première découverte de
l’album. Toutefois, je voulais savoir si le travail d’analyse que nous avions fourni leur avait
permis d’enrichir leur réflexion. Je leur ai donc demandé de répondre aux deux questions
suivantes par écrit : que raconte vraiment cette histoire? Qu’en avez-vous pensé ? Après ce
petit temps de réflexion individuelle, les élèves qui le souhaitaient ont pu lire ce qu’ils avaient
rédigé, permettant ainsi de nourrir le petit échange mené sur ces deux sujets.
Séance n°7: Retour sur la morale de l’histoire
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III. Analyse comparative de mes deux séquences
A. Mise en œuvre pédagogique de la relation intertextuelle
Il apparaît que la mise en œuvre d’une telle étude varie en fonction de l’âge et de la
culture des élèves. C’est pourquoi, en cycle trois, ma démarche n’a pas été la même qu’en
début de cycle deux. En effet, comme je l’ai déjà évoqué, cette étude requiert à la fois la
capacité à mettre en relation ainsi qu’une culture suffisamment développée. Or, l’objectif de
mes deux projets tendait à la fois à enrichir le répertoire des contes des enfants ainsi qu’à
solliciter les différentes postures de lecteur nécessaires à la reconnaissance de l’intertexte.
Toutefois, pour répondre à cette deuxième exigence, il fallait m’assurer que les élèves
disposaient d’un minimum de connaissances à l’égard de l’intertexte des albums étudiés : au
moins trois contes.
Cela était, à mon avis, d’autant plus important en maternelle, car la lecture est pour ces
enfants une expérience nouvelle, elle mobilise beaucoup d’attention, il ne fallait donc pas
multiplier les difficultés, pour ne pas les rebuter. En ce qui concernait l’album Le Gentil
Facteur, il était évident qu’à cinq ans, les élèves ne connaissaient pas la majorité des contes
référés. D’ailleurs, le maître titulaire de la classe avait confirmé mes doutes : ceux-ci
n’avaient lu en classe ni Hansel et Gretel, ni Jack et le haricot magique. C’est pourquoi, j’ai
choisi de présenter Hansel et Gretel avant même de lire l’album. J’ai beaucoup insisté sur la
maison de pain d’épice, puisque c’est le seul indice qui permet d’identifier la sorcière avant la
lecture de la lettre. A cet effet, je leur avais lu le conte, sans leur montrer de représentation de
cette maison et leur avait donc demandé de la dessiner telle qu’elle était décrite dans l’histoire
et telle qu’ils se l’imaginaient, cf. annexes p.70, 71. Puis, je leur ai montré l’illustration et ils
l’ont commentée. Je pensais ainsi favoriser la mémorisation des caractéristiques de cette
maison. Cela s’est avéré très efficace, ils ont beaucoup apprécié le fait de dessiner la maison
puis de la découvrir, ils manifestaient beaucoup de curiosité, et ils l’ont décrite avec précision.
Lors de la deuxième séance menée sur l’album, quand je leur ai montré l’illustration, ils ont
tout de suite reconnu le conte : « Ah ! C’est la maison de la sorcière de l’histoire que tu nous
as lue ». Nous avons par ailleurs, mené un petit travail d’analyse sur le conte, toujours dans ce
même souci de mémorisation. En revanche, j’ai pris le parti de ne pas lire la carte postale de
Jack. Effectivement, l’album me paraissait déjà assez complexe pour des enfants si jeunes. Il
m’a semblé que l’étude de quatre lettres serait suffisante. J’ai ainsi choisi de ne pas rendre
plus difficile encore la tâche des élèves, en m’assurant que l’intertexte était toujours bien
maîtrisé.
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Au contraire, en cycle trois, j’ai supposé que la plupart des contes auxquels l’album
fait allusion, étaient connus des élèves. En effet, à huit, neuf, dix ou onze ans, il est peu
probable qu’un enfant n’ait jamais eu connaissance du Petit Chaperon Rouge ou de Boucle
d’Or. D’une part, parce que la société dans laquelle on vit multiplie les allusions et/ou les
références à ces contes, d’autre part parce qu’en maternelle et au cycle deux, les instructions
officielles recommandent de les étudier. Par ailleurs, au cycle des approfondissements, la
lecture ne doit plus constituer un obstacle à l’analyse d’un texte littéraire. C’est pourquoi, il
était intéressant d’aborder cette étude sous un angle différent. Je souhaitais observer à la fois
quelles étaient les connaissances que les enfants avaient de ces histoires et comment ceux-ci
les mobilisaient, quels détails leur avaient permis de les identifier. J’ai donc commencé par
lire l’album et ensuite, les enfants ont lu ou relu les textes d’origines.
Cela a ainsi été l’occasion de les redécouvrir sous un éclairage différent : relire le
conte Hansel et Gretel, a ainsi permis d’insister sur l’aspect effrayant de la forêt. Le passage
où les deux enfants ne retrouvent plus leur chemin et constatent qu’ils sont perdus, a provoqué
chez les enfants des réactions très intéressantes, une petite fille a dit : « la forêt elle est
sombre, froide et effrayante comme dans la forêt profonde. » En effet, nous avions étudié la
forêt telle qu’elle apparaissait pour la première fois dans l’album et beaucoup d’enfants ont
trouvé qu’elle était « sombre, froide, et effrayante ». Un garçon lui a rétorqué : « mais c’est
pas Dans la forêt profonde, c’est Hansel et Gretel, et pis là, elle est en couleur la forêt », ce à
quoi a répondu un autre enfant : « oui mais c’est pas grave parce que la forêt, elle est
imaginaire, c’est presque la même ».
Par conséquent, on voit bien que le deuxième enfant a encore du mal à effectuer des
rapprochements entre ces deux histoires, en revanche les deux autres témoignent d’une grande
maturité. Ils ont su se rappeler des analyses que nous avions faites à propos de l’album, pour
interpréter une autre histoire, grâce au thème commun qu’était cette forêt sombre et
effrayante. Ils ont enrichi leur lecture de ce conte, car ils ont su le mettre en perspective avec
l’album.
D’ailleurs, on peut souligner le rôle des interactions entre élèves. En effet, la remarque
du deuxième enfant a contraint les autres à l’expliciter, et par l’a ainsi rendue accessible à
ceux qui n’avaient pas eu l’idée d’effectuer cette opération mentale. Ils ont pu profiter de la
compétence de ces deux élèves et ont dû, a posteriori, eux aussi faire l’effort de mettre en
correspondance ces deux textes, pour comprendre et pour valider les propos tenus. Par
conséquent, au cycle trois, la démarche pour laquelle j’ai opté, me semble offrir plus de
possibilités pour inciter les élèves à adopter des comportements de lecteur littéraire.
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En maternelle, contrairement au cycle trois, il m’a fallu didactiser le support, pour le
mettre à la portée des jeunes élèves. En effet, celui-ci était assez difficile pour des enfants si
jeunes. La variété des types d’écrit qu’il propose n’était pas réellement adaptée à eux. Ainsi,
l’extrait de catalogue destiné à la sorcière, me semblait difficilement abordable à ce niveau.
Certains mots de vocabulaire ne faisaient pas encore parti de leur répertoire : « impromptus »,
« jouvence », « inédite », etc. Il aurait fallu mener un travail d’explicitation de tous ces mots
pour leur permettre de comprendre le côté humoristique de ce courrier, ce qui aurait provoqué
l’effet inverse de celui escompté.
De plus, cette lettre ne m’intéressait guère, car elle ne faisait pas référence au conte
Hansel et Gretel.
En réalité, j’ai pu éprouver les conséquences d’un manque d’attention à l’égard de
certains supports utilisés. Mes élèves ont ainsi rencontré beaucoup de difficultés pour
comprendre la lettre des Presses Petits Pas adressée à Cendrillon. Lors de la préparation de
cette séance, je n’avais pas du tout envisagé que celle-ci aurait pu leur poser problème. C’est
pourquoi, je n’avais prévu aucun dispositif didactique spécifique, outre l’explication de
certains mots. J’ai donc lu la lettre, les enfants ont supposé que c’était le prince charmant qui
l’avait écrite. Ils se sont donc montrés très surpris de constater que ce n’était pas le cas et ne
comprenaient pas qui était ce président directeur général. Certains m’ont demandé s’il
s’agissait du président de la République. Il m’a fallu leur expliquer longuement ce qu’étaient
des presses et quel était leur rôle, ce qui était nécessaire pour comprendre pourquoi un
exemplaire de leur ouvrage était joint à la lettre. Toutefois, mon travail aurait été bien plus
efficace si j’avais pallié cette difficulté en leur montrant un album documentaire expliquant
très bien le fonctionnement et le rôle de celles-ci. En effet, la difficulté des enfants venait du
fait que cet objet leur était parfaitement inconnu. En cela, on peut dire qu’ils ne disposaient
pas de la culture nécessaire. Je pensais, d’ailleurs, que mon explication et l’épreuve de
l’ouvrage avaient été efficaces. Pour m’en assurer, je leur avais demandé en fin de séance de
reformuler ce courrier, ce qui m’avait conforté dans mon opinion.
Pourtant, le lendemain, lorsque je leur ai fait refaire cette même tâche, il s’est avéré
qu’ils ne parvenaient pas à faire la différence entre l’auteur de la lettre et du livre. Cela était
d’autant plus difficile pour eux, car ce dernier n’est pas mentionné. Il m’a fallu insister sur
cette notion, car je ne pouvais poursuivre ma lecture sans m’être assuré que ceci était enfin
maîtrisé. J’ai donc redonné une définition de ce qu’était une presse. Je ne suis pas très
satisfaite de cette remédiation, il est clair qu’elle aurait été bien plus efficace avec un album
documentaire rédigé pour un public de cet âge. Cela montre bien la nécessité de didactiser les
- 40 -
supports lorsqu’ils sont trop complexes, mais aussi et les programmes insistent sur ce point, le
devoir de l’enseignant en littérature, c’est avant tout de faire une analyse approfondie des
supports et d’anticiper les éventuelles difficultés des élèves. Je n’ai pas été assez vigilante.
Pourtant, cette erreur m’a été utile, car en relisant la prochaine lettre que nous allions
étudier, je me suis rendue compte qu’elle pouvait poser problème. En effet, il était question
d’huissiers et certaines tournures de phrases étaient complexes. C’est pourquoi, je l’ai réécrite.
Certes, cette nouvelle lettre semblait moins authentique, mais plus adaptée à mes enfants;
d’ailleurs, je n’ai fait que modifier la forme et non le fond.
L’étude n’a posé aucun problème et nous avons ainsi pu nous intéresser à l’intertexte,
sans être parasités par des questions de compréhension littérale ; d’où l’intérêt de bien
analyser ses supports pour, si besoin est, les mettre à la portée des élèves.
Dans ma classe de cycle trois, je n’ai plus été confrontée à ce problème, car j’avais
pris soin de veiller à ce que ces détails ne constituent pas un obstacle à notre étude.
L’album Dans la forêt Profonde m’a semblé parfaitement adapté à des cycles trois.
Cette expérience me permet également de souligner l’importance de vérifier la
compréhension des élèves, avant d’envisager un travail plus approfondi sur l’intertexte ou
l’interprétation.
B. L’importance de la ritualisation en maternelle
La maternelle se caractérise par cette exigence, il faut aménager des rituels, afin que
les enfants puissent se construire des repères spatio-temporels. Or, je me suis aperçue qu’en
lecture, le recours aux rituels a permis aux élèves de se familiariser avec les différentes
postures de lecteurs dont j’ai déjà beaucoup parlé.
En effet, lors de la première séance, lorsque je leur demandais de faire des
suppositions sur l’éventuel destinataire de la lettre, ceux-ci le faisaient mais sans réelle
conviction. Il fallait que je réitère plusieurs fois ma question et certains enfants ne paraissaient
pas concernés. Les enfants ont réagi de la même manière lorsque j’ai lu la lettre et que je leur
ai demandé d’expliciter les allusions à Boucle d’Or : « pourquoi dit-elle qu’elle est désolée
d’être entrée dans la maison des ours et d’avoir mangé la bouillie de Bébé Ours ? » Un élève
se contentait de répondre à ma question, il évoquait le passage en question mais n’allait pas
plus loin. Ils ne se sont pas montrés très motivés pour faire un rappel oral du conte. Ils n’en
comprenaient pas l’utilité puisque cette lettre ne faisait référence qu’à des passages bien
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précis. Lors de la deuxième séance, je n’ai pas constaté d’amélioration, je pensais que l’album
ne leur plaisait pas et commençais à envisager d’en écourter la lecture.
Pourtant lors des deux séances suivantes, ils ont changé totalement d’attitude. Je
n’avais plus besoin de reformuler mes questions, ils savaient qu’ils devaient imaginer qui
pouvait être l’auteur de la lettre. De même, lors de la quatrième séance, ils n’ont eu aucun mal
à expliquer pourquoi le Petit Chaperon Rouge et les Trois Petits Cochons se plaignaient du
loup, ils ont d’ailleurs pris beaucoup de plaisir, contrairement aux fois précédentes, à les
résumer. Tous ont souhaité participer. Les élèves ont pris goût à retrouver ces petits rituels.
Une fois ces habitudes installées, ils ont ainsi pu fournir un travail de plus en plus intéressant.
En effet, la première tâche d’émission d’hypothèses ne leur a jamais posé problème :
ils ont toujours fourni à ce propos des réponses cohérentes, ils ont tout de suite compris que
l’auteur de la lettre, ne pouvait être un personnage étranger au conte auquel le texte faisait
référence. Ainsi, pour la lettre de la sorcière ils avaient proposé « Hansel et Gretel » ou « le
papa d’Hansel et Gretel ». En revanche, il n’en était pas de même pour la deuxième tâche qui
consistait à imaginer qui pouvait être le prochain visiteur du facteur. Il suffisait de citer des
personnages. Or, lors des deux premières séances, certains d’entre eux ne parvenaient pas à
sortir des contes déjà évoqués. Ainsi, à l’issue de la première séance, lorsque j’ai posé cette
question, un enfant m’a répondu : « aux Trois Ours ». Je n’ai d’ailleurs pas eu besoin
d’intervenir, car une petite fille lui a expliqué que ce n’était pas possible puisque le facteur
venait de leur apporter une lettre.
Néanmoins, le lendemain, le même élève réitérait sa proposition. D’ailleurs, je leur
avais demandé de dessiner leurs personnages, ce qui m’a permis de constater que deux autres
enfants étaient dans le même cas que lui : l’un avait dessiné les trois ours et l’autre Hansel et
Gretel, cf. annexes p. 61 et 62. Ils avaient donc beaucoup de mal à effectuer cette opération
d’abstraction qui consistait à sortir de l’album, pour aller à la rencontre de l’intertexte que
constitue l’ensemble des contes. Pour remédier à cela, j’ai demandé aux autres enfants de
montrer leur dessin et de justifier leur réponse. Un garçon a alors dit : « le facteur, il apporte
une lettre pour le Chaperon Rouge, parce que c’est comme dans Hansel et Gretel », ce qui
montre qu’il avait compris l’exercice. Or, lors de la séance suivante, un seul élève m’a encore
répondu « les trois Ours », ce qui a provoqué une vive réaction chez les autres enfants. Nous
lui avons une fois de plus, expliqué pourquoi cela n’était pas recevable. Enfin la dernière
séance, celui-ci a proposé « à la petite poule rousse. »
Par conséquent, cela montre la difficulté de cette tâche qui mobilise des opérations
mentales très délicates, mais cela prouve également que la répétition et la ritualisation
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permettent d’installer et de se familiariser avec des postures de lecteurs littéraires. Le fait de
leur avoir donné ces petites habitudes, leur a certainement permis de se sentir en sécurité et
d’avoir envie de pratiquer ces exercices. Avec les petits, il s’est donc avéré qu’il fallait avoir
déjà installé des habitudes pour commencer à envisager un travail plus approfondi.
En revanche, au cycle trois, la répétition des mêmes activités a eu un effet tout autre
sur les élèves. J’évoquerai ici les séances trois, quatre et cinq. En réalité, cela dépendait des
niveaux. Les CE2 ont beaucoup apprécié de retrouver les mêmes habitudes de travail, j’ai là
encore pu observer qu’ils devenaient de plus en plus performants dans leur analyse. Quant aux
CM1, CM2, ils ont trouvé cela très contraignant et très ennuyeux. Notamment lors de la
cinquième séance, un garçon m’a dit « Je parie qu’on va encore chercher dans les illustrations
et dans le texte. » Or, cette remarque a montré les limites de ma démarche pédagogique. En
effet, cela signifiait que les enfants commençaient à se lasser, voire à se désintéresser de notre
projet. En continuant de la sorte, j’aurais pu les dégoûter de l’album et peut-être même, les
conduire à renoncer à adopter les différents rôles de lecteur. Les enfants souhaitaient qu’il y
ait une certaine nouveauté dans l’approche de ce livre. J’ai malgré tout, continué tel que je
l’avais prévu ; d’ailleurs, une fois lancés dans leur recherche, ils ont tout de même bien
apprécié. Les séances suivantes étaient différentes, je n’ai donc pas eu l’occasion de modifier
ma démarche. En revanche, je pense que si l’année prochaine, j’étudie avec ma classe cet
album, alors je veillerai à ne pas toujours proposer la même organisation. J’aurais, par
exemple, pu faire un travail de groupes et confier à chaque groupe la charge d’étudier la
relation d’un conte avec l’album. La tâche aurait été plus complexe puisqu’il aurait fallu
rechercher les références dans toute l’œuvre.
Par conséquent, j’aurais dû plus différencier les différents niveaux, car mes CM ont
bien failli ne plus concevoir l’aspect ludique de la lecture, or cela est primordial comme je
vais le montrer.
C. L’importance de la théâtralisation de la lecture
En maternelle, on insiste beaucoup sur cet aspect : il faut mettre en scène, faire de la
lecture un jeu. C’est pourquoi, je me suis employée lors de mes deux stages à développer
l’aspect ludique de la lecture. En effet, l’enjeu en grande section comme au cycle trois, est de
taille : il s’agit de donner envie dans le premier cas, d’apprendre à lire et dans le second, de
lire seul. Pour ce faire, j’ai privilégié les effets de surprise.
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Le fait d’émettre des hypothèses peut ainsi être considéré comme un jeu de devinettes
dont la règle du jeu serait plus élaborée, puisqu’il ne s’agit pas de dire n’importe quoi. Cela
permet de ménager l’attente du lecteur, de lui donner envie de connaître la suite, mais aussi de
le surprendre. Ainsi, les élèves l’ont été lorsqu’ils ont découvert que l’auteur de la lettre
adressée à Cendrillon n’était pas le prince charmant.
De même, mes élèves de cycle trois, lors de la première lecture de l’album, ont été très
étonnés de voir que ce n’était pas le loup qui attendait le petit garçon, mais uniquement sa
grand-mère. Il s’agit donc d’un jeu instauré par l’auteur avec la culture du lecteur. Dans le
deuxième cas, la réaction a été euphorique, les enfants étaient un peu vexés de s’être laissés
ainsi piéger, un garçon a d’ailleurs crié « J’en étais sûr ! », mais, ils étaient également rassurés
pour le narrateur.
En maternelle, l’album utilisé favorisait la mise en place d’effets de surprise, car les
lettres étaient dissimulées dans des enveloppes. Aller les chercher était devenu un jeu pour les
enfants, tous me demandait s’ils pouvaient la prendre. A partir de la troisième séance, les
enfants étaient visiblement très enthousiasmés à l’idée de découvrir une nouvelle lettre.
D’ailleurs, lors de la dernière séance, la mise en scène que Mme Laboureau et moi avions
imaginé a été une réussite. Ils étaient d’abord très contents d’avoir reçu à leur tour du courrier.
La découverte des objets dissimulés dans l’enveloppe les a beaucoup motivés, notamment la
feuille blanche qui les a interloqués. Ils ont dû ensuite réunir toutes les pièces du puzzle que
j’avais constitué, pour trouver ce qu’ils allaient devoir faire. Pour eux, l’écriture de la lettre
n’était plus un simple exercice, ils se sont sentis investis d’une mission. Bien sûr, il est
évident que le fait d’écrire au Père Noël est déjà très excitant pour les petits. On voit bien
l’importance d’une telle mise scène de la lecture.
De même, en cycle trois, lorsque les enfants devaient analyser le texte et les
illustrations, je leur expliquais dans ma consigne, qu’ils étaient des détectives et qu’ils étaient
à la recherche d’indices, car leur mission était de découvrir la véritable identité des
personnages. Ils ont réellement apprécié cette comparaison, ainsi lors de la dernière séance
quand je leur ai demandé ce qu’ils avaient pensé de l’album, une fille a écrit : « J’aime bien
cette histoire car j’ai bien aimé chercher les choses qui était cachées. » cf. annexe p.73.
Il apparaît donc que l’aspect ludique de la lecture est fondamental, car non seulement,
il motive les élèves mais encore, il permet de donner aux enfants les réflexes d’un lecteur
littéraire.
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D. Une culture littéraire pour une lecture littéraire
Cela fait parti de la culture littéraire des élèves que de savoir se repérer dans un album.
En effet, le paratexte constitue une première entrée dans la lecture. Il est un code que le
lecteur doit déchiffrer et interpréter, il lui délivre des informations qui seront pour lui des clés
pour sa lecture. Le titre, par exemple, est primordial, ils sont, avec la première page et la
dernière, les passages les plus riches en signification et il est important que l’enfant sache
repérer ces endroits clés du texte.
En maternelle, il est primordial d’insister sur cet aspect, car l’apprenti lecteur doit être
doté des meilleurs outils pour effectuer une lecture intelligente des textes. C’est pourquoi, j’ai
consacré ma première séance à cet effet. Or, il s’est avéré que mes élèves possédaient déjà de
très bonnes habitudes. J’ai commencé par leur lire le nom de l’auteur, en montrant avec mon
doigt ce que je lisais : « A votre avis, qu’est-ce que je viens de lire ? ». Je m’attendais alors à
assister à un petit échange entre les élèves, qui aurait permis de conclure qu’il s’agissait du
nom de « celui qui a écrit l’histoire ». Mais, un enfant m’a répondu : « c’est l’auteur ». J’ai
donc demandé aux autres de m’expliquer ce que signifiait ce mot, un élève a alors répondu ce
que j’attendais d’eux en conclusion. Ils maîtrisaient donc très bien cette notion. Je leur ai
ensuite demandé de me montrer où se trouvait le titre sur la couverture, un petit garçon a alors
déclaré : « C’est celui qui est en rouge ». En effet, le titre est présenté en gros caractères
rouges. Je me suis assurée que tous étaient d’accord avec cette proposition, c’était le cas.
En revanche, le sous-titre : Lettres à des gens célèbres a posé problème. Une petite fille a
déclaré qu’elle ne comprenait pas parce qu’il y avait deux titres. Un garçon a ensuite
remarqué que le « deuxième titre » était plus petit, un autre a ajouté qu’il se trouvait en
dessous du gros titre. Je leur ai expliqué qu’il s’agissait du sous-titre, qu’on appelait ainsi
parce qu’effectivement, il se trouvait sous le titre et qu’il servait à donner des indications
supplémentaires au lecteur. J’ai ainsi pu constater avec satisfaction, que ces enfants étaient
déjà munis de bonnes armes pour entrer dans une lecture réfléchie. Toutefois, malgré les
conditions de travail favorables dans lesquelles nous étions, je dois avouer que les enfants les
plus timides avaient toujours du mal à s’exprimer. Non seulement, les élèves loquaces avaient
tendance à vouloir monopoliser la parole, mais encore, lorsque je les interrogeais, ceux-ci
n’avaient pas toujours envie de me répondre. Il serait donc illusoire d’affirmer que tous les
élèves maîtrisaient ces notions. Ce rappel n’a donc pas été inutile.
J’ai également procédé de la sorte avec mes élèves de cycle trois. Là encore la
problématique était différente, il s’agissait de les entraîner à mobiliser les comportements
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nécessaires à une bonne entrée dans l’album. Nous avons donc travaillé sur le titre et
l’illustration de la couverture. D’ailleurs, le dispositif d’introduction à la lecture d’un album
est propre à chaque œuvre, c’est elle qui dicte l’entrée. Or ici, ce choix me paraissait en
adéquation avec elle. En effet, la première de couverture est à la fois très évocatrice et
mystérieuse. Elle sollicite la culture du lecteur, en le plongeant dans l’univers des contes. Les
enfants l’ont très bien ressenti. Voici les hypothèses qu’ils ont formulées à propos du titre:
« c’est une grande forêt, le garçon va se perdre dedans. »
« il peut rencontrer des animaux »
« on va avoir peur »
« on va avoir des émotions »
« c’est pas une histoire vraie »
Je n’avais pas encore montré l’illustration, pourtant ils avaient déjà saisi l’atmosphère
de l’album. La première proposition indique que l’enfant se situe dans l’univers des contes, il
imagine que le garçon va revivre les mêmes aventures que tous ces héros qui se sont déjà
égarés dans une forêt profonde. De même, la dernière remarque était très intéressante, j’ai
demandé à l’élève de préciser sa pensée, mais il n’a pas souhaité le faire. Là encore, il me
semble que celui-ci a convoqué sa « bibliothèque intérieure », et à la lumière de celle-ci, en a
déduit que cette forêt telle qu’elle était décrite, ressemblait très fortement à celle que l’on
trouve dans les histoires imaginaires. Les deux hypothèses relatives aux sentiments que le
lecteur va éprouver, relèvent également d’un même raisonnement, la peur est en effet très
suscitée dans les contes. Quant à la deuxième, l’enfant ne pensait pas à des animaux aux
pouvoirs surnaturels, il se projetait donc dans une histoire réaliste.
Lorsque j’ai dévoilé l’image, ceux-ci se sont montrés très fins dans leur
interprétation :
« peut-être que sa maman va lui interdire d’y aller »
« il va peut-être voir sa grand-mère et se perd »
« C’est peut-être un Chaperon, il a un panier, mais il a pas de manteau par contre »
« il fait peut-être une fugue »
Par conséquent, il était clair que l’histoire n’avait plus de mystère pour eux. Cela m’a
d’ailleurs un peu contrariée, car il n’y avait plus vraiment de suspens.
Pourtant, ce faisant, les élèves étaient devenus les « lecteurs modèles » 1de l’auteur. En
effet, ils ont su activer l’intertexte des contes avant même de lire l’album. Or telle est la
1 Eco, U. Op. cit.
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volonté de ce dernier puisque celui-ci élabore un jeu avec la culture de son lecteur. Il s’avère
que l’analyse du paratexte est essentielle pour former un lecteur actif.
E. La qualité de l’interprétation de mes élèves.
Je profite de ce que je viens de relater, pour évoquer un point qui ne fait pas réellement
parti de la problématique de ce mémoire, mais qui me semble néanmoins très important à
souligner.
Il s’agit du constat que j’ai pu faire lors de mon stage en cycle trois, à propos de la
qualité d’interprétation des élèves. Ceux-ci, comme j’ai déjà pu le montrer, ont été capables
de fournir une analyse très approfondie de cet album. Or, il serait faux de penser que cela
vient de la maturité des élèves, car les CE2 se sont révélés très perspicaces. Ainsi, lors de la
dernière séance, j’avais demandé aux enfants de réfléchir seul, puis par groupe de deux à la
signification de cette histoire. Les réponses de certains étaient très surprenantes, cf. annexes
p.72, 73, 74 :
« Je dirais que le petit garçon plonge dans les histoires que sa mamie lui raconte. Elle nous
raconte que les histoires que lui raconte sont réalité.». Par conséquent, ces deux petites filles
de CE2 ont compris que l’album était une réminiscence de tous les contes qui ont bercé notre
enfance, et très certainement celle de ce petit garçon.
De même, beaucoup d’entre eux ont répondu : « Elle me raconte plusieurs histoires en
même temps. », un autre : « C’est tous les contes réunis, c’est une forêt imaginaire où on
rencontre tous les enfants des contes». Certains ont également dégagés la morale qu’ils
tiraient de cette histoire : « Qu’il ne faut pas désobéir à ses parents car sinon il nous arrive
toutes sortes de choses. » ou « Cette histoire m’apprend que les enfants ont parfois trop peur à
cause de leur imagination. » Il a donc saisi la valeur initiatique de ce conte : le garçon apprend
à grandir en affrontant ses peurs, leçon que l’enfant lecteur pourra à son tour mettre à profit.
En revanche d’autres m’ont répondu ceci : « Elle nous a appris que quand le petit
garçon ne retrouve pas son papa il était inquiet. Le petit a désobéi à sa mère il passe par la
forêt pour aller apporter un gâteau à sa grand-mère». Cette fille n’a pas compris la question,
or elle n’était pas la seule dans le cas, ce qui m’a amené à réfléchir sur la pertinence de ma
question : « Que nous raconte vraiment cette histoire ? » Ces enfants ont pris le verbe raconter
au sens propre, ce qui explique leur réponse. J’aurais pu peut-être demander : « A quoi cette
histoire vous fait-elle réfléchir ? ».
- 47 -
Par conséquent, il ne faut pas sous-estimer les jeunes enfants, ils s’avèrent qu’ils sont
capables de fournir des interprétations très fines.
C’est pourquoi je regrette de n’avoir pu mener ce travail en maternelle. En effet,
l’album ne se prêtait pas à cela. Celui-ci n’a pas une dimension symbolique, outre celle
d’apprendre aux enfants à mobiliser leur culture. Dans le cadre d’un projet à long terme, il
aurait été indispensable d’étudier, un peu plus tard dans l’année, une autre œuvre dont
l’intertexte serait au service de la compréhension et de l’interprétation de l’album. Je pense
notamment à Chien Bleu 1de Nadja.
F. A propos de l’aspect esthétique de l’intertextualité
Dans la première partie, j’ai expliqué que celle-ci conférait un sentiment de
fragmentation, de collage. Ce qui est le cas pour l’album Dans la forêt profonde, notamment
page 16, où plusieurs contes sont évoqués, ce qui donne une impression d’accumulation
d’objets hétéroclites. Or l’inventaire poétique que j’ai fait produire aux enfants, suite à
l’analyse de cette page, était en adéquation avec cet aspect. Ils ont été grâce à cela très
inspirés et leurs productions sont d’excellente qualité, comme en témoignent celles que j’ai
citées en annexe, p.67, 68, 69 .
Par conséquent, l’étude de l’intertextualité aide à nourrir l’inspiration poétique des
enfants et à donner à leurs écrits, le même caractère que l’on attribue à cette relation :
l’incohérence dans la cohérence car malgré tout, on reste toujours dans le même univers des
contes.
G. Le rôle des interactions dans l’étude de l’intertextualité
Lors de mes deux stages, j’ai été également très sensible à cette particularité. Au cycle
trois, les interactions étaient d’autant plus intéressantes, en raison du caractère hétérogène de
cette classe. En effet, j’ai pu mener certaines séances avec la classe entière : 1, 3, 5, et il s’est
avéré qu’elles étaient bien plus réussies que les autres. J’ai ainsi pu constater que les enfants
avaient une culture et des savoir-faire différents face au texte, or très souvent ils coïncidaient
avec leur niveau.
1 Nadja. Chien Bleu, éd. l’école des loisirs
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Les CE2 avaient une meilleure connaissance des contes, ils se rappelaient très bien de
ceux-ci. Par exemple, lorsque j’ai relu Hansel et Gretel, il s’est avéré qu’ils s’en souvenaient
bien mieux que les autres : un petit garçon se rappelait ainsi de l’intervention du cygne à la fin
du conte.
Quant aux CM, ils disposaient d’une bien meilleure capacité à mettre en relation le
texte avec son intertexte. Ils étaient plus entraînés, ils n’avaient aucun mal à identifier les
objets qu’ils avaient repérés dans les illustrations. En revanche, lorsque je passais voir les
groupes de CE2, je devais toujours leur rappeler qu’ils ne devaient pas se contenter de
rapporter ce qu’ils avaient vu, mais toujours écrire à côté, ce à quoi ce qu’ils venaient de
noter, leur faisait penser.
Ces connaissances complémentaires rendaient les mises en commun très
enrichissantes pour les élèves et me permettaient d’être assez retirée des débats, je ne faisais
office que de guide. Ainsi, lors de l’étude de la page 16, les compétences des uns et des autres
ont été mises à contribution et ont permis d’identifier tous les contes. On peut, par exemple,
apercevoir dans l’image une tour, à la fenêtre de laquelle pend une longue natte. Les CE2
pensaient qu’il s’agissait d’une corde, qui avait servi à évader une quelconque princesse.
Certains CM avaient quant à eux identifié le conte, mais ne se rappelaient plus de son titre.
Lors de la mise en commun, les CE2 ont proposé leur idée, les autres leur ont exposé la leur,
en racontant ce dont ils se rappelaient de l’histoire. Alors, deux petites filles de CE2, se sont
écriées « C’est Raiponce ». Lorsque les élèves ont une culture très hétérogène, les échanges
sont donc réellement très intéressants. Je n’ai pas eu à leur imposer la réponse, elle a été
acceptée sans aucune contestation ; ce qui m’amène à évoquer le rôle de l’enseignant.
H. Le rôle de l’enseignant lors de la mise en œuvre d’une étude
intertextuelle
La posture de l’enseignant n’est pas la même en maternelle, qu’en cycle trois. En
maternelle après s’être assuré que la relation intertextuelle pouvait être identifiée des enfants,
il doit les solliciter, les inciter à rechercher, éveiller leur curiosité. Sans quoi, ceux-ci ne la
repéreront pas. C’est le maître qui pose les questions. Par exemple, lors de l’étude de la
première lettre, je leur demandais toujours de m’expliquer les références : « Pourquoi… ? ».
Il s’agissait de les aider à adopter une attitude nouvelle face au texte. C’est pourquoi, je ne
laissais guère de liberté aux enfants, puis peu à peu, ils se sont appropriés ces habitudes et ont
pu ainsi acquérir un peu d’autonomie.
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En revanche, en cycle trois, je n’ai pas agis de la sorte. En aucun cas, je n’ai eu besoin
de solliciter les enfants, j’aurais préféré d’ailleurs qu’ils soient plus discrets. En effet, lors de
la première lecture, j’avais décidé de m’arrêter à certains passages clés de l’œuvre. Quant aux
pages qui devaient faire l’objet d’une étude plus approfondie, je voulais seulement éveiller la
curiosité des enfants, sans les commenter. Pourtant les enfants étaient tellement
enthousiasmés qu’ils ne pouvaient s’empêcher de partager leurs impressions, ils ont tout de
suite identifié Boucle d’Or. Je leur ai ensuite demandé de se taire pour ne pas influencer les
autres, ce qui est assez absurde puisque l’objectif de ma séquence était de maîtriser cette
capacité à mettre en relation. Lors des interactions et des phases de recherche, j’ai joué un rôle
de guide. Par exemple, lorsque les enfants émettaient des hypothèses, ils n’avaient pas
toujours compris qu’il s’agissait de suppositions et non d’affirmations, je leur posais des
questions pour les faire douter. En somme, je les ai conduits à être plus rigoureux dans leurs
raisonnements. Je les obligeais ainsi à toujours justifier leurs propos avec le texte ou les
illustrations.
Cette exigence m’a d’ailleurs permis de remédier aux difficultés que j’ai pu rencontrer
lors des mises en commun des phases de recherche des séances : 3, 4, 5. J’avais demandé aux
groupes d’enfants de repérer dans le texte et les illustrations des indices. Or, certains avaient
cru voir dans les illustrations des choses étranges, ils ont, par exemple, observé à propos de
Boucle d’Or, des têtes étranges dans les arbres, un serpent, une tête de crocodile. Les
propositions farfelues des uns amusaient beaucoup les autres qui voulaient à leur tour les voir,
parfois, certains n’étaient pas d’accord, ce qui déclenchait des discussions houleuses. Nous
avons perdu beaucoup de temps. En réalité, ces élèves avaient franchi les limites de
l’interprétation dont j’ai déjà parlé. Pour remédier à cela, je leur ai demandé de justifier leurs
hypothèses : « A quel conte cette tête de crocodile vous fait-elle penser ? ». Comme ils étaient
incapables de répondre, j’ai pu ramener le calme dans ma classe.
Par conséquent, il s’avère qu’en maternelle et en cycle trois, je n’ai pas adopté la
même position face aux enfants. Toutefois, dans tous les cas, la nécessité de rester très
mystérieuse et interrogative a été nécessaire, sans quoi, les enfants auraient été une fois de
plus des lecteurs passifs, à qui l’on donne tous les éléments pour comprendre l’histoire.
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I. Les difficultés que j’ai rencontrées lors de la mise en place d’une
telle relation
Outre ceux que je viens d’évoquer, j’ai été également confrontée à d’autres problèmes
qu’il ne m’a pas toujours été facile de résoudre.
1. Lorsque la culture des élèves n’est pas clairement définie
J’ai pu constater qu’il était difficile de mener un travail sur l’intertextualité, lorsque
l’on ne connaît pas avec précision la culture de ses élèves. Il y a en effet deux écueils à éviter :
soit l’intertexte n’était pas maîtrisé, soit il l’était parfaitement bien, dans les deux cas, l’étude
devient ennuyeuse et sans grand intérêt pour les enfants.
J’ai été confrontée au premier cas lors de mon premier stage, à propos de la lettre à
Cendrillon. Les élèves connaissaient bien le conte, mais ne disposaient pas de la culture
nécessaire pour comprendre la démarche des Presses Petits Pas.
Quant au deuxième, c’est dans ma classe de cycle trois que j’en ai fait l’expérience,
certains connaissaient très bien les contes et repéraient donc les indices très rapidement, ils
devaient alors attendre les autres, ce qui les lassaient.
De même, je pensais que le conte Jack et le haricot magique, était inconnu des
enfants, car il ne s’agit pas d’un conte français, et il est moins étudié dans les classes. Je
souhaitais ainsi véritablement mettre l’accent sur la compétence de recherche et de mise en
relation. Ils auraient dû dans un premier temps, faire une analyse fine des illustrations pour
recueillir le maximum d’indices, puis en B.C.D., je leur aurais proposé cinq ou six contes dont
Jack et le haricot magique, présentant les mêmes caractéristiques que ce conte. Cela aurait
permis à la fois d’enrichir la mémoire des textes des élèves et d’exercer leur aptitude à mettre
en relation. Pourtant, je n’ai pu le mener à bien, car une petite fille a dévoilé l’identité de ce
personnage. Je pense que cette erreur est due à une mauvaise connaissance des enfants. Si
j’avais eu cette classe à l’année, je n’aurais certainement pas eu cette surprise. Par conséquent,
ce travail n’avait plus raison d’être, car il aurait été dépourvu de motivation.
Cela m’amène à dire que l’intertextualité nécessite un dosage très minutieux entre la
culture nécessaire à la compréhension d’un texte et celle que l’on n’a pas encore.
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2. Le danger de l’exclusion
Dans la première partie, j’ai évoqué la question de la connivence culturelle et celle de
l’exclusion. Or, j’ai pu faire l’expérience de celle-ci lors de mon deuxième stage. En effet,
certains connaissaient très bien tous les contes auxquels l’album fait allusion, c’était le cas des
CE2 notamment, d’autres en avaient une connaissance partielle, et enfin les enfants de culture
étrangère ne les connaissaient pas du tout. Par conséquent, ces derniers étaient en retrait, ils
écoutaient, mais ne pouvaient pas participer aux débats.
De même, lorsque je lisais le texte source, cette hétérogénéité posait problème, car les
enfants ne se situaient pas dans la même posture face au texte : les uns le redécouvraient, alors
que les autres le découvraient seulement. Aussi, les premiers ne pouvaient-ils s’empêcher de
faire des commentaires, d’anticiper la suite, de raconter parfois même la fin. Cela irritait
beaucoup les autres qui étaient pris dans l’illusion référentielle et qui n’aimaient pas que ma
lecture soit interrompue. A chaque fois, je leur expliquais, en vain, que je les comprenais,
mais par respect pour leurs camarades, ils devaient se taire. Il était donc très difficile de
concilier ces deux désirs.
En guise de remédiation, je pense qu’il aurait été nécessaire de proposer aux enfants
deux lectures : une pour ceux qui connaissaient déjà le conte, ils auraient pu alors commenter
les passages à leur guise et une lecture découverte, au cours de laquelle, j’aurais mis en valeur
le suspens de l’histoire.
3. Une mise en place laborieuse de l’aptitude à mettre en relation
La première séance en maternelle a été assez difficile. Lors de l’étude de la couverture,
suite à l’explication du titre et du sous titre, j’ai conduit les élèves à émettre des hypothèses
sur les éventuels destinataires des lettres.
Voici ce que m’ont proposé les enfants :
« Ah, ya une vache avec une lettre, il va écrire à une vache. »
« Ya aussi une araignée, il va écrire à une araignée. »
« Et pis à une abeille »
« à un chat avec des bottes »
« une mamie »
« un cochon »
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Tout d’abord, il est à noter la confusion à propos du facteur. En effet, ces formulations
montraient que les élèves pensaient que c’était le facteur qui était l’auteur des lettres. Pour
remédier à cela, j’ai préféré attendre la lecture de la première lettre, pour les confronter à leurs
représentations, sans quoi cela aurait été trop abstrait pour de si jeunes enfants.
Ils ont ainsi désigné tous les personnages dessinés sur la couverture qui tenaient une
lettre ou une enveloppe. Pour émettre leurs hypothèses, ils se sont donc appuyés sur
l’illustration. Ceux-ci n’ont pas fait la relation entre les personnages dessinés et le sous-titre :
Lettres à des gens célèbres. Ils ont pourtant beaucoup insisté sur le chat qui avait des bottes,
trouvant cela très drôle, mais ils n’ont pas fait de rapprochement avec le conte le Chat Botté .
Je me suis dit que cela était peut-être dû au fait qu’ils ne le connaissaient tout simplement pas.
Néanmoins, je savais qu’il n’en était pas de même pour Boucle d’Or. C’est pourquoi,
lorsque les élèves ont déclaré : « il va écrire à une maman et à un papa ours ». Je leur ai
demandé de me rappeler le sous-titre de l’album, ainsi que ce que nous avions dit à propos du
mot « célèbre ». Je les ai ensuite incité à mettre en relation le sous-titre avec les personnages
dessinés. Ils ont compris que ces personnages devaient être célèbres. Ce qui m’a amené à leur
demander pourquoi à leur avis, cette famille ours était célèbre. Un garçon a ainsi supposé
qu’ils l’étaient grâce à la télévision, un autre a alors proposé : « ou dans un livre ». Je suis
alors intervenue : « Connaissez- vous une histoire avec des ours ? » Un autre garçon s’est
empressé de répondre : « Boucle d’Or !».
Les enfants ont finalement réussi à mettre en relation ces personnages avec leur
culture. Il m’a fallu être très patiente, rebondir sur leurs remarques et saisir le moment
opportun pour les amener à effectuer cette opération complexe. J’ai voulu faire de même avec
les personnages de la grand-mère et du cochon. Mais les enfants n’ont pas réussi à faire le
rapprochement avec les contes du Petit Chaperon Rouge et des Trois Petits Cochons. En
effet, ils commençaient à s’agiter et ne voulaient plus chercher, ils souhaitaient découvrir
l’histoire. Par conséquent, il était inutile d’insister.
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J. Bilan de ma pratique
Mon plus grand regret reste de n’avoir pu mener de projets d’écriture qui soient en
parfaite adéquation avec mes projets de lecture. Néanmoins, comme je l’ai dit, ils n’auraient
pu être réalisés que dans un projet à long terme.
En ce qui concerne le choix de l’album, il me semble qu’il est également nécessaire de
prendre en considération le niveau des élèves. Ainsi, une meilleure connaissance de la culture
littéraire de mes enfants m’aurait permis de ne pas être déçue, comme cela a pu être le cas,
lors de l’étude de la page faisant allusion à Jack et le haricot magique. En effet, l’objectif de
cette séquence était d’enrichir la culture des élèves, leur mémoire des textes et les postures de
lecteur. Or, il s’avère que je n’ai rempli que la deuxième partie de ce contrat, car les contes
que j’ai relus, étaient pour la plupart connus d’eux, il s’agissait plutôt d’un rappel.
Au contraire, en maternelle, l’album a permis aux enfants de connaître d’autres
histoires. Quant aux comportements à adopter face aux textes, il apparaît que mon
intervention a permis de les initier à une telle attitude. Là encore, il aurait fallu envisager ce
travail sur une longue période, afin que celle-ci devienne un véritable réflexe.
Enfin, les deux projets que j’ai mis en place ont été très bien accueillis par les élèves, ils ont
beaucoup apprécié les albums. Lors de la dernière séance, lorsque je leur ai demandé ce qu’ils
avaient pensé de l’album, aussi bien en maternelle qu’en cycle trois, tous m’ont dit avoir
beaucoup aimé. D’ailleurs, j’avais exposé les œuvres, ainsi que les contes étudiés dans le coin
lecture afin qu’ils puissent les feuilleter quand ils le voudraient, tous ces livres étaient toujours
très convoités. De plus, lorsqu’ils savaient qu’ils allaient faire de la littérature, les cycles trois
étaient toujours très enthousiastes. Dès qu’ils disposaient de temps libre, ils s’amusaient à
chercher des indices dans les illustrations et m’appelaient toujours pour me montrer leurs
découvertes. Le dernier jour, ils m’ont même demandé où ils pouvaient se procurer l’album.
Cela a été pour moi, la plus belle des récompenses, car il m’a alors semblé avoir atteint
l’objectif essentiel de la littérature : donner le goût de la lecture.
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ar conséquent, cette étude s’est avérée très enrichissante. En effet, j’ai pu me rendre
compte des difficultés que la mise en place de mon projet pouvait engendrer. D’autre
part, j’ai également pu constater, que la plupart des problèmes auxquels j’ai été
confrontée, étaient dus à mon inexpérience ; d’où l’intérêt de cette année de formation.
Elle m’a permis de prendre conscience de certaines nécessités : tenir compte du niveau et de
la culture de ses élèves et, si besoin est, veiller à didactiser les supports.
De plus, j’ai réellement pu réaliser l’ampleur de l’enjeu d’un tel projet. En maternelle, il faut
donner envie aux élèves d’apprendre à lire et au cycle trois, de devenir « un lecteur assidu ».
Il ne s’agit pas d’une lecture linéaire, passive et sans grand intérêt, mais elle doit reposer sur
le postulat d’un lecteur capable d’incarner différentes postures.
Cela n’a pas toujours été facile à mettre en place, les élèves n’étaient pas toujours motivés,
notamment en maternelle, mais j’ai été par la suite, heureuse de constater que ce n’était que
temporaire. Ils avaient eu besoin de se sentir rassurés par la mise en place de rituels.
Enfin, l’aspect le plus important que je retiens de ces stages, reste le côté ludique de la lecture
littéraire. Comme je l’ai dit, les élèves ont beaucoup aimé l’analyse des albums. A mon tour,
j’avoue que j’ai pris beaucoup de plaisir à les y conduire. Nous avons travaillé dans la bonne
humeur, ce qui a également permis, me semble t-il, aux élèves d’avoir envie d’approfondir
toujours un peu plus leur analyse. En effet, j’étais très ouverte à leurs propositions et les
autorisais à s’exprimer librement, sans pour autant les laisser enfreindre les limites de
l’interprétation.
Toutes ces considérations m’ont donné envie de continuer à explorer cette problématique.
J’espère pouvoir le faire dans ma classe, l’année prochaine. Je souhaiterais cette fois mener un
projet de lecture et d’écriture sur l’intertextualité. Selon moi, donner le goût de lire aux
enfants reste une priorité.
P
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Bibliographie Cours de M. Daniel Claustre dans le cadre d’un module de « didactique de la littérature ».
DEVANNE, B. Lire et écrire, des apprentissages culturels, cycle des apprentissages premiers
et fondamentaux, éd. Armand Colin, 1992.
Document d’application Littérature, CNDP, 2002
DUPART, H Entrer dans la littérature à l’école, éd. de la Chronique Sociale.
ECO, U. Apostille au nom de la Rose, collection Le livre de Poche, Biblio Essais, éd. Grasset
« Les Actes de la DESCO » La lecture et la culture littéraires au cycle des
approfondissements, CRDP, Académie de Versailles.
PIEGAY-GROS, N. Introduction à l’intertextualité, éd. Dunod
Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002
Qu’apprend-on à l’école maternelle ? CNDP, 2002
TAUVERON, C. Lire la littérature à l’école, Pourquoi et comment conduire cet
apprentissage spécifique ? Ed. Hâtier.
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Sommaire des annexes :
Annexe p. 58 : Lettre de Hansel et Gretel à la sorcière
Annexe p. 59 : Lettre de l’avocat M. Mathieu au loup.
Annexes p. 60, 61, 62, 63 : Emissions d’hypothèses : qui sera le destinataire de la
prochaine lettre ?
Annexe p. 64 : Lettre des enfants de grande section, écrite en dictée à l’adulte, au Père Noël
Annexe p. 65 : « Dans l’armoire aux enfants » de Paul Eluard.
Annexes p. 66, 67, 68,69 : Inventaire poétique des élèves de cycle trois.
Annexes p.70, 71 : La maison de pain d’épices, telle que les enfants se l’imaginaient.
Annexes p. 72, 73, 74: Ecrits de travail servant de support pour le débat de la dernière séance en cycle trois. Les questions auxquelles les enfants devaient répondre dans ces annexes étaient les suivantes :
1) Décris cette forêt. 2) Que nous raconte cette histoire ? 3) Qu’as-tu pensé de cette histoire ?
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Madame la sorcière,
Nous savons que vous n’avez pas brûlé dans le four grâce à vos pouvoirs magiques. Donc, nous écrivons cette lettre pour vous dire que notre papa a été très en colère d’apprendre que vous avez essayé de nous manger.
Mais comme nous lui avons donné tout votre trésor, il a dit qu’il ne vous ferait rien. Car maintenant que vous êtes ruinée, vous ne pouvez
plus rien acheter pour fabriquer vos potions diaboliques. Mais gare à vous, si vous essayez encore une fois d’attraper ou de manger de pauvres
enfants égarés !!!
Hansel et Gretel
P. S : Embrassez bien le cygne blanc de notre part.
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Monsieur Loup,
Je me présente, je suis l’avocat de mademoiselle Chaperon Rouge.
Elle m’a chargé de vous dire que vous devez lui rendre les vêtements
de sa grand-mère que vous avez volés, et quitter sa maison au plus
vite !
Sinon, nous serions obligés de prévenir les gendarmes.
De plus, je dois vous dire que les Trois Petits Cochons ont décidé eux
aussi de porter plainte contre vous. N’approchez plus de leur maison,
sinon les gendarmes vous mettront en prison.
M. Mathieu, avocat du Petit Chaperon Rouge et des Trois Petits
Cochons.
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Dans l’armoire aux enfants, il y a des lumières enchantées, un pistolet chargé qui inspire la terreur, une fontaine transparente, un bassin de pierre dont le trop-plein s’épand sur un lit d’opales, un chasseur sans souliers, une fille sans cheveux, un bateau sur la mer et le marinier chante, un cheval
damassé, un théâtre ambulant, un grillon, des plumes blanches tombées du nid des tourterelles, de petits paniers creusés en coeur et plein de crème rose, une guitare qui fait des étincelles
et une robe qui restera toujours neuve.
Paul Eluard.
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